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Chers collègues, bienvenue à la 26
e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
[Français]
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 29 octobre 2020, le Comité entreprend son étude de l'octroi de licences d'exportation d'armes avec une attention particulière sur les licences d'exportation vers la Turquie.
[Traduction]
Au cours de la première heure, nous allons entendre les représentants d'Affaires mondiales Canada.
J'invite tous les participants à mettre leur micro en sourdine lorsqu'ils n'ont pas la parole et à adresser tous leurs commentaires à la présidence.
Lorsqu'il vous restera 30 secondes pour poser vos questions ou [Difficultés techniques], je vous ferai signe avec ce bout de papier.
Les services d'interprétation sont accessibles à partir de l'icône du globe au bas de votre écran.
[Français]
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Nous recevons Bruce Christie, sous-ministre adjoint délégué...
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Monsieur Oliphant, merci beaucoup pour ce rappel au Règlement.
J'étais encore en train d'établir si M. Harris a bel et bien la parole ou si nous devions la lui donner. J'essayais de l'inciter, une fois de plus, à utiliser le moment qui lui est réservé et qui correspond, je crois, à six minutes au cours du premier tour de questions. À ce moment, s'il souhaite proposer une motion, il est tout à fait libre de le faire.
S'il n'y a pas d'autres interventions là-dessus, peut-être que madame la greffière pourrait tout simplement clarifier brièvement s'il s'agit bien là de la bonne façon de procéder, de sorte à répondre à la question de M. Oliphant. J'ai tendance à conclure que M. Harris n'avait pas officiellement la parole, car j'étais sur le point de présenter les témoins que nous accueillons pour la première heure de cette séance, cet après-midi.
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Merci beaucoup, madame la greffière, et monsieur Oliphant. Voilà qui nous éclaire.
J'essaie d'être le plus consensuel possible. J'invite donc le Comité à voir la situation comme suit: la façon adéquate de procéder est que M. Harris prenne la parole quand son tour sera venu. Je suis prêt à en faire une décision de la présidence si c'est nécessaire. Une fois de plus, j'incite M. Harris à formuler sa motion de sorte qu'elle soit étroitement liée au sujet, et il affirme qu'elle l'est. Ensuite, si tel est le cas, il est tout à fait apte à prendre la parole dans quelques minutes.
Si cela convient au Comité, nous allons maintenant passer à la présentation des témoins.
Merci, chers collègues.
[Français]
J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins d'Affaires mondiales Canada.
Il s'agit d'abord de Bruce Christie, sous-ministre adjoint délégué, Politique et négociations commerciales.
Ensuite, il y a Sandra McCardell, sous-ministre adjointe, Europe, Arctique, Moyen-Orient et Maghreb.
Colleen Calvert, secrétaire des Affaires ministérielles intérimaire et directrice générale, se joint également à nous.
Finalement, nous accueillons Andrew Turner, directeur adjoint, Europe du Sud-Est et Eurasie, ainsi que Shalini Anand, directrice générale intérimaire, Réglementation commerciale et contrôles à l'exportation.
Monsieur Christie, si j'ai bien compris, vous allez faire la présentation. Vous disposez donc de cinq minutes. Nous vous écoutons.
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Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Comité pour votre invitation à comparaître aujourd'hui pour discuter du régime canadien de contrôle des exportations.
Comme vous le savez, l'ancien ministre des Affaires étrangères et les directeurs généraux du Bureau de Réglementation commerciale et contrôles à l’exportation, de même que de la Direction générale des affaires européennes, à Affaires mondiales ont comparu devant le Comité pour traiter de la question de la suspension de certaines licences d'exportation vers la Turquie en octobre dernier. Comme l'a déclaré le ministre Champagne lors de sa comparution devant le Comité en novembre dernier, le gouvernement prendra les mesures appropriées s'il dispose d'éléments de preuve crédibles selon lesquels les marchandises et la technologie exportées par le Canada ont été utilisées de façon abusive.
À la suite d'allégations voulant que des exportations canadiennes contrôlées aient été déployées dans le conflit récent du Haut-Karabakh, un examen de ces allégations a été mené par Affaires mondiales Canada en collaboration avec le ministère de la Défense nationale. L'examen a permis de conclure que de la technologie canadienne a été [Difficultés techniques] au Haut-Karabakh et dans d'autres conflits régionaux, puis que le présumé transfert de technologie canadienne à une tierce partie pourrait ne pas avoir été conforme aux assurances d'utilisation finale fournies par le gouvernement turc. Ainsi, le ministre des Affaires étrangères a décidé hier d'annuler les licences suspendues et a demandé aux fonctionnaires de son ministère d'entamer un dialogue avec la Turquie afin d'établir une confiance mutuelle et une plus grande coopération en matière de licences d'exportation afin de veiller au respect des assurances d'utilisation finale avant que toute autre licence pour des marchandises et des technologies militaires soit délivrée.
La politique du Canada sur le contrôle des exportations applicable à la Turquie demeure en vigueur. Comme l'a précisé le dans sa déclaration hier, la Turquie est un allié important au sein de l'OTAN, et les demandes de licences d’exportation à destination de la Turquie dans le cadre de programmes de coopération de l'OTAN seront examinées au cas par cas.
Même si l'équipe et moi-même serons heureux de répondre à toute question sur l'examen des licences d'exportation vers la Turquie après mon exposé, je vais axer mes brèves remarques aujourd'hui sur la description du processus d'évaluation des demandes de licence d'exportation, puisque, de ce que je comprends, le Comité a demandé des précisions à cet effet.
Le Canada dispose d'un des régimes de contrôle des exportations les plus rigoureux au monde et, au cours des dernières années, nous avons pris des mesures pour accroître la rigueur et la transparence de ce régime déjà très efficace. L'accession du Canada au Traité sur le commerce des armes des Nations unies, ou TCA, en septembre 2019, est la première de ces mesures prises par le Canada. En outre, avant d'adhérer au TCA, le Canada a apporté des modifications à la Loi sur les licences d'exportation et d'importation afin d'assurer sa pleine conformité au TCA.
La modification la plus importante portait sur l'intégration de l'obligation d'évaluer toutes les demandes de licence pour des marchandises militaires par rapport aux critères établis dans le TCA. Selon ces critères, les fonctionnaires doivent établir le risque que les exportations puissent servir à commettre ou à faciliter une violation grave du droit international, du droit humanitaire ou des droits de la personne ou encore à commettre des actes de terrorisme ou des infractions au regard des conventions et protocoles internationaux relatifs au crime organisé transnational, voire des actes de violence fondés sur le sexe.
Au titre de la Loi, le ministre des Affaires étrangères est tenu de refuser une licence d'exportation pour des marchandises militaires s'il détermine, après avoir pris en compte les mesures d'atténuation disponibles, qu'il existe un risque sérieux que l'exportation proposée entraîne toute conséquence négative citée dans les critères du TAC.
Les Canadiens s'attendent, à juste titre d'ailleurs, à ce que nos exportations militaires et stratégiques ne servent pas à la violation des droits de la personne à l'étranger. Cela dit, nous devons également être conscients de l'importance de l'industrie de la défense au sein de l'économie canadienne, surtout en ces temps de grandes difficultés économiques. En fait, nos exportations de marchandises militaires à l'extérieur des États-Unis représentaient à elles seules près de 3,7 milliards de dollars en 2019. Nos mesures de contrôle des exportations ne visent pas à nuire de manière indue au commerce international, mais plutôt à veiller à ce que les marchandises contrôlées soient exportées de façon conforme à nos valeurs et intérêts.
J'aimerais très brièvement discuter du processus grâce auquel le ministère évalue quelque 6 000 demandes de licence d'exportation [Difficultés techniques]. Une fois la demande de licence d'exportation reçue, nos ingénieurs confirment que les marchandises sont bel et bien contrôlées à des fins d'exportation. Ensuite, les demandes de licence d'exportation pour des marchandises militaires et stratégiques sont examinées au cas par cas selon les critères du TAC et le critère de risque sérieux. Dans le cas d'exportations vers des destinations à faible risque, par exemple des alliés aux vues similaires qui participent au même régime multilatéral de contrôle des exportations que le Canada, un agent de licence évalue la demande en procédant à une analyse du pays destinataire en fonction des critères du TAC. S'il ne cerne aucune préoccupation, la licence est délivrée.
Dans le cas des exportations vers toutes les autres destinations, ou d'une licence pour une destination à faible risque qui soulève des préoccupations, la demande est transférée pour les fins de vastes consultations. Les partenaires consultés comprennent des spécialistes en géographie, en droits de la personne et en sécurité internationale, de même que d'autres issus de l'industrie de la défense, comme Affaires mondiales Canada, de même que nos missions à l'étranger et le ministère de la Défense nationale. Enfin, si cela est nécessaire, on consulte également d'autres ministères et organismes gouvernementaux.
Si aucune préoccupation n'est soulevée pendant le processus de consultation, la demande est assujettie à l'approbation supplémentaire de la direction, qui doit valider la conformité aux processus d'examen. Ensuite, la demande de licence est remise au dans le cadre d'un rapport hebdomadaire afin qu'il en fasse l'examen.
Toutefois, si des préoccupations sont soulevées par les partenaires consultés, la demande est envoyée à un comité interministériel composé de hauts fonctionnaires pour examen. Si le comité recommande la délivrance de la licence, la demande est envoyée au pour examen et approbation finaux. S'il n'y a pas consensus ou si le comité de spécialistes recommande de refuser la licence, la demande est soumise au ministre, qui doit trancher.
Comme vous le savez, le ministre des Affaires étrangères a également le pouvoir au titre de la Loi de suspendre, de modifier ou d'annuler toute licence délivrée à la lumière de tout élément de preuve que les marchandises exportées sont utilisées ou seront utilisées d'une manière qui ne correspond pas à la politique étrangère du Canada, ni à ses intérêts en matière de défense et de sécurité.
Il est également important de souligner que l'introduction d'un cadre d'évaluation plus rigoureux a entraîné des retards dans le traitement des demandes. Ces retards ont été remarqués par l'industrie, qui a réclamé haut et fort un régime plus transparent, rapide et prévisible. Actuellement, nous étudions de quelle façon nous pourrions rationaliser notre processus d'évaluation tout en maintenant le degré de rigueur exigé au titre de la Loi et en demeurant fidèles aux attentes des Canadiens.
Voilà qui termine mon exposé, monsieur le président. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur Christie, d'être des nôtres. Je remercie tous vos collaborateurs et collaboratrices qui sont également ici de nous éclairer dans le cadre des travaux de ce comité.
Je ne vous cacherai pas que plusieurs saluent la décision annoncée hier par le . Cela dit, force est de constater qu'il aura fallu de nombreuses pertes de vies humaines pour qu'on en vienne à cette décision. Pourtant, les signaux d'alarme ont été nombreux. Il y a un proverbe arabe selon lequel, me dit-on, lorsqu'une chose nous arrive une fois, ce n'est pas notre faute; lorsqu'elle nous arrive deux fois, il faut se poser des questions, mais quand elle se produit trois fois, c'est notre faute.
Pour ce qui est du cas qui nous intéresse, vous avez vous-même souligné que, en octobre 2019, des questions avaient été soulevées à la suite de l'intervention de la Turquie dans le Nord de la Syrie. En décembre 2019, le Groupe d'experts sur la Libye des Nations unies a soumis un rapport au Conseil de sécurité des Nations unies. On y signalait entre autres que la Turquie avait fourni régulièrement des armes aux parties prenant part au conflit en Libye, parfois de manière flagrante, sans se donner la peine d'en dissimuler la provenance.
Est alors survenu le conflit au Haut-Karabakh. Entre-temps, le Canada avait autorisé l'exportation d'un certain nombre d'équipements dont certains, on le sait, ont servi à la fabrication de drones. Ceux-ci ont été employés, non seulement en Libye, mais également dans le conflit au Haut-Karabakh et, possiblement, dans le Nord de la Syrie. Après au moins deux signaux d'alarme, on a autorisé, d'une façon que je qualifierais d'un peu permissive, l'exportation de ces équipements vers la Turquie.
N'est-ce pas cher payer?
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Permettez-moi de commencer par aborder la question de la situation en Syrie. Comme vous le dites, en octobre 2019, nous avons suspendu les demandes de licence après l'incursion militaire de la Turquie dans le sud-est de la Syrie. À la suite de notre examen de la situation, nous avons déterminé, de concert avec nos partenaires et nos alliés, que l'incursion turque en Syrie n'avait pas déstabilisé la région. En fait, ils y sont allés dans le but de protéger les intérêts turcs et non de perpétrer des violations des droits de la personne.
Toutefois, lorsque nous avons évalué les demandes de licence et déterminé si elles avaient contribué au problème, nous n'avons pas cherché à savoir si les violations des droits de la personne avaient subi des répercussions dans la région. Nous avons cherché à savoir si la technologie canadienne avait contribué à des violations des droits de la personne ou à des violations du droit international humanitaire. Selon la Loi sur les licences d'exportation et d'importation et selon les critères du Traité sur le commerce des armes qui sont maintenant inscrits dans la loi, nous n'avons pas, sur le plan juridique, le droit d'examiner les violations des droits de la personne en général. Nous déterminons si les violations des droits de la personne ont été causées par l'exportation canadienne de technologies militaires.
Tout d'abord, dans le cas de la Libye, étant donné que la Turquie est un partenaire de l'OTAN, nous savions qu'elle faisait face à de très graves problèmes de défense et de sécurité dans toute la région, y compris en Libye et en Syrie. À l'époque, nous avons déterminé, grâce à l'examen publié hier, qu'il y avait peut-être des preuves crédibles que la technologie canadienne à laquelle vous faites allusion, c'est-à-dire les capteurs et les caméras, avait été utilisée aussi dans cette région, mais avant cela, nous n'avions aucune preuve que les exportations militaires canadiennes ou les exportations de technologie étaient utilisées à des fins offensives en Libye ou en violation des critères du Traité sur le commerce des armes.
Comme l'a mentionné M. Fonseca, vous avez souligné, dans votre présentation, qu'il fallait malgré tout chercher à préserver les intérêts commerciaux canadiens. Or, lors d'une rencontre avec des parlementaires canadiens, un diplomate turc en poste à Ottawa a candidement avoué que la Turquie n'avait plus vraiment besoin de cet équipement, soit la technologie WESCAM fabriquée par L3Harris à Burlington, en Ontario, puisqu'elle avait créé ses propres produits maison en copiant, probablement, la technologie canadienne.
En essayant de préserver les intérêts commerciaux canadiens, ne leur avons-nous pas plutôt nui, dans la mesure où un pays a simplement copié la technologie et l'intègre dans ses propres armes?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Monsieur Christie, vous avez dit une chose à M. Harris, que j'ai trouvée surprenante. Vous avez dit que le conflit était en dormance depuis de nombreuses années, et que ce n'était que depuis le 25 septembre dernier qu'il avait refait surface.
Toutefois, l'été dernier, en juillet, il y a eu des conflits entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. En fait, une simple recherche Google permet de trouver des centaines d'articles à ce sujet. Le conflit a été relaté dans la presse grand public occidentale, comme dans le magazine Forbes et dans le New York Times; je suis donc surpris de voir que le ministère n'était pas au courant de ces conflits qui se déroulaient en juillet dans le Caucase.
Ce qui me surprend, aussi, c'est que les articles sur les conflits évoquaient le recours aux technologies de drones. Par exemple — et c'est un exemple parmi de nombreux autres —, dans le magazine Forbes, David Hambling a écrit le 17 juillet que des drones Bayraktar turcs avaient été utilisés dans le cadre des conflits opposant l'Arménie à l'Azerbaïdjan cet été-là: l'été dernier. Je suis vraiment surpris de constater que le ministère n'était pas au courant.
Ce qui m'a particulièrement surpris, lorsque j'ai lu les documents du ministère, c'est que dans la note d'information à l'intention du au sujet de la rencontre avec son homologue turc le 17 septembre, on ne mentionne aucunement les conflits du Caucase, qui impliquent la Turquie. De nombreux articles faisaient état de la participation de la Turquie et de l'Azerbaïdjan à ces conflits, et de leur coopération. Les deux pays avaient réalisé des exercices militaires conjoints de grande envergure. Or, dans cette note d'information, on ne mentionne aucunement les conflits au Caucase.
Le document est daté du 14 septembre, et il portait sur une rencontre qui aurait lieu le 17 septembre entre le et son homologue turc. On y fait référence au conflit entre la Turquie et la Grèce dans la Méditerranée orientale. On parle de nombreux autres enjeux dans la région, mais pas des conflits dans le Caucase.
En septembre dernier, le ministère était-il au courant des conflits entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan qui se déroulaient dans le Haut-Karabakh?
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Dans le même esprit, si je poursuis la logique venant d'être exposée, il est d'autant plus important de demander des assurances plus solides de la part de notre allié turc. Précédemment, lorsque nous lui avons demandé des précisions, il ne les a pas fournies. Par ailleurs, pour reprendre le questionnement de M. Oliphant, je crois qu'on peut dire que notre allié turc a retourné ses armes, armes possiblement conçues au moyen de la technologie canadienne, contre un autre allié nous ayant aidé à lutter contre Daech. Je parle bien sûr des Kurdes du Nord-Ouest de la Syrie.
Cela étant dit, monsieur le président, lorsque le précédent ministre des Affaires étrangères, conseillé par ses fonctionnaires, a décidé de suspendre les permis d'exportation d'armes vers l'Arabie saoudite, il nous a annoncé la création d'un comité d'experts. Or, en octobre dernier, lors de la comparution de représentants d'Affaires mondiales Canada devant le Comité, on nous a signalé que la composition du groupe d'experts restait toujours à définir.
M. Christie nous a dit, dans sa présentation, que des gens à l'externe étaient souvent consultés. Je présume que ce comité d'experts devrait normalement l'être également. Cela dit, qui peut-on consulter lorsqu'on tarde autant à créer un comité d'experts qui doit justement servir à conseiller le ministère à cet égard?
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En ce qui a trait aux licences du Haut-Karabakh qui ont été suspendues par le en octobre dernier, nous consultons les sociétés canadiennes dans le cadre de nos délibérations. Nous consultons nos partenaires aux vues similaires.
Depuis que nous avons signé le traité sur le commerce des armes, nous procédons régulièrement à une analyse comparative de la façon dont le Canada met en oeuvre les critères ou ses obligations en vertu du traité par rapport à celle des autres pays. Ces délibérations nous ont permis de déterminer que notre façon de faire était étroitement liée à celle de la majorité de nos homologues européens, par exemple. Elles sont toutes légèrement différentes.
Vous avez fait référence à la création d'un conseil consultatif sur le traité sur le commerce des armes. Oui, le a annoncé la création de ce conseil en avril dernier. Nous travaillons, en consultation avec d'autres, à déterminer les conditions, le mandat et la composition de ce conseil. Selon les recommandations qui ont été faites, le conseil serait composé d'universitaires et de représentants du secteur privé, en plus de représentants d'organisations non gouvernementales. Leur rôle serait de conseiller le Canada, non seulement sur la façon de mettre en oeuvre le traité, mais aussi sur la façon de l'évaluer. Quant au moment de son annonce, nous espérons que ce sera bientôt.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais ajouter aux propos de M. Chong de tout à l'heure au sujet de la connaissance d'Affaires mondiale de ce qui se passait dans le Haut-Karabakh et des renseignements qui étaient déjà disponibles ou connus. Premièrement, en ce qui a trait aux capteurs... Dans son propre rapport, publié hier, le gouvernement indique que le catalogue de produits de Baykar présente les capteurs canadiens à titre de technologie exclusive pour ses véhicules aériens sans pilote, ce qui donne à penser que les capteurs canadiens ont probablement été utilisés pour les drones TB2 de la société. Cette information était disponible depuis un bon moment, alors je ne comprends pas pourquoi il y aurait confusion à cet égard.
De plus, en juin et en juillet — et je fais référence au rapport du gouvernement, à la page 5 —, selon des reportages dans les médias, l'Azerbaïdjan achetait ces drones de la Turquie. De plus, le président de l'industrie de la défense de la Turquie avait fait valoir qu'il fournirait toujours l'Azerbaïdjan en drones, en munitions, en missiles et en systèmes de guerre électroniques. Je souligne qu'il s'agit du rapport du gouvernement, ce qui est bien, et je suis heureux qu'il ait rendu ce rapport public, mais cela signifie qu'il avait accès à cette information, et à d'autres renseignements, en juillet.
Je n'ai pas beaucoup de temps pour d'autres questions et réponses à ce moment-ci, puisque je ne dispose que de deux minutes et demie, monsieur le président, mais j'aimerais présenter une motion:
Que le Comité rende publics les documents fournis à ce jour par Affaires mondiales Canada, conformément à la motion adoptée le 29 octobre 2020; et que la greffière réitère le droit du Comité d'avoir accès sans entrave aux documents non expurgés demandés aux fonctionnaires d'Affaires mondiales Canada.
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Je suis d'accord en principe. Je pense qu'il s'agit en effet d'une motion semblable à celle que nous avons déjà adoptée.
J'ai deux questions. J'aimerais d'abord qu'on m'éclaire et je vais peut-être demander au président de suspendre la séance d'ici à ce que nous recevions un exemplaire de la motion. J'aimerais pouvoir comparer cette motion avec la motion précédente pour voir si elles sont identiques ou non. Si elles sont identiques, alors nous l'appuierons, bien sûr. Je voterai en faveur de cette motion et je présume que ce sera aussi le cas de mes collègues.
Pour ma deuxième question, je cherche de la clarté. Je n'ai pas les bleus — le compte rendu des débats — sous les yeux. La motion précédente s'appliquait-elle seulement aux documents que nous avions reçus jusqu'alors? Je vois que la greffière hoche la tête. C'était une motion limitée; il nous faut donc cette nouvelle motion pour appliquer le même mécanisme pour ces nouveaux documents que nous venons de recevoir.
Je voulais aussi vérifier si le libellé des deux motions est bel et bien identique. S'il l'est, nous pouvons passer à autre chose et poursuivre la réunion avec nos témoins, qui est plutôt importante. Si le libellé diffère, alors je dois pouvoir y jeter un œil pour examiner les différences. Je dois pouvoir les examiner.
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Bienvenue à tous. Nous sommes maintenant prêts à poursuivre notre étude sur l'octroi de licences d'exportation d'armes, avec une attention particulière sur les licences d'exportation vers la Turquie. Nous accueillons notre deuxième groupe de témoins.
[Français]
Pour la gouverne de nos nouveaux témoins, j'encourage tous les participants à mettre leur microphone en sourdine lorsqu'ils ne parlent pas et à adresser leurs commentaires à la présidence.
Lorsqu'il vous restera 30 secondes pour poser des questions, je vous ferai signe avec un bout de papier. L'interprétation est accessible à partir de l'icône du globe au bas de votre écran.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
[Traduction]
Nous accueillons Mme Bessma Momani, professeure à l'Université de Waterloo, M. Chris Kilford, écrivain sur les questions turques et du Moyen-Orient, ainsi que M. Christian Leuprecht, professeur au Département de sciences politiques au Collège militaire royal du Canada.
Madame Momani, nous vous cédons la parole en premier. Vous disposez de cinq minutes pour vos remarques liminaires.
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Merci à tous. Je serai heureuse de répondre à vos questions, particulièrement sur la politique étrangère de la Turquie et le contexte régional. Je vais vous offrir une mise en contexte de certains des enjeux qui nous occupent aujourd'hui, et plus précisément des licences d'exportation vers la Turquie. Mon ami, M. Leuprecht, poursuivra dans la même veine en vous parlant des systèmes utilisés, mais j'ai pensé que ce serait bien de vous offrir une mise en contexte de certains enjeux qui me semblent importants.
Bien sûr, l'Arménie et l'Azerbaïdjan sont brièvement entrés en conflit récemment. Nous avons beaucoup parlé du fait que la Turquie avait donné un arsenal moderne aux Azerbaïdjanais. Je crois qu'il est important de mentionner qu'en raison de sa situation économique relative, l'Arménie n'a pas vraiment eu l'occasion de mettre à niveau la plupart de son arsenal. L'arsenal arménien est composé en majorité de systèmes très anciens, et surtout de roquettes russes. Les Azéris se sont fortement enrichis avec le pétrole et ont donc pu investir au cours des 20 dernières années non seulement dans un arsenal d'armes très diversifié, mais aussi, et plus important encore, dans des armes modernes, telles que des missiles, des roquettes et des drones.
On a beaucoup parlé des drones et c'est certainement important de le faire, mais je crois qu'il est aussi important de mentionner que ces drones se sont avérés particulièrement efficaces en partie parce que les Arméniens ne disposaient pas de très bons systèmes de défense aérienne. Ces drones se sont avérés très utiles sans l'ombre d'un doute, car ils ont donné un grand avantage aux Azéris sur le champ de bataille.
Il y a aussi l'enjeu des caméras installées sur ces drones et utilisées à d'autres fins. En fait, de nombreux Arméniens ont dit qu'elles avaient été utilisées pour faire des vidéos de propagande très explicites, alors c'est un autre enjeu dont nous devons tenir compte. Les Azéris n'avaient pas seulement un avantage tactique, mais aussi un avantage très intéressant pour transmettre des messages.
J'aimerais aborder un autre enjeu important pour les débats sur l'avenir. Ce conflit précis représente un changement dans le monde de la guerre moderne. La technologie des drones va réellement changer la donne sur les champs de bataille, en partie parce qu'ils ne sont pas dispendieux. D'autres pays vont se mettre à utiliser des drones, surtout ceux qui n'ont pas une force aérienne robuste. Si vous ne voulez pas investir beaucoup d'argent pour avoir une force aérienne, alors vous pouvez utiliser des drones afin d'accomplir la même chose efficacement à une fraction du coût. Nous allons voir de nombreux pays plus petits mettre la main sur ces outils d'aviation tactiques peu coûteux, qui ont parfois des armes à guidage de précision. Ces outils peuvent s'avérer très efficaces, car ils peuvent détruire de l'équipement beaucoup plus cher, tels que des chars d'assaut, des véhicules, des unités d'artillerie, etc. Certains disent que ces drones ont permis de détruire efficacement environ le tiers des chars d'assaut arméniens, alors ils ont réellement eu tout un effet sur le champ de bataille.
Ce type de technologie est aussi plutôt répandue. Les Turcs, les Chinois et les Israéliens font affaire dans le marché d'exportation des drones. Cela dit, bien que la Turquie fabrique des drones depuis une décennie afin de renforcer son industrie d'armement locale, elle doit importer la majorité des logiciels de ces drones. La Turquie, ce faisant, ne dispose donc pas entièrement d'une industrie d'armement locale. Elle n'est pas complètement indépendante. J'espère que ce point peut vous être utile.
Enfin, ces drones ont été utilisés lors du conflit entre les Azéris et les Arméniens, mais ils ont aussi été utilisés, comme l'ont mentionné certains, lors de la guerre civile en Libye. Nous savons aussi qu'ils ont été utilisés pour appuyer les rebelles syriens, tout comme pour cibler des insurgés kurdes, que ce soit en Turquie avec le PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, ou en Irak.
Je vais m'arrêter là. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du Comité, de l'aimable invitation à prendre la parole aujourd'hui. Je vous parle depuis les territoires non cédés des Salish du littoral ici à Victoria.
J'espère pouvoir vous aider aujourd'hui en répondant à vos questions. À titre d'information, en plus d'écrire et de donner mon avis sur les questions qui touchent la Turquie et le Moyen-Orient, j'ai également servi dans les Forces armées canadiennes pendant 36 ans, notamment en tant que commandant du 4e Régiment d'artillerie antiaérienne. Je comprends donc assez bien la défense aérienne, la guerre aérienne et l'utilisation de drones. J'ai également servi en Afghanistan pendant un an, et entre juillet 2011 et juillet 2014, au grade de colonel, j'ai été l'attaché de défense canadienne en Turquie avec accréditation double en Azerbaïdjan. J'ai pris ma retraite des Forces armées canadiennes en septembre 2014. Ma dernière visite en Turquie remonte à novembre 2019.
En me préparant pour ma comparution d'aujourd'hui, j'ai eu l'occasion d'examiner toute la documentation que vous aviez, et plus particulièrement les documents sur les nacelles de surveillance et de ciblage Wescam qui sont utilisées dans les drones Bayraktar TB2.
Il ne fait aucun doute qu'après des décennies d'embargos intermittents sur les armes imposés à la Turquie par bon nombre de ses alliés de l'OTAN, le pays s'est doté d'une importante industrie de l'armement. Une grande partie de cette industrie est supervisée par la Fondation des forces armées turques du gouvernement et la Présidence des industries de la défense, qui sont toutes deux — et c'est vraiment important, je pense — directement contrôlées par le président turc, Recep Tayyip Erdogan.
L'assistance militaire récemment offerte par la Turquie à l'Azerbaïdjan, dans le cadre d'opérations de reprise du territoire azérien occupé par les Arméniens, n'est qu'un exemple des progrès réalisés par son industrie de l'armement. Je dirais que l'utilisation des drones Bayraktar a sans doute contribué davantage au succès de l'Azerbaïdjan que toute autre capacité qu'elle dispose.
En ce qui concerne la Turquie, je ne vois aucune autre force armée dans le monde qui soit actuellement impliquée dans autant de conflits armés, que ce soit directement ou indirectement, à part la Russie. La Russie, par exemple, a récemment demandé à la Turquie de cesser de vendre des drones à l'Ukraine, craignant sans doute qu'elle ne fasse pencher la balance militaire en faveur de l'Ukraine.
Pour revenir à la Turquie, elle dispose certes d'une armée bien entraînée et compétente, mais elle est en proie à de nombreux problèmes internes, avec les purges prolongées et constantes qui ont suivi un coup militaire raté en juillet 2016. J'ajouterais également que tout le pays — sur les plans politique, économique et des droits de la personne — est également confronté à de nombreux défis. Néanmoins, le gouvernement turc soulignerait sans doute que sans son intervention en Libye, le gouvernement reconnu par les Nations unies serait tombé aux mains des forces du général Haftar. Ce n'est pas pour minimiser la situation ou laisser entendre que nous excusons les activités régionales de la Turquie qui ont donné lieu à notre embargo sur les armes, mais il s'agit bien souvent d'une perspective qui fait défaut dans la situation d'ensemble. Selon des rapports de l'année dernière, je sais qu'Aselsan a mis au point sa propre nacelle de ciblage et pourrait ne plus avoir besoin des nacelles Wescam à l'avenir.
En conclusion, aussi mortels qu'ils puissent être, les drones sont équipés de ces systèmes électro-optiques sophistiqués et, s'ils sont pilotés par des opérateurs bien formés qui respectent les règles d'engagement légales, leur utilisation devrait permettre d'éviter ou de réduire du moins les pertes civiles dans les zones de conflit.
Merci beaucoup.
J'ai hâte de répondre à vos questions.
:
Mesdames et messieurs, je vous remercie de votre invitation.
Je vais m'exprimer en anglais, mais vous pourrez poser vos questions dans la langue officielle de votre choix.
[Traduction]
Le but de notre discussion d'aujourd'hui, pour autant que je sache, est d'avoir une conversation constructive sur la robustesse de notre système de contrôle des exportations et sur la possibilité d'offrir plus de certitude à l'avenir en ce qui concerne le système que nous avons.
En ce qui concerne la conversation avec le groupe de témoins précédent, il est également important de comprendre que le système que nous avons a été construit pendant la guerre froide, où nous avions un type de conflit assez prévisible. Aujourd'hui, en revanche, nous sommes engagés dans des missions antiterroristes, des missions anti-insurrectionnelles, des conflits qui ne franchissent pas le seuil de la guerre, et avec des pays comme la Turquie qui adoptent des politiques étrangères révisionnistes et hégémoniques. Par conséquent, le système a manifestement du mal à gérer cette plus grande diversité de conflits.
Ce qui est en jeu est fondamentalement une controverse sur les exportations en matière de défense. Il est important de comprendre que les exportations en matière de défense sont en fin de compte un instrument de politique étrangère, et c'est pourquoi la Liste des marchandises et technologies d'exportation contrôlée, la LMEC, relève du . C'est également la raison pour laquelle le ministre des Affaires étrangères dispose d'un pouvoir discrétionnaire considérable pour délivrer, suspendre, révoquer ou rétablir des permis. La décision prise hier par le ministre de révoquer les permis est assez inhabituelle. Ordinairement, il y a une suspension, mais pas une révocation.
Je dirais que le Canada a un système de contrôle des exportations très robuste. Ce système s'est considérablement amélioré depuis 2019 avec l'adhésion du Canada au Traité sur le commerce des armes. Il est parmi les plus robustes au monde. Je suis sûr qu'il y a des choses que nous pouvons faire pour l'améliorer, mais je pense que nous sommes à peu près aussi bons que nous pouvons l'être. Le système fonctionne parce qu'il est multilatéral. Nous décidons avec d'autres pays ce qui doit être contrôlé et comment nous allons le contrôler.
La question est donc de savoir s'il s'agit d'une défaillance du système de contrôle des exportations. Eh bien, le Canada n'aurait jamais permis que ce type d'équipement soit exporté vers le parti tiers en question, c'est-à-dire l'Azerbaïdjan. C'est donc en définitive une question d'utilisation finale et d'autorisation qui accompagnait cette utilisation finale. Il semblerait que la Turquie ait donné des assurances quant à l'utilisation finale et que le gouvernement canadien, selon mon interprétation, ait été trompé par la Turquie à cet égard.
Dans le groupe de témoins précédent, nous avons discuté de ce que l'évaluation interministérielle des risques a révélé. Selon moi, à la lumière des observations de M. Kilford et Mme Momani, il y avait un risque élevé que cette technologie soit utilisée à des fins qui pourraient ne pas correspondre aux assurances données, et qui pourraient également ne pas correspondre aux intérêts canadiens par rapport à ceux de l'OTAN et de ses partenaires, et nous avons les preuves déjà citées du nord de la Syrie et de l'Irak. Si la LMEC a fonctionné, alors il s'agit en fin de compte d'une question de discrétion du ministre.
La raison pour laquelle cette conversation est si importante — oui, il s'agit de technologie, de drones et de droits de la personne —, c'est qu'en fin de compte, la technologie canadienne a fondamentalement changé le statu quo géostratégique, et ce, d'une manière qui n'était pas dans l'intérêt du Canada et qui n'était pas alignée sur les intérêts de l'OTAN. Le Canada a donc involontairement favorisé et encouragé un changement dans le statu quo géostratégique.
Nous devons donc nous poser des questions plus difficiles à propos de l'exportation de technologies qui pourraient entraîner ce type de répercussions et qui sont contraires aux intérêts des Canadiens et de l'OTAN. Je pense que l'évaluation des risques aurait dû montrer cela.
Le problème, bien entendu, comme l'a signalé le sous-ministre adjoint, c'est qu'il est difficile de prédire le début de ce type de conflit. Des semaines, des mois, voire des années, peuvent s'écouler avant que le permis soit octroyé. Bien entendu, nous savons que la Turquie lançait ouvertement des oeufs à l'Azerbaïdjan et qu'il y avait déjà une vaste coopération militaire.
Qu'aurait-on pu faire alors pour empêcher cela?
Une option est de procéder à des vérifications après expédition. Dans le mémoire plus long que j'ai soumis à ce comité, j'expose quatre options de ce qui aurait pu être fait. Je ne suis pas certain si l'une de ces quatre options aurait beaucoup changé la donne.
Ce qui aurait changé la donne, cependant, c'est si nous avions des ambassades dans la région. Nous vendons cette technologie à une région où nous n'avons pas d'ambassades ni à Erevan ni à Bakou. Cela signifie que nous devions nous fier à nos ambassades à Moscou et à Ankara pour nous fournir les renseignements pour notre évaluation stratégique. Je dirais que si nous nous livrons à ce type d'exportations dans ces zones et régions à risque élevé, nous devons nous assurer d'avoir notre propre représentation sur le terrain.
Je dirais qu'il est très gênant pour le gouvernement du Canada que le Globe and Mail ait envoyé un journaliste pour enquêter, mais nous n'avions pas de diplomates sur le terrain pour mener une enquête. C'est pourquoi nous devons nous poser des questions difficiles.
Voici deux points pour conclure mes remarques.
On avait des inquiétudes concernant le caviardage dans les documents fournis. Je pense que s'il y a des inquiétudes, on peut toujours en saisir le CPSNR, qui pourrait alors examiner ces documents plus en détail. Cela dit, il était nécessaire de caviarder des renseignements relatifs à des tiers dans ces documents.
Je voudrais juste conclure en nous rappelant que nous vivons dans un environnement géostratégique mondial très difficile, compétitif et hostile, où les exportations en matière de défense sont importantes. Elles sont importantes dans le cadre de la politique étrangère, mais elles le sont aussi en tant qu'instrument permettant de garantir la stabilité du monde. Elles nous permettent d'avoir une influence que nous n'aurions pas autrement.
Les gens qui soutiennent que les exportations en matière de défense minent en quelque sorte notre sécurité et que nous ne devrions pas nous engager ont tout à fait tort. Ils ne comprennent absolument rien au monde dans lequel nous vivons, où il est essentiel pour le Canada d'apporter ses contributions à la haute technologie. Nous avons cependant la responsabilité de nous assurer que ces technologies sont utilisées de façon responsable et sont alignées sur les assurances que tous les pays partenaires nous donnent en ce sens.
Merci.
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Sur cette question, et je pense qu'elle est très importante, il faut se demander où la technologie est utilisée. En Libye, d'une certaine manière, je dirais oui, car elle appuie le gouvernement sanctionné par la communauté internationale.
En Syrie aussi, la technologie est certainement utilisée pour combattre l'EIIS et défendre le peuple syrien contre les incursions russes.
Je ne pense pas que ce soit le cas en Irak, où la guerre contre le PKK s'accompagne de nombreuses violations des droits de la personne, malgré le fait que le PKK est assez terrible en soi. Cela dit, l'Irak a certainement beaucoup appuyé le gouvernement kurde de l'Irak et combat activement l'EIIS également et nous aide.
Je pense que dans le récent conflit, Nagorno-Karabakh, je dirais non. C'était un conflit latent. Je pense que la paix et la stabilité auraient été meilleures si le conflit latent avait été maintenu. Il y a certainement beaucoup de choses à dire sur le fait que la grande majorité de la population était d'origine arménienne, même si, je pense, conformément aux normes du droit international, le territoire n'appartenait pas à Azerbaïdjan, mais pour les gens sur le terrain, je ne pense pas que vous pourriez soutenir que cela maintient la paix et la sécurité.
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Merci pour cette réponse, madame Momani.
Vous avez parlé des violations des droits de la personne en Irak, particulièrement à l'encontre de la minorité kurde. Voici la conclusion d'Affaires mondiales Canada à ce sujet, à la page 14 de son rapport:
Sur la foi de ce qui suit, et après un examen des rapports de l'ONU et d'autres sources ouvertes, le Ministère estime qu'il n'y a pas de risque sérieux que les exportations canadiennes de marchandises et de technologies militaires vers la Turquie soient utilisées pour la commission ou pour faciliter la commission de violations graves du [droit international humanitaire].
Cela m'apparaît être une conclusion différente de celle que vous venez de nous présenter concernant la minorité kurde.
Autre élément intéressant dans ce rapport, le ministère conclut aussi que ces exportations militaires ne mettraient pas en péril la paix et la sécurité. Je cite encore une fois le rapport:
... dans l'ensemble, les exportations canadiennes de marchandises et de technologies militaires vers la Turquie contribuent à la paix et à la sécurité régionales, malgré certains cas récents qui justifient certaines préoccupations.
Le ministère conclut enfin ce qui suit:
Rien n'indique que les exportations canadiennes de marchandises et de technologies militaires vers la Turquie aient un effet important sur la déstabilisation de la région.
Il semble y avoir une contradiction entre certaines des conclusions du rapport et les événements survenus à notre connaissance au cours des deux dernières années dans cette région.
Je vous soumets simplement que l'ensemble du processus d'évaluation des risques et d'approbation de ces licences semble déficient à Affaires mondiales Canada.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier nos témoins de leurs témoignages fort éclairants pour les travaux de ce comité. Ils viennent mettre en perspective, si je puis dire, les points de vue qui nous ont été exprimés par les fonctionnaires d'Affaires mondiales Canada, il y a quelques instants.
Deux éléments semblent se dégager des propos de ces derniers. D'abord, il est évident que la difficulté liée à nos ventes d'armes à un pays comme la Turquie tient au fait que celle-ci est membre de l'OTAN. Si ce n'était pas le cas, ce serait infiniment plus facile pour le Canada de statuer sur les ventes d'armes à ce pays.
L'autre élément, c'est le fait qu'on ne perçoit pas encore très bien le changement qui est en train de s'opérer dans ce pays. Contrairement à ce que Mme Momani nous a dit, monsieur Leuprecht, dans votre document, vous nous indiquez que l'intervention turque en Libye est, somme toute, en porte-à-faux avec les politiques de l'OTAN. C'est donc dire que la Turquie a adopté, par le passé, une politique étrangère souveraine dont les objectifs divergent de ceux de l'OTAN. C'est ce qu'on constate. Selon ma lecture, c'est également le cas en Syrie, où les Turcs se sont notamment retournés contre les Kurdes, qui avaient été nos alliés contre Daech.
J'aimerais que vous nous parliez du changement de paradigme qui semble être en train de s'opérer quant au fait que la Turquie, qui a toujours été un allié un peu turbulent au sein de l'OTAN, le devient toujours davantage avec le changement qui s'opère à l'intérieur du pays.
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Merci beaucoup, monsieur Leuprecht.
Merci, monsieur Harris.
[Français]
Chers collègues, au nom du Comité, j'aimerais remercier nos témoins de cet après-midi de leur expertise et de leurs témoignages.
[Traduction]
Un grand merci d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Nous avons eu des échanges très productifs.
Vous pouvez maintenant quitter cette séance que nous devons poursuivre un moment pour discuter de la motion de M. Harris. Merci de votre participation. Faites attention à vous et à bientôt.
Pour reprendre la discussion que nous avions amorcée tout à l'heure, notre greffière vous a transmis à tous la version du 11 mars de la motion qui nous apparaît presque identique à celle présentée par M. Harris. Vous la trouverez dans votre boîte de réception. Vous en aurez ainsi une version dans les deux langues officielles.
Monsieur Harris, je ne sais pas si vous pourriez relire votre motion avec interprétation. Vos collègues pourraient ainsi suivre et déterminer à quel point les deux motions se recoupent.