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Chers collègues, bienvenue à la 24
e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 23 mars 2021, le Comité entreprend deux séances d'information aujourd'hui. La première porte sur la situation actuelle au Tigré et la seconde, sur la situation actuelle au Myanmar.
[Traduction]
Chers collègues, le greffier vous a distribué deux budgets, un pour chacune de ces séances d'information, au montant de 775 $ chacun. Cela nous laisse une certaine marge de manœuvre, au cas où nous voudrions reprendre ces études plus tard. Je demande au Comité si nous pouvons approuver ces budgets tels qu'ils ont été distribués. C'est important parce que nous en sommes au [Difficultés techniques] jour de l'exercice financier.
Y a-t-il des objections?
D'accord, chers collègues. Merci beaucoup.
Comme nous allons probablement subir la sonnerie tout à l'heure, je voudrais également savoir, chers collègues, si vous êtes d'accord d'harmoniser les deux séances — comme nous l'avons déjà fait à quelques reprises — afin qu'elles soient de durée à peu près égale. La deuxième série de questions serait reconfigurée pour permettre à chaque parti de poser une très courte question et d'obtenir une réponse, cela en deux ou trois minutes environ, si le temps nous le permet. C'est simplement pour prévoir, parce qu'il s'agit de deux séances d'information. S'il n'y a pas d'objection, je demanderais à mes collègues de procéder de cette façon.
Merci.
Nous allons commencer la première heure par les représentants d'Affaires mondiales Canada et allons discuter de la situation au Tigré.
Pour assurer une réunion ordonnée, comme toujours, je vous encourage à mettre votre microphone en sourdine quand vous n'avez pas la parole et à faire passer vos remarques par la présidence. Lorsqu'il vous restera 30 secondes de parole ou de temps de question, je vous ferai signe visuellement avec ce bout de papier.
L'interprétation est accessible à partir de l'icône du globe, au bas de vos écrans.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous accueillons Mala Khanna, sous-ministre adjointe, Secteur de l'Afrique subsaharienne; Ian Myles, directeur général, Secteur de l'Afrique australe et de l'Est; Beth Richardson, directrice, Direction des relations bilatérales avec l'Afrique australe et de l'Est; Tara Carney, directrice, Opérations d'assistance humanitaire internationale; Michael Callan, directeur, Prévention des conflits, Stabilisation et Consolidation de la paix; ainsi que Geneviève Asselin, directrice adjointe, Programme développement Éthiopie.
[Français]
Madame Khanna et monsieur Myles, vous avez la parole pour cinq minutes afin de faire votre présentation.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour. Je m'appelle Mala Khanna, et je suis la sous-ministre adjointe pour le secteur de l'Afrique subsaharienne, à Affaires mondiales Canada.
Je suis ici aujourd'hui pour vous parler de la situation au Tigré, où le conflit armé qui a éclaté en novembre 2020 continue avec la même intensité, ce qui a des effets dévastateurs pour des millions de civils et des conséquences sérieuses pour la sécurité et la stabilité de la région, notamment en Somalie, au Soudan et en Érythrée. Je suis accompagnée aujourd'hui de quatre collègues qui sont des spécialistes des aspects humanitaires, du développement et politiques de notre approche.
Le Canada entretient des relations étroites avec l'Éthiopie. Ce pays est l'un des plus importants bénéficiaires de l'aide canadienne au développement et un partenaire proche du Canada en particulier en ce qui concerne le multilatéralisme, le programme sur les femmes, la paix et la sécurité et le maintien de la paix.
[Français]
L'Éthiopie affiche l'une des économies ayant la plus forte croissance du continent, et ses liens commerciaux se multiplient. La capitale de l'Éthiopie est aussi le foyer de l'Union africaine, le principal organe intergouvernemental du continent. Avec 112 millions d'habitants, l'Éthiopie est le deuxième pays en importance en Afrique. L'histoire du pays remonte à quelques milliers d'années, mais ses traditions démocratiques sont relativement récentes.
[Traduction]
Une nouvelle ère a débuté en 2018, lorsque le pays a émergé de 27 ans de domination d'un système à parti unique. Le premier ministre Abiy a présenté sa vision d'une Éthiopie en paix, inclusive, démocratique, multiethnique et prospère. Le Canada et une grande partie de la communauté internationale ont accueilli chaleureusement cette vision. Toutefois, le conflit actuel met cette vision en danger, en particulier à l'approche des élections nationales prévues en juin 2021.
[Français]
Le gouvernement éthiopien peine à trouver des solutions aux rivalités ethniques profondément ancrées et à la faiblesse des mécanismes institutionnels de négociation et de compromis. La situation économique est également fragile, et la situation est exacerbée par les répercussions économiques de la pandémie, du service de la dette et du taux élevé de chômage chez les jeunes. L'influence stabilisatrice du pays dans la région a été considérablement diminuée par la crise qui sévit au Tigré, et les pays voisins s'inquiètent avec raison des éventuelles répercussions.
[Traduction]
La crise actuelle a commencé en novembre 2020 lorsque le gouvernement régional du Tigré, contrôlé par le Front de libération du peuple du Tigré, ou FLPT, s'est emparé d'une base militaire au nord de la province, à la suite de deux années d'escalade des tensions entre le FLPT et les autorités fédérales. La confrontation qui a suivi, qualifiée par le gouvernement d'opération de maintien de l'ordre a été longue et a, depuis, vu l'insertion de combattants supplémentaires de l'Éthiopie et de l'Érythrée. Les tensions à la frontière avec le Soudan se sont aggravées.
Il y a un très large consensus dans la communauté internationale selon lequel des violations graves et sérieuses des droits de la personne et du droit humanitaire international ont eu lieu et continuent d'avoir lieu dans la province du Tigré, violations qui peuvent être qualifiées de crimes d'atrocité. De nombreuses allégations crédibles ont été faites, impliquant potentiellement toutes les parties au conflit, à un degré plus ou moins élevé. Le Canada est particulièrement préoccupé par les rapports faisant état de violences sexuelles et fondées sur le genre généralisées.
[Français]
Par exemple, le 5 février, la conseillère spéciale de l'Organisation des Nations unies, ou ONU, auprès du Secrétaire général sur la prévention des génocides a publié un avertissement indiquant qu'« une culture d'impunité et un manque de responsabilisation pour les sérieuses violations commises contribuent à perpétuer l'environnement qui expose la population à un risque élevé de crimes atroces ».
Le 4 mars, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a publié une déclaration faisant état de violence sexuelle et de violence fondée sur le genre, d'exécutions extrajudiciaires, de destruction et de pillages fréquents de propriétés publiques et privées par toutes les parties.
[Traduction]
Le 23 mars, dans un discours devant le parlement, le premier ministre Abiy a reconnu que des atrocités avaient été commises dans le Tigré et, sans nommer les forces accusées, a laissé entendre que cela incluait les forces érythréennes, dont il a également reconnu la présence. Il a en outre indiqué que les auteurs de ces actes seraient tenus pour responsables.
En raison de la perturbation des systèmes de télécommunications et de l'accès limité des médias, de nombreuses questions demeurent sans réponse concernant l'étendue des abus et des violations, et l'identité des auteurs.
Le Canada s'est joint à d'autres pays pour réclamer des enquêtes crédibles, indépendantes et impartiales sur les atrocités présumées commises au Tigré.
[Français]
Les fonctionnaires ont été encouragés de voir que la haut-commissaire Bachelet a accepté la demande éthiopienne d'une enquête conjointe avec la Commission éthiopienne des droits de l'homme. Bien que les renseignements sur la peine portaient sur des répercussions sur le plan humanitaire, le conflit continue de refaire surface. L'ONU estime que jusqu'à 4,5 millions de personnes...
[Traduction]
Je vais m'arrêter ici.
[Français]
Les ministres, incluant le ministre , la ministre , le ministre et le , ont fait part de nos inquiétudes directement aux autorités éthiopiennes au plus haut niveau.
[Traduction]
Au cours de ces discussions, les ministres ont souligné l'importance pour le gouvernement éthiopien de prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer d'un accès rapide et sans entraves de l'aide humanitaire et de la protection des civils, y compris des réfugiés. Les ministres ont insisté sur l'importance de trouver une résolution qui protège les perspectives pour une réconciliation ethnique à long terme. Les ministres ont demandé une enquête crédible et indépendante des violations alléguées des droits de la personne, quels qu'en soient les auteurs.
Le Canada a fait sa part pour combler les besoins en aide humanitaire. À ce jour, la a annoncé 3 millions de dollars en aide humanitaire en novembre pour les personnes touchées par la situation au Tigré, en Éthiopie, et au Soudan. En 2021, Affaires mondiales a approuvé un montant additionnel de 34 millions de dollars pour l'assistance humanitaire à l'Éthiopie fournir à travers des agences de l'ONU, du CICR ainsi que d'ONG canadiennes et internationales.
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Merci beaucoup, madame Khanna. Permettez-moi de vous arrêter ici.
Chers collègues, passons aux questions. Je regarde l'horloge et, si mes collègues sont d'accord, je propose qu'au lieu de tours de six minutes par parti, nous fassions des tours de huit minutes. Cela nous donnerait un peu plus d'une demi-heure pour entendre les témoins à ce sujet. Les collègues peuvent partager leur temps de parole s'ils le souhaitent.
Est-ce acceptable pour le Comité? Si c'est le cas, je propose que nous procédions de cette façon pour accélérer le rythme.
Puisqu'il n'y a pas d'objection, nous pouvons poursuivre.
Monsieur Morantz, vous pouvez commencer. Vous avez huit minutes.
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Pour compléter ce qui vient d'être dit, il y a des tensions historiques entre l'Érythrée et la population du Tigré, ou du moins avec les autorités du Tigré qui étaient la force dominante au sein du parti de coalition qui a dirigé le pays pendant 27 ans, notamment pendant les longues périodes de conflit entre l'Éthiopie et l'Érythrée. Il y a donc des griefs historiques. Je crois que, lorsque le conflit a éclaté entre le gouvernement fédéral et les forces régionales au Tigré, les Érythréens se sont peut-être dit qu'ils avaient tout autant intérêt que l'Éthiopie à éviter que le FLPT ne fasse un retour au sein de la structure politique éthiopienne.
C'est une question qui nous préoccupe depuis un certain temps. En février dernier, l'ambassadeur non-résident du Canada en Érythrée, qui est basé à notre ambassade à Khartoum, a rencontré le chargé d'affaires érythréen pour soulever la question des forces érythréennes au Tigré et lui faire part de ses préoccupations au sujet du refoulement des réfugiés érythréens. Les réfugiés érythréens ont en effet été forcés de retourner dans le pays qu'ils fuyaient.
La question a également été soulevée le 8 mars, lorsque le ministre des Affaires étrangères, , s'est entretenu avec le ministre éthiopien des Affaires étrangères, M. Demeke, pour lui faire part, là encore, de ces préoccupations.
La question a été soulevée une nouvelle fois dans une déclaration conjointe de partenaires aux vues similaires avec l'Union européenne, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne, quand nous avons demandé le retrait des forces érythréennes au Conseil des droits de l'homme. Cette déclaration a été signée par 41 pays.
Je me suis interrogée sur la question de l'accès aux soins de santé. Je crois savoir que Médecins sans frontières a fait état d'actes de pillage dans la majorité des centres de soins de santé et que les gens ne voulaient pas s'y rendre. Ils ne peuvent en fait pas y aller. Les centres de soins de santé ne sont pas en mesure de garder un équipement adéquat, etc. Cela est important, surtout en période de COVID-19.
Comment pourrions-nous assurer cet accès? Que pouvons-nous faire à cet égard au titre de l'accès humanitaire et de l'accès à la santé publique? Que va-t-il se passer? Cela va-t-il s'étendre aux régions avoisinantes du Soudan, de l'Érythrée, etc.? Est-ce que la COVID pourrait se propager dans la région en raison de ce manque d'accès? Comment les gens s'en sortent-ils? Comment les femmes, qui ont besoin de soins de grossesse et de soins postnataux, font-elles pour obtenir ce genre de soins? Et est-ce qu'elles les obtiennent?
Que se passe-t-il? Je me demande où en est l'accès aux soins de santé.
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Je suis heureuse de parler des répercussions humanitaires, surtout en ce qui concerne les soins de santé.
Malheureusement, dans ces situations de conflit, nous constatons que les infrastructures sur lesquelles comptent les gens — dont les soins de santé sont un élément fondamental — sont de plus en plus visées par les bandes criminelles. De toute évidence, il va falloir rétablir ces systèmes de santé dans la durée, et donc déployer des efforts de développement en ce sens. À court terme, grâce à l'intensification de l'intervention humanitaire qui se profile, nous aurons des partenaires humanitaires qui appuieront une intervention de services de santé d'urgence, ce qui comblera certaines lacunes émergentes.
Reste à voir si cela sera suffisant [Difficultés techniques], mais nous verrons des partenaires comme le CICR en faire plus en matière de santé, et des partenaires comme l'UNICEF qui vont offrir certains services de santé maternelle et infantile que le système national n'est pas en mesure de fournir en ce moment. Nos partenaires humanitaires disposent également de mécanismes pour offrir ces services à la population, parfois de façon que les gens ne craignent pas de recourir à ces services quand la protection des centres de soins pose problème.
Les 34 millions de dollars annoncés aujourd'hui représentent notre aide humanitaire à l'Éthiopie, en fonction des besoins existant en dehors du Tigré et en plus des besoins importants de cette région. Dans le cadre de ce programme, quelque 25 millions de dollars seront versés aux Nations unies, au CICR, au Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Le financement vise davantage le niveau national, ce qui donnera aux partenaires la souplesse nécessaire pour établir l'ordre de priorité de leur intervention en fonction des besoins observés dans l'ensemble du pays.
Chacun de nos partenaires des Nations unies appuie la coordination, la sécurité alimentaire, le soutien aux réfugiés et les services sanitaires et d'éducation WASH. Ces partenaires seront sur le terrain, puisqu'ils sont déjà dans la région et en mesure de répondre aux besoins.
L'autre élément tout aussi important est que nous appuyons un fonds commun, qui s'appelle le fonds humanitaire pour l'Éthiopie. Géré par le BCAH de l'ONU, il permet aux acteurs sur le terrain de fournir un soutien aux ONG et à ceux qui sont le plus sensibles à la crise. L'argent sera acheminé à ceux qui en ont le plus besoin à mesure de l'évolution de la crise.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Vu de l'extérieur, on a l'impression que l'Éthiopie joue à la fois le rôle du bon flic et celui du mauvais flic. D'un côté, le gouvernement de l'Éthiopie, qui est partie prenante dans ce conflit, semble dire qu'il est prêt à examiner la situation des droits de la personne au Tigré et à reconnaître que des troupes étrangères sont présentes sur son territoire. D'un autre côté, il a empêché l'accès aux organisations non gouvernementales, ou ONG, sur le territoire de même qu'aux organisations onusiennes. Il maintient les troupes en place et tolère la présence des troupes érythréennes sur le territoire.
Qu'en est-il exactement? Est-ce que les autorités éthiopiennes sont fiables dans cette histoire ou ne font-elles pas, elles aussi, partie du problème?
De votre propre aveu, l'Éthiopie a été, ces dernières années, l'un des principaux, sinon le principal, bénéficiaires de l'aide canadienne. On se demande d'ailleurs pourquoi, puisque vous signaliez que c'était probablement l'une des économies les plus dynamiques du continent africain.
Quoi qu'il en soit, l'Union européenne et les États-Unis ont suspendu l'aide qu'ils accordaient à l'Éthiopie, mais le Canada a continué à lui verser de l'argent alors que le rôle de l'Éthiopie dans ce conflit est, pour ainsi dire, trouble.
Comment pouvons-nous, d'une part, exprimer nos préoccupations au gouvernement éthiopien, comme les ministres et ainsi que le l'ont fait, et, d'autre part, continuer à verser de l'argent à ce pays? Je demeure convaincu que ce pays n'est peut-être pas aussi fiable qu'il prétend l'être dans ce dossier.
Quand je vois un État utiliser ses forces armées contre ses propres citoyens et autoriser l'invasion de l'un de ses territoires par un État étranger, je me demande comment il se fait que, contrairement à l'Union européenne et aux États-Unis, on continue à verser ce qui, de votre propre aveu, est l'une des contributions les plus importantes, sinon la plus importante. Je m'explique mal cette attitude équivoque de la part du Canada.
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En effet, nous n'offrons pas d'aide humanitaire ni d'aide en matière de développement à long terme directement au gouvernement éthiopien. Nous travaillons de concert avec des partenaires de confiance — surtout des ONG canadiennes ou des organisations internationales, notamment la Banque mondiale — qui cherchent à remédier à l'insécurité alimentaire et aux problèmes de santé les plus généralisés.
L'Éthiopie est un énorme pays. On y dénombre 110 millions de personnes ou plus, et la population du Tigré représente 7 % de ce nombre. D'après nos sources, l'obstacle principal à l'accès humanitaire est actuellement la durée du conflit. Il ne s'agit pas d'obstacles provenant nécessairement du gouvernement en soi. Il y a plusieurs parties dans le conflit actuel. Les forces du Front populaire de libération du Tigré, ou FPLT, contrôlent évidemment une partie du Tigré et font partie des défis auxquels doivent faire face les organisations humanitaires et internationales.
À ma connaissance, ni les États-Unis ni l'Union européenne n'ont cessé complètement l'aide qu'ils apportaient à l'Éthiopie. L'Union européenne a mis fin à son appui budgétaire direct, mais pas à l'ensemble de son appui en Éthiopie. Les États-Unis ont suspendu leur aide seulement dans le secteur de la sécurité, et l'aide apportée dans d'autres secteurs se poursuit. D'ailleurs, ils ont nettement accru leur aide humanitaire, comme le fait le Canada avec une aide de 34 millions de dollars.
Je ne comprends pas plus que M. Bergeron la position du Canada.
Nous avons récemment eu connaissance et confirmation des violations des droits de la personne commises au Tigré en novembre dernier, lesquelles ont maintenant été reconnues par la Commission éthiopienne des droits de la personne et par le président de l'Éthiopie. D'autres pays, comme les États-Unis et l'Union européenne en particulier, ont demandé publiquement le retrait des troupes érythréennes du Tigré.
Toutefois, le gouvernement canadien ne semble pas être d'accord avec cette position. Pas plus tard que cette semaine, quand on lui a demandé si le Canada emboîterait le pas aux États-Unis et à l'Union européenne pour exiger le retrait des troupes érythréennes, la a dit que le gouvernement fédéral préfère agir en coulisse et parler d'aide humanitaire avec l'Éthiopie.
Compte tenu des commentaires de l'Union européenne selon lesquels les soldats érythréens alimentent le conflit, commettent des atrocités et exacerbent la violence ethnique, je me demande si le Canada a adopté un point de vue différent et, dans l'affirmative, pourquoi.
J'aimerais comprendre un peu cela.
Monsieur le président, nous sommes passés par de nombreux canaux pour exprimer nos préoccupations, mais aussi pour analyser les différentes facettes du conflit. Sur le plan voies diplomatique, nous avons eu des discussions avec les Éthiopiens au niveau du premier ministre ou des ministres, mais aussi avec d'importants acteurs régionaux, comme le président de l'Afrique du Sud, qui présidait jusqu'à récemment l'Union africaine, une importante organisation régionale, et qui, depuis le tout début, essaie d'offrir son aide de médiateur.
Nous avons également travaillé en étroite collaboration avec des pays aux vues similaires et des organisations internationales, nous avons eu des entretiens téléphoniques avec le Secrétaire général de l'ONU et avons travaillé en étroite collaboration avec d'autres démocraties pour trouver des solutions.
D'un autre côté, nous avons fait des déclarations publiques. Nos ministres ont fait de nombreuses déclarations et publié des gazouillis, mais peut-être que le plus important dans ce dossier a été...
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Chers collègues, nous sommes heureux de vous revoir. Nous sommes maintenant prêts à passer à notre séance d'information sur la situation actuelle au Myanmar.
Encore une fois, pour assurer le bon déroulement de la réunion, j'encourage tous les participants à mettre leurs microphones en sourdine quand ils n'ont pas la parole. Lorsqu'il vous restera 30 secondes pour poser vos questions ou parler, je vous ferai signe avec ce bout de papier.
L'interprétation est accessible par l'icône du globe au bas de vos écrans.
[Français]
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue au deuxième groupe de témoins.
Nous accueillons M. Paul Thoppil, sous-ministre adjoint responsable de la région de l'Asie-Pacifique; M. Peter Lundy, directeur général responsable de la région de l'Asie du Sud-Est; M. Cory Anderson, directeur de la Direction de la coordination des politiques et des opérations des sanctions; M. Mark Gawn, directeur du programme de développement du Myanmar et des Philippines; et M. James Christoff, directeur exécutif responsable de la région de l'Asie du Sud-Est.
[Traduction]
Monsieur Thoppil, je vous invite à faire une déclaration préliminaire de cinq minutes. Vous pouvez y aller.
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Merci de votre présentation, monsieur le président.
Distingués membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité ici aujourd'hui pour discuter des événements tragiques qui continuent d'ébranler le Myanmar, après que la junte militaire s'est emparée du pouvoir le mois dernier.
Le 1er février, à la faveur d'un coup d'État, les forces armées du Myanmar, également connues sous le nom de Tatmadaw, ont renversé le gouvernement élu démocratiquement; elles détiennent la présidente, la conseillère spéciale de l'État Aung San Suu Kyi, et plusieurs politiciens et officiels du parti au pouvoir, soit la Ligue nationale pour la démocratie ou LND. Le commandant en chef des forces armées s'est emparé des pouvoirs du gouvernement, et un état d'urgence a été déclaré.
Le Tatmadaw prétend qu'il a dû prendre le contrôle du gouvernement du Myanmar parce qu'une fraude électorale de grande envergure a eu lieu lors des élections de novembre 2020. Celles-ci se sont soldées par une victoire écrasante de la LND, qui a éliminé à toutes fins utiles la représentation des partis politiques à la solde du Tatmadaw au Parlement. Les allégations de fraude électorale n'ont aucun fondement dans les faits. Les observateurs nationaux et internationaux ont affirmé que les élections de 2020 au Myanmar avaient en général respecté les normes internationales et qu'il n'y avait eu que de légères irrégularités. Nous avons exprimé nos préoccupations quant au fait que certaines minorités ethniques, dont les Rohingyas, avaient été privées de leur droit de vote, mais 70 ou 71 % des électeurs et des électrices admissibles ont exercé leur droit de vote au cours d'une élection qui a par ailleurs été équitable et libre.
Les actions du Tatmadaw représentent donc une tentative évidente de renverser la volonté exprimée démocratiquement par la population du Myanmar, la junte cherchant ainsi à protéger ses intérêts politiques et financiers et à torpiller la transition du Myanmar à la démocratie. Au cours des dernières semaines, nous avons assisté à des interventions systématiques et coordonnées, y compris à un recours grandissant à la force létale, contre des manifestants pacifiques.
En date du 24 mars, plus de 260 civils de toutes les parties du pays avaient été tués par les forces de sécurité. La violence fait partie d'une campagne multidimensionnelle menée par le Tatmadaw pour réprimer la dissidence et renforcer son pouvoir. Plus de 2 680 dirigeants de la société civile, journalistes, protestataires, fonctionnaires, défenseurs des droits de la personne et membres de la classe politique sont détenus arbitrairement; des organisations militant pour les droits de la personne ont fait savoir que certains détenus ont été torturés et qu'au moins cinq sont morts en prison.
Le Tatmadaw a déclaré l'état d'urgence pour dissimuler ses interventions visant à perturber les télécommunications, à bloquer l'accès à Internet, à fermer les médias de l'opposition, à geler les fonds des ONG qui critiquent le régime et à faire enquête sur elles. Des journalistes qui tentaient de faire des reportages sur les événements au Myanmar ont fait l'objet d'actes d'intimidation et certains ont été incarcérés arbitrairement. Le Tatmadaw a aussi adopté de nouvelles lois pour criminaliser toute opposition à son régime.
Dans les régions où la résistance populaire au coup d'État a été particulièrement forte, le Tatmadaw a déclaré la loi martiale en transférant les pouvoirs de l'administration et des forces de sécurité aux militaires et en autorisant ces derniers à intenter des procès contre les civils devant les tribunaux militaires, et même à imposer la peine de mort. Malgré ces mesures de répression, la résistance au Tatmadaw continue. Les fonctionnaires ont lancé et poursuivi un mouvement de désobéissance civile généralisé et résilient qui a paralysé le fonctionnement du gouvernement.
La junte s'en prend maintenant aux membres du Parlement, désormais défunt. Les députés élus principalement sous la bannière de la LND ont formé le Comité représentant le Pyidaungsu Hluttaw, nom du Parlement myanmarais, désigné par l'abréviation CRPH. Le Comité a exhorté la population du Myanmar à continuer de résister activement à la junte en recourant notamment à la violence pour se défendre.
Des organisations ethniques armées, qui avaient participé aux guerres civiles interminables au Myanmar et qui favorisaient un processus national de paix jusqu'à récemment, se sont divisées par suite du coup d'État. Certaines se sont rangées du côté des opposants à la junte, mais d'autres se sont jointes au Tatmadaw, ce qui risque d'engendrer un vaste conflit civil à mesure que la crise s'aggrave.
Depuis le début de cette crise, le Canada a pris part à de vigoureux efforts quasi quotidiens de coordination avec ses partenaires internationaux pour condamner avec énergie, clarté et d'une seule voix les actions de la junte militaire. Le Canada a publié des déclarations ministérielles les 1er et 28 février pour dénoncer le coup d'État et la répression violente par les militaires, et pour exiger la libération immédiate de toutes les personnes détenues ainsi que le rétablissement de la démocratie. Notre pays a réitéré ces souhaits dans deux déclarations ultérieures du G7 ainsi qu'à l'Assemblée générale de l'ONU, au Conseil des droits de l'homme de l'ONU et à l'Organisation mondiale du commerce.
En réaction directe aux actions des chefs du Tatmadaw, le 18 février, de concert avec le Royaume-Uni, le Canada a adopté des mesures semblables à celles prises par les États-Unis et a imposé des sanctions à neuf officiers supérieurs de la junte au Myanmar. Nous continuons d'envisager l'application d'autres sanctions ciblées contre des représentants nommés par les autorités militaires et aussi contre les entités, les entreprises et les sociétés leur appartenant.
Il convient aussi de souligner que...
:
Merci, monsieur le président.
Pour faire suite aux commentaires de M. Thoppil portant sur les organisations ethniques armées, je pense que les mêmes conclusions s'appliquent à toutes les communautés ethniques. C'est un tableau instable avec différents groupes et différentes communautés et avec des divergences régionales quant à l'approche et [Difficultés techniques].
Par exemple, ce qui ressort des rapports de notre mission et d'autres, c'est l'importance accordée à la LND à Yangon, qui est la plus grande ville du pays et son principal centre d'affaires. Quand on va dans les régions, on commence à y trouver différents groupes ethniques et politiques, qui expriment le même désir général de voir les militaires faire marche arrière, mais qui, pour certains d'entre eux, voient l'aboutissement de la crise de façon légèrement différente quant aux résultats constitutionnels souhaités et à leur place dans la future structure de pouvoir.
Pour répondre précisément à la question, y a-t-il un rapprochement…
:
Je dirai simplement, de mon point de vue — et au bénéfice de ceux qui nous suivent —, que la volonté et le travail de réconciliation ethnique, ainsi que la protection des droits des Rohingyas, sont des questions clés pour l'avenir. J'espère que nos efforts pour promouvoir la démocratie comprennent également des efforts en faveur de la pleine reconnaissance des droits et du pluralisme.
J'aimerais maintenant vous interroger sur les mécanismes de sanction que nous appliquons. Je me souviens d'une réunion du Comité qui portait sur la situation au Bélarus. On nous avait alors expliqué que la Loi sur les mesures économiques spéciales avait été utilisée, plutôt que la loi Magnitski, parce qu'elle vise les entités, alors que la loi Magnitski cible les particuliers. Il me semble toutefois que, dans ce cas-ci, le gouvernement a choisi d'invoquer des dispositions de la Loi sur les mesures économiques spéciales pour cibler des particuliers.
Pourquoi, dans ce cas particulier, puisqu'il est question de tenir les militaires responsables de leurs crimes, avons-nous appliqué la LMES plutôt que la loi Magnitski?
:
Merci, monsieur le président.
Je comprends que tout le monde soit préoccupé par les détentions arbitraires et toutes les violations des droits de la personne et des valeurs démocratiques. Les militaires disent que l'élection démocratique n'a pas été reconnue, bien qu'elle l'ait été, ils procèdent à des détentions arbitraires, ils empêchent les manifestations pacifiques. Toutes ces actions sont antidémocratiques, elles heurtent de front les principes de la démocratie.
Ce que je veux mettre en lumière, c'est que, même sous un gouvernement différent, il y avait effectivement des mesures génocidaires à l'endroit des Rohingyas. Comment les Rohingyas sont-ils touchés par l'arrivée de ce nouveau gouvernement, avec le contrôle militaire qu'il exerce sur le pays et ses atteintes aux principes démocratiques? Les Rohingyas sont-ils encore victimes de génocide? Est-ce toujours le cas? Quoi que nous fassions, il me semble que, même s'il y a changement de gouvernement ou d'administration, le problème persistera. Comment pouvons-nous le régler?
:
Je n'ai pas vraiment obtenu la réponse que je cherchais. À l'heure actuelle, les Rohingyas sont des apatrides. C'est un peuple en exil. Ils ne sont plus forcément aussi bien accueillis au Bangladesh qu'ils l'étaient auparavant. Qu'allons-nous donc faire pour aider ces gens? Allons-nous leur ouvrir nos portes? Il va sans dire que le retour chez eux n'est pas une option. Qu'allons-nous faire pour les gens eux-mêmes? C'est une question à laquelle je cherche une réponse.
La Chine est-elle mêlée à ce déplacement génocidaire des Rohingyas? Quelle est la position de la Chine à l'égard des Rohingyas? La Chine est évidemment un pays voisin. La Chine et la Russie interviennent de plus en plus dans des conflits régionaux partout au monde, non plus seulement dans des pays voisins, et elles ont toutes deux tendance, dans leurs interventions, à faire fi des principes démocratiques et des droits de la personne.
Allons-nous faire quelque chose au sujet de l'ingérence de ces deux pays? Allons-nous envisager des sanctions contre eux? Allons-nous trouver des gens qui partagent nos vues pour réfréner la Russie et la Chine en particulier? Je sais que dans la région de l'OSCE on a vraiment l'impression qu'il faut faire quelque chose au sujet de l'ingérence de ces deux pays, qui aiment bien rappeler leur propre souveraineté, mais qui font peu de cas de celle des autres.
J'ai peu d'espoir que la situation s'améliore. Qu'allons-nous faire au sujet de ces gens apatrides, sans foyer, exilés, qui vivent dans des conditions épouvantables? Qu'allons-nous faire au sujet de l'ingérence continue et croissante de la Chine et de la Russie en Afrique et partout ailleurs où survient un conflit régional?
:
Je m'excuse, mais je n'ai pas beaucoup de temps et je veux vraiment poser la question que voici.
D'accord, ils ne peuvent pas être rapatriés. Nous comprenons cela, mais pouvez-vous me dire ce que nous avons l'intention de faire pour améliorer le sort des Rohingyas là où ils se trouvent, apatrides, sans foyer et vivant dans des conditions épouvantables? Allons-nous nous joindre à des gens qui partagent nos vues et les accueillir au Canada et dans les autres pays développés qui, à un moment donné, en viendront à décider que nous ne pouvons pas laisser, pour des générations, ces gens dans les conditions où ils sont?
C'est de cela que je veux parler. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'ils ne peuvent pas retourner chez eux. Qu'allons-nous donc faire pour eux?
:
Monsieur Thoppil, je suis désolé, mais je dois vous interrompre un instant.
Le temps de Mme Fry est presque écoulé, mais nous avons de nouveau une difficulté avec l'interprétation. C'est toujours la technologie qui pose problème. Les interprètes ne sont pas en mesure de suivre. Je me demande si nous disposons d'un autre moyen pour rétablir la qualité de votre signal audio au niveau nécessaire. Voulez-vous reformuler votre réponse ou vous en remettre à l'un de vos collègues?
Madame la greffière, y a-t-il quelque amélioration à espérer en repositionnant le microphone ou est-ce que ce le problème se situe ailleurs?
Monsieur Thoppil, pourriez-vous répéter vos derniers propos lentement et clairement? Peut-être que nous pourrons avoir l'interprétation. Sinon, peut-être qu'un de vos collègues pourra répondre à votre place.
Allez-y, s'il vous plaît.
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Oui. Merci, monsieur Thoppil.
L'élément central est l'armée. Il faut tenir compte du fait que, même si le pays est sur la voie de la démocratie, il s'agit toujours d'une démocratie structurée de façon à ce que les militaires gardent le contrôle. Selon la constitution actuelle, un certain pourcentage des sièges parlementaires est réservé aux militaires. Nous savons que ceux-ci conservent le contrôle direct des principaux ministères gouvernementaux chargés de la sécurité et des affaires intérieures. Il y a toujours eu une tension entre la composante civile et la composante militaire.
Les opérations de sécurité qui ont mené aux atrocités commises contre le peuple rohingya en 2017-2018 résultaient clairement d'une action menée par les militaires et à leur instigation. Les opérations de sécurité dans l'État de Rakhine et dans d'autres régions du pays ont rapidement dégénéré en crimes contre l'humanité, lesquels ont été reconnus comme tels par notre Parlement.
C'est vrai qu'il y avait déjà auparavant une tension entre la structure civile et la structure militaire.
Le 18 février, le gouvernement a modifié le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie en vue d'interdire, avec un certain nombre de personnes désignées, des transactions portant sur des biens et services financiers connexes. Or, en date du 12 mars dernier, on pouvait lire dans Le Devoir qu'une entreprise canadienne avait conclu un contrat de 2 millions de dollars avec le général Mya Tun Oo, ministre de la Défense de la Birmanie. L'article mentionne qu'Affaires mondiales Canada était au courant de cette transaction.
Les mesures économiques spéciales visant la Birmanie s'appliquent-elles ou non à ces personnes désignées? Manifestement, des entreprises canadiennes continuent de conclure des ententes importantes avec des membres de la junte militaire birmane.
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Merci, monsieur le président.
Merci de votre exposé.
Je pense que nous savons tous que les militaires du Myanmar peuvent être particulièrement brutaux. En 1988, au cours de la répression militaire d'une manifestation en faveur de la démocratie, plus d'un millier de manifestants ont été tués. Malgré cela, il y a eu un nombre considérable de manifestations en réaction au coup d'État du 1er février.
À la suite du coup d'État, il y a eu de grandes manifestations. Les parlementaires élus, qui n'ont pas pu être assermentés, se sont réunis et ont nommé ce qu'on pourrait appeler un cabinet — je pense qu'ils appellent cela autrement: le comité représentant l'union parlementaire — et ils ont formé ce qui pourrait être considéré comme une sorte de gouvernement parallèle, bien que ses membres soient passés dans la clandestinité.
Une personne très bien informée m'a dit que les manifestations avaient pour but d'exhorter les fonctionnaires à ne pas rentrer au travail, à retirer en quelque sorte leurs services dans l'espoir d'empêcher les militaires de gouverner. Il y avait un certain espoir de succès.
Pouvez-vous nous parler de cet aspect de la situation? Est-ce que ce mouvement se poursuit? Y a-t-il une possibilité qu'il s'étende, ou est-ce que le gouvernement militaire a réussi à réprimer les manifestations jusqu'à présent?
Affaires mondiales Canada a-t-il des préoccupations au sujet de l'aide au développement destinée aux 130 000 Rohingyas qui sont encore au Myanmar? Y a-t-il lieu de s'inquiéter que cette aide puisse, en fait, aggraver la situation des Rohingyas sur le terrain au chapitre des droits de la personne?
Je m'exprimerai autrement. Certains groupes humanitaires ont laissé entendre qu'en continuant de travailler avec les autorités du Myanmar dans l'État de Rakhine, ils deviennent, d'une certaine façon, complices du gouvernement dans ses efforts pour continuer d'isoler et de priver les Rohingyas au moyen de ces... ce sont, dans cette partie du pays, essentiellement des camps de concentration. Le ministère a-t-il des préoccupations à ce sujet?
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Comme je l'ai peut-être dit plus tôt, avant le coup d'État, le Canada appliquait déjà, à l'encontre du Myanmar, l'un des régimes de sanctions les plus complets qui soient, comparativement à ceux de nos partenaires, notamment l'Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Comme je l'ai dit plus tôt, avant même le coup d'État, le Canada avait sanctionné deux des plus grands conglomérats militaires, Myanmar Economic Corporation et Myanmar Economic Holdings Limited, ainsi que 42 autres entités affiliées aux militaires.
En réponse au coup d'État, nous avons récemment, à la suite de discussions avec nos alliés, annoncé des sanctions ciblées supplémentaires contre les dirigeants non militaires. Nous discutons tous les jours avec des partenaires qui partagent nos vues, tant dans les capitales que sur le terrain, afin d'apporter, au besoin, d'autres ajustements aux sanctions.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir brièvement sur la question des placements canadiens dans des portefeuilles appartenant au Tatmadaw.
Je vais vous lire un passage d'un article paru dans le Globe and Mail l'an dernier. Je crois que c'était l'an dernier, mais c'était peut-être avant:
Parmi les actions liées aux militaires du Myanmar détenues par l'OIRPC, par exemple, « il y a celles de multinationales de grande réputation qui offrent à leurs clients des produits et des services exceptionnels »...
C'est le chef des affaires publiques et des communications de l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada qui parle ainsi.
Je soupçonne que les Canadiens, qui touchent peut-être une partie de leurs revenus du Régime de pensions du Canada, ne seraient pas très heureux d'apprendre que c'est en partie grâce à des placements dans des entreprises de militaires au Myanmar que leur fonds de retraite fructifie. Il y a sûrement quelque chose qui pourrait être fait pour non seulement régler ce problème, mais aussi empêcher le Canada et les Canadiens de soutenir les entreprises économiques des militaires au Myanmar, qui ne reculent pas devant les violences que nous avons vues ces derniers mois, comme d'ailleurs tout au long de leur histoire au Myanmar.
N'est-ce pas là quelque chose qui pourrait faire partie d'une stratégie visant à sanctionner les militaires du Myanmar pour leurs activités et, espérons-le, à susciter un changement dans ce pays?
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Volontiers. Je vous remercie de la question.
Nous contrôlons l'efficacité de nos sanctions sur le terrain, en étroite collaboration avec nos partenaires qui ont aussi mis en place des mesures semblables. Comme je l'ai mentionné plus tôt, contrevenir aux sanctions canadiennes constitue une infraction criminelle.
En ce qui concerne le Myanmar, nous avons établi une liste récapitulative en vertu de la LMES des personnes et des entités avec lesquelles il est interdit de faire affaire... Cela ne signifie pas nécessairement qu'il y a interdiction totale, mais c'est quelque chose que nous envisageons. À mesure que nous avancerons, nous maintiendrons ouvertes toutes les options, dont celle d'imposer de nouvelles sanctions si nous le jugeons nécessaire.
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Merci, monsieur le président.
Je ne vois vraiment pas pourquoi le gouvernement n'a pas appliqué les sanctions prévues par la loi Magnitski.
Comme vous le savez, monsieur Anderson, le recours aux sanctions de la loi Magnitski a été très restreint. Ces sanctions ont précisément pour objet de réprimer les violations des droits de la personne et de cibler des particuliers. Le recours aux sanctions de la loi Magnitski enverrait, à mon avis, un message clair sur l'engagement du Canada à défendre les droits de la personne. Ce message n'a pas été envoyé.
Je sais que, partout au monde, des parlementaires, au vu de cas où des lois Magnitski ont été adoptées, puis essentiellement inappliquées par la suite, envisagent d'inclure dans une loi Magnitski des déclencheurs automatiques ou parlementaires qui leur permettraient d'obliger le gouvernement à agir ou, à tout le moins, à répondre aux demandes de sanctions de type Magnitski.
Je me répète peut-être, mais je demande pourquoi nous n'appliquons pas des sanctions de la loi Magnitski précisément pour cibler les personnes responsables de violations graves des droits de la personne. Dans le cas d'un gouvernement qui n'agit pas devant de telles situations, que diriez-vous de l'idée d'avoir un mécanisme par lequel des parlementaires, un comité parlementaire, pourraient désigner des particuliers à qui devraient s'appliquer des sanctions de type Magnitski et pourraient au moins obliger le gouvernement à répondre aux directives ou aux recommandations des parlementaires concernant ces sanctions?