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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 033 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 6 mai 2021

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Français]

     Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue à la 33e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.

[Traduction]

     Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le mardi 23 mars, nous allons maintenant passer à une séance d'information sur la situation actuelle d'Alexei Navalny.
    Nous accueillons aujourd'hui le chef de cabinet de M. Navalny, M. Leonid Volkov.
    Monsieur Volkov, je vous remercie d'être des nôtres aujourd'hui. Vous pourrez faire une brève déclaration liminaire de cinq à sept minutes pour renseigner le Comité sur la situation actuelle de M. Navalny.
    Ensuite, nous passerons aux questions des députés. Comme toujours, j'invite tous les participants à mettre leurs microphones en sourdine lorsqu'ils ne parlent pas. Lorsqu'il vous restera 30 secondes, qu'il s'agisse des questions ou du témoignage, je vous ferai signe avec ce bout de papier jaune.
    Des services d'interprétation sont à votre disposition. Il suffit de cliquer sur l'icône de globe au bas de l'écran, comme toujours.
    Monsieur Volkov, je vous invite maintenant à prendre la parole.
     Je vous remercie beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, de bien vouloir m'accueillir. C'est un grand honneur.
    Je vais essayer d'être très bref, car la partie la plus intéressante et la plus importante est toujours la période de questions, bien sûr.
    Voici les grandes lignes: M. Navalny est maintenant emprisonné depuis 180 jours et il se remet maintenant de la grève de la faim qu'il a faite pendant les 24 derniers jours afin d'obtenir de se faire examiner par des médecins civils en qui il pouvait avoir confiance pour des problèmes d'engourdissement, dans les jambes et un bras, apparus pendant son emprisonnement illégal.
    Malgré les multiples demandes de... et le verdict de la Cour européenne des droits de l'homme préconisant sa libération immédiate — la Cour européenne des droits de l'homme faisant partie intégrante du système juridique russe —, le gouvernement russe a refusé de libérer M. Navalny, qui reste donc en prison.
    Notre capacité de communiquer avec lui est très limitée. Il est autorisé à recevoir la visite de ses avocats du lundi au vendredi, les jours ouvrables. Aucune lettre n'est permise, mais ses avocats sont tout de même en mesure de communiquer avec lui verbalement. Par leur entremise, nous pouvons rester en contact avec lui.
    Entretemps, le Kremlin a lancé une nouvelle campagne de répression contre l'organisation politique de Navalny. Nous n'avons pas de parti officiel. Nous avons déposé des documents pour enregistrer un parti neuf fois au cours des huit dernières années. Toutes ces tentatives ont été rejetées, de sorte que nous n'avons jamais été autorisés à participer à une élection à titre d'entité politique.
    Nous avons quand même une organisation politique dynamique et forte. Nous avions 40 bureaux régionaux dans toutes les grandes villes russes. Nos candidats ont réussi à participer aux élections locales comme indépendants — sans l'appui d'aucun parti — et ont pu remporter des élections locales bien des fois.
    Notre mouvement vit uniquement de sociofinancement. Nous sommes donc tout à fait en mesure de financer nos enquêtes anticorruption, nos bureaux régionaux et nos campagnes électorales.
    À l'intérieur de la Russie, nous comptons plusieurs millions de partisans qui suivent nos enquêtes sur les médias sociaux, qui nous font des dons et qui participent à nos campagnes à titre de bénévoles.
    Et voici que le procureur de Moscou a récemment demandé que notre mouvement politique soit désigné comme extrémiste, ce qui pourrait donner à sourire puisqu'il s'agit d'un mouvement très pacifique qui ne cherche qu'à participer aux élections, mais il n'y a là rien de drôle, car cela veut dire qu'une fois que le tribunal aura décidé que nous sommes un mouvement extrémiste — ce qui se produira le 17 mai, dans une semaine —, les dirigeants du mouvement seront passibles d'une peine de 10 ans de prison, les donateurs, même s'ils n'envoient que 100 roubles, c'est-à-dire 2 $, d'un maximum de huit ans de prison, et les membres d'un maximum de six ans de prison. Nous avons donc dû dissoudre officiellement le mouvement, qui n'a plus désormais aucune existence officielle.
    Cela dit, nous sommes demeurés très optimistes. Nous considérons tous ces gestes du Kremlin comme des éléments de la campagne électorale, de la préparation en vue des prochaines élections. La Russie élira la Douma d'État du parlement national dans quatre mois, à la mi-septembre. Ce sera un parlement très important, car il siégera pendant la transition, en 2024, lorsque M. Poutine devra soit se faire réélire, soit nommer quelqu'un d'autre. Néanmoins, il devra relever des défis importants au cours de cette transition. Il est très important pour lui que cette Douma soit très propre, très stérile.
     Comme le taux d'approbation du parti de M. Poutine, Russie Unie, est d'environ 27 %, le Kremlin admet apparemment qu'il n'est pas possible d'obtenir les résultats électoraux qu'il souhaite, c'est-à-dire la majorité constitutionnelle à la Douma, sans recourir à des mesures extraordinaires. Voilà pourquoi non seulement Alexei Navalny est en prison, mais de très nombreuses personnalités importantes de l'opposition sont aussi assignées à résidence ou forcées de quitter le pays. C'est pourquoi le Kremlin essaie de nous forcer à fermer nos bureaux régionaux pour empêcher tout politicien indépendant de faire campagne.
    Poutine a appris cette leçon par le passé. Il sait pertinemment que la meilleure stratégie consiste à bourrer les urnes et à truquer les élections le jour du scrutin. Il est astucieux de voler les élections à l'avance: il suffit de ne laisser personne participer, tout simplement, de ne laisser aucun candidat indépendant, aucun candidat capable de livrer une vraie lutte faire figurer son nom sur le bulletin de vote. C'est exactement ce que fait le Kremlin à l'heure actuelle.
    Nous avons quand même notre stratégie, le « vote intelligent » ou le vote tactique comme au Royaume-Uni, par exemple. Nous appuyons les candidats les plus solides de toutes les circonscriptions. Nous demandons à nos partisans de voter de façon tactique pour ceux qui ont les meilleures chances de défaire et de déloger les candidats actuels de Russie Unie. Nous espérons pouvoir accomplir beaucoup de choses aux élections de septembre, en nous fondant sur notre expérience des deux élections régionales précédentes, où nous avons réussi à vaincre de nombreux représentants de Russie Unie.
    Cela contribuera à accroître les turbulences politiques et à stimuler la combativité dans la politique interne russe, et nous espérons que cela nous aidera à faire avancer un peu les choses vers le changement démocratique et la transition.
    L'objectif ultime de notre mouvement politique est le changement démocratique et la transition, et nous croyons que la Russie est essentiellement un pays européen par son histoire et sa culture. Elle appartient à l'Europe. Pour nous, être Européen signifie avoir des institutions efficaces, des élections compétitives, des tribunaux équitables, des médias indépendants, etc., tout ce que Poutine a détruit et démoli au cours des 20 dernières années et tout ce dont les citoyens ont besoin pour définir l'évolution de leur pays et son orientation.
    On nous demande souvent ce que cela signifie. Vous voulez que la Russie devienne un pays européen, mais qu'est-ce que cela veut dire? Le Portugal, le Danemark et la Suède sont tellement différents. Mais ils ont le plus grand dénominateur commun, c'est-à-dire qu'ils ont des institutions démocratiques qui fonctionnent et que les citoyens peuvent utiliser pour choisir l'orientation de leur pays: du côté des libéraux ou des conservateurs, à gauche ou à droite, un peu plus de ce côté-ci, un peu plus de ce côté-là. Ce sont des choses très importantes, et il faut se rendre compte que les citoyens russes n'ont aucun de ces outils en leur possession à l'heure actuelle. L'essentiel, maintenant, la stratégie essentielle, est simplement de rétablir les institutions politiques de base pour relancer les luttes politiques, qui n'existent à peu près pas en Russie.
    Voilà où nous en sommes et voilà ce que nous faisons. J'attends vos questions avec impatience.
    Merci beaucoup de votre attention.
(1540)
    Monsieur Volkov, merci beaucoup.
    Un détail technique: les interprètes nous disent que le son est de bonne qualité, mais qu'il faudrait relever un peu le volume pour répondre aux questions. Peut-être suffirait-il de parler plus directement dans le micro plutôt que de côté. Je vous laisse le soin de voir, mais si vous pouviez simplement augmenter un peu le volume, cela faciliterait l'interprétation.
    Nous allons maintenant passer à la première série de questions, qui sera divisée en segments de six minutes chacun. Ce sera d'abord M. Diotte.
    Vous avez la parole.
    Merci. Je vous remercie d'être là, monsieur Volkov.
    La première préoccupation de tout le monde est sans doute l'état de santé de M. Navalny. Reçoit-il des soins médicaux adéquats?
    Dois-je attendre qu'on m'ait posé plusieurs questions ou dois-je y répondre une à une?
    Vous avez six minutes, monsieur Volkov, pour vos échanges avec M. Diotte, après quoi nous passerons à un autre segment de six minutes. Je vais annoncer chaque segment. Les députés peuvent vous poser autant de questions qu'ils le souhaitent pendant la période qui leur est accordée.
     Je vois.
    Merci beaucoup, monsieur Diotte.
    Son état de santé est maintenant meilleur. Il est à l'hôpital. Comme c'est l'hôpital de la prison, ce n'est pas très agréable, mais au moins, il y a une certaine surveillance médicale et il reçoit des soins médicaux. On lui donne un traitement.
    Il y a eu une forme étrange de compromis politique. M. Navalny a fait la grève de la faim surtout pour obtenir le droit de se faire examiner par des médecins de son choix, des médecins à qui il faisait confiance. Poutine ne pouvait pas accepter parce qu'il aurait perdu la face, mais les pressions internationales et les pressions de l'opinion russe étaient très fortes. Il y a donc eu un compromis.
     M. Navalny a été examiné par des médecins civils dans un hôpital civil de Vladimir. Ils ont remis les résultats de l'examen à ses médecins personnels. Ils ont vérifié. Ils ont été d'accord sur certaines choses et pas sur d'autres. Les médecins se sont mis d'accord sur le traitement. Il reçoit maintenant ce traitement qui a été approuvé par ses médecins personnels...
(1545)
    Excellente nouvelle. C'est bien. Dans l'ensemble, il se porte donc assez bien.
    Oui. C'est beaucoup mieux qu'avant. Il se remet d'une grève de la faim, ce qui prend du temps. La grève a duré 24 jours. Il faut à peu près le même temps pour bien se rétablir.
    C'est une bonne nouvelle.
    Vous avez parlé du journalisme. J'ai été journaliste pendant 30 ans. La situation du journalisme m'intéresse toujours.
     Dans notre pays, des médias indépendants se plaignent parce qu'il arrive souvent qu'ils ne soient pas autorisés à assister à des conférences de presse de haut niveau du gouvernement ou, s'ils le sont, qu'il leur soit interdit de poser des questions. Quel est l'état du journalisme indépendant en Russie? Est-il menacé? Peut-on y faire quoi que ce soit?
    Le journalisme indépendant est quasi inexistant. Le Kremlin a une machine de propagande et de désinformation très efficace. Il a le plein contrôle de la télévision, des médias et des journaux, Internet étant la seule ressource relativement libre où des opinions différentes peuvent exister et coexister.
     Le Kremlin lance actuellement une vaste campagne contre d'importants médias indépendants sur Internet. Selon les informations les plus récentes, Meduza, le plus important organe de presse indépendant, basé en Lettonie, à Riga, a été désigné comme un « agent étranger », ce qui est une très mauvaise désignation, car elle empêche en fait les annonceurs de travailler avec lui. Les conséquences financières pour les médias sont très lourdes. Et puis, s'il réussit à détruire Meduza, le Kremlin s'attaquera ensuite à tous les autres médias.
    Meduza essaie maintenant, par exemple, de lancer une campagne de sociofinancement. Il est à espérer que ce média sera en mesure de recueillir suffisamment de dons pour continuer son action et de compenser en quelque sorte la perte de revenus publicitaires, mais pour les médias indépendants, les temps sont durs. Par ailleurs, nous constatons un essor du journalisme d'enquête en Russie, par exemple. Le public essaie vraiment de trouver de l'information indépendante, se détourne donc de plus en plus nombreux de la télévision, se rendant compte désormais que c'est de la propagande, et cherche activement des opinions dissidentes indépendantes en ligne.
    Une dernière chose, très brièvement. Ce qui est vraiment important ici, c'est la position que prendront les grandes plateformes Internet. Techniquement, le gouvernement russe a adopté une série de lois qui rendent illégale toute forme de publication hostile à Poutine sur Internet, bien sûr, et il impose d'énormes amendes à Google, à Facebook, à Twitter et aux autres s'ils ne suppriment pas cette information. Jusqu'à maintenant, Google, Facebook et Twitter n'ont pas cédé. Il leur arrive de payer les amendes sans pour autant supprimer l'information. Si ces plateformes tiennent bon, tout ira bien. Si elles commencent à céder aux exigences du gouvernement, l'effet sera dévastateur.
    Merci.
    Monsieur le président, me reste-t-il encore une minute environ?
    Quelles mesures voudriez-vous que le gouvernement Canada prenne pour obtenir la libération de M. Navalny? Nous avons imposé des sanctions, évidemment. Quelles autres mesures seraient utiles à l'heure actuelle?
     Question difficile. Poutine en fait une affaire très personnelle. Il est très contrarié, semble-t-il, que M. Navalny ait osé survivre à l'empoisonnement, qu'il ait osé enquêter sur son propre empoisonnement, qu'il ait osé rentrer en Russie après avoir été empoisonné et, bien sûr, qu'il ait osé lancer cette enquête sur le luxueux palais de Poutine sur la côte nord de la mer. Cela a révélé toute cette façon de penser: pour Poutine, vraiment, l'argent, les tapis en fil d'or sont ce qui a le plus d'importance au monde. En fait, cette révélation est très dangereuse pour Poutine, parce qu'elle montre qu'il se soucie beaucoup de l'argent. Une réponse brève? Il faut sanctionner ses amis proches, ses oligarques, les détenteurs de ses actifs.
    Merci beaucoup, monsieur Diotte.
    Nous allons maintenant passer à M. Fonseca, qui aura six minutes. À vous.
    Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Volkov, d'avoir accepté de témoigner devant le Comité des affaires étrangères.
    Monsieur Volkov, dès qu'il s'est remis de l'empoisonnement dont il a été victime, M. Navalny a décidé de rentrer en Russie. Je dois dire que nous avons tous vu là une décision très courageuse. Pouvez-vous parler au Comité des facteurs qui ont influencé la décision de M. Navalny de rentrer dans son pays, où il a été persécuté par le régime?
(1550)
    Merci, monsieur Fonseca.
    Nous n'en avons jamais discuté. Même quand M. Navalny était encore dans le coma, pour nous tous — je veux dire pour moi, sa femme, ses amis proches et ses collègues —, cela n'a jamais été un sujet d'interrogation. Nous savions tous qu'une fois qu'il serait rétabli, il retournerait dans son pays. Il n'aurait jamais pu envisager de poursuivre sa carrière politique en exil.
    Au cours de ses 10 années de carrière politique active, il a été visé par de nombreuses mesures de répression et il a été exposé à bien des risques. Il a été la cible d'une attaque à l'acide en 2017, et il a failli y perdre un œil. Il a dû subir de nombreuses chirurgies après avoir reçu de l'acide dans l'oeil. Il a été harcelé par le gouvernement de bien des façons. Il a été assigné à résidence pendant un an. Il a passé au total huit ou neuf mois en prison, en détention. Il a été sous arrêt pendant 15 ou 30 jours ensuite, et puis aussi avant même qu'un procès soit annoncé.
    Il a bâti un grand mouvement politique. Il avait l'impression que maintenant, rester à l'étranger, rester en exil allait réduire à néant tout ce qu'il avait accompli. Cela aurait été comme dire que tous les risques déjà pris n'avaient servi à rien.
    Nous comprenons tous. Il est très clair pour nous, en Russie, qu'on ne peut pas être un dirigeant politique efficace si on reste à l'étranger. Beaucoup ont essayé, mais personne n'a réussi.
    Je ne suis pas un dirigeant politique. Je suis un gestionnaire politique. Je dirige les activités courantes de notre organisation, de nos bureaux régionaux. Nous avons décidé conjointement avec M. Navalny, il y a deux ans, lorsque la menace d'emprisonnement est devenue trop grande, que je devais quitter le pays, essentiellement, pour assurer le bon fonctionnement de l'organisation. Pour lui, il était impossible de convoquer des rassemblements s'il n'y participait pas.
    C'est un homme politique. Il est citoyen de la Russie. Il n'a rien fait de mal. Il n'a violé aucune loi. Pourquoi devrait-il rester à l'étranger? C'est une chose très importante dont nous n'avons jamais discuté. C'était clair pour nous dès le début. Il n'avait pas de doute. Il ne m'a pas demandé, par exemple, s'il devait rentrer ou non.
    Oui, la force de ses convictions est incroyable. Je dois dire, monsieur Volkov, que la façon dont vous avez expliqué que c'était ignoble... Nous trouvons tout cela ignoble. L'empoisonnement de M. Navalny, cette attaque contre lui ne vise pas que lui, mais aussi les droits de la personne et la démocratie. Voilà ce qui est ciblé.
    Selon vous, dans quelle mesure est-il probable que le gouvernement russe essaie d'empoisonner d'autres dirigeants de l'opposition, d'autres opposants dans un avenir rapproché? Quelle est la probabilité? Êtes-vous inquiet pour votre propre personne? Allez-vous au restaurant? Sait-on où vous vous trouvez en Lituanie? Craignez-vous qu'on ne vous suive, qu'il ne vous arrive quelque malheur, à vous et à votre famille? Ce doit être très difficile à gérer au jour le jour.
     Depuis le début de la pandémie de COVID, je ne suis pas allé au restaurant. Cela fait plus d'un an. Cela mis à part, avant août 2020, nous considérions que la plus grande menace pour un politicien en Russie était normalement d'être arrêté et emprisonné. Si on décidait d'aller à l'étranger, on pouvait avoir l'impression d'éviter tout risque possible. Après août 2020, après l'empoisonnement de M. Navalny, bien sûr, nous nous sommes tous rendu compte que personne n'est en sécurité et que Poutine est prêt à utiliser des produits chimiques non seulement contre d'anciens agents du KGB qu'il considère comme des traîtres, comme Sergeï Skripal, mais aussi contre ses adversaires politiques.
    Avant août 2020, nous pensions que Poutine faisait une distinction entre adversaires politiques et traîtres: il faut tuer les traîtres, et il faut harceler les adversaires, les mettre en prison et ainsi de suite. Qui aurait pu penser qu'on utiliserait des poisons? Maintenant que cela s'est produit, personne ne peut se sentir en sécurité, mais franchement, que peut-on faire pour se protéger contre un empoisonnement par une substance invisible et insipide? Nous prenons régulièrement certaines précautions. Nous essayons de voir ce qui se passe autour de nous. Nous avons des caméras sur les immeubles pour nous rassurer, mais en général, c'est simplement là le niveau de risque auquel nous sommes exposés, malheureusement.
(1555)
    Nous avons vu les reportages sur l'ingérence de la Russie dans les élections aux États-Unis ou dans d'autres parties du monde. Pensez-vous que des agents russes écoutent vos communications ou surveillent vos téléphones et tout ce que vous faites en ligne? Quel est l'effet sur votre réseau et les membres de votre famille? Quelle place prend la peur, quel est l'effet paralysant sur tout le monde?
    Monsieur Volkov, veuillez répondre brièvement, puis nous passerons au prochain intervenant.
    Merci.
    Bien sûr, les agents du pouvoir en font beaucoup. Ils mènent des campagnes de cyberguerre et de désinformation perfectionnées à grande échelle. Nous en sommes bien conscients. Nous sommes habitués à vivre dans un environnement toxique comme celui-là. Chacun de nos employés est la cible de beaucoup d'attaques d'hameçonnage, par exemple, et tout le monde reçoit une formation pour repousser ces attaques. Ils ont eu un peu de succès parce qu'ils ont réussi à percer la messagerie de ma mère. C'est vilain. Elle ne s'y connaît pas beaucoup en technologie et n'a pas été en mesure de se protéger. Nos communications avec les membres de notre personnel, etc., sont très sécuritaires.
    Merci beaucoup, monsieur Fonseca.
    Merci.

[Français]

     Monsieur Bergeron, avant de vous céder la parole, j'aimerais m'assurer que M. Volkov a bien accès à l'interprétation.

[Traduction]

    Monsieur Volkov, si vous avez besoin d'interprétation, avez-vous choisi...?
    D'accord.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour les six prochaines minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci infiniment, monsieur Volkov, d'être parmi nous aujourd'hui. Nous apprécions vraiment que vous preniez le temps d'échanger avec nous. Je tiens à vous témoigner toute notre solidarité et vous prie de bien vouloir la communiquer à M. Navalny.
    J'ai d'ailleurs eu l'occasion, il y a de cela quelques jours, de prendre la parole dans le cadre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe pour exiger la libération de M. Alexei Navalny. J'étais très fier de le faire au nom de mes collègues. Le Canada, comme d'autres pays occidentaux tels que les États-Unis et les pays de l'Union européenne, a pris un certain nombre de mesures allant dans le sens de ce que vous avez demandé, c'est-à-dire d'imposer des sanctions contre certains oligarques qui financent les activités de M. Vladimir Poutine. Neuf personnalités russes ont été sanctionnées par le Canada.
    Peut-être pourriez-vous, vous ou votre organisation, nous transmettre le nom d'autres oligarques qui pourraient faire l'objet de sanctions de la part du gouvernement du Canada?
    Si l'objectif est de couper les fonds qui alimentent cette bête qu'est M. Vladimir Poutine, je pense qu'il faut effectivement faire un certain nombre de gestes et être en mesure d'identifier clairement ces personnes ainsi que les raisons pour lesquelles elles devraient figurer sur la liste.

[Traduction]

     Merci beaucoup de votre appui et de votre question, monsieur Bergeron.
    En ce qui concerne les sanctions visant des personnes en particulier, il est tout d'abord important que l'Europe, par exemple, ainsi que le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada, fasse le premier pas. Oui, ils sont passés de sanctions économiques sectorielles à des sanctions visant des personnes, parce que malheureusement, chaque fois qu'une série de sanctions sectorielles est lancée, on sabre le champagne au Kremlin. Ces gens-là s'en réjouissent.
    En effet, il est possible de mettre tous les problèmes au compte des sanctions étrangères qui pèsent sur l'économie russe. Pourquoi le revenu du ménage moyen en Russie diminue-t-il pendant huit années consécutives? C'est à cause du méchant Occident, à cause de l'OTAN, à cause des États-Unis, parce qu'ils essaient de tuer notre économie par des sanctions. De telles sanctions leur donnent simplement l'occasion de voler davantage et d'expliquer tous les problèmes en utilisant leur machine de propagande.
    Par contre, les sanctions qui visent expressément des personnes sont efficaces, croyons-nous, parce que la propagande ne peut pas les faire passer pour des sanctions contre la Russie. Elles visent des personnes, et ces personnes ne représentent évidemment pas notre pays. Il est donc très important que l'Union européenne, par exemple, ait adopté la loi européenne Magnitski pour les violations des droits de la personne et ait commencé à sanctionner certaines personnes.
    Cela dit, la première liste ne va pas faire beaucoup de mal. On y trouve surtout des gens comme des responsables des forces de sécurité qui sont, il est vrai, responsables de l'empoisonnement de M. Navalny. Mais ils ne sortent pas de la Russie et ils n'ont pas d'actifs à l'étranger.
    Le but de sanctions qui pèseraient sur les amis et les oligarques de Poutine, ce n'est pas de priver M. Poutine de ressources financières. Malheureusement, il a accès à des sommes énormes. La Russie a exporté du pétrole et du gaz d'une valeur de plus de 3 billions de dollars américains au cours des 20 années de règne de Poutine, et lui et ses amis ont raflé la majeure partie de ces fonds. L'idée est de nous mettre en position de force face à Poutine et à ses amis, parce que chaque fois que l'Europe ou les États-Unis essaient de construire des ponts, de faire des compromis, d'établir un dialogue, malheureusement Poutine, étant donné sa psychologie, y voit un signe de faiblesse.
    Poutine considère malheureusement ses homologues occidentaux comme des hypocrites. Selon des sources très fiables, sa série télévisée préférée serait House of Cards. Il pense qu'ils sont tous... vous savez, ils tiennent un discours sur les droits de la personne, la liberté, la démocratie. C'est ce qu'ils doivent dire à leurs électeurs, mais ils n'y croient pas vraiment. « Ils ont besoin de mon pétrole et de mon gaz, pense Poutine, et ils ont vraiment besoin d'argent. Ils vont traiter avec moi, ils vont travailler avec moi, quoi que je fasse. Il n'y a pas de ligne rouge qu'il ne faudrait pas franchir, et je peux faire ce que je veux. »
    Chaque fois que le président Macron ou le chancelier autrichien Sebastian Kurz supposent que malgré tout, malgré toutes les violations des droits de la personne, ils doivent encore faire des compromis, etc., Poutine se dit: « Ah, j'ai encore gagné. Ils ont encore tellement besoin de mon pétrole et de mon gaz. »
    Les sanctions personnelles contre les oligarques de Poutine sont importantes si l'Occident veut exercer des pressions, se bâtir une position solide. Le blocage des avoirs de Poutine, qui sont nominaux — ce sont les avoirs de ses amis, mais bien sûr, ce sont en fait ses avoirs personnels —, permettrait aux dirigeants occidentaux de parler à Poutine en ayant une position beaucoup plus solide que maintenant, parce que l'argent compte vraiment beaucoup pour lui.
    C'est notre idée. La politique d'apaisement a malheureusement échoué.
(1600)

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Bergeron.
    Je suis désolé, votre temps est écoulé.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Oui, d'accord.
    Puisque la question posée à M. Volkov portait sur les sanctions individuelles et que nous nous attendions à ce qu'il nous fournisse, pas nécessairement de vive voix, une liste d'oligarques ainsi que les raisons pour lesquelles ils devraient figurer sur cette liste, je voulais m'assurer qu'il pourra faire parvenir la liste à notre greffière.
     D'accord.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Bergeron.

[Traduction]

     Merci, monsieur Volkov.
    Nous allons aller directement...
    Je suis désolé...
    Oui, allez-y.
    Je me suis également rappelé que nous avons une liste de 35 noms que nous avons en fait publiée dans certains médias, mais je me ferai un plaisir de la communiquer également au Comité.
    D'accord.
    Passons à M. Harris pour les dernières questions du premier tour. Encore une fois, six minutes.
    Monsieur Harris, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Volkov, de vous être joint à nous.
    Tout d'abord, en mon nom personnel, et je crois parler au nom de la très grande majorité des Canadiens, qui abhorrent ce qui arrive à M. Navalny en Russie et à d'autres personnes ciblées par l'État, qu'il a parfois assassinées ou empoisonnées... Dans le cas de M. Navalny, les menaces continuent, comme l'emprisonnement et les tentatives d'assassinat... Je dirai donc que nous admirons le courage personnel et la force de M. Navalny et des gens comme vous qui tentez de relever ce très lourd défi.
    Je suis certain que la décision qu'il a prise de rentrer en Russie et de faire face aux conséquences parce qu'il tenait à être là sera une source d'inspiration pour d'autres, qui continueront d'essayer d'apporter à la Fédération de Russie les changements qui s'imposent.
    Cela dit, vous parlez ouvertement de ces questions pendant une séance publique. Vous avez des moyens de communiquer avec des gens à l'intérieur de la Russie, parfois sans encombre, parfois en vous faisant surprendre, mais j'ai l'impression que vous avez un moyen de faire passer votre message.
    Je suppose que j'ai ici un exemple de désinformation. Vous êtes sans doute au courant d'un rapport d'Amnistie internationale, une organisation internationale bien connue et respectée qui appuie ceux qui luttent contre l'autoritarisme, la dictature et les violations des droits de la personne dans le monde. Selon un rapport, elle aurait retiré M. Navalny de sa liste de prisonniers d'opinion à cause de déclarations qu'il aurait faites par le passé.
    Êtes-vous au courant de cette allégation, qui semble avoir été prise au sérieux pendant un certain temps? Savez-vous d'où elle peut venir?
(1605)
    Merci beaucoup, monsieur Harris. C'est une question très importante parce qu'elle montre l'étendue et la puissance de la campagne de désinformation que le Kremlin a lancée contre Alexei Navalny et permet de constater qu'Alexei Navalny et son mouvement sont pris très au sérieux.
    En fait, c'est en 2013 que Navalny s'est présenté comme maire de Moscou et que les services de l'État on commencé à répandre des articles de désinformation contre lui dans les médias occidentaux. Par exemple, ils ont fait paraître un article, payé pour faire paraître un article dans le Jerusalem Post dénonçant son antisémitisme, ce qui est assez drôle, puisqu'il a été un invité d'honneur à ma houppa et qu'on peut citer bien d'autres faits semblables.
    La campagne de cette année a été, bien sûr, la plus remarquable. On a tenté de miner sa crédibilité et celle de notre mouvement sur de nombreuses plateformes internationales différentes, notamment en utilisant des gens qui se sont fait passer pour moi, en communiquant avec différentes instances nationales et internationales comme l'Assemblée parlementaire de l'OSCE et d'autres, et en propageant de la désinformation.
    Le cas d'Amnistie internationale a été très remarquable parce que la campagne a atteint son but dans cette affaire. On lui a présenté un certain nombre de citations faussement interprétées ou des déclarations qu'Alexei Navalny a faites en 2007 et qu'il a ensuite rétractées et condamnées, mais les agents russes ont réussi à faire accepter leur thèse par certaines sections régionales d'Amnistie, ce qui a mené à cette décision.
    Heureusement, M. Navalny a communiqué avec Amnistie internationale. Elle mène une vigoureuse campagne et nous lui en sommes reconnaissants. Elle la mène dans le monde entier pour le protéger et le faire libérer. Je crois savoir qu'elle réexaminera bientôt sa décision concernant le statut de M. Navalny comme prisonnier d'opinion. Elle m'a fait savoir hier qu'elle publiera un communiqué de presse le 12 mai après avoir essayé de voir comment une campagne de désinformation russe a réussi à l'influencer et comment elle a pu être victime de cette campagne.
    Amnistie internationale va non seulement rétablir le statut de M. Navalny, mais aussi faire un examen, qui sera, je l'espère, très intéressant, de ce qui a pu se passer, de la façon dont cela s'est produit.
     Et, espérons-le, elle dénoncera ce qui a mené à toute cette affaire, au départ.
    Je me demande autre chose. Nous savons ce à quoi vous faites face et nous connaissons les difficultés que vous éprouvez dans le régime électoral en Russie. Il y a sans doute lieu de se demander comment il est désormais possible de militer en faveur d'un changement à l'intérieur de la Fédération de Russie.
    À l'intérieur de la Russie, quelle est l'attitude des Russes qui souhaitent... Ils n'aiment pas plus l'autoritarisme que quiconque, mais après l'effondrement de l'Union soviétique, par exemple, la situation n'a pas permis un relèvement général du niveau de vie, ni une amélioration de la capacité de fonctionner dans un régime non autoritaire. M. Poutine propose toujours la même chose. Comment la population peut-elle croire que les choses pourraient changer sous un régime différent?
    Je me demande donc quand votre campagne... Radio Free Europe a diffusé quelque chose au sujet de la création d'un nouveau parti politique en 2018, ce qui est peut-être la dernière fois qu'un nouveau parti a été créé. Il s'agit de Russie du futur, parti créé en mai 2019 par votre organisation, qui propose de vrais changements et de vraies réformes.
    Je dirais qu'il s'agit de « généralisations », dans une certaine mesure, et non, me semble-t-il, d'une vision pour une nouvelle Russie ou une nouvelle fédération russe capable d'apporter une prospérité susceptible de relever le niveau de vie de la population. Proposez-vous une vision d'avenir attrayante? Nous prenons connaissance de sondages d'opinion du Centre Levada — j'ignore si vous ajoutez foi à ces sondages — selon lesquels les Russes ne sont pas tout à fait en faveur de Poutine, mais ne semblent pas non plus croire que votre mouvement est aussi puissant que nous le souhaiterions ou que vous le souhaiteriez.
(1610)
    Monsieur Harris, je suis désolé, mais vous avez dépassé votre temps d'une minute et demie. Pourrions-nous demander à M. Volkov de garder cette question à l'esprit et d'y revenir au deuxième tour, que nous devons entamer tout de suite pour que tous aient le temps d'intervenir?
    Avec votre permission, je vais céder la parole à M. Chong pour les cinq prochaines minutes, mais laissons de côté la question de M. Harris pour y revenir plus tard.
    Monsieur Chong, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Volkov, je vous remercie de prendre le temps de comparaître.
    Vous avez dit que les sanctions sont efficaces pour contrer les actions du président Poutine, point de vue que je partage. Alexei Navalny a publié une liste des oligarques du Kremlin qui donnent au président Poutine les moyens de mener son action et de se maintenir au pouvoir. Certains de ces oligarques détiennent des actifs importants au Canada.
    Récemment, l'ancien champion du monde des échecs et figure de l'opposition russe Garry Kasparov a également exhorté les gouvernements occidentaux à appliquer des sanctions contre les Russes responsables de l'empoisonnement et de l'arrestation de votre collègue Alexei Navalny.
    Bien que le gouvernement du Canada ait imposé des sanctions à certains Russes, d'autres y ont échappé de façon inexplicable. À ce propos, le gouvernement du Canada devrait-il imposer des sanctions à cinq personnes en particulier qui ont déjà été sanctionnées par les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Union européenne?
     Êtes-vous d'avis que le premier qui devrait être visé par les sanctions du gouvernement du Canada est Evgueni Prigojine, qui dirige l'Internet Research Agency et le Groupe Wagner, qui a recours à des mercenaires? Cet homme figure sur la liste des personnes les plus recherchées par le FBI. Ses opérations de désinformation ont visé le Canada et des représentants du gouvernement du Canada.
    Que pensez-vous de l'idée de l'inscrire sur la liste des personnes visées par des sanctions?
    Oui, bien sûr, il faut le faire. Avant toute chose, c'est un criminel très dangereux.
    Merci.
    J'ai des questions à vous poser au sujet de quatre autres personnes.
    Il y a Dmitri Kovtun, qui est un ancien agent du KGB et du FSB et qui est maintenant un homme d'affaires en Russie.
    C'est Kovtun qui est responsable du meurtre d'Alexandre Litvinenko à Londres en 2006. C'est un agent du KGB. Il ne va pas à l'étranger; il n'a pas d'actifs à l'étranger non plus. Malheureusement, les sanctions ne lui feront pas de tort, mais c'est quand même un symbole important.
    D'accord.
    La troisième personne est quelqu'un qui a été identifié par une commission royale au Royaume-Uni comme responsable de l'empoisonnement d'Alexandre Litvinenko, un ancien agent du KGB qui est maintenant un parlementaire russe. Il s'appelle Andrei Lugovoï.
(1615)
     Oui. Lugovoï et Kovtun [Difficultés techniques] ensemble, c'est donc la même histoire.
    Deux autres personnes ont été envoyées à Salisbury, en Angleterre, pour empoisonner Sergeï Skripal avec les agents Novichok, soit le colonel Alexandre Mishkin et le colonel Anatoliy Chepiga.
    Bien sûr.
    Malheureusement, à l'exception de Prigojine, les quatre dernières personnes que vous avez énumérées ne sont que des criminels et des tueurs. Ce sont des officiers des forces de sécurité russes responsables d'attentats meurtriers au Royaume-Uni en 2004 et en 2018. Il faut les traduire en justice, mais les sanctions n'auront qu'un effet moral.
     Prigojine a certainement des intérêts importants à l'échelle internationale.
    C'est juste.
    Ce qui est si inquiétant au sujet de l'absence de sanctions du gouvernement du Canada à son égard, c'est que l'Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis lui ont imposé des sanctions, mais pas nous.
    En fait, le gouvernement du Canada a donné à M. Prigojine amplement de temps pour transférer ses actifs à l'extérieur du pays en prévision d'éventuelles sanctions. C'est pourquoi il me semble si important que les démocraties occidentales travaillent de concert pour imposer des sanctions aux oligarques, de façon à s'assurer qu'ils ne peuvent pas anticiper ces sanctions et sortir des actifs du pays.
    Je suis tout à fait d'accord.
    Monsieur le président, je n'ai pas d'autres questions. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Chong.
    Nous allons passer à la prochaine série de questions, qui seront posées par Mme Saks.
    Allez-y, madame Saks, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Volkov, de vous joindre à nous, au Comité des affaires étrangères. Votre témoignage est très important pour notre travail et essentiel si nous voulons que le Parlement et le gouvernement du Canada puissent prendre des décisions importantes.
    Monsieur le président, je vais partager mon temps de parole avec Mme Fry.
    Merci.
    Elle rit.
    Si Mme Fry souhaite partager mon temps de parole, elle peut le faire. Il suffit de me faire signe.
    Excusez-moi, monsieur le président.
    Je préfère que Mme Saks utilise tout le temps qui lui est accordé. Partager une trop courte période ne permet pas d'accomplir grand-chose.
    Allez-y, madame Saks, posez vos questions.
    Merci, madame Fry.
    Merci de cette précision.
    Toutes mes excuses, monsieur Volkov.
    Nous avons parlé plus tôt de la décision de qualifier d'extrémistes des membres de l'opposition démocratique et de les disperser. Nous avons parlé de la situation générale des risques pour M. Navalny, les membres de sa famille et vous-même, étant donné les utilisations violentes et méprisables de poisons dont des unités du FSB se sont rendues coupables.
    Quels sont les risques pour vos partisans et les autres militants démocratiques en Russie? Ils travaillent sur le terrain tous les jours. Il n'y a pas que les dirigeants qui soient exposés à des risques; ceux qui œuvrent dans le mouvement le sont aussi.
    Des gens ordinaires sont-ils en danger?
    Oui, et les risques augmentent.
    Lorsque nous avons eu des manifestations, en janvier dernier, 12 000 personnes ont été détenues, ce qui a été la plus grande vague de répression dans notre pays depuis 1937, depuis l'époque de Staline. Plus de 1 000 personnes ont été arrêtées après cette mise en détention. L'emprisonnement a été de courte durée, soit de 15 à 30 jours, mais c'est quand même très important. Certains perdent leur emploi, sont congédiés et expulsés de leurs établissements, de leurs collèges, etc.
    Poutine a montré qu'il est prêt à intensifier la répression, malheureusement. Il a mis nos partisans en danger.
    Par exemple, la nouvelle loi et la désignation de notre organisation comme extrémiste permettraient d'infliger à tous ceux qui nous font des dons une peine d'emprisonnement maximale de huit ans. Nous devrons donc cesser d'accepter des dons à l'intérieur du pays une fois que cette décision judiciaire sera en vigueur. Nous avons 160 000 donateurs qui nous envoient en moyenne 500 roubles ou 7 dollars américains par mois. Nous devrons mettre un terme à tout cela parce que, autrement, tous ces gens seraient en danger.
     Poutine n'a pas une machine répressive assez puissante pour arrêter 160 000 personnes, mais il en arrêterait une dizaine au hasard pour faire peur à tous les autres.
(1620)
    Pour donner l'exemple.
    C'est simplement pour faire peur à tous les autres. C'est sa technique. À chaque grande manifestation, il fait arrêter peut-être 1 % des participants — tout à fait au hasard —, mais les 99 autres pourcent se sentent tout aussi vulnérables. Il accroît ainsi le niveau de terreur et de méfiance dans la société. Nous devons tous songer sérieusement à protéger nos partisans et nous essayons de faire tout ce que nous pouvons pour cela.
    Je comprends. Dans le même ordre d'idées, dans ce genre de régime autoritaire et répressif comme l'est celui de Poutine, avec de telles atteintes aux droits de la personne, les dirigeants doivent toujours faire un compromis. Ils doivent promettre quelque chose en retour. Vous avez dit tout à l'heure que Poutine répète souvent que la situation économique de la Russie est le résultat des sanctions de l'Occident, mais il y a l'envers de la médaille, c'est-à-dire le fait que le gouvernement fasse des promesses économiques pour asseoir son pouvoir.
    Nous savons que l'espérance de vie moyenne d'un homme russe est actuellement d'environ 66 ans, soit cinq ans de moins que la moyenne de l'Union européenne. En 2018, pendant la Coupe du monde, Poutine a réformé les retraites partout en Russie et a siphonné des milliards de dollars pour son usage personnel. Certes, il y a eu des démentis, mais j'aimerais savoir s'il y a une opposition croissante, compte tenu de cette réalité. Où se situent la famille et l'individu russe moyen aujourd'hui dans tout ce gâchis?
    Cela nous ramène aussi aux questions importantes de M. Harris, auxquelles je n'ai pas eu le temps de répondre, alors je vais essayer de combiner vos deux questions et de répondre brièvement.
    Poutine a très bien réussi à faire accepter l'idée des années 1990. Le début des années 1990, après la destruction du communisme, a été un véritable désastre pour de nombreuses familles. Beaucoup n'étaient pas prêtes à subir de tels changements dans tout.
    À l'époque soviétique, les gens ne savaient pas ce qu'était l'argent. L'argent est une institution, c'est vrai, mais les choses n'ont pas fonctionné de la même façon dans l'économie soviétique que dans l'économie de marché. Je ne parle pas du marché boursier ou de choses du genre. Les gens ne savaient pas ce qu'étaient une banque, ce qu'était l'entrepreneuriat, ce qu'était le monde des affaires, ce qu'était le profit ou la vente. Les gens n'étaient pas du tout préparés.
    Le début des années 1990, qui a pourtant été balayé par un grand vent de liberté politique, a été une catastrophe économique. Poutine est arrivé au pouvoir et a réussi à gagner énormément en popularité en affirmant que cette époque ne se reproduirait pas. Son principal credo politique était celui de la stabilité. « Je vous ai apporté la stabilité », disait-il jusqu'à plus soif.
    Eh bien, ce discours a fonctionné de 2002 à 2010. Les gens étaient prêts à tout lui pardonner pour cette fameuse stabilité. Mais maintenant...
    Excusez-moi, monsieur Volkov. Pour gagner du temps, nous devons poursuivre.
    Oui, d'accord.
    Vous aurez l'occasion, dans les réponses que vous donnerez à d'autres députés, de préciser vos propos. Je suis désolé, mais nous devons terminer la deuxième série de questions.

[Français]

     Monsieur Bergeron, je vous cède la parole. Vous avez deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Volkov, je pense que tout le monde comprend les raisons pour lesquelles vous attendez une décision du tribunal quant à la légalité de l'interdiction de votre organisation. Cependant, dans l'intervalle, ne serait-il pas astucieux de lancer un nouveau mouvement?
    Cela pourrait être sous un nom différent. À ce moment-là, l'État russe devrait statuer sur ce nouveau mouvement.

[Traduction]

    Malheureusement, les choses ne fonctionnent pas ainsi. L'idée est bonne, mais si un mouvement est déclaré extrémiste et que quelqu'un en crée un nouveau, l'expert du comité d'enquête décide si le nouveau mouvement est une réplique de l'ancien ou pas. S'il est d'avis que le nouveau mouvement fait exactement la même chose que l'ancien, les conséquences pour les adhérents seront malheureusement les mêmes.
(1625)

[Français]

    Donc, vous êtes vraiment contraints d'attendre la décision du tribunal. Si la décision du tribunal devait vous être défavorable, comment envisagez-vous la suite des choses?

[Traduction]

     Nous ne nous faisons pas d'illusions quant à la décision qui sera rendue. Malheureusement, la Russie n'a pas de tribunal indépendant. Nous serons branchés le 17 mai et nous nous préparons au verdict. Nous cheminons vers la lumière. Internet semble toujours être un média relativement libre. Beaucoup de choses que nous faisons sont en fait rendues possibles par Internet. Pour la tenue de ce vote tactique, nous n'avons pas besoin d'une infrastructure hors ligne.
     Nous allons évidemment poursuivre nos enquêtes sur la lutte contre la corruption. Nous sommes en train de déplacer une partie de notre matériel de la Russie en Lituanie ou ailleurs pour en assurer la sécurité. Nous allons continuer à faire ce que nous faisons. Nous faisons face à de nombreux changements organisationnels. Nous devons réorganiser de nombreux processus, mais nous allons continuer.

[Français]

     L'expérience...
    Je vous remercie, monsieur Bergeron.
    Je suis désolé, mais c'est tout le temps dont vous disposiez.
    Nous poursuivons avec les trois dernières interventions.

[Traduction]

    Monsieur Harris, c'est à vous pour deux minutes et demie, puis ce sera à M. Diotte et à M. Oliphant.
    Monsieur Harris, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais donner à M. Volkov l'occasion de poursuivre sa réponse, mais aussi de prendre une autre question au sujet de l'utilisation d'Internet, puisqu'il vient d'en parler.
    Ce médium est-il gratuit? Est-il facile pour les Russes de voir ce qui se passe ailleurs et de recevoir l'information disponible sur Internet, ou est-ce également contrôlé?
    Poutine tente de contrôler l'Internet, mais ce médium demeure relativement libre, car l'Internet russe s'est développé dans les années 1990, à l'époque de la liberté politique et de la concurrence économique. La toile s'est donc développée de façon très concurrentielle, en ce sens que chaque fournisseur de services Internet a essayé de bâtir ses propres liaisons transfrontalières.
    Par exemple, la Chine n'a que trois liaisons transfrontalières pour ses fournisseurs Internet nationaux, tandis que la Russie en a plus de 900. L'Internet chinois a été conçu pour être très contrôlable, tandis que l'Internet russe était relativement gratuit. Jusqu'à maintenant, les efforts de censure de Poutine ont échoué. Il ne réussit pas là aussi bien qu'ailleurs.
    Pour revenir à votre très importante question précédente, encore une fois, Poutine faisait la promotion de la stabilité et du concept de lutte contre la pauvreté dans les années 1990, disant qu'il apportait la stabilité, et ainsi de suite. Aujourd'hui, cependant, la Russie vit un changement générationnel. Poutine est là depuis 22 ans, et toute une génération n'ayant rien connu d'autre que le régime Poutine est apparue, une génération qui veut du changement et qui recherche le changement.
    Ces gens-là sont aussi des utilisateurs de l'Internet russe, ce n'est pas un auditoire de la télévision nationale. L'auditoire de la propagande télévisée de Poutine diminue, tandis que celui des internautes augmente. De plus, les jeunes ont beaucoup voyagé, contrairement à leurs aînés, à l'époque communiste. Les gens ont pu se rendre en Europe pour voir comment la démocratie fonctionne et ce que pourrait être leur société dans une démocratie, et ainsi de suite.
    Les choses évoluent lentement. Vous avez raison. Poutine jouit encore d'un appui considérable. Le sondage Levada est tout à fait juste; Poutine bénéficie encore de quelque 50 % de l'appui populaire, mais nous n'en sommes plus aux 80 % d'approbation d'il y a 10 ans. Comme beaucoup de gens réussissent à avoir accès à différentes opinions sur Internet, les gens essaient de se rendre compte de ce qui se passe, et des choses comme, par exemple, notre vidéo d'enquête sont très utiles ici.
    Merci beaucoup, monsieur Harris.
    Nous allons maintenant passer à M. Diotte, pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Monsieur Volkov, nous parlions tout à l'heure de sanctions. Qu'en est-il d'un certain Roman Abramovich?
    Il est le premier sur notre liste. Nous avons également suggéré que l'Union européenne, le Royaume-Uni et le gouvernement américain le ciblent. Poutine a de nombreux prête-noms pour ses avoirs — des hommes de paille dont les avoirs sont en fait ceux de poutine —, mais Abramovich est certainement celui qui détient le plus gros portefeuille.
(1630)
    Excellent.
    Passons à un autre sujet. Il y a une importante communauté ukrainienne dans ma circonscription, dans l'Ouest du Canada. Ces gens-là et bien d'autres Canadiens sont vraiment préoccupés par les mesures agressives prises par Poutine contre l'Ukraine. Que pense M. Navalny de la situation en Crimée et dans l'Est de l'Ukraine et du risque que la Russie prenne d'autres mesures?
     M. Navalny a souvent répondu à des questions sur l'annexion de la Crimée. Vous pourriez facilement trouver bon nombre de ses déclarations publiques à ce sujet.
    Pour conclure très rapidement, nous disons que l'annexion de la Crimée était illégale. Poutine a commis un crime contre la Russie et ses intérêts nationaux. Il a violé les accords internationaux, ce qui a entraîné l'application de sanctions contre la Russie — et qui a miné la crédibilité de notre pays sur le plan de la coopération internationale, etc. — après avoir violé publiquement les obligations russes envers la Crimée, selon le protocole de Budapest de 1994.
    Cela étant, nous ne sommes pas tous... Quand un crime est commis et qu'il est reconnu, il est facile de le sanctionner. Quand quelqu'un tue une personne, on peut punir le tueur, mais on n'est pas capable de ramener la victime à la vie. Poutine a créé un énorme problème pour le monde, qui conservera probablement encore longtemps toute son ampleur, comme dans le Nord de Chypre, en Cisjordanie ou dans de nombreux autres territoires. Je veux dire qu'il y a maintenant deux millions de citoyens russes installés en Crimée. Il faut tenir compte de leur avis.
    Nous espérons que le futur gouvernement de la Russie et le futur gouvernement de l'Ukraine, avec l'aide de médiateurs internationaux, parviendront à mettre en place un processus pour régler le statut de la Crimée. Il s'agit d'une annexion illégale, mais il semble maintenant qu'il n'existe pas de façon simple de se sortir de la situation créée par Poutine.
    En ce qui concerne l'Est de l'Ukraine, c'est très clair. La Russie de Poutine a commis des crimes contre l'humanité, puisqu'elle a parrainé une guerre civile qui a coûté la vie à 13 000 personnes. C'est un crime. La Russie doit cesser d'appuyer les paramilitaires dans la région du Donbass, elle doit respecter les accords de Minsk qu'elle a signés et céder le contrôle frontalier à l'Ukraine, elle doit cesser d'appuyer les mouvements séparatistes dans le Donbass. Ce faisant, la situation reviendra à la normale. C'est très clair pour nous.
    J'ai une très brève question.
    Nous avons parlé un peu de votre mouvement et de la façon dont il est réprimé. Quel est l'état général du mouvement de protestation en Russie et quelle a été la nature de la répression? Je regardais le reportage de Reuters sur ces peintres du régime qui recouvrent les portraits de M. Navalny.
    Que se passe-t-il de ce côté-là?
    Ce qui se passe, c'est que Poutine est très efficace pour bâtir le genre de société que George Orwell a décrite dans son roman 1984. Le recouvrement des graffitis sur les murs fait partie de l'attirail du régime, au côté de bien d'autres choses. Poutine suit le livre.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Diotte.
    Nous allons maintenant passer à notre dernière série de questions. Monsieur Oliphant, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Volkov.
    [Conformément à une motion adoptée le 11 mai 2021, une partie de ce témoignage a été supprimée. Voir le Procès-verbal du 11 mai 2021]
    M. Robert Oliphant: Je tiens à vous assurer, à la suite des questions de M. Chong — et vous le savez peut-être —, que, le 24 mars dernier, notre ministre des Affaires étrangères a imposé une autre série de sanctions en réponse directe à l'arrestation et à la détention de M. Navalny. Nous revoyons régulièrement ces sanctions.
    Nous avons deux régimes de sanctions différents au Canada. Nous veillons à ce qu'ils soient à la fois judicieux et efficaces, de sorte que nous n'imposerons pas de sanctions aux criminels, même si des gens disent que... Nous cherchons à ce que les sanctions soient efficaces. Et puis, nous agissons en collaboration avec des partenaires internationaux, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Union européenne et ainsi de suite.
    C'est une discussion permanente. Si vous avez des suggestions à ce sujet, nous serions heureux de les entendre, et nous les examinerons. Cependant, nous devons nous conformer à deux lois. Nous sommes très prudents à cet égard. Cette liste a été dressée le 24 mars de concert avec les Américains.
    Permettez-moi, pour un instant, de laisser le sanctions de côté pour parler de l'effet de la décision des procureurs de l'État contre la Fondation anticorruption. En quoi cela limitera-t-il votre action en Russie ou à l'extérieur de la Russie, et avez-vous des suggestions à faire au Canada — puisque les procureurs vous qualifient d'organisation extrémiste à cause de son travail de lutte contre la corruption — sur la façon dont nous pouvons vous appuyer?
(1635)
     Merci beaucoup, monsieur Oliphant.
    En ce qui concerne les sanctions, je pense que beaucoup de choses importantes ont déjà été dites. Je comprends à quel point ce processus est compliqué, à quel point il comporte des complications juridiques.
    J'ajouterai cependant une petite chose, soit qu'il est bien sûr très important que la communauté internationale, c'est-à-dire le Canada, les États-Unis, l'Union européenne et le Royaume-Uni, agisse de concert.
    Oui.
     Si vous pouviez pousser et influencer le Royaume-Uni de façon informelle, ce serait parfait, parce que 80 % des avoirs en question sont cachés à Londres.
    Je veux simplement dire que le gouvernement est au courant et que des discussions ont été engagées.
    Merci.
    Pour ce qui est du deuxième volet de la question, celui du statut d'organisation extrémiste, cette classification aura un énorme impact sur notre capacité à mener des activités en personne sur le territoire russe. Les activités en personne deviendront très dangereuses pour les participants et nous devrons les limiter au strict minimum. Nous devrons relocaliser bon nombre de nos employés et nous concentrer sur des actions en ligne.
    Cependant, nous savons quoi faire. Nous avons beaucoup de projets que nous voulions lancer en ligne, mais nous n'avions pas les ressources pour le faire, parce que nous étions occupés à d'autres choses sur le terrain. Maintenant, nous aurons les mains libres pour nous occuper de ces projets qui avaient été, en quelque sorte, mis en suspens. Nous allons les reprendre, et j'espère que M. Poutine n'aimera pas les conséquences de sa décision de détruire notre organisation physique au pays.
    Toutefois, le plus important, c'est le nombre de personnes que nous pouvons rejoindre. Quand nous avons lancé notre mouvement, nous avions peut-être 50 000 adeptes. Après la campagne présidentielle de Navalny, quand nous avons mis sur pied notre réseau régional, nous avons pu atteindre plusieurs millions de personnes. Aujourd'hui, nous avons un auditoire quotidien d'environ 15 millions de partisans, et il est important. Nous allons continuer à parler à ce public malgré tous les problèmes que pose la censure sur Internet, et tout le reste, et nous allons continuer à le faire croître en misant aussi sur le changement générationnel qui se produit dans la politique russe à l'heure actuelle, et dont j'ai déjà parlé en répondant à la question de M. Harris.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Je vous remercie.

[Traduction]

    Je sais qu'il est tard chez vous, et je tiens à vous remercier. J'espère que vous aurez compris que, même si nous abordons la question différemment, au Canada, il n'y a pas de divergence d'opinions entre les partis sur ces questions des droits de la personne et sur l'affaire Navalny en Russie. Nous sommes très unis à cet égard et nous trouverons constamment des façons de vous appuyer.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Oliphant.
    Chers collègues, cela nous amène à la fin de la période officiellement allouée. Cependant, je crois que M. Bergeron aimerait poser une question au Comité concernant une potentielle prolongation de la période des questions.
    Oui.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Avec la permission de M. Volkov, je demanderais le consentement unanime des collègues pour que nous puissions avoir un ultime tour d'échanges de deux minutes, par formation politique.
(1640)

[Traduction]

    D'accord, le Comité a entendu la question. Y a-t-il consentement unanime pour accorder deux minutes de plus par parti?
    Les partis qui ont posé les questions qu'ils voulaient n'auront pas besoin de profiter de ce temps supplémentaire, mais y a-t-il consentement unanime du Comité pour continuer 10 minutes de plus afin de permettre aux partis qui le souhaiteraient de poser une question rapide de deux minutes?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Quelqu'un s'oppose?
    D'accord, nous allons suivre l'ordre habituel pour les questions.
    Monsieur Chong, voulez-vous commencer, à moins que ce ne soit M. Diotte?
    Bien sûr. Je vais y aller.
    D'accord.
    Monsieur Volkov, vous avez dit que Roman Abramovich figure en tête de liste des personnes qui devraient être sanctionnées par les gouvernements occidentaux. Vous avez mentionné ses avoirs importants au Royaume-Uni, mais il en a aussi dans d'autres pays de l'OCDE.
    Pourriez-vous nous dire pourquoi il est si important pour votre cause de sanctionner tout particulièrement Roman Abramovich?
    Nous avons préparé une documentation sur ces oligarques que nous proposons d'inclure dans ce que nous appelons notre liste de sanctions. Nous avons beaucoup parlé de M. Abramovich.
    En bref, je dirais qu'il prétend être un homme d'affaires, mais qu'il n'est qu'un prête-nom qui détient une partie des avoirs de M. Poutine. Il a été responsable de la privatisation de l'industrie pétrolière par M. Poutine. Il a acquis pour quelques roubles, au nom du gouvernement russe, des compagnies pétrolières qu'il a arrachées à des hommes d'affaires indépendants sous couvert d'accusations au criminel ou autres, puis il en a assumé le contrôle.
     Merci beaucoup. Je vous remercie de cette réponse.
    Je n'ai plus de questions, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Chong.
    Nous allons maintenant passer aux libéraux.
    Monsieur Oliphant ou quelqu'un d'autre de ce côté, vous avez deux minutes.
    Ça va. Mme Fry aurait-elle quelque chose à ajouter, ce serait tout à fait approprié.
    Madame Fry, voulez-vous prendre la parole?
    Pas nécessairement.
    Son nom circule aussi à l'OSCE et à l'AP OSCE. J'en ai beaucoup entendu parler. J'ai beaucoup d'informations que certains d'entre vous ont complétées, et je n'ai pas besoin d'en savoir davantage. Il est assez clair que nous sommes tous d'accord sur l'appui à accorder et sur le reste.
    Madame Sahota.
    Madame Sahota, vous avez la parole.
    Non? D'accord.
    C'est bien. Je pense que les réponses étaient très complètes. En fait, je dirais que les questions de MM. Bergeron, Harris, Chong et Diotte nous ont été utiles à tous, ce qui est une très bonne chose.

[Français]

     Merci, monsieur Oliphant.
    Monsieur Bergeron, vous avez deux minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je souhaitais avoir une autre tour, parce que j'avais une question complémentaire à poser à M. Volkov à la suite de celle que j'ai posée la dernière fois.
    Il parlait de la délocalisation d'activités hors des frontières de la Russie. Nous avons bien vu que cela ne garantit pas nécessairement la sécurité des gens à l'extérieur de la Russie. Certains ont payé de leur vie le fait de s'être opposés au régime. Or, une autre question me préoccupe.
    Si plusieurs dirigeants se trouvent à l'étranger plutôt que sur le territoire, est-ce que cela ne risque pas d'affaiblir le mouvement sur le territoire russe?

[Traduction]

    C'est effectivement le cas pour ce qui est du pouvoir des mouvements, car des gens sont forcés de quitter le pays. C'est un fait, et c'est pourquoi Poutine essaie de détruire notre mouvement en personne au pays. C'est pourquoi Poutine nous force à nous réfugier à l'étranger. C'est pourquoi Alexei Navalny est retourné en Russie après s'être rétabli, parce qu'il s'était rendu compte qu'en restant hors du pays, cela nous aurait affaiblit. Nous nous retrouvons maintenant dans cette situation et nous n'avons pas d'autre choix que de sortir du pays. Nous devons, soit cesser toutes nos opérations, soit les poursuivre depuis l'étranger. Nous espérons maintenant être encore assez efficaces pour faire une différence, même à partir de l'étranger. C'était [Inaudible] cette année de réunions en ligne et [Difficultés techniques] nous a beaucoup appris sur la façon d'être efficaces, même à distance.
(1645)

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Volkov.
    Merci beaucoup, monsieur Bergeron.

[Traduction]

    Monsieur Harris, vous pouvez poser une dernière question au témoin si vous le voulez.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Volkov. Tout d'abord, je tiens à dire que la persistance dont vous avez fait preuve dans votre mouvement, votre vision d'une nouvelle Russie, votre détermination à suivre... M. Navalny devrait trouver un certain réconfort dans l'idée que vous m'avez au moins convaincu — et j'espère que c'est le cas de beaucoup de gens qui nous regardent — que sa souffrance et son sacrifice ne sont pas vains.
    Je veux simplement vous demander si vous êtes optimiste quant à l'avenir de votre mouvement, si vous pensez que d'autres leaders vont monter au créneau en Russie dans la foulée de ce qui arrive à votre mouvement, si vous devez poursuivre votre action sur Internet et peut-être en partie de l'extérieur du pays.
    Nous sommes très optimistes. Tout d'abord, nous ne pourrions pas continuer à faire ce que nous faisons en nous montrant pessimistes. Il faut beaucoup d'optimisme ou une bonne part d'optimisme pour faire tout cela.
     Deuxièmement, même si nous voyons déjà... Par exemple, comme nous avons dû dissoudre officiellement notre réseau de bureaux régionaux, nous avons également annoncé que chaque bureau régional pourra poursuivre ses activités de son propre chef. Nous leur transmettrons notre base de données de sympathisants et la partie régionale de la base de données des donateurs afin que chaque bureau puisse organiser un mouvement régional et continuer de faire ce qu'il veut de son côté, c'est-à-dire, communiquer avec ses sympathisants pour entreprendre localement de nouveaux projets politiques et pour présenter des candidats lors des élections locales.
    La majorité de nos anciennes sections régionales ont choisi de le faire et, bien que Poutine ait en quelque sorte détruit le mouvement centralisé de Navalny, il y aura désormais 30 ou 40 mouvements d'opposition régionaux que nous avons préparés, que nous avons en quelque sorte lancés. Nous avons beaucoup accompli ensemble, comme faire des enquêtes, organiser des rassemblements et ainsi de suite. Maintenant, ces anciens bureaux sont capables d'agir seuls — il y a beaucoup de nouveaux jeunes leaders en Russie — et c'est bien.
    Je suis également très optimiste au sujet de la situation dans son ensemble. Il y a un changement de génération. Dans les sondages fédéraux, la cote de Poutine est toujours très bonne, mais dans les sondages auprès des électeurs de moins de 30 ans, Navalny est plus estimé que Poutine, malgré tous les efforts des machines à propagande, toutes les campagnes de salissage de son image et de peur. Le temps joue en notre faveur. C'est un lent processus historique, mais il est inévitable [ Inaudible].
     Merci beaucoup, monsieur Harris.
    Monsieur Volkov, en notre nom à tous, je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer ce soir. Je vous remercie de votre franchise et du niveau de détail que vous nous avez fourni. Le fait que nous vous ayons gardés au-delà du temps prévu reflète l'intérêt et les préoccupations du Comité. Nous vous sommes donc reconnaissants d'avoir pris le temps de vous joindre à nous et nous vous en remercions. Faites attention à vous.
    Chers collègues, nous pouvons maintenant dire au revoir à M. Volkov, puis nous réunir à huis clos pour poursuivre notre discussion sur les travaux du Comité.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup de votre attention et de vos questions.
    Merci beaucoup.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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