Bienvenue à la 34e réunion du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de renvoi daté du mercredi 10 mars, ainsi qu'à la motion adoptée par le Comité le 15 avril, nous reprenons notre étude du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux.
La réunion d'aujourd'hui sera une réunion hybride, conformément à la motion adoptée par la Chambre le 25 janvier. Certains membres assistent en personne dans la salle et d'autres à distance au moyen de l'application Zoom. Les délibérations seront affichées sur le site Web de la Chambre des communes. Sachez que la webdiffusion montrera toujours la personne qui parle plutôt que le Comité dans son ensemble.
J'en profite pour rappeler à tous les participants qu'il est strictement interdit de prendre des captures ou des photos de l'écran.
[Français]
Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais vous faire part de certaines règles.
Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, cliquez sur le micro pour désactiver le mode sourdine. Les micros des participants qui se trouvent dans la salle seront, comme d'habitude, contrôlés par l'agent des délibérations et de la vérification.
Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
Lorsque vous n'avez pas la parole, mettez votre micro en mode sourdine.
[Traduction]
Je vais maintenant souhaiter la bienvenue au groupe de témoins prévu pour la première heure.
La Dre Deb Stark comparaît à titre personnel. Nous accueillons également Keith Currie, premier vice-président de la Fédération canadienne de l'agriculture.
Bienvenue. Nous allons commencer par les déclarations.
Docteure Stark, vous avez cinq minutes. Je vous cède la parole.
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C'est parfait. Merci beaucoup.
Je suis ravie d'avoir accepté de comparaître devant le Comité dans le cadre de son étude du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux.
Je commencerai par dire que je suis ici parce que j'ai été invitée et que je désire aider. Je tiens à ce qu'il soit parfaitement clair que mes observations ne représentent aucunement les avis des organisations avec lesquelles je travaille actuellement ou avec lesquelles j'ai travaillé dans le passé.
Lorsque j'ai reçu l'invitation, j'ai demandé pourquoi vous vouliez me parler, et vous m'avez répondu que c'était à cause de mon expérience de longue date passée au sein de diverses organisations. Je prendrai donc une minute pour vous parler un peu de mon parcours.
J'ai suivi la formation de vétérinaire. J'ai fait l'essentiel de ma carrière au sein du gouvernement de l'Ontario, et j'y ai occupé le poste de première vétérinaire en chef et de sous-ministre du ministère de l'Agriculture, l'Alimentation et des Affaires rurales. À divers moments, j'ai géré les programmes de bien-être des animaux du ministère et j'ai chapeauté les programmes visant la salubrité des aliments à titre de sous-ministre adjointe. Je suis actuellement membre de plusieurs conseils d'organismes à but non lucratif, y compris l'Institut canadien des politiques agroalimentaires ou l'ICPA, l'Université de Guelph et Ontario Genomics. Je suis également la présidente du comité d'audit du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire.
Je m'arrêterai là, mais je présume que votre première question sera la suivante: « Que pensez-vous du projet de loi? » Voici ce que j'en pense.
Tout d'abord, je vous remercie de votre diligence. Les conversations qui portent sur des questions comme les maladies animales, la santé mentale des agriculteurs et la défense du bien-être à la fois des humains et des animaux sont toutes importantes. L'agriculture canadienne joue un rôle important dans la sécurité alimentaire mondiale, puisqu'elle atténue l'incidence du changement climatique et contribue à la prospérité économique. Maintes études ont conclu que le secteur doit avoir un cadre réglementaire efficace, et il est donc positif que vous examiniez les changements proposés.
Je sais que certains membres du Comité ont demandé si le problème était en fait attribuable aux lacunes du cadre juridique ou réglementaire ou de l'application des règles existantes. J'avoue que la question m'est venue à l'esprit aussi. Je n'ai pas la réponse, et il serait important d'y réfléchir.
Je sais également que certains membres ont posé des questions sur la capacité d'appliquer les dispositions du projet de loi, et c'est une autre question qui mérite d'être examinée. Les agriculteurs se font un devoir de suivre les règles. Ils s'attendent à ce que les autres fassent de même et subissent les conséquences en cas de non-respect. Je ne crois pas que la santé mentale des agriculteurs en bénéficiera si les attentes montent en raison de l'adoption du projet de loi et ensuite rien ne change vraiment.
Il faut reconnaître que l'activité que tente d'empêcher le projet de loi provient d'une tension fondamentale. Dans un sondage mené auprès des Canadiens en 2020 par le Centre canadien pour l'intégrité des aliments, un tiers des sondés se sont dits soucieux de voir les animaux traités sans cruauté. Il se peut que la plupart de ces gens veuillent être rassurés, mais je sais que certains d'entre eux sont consternés par certaines pratiques agricoles. Encore d'autres s'opposent complètement à toute forme d'élevage de bétail ou de volaille.
Les agriculteurs, au fur et à mesure que la recherche permet d'améliorer le bien-être des animaux, peuvent faire bouger les choses, tout comme les consommateurs, qui font des choix sur le marché, et bien sûr les activistes. L'élevage des animaux n'est pas un secteur unique dans cet enjeu, et je ne crois pas que ces facteurs disparaîtront d'aussitôt.
Cela dit, je reviens à ma première observation à titre de conclusion. Il n'est point nécessaire de dire au Comité que notre système de production alimentaire est une réussite canadienne. Tant et aussi longtemps que le monde choisit de manger de la viande, le Canada peut être un bon endroit pour élever des animaux. Les agriculteurs canadiens méritent un cadre réglementaire qui protège les animaux, les agriculteurs et leurs biens.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous les membres du Comité.
La Fédération canadienne de l'agriculture (FCA) et ses membres comprennent bien l'importance cruciale du maintien d'un approvisionnement alimentaire sûr et fiable et de la protection de la sécurité de ceux qui nous nourrissent. Nous sommes donc en faveur du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux.
Les agriculteurs et les éleveurs travaillent d'arrache-pied pour garantir un approvisionnement alimentaire sûr et durable à tous les Canadiens. Les intrusions de plus en plus nombreuses sur les exploitations agricoles font en sorte qu'il devient sans cesse plus difficile pour les fermiers et les propriétaires de produire avec toute l'efficacité voulue des aliments, des fibres et des biocombustibles. Le travail des agriculteurs est de plus en plus menacé par les militants et autres intrus qui pénètrent illégalement sur leur propriété et dans leurs bâtiments, ce qui perturbe considérablement l'ensemble du secteur agroalimentaire.
Les manifestations pacifiques d'autrefois sont devenues de véritables invasions avec intrusion, introduction par effraction dans les granges et les autres bâtiments d'élevage, vol et harcèlement. Il faut désormais composer avec des activités pouvant causer des dommages qui vont bien au-delà de ce que l'on connaissait auparavant, notamment en raison du non-respect des règles de biosécurité auxquelles les éleveurs sont assujettis. Les atteintes à la biosécurité touchant les cultures agricoles passent souvent sous le radar. Il y a des cas d'altération d'aliments, de préjudices causés par des individus dont l'intrusion dans des espaces confinés a des incidences sur le bien-être des animaux, d'exfiltration d'animaux par des activistes, et d'occupations et autres manifestations à proximité des usines de transformation. Il y a aussi des gens qui font obstruction aux camions et aux conducteurs transportant du bétail entre les exploitations agricoles et les installations de transformation et d'autres qui libèrent des animaux, comme les porcs et les animaux à fourrure, en les sortant des lieux de production. On note aussi des intrusions et des comportements intrusifs dans les piscicultures.
De tels incidents sèment le désarroi chez les agriculteurs, leurs familles et leurs employés en plus de mettre en péril les récoltes et la santé du bétail. Lorsque des militants enfreignent les protocoles de biosécurité, c'est en fait tout notre système d'approvisionnement alimentaire qu'ils mettent à risque. Les lois et les règlements en vigueur ainsi que les amendes et sanctions prévus étaient peut-être adéquats pour traiter du problème des intrusions nuisibles par le passé, mais nous entrons aujourd'hui dans une ère nouvelle de militantisme où des intrusions préméditées et bien orchestrées voient des intrus pénétrer sans invitation dans des propriétés agricoles, des bâtiments et des usines de transformation. Le nombre de ces intrus qui ont des intentions bien précises se multiplie à un rythme alarmant. Leur but est bien clair: causer des dommages économiques aux producteurs.
Les lois sur les intrusions sont généralement de compétence provinciale, mais ont rarement assez de mordant pour dissuader les gens de commettre de telles infractions. Le projet de loi va agir comme complément aux lois provinciales pour témoigner de la gravité de gestes semblables et de la nécessité de protéger notre industrie agroalimentaire. En vertu des lois en vigueur, les accusations qui sont effectivement portées sont souvent abandonnées par le système judiciaire parce que l'on considère qu'il s'agit d'infractions mineures.
La Fédération canadienne de l'agriculture souhaite l'adoption de ce projet de loi et exhorte tous les parlementaires à le soutenir, mais aurait toutefois quelques suggestions à vous soumettre.
Il faudrait modifier l'article 9.1 proposé qui prévoit pour l'instant ce qui suit:
Il est interdit, sans autorisation ou excuse légitime, de pénétrer dans un bâtiment ou un enclos où se trouvent des animaux tout en sachant que le fait d'y pénétrer pourrait avoir comme conséquence d'exposer les animaux à une maladie ou à une substance toxique susceptible de les contaminer ou en ne se souciant pas de ce fait.
Cet article semble indiquer qu'une infraction est excusable si elle n'a pas été commise par une personne agissant de façon inconsidérée en ayant pleinement conscience des risques associés à son geste. Récemment, un individu ayant pénétré par effraction dans un élevage de visons de la région d'Ottawa a été acquitté d'une accusation de méfait par le juge étant donné que, même si son intrusion était illégale, aucun préjudice n'a été causé aux animaux. Dans l'esprit du juge, aucune infraction n'a été commise.
Nous proposons que le libellé actuel soit remplacé par ce qui suit: « Afin d'éviter d'exposer les animaux à une maladie ou à une substance toxique susceptible de les contaminer, il est interdit de pénétrer sans autorisation légitime dans un bâtiment ou un enclos où se trouvent des animaux. » Nous suggérons en outre l'ajout d'un second paragraphe qui indiquerait que quiconque aide ou encourage quelqu'un à agir de la sorte est réputé participer à cette infraction.
Comme la Dre Stark vous l'a indiqué avant moi, les activités militantes causent de plus en plus de préoccupations en matière de santé mentale. Le bien-être mental des agriculteurs est déjà confronté au quotidien à un large éventail de facteurs de stress comme les conditions météorologiques, l'environnement, les fluctuations du marché, la pénurie de main-d'œuvre agricole et l'isolement social, pour n'en nommer que quelques-uns. Les intrusions et le militantisme s'ajoutent maintenant à ces sources de stress. En continuant à fermer les yeux sur les intrusions dans les propriétés agricoles et les introductions par effraction dans les bâtiments, nous mettons en péril non seulement la viabilité de l'agriculture canadienne, mais aussi la santé mentale et le bien-être de nos agriculteurs.
Le projet de loi prend acte de la crise qui secoue le milieu agricole en matière de santé mentale et cherche à améliorer le sort des agriculteurs et des entreprises agricoles en instaurant de nouvelles mesures de protection contre les intrusions et les atteintes à la biosécurité.
Je devrais ajouter également que les transporteurs de bétail et les transformateurs sont eux aussi soumis à un stress énorme en raison des diverses manifestations de militantisme.
Je vais m'arrêter ici afin de laisser plus de temps pour les questions à poser aux témoins. Je suis ravi d'avoir l'occasion de discuter davantage de ces enjeux avec vous.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis heureux de revoir un si grand nombre de mes collègues du comité de l'agriculture. Bienvenue à M. Fillmore également.
Monsieur Currie, je vais d'abord m'adresser à vous. Je vous remercie pour votre exposé. Lors de notre séance précédente, les représentants de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) nous ont dit qu'il leur serait difficile d'assurer la mise en œuvre du projet de loi avec les ressources actuellement à leur disposition. J'estime toutefois que les gens de l'ACIA ont négligé de préciser lors de leur témoignage qu'ils ne sont pas les seuls à porter ce fardeau. L'Agence peut compter sur le Service des poursuites pénales du Canada qui remplit déjà un rôle semblable. Il y a des fonctionnaires, et notamment des inspecteurs et des inspecteurs vétérinaires, chargés d'appliquer les lois administrées par l'ACIA. Il ne faut pas oublier non plus les Services d'enquête et d'application de la loi dont les enquêteurs accomplissent aussi ce genre de travail.
Pour faire suite à ce que vous nous disiez, monsieur Currie, je serai porté à croire qu'il y a sans doute au moins un enseignement que nous pourrons tirer de cette pandémie. Ainsi, lorsque le gouvernement accorde la priorité à un enjeu et qu'il donne des directives claires à ses fonctionnaires en ce sens, il y a des solutions qui apparaissent certes possibles au titre de difficultés qui pouvaient parfois sembler insurmontables. Ne convenez-vous pas avec moi que nous avons ici un problème qui est aussi très important et que le gouvernement fédéral devrait prendre l'initiative dans ce dossier, plutôt que de simplement s'en remettre aux provinces lorsque c'est plus facile ainsi? Il faut que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership en l'espèce.
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Merci pour cette question, monsieur Barlow. Je vous répondrais que c'est assurément le cas.
Comme je l'ai souligné dans mes remarques préliminaires, j'estime que ce projet de loi est en fait un complément aux lois provinciales en vigueur. Il permet de consolider les mesures législatives en place aux échelons provincial et fédéral pour la protection des exploitations agricoles ainsi que des agriculteurs, de leurs familles et de leurs employés. Comme je l'indiquais, nous sommes à l'aube d'une ère nouvelle où le militantisme prend vraiment de l'ampleur. Tout est planifié et bien orchestré, et les activistes savent vraiment ce qu'ils font. Pour revenir à ce que vous disiez, il semble impossible de faire appliquer les lois sur les exploitations agricoles ou dans les installations de transformation. Cela ne se fait tout simplement pas, notamment parce que les corps policiers ne sont pas suffisamment outillés à cette fin. De plus, ils n'ont pas l'impression que le système judiciaire va considérer les choses de la manière qui convient et déclarer les fautifs coupables. Comme on estime que l'on ne va pas de toute façon condamner les individus en question, on renonce à porter des accusations et à enclencher tout le processus judiciaire simplement pour que la poursuite soit éventuellement abandonnée par le tribunal, comme ce fut le cas récemment à la suite de l'incident dont je vous ai parlé dans un élevage de vison de la région d'Ottawa.
Selon moi, si nous avons une loi avec plus de mordant, cela permettra d'abord et avant tout de profiter d'un effet dissuasif, sans compter que les services policiers appelés à intervenir à la suite de manifestations et d'intrusions n'hésiteront pas à porter des accusations en sachant que le système judiciaire pourra y donner suite. Il faudra à cette fin un effort de sensibilisation dans l'ensemble du système pénal pour veiller à ce que les différents intervenants comprennent bien la nature de ce problème qui affecte nos exploitations agricoles.
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Merci beaucoup pour la question. Je rappelle que je ne représente aucune organisation et que je témoigne aujourd'hui à titre personnel.
Vous avez raison de dire que les attentes en matière de biosécurité ont évolué. Auparavant, les agriculteurs accueillaient volontiers des visiteurs dans leurs bâtiments. C'était considéré comme un signe d'hospitalité courtoise. Comme vous le disiez, il y a maintenant des écriteaux, des portes fermées et l'obligation, avant de pénétrer dans un bâtiment, d'enfiler d'autres vêtements et de bien se désinfecter. Il y a toutes sortes de mesures semblables.
Cela dit, il y a un risque véritable lorsqu'un visiteur se présente après avoir été exposé ailleurs à une maladie. Il est réellement difficile de savoir à quoi s'en tenir, ce qui contribue à compliquer les choses. Si vous ne vous êtes pas retrouvés à proximité d'animaux malades ou d'un agent pathogène quelconque, il y a peu de risques que vous puissiez contaminer une autre exploitation agricole. C'est le fait d'avoir côtoyé des bêtes malades ou des agents pathogènes qui intensifie la menace.
Malheureusement, nous ne savons pas toujours que c'est le cas. C'est ce qui est problématique, et c'est ce qui a incité les agriculteurs à mettre en place des normes qui s'appliquent à tout le monde parce qu'ils ne peuvent pas courir le risque que vous ayez sans le savoir côtoyé un animal malade ou été exposé à un virus.
Les normes sont donc établies. Elles sont à peu près les mêmes partout au pays, mais bon nombre d'entre elles sont mises en œuvre à l'échelon provincial par l'intermédiaire de différentes organisations, comme les associations de producteurs laitiers ou d'éleveurs de porcs, qui les adaptent à leur situation particulière avant d'en étendre l'application à l'ensemble du pays.
J'espère que cela répond à votre question.
Les gens plaident souvent l'ignorance au tribunal, et beaucoup de juges détermineront que parce qu'il n'y a pas eu de dommages, on peut acquitter la personne du méfait dont elle est accusée. Je vous cite constamment l'exemple de l'élevage de visons de la région périphérique d'Ottawa, parce que c'est un exemple récent, dans lequel le juge a justement utilisé ce motif. Il a reconnu que l'individu était entré dans le bâtiment, mais comme il n'y a pas causé de dommages, il l'a acquitté des accusations qui pesaient contre lui.
Nous proposons donc de modifier légèrement l'article proposé 9.1 comme suit: « Afin d’éviter d’exposer les animaux à une maladie ou à une substance toxique susceptible de les contaminer, il est interdit de pénétrer sans autorisation légitime dans un bâtiment ou un enclos où se trouvent des animaux. »
C'est une modification toute simple au projet de loi pour qu'on ne puisse plus s'en tirer si facilement parce que rien n'est arrivé.
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Je comprends ce que vous dites et je me sens également ainsi, parfois. Je vous remercie.
Selon ce que les témoins qui ont comparu nous ont dit, le problème, c'est que les réglementations actuelles, qu'elles relèvent des provinces ou du fédéral, forcent les producteurs à établir une preuve quant aux conséquences de l'intrusion, ce qui peut être difficile à faire. Par exemple, si une maladie apparaît quelque temps après l'intrusion, c'est très difficile de faire le lien entre les deux.
Ne pensez-vous pas que, si le simple fait de se trouver sur la propriété d'une ferme devenait une infraction, cela pourrait simplifier le travail? Si cette simple présence pouvait être sanctionnée, ne pourrait-on pas éviter le problème?
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Merci, monsieur le président. Je remercie nos deux témoins de nous aider à comprendre le projet de loi .
Monsieur Currie, je peux peut-être commencer par vous.
Dans votre exposé, vous utilisez beaucoup le mot « intrusion », et vous avez mentionné que les militants faisaient beaucoup plus de coups d'éclat qu'avant. Pourtant, bon nombre des lois adoptées vont maintenant bien au-delà de l'introduction par effraction, des dommages matériels et du reste.
À votre avis, le projet de loi C-205 vise-t-il avant tout à faire cesser les intrusions ou à protéger la biosécurité? Quelle serait la priorité numéro un dans ce projet de loi, selon vous?
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Je vous remercie de cette précision.
Comme vous le savez, il est arrivé à quelques reprises, dans des fermes du Canada, surtout dans des élevages de visons, que des employés transmettent accidentellement une maladie aux animaux. Ils étaient pourtant là avec autorisation ou avaient une excuse légitime, mais par leurs gestes — ils n'ont peut-être pas suivi tous les protocoles en vigueur —, ils ont accidentellement transmis une maladie à la population animale.
Dans le projet de loi , on parle d'« autorisation ou excuse légitime » pour se trouver sur les lieux.
Croyez-vous qu'il y aurait intérêt à modifier le projet de loi pour que les employés soient assujettis à la même norme? Ou si vous êtes d'avis que ce n'est pas la voie à privilégier, que devrions-nous faire pour que les normes soient les mêmes pour tous, qu'on soit un manifestant ou un employé agricole?
Docteure Stark, je peux peut-être vous donner la parole si vous voulez ajouter quelque chose en réponse à la dernière question.
Avant que vous ne le fassiez, cependant, j'aimerais ajouter qu'à la dernière séance du Comité sur ce projet de loi, nous avons entendu le témoignage du vétérinaire en chef de l'ACIA, le Dr Komal. Selon son témoignage, il y aurait peu d'exemples dans la littérature scientifique où des intrus auraient transmis des pathogènes aux animaux d'élevages. Il a affirmé que les humains doivent avoir un contact étroit et prolongé avec les animaux pour leur transmettre une maladie.
Si vous avez quoi que ce soit à dire en réponse à la question que j'ai posée à M. Currie et à ces observations du Dr Komal au Comité, je vous en serais reconnaissant.
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Je voudrais dire d'emblée que je suis d'accord avec le Dr Komal. Je ne connais pas toutes les dernières données scientifiques, mais je le respecte, comme je respecte son poste, et je ne crois pas qu'il ferait cette affirmation au Comité sans s'être d'abord assuré de la véracité des faits. Ce qu'il vous expliquait sur l'exposition aux virus correspond à peu près à ce que j'essayais d'expliquer, c'est-à-dire que pour transmettre une maladie, il faut se trouver près d'un animal malade, attraper le virus, puis le déplacer.
M. Currie a raison. Certains virus se déplacent dans l'air et certains se transmettent très facilement. Je ne voudrais pas faire fi du fait qu'il y a des virus qui se déplacent ainsi, mais ce n'est certainement pas le cas de tous les virus. Généralement, il faut se trouver assez près de l'hôte, puis déplacer le virus.
Pour ce qui est de la différence entre un employé et n'importe qui se présente à la ferme, la seule chose que je vous dirais, c'est que de manière générale, on s'attend à ce que les employeurs encadrent leurs employés, de sorte que s'ils contreviennent aux protocoles agricoles en vigueur, le gestionnaire ou le propriétaire de la ferme interviendra directement, plutôt que d'utiliser un outil comme celui-là.
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Merci, docteure Stark. Je m'excuse de vous interrompre.
Merci, monsieur MacGregor.
Chers collègues, nous avons vérifié le temps qu'il nous reste. Si nous prolongeons la séance de 10 ou 15 minutes, nous pourrions faire un deuxième tour complet…
Ai-je le consentement des membres du Comité pour faire un deuxième tour complet et prolonger la séance d'environ 15 minutes? Nous retarderions les témoignages du prochain groupe d'environ 10 minutes, probablement. Est-ce que tout le monde est d'accord?
Des députés: D'accord.
Le président: Entamons le deuxième tour.
Monsieur Epp, vous avez cinq minutes.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie également nos témoins, Dre Stark et M. Currie, qui devrait également porter le titre de docteur pour son excellent témoignage.
J'aimerais d'abord m'adresser à vous, docteure Stark. Je suis heureux de vous revoir.
Comme d'autres l'ont mentionné, nous avons entendu des fonctionnaires nous dire que ce projet de loi n'était pas particulièrement nécessaire, que les lois provinciales sur l'intrusion contenaient déjà les dispositions nécessaires et que cela pourrait embrouiller les relations provinciales-fédérales ou créer de la confusion entre les compétences fédérales et les compétences provinciales.
Vous avez fait état, dans votre témoignage, de tensions. Je sais que vos fonctions antérieures vous ont amenée à composer avec certaines de ces tensions.
Comment les fonctionnaires provinciaux communiquent-ils à l'heure actuelle avec l'ACIA quand ils enquêtent sur des infractions présumées? L'adoption de cette loi changerait-elle quoi que ce soit à cette relation et pourrait-elle la renforcer?
Je sais que je suis censée m'adresser à la présidence, mais je suis heureuse de vous revoir, monsieur Epp.
Je peux parler principalement de l'Ontario. Certes, les provinces discutent. Les responsables des ministères provinciaux et fédéral de l'Agriculture échangent assez régulièrement. Je pense donc pouvoir affirmer au nom de la majorité de mes collègues des provinces que les relations de travail sur le terrain sont très bonnes.
L'agriculture est une compétence partagée; les champs comme la salubrité des aliments et la santé des animaux font fi des frontières provinciales et fédérales. Les maladies se moquent des compétences; les responsables doivent donc travailler ensemble pour assurer le bon fonctionnement du système.
À savoir ce qui changerait si le projet de loi était adopté, encore une fois, je pense que tout dépendrait des ressources qui seraient allouées à l'ACIA. Si l'ACIA recevait toutes les ressources requises et si on lui confiait tout le pouvoir et le mandat d'appliquer à elle seule les nouvelles dispositions, il y aurait peut-être très peu de changements.
L'expérience montre qu'on tenterait sans doute de collaborer avec les fonctionnaires provinciaux afin de trouver qui est sur le terrain et qui est plus près des exploitations agricoles. D'habitude, franchement, les fonctionnaires provinciaux ont une plus grande présence sur le terrain et auprès des exploitations; on essaierait donc probablement de travailler avec eux.
Pour donner suite à la question du député MacGregor, je souligne que le Dr Komol a affirmé, durant son témoignage, que la transmission des maladies prend du temps. Toutefois, nous savons que les manifestants se déplacent d'une exploitation à l'autre. Une situation de ce genre s'est produite quand des manifestants de la Colombie-Britannique ont pénétré dans une exploitation en Alberta, ce qui a mené à la transmission d'un virus dans une exploitation porcine au Québec. Vous avez soulevé cette préoccupation exacte.
Il y a aussi un problème de perception. Je sais que la loi a été modifiée en fonction de la perception de conflit d'intérêts. Je pense qu'il y a un problème de perception ici aussi, relativement à l'entrée de personnes dans les exploitations agricoles.
Pouvez-vous commenter cette observation, s'il vous plaît?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins de leur présence et de leur participation à cette discussion fort intéressante.
Je vais m'adresser d'abord à la Dre Stark.
Comme on l'a déjà mentionné, normalement, les mesures législatives visent à apporter des changements. Or je ne vois pas exactement quelle lacune ce projet de loi tente de corriger. Comme on l'a dit à quelques reprises, plusieurs provinces, y compris la mienne, l'Ontario, ont déjà des lois en ce sens. Docteure Stark, vous l'avez souligné.
Je sais qu'aux États-Unis, des lois et des projets de loi semblables ont été abrogés dans six États. En Ontario, les dispositions législatives pareilles font actuellement l'objet de contestations. L'entrée par effraction ou l'entrée illégale dans une exploitation agricole sont déjà visées par les lois locales sur l'entrée sans autorisation et sur la propriété privée.
Des témoins nous ont dit, durant leur déclaration ou en réponse à nos questions, que dans certains cas, les producteurs ne signalent pas les intrusions aux autorités locales compétentes.
D'après vous, docteure Stark, quels obstacles empêchent les agriculteurs d'avoir recours aux moyens existants pour assurer leur sécurité? Pourquoi n'appellent-ils pas les autorités compétentes?
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Je vous remercie, docteure Stark, monsieur MacGregor.
Malheureusement, notre temps est écoulé. La discussion a été fort intéressante.
Je remercie la Dre Stark d'avoir témoigné à titre personnel. Je vous remercie de nous avoir fait part de votre expérience et de vos connaissances.
Bien sûr, je remercie également M. Currie de la Fédération canadienne de l'agriculture pour sa participation à notre étude.
Sur ce, nous allons prendre une pause de quelques minutes, après quoi nous passerons au deuxième groupe de témoins. Nous allons suspendre la séance seulement le temps qu'il faut pour changer de groupe de témoins.
Je vous remercie.
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Nous allons maintenant accueillir le deuxième groupe de témoins.
Nous recevons le Dr Jean-Pierre Vaillancourt, professeur titulaire à l'Université de Montréal, qui comparaît à titre personnel.
Bienvenue à notre Comité, docteur Vaillancourt.
Nous accueillons également M. Rick Bergmann, président du conseil d'administration du Conseil canadien du porc ainsi que M. René Roy, premier vice-président du conseil d'administration.
Bienvenue à vous deux à notre comité.
Nous souhaitons également la bienvenue à M. David Duval, président des Éleveurs de porcs du Québec.
Nous vous accordons cinq minutes chacun pour faire votre présentation.
Docteur Vaillancourt, vous avez la parole.
Je vais être assez bref, car j'ai fourni un document. Je parlerai en français, mais je répondrai en anglais aux questions qui me seront posées en anglais.
Dans mon document, j'ai mentionné trois points. Je vais en ajouter un quatrième. Lorsqu'il y a intrusion dans des installations, il s'ensuit des risques pour le bien-être animal. Nous ne savons pas toujours quelles conséquences l'intrusion entraînera, selon les espèces, mais certains animaux peuvent se blesser et être stressés au point que leur système immunitaire en soit touché et qu'ils aient ensuite plus de problèmes infectieux.
Par exemple, une personne qui ne sait pas comment se déplacer dans un bâtiment abritant des volailles peut très bien en tuer, parce que les volailles pourraient s'entasser dans les coins et paniquer. On voit cela et on le voit également dans le domaine de la production porcine, où des truies peuvent s'énerver et écraser leurs petits.
Parmi les autres risques, il y a les maladies infectieuses. Contrairement à ce que j'ai entendu il y a quelques minutes, il n'est pas nécessaire d'être à proximité d'un animal infecté pour en contaminer d'autres. Je pourrai en parler plus tard.
Chaque visite comporte un risque, notamment celui des maladies à déclaration obligatoire, telles que la peste porcine africaine et la grippe aviaire, qui est hautement pathogène. Cela est bien documenté. Évidemment, elles ne se produisent pas chaque fois qu'il y a une intrusion.
Le risque est quand même bien documenté également pour les maladies endémiques, telles que le syndrome dysgénésique et respiratoire du porc, ou SDRP. Par ailleurs, la bronchite infectieuse et la laryngotrachéite, par exemple, sont d'autres maladies qui peuvent avoir des répercussions.
Il y a également un risque pour les personnes elles-mêmes. Des gens qui pénètrent sur les lieux d'un élevage et ne savent pas ce qu'elles font peuvent se contaminer par des bactéries, comme la salmonelle, ou par la campylobactériose ou la fièvre Q. Il y a différentes situations où elles peuvent même se blesser.
Le quatrième point que je voudrais soulever s'appuie sur mon expérience comme professeur à la North Carolina State University, aux États-Unis. Le 11 septembre 2001, lorsque le département de la Sécurité intérieure a été créé, un membre du Congrès m'a interpellé pour me dire que, pendant que les tours tombaient à New York, deux élevages du Midwest américain étaient victimes de bioterrorisme. Les actes n'étaient pas le fait d'Al-Qaïda, mais plutôt celui de gens qui ont volontairement contaminé deux élevages parce qu'ils étaient fâchés contre un éleveur. Il y a donc aussi cette possibilité.
On pense souvent aux gens qui agissent pour le droit des animaux, veulent les protéger ou les libérer, mais il y a aussi des gens qui sont prêts à aller loin dans le sens inverse.
Je vous donne l'exemple de l'ancienne belle-sœur d'un éleveur en Caroline du Nord, qui a décidé, un soir qu'il faisait 40o C au mois de juillet, de fermer l'eau parce qu'elle était fâchée contre l'éleveur. Des milliers d'oiseaux sont ensuite décédés en quelques heures.
Il peut donc y avoir des conséquences dues à une transmission de pathogènes infectieux, mais il peut y avoir aussi d'autres problèmes qui ne sont pas nécessairement infectieux et qui peuvent également être causés par des personnes qui n'ont pas leur place sur les lieux d'élevages.
Je voudrais également faire un commentaire. On a lu le texte d'un vétérinaire québécois qui, au fait, manque de déontologie sur le plan vétérinaire. Il a d'ailleurs été pointé du doigt à ce sujet, car il ne se gêne pas pour déclarer que les médecins vétérinaires qui travaillent en production animale manquent d'éthique. Il s'agit d'un militant végan antispéciste.
On a beau avoir un titre de vétérinaire, il faut faire attention. Il s'agit d'une personne extrémiste, que je dénonce.
Je vais m'arrêter maintenant pour donner le temps aux autres de s'exprimer.
Je vous remercie de votre attention.
Merci également de nous donner l'occasion de comparaître devant la Chambre des communes. Le projet de loi est très important pour les producteurs de porcs canadiens. Je m'appelle Rick Bergmann. Je suis un producteur de porc du Manitoba et je suis accompagné aujourd'hui de René Roy, un producteur de porc du Québec.
Le programme à la ferme Excellence du porc canadien du Conseil canadien du porc est fondé sur les principes HACCP. La salubrité des aliments et la biosécurité sont étroitement liées, et l'adoption de protocoles rigoureux en matière de biosécurité est un élément essentiel du plan élaboré par tout producteur en vue d'assurer la santé et la sécurité de ses animaux.
Les producteurs de porcs investissent des sommes considérables pour améliorer leurs infrastructures, notamment en apportant de grandes améliorations dans les porcheries, pour assurer la traçabilité et pour mettre en place des mesures visant à restreindre l'accès aux porcheries, dans le but d'accroître les mesures de contrôle en matière de biosécurité. Au bout du compte, l'objectif est d'assurer la sécurité des animaux.
Malgré tout, les entrées non autorisées dans nos exploitations porcines constituent l'une des plus grandes menaces à la biosécurité. Au cours des dernières années, et je suis certain que vous êtes au courant, nous avons observé une hausse alarmante des entrées non autorisées dans les exploitations agricoles, c'est-à-dire que des individus s'introduisent illégalement dans nos porcheries et nos autres installations. C'est très préoccupant. Ces incidents constituent un risque pour nous-mêmes, nos animaux et l'ensemble du système d'approvisionnement alimentaire. Nous mettons en place de nombreuses mesures strictes pour contrôler l'accès à nos porcheries en vue de réduire les risques incommensurables pour l'industrie associés à plusieurs maladies.
Si je prends ma propre ferme comme exemple, qui n'est pas une grande exploitation, je peux vous dire qu'une maladie comme la diarrhée épidémique porcine ou le syndrome dysgénésique et respiratoire du porc me coûterait entre 260 000 $ et 320 000 $, ce qui représente énormément d'argent. C'est un coût important, sans compter le tort considérable qui serait causé.
La maladie la plus préoccupante est la peste porcine africaine; une maladie qui peut tuer l'industrie. Le coût associé aux mesures à prendre pour faire face à une éclosion de cette maladie et pour s'en remettre se calculerait en milliards de dollars pour l'ensemble de nos producteurs. La biosécurité constitue notre meilleur moyen de défense contre cette maladie, et les entrées non autorisées nous mettent tous en danger.
J'invite René Roy, mon collègue, à dire également quelques mots.
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Merci, monsieur Bergmann.
Nos investissements en temps, en énergie et en argent ne sont pas suffisants pour prévenir les entrées non autorisées. Le projet de loi fournit un moyen de dissuader les intrus qui pourraient exposer les animaux à un stress inutile, à une maladie ou à des substances toxiques.
Nous voulons souligner notre engagement à faire preuve de transparence envers les consommateurs au Canada et ailleurs dans le monde. La transparence est essentielle afin que les consommateurs aient confiance dans la façon dont le porc est produit et qu'ils aient notamment la certitude que les producteurs respectent des normes élevées en ce qui a trait à la santé et au bien-être des animaux.
Le projet de loi ne constitue pas une tentative de limiter la transparence au sein de nos exploitations, mais plutôt une tentative de protéger la santé et le bien-être des animaux. Nous discutons régulièrement avec des Canadiens d'un océan à l'autre. L'une de nos principales priorités est de répondre aux questions des gens à propos de la façon dont le porc est produit, y compris les questions sur le bien-être animal.
L'adoption du projet de loi permettra aux producteurs d'avoir l'assurance que leurs animaux ne seront pas exposés à un risque en raison d'intrus qui s'introduiraient dans nos porcheries illégalement et qui ne se soucient pas des porcs, de leur santé et de leur bien-être ainsi que de la santé et du bien-être des producteurs de porcs.
Merci, monsieur le président.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les députés, bonjour.
C'est avec un extrême plaisir que je comparais devant vous, aujourd'hui, pour représenter les Éleveurs de porcs du Québec et pour vous parler des enjeux liés au projet de loi, qui devrait être adopté.
Notre organisation représente plus de 1 700 éleveurs, qui mettent en marché 7 millions de porcs transformés au Québec par année. Le Québec est la plus grande province productrice de porcs, et notre secteur est le deuxième secteur agroalimentaire au Québec. L'élevage porcin représente, au Québec, un PIB de 1,13 milliard de dollars annuellement et génère 1,8 milliard de dollars de ventes à la ferme. Les fermes porcines comptent quelque 14 000 employés, et plus de 30 000 familles vivent de la filière porcine québécoise. Les éleveurs québécois sont fiers de répondre à 80 % de la demande locale en viande fraîche, le taux d'autosuffisance de viande de porc au Québec se situant aux environs de 400 %. À titre comparatif, le taux d'autosuffisance pour les bleuets est d'environ 300 %, pour la canneberge, de 490 %, et pour le sirop d'érable, de 1300 %.
Nous sommes donc très fiers d'exporter la majeure partie de notre production vers d'autres pays, principalement vers des pays où les richesses naturelles ne peuvent permettre un élevage durable comme le nôtre, au Québec. Entre 2009 et 2020, la valeur des exportations québécoises de viande porcine est passée de 975 millions de dollars à 2,1 milliards de dollars. Il s'agit d'un taux de croissance annuel moyen impressionnant de 7,25 %.
Nous répondons ainsi aux objectifs « Faim zéro » et « Consommation et production responsables » du Programme 2030 des Nations unies, auquel le Canada participe. Tout cela pour vous dire que l'industrie porcine et les autres industries agricoles au Canada sont extrêmement importantes et doivent avoir des lois qui les protègent.
Évidemment, les producteurs porcins doivent faire face à plusieurs risques, comme nous l'avons entendu tout à l'heure, des risques de maladie qu'il faut à tout prix éviter. Je ne sais pas si certains d'entre vous ont déjà visité une ferme porcine, mais, dans la majorité des cas, n'y entre pas qui veut, comme il le veut. Avant d'entrer, il faut signer un registre. Il faut changer ses bottes et ses vêtements, prendre une douche, avoir un espace sanitaire et respecter les règles de biosécurité de même que le bien-être animal à l'intérieur de la ferme. Ces règles sont importantes. Il a fallu plusieurs années pour les mettre en place avec les différents intervenants qui nous ont appuyés à cet égard.
Les règles de biosécurité sont donc très présentes et très respectées. Il en va principalement de la santé des animaux. Dans la ferme, l'environnement des porcs est calme et sans stress. Les normes de bien-être recommandent même des jouets et de la musique pour les animaux.
Quand un groupe de personnes agitées se précipitent à l'intérieur de nos fermes, l'animal vit assurément un stress. Il ne s'agit pas juste du cochon. C'est la même chose pour le lapin et pour d'autres animaux, qui peuvent même mourir instantanément quand des personnes qui ignorent ces règles entrent dans ces fermes. Les conséquences de l'entrée par effraction y sont donc nombreuses. Le stress occasionné aux producteurs est également énorme, comme cela est arrivé dernièrement dans une ferme. Je connais personnellement la famille qui exploite cette ferme, une jeune famille qui venait de s'établir en production porcine en 2019.
Or, la loi ne voit pas la situation ainsi, ni au Québec ni dans d'autres provinces. Si l'on regarde les lois en vigueur au Québec et dans certaines provinces canadiennes, on ne trouve rien qui porte particulièrement sur l'élevage. Il faut essayer de se défendre avec des lois générales du Code criminel ou du Code civil, et c'est extrêmement difficile et coûteux pour nous.
Ce projet de loi lance un message clair, d'un océan à l'autre: entrer dans une ferme ne se fait pas sans permission, point final. Ce n'est pas une question de savoir si l'éleveur a installé une affiche, mis une barrière ou verrouillé ses portes. On n'a pas le droit d'entrer dans une ferme, cela ne se fait pas sans permission.
Ce projet de loi est essentiel et il va dans le sens des demandes faites par des éleveurs de porcs du Québec et du Canada, et par mes collègues de toutes les autres filières agricoles au fil des années.
Il faut également penser à la menace que pose la peste porcine africaine. C'est une maladie qui a décimé la moitié de l'élevage chinois au cours des dernières années. Au Québec, ce serait dévastateur, de même qu'au Canada.
Ce sont surtout des voyageurs internationaux qui ont contaminé des élevages dans le reste de la planète, que ce soit en Allemagne, en Belgique ou ailleurs.
Il faut faire extrêmement attention. Un seul cas détecté au Canada mettrait en danger la survie des 7 000 producteurs porcins du Canada. Le Québec et le Canada perdraient ainsi un secteur économique d'importance, et l'atteinte de différents objectifs deviendrait très difficile.
Cette maladie n'est qu'un exemple démontrant pourquoi les entrées non autorisées dans une ferme devraient être régies de la façon proposée par le projet de loi .
Ce projet législatif est essentiel à la survie d'un secteur agricole fort et économiquement important.
Je vous remercie de votre attention.
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Il n’y aucune loi actuellement qui vise principalement le secteur agricole. J’ai entendu certaines allusions à des lois existantes, mais elles s'appliquent au secteur de l’habitation. En qui concerne l’agriculture, il n’y a aucune loi qui nous aide en ce sens.
Je vous donne un exemple. Il y a eu récemment une introduction dans une ferme porcine située à Saint-Hyacinthe. Il a fallu sept heures de pourparlers avec le ministre et différents avocats pour arriver à déterminer une façon de faire évacuer les 10 ou 15 personnes qui s’étaient introduites de façon malhonnête dans cette ferme.
Au Québec, il n'y a aucune réglementation, et je sais que quelques autres provinces n’en ont pas davantage. Des provinces ont été beaucoup plus proactives en instaurant des lois plus sévères, mais plusieurs provinces n’en ont absolument pas.
C'est pour cela qu'il serait très avantageux, pour nous, qu'il y ait une loi s'appliquant à l’ensemble du Canada.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leurs témoignages d'aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à M. Duval.
Monsieur Duval, je vous présente mes excuses tout de suite, parce que mon français est plutôt moyen.
Vous avez fait état des manifestations qui ont lieu dans des fermes du Québec. Certains députés et ministres, fédéraux ou provinciaux, ainsi que d'autres parties prenantes cherchaient une solution à ce problème.
Où était la Gendarmerie royale du Canada, ou GRC?
N'était-il pas possible de demander à des policiers d'agir?
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Pardonnez-moi. Je dois poursuivre. J'aimerais particulièrement obtenir des preuves à l'égard du fait que les policiers n'ont pas le pouvoir d'intervenir ou qu'ils estiment qu'ils ne pourraient pas intervenir. Je crois que cette information est très pertinente dans le cadre de notre étude, alors je vous remercie.
Monsieur Bergmann, je vais m'adresser à vous ainsi qu'à M. Roy.
M. Roy a parlé d'effet dissuasif. Lorsque j'examine ce que M. Barlow propose, et je crois que son intention est louable, ce qui me préoccupe, c'est que ce projet de loi oblige à prouver qu'il y avait une intention de porter atteinte à la biosécurité dans une exploitation agricole.
Est-ce que des individus se sont introduits dans votre ferme? Étaient-ils au courant que le Code criminel ou d'autres lois comportent des dispositions visant à restreindre ce type d'activité, et pas seulement dans le but d'assurer la biosécurité?
Qu'avez-vous à nous dire à ce sujet?
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Essentiellement, il y a en effet une faille.
Quand les policiers sont arrivés sur les lieux, ils se sont demandé suivant quel chef d'accusation ils pouvaient faire sortir les manifestants tout en respectant la loi. Ils ne peuvent pas faire sortir quelqu'un d'une maison si la loi ne leur donne pas le pouvoir de le faire. Absolument rien ne leur permettait de les faire sortir.
Heureusement, les manifestants ont finalement décidé de partir, puisqu'ils étaient dans le bâtiment depuis déjà sept ou huit heures. S'ils avaient voulu y rester, ils auraient pu le faire, car rien ne les en empêchait.
Rien, dans la législation actuelle, n'est adapté au secteur agricole.
Vous avez abordé l'aspect de la santé mentale. Vous avez notamment mentionné que des personnes ont abandonné leur exploitation agricole, ce qui est assez dramatique.
Par ailleurs, il y aurait eu, à la suite d'une intrusion, des cas de maladie dans le bétail, et de l'eau aurait été versée dans un réservoir de carburant.
Pouvez-vous nous parler de ces aspects et de la difficulté d'établir le lien de causalité, relativement à la preuve, entre l'intrusion et les conséquences ultérieures?
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Partout au Canada, il y a plusieurs lanceurs d'alerte dans les fermes porcines. Chaque fois qu'il y a un petit problème, plusieurs personnes interviennent. Les techniciens font des visites hebdomadaires dans les fermes, les agronomes et les vétérinaires viennent vérifier l'alimentation et les substances qui sont injectées aux animaux. Pour chaque animal, on doit conserver une fiche de traitement pendant une période donnée. Les évaluations faites par ces personnes sont validées à la fin de l'année par un auditeur externe, qui pourrait leur faire perdre leur titre de vétérinaire ou d'agronome si elles ne satisfont pas aux critères des vérifications qui sont faites. Si les producteurs ne font pas bien leur travail, ils s'exposent à des sanctions, par exemple la révocation de leur droit de vendre leurs animaux dans un abattoir inspecté par l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ou ACIA.
Il y a ensuite les transformateurs et l'ACIA, qui fait une vérification chaque fois qu'un animal entre à l'abattoir. Au moindre doute, si l'on s'aperçoit qu'un animal pourrait avoir subi de la maltraitance sous quelque forme que ce soit, ou encore s'il présente des taches rouges ou une marque sur le dos qui ne semble pas normale, l'ACIA appelle directement le producteur, le Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, ou MAPAQ, ainsi que les Éleveurs de porcs du Québec, que je représente, pour signaler le cas. Cela peut arriver à l'occasion, mais il y a presque toujours une raison ou une recommandation immédiate, comme une réparation à faire ou un parc à nettoyer.
Nous faisons des interventions et cela rend le travail des agriculteurs extrêmement pointu. Beaucoup de personnes interagissent et aucune d'entre elles ne peut prendre une voie d'évitement et espérer ne pas se faire prendre. Il est très clair pour nous que personne ne peut passer à côté de ce processus de vérification.
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Merci, monsieur le président et merci à nos témoins.
Monsieur Vaillancourt, je vais d'abord m'adresser à vous. Je vous suis reconnaissant d'avoir pris le temps durant votre exposé d'énumérer les autres dangers auxquels s'exposent les non-initiés qui entrent dans une installation. On y trouve de la machinerie lourde. Les gros animaux, comme le bétail, peuvent faire des mouvements inattendus lorsqu'ils sont effrayés et peuvent blesser gravement des humains, qui sont souvent passablement plus petits qu'eux.
J'ai examiné la loi-cadre, à savoir la Loi sur la santé des animaux. Cette loi comporte des dispositions comme l'article 9, pâturage; l'article 10, déplacement d'animaux malades; l'article 11, vente et aliénation interdites; et l'article 12, dépôt de cadavres dans l'eau. Il semble que les articles de la Loi sur la santé des animaux s'appliquent tant aux agriculteurs qu'aux employés des exploitations agricoles qui adoptent ce type de comportement, tandis que le projet de loi , tel qu'il est rédigé, semble exclusivement viser les personnes se trouvant dans une ferme sans autorisation ou excuse légitime.
Vous êtes un spécialiste de la biosécurité. Estimez-vous que le projet de loi doit être élargi afin qu'il soit en phase avec d'autres articles de la loi en vigueur, de sorte que les employés et les agriculteurs soient tenus de respecter les mêmes normes favorisant la biosécurité?
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L'ACIA fait déjà du travail à ce sujet, et j'y ai pris part. Nous avons établi certaines lignes directrices.
Je pense qu'il faudrait s'en remettre non seulement aux provinces, mais aussi, dans une large mesure, aux exploitations agricoles. Chaque ferme est différente. Ces mesures de biosécurité doivent être personnalisées et nous devons encourager leur adoption. Nous devons adopter des mesures incitatives, mais elles doivent être élaborées là où les choses se passent.
Le gouvernement fédéral peut sans doute apporter son aide d'une certaine façon à l'échelon local, mais je n'en suis pas convaincu. Ce qu'il pourrait faire, c'est établir des normes, mais il l'a déjà fait. Cependant, je dois dire que, lorsqu'il a établi ces normes, il s'agissait de normes universelles. Elles visent autant les petits poulaillers que les exploitations comptant 200 000 poules pondeuses. Ce n'est pas la même chose. Si des animaux de reproduction primaire en Ontario ne sont pas protégés parce qu'il n'existe aucun règlement concernant la distance à respecter entre deux sites de production, par exemple, le gouvernement fédéral pourrait agir à cet égard.
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Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie encore une fois nos témoins pour leur présence.
Monsieur Duval, je vais d'abord m'adresser à vous. Cela me brise le cœur de vous entendre parler d'une famille agricole qui a délaissé l'industrie. Cela nuit à nos efforts pour attirer de jeunes producteurs dans l'industrie. Vous avez parlé de l'absence d'intervention de la GRC. Lors de l'incident qui est survenu chez des amis à moi, ce sont en fait les manifestants qui ont appelé la GRC parce qu'ils voulaient qu'elle assure leur protection, et ils savaient qu'il y aurait très peu de conséquences, voire aucune.
Pour répondre à certaines des questions posées par mes collègues, je soulignerais que l'ACIA dispose d'agents responsables de l'application des lois et des inspections, d'enquêteurs et de spécialistes qui peuvent faire appliquer les règlements de l'ACIA. L'agence peut aussi compter sur le Service des poursuites pénales pour aller jusqu'au bout. L'ACIA dispose donc du pouvoir et des ressources nécessaires. Elle ne semble pas toutefois prendre ces situations aussi sérieusement qu'elle le devrait. Ne pensez-vous pas que si ces situations constituaient une priorité pour l'ACIA et ses enquêteurs, le projet de loi aurait un meilleur effet dissuasif que ce que font la GRC ou les services de police locaux à l'heure actuelle?
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À mon avis, lorsqu'il y a une entrée par effraction dans une ferme, c'est la police locale qui devrait intervenir en premier, car c'est elle qui peut être déployée le plus rapidement. C'est aussi le cas lorsqu'il y a une intrusion dans une maison, la GRC, la police municipale ou la police nationale peut réagir tout de suite.
La dénonciation à l'Agence canadienne d'inspection des aliments constitue une deuxième étape lors de laquelle il faut vérifier s'il y a véritablement eu de la maltraitance à l'égard des animaux. Je suis le premier à refuser de prendre la défense des personnes qui oseraient faire du mal à des animaux.
Selon moi, la première étape, c'est que la police obtienne des mandats en vertu de lois qui lui permettent d'intervenir.
Ce projet de loi est important, parce que, présentement, les policiers et certains gouvernements sont démunis quant à ce problème, et ils ne savent pas comment l'aborder. Le projet de loi est donc important pour nous.
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Les enquêteurs de l'ACIA ont une bien meilleure connaissance de ces situations que les agents de la GRC.
Monsieur Vaillancourt, je vous remercie beaucoup pour l'excellente information que vous avez fournie durant votre exposé.
Ce que de nombreux producteurs nous ont dit, particulièrement les producteurs de porcs qui ont affirmé aujourd'hui être préoccupés par la peste porcine africaine, par exemple,... Je pense que ce que nous avons appris de la pandémie de COVID, c'est qu'un virus peut avoir des conséquences catastrophiques sur notre économie.
Sommes-nous prêts à faire face à une éclosion de peste porcine africaine, et devrions-nous être proactifs en adoptant une mesure dissuasive comme le projet de loi afin de nous assurer de faire tout notre possible pour assurer la biosécurité dans nos fermes?
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J'essaie seulement de comprendre tout cela. À l'heure actuelle, si le projet de loi était adopté, selon vous, comment pourrait-il être mis en œuvre rapidement? C'est la question qui se pose.
Je sais que des policiers se trouvent actuellement sur les lieux, que les municipalités ont envoyé des policiers, etc. Il y a 444 municipalités en Ontario seulement. Je n'arrive tout simplement pas à comprendre comment nous pourrions embaucher un nombre suffisant de fonctionnaires de l'ACIA pour faire appliquer cette loi.
Je pense que c'est Dre Stark, dans le groupe de témoins précédent, qui a souligné que cette loi a du mérite, mais qu'il faudra la faire appliquer.
J'aimerais donc que M. Bergmann m'indique ce qui représenterait, pour son organisme, un délai rapide pour porter des accusations en vertu de cette loi si elle était adoptée.
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Je vous remercie, monsieur MacGregor.
[Français]
Cela met fin à notre discussion avec le deuxième groupe de témoins.
[Traduction]
J'aimerais remercier Dr Jean-Pierre Vaillancourt, qui a comparu à titre personnel.
[Français]
Docteur Vaillancourt, je vous remercie d'avoir comparu devant le Comité.
Je remercie également M. Rick Bergmann et M. René Roy, du Conseil canadien du porc.
[Traduction]
Je vous remercie beaucoup d'avoir comparu aujourd'hui.
[Français]
Je remercie aussi M. David Duval, des Éleveurs de porcs du Québec.
[Traduction]
Je tiens à remercier les membres du Comité. J'aimerais également remercier les membres du personnel et les interprètes. Ils font un travail fantastique, et nous oublions parfois de les mentionner.
C'est ce qui met fin à la réunion. Nous nous reverrons à la prochaine réunion.
[Français]
La séance est levée.