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La séance est ouverte. Nous reprenons. En fait, nous recommençons en neuf avec la 106
e séance.
Bienvenue à tous. Nous sommes ici pour poursuivre notre étude sur les boissons prémélangées.
Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins. Nous en avons plusieurs, aujourd'hui. Nous en avons quatre par vidéoconférence, ce qui n'est jamais arrivé avant. Je suggère donc à tout le monde de nommer la personne à laquelle votre question s'adresse.
Premièrement, nous allons entendre les déclarations liminaires, que nous allons limiter à cinq minutes chacune. Je vais énumérer nos invités.
Par vidéoconférence, de l'Institut canadien de recherche en toxicomanie, nous avons MM. Tim Stockwell et Adam Sherk, ce dernier étant candidat au doctorat. Aussi par vidéoconférence, de l'Association pour la santé publique du Québec, nous entendrons Lucie Granger, directrice générale, et Yves Jalbert, spécialiste de contenu. De l'Association canadienne des boissons, nous avons sur place le président, Jim Goetz. Du Centre antipoison du Québec, par vidéoconférence, nous avons la Dre Maude St-Onge. Aussi par vidéoconférence, nous entendrons le représentant de l'Institut national de santé publique du Québec, le Dr Réal Morin, médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive et vice-président aux affaires scientifiques, ainsi que Manon Niquette, consultante et professeure titulaire au Département d'information et de communication. Enfin, de l'Association canadienne de santé publique, nous recevons Frank Welsh, directeur de la politique.
Chaque groupe a cinq minutes pour faire sa déclaration liminaire.
Nous allons commencer par l'Institut canadien de recherche en toxicomanie. Nous vous écoutons, monsieur Stockwell.
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Je vous remercie de l'occasion que vous nous donnez.
Je vais commencer par vous dire que nous sommes un institut de recherche indépendant qui se spécialise dans les travaux sur l'alcoolisme et autres toxicomanies; nous mesurons les méfaits et évaluons les interventions visant à réduire et à prévenir les méfaits. Nous ne recevons pas de fonds de la part de groupes d'intérêt commerciaux.
Nous travaillons entre autres avec le Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances, à Ottawa, à l'établissement d'une vue d'ensemble nationale des méfaits de l'alcool comparé à d'autres drogues. Vous n'aurez pas vu ces données avant. Personne ne les a vues. Ce rapport sera rendu public le mois prochain. Il porte sur les coûts économiques de l'abus de substances au Canada.
Nous vous montrons des comparaisons des décès causés par l'alcool et par le tabac, ainsi que les décès, les hospitalisations et les années de vie productive perdues à cause de la consommation de tous les autres psychotropes, comme les opioïdes, le cannabis et la cocaïne. La dernière année pour laquelle des données ont été compilées est 2015. Nous avons environ 15 000 décès attribuables à l'alcool, par comparaison avec quelque 48 000 décès causés par le tabac, et environ 5 000 décès causés globalement par toutes les autres substances. Les hospitalisations attribuables à l'alcool se situent près de 90 000, par comparaison à presque 140 000 hospitalisations causées par le tabac et à presque 20 000 hospitalisations causées par les autres substances.
Parce que l'alcool fait du tort aux gens et les tue à un bien plus jeune âge que le tabac, il est la principale cause de la perte d'années de vie productive, ce qui se traduit par une énorme perte de productivité au Canada chaque année.
Les méfaits augmentent. J'ai choisi deux indicateurs pertinents à l'un des événements qui ont déclenché cette étude, la mort tragique d'une jeune fille. J'aurais pu choisir presque n'importe quel indicateur, mais les décès par intoxication alcoolique augmentent depuis quelques années, tout comme les hospitalisations.
Je vais poursuivre, car le temps passe si vite.
Ce que nous voulons souligner principalement, c'est que le sucre que les boissons contiennent encourage des gens à boire, mais que l'alcool ne peut pas avoir bon goût, en particulier pour un jeune. La caféine dans une boisson fait en sorte que les gens continuent de boire plus longtemps, qu'ils restent éveillés et qu'ils risquent davantage de prendre des risques, mais c'est l'alcool qui est la cause du mal.
Nous avons un certain nombre de recommandations — 10 recommandations très précises — qui se fondent sur des données probantes et se concentrent sur ce que les décideurs doivent faire en ce qui concerne l'alcool que ces boissons contiennent.
La première recommandation est essentiellement de limiter la teneur en sucre et en caféine. Limiter la teneur en alcool est absolument essentiel. En ce qui concerne les contenants uniques, il ne suffit pas de limiter le format où la teneur en alcool. Il faut faire les deux en même temps. La façon la plus efficace est de limiter le nombre de consommations standard qu'ils contiennent.
Une consommation standard — je suis sûr que vous le savez maintenant — est une canette ordinaire de bière à 5 %, un verre de vin ou une mesure de spiritueux. La teneur en alcool est à peu près la même. Nous recommandons de ne pas permettre plus de 1,5 consommation standard par contenant.
Il y a plusieurs recommandations sur l'étiquetage que nous n'avons pas le temps de discuter en détail.
Les étiquettes de mise en garde sont à l'essai au Yukon, en ce moment. Vous savez peut-être que l'étiquette de mise en garde concernant les risques de cancer a été abandonnée sous la pression des groupes de l'industrie de l'alcool au Canada. Nous n'avons pas le temps de parler de cela. Nous recommandons d'indiquer sur l'étiquette le nombre de consommations standard et le nombre de consommations recommandé par jour.
Je veux en particulier parler des taxes d'accise.
La diapositive suivante montre que nous recommandons un changement de dénomination.
C'est l'aspect sur lequel je veux vraiment me concentrer. Cette diapositive est absolument cruciale. On y voit les taux des taxes d'accise par consommation standard.
Les boissons dont la teneur se situe entre 3 % et 10 % — j'ai établi cela à 12 %, mais vous comprenez — sont les boissons prémélangées, les panachés, ou ce qu'on appelle communément les coolers. Ces boissons sont à base de vin, de malt ou de spiritueux.
Dans chaque cas, jusqu'à 7 % de toute façon, on voit que la taxe d'accise par boisson diminue avec l'augmentation de la teneur en alcool des boissons. On constate que cela encourage manifestement les fabricants à faire des produits plus forts, les détaillants à en faire la promotion et les consommateurs à acheter des boissons fortes et peu coûteuses. C'est un stimulant aux effets très pervers.
Pour les boissons dont la teneur dépasse 7 %, le taux ne bouge plus. Cependant, pour les boissons à base de malt, vous voyez que le taux continue de baisser. Pour un panaché à base de malt dont la teneur en alcool est de 10 %, la taxe d'accise par consommation standard correspond au tiers de celle de la boisson à base de spiritueux et à la moitié environ de celle de la boisson à base de vin.
Notre recommandation est essentiellement d'imposer le même taux pour tous, de sorte que l'on n'encourage pas la fabrication, la promotion et la vente de boissons à forte teneur en alcool. Nos taxes d'accise ont créé les conditions favorables à la vente d'un produit très sucré ayant une teneur en alcool de 11,9 %, le FCKDUP — pardonnez-moi de l'appeler par son nom — à très bas prix. La taxe d'accise ne fonctionne pas et ne dissuade pas les consommateurs d'acheter ces boissons ou les fabricants, de les produire.
Nous recommandons d'imposer dans tous les cas une taxe d'accise de 25 cents par consommation standard. Cela s'appliquerait, peu importe la teneur en alcool, et cela encouragerait les gens de façon constante à choisir les boissons ayant une plus faible teneur en alcool et présentant moins de risques.
Cela m'amène à notre dernière recommandation. Vous savez peut-être que la semaine passée, après une bataille juridique qui a duré six ans et qui s'est déroulée dans des tribunaux européens, britanniques et écossais, l'Écosse a pu imposer un prix unitaire minimum. C'est un prix minimum pour l'alcool, par consommation standard. L'idée leur est venue du Canada, et ils ont utilisé une grande partie de nos recherches pour déterminer que les prix minimums ont un fort effet sur les méfaits liés à l'alcool. Nous avons montré, en Colombie-Britannique, qu'une augmentation de 10 % du prix minimum se traduit par une baisse importante des hospitalisations et des décès causés par l'alcool. Cela a en fait entraîné une diminution des crimes également. Nous avons une recommandation précise concernant une consommation standard minimum à l'échelle nationale, et je pourrais vous en dire plus à ce sujet.
Je sais que vous pensez que tout cela concerne les provinces et les territoires, mais il n'y a absolument aucune raison de ne pas suivre l'exemple de l'Écosse. L'Australie envisage aussi cela. La République d'Irlande l'envisage, de même que d'autres pays d'Europe. Le Canada pourrait tirer des leçons de l'expérience écossaise et fixer un prix minimum national. C'est l'une des seules stratégies les plus fondées sur des données probantes que nous ayons pour réduire la consommation à haut risque.
Je vais maintenant vous faire un résumé. Les dommages causés par l'alcool au Canada sont considérables, et ils augmentent. Ils dépassent largement les méfaits associés à toutes les drogues actuellement illicites, et ce, à tous les égards. Les méfaits sont principalement dus à l'éthanol. Il existe des stratégies réalisables et fondées sur des données probantes à appliquer au problème particulier des boissons très sucrées et très alcoolisées, ainsi qu'aux méfaits liés à l'alcool en général.
J'espère fermement que vous vous pencherez sérieusement sur ces recommandations. Je serai ravi de vous fournir d'autres données et renseignements si vous le souhaitez.
Merci.
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Honorables membres du Comité permanent de la santé, bonjour.
Nous tenons d'abord à vous remercier de votre invitation, et nous profitons de l'occasion pour saluer la volonté du gouvernement canadien de mieux encadrer les boissons ayant une combinaison d'alcool à teneur élevée, de caféine et de sucre.
Aujourd'hui, les yeux des Canadiennes et des Canadiens se tournent vers vous pour que vous assuriez un encadrement efficace et sécuritaire, afin de protéger nos adolescents et nos jeunes adultes, et ainsi prévenir la consommation abusive d'alcool qui peut entraîner le coma éthylique et causer le décès, comme ce fut malheureusement le cas de la jeune Athéna Gervais. Le marché québécois, en particulier, est envahi par ces boissons sucrées à forte teneur en alcool.
L'Association pour la santé publique du Québec, l'ASPQ, considère que la santé durable est un droit collectif, un actif économique et social, qui implique une responsabilité à la fois individuelle et collective.
En raison de son rôle, l'État a un impact direct sur la santé de la population. Il doit prioritairement agir en amont de la prestation des soins de santé. Animée par cette vision, l'ASPQ souhaite que, grâce à vos recommandations dans le dossier actuel, le Canada adopte et mette en oeuvre, conjointement avec les provinces et les territoires, une stratégie nationale sur l'alcool, de façon à agir de manière préventive.
Je rappellerai brièvement certains faits. Comme cela a été dit il y a quelques minutes, l'alcool, tout comme le tabac et le cannabis, est une substance psychoactive. Depuis 1988, l'alcool est classé parmi les substances cancérigènes par le centre international de recherches sur la santé. Des études scientifiques démontrent que le risque de cancer augmente avec la consommation moyenne d'un verre par jour. Cette augmentation du risque est proportionnelle à la quantité d'alcool consommée. Ainsi, toute consommation régulière d'alcool, même faible, présente des risques.
Les jeunes sont plus vulnérables aux effets de l'alcool que les adultes et ils risquent davantage de subir des dommages physiques importants. Leur poids étant moins élevé, le taux d'alcool dans le sang augmente plus vite. À leur âge, l'enzyme responsable de l'élimination de l'alcool n'est pas encore produite en quantité suffisante. Leur corps est en plein développement. Le sucre et le gaz carbonique accélèrent le passage de l'alcool dans le sang et les jeunes se retrouvent ainsi plus vite en état d'ébriété. Deux heures après avoir consommé une seule de ces cannettes, soit l'équivalent de quatre consommations, un jeune adulte peut avoir un taux d'alcoolémie supérieur à la limite légale, et la consommation de deux cannettes peut le mettre à fort risque d'intoxication.
Le succès de ces boissons repose sur les éléments suivants: le goût fruité, l'emballage design très tendance et les stratégies spécifiques de marketing et de publicité. Ces boissons se destinent particulièrement aux jeunes, qui prennent l'habitude de consommer de l'alcool à un plus jeune âge. Le fabricant de FCKDUP ajoute sur son site Web: « Mettre du guarana dans un nectar de raisin à 11,9%, c'est comme booster son char sport avec de la nitro. Si tu veux passer de zéro à party en quelques gorgées, bois le mauve. » Il utilise ainsi un type de marketing qui cible les jeunes de façon redoutablement efficace en leur vendant un style de vie. Il incite à la consommation abusive d'alcool, et cela s'avère extrêmement dangereux.
Afin de réduire les risques pour la santé, l'Association recommande ce qui suit. Pour restreindre la quantité d'alcool, le format des cannettes ne devrait pas contenir plus de l'équivalent d'un verre d'alcool standard. De plus, elle recommande de fixer un prix minimum ajusté selon la concentration en alcool pour éviter la vente d'alcool à trop bas prix, et d'augmenter automatiquement les taxes d'accise.
Pour ce qui est du marketing, elle recommande de proscrire l'autoréglementation — les mesures volontaires de l'industrie de l'alcool sont inefficaces et présentent des failles importantes. Elle recommande d'interdire l'utilisation d'ingrédients aromatisants contenant naturellement de la caféine, puisqu'ils créent une apparence trompeuse — l'industrie utilise l'ajout de ces ingrédients comme stratégie de marketing. Elle recommande d'appliquer de manière rigoureuse le Règlement sur la promotion, la publicité et les programmes éducatifs en matière de boissons alcooliques, tout en reconnaissant que tous les messages publiés dans les pages et les comptes commerciaux des médias sociaux sont du contenu publicitaire.
Relativement à l'ajout de sucre et d'édulcorant, elle recommande de réduire l'apport en sucre de 11 % à 5 % dans ces boissons, afin que le goût de l'alcool ne soit pas masqué. Elle recommande aussi d'obliger l'affichage nutritionnel, parce qu'il s'agit d'un aliment.
Enfin, le Canada, les provinces et les territoires tireront avantage du fait d'exercer une surveillance sur les comportements liés à la consommation d'alcool, notamment en ce qui a trait à la fréquentation des urgences, à l'automédication, à la combinaison avec d'autres substances psychoactives ou des médicaments, et ainsi de suite. L'Association rappelle, en conclusion, l'importance d'adopter et de mettre en oeuvre, conjointement avec les provinces et les territoires, une stratégie nationale sur l'alcool cohérente pour protéger l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup de m'avoir invité à vous présenter un exposé au nom de l'Association canadienne des boissons.
Nous sommes la voix nationale de l'industrie des boissons et nous représentons plus de 60 marques, la majorité étant des producteurs de boissons non alcoolisées et de boissons non laitières au Canada. Cela englobe de nombreuses sociétés qui produisent des boissons énergisantes, lesquelles sont vendues partout dans le monde depuis plus de 30 ans. Ces boissons se trouvent maintenant dans 175 pays, dont tous les États membres de l'UE, les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, et elles représentent environ 2 % de toutes les ventes de boissons non alcoolisées dans le monde.
Les boissons énergisantes se vendent au Canada depuis 2004 et ce sont des boissons énergisantes contenant de la caféine. Les boissons énergisantes contenant de la caféine sont strictement réglementées par Santé Canada en tant que produit alimentaire ou boisson; elles ne peuvent pas contenir d'alcool et n'en contiennent pas du tout, conformément aux exigences de Santé Canada; on trouve sur les contenants une mise en garde précise selon laquelle la boisson ne doit pas être mélangée à de l'alcool; elles doivent contenir de la caféine, et la quantité de caféine doit correspondre à une concentration minimale de 200 parties par million et à une concentration maximale de 400 parties par million; la quantité de caféine maximale est de 180 milligrammes par portion individuelle; on trouve sur l'étiquette des mises en garde précises selon lesquelles elles ne sont pas recommandées aux enfants, aux femmes enceintes, aux femmes qui allaitent et aux personnes sensibles à la caféine. Il ne faut pas confondre ces boissons avec les boissons qui contiennent quelque quantité d'alcool que ce soit, parce qu'une telle boisson ne peut pas alors être appelée une boisson énergisante caféinée.
C'est à cause de cela que je trouve important d'être présent aujourd'hui, au nom de nos membres, pour éclaircir certains faits au sujet de produits différents et pour aider les membres du Comité à mieux comprendre ce que sont les boissons énergisantes caféinées.
Le terme « boisson énergisante » est souvent utilisé à tort pour décrire divers produits offerts aux consommateurs. Certains médias et quelques députés ont récemment utilisé ce terme, ce qui a causé encore plus de confusion sur ce que sont les boissons énergisantes.
Je suis sûr que vous savez que Santé Canada a publié une déclaration précisant que le produit dont on parle dans les médias et au sein du Comité, concernant les enjeux dont nous discutons aujourd'hui, n'est pas en fait une boisson énergisante caféinée. Santé Canada appelle les produits en question des « boissons alcoolisées très sucrées ». Comme Santé Canada l'a souligné, le produit en question est une boisson à très forte teneur en alcool qui est essentiellement l'équivalent de multiples doses individuelles d'alcool dans un grand contenant d'une portion. Les boissons énergisantes ne causent pas d'intoxication; les boissons énergisantes ne favorisent pas l'intoxication, et les boissons énergisantes ne masquent pas les effets de l'intoxication. En ce moment, les boissons énergisantes caféinées au Canada sont réglementées en tant que produit alimentaire et leur vente est autorisée moyennant le respect de strictes exigences réglementaires. Ce sont des boissons gazeuses qui contiennent de la caféine, mais en fait, leur concentration en caféine est inférieure à ce que l'on trouve dans un café de format équivalent.
Santé Canada a recouru à une démarche fondée sur la science et les faits pour évaluer la nature des boissons énergisantes et pour déterminer comment les traiter. Assez récemment, en 2013, Santé Canada a publié un document de recherche qui se trouve en ligne, intitulé « Boissons énergisantes: une évaluation des risques potentiels pour la santé en contexte canadien ». Cette recherche ayant fait l'objet d'une évaluation par des pairs constitue l'un des fondements de la sécurité de la consommation de boissons énergisantes caféinées. Les résultats de travaux de recherche importants comme celui-ci servent à éviter la spéculation, les légendes urbaines et les données incomplètes au sujet du produit. Cette recherche concluante en matière de santé ainsi que d'autres évaluations réalisées par des organismes scientifiques reconnus comme l'Autorité européenne de sécurité des aliments se trouvent sur notre site Web, en anglais seulement: energydrinkinformation.ca.
Nos membres ont à coeur de veiller à ce que nous respections et dépassions même toutes les exigences législatives relatives aux produits. Même si la plupart des boissons énergisantes contiennent en moyenne moins de caféine qu'une portion de café de format semblable, les fabricants de boissons énergisantes ne recommandent pas aux enfants, aux femmes enceintes, aux femmes qui allaitent et, encore, aux personnes sensibles à la caféine d'en consommer.
Je veux signaler qu'aucune boisson énergisante que nos membres produisent ne contient de l'alcool. Un point c'est tout. Ce n'est pas permis par Santé Canada. Pour qu'un produit soit catégorisé par Santé Canada comme étant une boisson énergisante caféinée, il ne doit pas contenir d'alcool. Il est important — vous en conviendrez — que les Canadiens comprennent bien les produits qu'ils choisissent de consommer. Notre industrie prend très au sérieux la santé et le bien-être des Canadiens, et nous sommes convaincus que les produits de nos membres sont sûrs.
En conclusion, la science, les faits et la recherche évaluée par les pairs confirment qu'il est sûr de consommer des boissons énergisantes au Canada.
Merci.
Je serai ravi de répondre à toutes vos questions.
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Bonjour. Je suis la directrice médicale du Centre antipoison du Québec, l'un des cinq centres antipoison au Canada. Nous recevons des appels 24 heures par jour, 7 jours par semaine, de la part de membres du public et de professionnels de la santé concernant des intoxications aiguës.
Nous avons été choqués par le décès d'Athéna Gervais, mais malheureusement, ce n'est pas une situation qui sort de l'ordinaire pour nous. Je vais vous rappeler le contexte. C'est une adolescente de 14 ans qui avait consommé plus d'une canette de la boisson FCKDUP. Elle a été trouvée morte le lendemain. Elle l'a consommée le midi à l'école, ce qui montre qu'elle a eu très facilement accès à cette substance.
Au Centre antipoison du Québec, nous avons traité plus de 48 000 cas en 2017. Parmi ces cas, nous avons eu près de 4 000 jeunes de 6 à 15 ans, et environ 16 000 personnes de 16 à 45 ans.
Le nombre de cas signalés d'intoxication à l'éthanol est nettement inférieur à la réalité, simplement parce que les urgentologues ne nous appellent pas toujours. C'est la même chose pour le public, parce que c'est trop fréquent.
Les cas d'intoxication dus aux boissons énergisantes qui sont signalés sont inférieurs à la réalité parce qu'il est assez facile pour un urgentologue de les traiter, ce qui fait qu'ils ne nous appellent pas toujours.
En 2017, au Québec, nous avons eu 2 560 cas liés à la consommation d'éthanol seulement, dont 6 décès. L'INSPQ, l'Institut national de la santé publique du Québec, fait état de nombreuses consultations en salle d'urgence, notamment par des adolescents. Il s'agit de consultations en salle d'urgence, de transports en ambulance et d'appels au 911, ce qui fait qu'ils utilisent beaucoup de ressources en soins de santé.
Nous avons en fait des intoxications causées par les boissons énergisantes. En 2017, nous avons eu 96 cas d'intoxication aux boissons énergisantes, dont deux enfants de moins de 12 ans. C'est le point à souligner. C'est un phénomène très courant, et malheureusement en hausse.
Je veux parler un peu de l'intoxication alcoolique et de l'intoxication par la caféine, et des raisons pour lesquelles c'est pire quand vous les mélangez.
Bien entendu, l'intoxication alcoolique est pire si vous buvez beaucoup et très vite, si vous êtes moins tolérant, et si personne ne vous surveille bien pendant votre consommation. Par exemple, un jeune qui n'y est pas habitué, qui est avec des amis plutôt qu'avec sa famille, et qui boit beaucoup et très vite va très vraisemblablement adopter des comportements à risque, et subir un traumatisme et une intoxication alcoolique.
Il y a d'autres facteurs de risque dont je ne vais pas parler. Bien entendu, cela affecte leur jugement, mais cela peut aussi mener à un coma. La plupart des gens savent reconnaître une personne qui est ivre. Cependant, l'intoxication par la caféine se produit aussi de plus en plus souvent. Cela cause l'excitation, en effet, mais aussi la nausée, des vomissements, de l'arythmie cardiaque, des convulsions et le coma. Nous avons eu des cas où les deux ont été mélangés — par exemple, des adolescents qui font de l'arythmie cardiaque. Nous traitons ces patients.
Pourquoi est-ce pire de mélanger les deux? À cause de la concentration en sucre et de la caféine, les gens ont tendance à boire plus et plus vite. Encore là, ils risquent encore plus d'être victimes d'une intoxication alcoolique. Ils adoptent aussi des comportements plus à risque et ont tendance à être moins vigilants dans leurs agissements. Peut-être que pour Athéna Gervais, il y avait un problème lié à la consommation, mais aussi un problème lié à son comportement. Elle était peut-être avec des amis qui ne la surveillaient pas, parce qu'ils sont retournés à l'école.
Ce que nous recommandons, c'est de voir la caféine naturelle comme étant de la caféine, car nous savons que le guarana, par exemple — un produit qui n'est pas restreint —, est toujours permis dans les boissons alcoolisées. Le guarana est en fait de la caféine. Seul le nom est différent. L'effet est exactement le même, et nous pensons qu'il faudrait tenir compte des sources naturelles de caféine comme on le fait pour la caféine synthétique.
Nous appuyons également l'idée de fixer un prix minimum. Nous sommes d'avis qu'il faut éviter les contenants dont la capacité excède une portion individuelle. Nous croyons aussi qu'il faut un plus grand contrôle de la publicité, non seulement celle qui est faite de manière traditionnelle, mais aussi celle sur le Web.
En outre, nous pensons qu'il faut interdire la vente de ces produits à proximité des écoles ou des lieux fréquentés par les adolescents. Il faut également renforcer toutes les campagnes visant à prévenir la consommation d'alcool ou de boissons énergisantes par les jeunes lors d'événements importants, comme la rentrée scolaire, la fin de l'année scolaire et autres.
En ce qui concerne les interventions — l'activité principale du Centre antipoison —, nous sommes d'avis que Santé Canada devrait encourager la mise en place d'un système de toxicovigilance ciblant des produits précis. Ainsi, si le produit était détecté, nous pourrions déclencher rapidement les mesures de santé publique et intervenir.
Nous devrions également encourager le financement non seulement du Centre antipoison, mais aussi des centres de traitement des dépendances et de la toxicomanie afin de venir en aide aux personnes qui deviennent dépendantes après avoir adopté de mauvais comportements.
Nous trouvons aussi très important, pour tous les patients qui commencent à consommer à l'adolescence et qui se retrouvent à l'urgence, d'encourager la mise en oeuvre d'une intervention brève visant à identifier les personnes à risque de devenir dépendantes et à intervenir immédiatement.
Enfin, nous croyons qu'il faut également étudier l'effet des médias non seulement sur la consommation, mais aussi sur les tentatives de suicide, car nous voyons de plus en plus que lorsqu'un produit se vend très bien ou est publicisé, les gens ont tendance à l'utiliser pour tenter de se donner la mort.
Voilà qui conclut mon exposé.
Mme Niquette et moi-même sommes coauteurs d'un avis scientifique de l'Institut national de santé publique du Québec, l'INSPQ, publié en mars dernier et intitulé « Intoxications aiguës à l'alcool et boissons sucrées alcoolisées ». Cet avis scientifique, qui cadre parfaitement avec l'objet de la comparution d'aujourd'hui, vous a déjà été transmis.
Des allégations selon lesquelles des jeunes se seraient intoxiqués en consommant des boissons sucrées alcoolisées nous ont conduits à analyser les données de fréquentation des urgences du Québec. Entre le 1er janvier et 26 novembre 2017, 2 332 jeunes âgés de 12 à 24 ans se sont retrouvés aux urgences, ce qui représente l'équivalent de sept cas par jour. On sait que ce sont des cas graves, puisque le quart des jeunes patients avaient un niveau de priorité au triage de l'urgence indiquant que leur vie était en danger.
Trois fois sur quatre, ces jeunes avaient consommé des boissons à forte teneur en alcool, mais nos données ne nous permettent pas de conclure que les produits à haute teneur en sucre et en alcool sont la cause principale des cas d'intoxication vus aux urgences du Québec. On ne peut évidemment passer sous silence le cas d'une adolescente de 14 ans dont on a beaucoup parlé. Son décès serait lié à la consommation de FCKDUP, ce que l'investigation du coroner permettra évidemment de déterminer avec certitude.
Notre rapport dégage quelques observations et enjeux d'importance en lien avec les boissons sucrées alcoolisées.
Premièrement, comme vous le savez, ces produits peuvent contenir des taux d'alcool allant jusqu'à 11,9 % et ils sont souvent vendus dans des canettes de gros format pouvant contenir l'équivalent de quatre verres d'alcool standards. Selon le sexe et le poids de la personne, une ou deux canettes suffisent amplement pour provoquer l'état d'ébriété. Le sucre ajouté masque le goût amer de l'alcool et facilite l'ingurgitation rapide, ce que les jeunes apprécient.
Deuxièmement, dans notre étude, nous avons observé que les boissons sucrées alcoolisées sont souvent vendues à des prix très bas, pour ne pas dire dérisoires. On a vu des offres de deux grosses canettes pour 6,99 $, ce qui a un impact important sur la consommation d'alcool des jeunes.
Troisièmement, ces boissons sont facilement accessibles dans les épiceries et les dépanneurs. Nous avons obtenu des données sur les boissons à haute teneur en sucre et en alcool vendues dans les épiceries et les dépanneurs du Québec. Globalement, les ventes de cette catégorie d'alcool sont à la hausse, mais ce sont les produits les plus forts en alcool qui ont vu leurs ventes progresser le plus: les ventes des produits de plus de 11 % d'alcool ont connu une augmentation de 319 % en une seule année. C'est une augmentation du simple au triple.
Quatrièmement, il est très bien documenté que les comportements de consommation d'alcool des jeunes sont influencés par la publicité. Les fabricants et les distributeurs ciblent les jeunes spécifiquement par des stratégies de marketing agressives. Le code du CRTC date de 1996, alors que la télévision et la radio étaient pratiquement les seuls véhicules publicitaires.
L'industrie se tourne de plus en plus vers les médias sociaux, qui ont pour particularité d'amener les jeunes à partager et à générer eux-mêmes du contenu publicitaire. Le but est d'amener les jeunes à poser des actions publiques, comme cliquer sur une émoticone lorsqu'ils aiment une publicité, rédiger un commentaire, produire une vidéo, jouer à un jeu interactif, etc. Dans notre étude, nous avons documenté des publicités de Poppers, de Four Loko et de FCKDUP, qui, par la mise en scène de personnages enfantins, de disques-jockeys, de chanteurs de rap ou d'activités de sport en contexte de consommation, visent les jeunes et auraient transgressé le code du CRTC, si celui-ci s'appliquait au monde numérique.
Pour agir en prévention, il apparaît tout à fait logique et faisable d'ajuster les formats de canette de manière à ce qu'une canette non refermable ne puisse contenir plus d'un verre d'alcool standard. Cependant, il serait prudent de tester cette proposition avant de l'adopter à grande échelle, pour s'assurer qu'elle n'induira pas d'effets contraires à ceux recherchés. On a vu cela dans les mesures de prévention en santé publique dans le passé en ce qui concerne d'autres objets.
Il importe surtout d'aborder la prévention dans une perspective de santé publique plus globale. La collaboration entre les différents ordres de gouvernement pourrait permettre d'adopter des politiques publiques efficaces ou d'adapter celles qui existent de manière à ce qu'elles le deviennent. À ce titre, trois interventions seraient à privilégier.
Premièrement, il importe que les gouvernements utilisent les outils à leur disposition pour éviter que les boissons alcooliques puissent être vendues à trop bon marché. Nous recommandons la fixation d'un prix minimal par verre d'alcool standard appliqué à tous les types de boissons alcoolisées, afin d'éviter la substitution d'un type de boisson à un autre à meilleur marché.
Deuxièmement, les boissons sucrées et alcoolisées à plus de 7 % d'alcool qui ne sont pas de la bière devraient être interdites de vente dans les dépanneurs et les épiceries, afin de limiter leur accessibilité. C'est la position actuelle du gouvernement du Québec. Nous appuyons la proposition d'adopter un seuil d'édulcorant maximal comme moyen de distinguer la bière et le cidre de ce qui n'en n'est pas ou n'en n'est plus.
Troisièmement, et pour terminer, il apparaît incontournable que des mesures soient prises à l'échelle nationale pour que la publicité dans les médias sociaux soit encadrée et pour que la réglementation soit adaptée à la réalité numérique. Il en va de la protection de nos jeunes.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
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Bonjour, mesdames et messieurs. Merci de m'avoir invité à être des vôtres aujourd'hui.
Tout d'abord, je tiens à offrir mes condoléances à la famille et aux amis d'Athéna Gervais, décédée à l'âge de 14 ans. Il est malheureux que votre étude soit le résultat de son décès, qui a soulevé des questions difficiles auxquelles il faut absolument répondre.
Relativement à la santé publique, deux questions se posent. La première est: qu'est-ce qui a motivé ses actions? La deuxième est: modifier les dispositions législatives et réglementaires régissant la vente d'alcool diminuerait-il le risque qu'une telle chose se reproduise?
La première question est difficile. Manifestement, la consommation d'alcool est omniprésente au sein de notre société, et ses méfaits aussi. Selon un rapport publié en 2015 par l'administrateur en chef de la santé publique du Canada, près de 80 % des Canadiens boivent de l'alcool. Ces données datent de 2012. Au moins 3,4 millions de Canadiens boivent assez pour que cela présente un risque immédiat de méfait et 4,4 millions de Canadiens s'exposent à des effets chroniques sur la santé.
Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que 60 % des jeunes de 15 à 19 ans ont déclaré avoir consommé de l'alcool, et parmi eux, près de 20 % ont dit avoir des comportements de consommation d'alcool à risque pouvant avoir des effets à court et à long terme, qui ont déjà été décrits.
Sous le rapport de la santé publique, je veux savoir pourquoi un si grand nombre de jeunes acquièrent des habitudes de consommation d'alcool à risque afin que nous puissions proposer des interventions ciblant ces causes. Comme avec d'autres substances psychoactives, la consommation problématique d'alcool est souvent un symptôme d'un plus grand trouble émotionnel, physique ou de santé mentale devant être pris en main. Pour cette raison, l'Association canadienne de santé publique est d'avis que si les gouvernements souhaitent que de véritables progrès soient réalisés, des mesures doivent être prises pour comprendre les pressions sociales qui poussent les jeunes à consommer de l'alcool et pour leur fournir les outils dont ils ont besoin pour faire des choix sains.
La deuxième question est la suivante: actuellement, les mesures législatives régissant les boissons ayant une combinaison d'alcool permettent-elles de limiter l'accès des mineurs à ces boissons? Franchement, la consommation d'alcool par des mineurs existe depuis qu'on a établi des âges légaux de consommation d'alcool; c'est donc peu probable que nous réussissions à l'éliminer complètement. Toutefois, nous pouvons prendre des mesures pour réduire la consommation de boissons ayant une combinaison d'alcool à teneur élevée, de caféine et de sucre, des ingrédients qui plaisent aux jeunes.
L'Association canadienne de santé publique appuie les propositions incluses dans l'avis d'intention donné par Santé Canada de modifier le Règlement sur les aliments et drogues.
Plus précisément, nous soutenons la recommandation de limiter le pourcentage maximal d'alcool permis dans un contenant individuel équivalant à une portion individuelle d'alcool — comme on l'a dit plus tôt, la quantité contenue dans une bouteille de bière.
En outre, nous appuyons la recommandation d'établir un seuil d'édulcoration qui entraînerait des restrictions supplémentaires et nous insistons sur l'exigence que ce soit fait en collaboration avec les intervenants principaux et des experts scientifiques.
En plus des dispositions réglementaires proposées, l'ACSP soutient les recommandations présentées par le Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances. Je crois que vous avez reçu ce témoin il y a un jour ou deux. Il propose que les fabricants de boissons alcoolisées aient un seuil maximal d'édulcoration de 5 % pour l'éthanol à base de spiritueux plutôt que pour l'éthanol issu de la fermentation du malt. Comme vous l'avez entendu durant l'exposé du centre, cette règle aurait deux effets positifs pour les jeunes Canadiens.
Premièrement, les produits fabriqués à partir d'éthanol sont automatiquement assujettis aux droits d'accise sur les spiritueux, qui sont plus élevés que les droits d'accise sur la bière. Les prix seraient donc moins abordables pour les jeunes.
Deuxièmement, les produits fabriqués à partir d'éthanol à base de spiritueux ne peuvent pas être vendus dans les dépanneurs ou les épiceries. Les jeunes y auraient donc moins facilement accès.
Par ailleurs, l'Association canadienne de santé publique encourage le gouvernement fédéral à collaborer étroitement avec les provinces, les territoires et d'autres intervenants majeurs en vue de mettre en oeuvre certaines recommandations que nous avons présentées dans notre énoncé de position de 2011 concernant les politiques sur l'alcool.
En fait, nous avons incité les trois ordres de gouvernement à restreindre le marketing et les commandites ayant un lien avec l'alcool. Pour ce faire, on peut imposer des restrictions semblables à celles qui régissent les produits alcoolisés pour en réduire l'attrait auprès des jeunes. Nous préconisons aussi de réglementer toutes les formes de marketing de l'alcool, particulièrement par l'entremise d'Internet, de promotions sur les médias sociaux et de placements de produit.
Nous recommandons que les gouvernements provinciaux et territoriaux établissent des systèmes de fixation des prix fondés sur le pourcentage absolu d'alcool que contient une boisson standard; ainsi, plus la teneur en alcool est élevée, plus le prix sera substantiel. Il serait également avantageux d'imposer une surtaxe sur les boissons alcoolisées consommées par un nombre disproportionné de jeunes.
En outre, nous pouvons envisager de restreindre la vente d'alcool dans les dépanneurs. Les provinces où la vente de ces produits est déjà autorisée ne devraient pas permettre l'expansion de ces ventes. Nous devions étudier des solutions juridiques quant à la publicité, à la promotion et aux commandites relatives à l'alcool, particulièrement au genre de commandites et de publicités qui concernent la vente de produits dans les établissements licenciés.
Comme c'est souvent le cas, le manque de ressources qui touche les systèmes de surveillance fédéraux, provinciaux et territoriaux limite notre compréhension des torts associés à la consommation d'alcool. Pour élaborer des interventions efficaces, nous devons mieux surveiller et comprendre les répercussions de l'évolution de l'accès à l'alcool, des habitudes de consommation d'alcool, des maladies, des blessures et des conséquences sociales attribuables à l'alcool et de leurs coûts économiques. Par exemple, nous pouvons souvent trouver des données sur les ventes d'alcool datant d'environ un an, mais les données les plus récentes sur les coûts sociaux remontent à 2002. Nous devons faire mieux.
Comme je l'ai indiqué d'entrée de jeu, la consommation d'alcool est omniprésente dans la société canadienne, et les torts qui y étaient attribués en 2002 ont coûté approximativement 14,6 milliards de dollars à la société. Il faut que tous les ordres de gouvernement accordent beaucoup plus d'attention et d'investissements à la question afin de réduire ce fardeau. Nous devons réexaminer la Stratégie nationale sur l'alcool, initialement publiée en 2007. Elle contient 41 recommandations, dont certaines ont été mises en oeuvre, mais d'autres pas. La mise à jour de cette stratégie constituerait un bon point de départ. Il faudrait en outre que tous les ordres de gouvernement s'engagent à en mettre en oeuvre toutes les recommandations.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être ici.
Vous êtes le deuxième groupe que nous entendons.
Évidemment, je fais mon épicerie et je vais au dépanneur régulièrement. Je n'avais jamais porté une attention particulière à l'étalage de boissons énergisantes alcoolisées.
Lorsque nous avons malheureusement appris le décès de la jeune Athéna Gervais, nous avons constaté la disponibilité du produit, particulièrement dans les dépanneurs. Or, lorsque les jeunes quittent l'école, ou lors de la récréation ou du dîner, ils se retrouvent en grande partie au dépanneur.
On peut bien vérifier leur carte d'identité, mais nous savons que, quand un produit est interdit, les jeunes trouvent éventuellement une façon de se le procurer. Dans le cas de la jeune victime, il semblerait — cela reste à prouver — que ce produit ait été volé.
Faisons une comparaison avec d'autres produits qu'on peut trouver dans un dépanneur. Les cigarettes sont hors de la vue des clients et il n'y a pas de publicité à leur sujet. On prévient leur consommation en les entreposant derrière le comptoir et l'identité des acheteurs est vérifiée, si nécessaire.
J'ai une photo en main où on voit le produit en question et d'autres. Dans le réfrigérateur d'un dépanneur, il y a toute une gamme de produits, peut-être intoxicants moins rapidement selon la quantité consommée. Ces produits sont disponibles à tous les enfants capables de marcher.
J'aimerais entendre les autorités à ce sujet, parce qu'il y a un mélange des compétences fédérales et provinciales. Évidemment, les lieux où les produits sont disponibles relèvent de la compétence provinciale. J'aimerais savoir quel genre de mesures vous attendez du fédéral afin que ces produits soient retirés des dépanneurs et des endroits où les jeunes peuvent se les procurer. Je n'ai pas parlé de l'aspect du marketing, mais nous pourrons éventuellement y revenir.
J'aimerais vous entendre au sujet de la disponibilité de ces produits dans des endroits où ils ne devraient pas être accessibles.
Docteur Morin ou madame Granger, voulez-vous répondre à cette question?
En fait, la composition même des produits et leur accessibilité économique et physique, relèvent de compétences fédérale et provinciale.
On rend possible la vente d'un produit intoxicant, à 12 % d'alcool, en masquant l'effet du produit. C'est une approche attrayante pour les jeunes, en raison de tous les attributs associés au produit, mais terriblement trompeuse. Il faut empêcher les jeunes d'avoir accès à ces produits dont la publicité est trompeuse. En fait, il faut carrément empêcher que soient à leur portée des produits à ce point à risque qui sont présentés de façon à ce point trompeuse.
Je ne suis pas un spécialiste des compétences fédérales ou provinciales, mais il doit certainement y avoir une autorité politique en mesure de dire que ces produits trompeurs ne doivent pas être à la portée des enfants ni même commercialisés tout court. Ce n'est pas de la bière ou du cidre. On comprend qu'un vin à 12 % d'alcool goûte le vin et que c'est vraiment du vin. D'autres ont mentionné cet argument avant nous, mais il y a le produit trompeur.
D'autre part, outre l'accès économique et physique, l'accès légal est plus facile à contrôler quand on a des magasins spécialisés en vente d'alcool. C'est la raison pour laquelle les produits fortement concentrés en alcool sont vendus dans de tels magasins. Au Québec, nous avons la Société des alcools du Québec. Dans les dépanneurs, le contrôle de l'âge légal est difficile à faire. Un grand frère ou un ami peut acheter de l'alcool et approvisionner un jeune. Il faut donc réduire leur accessibilité physique, empêcher que les produits fortement intoxicants soient aussi facilement disponibles et faire en sorte qu'ils coûtent cher.
Un jeune fait un calcul financier et se demande ce qui peut l'intoxiquer au plus bas prix possible. Lorsqu'il trouve deux cannettes pour 7 $, que la publicité du produit est trompeuse et qu'il peut ingurgiter le tout rapidement, ce qu'il ne pourrait pas faire avec d'autres genres d'alcools parce qu'il aurait la nausée plus rapidement, on a la recette parfaite pour un appel au centre antipoison et une visite à l'urgence. Nous avons pu documenter cela au cours de l'année 2017.
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Moi aussi, je veux insister sur l'importance de contrôler la publicité. Présentement, le code du CRTC régit la publicité, mais il ne s'intéresse pas à la publicité sur Internet, ce qui crée un grand vide juridique. D'autres pays, notamment la Norvège, ont carrément interdit la publicité sur l'alcool dans les médias sociaux. En France, la loi Évin a été amendée de façon à couvrir aussi les médias sociaux, excluant les pages Facebook. C'est donc possible de contrôler la publicité.
La recherche indique effectivement qu'il y a un lien entre le fait d'être exposé à la publicité dans les médias sociaux, comme dans les pages Facebook, les comportements à risque et l'augmentation du niveau de consommation d'alcool.
Qui plus est, le problème est que, dans les médias sociaux, il n'y a pas seulement le prédicteur de l'exposition à la publicité. En fait, cela est conjoint avec un autre prédicteur important, soit l'influence des pairs. C'est ce qui se passe dans les médias sociaux: on veut convaincre les jeunes de relayer les publicités dans leur propre réseau; ainsi, ils deviennent des partenaires de la publicité. On fait des jeunes des publicitaires pour les produits de l'alcool, des produits qui sont dangereux.
Dans les réseaux sociaux, on évalue la performance de la publicité par le degré d'engagement des gens exposés à ces publicités. C'est honteux. C'est d'autant plus honteux que, d'après ce que j'ai pu voir, non seulement beaucoup de publicités s'adressent aux jeunes et contreviendraient au code du CRTC s'il était applicable aux médias sociaux, mais elles semblent aussi s'adresser directement aux enfants. En effet, la publicité met en vedette des toutous, des personnages animés, des petits animaux en train de conduire des tricycles, et elle utilise un renard en peluche comme mascotte. Le renard a beau avoir une voix grave, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un renard en peluche.
Après le décès d'Athéna Gervais, une publicité, un message, demandait aux jeunes ce qu'ils allaient boire pour fêter pendant la semaine de relâche. Personnellement, j'enseigne à l'université et je peux dire que le calendrier universitaire ne comprend pas de semaine de relâche. La semaine de relâche fait partie d'un vocabulaire qui n'appartient qu'aux élèves du secondaire. Quand on demande aux jeunes de quelle façon ils vont fêter pendant la semaine de relâche, on s'adresse aux mineurs de façon très explicite. C'est important de le noter. Présentement, c'est le far west. Pourtant, il s'agit de l'univers des jeunes et des enfants.
Je voulais aussi poursuivre la discussion sur certaines choses que Don a dites sur la promotion.
Vous avez raison: Red Bull peut être vendu dans un bar au même titre que Coke, Pepsi, les jus de fruit et tout autre produit. Vous avez raison. Quand j'étais conducteur désigné, je consommais du Pepsi toute la soirée au bar. Certains produits promotionnels tendent toutefois à proposer des associations dans les établissements qui servent de l'alcool sur place.
Par exemple, les tables hautes que l'on ne trouve que dans les bars arborent le nom « Red Bull ». On voit aussi des réfrigérateurs et des affiches lumineuses portant la marque Red Bull; on ne les trouve, ici encore, que dans les bars. Je ne prendrai pas la peine de la monter, mais il existe une affiche sur laquelle quelqu'un fait la promotion d'une tournée des bars Red Bull avec le logo.
Comme vous l'indiquez, on ne propose pas nécessairement aux gens de mélanger les produits, mais ces publicités font manifestement la promotion du produit dans des établissements qui servent de l'alcool ou en association avec l'alcool. Seriez-vous d'accord si l'industrie refusait, par exemple, d'utiliser le droit d'auteur des images de vos marques à de telles fins?