Je vous souhaite la bienvenue à la 20e séance du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 24 octobre 2020, le Comité poursuit son étude sur la capacité de transformation. Nous en sommes à notre dernière séance pour entendre des témoins.
La séance se tient aujourd'hui en format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 25 janvier 2021. Nous avons donc des députés qui y participent en personne et d'autres à distance à l'aide de l'application Zoom.
Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. Sachez que la diffusion montrera toujours la personne qui parle, et non l'ensemble du Comité. Je tiens à rappeler à tous les participants que les photos de l'écran et les captures d'écran sont interdites.
[Français]
Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais vous faire part de certaines règles.
Les députés et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont offerts pendant toute la réunion. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le parquet, l'anglais ou le français. La dernière version de Zoom vous permet désormais de parler dans la langue de votre choix sans avoir à sélectionner le canal linguistique correspondant.
Vous remarquerez également que la fonction « lever la main » de la plateforme est désormais plus facilement accessible sur la barre d'outils principale si vous souhaitez prendre la parole ou alerter le président. Si cette option ne fonctionne pas, je suggère que les députés et les témoins souhaitant intervenir mettent leur caméra en marche et lèvent la main physiquement. La greffière du Comité tiendra la liste des députés qui souhaitent prendre la parole. Lorsque vous n'avez pas la parole, mettez votre micro en sourdine.
[Traduction]
Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins aujourd'hui.
Nous accueillons M. Ken Falk, président, de la Fraser Valley Specialty Poultry. Bienvenue, monsieur Falk.
Nous accueillons également M. Philip O'Shaughnessy, de Canards du Lac Brome ltée. Bienvenue, monsieur O'Shaughnessy.
Nous allons commencer par les déclarations liminaires et par la Fraser Valley Specialty Poultry.
Monsieur Falk, vous disposez de sept minutes et demie pour nous présenter votre déclaration liminaire. Merci.
:
Merci beaucoup, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie également de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Ken Falk. Je suis un agriculteur de troisième génération au Canada, et deux autres générations sont déjà actives dans notre ferme familiale. La Fraser Valley Specialty Poultry élève des canards, des oies et du poulet de spécialité à Chilliwack, en Colombie-Britannique. Je suis également vice-président de la Canadian Commercial Waterfowl Producers Association.
Nous sommes heureux de voir que la stabilité, la relève, la capacité, la compétitivité et la sécurité alimentaire sont importantes pour le gouvernement. Le rapport Barton mentionne que les idées audacieuses vont stimuler la croissance économique du Canada, et nous ne pouvons pas laisser nos anciennes façons de faire nous empêcher d’être un champion mondial. Pour être ce champion, il nous faut être plus audacieux et nous doter rapidement d'une stratégie et d'une nouvelle forme de collaboration entre les secteurs privé et public.
Entretemps, d'autres pays accroissent leur production, en profitant souvent de subventions et en ayant des normes de production beaucoup moins élevées, et ce, au détriment des agriculteurs canadiens qui ont du mal à faire concurrence aux importations ou sur les marchés d'exportation.
Je vais vous parler de quelques expériences personnelles pour vous montrer le genre d'obstacles que nous rencontrons pour atteindre nos objectifs.
Il s'agit premièrement de la surréglementation dans le secteur alimentaire, ainsi que des tactiques inconséquentes, déraisonnables, excessives et même parfois sournoises utilisées par l'Agence canadienne d'inspection des aliments pour appliquer les règlements.
Dans notre cas, nous avons été accusés à tort d'avoir fait du commerce interprovincial. Vous trouverez les détails dans mon mémoire, que je vous ai fait parvenir plus tôt. Les accusations doivent être fondées sur des preuves, et non sur de simples conjectures ou hypothèses et sur des erreurs. Apparemment, les dommages qui auraient pu en résulter sont, selon l'Agence, des pertes financières liées à une concurrence injuste. Les amendes s'élevaient à 52 000 $, et nous avons dû dépenser plus de 214 000 $ en frais d'avocat et nous battre pendant cinq ans pour blanchir notre nom. Les nombreuses nuits sans sommeil et le stress incroyable que cela nous a occasionné ont durement ébranlé notre famille. Ces accusations étaient injustes, immorales, non professionnelles et irrespectueuses. Ma réputation et mon intégrité ont été mises en doute à maintes reprises.
On nous dit qu'il s'agit simplement d'un coût d'exploitation pour nous. Le lien de confiance a été détruit, et on me dit que je dois maintenant passer à autre chose avec une attitude positive. Je demande aujourd'hui que vous rétablissiez notre confiance à l'égard du gouvernement et que vous corrigiez la situation. Je suis convaincu qu'aucun d'entre vous, nos parlementaires élus, n’aurait voulu que nous soyons traités ainsi.
La Loi sur les sanctions administratives pécuniaires et son règlement doivent être modifiés. Supprimez le tribunal fantoche dirigé par l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Assurez-vous que des recours concrets existent. Il doit être possible d'avoir recours à d'importants moyens de défense, comme la diligence raisonnable. Les employés de l'Agence doivent être tenus de rendre des comptes lorsqu'ils font une erreur — non pas s'ils, mais lorsqu'ils —, autrement, ils vont porter de nouveau de fausses accusations sans se soucier des conséquences. La norme culturelle au sein de l'Agence veut que les inspecteurs prennent des mesures punitives au lieu de miser sur la collaboration. Nous aurions pu régler le problème en quelques minutes. Au lieu de cela, nous avons passé des années à nous battre. Un mécanisme de surveillance civile assurerait une reddition de comptes. Les ministres ont refusé d'agir, et les processus de plaintes et de recours sont un leurre.
Il y a beaucoup à apprendre de ce qu'on enseigne aux enfants: la justice, l'empathie, l'entraide, l'honnêteté, le respect et la gentillesse. Lorsqu'on commet une erreur, on l'avoue promptement. On fait amende honorable et on corrige la situation. Ce n'est malheureusement pas l'expérience que j'ai eue avec le gouvernement. On doit mettre un terme au style d'inspection punitif à la « Je t'ai eu! ». Il est possible d'instaurer un nouveau mode de collaboration entre les secteurs privé et public, mais pour ce faire, nous aurons besoin de mesures audacieuses, car la culture actuelle est profondément enracinée.
Passons maintenant au deuxième obstacle. Au cours des cinq dernières années, de grandes quantités de canards de piètre qualité ont été importées au Canada. Selon l'Agence canadienne d'inspection des aliments, le système de production était équivalent à celui du Canada, et les canards n'avaient pas à satisfaire aux normes canadiennes. Nous sommes totalement en désaccord. Des tests indépendants ont révélé à quel point le produit était mauvais; aucun échantillon testé ne répondait aux normes canadiennes. La première réaction de l'Agence a été de tenter de discréditer le rapport.
De plus, l'étiquetage était erroné. Mentionner sur l'emballage de bien réchauffer la volaille crue avant de la consommer pourrait entraîner un grave problème de sécurité alimentaire. L'Agence a répondu que les Canadiens sauraient comment manipuler la volaille crue, mais nous savons que si l'un d'entre nous avait commis cette erreur, il aurait fallu rappeler le produit et le producteur se serait exposé à une forte amende.
De plus, le prix de vente était bien en deçà du coût de production, sans doute en raison des subventions, mais aussi des normes moins rigoureuses concernant les inspections, les droits des travailleurs, les salaires, le bien-être des animaux et l'environnement. Un canard est un canard. Ils proviennent de fournisseurs de matériel génétique semblables, consomment de la nourriture semblable et sont élevés d'une façon très semblable. Il n'y a pas de formule magique. Le coût des intrants est la seule différence.
Nous sommes assujettis à des normes élevées au Canada, et c'est très bien. Nous demandons simplement à ce qu'elles soient raisonnables, qu'elles soient les mêmes pour tous, et à être traités équitablement, mais ce n'est pas ce qui s'est produit. Nous ne comprenons pas pourquoi le gouvernement voudrait sciemment nous pousser à la faillite.
Nous avons eu dernièrement des rencontres avec l'Agence et avons bon espoir que le problème se règle, mais des dommages importants ont déjà été causés. Le secteur des oiseaux aquatiques en arrache, et nous craignons de voir ces iniquités se perpétuer.
Voici ce qui est ironique. Nous avons subi des pertes financières importantes en raison d'une concurrence injuste, et l'Agence répond qu'elle ne prend pas cela en considération. Toutefois, c'est exactement la raison pour laquelle j'ai été faussement accusé au départ.
Si vous voulez soutenir la stabilité, la relève, la capacité et la compétitivité, faites cesser ce traitement injuste. Soyez équitable. Soutenez les producteurs du Canada.
Nous arrivons au troisième obstacle, soit l'accès au capital. Nous sommes un marché à créneaux dans le secteur de la volaille, et nous sommes souvent oubliés. Je suis également un producteur soumis au système de gestion de l'offre, alors je travaille avec mes amis dans ce système pour me rendre compte que les secteurs qui en font partie seront admissibles, mais pas le nôtre. Nous n'avons pas le pouvoir des lobbies, alors naturellement, on nous oublie. Nous avons eu des difficultés avec les prêteurs, en particulier au cours des dernières années, avec la concurrence injuste et avec le traitement que nous fait subir l'Agence, ce qui a réduit nos marges au point où elles nous permettent à peine de survivre maintenant. Dans le vrai monde, les banques ne prêtent pas aux entreprises en difficulté.
La COVID-19 a été dévastatrice pour notre secteur. Le canard est principalement un produit offert dans le secteur de la restauration qui, comme vous le savez, a été durement touché. Lorsque la COVID a frappé, nous n'avions pas les fonds nécessaires pour survivre à de longues fermetures, alors nous avons tous dû réduire la production et mettre à pied des employés. Nous craignons maintenant que le canard bon marché en provenance de l'étranger vienne inonder le marché canadien encore une fois. Je vous supplie de ne pas permettre cela.
Nous pouvons approvisionner le marché canadien et produire un produit de classe mondiale pour l'exportation. Les mêmes normes et les mêmes lois qui s'appliquent au Canada doivent s'appliquer à tous ceux qui veulent exporter leurs produits au pays, et des changements importants s'imposent si nous voulons être concurrentiels sur les marchés d'exportation.
Nous avons besoin que le gouvernement soutienne nos efforts pour être profitables. Si vous voulez de la stabilité, de la relève, de la capacité et de la compétitivité, et protéger la sécurité alimentaire, alors il faut rebâtir le lien de confiance. Si on peut se faire mutuellement confiance, il n'y aura plus d'iniquité, et plus de style d'inspection conflictuel à la « Je t'ai eu! », et les mesures punitives feront place à la collaboration. Je vous demande de prendre les choses en main. Il faudra mettre en place une stratégie rapidement, mais cela en vaudra la peine.
Je vous remercie encore une fois de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui.
Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je m'appelle Philip O'Shaughnessy et je suis le directeur général de l'entreprise Canards du Lac Brome ltée. Notre entreprise a commencé ses activités il y a presque 110 ans. Nous avons plusieurs fermes et deux usines de transformation. Notre site principal se trouve à Val-des-Sources, en Estrie.
J'aimerais prendre le temps qui m'est imparti aujourd'hui pour vous faire part des deux plus grands défis de l'entreprise: le manque de main-d'œuvre et les coûts de production élevés.
À l'heure actuelle, le goulot d'étranglement de notre entreprise est le manque de main-d'œuvre non qualifiée dans nos usines de transformation, principalement au site d'abattage de Val-des-Sources. Nous exploitons actuellement nos centres de transformation avec un nombre d'employés inférieur au seuil minimal requis, ce qui a une incidence directe sur notre volume de production. Ce manque de main-d'œuvre a aussi comme effet que plusieurs sous-produits ne peuvent être récupérés pour la vente et qu'ils sont donc gaspillés, ce qui représente une perte de plusieurs centaines de milliers de dollars annuellement.
Ce problème semble répandu dans les sites d'abattage. Il nous apparaît nettement plus important pour les entreprises situées en région, comme la nôtre. En effet, ces dernières n'ont pas accès au bassin de main-d'œuvre des grandes villes à proximité.
Nous croyons que le gouvernement canadien peut résoudre facilement ce problème en permettant un plus grand nombre de travailleurs étrangers temporaires sur nos sites de transformation alimentaire. En effet, avec davantage de ces travailleurs, nous pourrions rapidement augmenter nos volumes de transformation. Cette approche, qui nous semble de loin la meilleure piste de solution, a d'ailleurs fait ses preuves dans notre entreprise jusqu'à présent, tant sur le plan agricole que sur celui de la transformation. Ces travailleurs sont reconnus comme étant d'une grande qualité et d'une grande fiabilité. De plus, ils occupent des postes de main-d'œuvre non qualifiée que trop peu de Canadiens désirent occuper.
La limite actuelle de 10 % est nettement insuffisante pour répondre aux besoins. En ce qui concerne notre situation précise, une limite de 30 % de travailleurs étrangers temporaires serait nécessaire pour combler nos besoins en main-d'œuvre non qualifiée.
Le deuxième défi que nous aimerions porter à votre attention est celui des coûts de transformation élevés, qui augmentent constamment et qui sont indéniablement une barrière à l'augmentation de notre capacité de transformation. On parle ici essentiellement des coûts de gestion environnementale et des exigences en matière de salubrité et de bien-être animal imposées par l'Agence canadienne d'inspection des aliments. On parle aussi des augmentations salariales ainsi que de l'augmentation généralisée de tous les autres coûts de production. Dans notre industrie, ces augmentations de coûts sont très rarement compensées par des augmentations de prix. En ce qui concerne l'industrie du canard, les marges de profit sont en constante diminution. Cette situation est une barrière au développement de nouveaux marchés.
De plus, dans notre cas précis, nous sommes dans un marché de niche. Canards du Lac Brome doit donc déployer des efforts supplémentaires et essentiels pour faire connaître ses produits et créer de nouvelles habitudes de consommation. C'est d'ailleurs ce qui a été fait avec succès par Canards du Lac Brome depuis le début des années 2000, principalement dans le marché de détail au Québec. En effet, nous devons parer au fait que la population nord-américaine consomme peu de canard, contrairement à des populations européennes ou asiatiques. Les investissements dans le temps avaient été importants, mais le retour sur l'investissement avait été très concluant.
Cependant, pour poursuivre cette démarche à l'extérieur du Québec, il nous faudrait investir beaucoup trop d'argent dans l'éducation du consommateur par le truchement de dégustations et de campagnes publicitaires. Il s'agit maintenant d'un pari trop risqué financièrement, car le retour sur l'investissement ne sera pas au rendez-vous dans ce cas-ci. Par exemple, les produits importés au rabais de certains pays d'Europe ont bénéficié grandement de nos offensives publicitaires, sans avoir aucune somme à investir en développement de marché. Nous recommandons au gouvernement d'offrir du soutien dans les marchés cibles et de l'aide financière pour le développement de nouveaux marchés. La promotion sur les multiples avantages de la consommation du canard pourrait profiter grandement à notre industrie.
Dans le même ordre d'idées, nous constatons qu'un nombre grandissant d'acheteurs se tournent vers des produits d'importation à moindre prix et aux standards de qualité plus bas que les normes canadiennes. Les standards canadiens de l'Agence sont toujours reconnus par l'industrie comme étant les plus élevés au monde. Cependant, les normes européennes et américaines sont officiellement considérées comme équivalentes à celles du Canada. Les coûts élevés reliés aux standards de l'Agence, comparativement à ceux de l'Union européenne, contribuent considérablement au fait que nos coûts de production sont parfois supérieurs aux prix de vente de certains de ces pays. Ainsi, depuis les ententes de libre-échange, certains des produits canadiens sont nettement désavantagés par rapport aux produits étrangers. Plusieurs clients ne sont pas prêts à payer les coûts reliés à nos standards. Ces standards ne sont plus nécessairement à notre avantage. L'arrêt de nos ventes au Japon au profit d'autres marchés en est d'ailleurs un parfait exemple.
Le rôle du gouvernement fédéral est crucial dans ce dossier. C'est en revoyant les standards d'équivalence qu'il permettra aux produits canadiens d'être compétitifs par rapport aux produits importés sur notre propre marché.
En conclusion, nous recommandons la mise en œuvre des trois actions suivantes:
Tout d'abord, il s'agit de régler le problème de main-d’œuvre non qualifiée, notamment en ayant recours aux travailleurs étratgers temporaires. Ensuite, nous demandons que soit fourni un soutien financier pour permettre le développement de nouveaux marchés. Finalement, il faut s'assurer que les produits importés au Canada répondent aux mêmes normes que celles exigées pour les produits canadiens.
Je tiens à remercier les membres du Comité de m'avoir donné l'occasion de leur faire part des difficultés auxquelles fait face notre entreprise afin d'accroître notre capacité de transformation et notre compétitivité.