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Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci. J'aimerais également dire bonjour à une ancienne collègue, Mme Fry, si elle est là.
Au nom du CTBC, le Conseil d'affaires Canada Turquie, j'aimerais commencer en remerciant le Comité de m'avoir invité à comparaître dans le cadre de ses délibérations sur la question des licences d'exportation de produits de la défense canadiens vers la Turquie.
Comme certains d'entre vous le savent, j'ai déjà été député, ainsi que secrétaire d'État pour l'Europe centrale de l'Est et le Moyen-Orient et ministre d'État du Commerce international.
Je comparais aujourd'hui en ma qualité de président du Conseil d'affaires Canada Turquie.
Notre conseil est un organisme à charte à but non lucratif qui a vu le jour en 2001. Nous menons diverses activités au service de nos membres afin d'améliorer les relations commerciales bilatérales, comme la coordination de missions commerciales dans les deux pays, des activités de promotion au Canada et en Turquie, et l'offre de conseils aux membres sur les façons de favoriser les occasions commerciales.
Nous avons notamment participé aux négociations d'une convention de double imposition entre le Canada et la Turquie et, en 2019, à la création d'un comité bilatéral mixte de l'économie et du commerce, lequel est chapeauté par les ministres du Commerce respectifs du Canada et de la Turquie.
Les membres de notre conseil font partie d'une communauté d'entreprises élargie qui exporte annuellement quelque 1,2 milliard de dollars de biens vers la Turquie, le plus grand secteur étant l'aérospatiale, suivie de l'agriculture, notamment le secteur agricole de la Saskatchewan.
Nos membres considèrent que la Turquie offre un potentiel énorme à leurs entreprises respectives et, de façon plus générale, constitue un marché d'importation prometteur pour le Canada. Nous espérons que le problème de l'annulation des licences d'exportation et que le processus de revalidation des garanties visant l'utilisation finale ne nuiront pas indûment à nos relations et ne mettront pas en péril nos exportations, hormis ceux d'un secteur précis de la défense. Nous espérons qu'à court terme, le gouvernement continuera à offrir un soutien actif à l'expansion des exportations canadiennes non militaires vers la Turquie, ou des exportations militaires admissibles, pour encourager la conservation et la croissance des emplois au Canada.
C'est une évidence, mais je vous affirme que nos membres souscrivent aux valeurs canadiennes qui soutiennent le système robuste de contrôle des exportations.
Puisque je vous ai donné les avis de nos membres qui œuvrent à l'extérieur de l'industrie de la défense, je me dois de vous transmettre également les préoccupations à l'égard du processus actuel de nos membres qui exportent des articles contrôlés du groupe 2.
Fort de mon expérience en tant que juriste et expert-conseil, je sais que le processus d'approbation ou de refus d'une licence d'exportation est trop souvent opaque, notamment si des préoccupations sont soulevées pendant les consultations internes. Pire encore est la période d'attente d'une réponse, qui est souvent beaucoup trop longue.
Soyons clairs: j'ai eu de nombreux échanges au courant de la dernière année avec le comptoir de contrôle des exportations d'Affaires mondiales et les employés ont brillé par leur professionnalisme. Ce n'est pas le personnel d'Affaires mondiales qui pose problème dans l'obtention des licences, mais le processus même, qui semble parfois avoir été conçu sans égard aux répercussions pour les entreprises, petites, moyennes, grandes et même très grandes, qui tentent de garder les emplois et la capacité industrielle au Canada.
Bref, les entreprises ont besoin de transparence, de prévisibilité et de responsabilité lorsqu'elles font une demande de licence. Les normes en matière de service qui ne sont pas respectées servent mal aux fournisseurs et aux clients et nuisent à la réputation de toutes les parties concernées. Si on indique d'emblée qu'il faudra plus de temps aux entreprises d'obtenir une licence et on donne un délai plus réaliste, il est plus facile pour les entreprises de planifier en conséquence et de donner aux clients une idée exacte du délai de livraison.
Le personnel d'Affaires mondiales devrait être en mesure d'établir des délais pour les réponses des consultants. Si le consultant ne fournit aucune réponse dans un délai précis, on devrait présumer qu'il n'y a aucune préoccupation. Affaires mondiales pourra seulement prétendre au respect de ses normes en matière de services s'il tient les consultants responsables. Dans le même ordre d'idées, les entreprises seraient reconnaissantes de pouvoir communiquer avec les consultants qui ont des questions ou des objections. Souvent, des renseignements commerciaux de nature technique ou confidentielle peuvent éclairer une demande de licence aux yeux d'un évaluateur non technique. Un tel engagement ajouterait au sentiment de transparence, puisque les entreprises ont souvent l'impression que le processus est arbitraire, capricieux et imprévisible.
Je connais au moins deux entreprises canadiennes qui songent actuellement à déplacer leurs activités de fabrication à l'extérieur du Canada parce que le problème des licences d'exportation fait qu'il n’est pas pratique de continuer à faire affaire au pays. Le départ de ces deux entreprises entraînerait la perte d'environ 300 emplois directs et plusieurs centaines d'emplois indirects.
Nous devrions chercher à comprendre les mesures qui défendent les intérêts du Canada. Le fait d'appuyer une entreprise dont les exportations de marchandises transiteront par la Turquie vers un pays avec lequel nous sommes en de bons termes semble être parfaitement logique, mais c'est maintenant impossible. Or, il serait tout aussi logique d'épauler une entreprise lorsque les temps sont durs. Accorder un soutien aux entreprises qui équipent les missions onusiennes ou qui travaillent avec les États-Unis dans le cadre de missions humanitaires d'approvisionnement serait également logique.
Enfin, il ne devrait pas être nécessaire de passer par le processus complet d'examen d'une licence d'exportation chaque fois qu'une pièce, achetée par un pays qui en est le propriétaire exclusif, est renvoyée au Canada pour réparation conformément aux modalités de la première licence. Une mesure de correction évidente serait d'avoir un régime distinct pour les licences de réparation et d'entretien qui pourrait être mis sur pied assez rapidement.
J'espère avoir respecté mon temps de parole. Encore une fois, je tiens à saluer Mme Hedy Fry.
Merci.
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Je vous remercie de m'avoir invitée à vous faire part de notre point de vue sur le système de contrôle des exportations du Canada.
Nous représentons actuellement plus de 400 entreprises canadiennes — et au cours des cinq dernières années, nous avons parfois représenté près de 1 000 entreprises — qui offrent des technologies et des services aux Forces armées canadiennes et aux clients étrangers autorisés.
Tout d'abord, CADSI ne fait aucune revendication liée à des entreprises individuelles, leurs activités d'approvisionnement en matière de défense ou leur licence d'exportation. Nous ne sommes pas au courant des activités commerciales d'une entreprise en particulier. Je ne suis pas en mesure de commenter des transactions précises. Je suis ici pour vous donner le point de vue général d'une industrie sur le système de contrôle des exportations du Canada.
Les exportations représentent plus de 50 % des revenus de l'industrie et elles sont essentielles à notre industrie. Le marché canadien est tout simplement trop restreint pour soutenir l'industrie et nos entreprises fabriquent des produits recherchés partout dans le monde. Pour ces raisons, nos entreprises ont besoin d'un système de contrôle des exportations efficace, opportun, cohérent et prévisible, doté de règles claires.
Malheureusement, depuis quelques années, le système de contrôle des exportations du Canada ne répond pas à ces critères. Il représente aujourd'hui un désavantage concurrentiel pour une industrie qui vend ses produits dans un marché mondial farouchement compétitif et axé sur l'exportation.
Nous croyons qu'il est possible d'avoir un système de contrôle des exportations efficace, opportun, cohérent et prévisible qui permettrait aussi aux produits de défense fabriqués au Canada de ne pas se retrouver dans les mains d'adversaires ou de régimes qui les utiliseraient pour brimer les droits de la personne. Nous avions auparavant un tel système. Nous devons le remettre sur les rails.
Le permis d'exportation est la dernière étape d'un long processus commercial. Le gouvernement doit fournir aux entreprises plus d'information et de transparence dès le départ sur les pays et les utilisateurs finaux qu'ils considèrent comme étant à haut risque. Nous devons le savoir lorsqu'il y a une faible probabilité d'approbation de licence d'exportation.
J'ai transmis le même message la dernière fois que je me suis adressé au Comité en 2017 pour exprimer l'appui de l'industrie à l'égard du projet de loi et l'adhésion du Canada au Traité sur le commerce des armes des Nations unies. Malheureusement, selon le Rapport annuel au Parlement sur les exportations militaires, le bilan d'Affaires mondiales Canada quant au respect de ses propres normes de service en matière de délivrance de licences s'est continuellement appauvri depuis.
En 2017, AMC respectait ses normes pour l'examen des demandes de licences visant les articles du Groupe 2 destinés aux partenaires et alliés les plus proches du Canada dans près de 96 % des cas. En 2019, ce chiffre est passé à 70 %. Les cibles de rendement d'AMC sont d'atteindre la norme de 10 jours pour les partenaires proches du Canada et de 40 jours pour les autres destinations, et ce, dans 90 % des cas. Il y a des exemples de demandes de licence d'exportation qui ont traîné au ministère pendant plus de 500 jours sans réponse.
Nous estimons que ces retards et incertitudes ont coûté à nos membres des centaines de millions de dollars en contrats et occasions perdus. En outre, l'incapacité de l'industrie à dire à ses clients, qui sont généralement des États, quand ils pourront recevoir leurs produits fait du tort à la réputation du Canada à titre de partenaire fiable pour le commerce et la sécurité.
Cette incapacité à respecter les normes en matière de service n'est pas attribuable à l'adhésion du Canada au Traité sur le commerce des armes. La tendance a été remarquée bien avant. De plus, les nouvelles obligations liées au traité de l'ONU ne s'appliquent qu'à des systèmes complets d'armes classiques, et le Canada en produit très peu. Il n'y a pas eu non plus de hausse du nombre de licences d'exportation en défense. En fait, AMC a reçu 13 millions de dollars dans le budget de 2017 pour mettre en œuvre les dispositions relatives au traité de l'ONU.
Le Comité se penche sur les exportations du secteur de la défense vers la Turquie. La suspension temporaire de la délivrance de nouvelles licences d'exportation vers ce pays en octobre 2019 est un exemple du manque de transparence et de communication du gouvernement avec l'industrie. L'industrie exporte ses produits en Turquie, un allié au sein de l'OTAN, depuis des dizaines d'années. Nous avons appris cette suspension dans les médias, sans autre information de la part du gouvernement avant avril 2020, soit six mois plus tard.
Qui plus est, on ne nous a pas indiqué si la suspension s'appliquait à l'ensemble ou à une partie des sept groupes de produits contrôlés. On ne nous a pas dit si elle s'appliquait à tous les utilisateurs finaux en Turquie ou uniquement à ceux que le gouvernement avait indiqués comme présentant un risque sérieux, ce qui est un critère juridique en vertu de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation. Le fait d'imposer une suspension est la prérogative du gouvernement, mais il devrait également incomber au gouvernement, organisme de réglementation, d'expliquer exactement ce que les changements signifient.
Il est difficile pour les entreprises de suivre les règles lorsqu’elles ne les connaissent pas ou quand les critères sont appliqués, mais ne sont pas expliqués. Je ne saurais trop insister sur l'importance de la clarté et de la prévisibilité de la part du gouvernement à ce chapitre.
La dernière chose que veulent les entreprises, c'est de se trouver en infraction des lois, règlements ou politiques en matière d'exportation. Cela serait catastrophique pour leur réputation et leurs activités. Nous devons revenir à un système de contrôle des exportations efficace, opportun, cohérent et prévisible, doté de règles claires. L'avenir de notre industrie en dépend.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, bonjour.
Monsieur le président, je vais m'en tenir aux cinq minutes qui me sont accordées, même si j'ai encore plus de choses à dire.
Je suis heureux de comparaître aujourd'hui au nom de l'Association des industries aérospatiales du Canada. Comme toujours, nous vous remercions de l'intérêt que vous portez à l'égard de notre industrie et de votre volonté de travailler avec nous pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés.
L'industrie de l'aérospatiale et de la défense ressent beaucoup de frustrations à l'égard du processus de demande de licence d'exportation. Nous en faisons part au gouvernement depuis de nombreuses années déjà. Malheureusement, la situation n'évolue guère. Permettez-moi de vous dire d'emblée que, vu la situation économique actuelle, le mot frustration ne suffit plus. Nous ratons de réelles occasions économiques, des occasions qui pourraient s'avérer très porteuses ici au Canada.
Comme la plupart d'entre vous le savent, l'aérospatiale est une industrie axée sur les exportations. L'incapacité du Canada à exporter sa marchandise a de graves conséquences économiques qui se font ressentir sur toute la chaîne d'approvisionnement.
Je dois également vous dire que notre industrie se soucie du respect des valeurs canadiennes dans toutes ses activités, et que nous recherchons un processus de délivrance de licence d'exportation efficace. Permettez-moi de vous expliquer les motifs de nos préoccupations et les défis auxquels nous sommes confrontés.
Des centaines de millions de dollars de travail ont été perdues, et des centaines de millions de dollars de travail, du travail qui crée des emplois canadiens bien rémunérés, sont toujours en jeu. Selon nous, il y a quatre grands enjeux, soit la clarté, les échéances, la transparence et le processus.
Au chapitre de la clarté, sachez que les entreprises recherchent un cadre clair indiquant les pays à qui elles peuvent exporter ou non. En ce moment, ce cadre est absent, et même si l'industrie comprend que le gouvernement doit respecter la confidentialité de certains aspects de son travail diplomatique liés à la sécurité, nous pensons qu'il existe certainement une façon qui permettrait au gouvernement et à l'industrie de mieux s'aligner afin d'éviter de gaspiller du temps et des ressources sur des projets qui ne verront pas le jour parce que les licences ne seront jamais délivrées. Les entreprises investissent beaucoup de temps et de capitaux pour remplir leur carnet de commandes et dans bien des cas, cela représente des années de travail. Elles engagent des coûts importants. Les entreprises consacrent beaucoup d'énergie pour se faire dire: « Dommage, ressayez. » Il nous faut de la clarté.
Nous demandons au gouvernement de travailler avec nous pour renforcer le processus. Personne n'est avantagé par une perte de temps et de ressources, et pourtant c'est ce qui se passe actuellement des deux côtés.
Quant aux échéances, les normes en matière de service pour les licences varient énormément. Le traitement de certaines demandes prend des mois et dans certains cas encore plus de temps. Les entreprises doivent savoir que si elles exportent depuis le Canada, le délai d'attente d'une licence ne mettra pas en péril leurs ventes. Nous avons soulevé le problème plusieurs fois. Nous savons que les fonctionnaires d'Affaires mondiales Canada doivent parfois attendre pendant que d'autres intervenants examinent la demande, mais les retards pèsent lourd, et les entreprises perdent de belles occasions.
Voilà ce qui nous amène à la transparence. Les entreprises seraient grandement aidées si elles pouvaient suivre le cheminement de leurs demandes dans le système. En ce moment, une fois la demande soumise, les entreprises ne savent rien. On pourrait procéder autrement. Nos amis et alliés, comme les États-Unis, ont un système qui offre aux entreprises plus de renseignements sur le cheminement de leur demande. Nous en avons parlé avec les fonctionnaires. Un tel système mérite d'être étudié.
Enfin, en ce qui concerne le processus dans son ensemble, nous sommes convaincus qu'il faudrait effectuer un examen approfondi afin de s'assurer que le processus ne gêne pas la capacité des entreprises à exporter depuis le Canada. Dans le cadre de l'examen, nous pensons qu'il faudrait songer à un système de tri. C'est une des façons possibles qui permettrait de rationaliser le processus afin de réduire les échéances. Ainsi, si une demande soumise relève d'une ancienne demande qui a déjà été approuvée par le ministère, il devrait y avoir un mécanisme pour accélérer le processus. Pourquoi alourdir le processus en refaisant le travail lorsque ce n'est pas nécessaire?
L'amélioration de la clarté, des échéances et de la transparence et du processus global se fait attendre depuis longtemps. On risque alors la fuite vers l'étranger des commandes, et encore plus important, des emplois bien rémunérés et de la capacité que nous avons ici au Canada, et je ne pense pas que quiconque ici voudrait voir ce scénario.
Nous avons été encouragés par les crédits prévus dans le budget de 2021 pour renforcer l'administration du régime de contrôle du commerce du Canada. C'est un bon début, mais il faudra consacrer davantage de ressources au processus de demande de licence d'exportation. Nous vous prions de nous appuyer dans nos efforts ainsi que de revendiquer un examen approfondi du processus de demande de licence d'exportation du Canada. Il faut envoyer un message au niveau politique afin que ce dossier devienne prioritaire.
Nous vous demandons votre aide, afin que nos entreprises puissent exporter de façon responsable leurs marchandises sans retard injustifié et être concurrentielles sur le marché international.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux trois témoins.
Monsieur Knutson, vous représentez évidemment votre organisation, non seulement des entreprises militaires qui font affaire avec la Turquie, mais aussi des civils. Lorsque vous dites que la relation était difficile après la décision rendue en octobre 2019 par le gouvernement du Canada pour...
Essentiellement, on a dit que toutes les nouvelles licences seraient annulées, mais pas celles délivrées avant. Par conséquent, toutes les livraisons déjà autorisées allaient se poursuivre, et même les remplacements de pièces qui devaient être retournées au Canada. Je pense évidemment aux capteurs Wescam, comme c'est le sujet de notre discussion.
Cependant, quelques mois plus tard, le 3 mars 2020, votre organisation a écrit à François-Philippe Champagne, qui était alors ministre, pour lui dire que la politique n'était pas assez transparente et qu'elle nuisait à des contrats de vente de centaines de millions de dollars. Pouvez-vous dire en quoi la transparence faisait défaut? Pour justifier la décision, on a cité les activités militaires dans le Nord de la Syrie. La raison de l'annulation temporaire des nouvelles licences pour les groupes de contrôle était très claire — les licences déjà accordées demeuraient en place. À quel égard pensiez-vous que la décision manquait de transparence?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais commencer par remercier M. Knutson pour la charge publique qu'il a assumée. C'est un plaisir de vous revoir. Je vous en remercie.
Je veux m'adresser à Mme Cianfarani, et peut-être à M. Mueller.
Sans avoir de boule de cristal, le gouvernement prend des décisions sur les licences d'exportation au mieux de ses capacités, en fonction des faits dont il dispose. Nous discutons réellement d'un fait ponctuel en ce qui concerne les licences d'exportation qui ont été accordées à une entreprise pour vendre à la Turquie, qui ont ensuite été utilisées de manière inappropriée et suspendues. Elles ont été suspendues, puis annulées. Ces faits montrent que le système, dans l'ensemble, fonctionne — de manière imparfaite, certes, mais dans l'ensemble, il fonctionne.
Lorsque nous parlons des retards dans le système, la notion de risque substantiel intervient. S'il n'y avait absolument aucun risque, ou soupçon de risque, ce système serait simple, mais il faut un certain effort pour déterminer un risque substantiel. Je pense que nous y travaillons avec l'industrie. Je sais que l'industrie a eu l'occasion de rencontrer le . Je crois que vous savez qu'il a demandé aux fonctionnaires d'améliorer l'efficacité du système. Avez-vous des suggestions pour améliorer l'efficacité du système tout en conservant les droits de la personne au cœur de celui-ci et la notion de risque substantiel? C'est le genre de dilemme dans lequel nous nous trouvons.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant vous aujourd'hui dans le cadre de votre étude sur l'octroi de licences d'exportation.
Comme vous le voyez dans les chambres de commerce de vos collectivités, nos membres font partie de divers secteurs, et représentent des petites et moyennes entreprises, ainsi que de grandes sociétés.
J'aimerais remercier les membres du Comité de réaliser cette étude et d'examiner les enjeux associés au système d'octroi des licences d'exportation. Bien que le système soit assez complexe et que le sujet soit difficile, il est important que les parlementaires connaissent le point de vue d'un large éventail d'intervenants.
Les licences d'exportation associées à certains marchés ont fait l'objet d'une couverture médiatique au cours des dernières années. En effet, certaines régions géographiques présentent des défis associés à l'intersection des politiques étrangères ou aux considérations relatives aux droits commerciaux et aux droits de la personne, qui rendent la discussion difficile. Toutefois, mon discours préliminaire se centrera sur les licences d'exportation de macro-niveau, puisque je ne suis pas bien placé pour commenter les demandes de licences de certaines sociétés en particulier.
Il est important de souligner que les licences sont utilisées dans un large éventail de secteurs et que les défis associés au système ne touchent pas uniquement les sociétés qui exportent des plateformes de système pour les armes offensives.
Comme vous l'ont dit les représentants d'Affaires mondiales Canada lors de leur témoignage devant le Comité, l'industrie et le ministère ont convenu qu'il fallait améliorer le traitement des licences d'exportation de façon générale.
Je tiens à reconnaître officiellement les efforts des représentants ministériels en vue de comprendre les préoccupations des intervenants de l'industrie. Nous accueillons aussi favorablement l'augmentation prévue dans le budget de 2021 pour le financement du travail d'Affaires mondiales Canada en matière de contrôle du commerce qui vise notamment le système d'octroi des licences d'exportation. Il faut toutefois améliorer le système et j'aimerais aborder certains sujets qui, je l'espère, seront pris en compte par le Comité lorsqu'il préparera ses recommandations.
Premièrement, il faut accroître l'échange de renseignements dans le cadre du processus de demande de licences d'exportation. Les sociétés investissent des sommes importantes d'argent et des années de développement dans le but de passer des marchés à l'étranger. La licence d'exportation représente habituellement la dernière étape du processus, après la signature du contrat, lorsque les produits ou les services sont prêts à être livrés. Une communication plus tôt dans le processus au sujet d'un pays d'exportation et de destination en particulier serait très utile et permettrait aux entreprises de se centrer sur les contrats les plus susceptibles d'obtenir l'appui du gouvernement. De plus, des lignes directrices aideraient les sociétés à évaluer les soumissions possibles. Elles pourraient non seulement comprendre comment les règles sont appliquées dans chaque pays, mais aussi de comprendre comment les critères d'évaluation sont appliqués dans le cadre du processus d'évaluation, et ainsi savoir quelles sont les considérations qu'elles doivent aborder de manière proactive.
L'industrie reconnaît que la publication de lignes directrices écrites entraîne des conséquences plus vastes en matière de politiques étrangères. Nous croyons toutefois qu'il est important d'atteindre un équilibre entre la gestion des relations bilatérales, la prédictibilité pour les entreprises et le besoin du gouvernement de s'adapter aux conditions changeantes.
Deuxièmement, il est essentiel que le message des représentants du gouvernement à l'égard des entreprises soit uniforme. Les entreprises qui ne connaissent pas bien le fonctionnement du gouvernement peuvent ne pas bien comprendre la division des responsabilités au sein d'un ministère ou entre les divers ministères. Il est particulièrement difficile de faire la différence entre les organes du gouvernement qui réglementent les licences d'exportation et ceux qui ont le mandat de promouvoir l'industrie et les exportations.
Bien que les sociétés reconnaissent que la rigueur qui doit être exercée dans le cadre de l'octroi des licences d'exportation exige l'indépendance en matière de décision fondée sur les données probantes, elles se sentent coincées entre les diverses entités du gouvernement lorsqu'il ne répond pas à leurs attentes. Ainsi, un message plus uniforme de la part du gouvernement aiderait les entreprises à gérer leurs attentes.
Troisièmement, nous croyons qu'il est avantageux d'établir un système de triage explicite et des normes de services accélérées pour les licences existantes. Étant donné la durée des contrats, les sociétés doivent parfois présenter une nouvelle demande associée à une licence d'exportation. Bien que le contexte de la demande puisse changer dans certaines circonstances, il peut aussi être le même. La mise en place d'un système de triage et de normes de services accélérées pour le renouvellement des licences sans changement de contexte aiderait les entreprises et permettrait aux ressources ministérielles de se centrer sur les demandes les plus complexes.
Quatrièmement — et en dernier lieu —, au risque d'énoncer l'évidence, il faut adopter une approche pangouvernementale qui affecte les ressources nécessaires aux ministères pertinents en vue de permettre l'atteinte des normes de services. C'est particulièrement important en raison des changements associés au Traité sur le commerce des armes et de la nouvelle nature des approches interministérielles.
Il est essentiel d'aborder ces sujets si nous voulons que le Canada soit considéré à titre de partenaire d'affaires fiable. Il faut non seulement appuyer les sociétés canadiennes qui agissent à titre d'entrepreneurs principaux, mais aussi celles qui participent à la chaîne d'approvisionnement des fabricants d'équipement d'origine, comme ceux qui se trouvent aux États-Unis et qui ont besoin d'intrants fiables, en raison de la profonde intégration de la chaîne d'approvisionnement.
Pour terminer, je tiens à souligner que nous ne travaillons pas dans un monde où le risque est inexistant. C'est particulièrement vrai pour les produits visés par les licences d'exportation. J'espère que vous comprendrez que le système doit être réglementé de manière réfléchie, et qu'il faut appuyer les objectifs en matière de politiques étrangères et de droits de la personne pour ce faire, en plus de reconnaître le rôle important des exportateurs au sein de l'économie.
Je vous remercie de m'avoir écouté. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
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Je vous remercie beaucoup.
Monsieur le président, messieurs les vice-présidents, chers membres du Comité, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
La question de l'octroi des permis d'exportation est très importante non seulement pour l'industrie, mais aussi pour le Canada dans son ensemble. Il faut souligner, comme l'a fait mon prédécesseur, les travaux très importants qui ont été faits à la fois par l'industrie et le gouvernement sur ces questions jusqu'ici, parce qu'elles sont d'une complexité assez importante.
Au cours des deux dernières décennies, j'ai eu la chance d'effectuer des recherches et des interventions sur cette industrie qui touche notre pays de façon stratégique.
Mes propos se concentreront surtout sur la dimension industrielle. Je vous propose trois éléments de réflexion.
Premièrement, on a besoin de prendre en considération la suspension temporaire des exportations de matériel contrôlé, parce qu'on a besoin de mécanismes robustes de contrôle qui touchent l'utilisation, la réexportation et la propriété intellectuelle des marchandises militaires.
Deuxièmement, il est important de mettre en place un cadre prévisible et efficient d'examen qui touche les exportations de marchandises militaires à l'étranger, qui inclura des mécanismes de mutualisation et de partage de risques avec l'industrie.
Troisièmement, il faut promouvoir une approche systémique avec les alliés et les partenaires du Canada pour mettre en place des mécanismes qui permettent d'encadrer les manquements possibles de la part de destinataires de marchandises militaires.
Pourquoi est-ce que j'en arrive à ces trois éléments?
Lorsque vous regardez la concurrence mondiale dans l'industrie de la défense, vous voyez qu'il y a énormément de nationalisme, de politiques industrielles qui sont très favorables aux intérêts nationaux. Vous voyez également l'émergence d'énormément de joueurs, notamment l'Inde et la Chine, mais aussi la Russie, qui est encore très importante. De plus, la Turquie est devenue un exportateur important au cours de ces dernières années et a donc changé sa géostratégie en matière d'industrie de la défense. Les capacités nationales de ces entreprises des pays émergents exportateurs de biens de défense augmentent beaucoup.
Cela étant dit, les chaînes d'approvisionnement en matériel de défense sont de plus en plus mondiales, que ce soit au chapitre des intrants, des sous-systèmes ou des systèmes — une couche assez mondialisée —, mais aussi au chapitre des plateformes plus complexes où l'on voit une mondialisation croissante. Par ailleurs, il y a une tendance à surveiller: le recours à des intrants et à des produits finaux de type COTS, c'est-à-dire des produits qui sont disponibles sur le marché.
Au Canada, notre industrie de défense exporte massivement ce qu'elle produit, c'est-à-dire qu'environ 60 % des ventes de l'industrie sont destinées à l'exportation, et même la politique de défense du Canada reconnaît l'importance de promouvoir la coopération au chapitre du matériel de défense et des possibilités d'exportation pour cette industrie, tout cela parce que notre marché national n'est pas suffisant pour soutenir cette industrie.
Il importe donc que cette industrie de défense se positionne dans les chaînes de valeur mondiales pour permettre au Canada de maintenir un ensemble de capacités industrielles stratégiques et lui permettre de continuer à jouer un rôle de premier plan dans la définition des plateformes de l'avenir et des technologies qui les sous-tendent.
C'est une question de prospérité pour l'industrie, parce que le Canada se positionne comme un fournisseur de premier plan en matière de produits, de services et de technologies létales et non létales dans des produits de défense. Cette industrie a ceci de particulier lorsqu'on la compare à d'autres, c'est qu'elle offre une très forte valeur ajoutée à l'économie canadienne et fournit des emplois à très forte technicité.
Dans le cas de la Turquie et de ce qui nous occupe, nous savons tous que la Turquie est un pays qui est sophistiqué et qu'il est un allié de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, ou OTAN. Il est aussi un exportateur de plateformes comme des drones, notamment le drone Bayraktar aussi vendu à l'Ukraine. Vous avez des systèmes de senseurs d'imagerie électro-optique qui sont en cause ici, qui sont une part importante de la valeur ajoutée de ce type de plateforme, mais vous avez aussi un marché pour le type d'appareils et le type de plateformes qui est mondial, qui a une composante civile importante — donc à considérer — et qui a une valeur stratégique certaine.
Si la Turquie a mentionné ne plus avoir besoin d'équipement canadien très récemment, ce n'est pas nécessairement le cas. On sait que les technologies locales ne sont pas encore assez sophistiquées pour le type d'usage que ce pays veut faire de cette plateforme.
Par ailleurs, le fait de se poser la question des effets de la suspension actuelle des exportations en cours est très important. En effet, le fait de suspendre les licences d'exportation ne permettra pas à d'autres fournisseurs de se présenter pour satisfaire le besoin auquel le Canada ne répond plus.
Cela nous amène donc à certaines considérations pour l'industrie canadienne de défense et l'industrie aérospatiale. Les restrictions à l'exportation quant à ce type d'industrie, si ce n'est pas fait avec prudence, peuvent avoir pour conséquence d'augmenter le coût lié au fait de faire des affaires et de nuire à la compétitivité du secteur. Cela peut aussi entraîner des manoeuvres de diversion quant aux chaînes d'approvisionnement, c'est-à-dire la substitution d'intrants canadiens au profit de concurrents étrangers.
Cela peut permettre l'accélération de la réplication de technologies par des concurrents étrangers, qu'ils soient amis ou non. D'autres sources affirment, en examinant le cas des États-Unis, par exemple, que des restrictions à l'exportation qui visent à renforcer la sécurité nationale peuvent parfois avoir un effet négatif sur la sécurité nationale et sur la compétitivité.
On voit des États contourner de plus en plus les permis et les restrictions à l'exportation de biens à double usage en passant par des voies civiles dans des cas où des technologies similaires sont déjà existantes. On exporte ainsi des biens à haute technicité à double usage vers des pays en utilisant d'autres mécanismes. Des pays, comme l'Inde, ont déjà utilisé ce mécanisme dans le cadre de leur programme spatial. On voit donc se produire des substitutions d'intrants dans les chaînes d'approvisionnement de l'industrie à cause de ce problème.
En conclusion, je dirai que, pour assurer sa sécurité, le Canada doit quand même maintenir une base industrielle forte qui possède les capacités et qui lui permet de soutenir ses intérêts. Le corolaire, c'est que le secteur de la défense doit continuer de développer ses exportations ou d'augmenter rapidement et substantiellement les ressources qui sont destinées à ce secteur pour préserver son avantage technologique. En effet, le risque de ne rien faire, c'est le risque de perdre des parts de marché. C'est aussi le risque de maintenir l'assise technologique de pointe dont le Canada bénéficie en ce moment.
Il existe des solutions pour que le Canada puisse s'assurer que les destinataires des exportations adoptent un comportement conforme à la lettre, mais aussi à l'esprit des ententes en la matière, tout en s'assurant que les valeurs des Canadiens sont respectées. Cet élément est très important.
Il y a plusieurs pistes de solution. Sur le plan industriel, par exemple, on peut assurer une veille, voire un contrôle, plus efficiente sur les éléments critiques de la chaîne de valeur, à la fois sur les maillons technologiques, pour assurer que nos entreprises deviennent indispensables dans le modèle d'affaires des utilisateurs. On aura ainsi plus de prise sur le comportement des utilisateurs finaux.
Le développement de modèles d'affaires axés sur les services et le matériel permet aussi de se rendre indispensable et de réduire la possibilité d'imiter l'expertise canadienne. De même, cela empêche que l'expertise canadienne soit copiée dans ces chaînes.
Par ailleurs, sur le plan gouvernemental, il est important, bien évidemment, de prendre des mesures systémiques de concert avec les alliés, parce que des mesures unilatérales visant l'arrêt d'exportations pour une plateforme n'empêchent pas nécessairement l'utilisation de cette plateforme. Effectivement, il existe maintenant plusieurs types de fournisseurs dans le monde à l'heure actuelle, notamment pour des modules électro-optiques.
Par ailleurs...
J'aimerais d'abord faire quelques observations de nature générale. Lors de la réunion précédente sur les licences d'exportation, nous avons entendu des universitaires et des représentants d'organismes de la société civile. À les écouter, on avait vraiment l'impression que le Canada accepte presque toutes les demandes de licences d'exportation un peu n'importe comment. Quand on regarde les chiffres, on voit qu'en 2019, Affaires mondiales Canada a reçu 3 563 demandes et que 3 201 licences ont été délivrées. Une demande a été rejetée, 35 ont été annulées ou suspendues et 206 sont encore en traitement.
Essentiellement, moins de 1 % des demandes sont refusées par Affaires mondiales Canada chaque année, mais on retient de leurs propos que nous n'avions pas des normes assez rigoureuses. Puis, lorsqu'on entend les gens de l'industrie, il semble manquer de transparence et [Difficultés techniques] les licences sont refusées sans que l'industrie sache vraiment pourquoi, ou qu'elle est prise au dépourvu.
Une des recommandations était la création d'un comité indépendant. Dans le dernier groupe de témoins, je n'ai pas entendu beaucoup de gens défendre cette idée. Que pensez-vous de l'idée d'un comité indépendant qui n'aurait peut-être pas à tenir compte de considérations politiques, que M. Agnew a aussi évoquée? Il y a toujours des considérations politiques lors de la prise de [Difficultés techniques] ou en considération pour ces licences, mais beaucoup préconisent l'élimination de ce conflit politique et laissent entendre que les critères sont trop rigoureux, peut-être, et que tout risque justifie le rejet des demandes, donc... Étant donné les arguments présentés des deux côtés par la société civile et l'industrie, j'ai l'impression que nous tournons en rond.
Comment peut-on résoudre la quadrature du cercle? La question s'adresse à tous ceux qui veulent tenter une réponse.