HUMA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 18 mars 2003
¹ | 1525 |
La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.)) |
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ) |
Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.) |
Mme Monique Guay |
Mme Diane St-Jacques |
La présidente |
M. Scott Murray (directeur général, Statistique sociales et des institutions, Statistique Canada) |
¹ | 1530 |
La présidente |
M. Scott Murray |
La présidente |
M. Scott Murray |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
M. John Finlay (Oxford, Lib.) |
La présidente |
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.) |
La présidente |
M. Scott Murray |
M. Eugène Bellemare |
M. Scott Murray |
¹ | 1545 |
La présidente |
M. Eugène Bellemare |
M. Scott Murray |
¹ | 1550 |
La présidente |
M. Scott Murray |
M. Eugène Bellemare |
La présidente |
M. Scott Murray |
La présidente |
M. Scott Murray |
¹ | 1555 |
La présidente |
M. Scott Murray |
La présidente |
M. Scott Murray |
º | 1600 |
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne) |
M. Scott Murray |
Le vice-président (M. Monte Solberg) |
La présidente |
M. Scott Murray |
º | 1605 |
º | 1610 |
º | 1615 |
La présidente |
M. Monte Solberg |
M. Scott Murray |
M. Monte Solberg |
M. Scott Murray |
M. Monte Solberg |
M. Scott Murray |
M. Monte Solberg |
M. Scott Murray |
º | 1620 |
M. Monte Solberg |
M. Scott Murray |
º | 1625 |
Mme Diane St-Jacques |
M. Scott Murray |
Mme Diane St-Jacques |
M. Scott Murray |
º | 1630 |
Mme Diane St-Jacques |
La présidente |
Mme Diane St-Jacques |
M. Scott Murray |
Mme Diane St-Jacques |
M. Scott Murray |
Mme Diane St-Jacques |
La présidente |
M. Sébastien Gagnon (Lac-Saint-Jean—Saguenay, BQ) |
M. Scott Murray |
º | 1635 |
M. Sébastien Gagnon |
M. Scott Murray |
M. Sébastien Gagnon |
La présidente |
M. Eugène Bellemare |
º | 1640 |
M. Scott Murray |
M. Eugène Bellemare |
M. Scott Murray |
M. Eugène Bellemare |
M. Scott Murray |
M. Eugène Bellemare |
M. Scott Murray |
M. Eugène Bellemare |
M. Scott Murray |
º | 1645 |
M. Eugène Bellemare |
M. Scott Murray |
La présidente |
M. John Finlay |
º | 1650 |
M. Scott Murray |
M. John Finlay |
M. Scott Murray |
º | 1655 |
M. John Finlay |
M. Scott Murray |
M. John Finlay |
La présidente |
M. Scott Murray |
La présidente |
M. Scott Murray |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 18 mars 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1525)
[Traduction]
La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue à la 17e réunion du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées.
Nous poursuivons notre étude sur l'alphabétisation.
Avant de vous présenter notre témoin d'aujourd'hui, j'aimerais faire remarquer aux membres du comité l'absence pour cause de maladie de Mme Tremblay, qui est fort appréciée parmi nous et dont la présence nous manque.
Madame Guay, vous pourriez peut-être nous mettre au courant de l'état de santé de Mme Tremblay?
[Français]
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Je vais simplement vous donner un peu d'information. Je remplacerai Suzanne au comité jusqu'au mois de mai. Elle devait subir des pontages, mais il y a eu quelques complications du fait qu'ils n'avaient pas son groupe sanguin en réserve. Par conséquent, ils ont dû faire une réserve de son propre sang en vue de l'opération. Elle va très bien; elle est à l'hôpital, sous surveillance, et elle ne sera opérée qu'à la fin mars. Elle sera ensuite en convalescence. Je voulais simplement vous en informer.
Vous me dites que vous avez essayé de l'appeler. Elle ne peut être dérangée; elle est à l'hôpital. Pour ma part, j'ai eu de ses nouvelles parce qu'elle m'a téléphonée. Elle va très bien. Ne vous inquiétez pas outre mesure.
Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.): Est-ce qu'on pourrait avoir ses coordonnées? Même pas?
Mme Monique Guay: Peut-être uniquement son adresse de courriel. Je sais que ses adjoints vont lui apporter l'information. Sébastien est ici pour lui transmettre son courriel. Mais elle ne veut pas de fleurs; en fait, elle ne veut rien. Elle doit se reposer et ne pas subir de stress. Ainsi, elle va être de retour en pleine forme.
Mme Diane St-Jacques: On va respecter ses désirs.
[Traduction]
La présidente: Merci, madame Guay.
Je sais qu'un certain nombre de gens se demandaient comment elle allait. C'est bon d'avoir de ses nouvelles. Veuillez lui transmettre nos amitiés et lui dire que nous lui souhaitons la meilleure des chances. Nous sommes heureux d'accueillir sa remplaçante, mais ce ne sera pas exactement la même chose. Dites à Suzanne de revenir le plus rapidement possible, avec toute notre amitié.
Nous accueillons aujourd'hui Scott Murray, qui est le directeur général des Institutions et de la statistique sociale à Statistique Canada.
Monsieur Murray, nous sommes impatients de vous entendre, et je m'attends à ce que l'échange qui va suivre votre déclaration soit assez animé. Merci d'être venu nous rencontrer.
M. Scott Murray (directeur général, Statistique sociales et des institutions, Statistique Canada): Merci beaucoup. J'aimerais vous remercier de me donner l'occasion de m'adresser à vous.
J'ai consacré les 15 dernières années de ma vie professionnelle, en grande partie, à essayer de mesurer l'alphabétisation dans le monde et de comprendre ses tenants et ses aboutissants. Je vais essayer de condenser 15 ans en 15 minutes.
L'exposé qui vous a été remis était censé être présenté à l'écran en PowerPoint. Je ne respecterai pas l'ordre dans lequel il a été préparé, mais ce ne devrait pas être trop difficile de me suivre.
¹ (1530)
La présidente: Monsieur Murray, si vous avez besoin de 20 minutes plutôt que de 15, ne vous inquiétez pas; faites ce que vous pouvez.
M. Scott Murray: Je vais commencer par la conclusion, en vous disant que l'ensemble de toutes les analyses et évaluations effectuées au cours des 50 dernières années nous amènent à croire que les capacités de lecture et de calcul constituent des déterminants essentiels du développement économique et social, autant dans les pays en développement que dans les pays développés. Je vais essayer de vous expliquer les données qui nous font aboutir à cette conclusion.
Je vais vous dire ce que je veux faire. Je vais essayer de définir les capacités de lecture, sans trop rentrer dans les détails, et montrer comment elles sont réparties. Je vais ensuite mettre de côté l'offre en littératie—c'est-à-dire les compétences que les Canadiens possèdent, ce qu'ils savent et peuvent faire—pour me tourner vers les exigences en la matière, parce que c'est vraiment ce à quoi la politique publique doit commencer à s'intéresser: quelles sont les exigences auxquelles l'économie et la société sont confrontées?
Maintenant, je vais vous montrer un peu comment les employeurs canadiens récompensent les capacités de lecture et de calcul au travail. Puis, je vais aussi vous parler rapidement des procédés par lesquels on acquiert et on perd la capacité de lire, parce que ces procédés auront un impact énorme sur l'offre dont dispose l'économie. Ensuite, nous allons nous intéresser à l'avenir.
Dans nos travaux sur les capacités de lecture—et je tiens à signaler, en passant, que le gouvernement canadien a joué un rôle important sur le plan international pour favoriser l'évaluation directe des compétences en lecture—nous avons défini la littératie dans trois domaines: la compréhension de textes suivis, c'est-à-dire la capacité de comprendre un discours continu, présenté dans des phrases et des paragraphes comme dans les livres; la compréhension des textes schématiques, c'est-à-dire la capacité de comprendre des formulaires administratifs et des documents comme ceux utilisés au travail; et la capacité de calcul, ou numératie, c'est-à-dire la capacité de faire des opérations mathématiques au travail et dans la vie en général.
Je sais, pour avoir lu de précédents témoignages, que certains se demandent si ces mesures sont fiables. J'espère pouvoir dissiper ces craintes.
Pour mesurer les capacités, nous déterminons ce qui rend les tâches de lecture et de calcul difficiles pour les adultes. Nous avons établi des variables qui définissent la nature du texte lu par une personne et la nature de la tâche qu'on lui demande de remplir.
D'abord, il faut comprendre que lire c'est savoir décoder—reconnaître l'alphabet et reconnaître chacun des mots. C'est en fait savoir utiliser l'information imprimée pour accomplir les différentes tâches que chacun des Canadiens doit réaliser dans sa vie quotidienne.
Je ne vais pas m'attarder aux variables, sauf pour dire qu'elles servent à expliquer entre 85 et 90 p. 100 de la difficulté relative de l'ensemble des tâches auxquelles les Canadiens s'adonnent dans leur quotidien. C'est ce qui permet de comprendre les exigences sociales et économiques imposées, et de bien évaluer les compétences que les personnes possèdent.
Là-dessus, je vais passer au graphique 15, pour vous montrer, d'abord, les données pour la population adulte.
La présidente: C'est à la page 15.
M. Scott Murray: Vous voyez des barres bleu-vert et vertes. Les lignes verticales au centre sont les résultats moyens pour différents pays: le niveau moyen de littératie dans un certain nombre de pays de l'OCDE qui sont nos principaux concurrents économiques. La longueur de la barre indique le spectre de compétences observées dans ce pays.
Ce que j'aimerais que vous reteniez de ceci, c'est que la disparité dans la capacité de littératie des pays est beaucoup plus grande que celle de la répartition du rendement scolaire, et qu'il y a une grande disparité dans le spectre des capacités dont leur population fait montre. Ces deux facteurs ont d'énormes répercussions sur la performance économique globale des pays, sur la façon dont les entreprises productives font preuve d'innovation dans l'organisation du travail et l'usage de la technologie, ainsi que sur les salaires et l'employabilité des travailleurs oeuvrant au sein de ces entreprises.
Le Canada se classe assez bien par rapport aux autres pays. Nous nous situons juste en dessous des pays nordiques, qui affichent des compétences très élevées et très également réparties mais, de nôtre côté, nos compétences sont très élevées et variables. Le spectre des compétences est très étendu au sein de la population.
C'est ce que les résultats de l'échelle nous indiquent. Nous définissons également des niveaux de rendement, qui vont de un à cinq. La diapositive de la page 18 vous explique ce que sont ces niveaux de rendement.
C'est seulement au niveau le plus bas, au niveau un, que les gens sont près d'être ce qu'on appelle de «vrais illettrés», qui sont incapables de décoder, mais on retrouve aussi à ce niveau beaucoup de gens qui ont maîtrisé le décodage, mais ont un niveau de lecture très limité. Ils peuvent se débrouiller dans le cas de phrases ou de tâches simples, mais pas plus.
En augmentant, les niveaux deviennent de plus en plus difficiles sur le plan cognitif et le plan de la lecture. Aux niveaux quatre et cinq, on retrouve seulement 5 p. 100 à peu près de la population adulte canadienne ayant les connaissances requises. Il s'agit des gens qui peuvent tirer des conclusions à partir de textes très compliqués qui renferment ce qu'on pourrait appeler des éléments de distraction—des informations qui pourraient être plausibles mais qui ne le sont pas et qui servent à rendre la tâche plus compliquée.
Le graphique suivant, qui se trouve à la page 19, présente des données pour les mêmes pays par niveau de rendement. Ce qui est en noir à la base désigne les gens au niveau un. La couleur suivante désigne les gens qui se trouvent au niveau deux. Un axe traverse le graphique au niveau deux parce que c'est le niveau où on va commencer à constater, au sein de tous les pays de l'OCDE, des différences très significatives sur le marché du travail. Ceux qui se situent en dessous de cette ligne sont destinés à toucher de faibles salaires, connaître des taux de chômage plus élevés, dépendre davantage de l'aide sociale et d'autres mesures sociales et avoir une foule d'autres problèmes.
Au Canada, si on regarde au-dessus de la ligne, il y a un pourcentage assez important de gens dont les niveaux de littératie sont plus élevés. À certains égards, nous sommes pas mal schizophrènes. C'est seulement une réflexion sur le spectre des capacités dans notre pays.
J'aimerais maintenant revenir au graphique 7. Nous allons changer de sujet pour aborder la question des exigences, sur lesquelles je vais m'attarder davantage. Le graphique de gauche indique la répartition des exigences en matière de lecture au travail au Canada. La ligne noire au centre des barres aux extrémités rouges correspond aux exigences moyennes en matière de lecture. Quand on s'en éloigne, on obtient le pourcentage pour tous les emplois dont les exigences en matière de lecture sont faibles ou élevées.
Les emplois visés dans la barre du haut sont ceux qui sont les plus axés sur le savoir. Ces emplois, comme je vais le signaler quand nous examinerons le graphique de droite, sont les emplois que l'économie canadienne crée.
Les emplois de la dernière barre, en bas, qui s'appellent «autres biens» sont ceux dont les exigences en matière de lecture sont les moins élevées, et c'est dans ce secteur que la croissance de l'emploi au Canada est la plus faible. Le graphique qui se trouve à droite indique bien clairement que l'économie canadienne crée des emplois qui font appel à des exigences en matière de lecture qui sont extraordinairement élevées.
¹ (1535)
Nous allons maintenant passer au graphique 8, qui est assez compliqué. Il est tiré des données du projet de recherche sur les compétences essentielles de DRHC qui dresse le profil des compétences requises par à peu près 181 professions qui comptent pour 54 p. 100 de l'emploi au Canada.
Dans la section du centre, c'est-à-dire le niveau de compétences CNP, à la colonne lecture, vous voyez un pourcentage de 100 p. 100 pour le niveau deux et de 94 p. 100 pour le niveau trois.
Le chiffre de 94 p. 100 est important. Il signifie que 94 p. 100 des emplois visés par ces normes de compétences professionnelles exigent des capacités de lecture de niveau trois ou plus.
Les emplois classés aux niveaux C et D d'après la classification nationale des professions sont des emplois qui exigent seulement un diplôme d'études secondaires, mais ils représentent la moitié des emplois. Le fait est que l'économie canadienne, encore une fois, impose des exigences incroyables en matière de lecture auxquelles les travailleurs doivent répondre.
¹ (1540)
M. John Finlay (Oxford, Lib.): Madame la présidente, puis-je poser une petite question pour des raisons de compréhension? Je ne sais pas ce que les lettre CNP veulent dire.
Mes collègues et moi avons un peu de mal à suivre, étant donné que M. Murray va assez vite. Je suis désolé de le dire.
La présidente: Oui.
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): J'ai beaucoup de mal à suivre l'exposé. Mes collègues, à qui j'ai demandé ce qu'ils en pensaient, ont avoué que c'était aussi leur cas. Je n'ai pas posé la question aux gens d'en face. Quand nous parlons de définitions, par exemple, j'aimerais les voir et pas seulement les entendre. On énonce une définition et on doit consulter des documents remplis de statistiques et de tableaux; le témoin qui fait l'exposé connaît bien son sujet, mais ses explications sont trop rapides pour moi.
Je veux comprendre ce qui se passe et, quand il donne des définitions, je voudrais les voir devant moi sur papier, pas seulement les entendre. C'est vraiment difficile pour moi de l'entendre parler du niveau un, du niveau deux et des barres noires, bleues et rouges. J'essaie de trouver où on en est exactement, et je passe du document français au document anglais. J'ai vraiment beaucoup de mal à suivre.
Je me demande si cela pourrait peut-être révéler mon niveau d'éducation. Je ne pense pas être imbécile; j'ai une maîtrise en administration, mais j'ai du mal à suivre le témoin.
La présidente: Je pense que M. Murray nous a prévenus au départ qu'il allait essayer de condenser 15 ans d'études et de connaissances en 15 minutes. Je pense que nous nous forçons tous pour suivre le rythme.
Monsieur Murray, j'ai parlé de 20 minutes, mais vous pouvez prendre une demi-heure pour faire votre exposé étant donné que c'est important pour notre travail.
Je pense que vous avez entendu les commentaires des députés.
M. Scott Murray: D'accord. Je vais récapituler. Je vais revenir aux définitions.
M. Eugène Bellemare: Formidable.
M. Scott Murray: L'exposé comporte 41 diapositives différentes. Si vous allez à la page 3 du document, vous allez y trouver une définition générale de la littératie qui est: «l'aptitude à comprendre et à utiliser l'information écrite dans la vie courante à la maison, au travail et dans la communauté en vue d'atteindre des buts personnels et d'étendre ses connaissances et ses capacités.» C'est beaucoup lié à ce que les gens veulent faire de leur vie, mais aussi aux défis que la société ou l'économie les amènent à relever.
C'est la définition générale de la littératie. C'est le fait de lire et d'utiliser l'information ainsi obtenue pour exécuter des tâches. C'est une définition très fonctionnelle. Il n'est pas question des aspects culturels de la lecture, mais de son aspect fonctionnel, concret, pour accomplir ce que la vaste majorité des Canadiens font.
On a ensuite mesuré et défini trois formes de compétences en littératie. Il y a la compréhension de textes suivis, c'est-à-dire les connaissances et les compétences nécessaires pour comprendre et utiliser l'information contenue dans des textes suivis, tels des éditoriaux, des nouvelles, des brochures et des modes d'emploi. Il s'agit de textes qui comprennent des phrases courantes et des paragraphes, comme des éditoriaux, des livres—tout ce qui a une structure normale.
La deuxième forme de compétences en littératie est celle qui désigne les «connaissances et compétences requises pour repérer et utiliser l'information présentée sous diverses formes», dont les demandes d'emploi, les fiches de paie, les tableaux et les graphiques, les horaires de transport, les cartes. Dans le domaine fiscal, par exemple, il y a beaucoup de formulaires. Ce sont des documents dont la difficulté relative—c'est-à-dire ce qui les rend plus ou moins difficiles à comprendre—peut varier et, par conséquent, qui sont plus ou moins accessibles selon les niveaux de compétences de chacun.
En troisième lieu, on a mesuré la capacité de calcul, c'est-à-dire ce qu'il faut pour effectuer des opérations mathématiques à partir d'informations présentées par écrit. La compréhension de textes suivis et la compréhension de textes schématiques intègrent souvent des calculs mathématiques comme des additions, des soustractions, des multiplications et des divisions, pour établir le solde d'un compte de chèques, calculer un pourboire, remplir un bon de commande ou calculer ses impôts, des choses du genre.
On peut se servir de ces définitions pour établir les compétences exigées dans l'économie et la société et pour qualifier l'offre en compétences—c'est-à-dire ce que chacun des Canadiens sait et peut faire effectivement.
Les données que je vais présentées sont tirées de trois études: l'enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, le programme de l'OCDE sur les indicateurs internationaux pour les étudiants, qui permet d'évaluer les compétences des jeunes de 15 ans avant leur départ de l'école secondaire, et notre enquête sur l'alphabétisation des adultes. Pour chacune de ces études, les gens ont été évalués à partir de ces définitions et de ce cadre pour déterminer ce qu'ils étaient capables de faire. Le cadre de base permet vraiment de prévoir la difficulté de quelque chose à priori, dans l'abstrait.
Pour l'autre aspect de l'étude, on fait abstraction de ce que les gens savent ou peuvent faire pour s'interroger sur les exigences imposées par le marché du travail au Canada. En fait, les genres d'emplois que nous créons sont fortement axés sur l'information et le savoir. Ce sont les changements technologiques et le rythme d'innovation au travail qui entraînent la création de ces emplois à haute teneur en information et en savoir qui offrent aux travailleurs plus de souplesse et un plus grand pouvoir décisionnel et les obligent à communiquer davantage, y compris par écrit. Ce sont des emplois plus autonomes, pour lesquels il y a beaucoup moins de niveaux de supervision et de surveillance directe de la part des supérieurs.
¹ (1545)
Le tableau compliqué veut simplement indiquer que nous pouvons déterminer les compétences exigées par l'économie canadienne. Il montre que, pour la moitié inférieure de l'économie canadienne, là où les exigences pourraient être très limitées—pour ce qu'on appelle le «McTravail»—elles sont nombreuses. Comme les entreprises canadiennes occupent une place importante dans l'économie mondiale, elles doivent être concurrentielles, et elles se servent bien souvent de la technologie de pointe, ce qui a fait accroître très rapidement les exigences sur le plan des compétences.
Je vais y revenir plus tard. Ce qu'il faut se demander, c'est si ce qui permet de créer les compétences dans l'économie canadienne arrive à répondre aux exigences qui augmentent rapidement sur le plan des compétences.
Avez-vous des questions sur la définition ou les mesures avant que nous passions...?
La présidente: Monsieur Bellemare.
M. Eugène Bellemare: À la page 8, PRCE...?
M. Scott Murray: Afin de comprendre le profil des compétences requises, qui évoluent rapidement sur le marché du travail canadien, particulièrement pour les travailleurs canadiens ayant un faible niveau de scolarité, DRHC a mis en oeuvre ce programme de profil des compétences, qui décrit le niveau de compétences qu'un travailleur doit posséder pour effectuer son travail de manière satisfaisante. Le ministère a examiné diverses compétences, dont la capacité de lecture, d'écriture, de calcul et de compréhension de textes.
Il a conçu une méthode très élaborée, qui n'a rien à voir avec l'étude des compétences que les gens possèdent dans la réalité. Ainsi, il peut affirmer que pour l'ensemble des emplois nécessitant un niveau de compétence C selon la classification nationale des professions, il faut que tant de personnes aient une capacité de lecture de niveau 2, que tant de personnes aient une capacité de lecture de niveau 3, etc.
¹ (1550)
La présidente: Peut-être serait-il bon que vous nous donniez quelques exemples de professions de niveau de compétence B, C et D.
M. Scott Murray: D'accord. Les professions de la catégorie B sont un peu particulières, parce qu'elles exigent une scolarité postsecondaire—habituellement collégiale—et la portée du programme de surveillance sur ces professions est plutôt limitée, je vous recommanderais donc de ne pas tenir compte de ces données.
Les niveaux C et D englobent tous les emplois des cols bleus au Canada, mais bon nombre d'entre eux sont plutôt techniques et nécessitent des compétences élevées. Ces emplois vont de la garde des enfants au camionnage. Presque partout où DRHC a un conseil sectoriel, il y a des emplois de niveaux C et D: il y a 181 professions sur environ 350 professions principales dans l'économie canadienne.
M. Eugène Bellemare: Lorsque vous reliez votre définition au degré de scolarité, elle devient plus compréhensible. Je comprends mieux lorsque vous dites que pour occuper un emploi quelconque, il faut au moins avoir une troisième ou une quatrième année, que pour un autre emploi, la compréhension doit au moins équivaloir à la compétence de niveau primaire, secondaire, collégial ou universitaire. Il est alors plus facile de voir rapidement où reposent les difficultés.
La présidente: Monsieur Bellemare, je crois que nous allons devoir laisser M. Murray poursuivre, sinon nous allons faire de la microgestion.
M. Scott Murray: Je peux revenir en arrière et répondre à votre question, parce qu'une partie de l'exposé porte sur ce point.
La présidente: D'accord, nous allons donc poursuivre.
M. Scott Murray: Je vais maintenant vous dépeindre comment les employeurs canadiens repèrent le degré de littératie et de numératie, et récompensent leurs employés en conséquence, parce que si l'on revient à la première diapositive, c'est l'un des principaux facteurs qui détermine si une personne est embauchée et combien elle va gagner.
La première diapositive que je vais vous montrer est diapositive 9. Elle ressemble à une pente de ski. À la gauche du graphique sont représentées les personnes ayant les compétences les plus faibles. Plus on va vers la droite, plus les compétences sont élevées. Ce graphique illustre la probabilité de chômage en fonction des compétences. Au Canada, les gens qui se situent au niveau un ont presque 60 p. 100 de chances d'être sans emploi à un moment ou l'autre de l'année. Au niveau cinq, là où les compétences sont les plus élevées, il y a une mince probabilité que les gens soient sans emploi. Par conséquent, le premier effet de la littératie, c'est que les employeurs l'utilisent comme mécanisme de sélection des candidats qui seront retenus.
Au graphique 10, vous pouvez voir trois barres de couleurs bleue, mauve et jaune. Elles indiquent que les salaires varient pour diverses raisons. Ils varient en fonction du diplôme d'études et de l'expérience sur le marché du travail, mais pour la première fois, parce que nous avons enfin des données à ce propos, nous pouvons examiner à quel point les salaires varient ou sont déterminés en fonction du degré de littératie. On constate que dans bon nombre de pays, et particulièrement au Canada, la littératie est l'un des facteurs les plus déterminants pour l'établissement du salaire. Elle explique 33 p. 100 de la variabilité des salaires, ce qui la rend très importante pour le travailleur moyen. Cela signifie que les employeurs sont en mesure en repérer les compétences et qu'ils les paient au prix fort. Elles sont donc importantes sur le plan économique.
J'aimerais attirer votre attention sur la Suède. Je dirais que le degré moyen de littératie en Suède est le plus élevé que nous ayons mesuré jusqu'à maintenant et que c'est là où la littératie varie le moins dans la population. La Suède est donc un point de comparaison idéal à l'échelle internationale. Là-bas, le degré de littératie ne compte presque pas, non pas qu'il ne soit pas important économiquement, mais parce que presque tout le monde a de bonnes compétences en littératie. Bref, l'objectif de la politique publique consiste à généraliser la littératie afin que son importance économique diminue, tout illogique que cela puisse-t-il paraître.
Le graphique 11, montre la probabilité que les gens fassent des études universitaires, en fonction de leur niveau d'alphabétisation. Je ne vais souligner que deux chiffres ici. À l'avant derrière ligne, on voit qu'il y a 2,2 fois plus de chances qu'une personne fasse des études universitaires si son niveau d'alphabétisation s'élève à cinq. Si son niveau est de un ou de deux, elle a seulement 9 p. 100 de chances de se rendre à l'université. C'est un faible quotient de probabilité, bien inférieur à un. Ce facteur a de grandes incidences sur le pourcentage de chances que les enfants accèdent à des études postsecondaires.
Prenez maintenant graphique 13. Vous y trouvez un autre graphique, qui montre la probabilité que l'employeur paie la formation de l'employé, soit qu'il le forme et qu'il paie sa formation, selon que l'emploi exige de grandes compétences en littératie. Tout ce que ce graphique montre, c'est qu'il y a huit fois plus de chances que l'employeur paie de la formation à l'employé s'il a des compétences élevées plutôt que faibles. Dans certains secteurs de l'industrie et dans certaines professions, il y a de 14 à 15 fois plus de chances que l'employeur, paie la formation des employés ayant des compétences élevées. Ainsi, les employeurs investissent, et abstraction faite de la proportion globale de formation payée par l'employeur au Canada, la formation qu'ils offrent s'adresse principalement aux employés très spécialisés et laisse derrière ceux dont le niveau de compétences est inférieur.
¹ (1555)
La prochaine graphique est graphique 14, porte sur la dimension humaine. Quarante pour cent des Canadiens de niveau un affirment que leurs capacités de lecture limitent vraiment leur participation à l'économie. Ce n'est donc pas que les gens ne sont pas conscients de l'importance de ces compétences. C'est très rare que ce soit le cas.
Ces pourcentages diminuent légèrement chez les personnes de niveau deux, parce que la plupart des personnes de niveau deux ont des emplois à temps plein, toute l'année; ils ont des hypothèques, des voitures, des enfants. Ceci dit, nous les estimons toujours à risque, parce qu'ils sont lourdement pénalisés économiquement par leur niveau de compétences.
Nous en arrivons au graphique 15, qui montre une belle ligne rouge inclinée.
La présidente: Il n'y a pas de ligne rouge à 15.
Une voix: Il y a une ligne vert foncé au milieu.
La présidente: Le graphique 15 porte sur la répartition des résultats de littératie.
M. Scott Murray: Oh, 22, je m'excuse.
La présidente: D'accord. En effet, il y a une ligne rouge sur le graphique 22.
M. Scott Murray: Je ne veux pas vous donner une leçon de statistique, mais celles-ci sont porteuses de beaucoup d'informations. Le plus important, c'est que l'inclinaison de la ligne témoigne de l'égalité de la répartition des compétences dans la population. Ainsi, les personnes qui ont le moins d'années de scolarité sont représentées à la gauche et affichent des résultats inférieurs. Les personnes représentées à la droite ont plus d'années de scolarité, elles ont un revenu supérieur et obtiennent des résultats beaucoup plus élevés en moyenne. Ces résultats valent pour les personnes de 16 à 25 ans et montrent qu'il existe toujours un gradient des résultats obtenus par les différentes classes sociales au Canada.
Dans une société égalitaire, la ligne serait plate. L'un des objectifs en éducation au Canada consiste donc à faire augmenter la moyenne, soit le point médian de la ligne, et d'aplanir le gradient.
Nos résultats sont à peu près comparables à ceux de bon nombre de nos principaux partenaires commerciaux. Nous faisons mieux que beaucoup de pays européens et que d'autres pays de l'OCDE, mais nous ne faisons pas beaucoup mieux que nos principaux concurrents. Les États-Unis affichent de meilleurs résultats parce que l'éventail des compétences est beaucoup plus grand dans leur population. Leur système crée toutefois beaucoup d'iniquités.
Je vous invite maintenant à regarder le graphique 25, que nous devons à Doug Willms de l'Université du Nouveau-Brunswick. Encore une fois, il es compliqué, mais je vais le simplifier. Nous qualifions ce type de graphique d'arbre de Noël. Au sommet de l'arbre, il y a les compétences des enfants de six ans. Il montre que dans presque toutes les provinces, les résultats des enfants en mathématiques sont pratiquement les mêmes. Le bas de l'arbre illustre les résultats des jeunes de 16 à 25 ans. À ce moment-là, les compétences sont considérablement meilleures ou pires selon la province.
º (1600)
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Est-ce un autre graphique?
M. Scott Murray: Il se trouve à la page 25 ou 24.
Le vice-président (M. Monte Solberg): Ah! Voilà l'arbre de Noël. D'accord.
La présidente: Il se trouve à la page 24. Vous ne pouvez en voir que les lumières, mais pas les branches.
M. Scott Murray: Pour entrer dans les détails, les points rouges correspondent aux résultats du Québec, où les enfants partent environ au même niveau que dans toutes les autres provinces, mais où ils s'améliorent considérablement avec le temps. Dans bien d'autres provinces, les résultats tournent autour de la moyenne nationale.
Comme vous pouvez le constater, le système scolaire joue un rôle important dans la création de ressources compétentes dans l'économie canadienne et dans le système postsecondaire.
Presque toutes les provinces des Maritimes se situent sous la moyenne, de même que l'Ontario, et les provinces de l'Ouest ne font pas aussi bonne figure que le Québec, sauf peut-être l'Alberta, qui est presque aussi bonne. Enfin, le Manitoba, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique dépassent la moyenne nationale.
La diapositive suivante, la 25, présente une autre pente de ski. Elle illustre la capacité de lecture des jeunes de 15 ans dans les provinces et les pays qui ont participé à l'étude du PISA de l'OCDE. Nous voyons que le Canada ne se fait dépasser que par la Finlande pour ce qui est de la capacité moyenne de lecture. Nous nous caractérisons par de très faibles différences dans les compétences, si l'on en juge par la longueur de la barre. Si l'Alberta était un pays, ce serait le meilleur pays du monde, derrière la Flandre seulement, qui aimerait bien être un pays et qui affiche des résultats supérieurs à l'Alberta. Toutes les provinces se situent au-dessus de la moyenne de l'OCDE. Ainsi, comparativement aux jeunes de nos partenaires commerciaux, nos jeunes de 15 ans font très bonne figure, mais les résultats varient beaucoup d'une province à l'autre.
À la lecture du témoignage précédent, je sais qu'il y a lieu de s'interroger sur le fait que nos résultats quant aux compétences des adultes laissent entendre que nous avons un problème de littératie considérable, alors que l'étude du PISA montre que nous sommes les deuxièmes meilleurs au monde.
Les deux diapositives colorées qui suivent, la 26 et la 27, indiquent que c'est attribuable à des différences techniques, parce que les deux études se fondent sur des normes de rendement différentes. Elles se fondent sur des échelles différentes. L'une se fonde sur une échelle de 500 points, alors que l'autre se fonde sur une échelle de 800 points. De plus le niveau de compétences est défini différemment dans les deux. Donc si vous prenez la diapositive 27, qui harmonise les deux échelles, vous verrez qu'on obtient les mêmes résultats. Chez les jeunes de 15 ans, 39 p. 100 des élèves se situent au niveau un ou deux si on les évalue en fonction de la norme de compétences de la main d'oeuvre adulte, qui correspond à la demande du marché du travail. Chez les 16 à 25 ans, 36 p. 100 des personnes se situent au niveau un ou deux. La différence entre les deux statistiques s'explique par le fait que les jeunes continuent d'acquérir des compétences lorsqu'ils ont de 16 à 25 ans.
Les deux études nous donnent donc la même réponse. Tout dépend de la norme de compétences qu'on y applique. Pour être classé à un tel niveau lorsqu'on est adulte, il faut répondre correctement à 80 p. 100 ou plus des questions d'un niveau de difficulté donné. Il y a donc des exigences de réussite très élevées. Cela correspond approximativement à la norme ISO 9000 et à ce que la plupart des employeurs exigent de leurs travailleurs.
La prochaine graphique 29, j'attire votre attention sur la barre mauve. Elle indique ce qui fait que le rendement varie au sein des écoles secondaires canadiennes. La bonne nouvelle, c'est que presque toute la variance au Canada s'observe au sein des écoles plutôt qu'entre elles. Contrairement à presque tous les autres pays de l'OCDE, le Canada ne répartit pas ses élèves selon leur niveau d'aptitude. Nous mêlons nos élèves dans des écoles hétérogènes. Toutes les preuves attestent que plus on favorise cet état de choses, plus on obtient des résultats moyens élevés et plus il y a une équité entre les classes sociales. C'est donc une bonne nouvelle pour les écoles primaires, secondaires et préscolaires canadiennes, parce que ces études mesurent des compétences acquises de la naissance à l'âge de 15 ans.
Nous allons regarder rapidement les graphiques 30, 31 et 32. Ils ont l'air chaotiques, mais sont intéressants. Le Québec s'est remarquablement démarqué dans cette évaluation des capacités de lecture des jeunes de 15 ans. Le fait que les points rouges soient concentrés au-dessus de la ligne et au centre montrent que le bon rendement des écoles québécoises est attribuable à un taux de réussite élevé chez les jeunes de statut socioéconomique moyen.
º (1605)
À la diapositive suivante, vous voyez les résultats de l'Ontario. En Ontario, presque tous les points rouges sont concentrés sous la ligne chez les jeunes de statut socioéconomique moyen et élevé. Comparativement à la moyenne canadienne, les écoles ontariennes qui accueillent des enfants de ce statut affichent des résultats inférieurs à la moyenne.
La diapositive suivante montre que l'Alberta affiche d'excellents résultats, parce qu'elle réussit particulièrement bien à former les enfants de statut socioéconomique élevé. Les écoles qui accueillent des élèves de ce type affichent des résultats supérieurs. Cela reconfirme que le système d'éducation importe peu. Chacun crée un bassin de compétences différent qui aura plus tard des incidences sur les personnes et sur le rendement économique de sa province.
Prenons maintenant la diapositive 33, qui est beaucoup plus complexe. Ce diagramme présente des compétences selon l'âge. Si vous prenez la ligne bleue, au centre, vous verrez qu'autour de l'âge de 30 ans, les compétences commencent à diminuer au Canada. La ligne mauve en haut décrit le rendement des diplômés de niveau postsecondaire. Dans cette catégorie, le niveau de compétences ne commence à décliner que vers la mi-quarantaine. La ligne tout en bas correspond aux personnes qui n'ont pas fait d'études postsecondaires. Leur degré de compétences commence à décliner presque dès qu'elles accèdent au marché du travail.
Ces différences ne se fondent pas sur des données longitudinales, elles sont le produit de deux choses. Elles sont le produit de la qualité de l'éducation, qui était inférieure dans le passé, donc les écoles n'y étaient pas aussi bonnes que maintenant. Beaucoup de faits prouvent que ce serait partiellement dû à une grande perte de compétences dans l'économie canadienne. Les compétences des gens diminuent parce que le contexte socioéconomique ne les amène pas assez à les utiliser. Nous n'arrivons toujours pas à comprendre l'interaction entre ces deux éléments.
Ce modèle diffère de celui qu'on observe dans d'autres pays comme la Suède, dont les résultats paraissent à la page suivante et où la perte est très atténuée comparativement au Canada.
Prenez le tableau 36, qui explique pourquoi nous nous inquiétons autant du fait de ne pas comprendre les processus d'acquisition et de perte de compétences une fois que les gens ont quitté les bancs d'école. Ce diagramme montre les degrés de compétence qu'on prévoit dans l'avenir, jusqu'en 2036, en fonction des rapports actuels entre le niveau de littératie, le niveau de scolarité, l'âge et l'immigration. Voilà ce que ces chiffres nous disent: si la relation entre eux reste la même, la proportion de personnes qui se situent au niveau un ou deux ne changera pratiquement pas, parce que les gains attribuables à un niveau de scolarité supérieur sont éclipsés par la perte de compétences à l'âge adulte en raison de la trop faible demande socioéconomique. C'est probablement la pire possibilité, parce que la causalité pourrait prendre la direction opposée. Les personnes hautement qualifiées créent des emplois intéressants qui nécessitent une bonne capacité de lecture. Cela amène les gens à conserver leur capacité de lecture puis à accroître la productivité dans le milieu de travail. Nous ne comprenons toujours pas si c'est le cas ou non.
º (1610)
Nous allons maintenant passer au dernier tableau, le numéro 38, afin de pouvoir passer aux questions.
Je vais essayer de vous résumer l'exposé. Notre économie fait augmenter de manière phénoménale la demande de capacités de lecture et de d'écriture, qui sont la clé de taux élevés d'innovation technique et de changements organisationnels dans les milieux de travail canadiens. Il faut se demander si nous avons les capacités qui nous permettent de répondre à cette demande. La réponse est que nous ne les avons probablement pas.
Notre système scolaire produit des jeunes dont le niveau de compétence est très élevé par rapport à d'autres pays. Toutefois, le tableau montre qu'ils ne sont pas assez nombreux pour répondre à la nouvelle demande. L'importance relative de la cohorte de jeunes au Canada par rapport à celle de nombreux partenaires commerciaux est faible. Quel que soit le niveau d'excellence du système d'éducation, ce ne sera pas assez. Il faut donc se demander quels cours de formation générale il faut offrir aux adultes et, plus particulièrement, quels cours d'alphabétisation.
Nous savons, d'après l'évaluation des capacités des adultes, que beaucoup de Canadiens adultes n'ont pas les compétences voulues pour décrocher un emploi dans l'économie du savoir, le genre d'emploi justement que convoite le gouvernement du Canada, auquel aspirent les Canadiens et que produit notre économie, contrairement à celle des États-Unis.
Avant de commencer à répondre à vos questions, j'aimerais vous dire ceci. Nous sommes actuellement sur le terrain en train d'effectuer une nouvelle évaluation dans plusieurs pays de l'OCDE. Nous n'aurons pas les données avant décembre prochain. La taille de l'échantillon est relativement importante au Canada. Elle nous permettra d'examiner la répartition des capacités au sein de nombreux groupes socioéconomiques et de groupes d'intérêts spéciaux, de même que par industrie et par profession. Elle nous permettra également d'examiner l'évolution du niveau de compétence depuis 1994, année à laquelle remontent les dernières données d'évaluation. Les résultats de cette évaluation seront cruciaux, je crois, pour vos délibérations au sujet de ce que nous réserve l'avenir, c'est-à-dire pour savoir si le niveau de compétence augmente, se maintient ou diminue. Nous ne pouvons pas pour l'instant vous fournir cette réponse.
Je m'excuse d'avoir fait un exposé aussi technique, truffé de tableaux. Je suppose que c'est là, probablement, une déformation professionnelle.
º (1615)
La présidente: Monsieur Murray, je vous remercie.
Nous allons maintenant passer aux questions. Le premier à prendre la parole dans ce tour de table de sept minutes environ sera l'allianciste Monte Solberg.
M. Monte Solberg: Madame la présidente, je vous remercie beaucoup.
Monsieur Murray, je tiens à vous remercier de nous avoir fait un exposé aussi intéressant.
Naturellement, quand on examine des tableaux qui comparent le Canada à d'autres pays, manifestement, nous voulons tous que le Canada soit bon premier, mais il est parfois difficile de faire de pareilles comparaisons en raison, je soupçonne, de phénomènes comme l'immigration. Ainsi, regardez ce qui se passe en Suède, un pays aux frontières très fermées à l'immigration par rapport au Canada. Nous accueillons beaucoup d'immigrants, de sorte que l'anglais est pour beaucoup de Canadiens une langue seconde.
Je suppose au départ que ces tableaux n'établissent pas de distinction entre ceux qui sont nés ici et qui ont fait leurs études ici, qui ont vécu ici toute leur vie, et les immigrants. C'est du moins ce que je suppose au départ. Je me demande à quel point cela a un effet sur ces classements? N'est-il pas important d'en prendre note de manière à ne pas se faire d'illusion et de croire que nous sommes fautifs par rapport à d'autres pays comme la Suède?
M. Scott Murray: Vous avez raison de dire qu'on n'établit pas de distinction par rapport aux immigrants, bien que les rapports que nous produisons fournissent de l'information à ce sujet. En fait, au Canada, les immigrants se répartissent en réalité de deux manières. En règle générale, ils font en réalité augmenter le niveau moyen de compétence au Canada, le niveau de compétence en anglais et en français, parce qu'ils sont très instruits. Toutefois, la répartition est bimodale, en ce sens qu'il y a deux groupes. Il y a l'immigrant économique qui est très compétent, alors que celui qui vient ici pour être réunifié avec sa famille ou pour réclamer le statut de réfugié a tendance à avoir assez peu de compétences. Toutefois, dans l'ensemble, les immigrants remontent la moyenne.
M. Monte Solberg: Font-ils augmenter la moyenne de la capacité de lecture courante?
M. Scott Murray: Oui.
M. Monte Solberg: Vraiment? Voilà qui est intéressant.
M. Scott Murray: Il importe d'en prendre note, et le phénomène est directement attribuable au genre de politique que nous avons en place—soit de recruter des immigrants très compétents.
En un certain sens, vous avez raison, mais dans un autre, vous vous trompez. Si l'on effectue l'analyse séparément, on constate que, sur une base proportionnelle, il est plus probable que les immigrants auront de faibles compétences. Toutefois, en termes de nombres absolus, la vaste majorité de ceux qui ont de faibles compétences en lecture et en écriture est née au Canada et y a fait ses études. Donc, du point de vue de la politique gouvernementale interne, cela n'a pas d'importance.
J'aimerais parler d'un fait curieux qui met en valeur un autre point. Nous avons pour raisonnement que nous faisons partie d'une économie mondiale au sein de laquelle les marchés de capitaux et les marchés technologiques sont mondiaux et où les multinationales contrôlent une bonne partie de la production. Par conséquent, il est facile de déménager une usine d'un pays à un autre dans le temps de le dire parce qu'on peut tout acheter, y compris les intrants scientifiques très qualifiés dont on a besoin.
L'élément décisif sera la compétence du travailleur moyen. Nous travaillons de concert avec le Nuevo León pour faire cette évaluation. Cet État est le coeur industriel du Mexique et représente quelque 80 p. 100 de la production industrielle. Il croit pouvoir livrer concurrence et avoir un profil de compétences similaire à celui du Canada, mais ses travailleurs sont prêts à travailler pour 30 à 40 p. 100 de moins en moyenne tout en produisant la même qualité au moyen de la même technologie pour le compte des mêmes multinationales.
La question de l'immigration a son importance, mais peut-être pas autant quand les sociétés peuvent déplacer leur production d'un pays à un autre aussi facilement.
M. Monte Solberg: Il n'y a pas vraiment de mesures chronologiques dans tout cela, et je me demande à quel point ce genre de mesures est pertinent, étant donné que les compétences changent en fonction des technologies et ainsi de suite? Assurez-vous un suivi de cette évolution ou, selon vous, n'a-t-elle pas suffisamment d'importance pour que cela en vaille la peine?
M. Scott Murray: Je vais vous faire une réponse schizophrène. La technologie que nous utilisons pour mesurer n'a été inventée que vers la fin des années 70 ou au début des années 80. La technologie statistique et la technologie de vérification n'existaient pas, d'où la raison pour laquelle il n'y a pas de série de données chronologique. Toutefois, même s'il y en avait eu, elles ne nous auraient rien appris en raison de tous les changements qui surviennent après la fin des études dans les niveaux de compétence, toutes ces nouvelles compétences acquises ou perdues en raison du genre de vie que mènent les adultes. Nous vivons encore avec les résultats de la qualité de l'enseignement reçu il y a longtemps, et cela va affecter notre profil global de compétences pour longtemps encore.
La question est beaucoup plus... Je vais vous citer Richard Lipsey, un économiste bien connu, qui a dit qu'il ne fallait pas laisser aux économistes le soin de décider quel genre de société on voulait. Si vous appliquez ce principe aux capacités de lecture et d'écriture, rien n'a été mis en place au Canada pour préciser les niveaux de compétences dont nous avions besoin si nous voulions nous établir comme leader mondial et conserver les emplois bien rémunérés qui exigent de grandes compétences.
Je crois que nous avons fait de l'excellent travail pour documenter les compétences exigées sur le marché du travail actuel, sur l'offre actuelle et sur ce que cette offre signifie pour les travailleurs canadiens. Cependant, nul n'a répondu à la question de savoir où nous situer si nous voulons rivaliser avec le Nuevo León, avec les États-Unis ou avec la Suède?
º (1620)
M. Monte Solberg: J'ai une question au sujet d'un tableau que vous nous avez présenté. Vous nous avez dit qu'il montrait que les Américains avaient du retard par rapport au Canada en termes de compétences. Je ne voudrais pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais nous observons qu'au cours des dernières années, les Américains nous ont dépassés en termes de productivité globale. Si les deux faits sont avérés, devrais-je supposer que, bien que nous fassions d'excellents progrès dans le développement des compétences, ils nous devancent parce qu'ils investissent davantage dans de l'équipement et ainsi de suite? Émettez-vous ce genre de conclusions?
M. Scott Murray: Je peux vous répondre en théorie, mais il faut que vous sachiez que je n'ai pas encore eu accès aux données empiriques qui me permettraient de vous répondre sans équivoque. Selon la meilleure théorie, il existe six ou sept facteurs, en fonction du modèle, qui expliquent la croissance globale, par exemple l'efficacité des marchés financiers et l'investissement fait dans les usines et les ressources humaines, une des choses que nous mesurons. Il faut que toutes ces conditions soient réunies pour atteindre des niveaux élevés de croissance économique, de croissance de la productivité et d'innovation technique, qui sont tous liés à la croissance globale.
Les créneaux industriels et professionnels de chaque pays sont limités par leur histoire. On n'a pas encore décidé de ce qui avait le plus d'importance, des compétences du travailleur moyen ou des compétences de l'élite du savoir, étant donné tout le débat au sujet de l'exode des cerveaux, de l'investissement dans les chaires de recherche et des taux supérieurs de R-D au Canada.
Les données ne nous fournissent pas vraiment de réponse à votre question. Les Américains ont une palette de compétences beaucoup plus dispersées; ils ont beaucoup plus de gens au tout bas de l'échelle que le Canada et ces gens paient un prix économique encore plus élevé qu'au Canada. Cependant, ils ont aussi un pourcentage beaucoup plus élevé de personnes très qualifiées, et ces travailleurs sont très bien récompensés économiquement en termes d'employabilité et de rémunération. Il est difficile de calculer l'effet net de différents taux d'investissement de capital d'après le niveau de compétences des travailleurs et tous les autres facteurs historiques qui déterminent la productivité.
Nous avons projeté de faire une étude, qui n'a pas encore été financée, qui évaluerait les travailleurs dans les entreprises—deux échantillons représentatifs. Cela nous fournirait la réponse même que vous cherchez, soit à quel point les études conditionnent le rendement des entreprises, étant donné le marché dans lequel elles évoluent, à quel point elles sont exposées à la concurrence internationale, quels investissements de capitaux elles ont fait et leur culture en matière de formation. Mais nous n'avons pas encore les fonds pour faire cette étude, du moins pas au complet.
º (1625)
[Français]
Mme Diane St-Jacques: Merci, madame la présidente.
Monsieur Murray, j'aimerais aborder la différence de niveaux d'alphabétisation d'une province à l'autre. J'ai oublié à quelle page on parle du Québec, de l'Ontario et de l'Alberta. Le statut socio-économique ne semble pas être un facteur déterminant. Or, je me demandais si vous aviez réussi à déterminer les facteurs qui font que dans certaines provinces, on réussit mieux que dans d'autres? Est-ce qu'on peut se servir de ces facteurs pour tenter d'améliorer la formation à l'échelle pancanadienne?
M. Scott Murray: Je vais vous répondre en vous racontant une histoire assez complexe.
[Traduction]
Nous avons réussi à analyser ce qui cause les écarts dans le profil de compétences des différents pays. La même analyse s'applique aux provinces.
Environ 60 p. 100 des écarts observés d'une province à l'autre au sein de la population adulte et entre les pays sont attribuables au niveau de scolarité, simplement au nombre moyen d'années d'études. C'est un fait historique. Si l'on prend le Québec comme exemple, il a toujours eu un faible rendement scolaire par rapport aux autres provinces, de sorte qu'on y trouve de plus faibles scores moyens au sein de la population adulte.
Cet effet est aggravé par le fait que 15 p. 100 environ des écarts entre populations sont attribuables au niveau d'instruction de la génération précédente. Les parents très instruits avaient habituellement à leur disposition plus de ressources économiques et les ont utilisées pour acheter des ressources éducatives pour leurs enfants et pour développer le goût des études. Cela se traduit par des scores plus élevés. Toutes autres choses étant égales par ailleurs, les enfants de parents très instruits ont des niveaux de compétences plus élevés.
Prenons à nouveau le Québec comme exemple. Au sein de la génération précédente, les écarts de rendement scolaire étaient encore plus prononcés qu'ils ne le sont maintenant, d'où le transfert intergénérationnel négatif de compétences.
Revenez maintenant à ce qui se passe à l'âge adulte. Une grande partie du reste de la dispersion observée d'une province à l'autre et d'un pays à l'autre dépend de ce qui arrive à l'adulte, c'est-à-dire du genre d'emploi qu'il obtient, dans quelle industrie il travaille et son genre de métier ou de profession, à quel point cet emploi exige des compétences, les taux d'instruction et de formation d'adultes—tous des phénomènes qui varient par un facteur de deux dans les provinces et dans les pays observés—et ensuite de quelque chose que nous en sommes venus à qualifier de culturel. La quantité de lecture que font les gens durant leurs heures libres, au sein de la collectivité ou à la maison, varie incroyablement dans les pays que nous avons étudiés et varie énormément d'une province à l'autre.
Les Suédois adultes reçoivent environ le double de formation que nous obtenons. Ils lisent deux fois plus au travail et choisissent de lire deux fois plus durant leurs heures libres. On peut voir un impact positif.
Si je vous réponds en procédant de la manière inverse, une fois que vous avez apporté des ajustements pour tenir compte de ces écarts, il n'y a absolument aucune différence entre les anglophones et les francophones au Canada. Toutes les différences que vous constatez sont le fait de facteurs chronologiques dus à la structure de l'industrie et de la profession, ainsi qu'à la qualité et à la quantité d'instruction.
Pour en revenir toujours à l'exemple du Québec, si vous examinez la répartition actuelle des compétences dans cette province, il s'en sort admirablement bien. Je pourrais aussi utiliser l'Alberta comme exemple. Toutefois, celui du Québec est meilleur parce que c'est celui qui a fait le plus de progrès. Les générations les plus âgées du Québec étaient parmi les moins compétentes, en moyenne, alors que la province figure maintenant parmi les premiers sur la liste mondiale. D'autres pays aimeraient bien savoir comment il y est arrivé, quels facteurs il a intégrés, dès la petite enfance jusqu'au niveau secondaire, de manière à réaliser ces niveaux de compétences remarquablement élevés.
Voilà la réponse compliquée.
[Français]
Mme Diane St-Jacques: Oui, mais quand vous parlez de la qualité de l'enseignement, est-ce que ce sont les programmes qui peuvent faire une différence? Vous dites qu'on se demande pourquoi, au Québec, on est passé aussi rapidement à une meilleure éducation.
[Traduction]
M. Scott Murray: Je peux souligner une analyse faite par Doug Willms. Il a écrit un document intitulé « The Quebec Advantage », dans lequel il compare cette province en grande partie avec l'Ontario, et il parle de ce que le Québec fait de bien dans le système d'éducation, soit un programme fort et exigeant, un système complet d'évaluation et des enseignants très compétents par rapport à d'autres juridictions. Je crois que 100 p. 100 presque des enseignants de mathématiques au Québec enseignent leur matière ou les sciences. Dans certaines autres provinces, ce pourcentage est beaucoup plus bas. L'organisation des écoles, la subvention de celles qui se trouvent en milieu défavorisé—je crois qu'il y en a jusqu'au quart au Québec... chacun de ces facteurs contribue un peu, mais collectivement, ils ont une énorme influence sur le rendement.
º (1630)
[Français]
Mme Diane St-Jacques: Est-ce que j'ai le temps de poser une dernière petite question, madame la présidente?
[Traduction]
La présidente: Oui.
[Français]
Mme Diane St-Jacques: J'aimerais avoir de l'information concernant la procédure d'échantillonnage que vous avez choisie. Comment avez-vous procédé à l'échantillonnage? Est-ce que les autochtones, les minorités visibles et les handicapés sont inclus dans toutes les statistiques que vous nous avez présentées?
M. Scott Murray: Oui, on a utilisé un échantillon de base tiré de l'EPA, l'Enquête sur la population active, qui donne les chiffres mensuels sur le chômage et l'emploi.
[Traduction]
Nous avons choisi un échantillon de ménages, puis au sein de chaque ménage, nous avons choisi au hasard un échantillon de personnes. Donc, l'échantillonnage qui a servi à l'évaluation des capacités de lecture et d'écriture correspond à celui, plutôt bon, de l'enquête sur la population active.
Les exclusions sont les territoires, les personnes vivant en institution, les membres de Premières nations habitant dans des réserves...
Mme Diane St-Jacques: Ils sont exclus?
M. Scott Murray: ... et les militaires. Ils sont délibérément exclus. Ils représentent collectivement quelque 1,5 p. 100 de la population du Canada, de sorte qu'un peu plus de 98 p. 100 de la population canadienne est représentée.
[Français]
Mme Diane St-Jacques: C'est tout. Merci, monsieur Murray.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Gagnon.
[Français]
M. Sébastien Gagnon (Lac-Saint-Jean—Saguenay, BQ): Merci.
Je vous remercie de votre présence ici aujourd'hui. Je suis agréablement surpris du rapport car il nous apprend des choses intéressantes, même s'il est un peu technique.
J'aimerais vous renvoyer au tableau 38 pour que vous m'expliquiez un peu la relativité, par exemple quand on se compare aux autres pays et qu'on donne une perspective de développement économique futur. On connaît, par exemple, tout l'avenir du développement économique quand on parle de la quatrième transformation de l'industrie du savoir.
Aujourd'hui, vous parlez d'une tendance ici. Vous nous dites--peut-être pourriez-vous le répéter--qu'au niveau de la compétitivité internationale, on peut être tributaires du fait qu'on n'atteigne pas certains autres pays.
[Traduction]
M. Scott Murray: Par le passé, le marché du travail a atteint son... Permettez-moi de l'exprimer ainsi. Les exigences en termes de compétences s'accroissent depuis très longtemps, et la réaction, dans la politique gouvernementale, a été d'accroître la fréquence et la durée des études. C'est ainsi qu'on a obtenu des taux de plus en plus élevés de diplômation au niveau secondaire et des taux plus élevés d'études et de diplômes d'études postsecondaires.
Parce que la taille de nos cohortes de jeunes était suffisamment grande—que nous faisons passer suffisamment de jeunes par les écoles—, les compétences qui en résultaient étaient suffisantes pour répondre à la demande. Du moins y avait-il très peu d'indications, dans les données sur la performance du marché du travail, qu'il y avait une importante pénurie de compétences, sauf dans certains domaines précis.
Ce qui est arrivé, c'est que la taille relative de ces cohortes de jeunes, du nombre de jeunes diplômés, a diminué en raison d'une baisse de la fécondité. Le Canada est un des pays les plus touchés par ce phénomène. La capacité du système d'éducation de répondre aux exigences du marché du travail en matière de compétences est limitée par la taille de ce groupe. Il faut donc se demander comment la taille de notre groupe se compare à celle de nos concurrents.
Si vous examinez le cas de l'Irlande, qui se trouve tout en haut du tableau, vous verrez que sa cohorte de jeunes est relativement importante et que son système d'éducation donne de bons résultats, de sorte qu'elle est capable de produire beaucoup de très nouvelles compétences de haut niveau pour répondre à la demande.
Au Canada, nous nous rapprochons de la moyenne de l'OCDE, mais avec une très petite cohorte de jeunes. D'après les analyses, le système d'éducation ne produit pas suffisamment de compétences pour répondre à la demande des employeurs. C'est là l'essentiel.
On peut voir que les Américains ont effectué certaines analyses. Je vous ai fourni des données montrant comment les salaires sont liés aux capacités de lecture et d'écriture. Les Américains ont payé pour l'exécution de certaines analyses qui examinaient comment ces écarts salariaux changeaient quand les emplois exigeaient plus de connaissances. Ce qui se produit, c'est que ces écarts augmentent. Donc, dans la mesure où l'économie canadienne crée des emplois exigeant beaucoup de savoir, c'est-à-dire des emplois que l'on souhaiterait avoir parce qu'ils sont très bien rémunérés, les avantages de salaire augmentent—c'est ce que dit l'analyse américaine—, ce qui accentuera la différence dans les écarts salariaux parmi les différents groupes du Canada.
C'est donc un peu comme le mécanisme qui, dans le marché du travail, étire la fourchette de ce que gagnent les travailleurs, non pas en rémunérant moins ceux qui se trouvent au bas de l'échelle, mais en rémunérant davantage ceux qui se trouvent au haut. C'est ainsi qu'en termes relatifs, ceux qui se trouvent au bas de l'échelle des compétences prennent du retard.
º (1635)
[Français]
M. Sébastien Gagnon: Ramenons cette comparaison entre différents pays à des dimensions un peu plus régionales. On sait par exemple que dans les statistiques du Québec, on oppose les régions, par exemple ma région, le Saguenay--Lac-Saint-Jean, où il y a 350 000 habitants, à Montréal. Il y a un taux élevé d'exode des jeunes universitaires qui se dirigent vers les grands centres, car on sait que dans les grands centres, il y a une concentration des universités.
Est-ce que vous avez des statistiques qui pourraient montrer ces écarts actuels un peu plus régionaux?
M. Scott Murray: Oui, il y en a, mais il s'agit de statistiques qui ont été modélisées.
[Traduction]
La taille de l'échantillon représentait près de 6 900 Canadiens, ce qui n'était pas suffisant pour arriver à des données sous-provinciales. En fait, certaines des données relatives aux plus petites provinces ne sont pas fiables. Nous avons donc utilisé un modèle statistique pour arriver à des estimations de répartition de l'alphabétisation par subdivision de recensement, ce qui nous permet de compter toutes les municipalités au Canada et tous les districts électoraux fédéraux.
Nous avons donc les pourcentages d'individus pour chaque niveau dans tous ces secteurs. Nous allons utiliser le nouveau sondage, dont l'échantillon est beaucoup plus vaste, pour produire des estimations aussi précises que possible au plan géographique. Puis, nous allons faire de nouveau la modélisation et produire des estimations très précises, puisque toute décision politique va devoir se prendre au niveau local avec la participation des organisations d'alphabétisation, des employeurs, des gouvernements municipaux, des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral; toutes ces entités vont travailler ensemble grâce à cet outil.
[Français]
M. Sébastien Gagnon: Moi, je vous invite à le faire dans ce sens-là. C'est important, compte tenu justement des problématiques locales, d'autant plus que les régions auront à redéfinir leur stratégie d'action. Dans notre région, par exemple, on a l'industrie primaire des régions ressources, et on voit les cerveaux qui quittent les régions. On se doit d'être compétitifs, mais on doit aussi être responsables pour la deuxième et la troisième transformations. C'est donc important, si on veut se doter d'un discours cohérent.
Aujourd'hui, je suis un peu surpris des statistiques. C'est tributaire, justement, du développement régional. Ce serait important de canaliser nos efforts pour que nous puissions ensemble réagir et adopter des programmes en fonction de cela.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Monsieur Bellemare.
M. Eugène Bellemare: J'essaye de faire la distinction entre deux éléments : la productivité et la compétitivité d'une part, et la survie ou la réussite économique personnelle, selon le niveau de l'échelle où l'on se situe, d'autre part. J'aimerais m'attarder sur la productivité et la compétitivité pour la commodité du raisonnement et poser mes questions dans ce domaine.
J'ai eu par hasard l'occasion de rencontrer un dirigeant d'une société de fabrication automobile qui doit prendre une décision au sujet de l'implantation d'une usine au Canada ou au Mexique. Au plan compétitif, vous avez dit qu'embaucher des Mexicains pour un tel travail coûterait 30 p. cent de moins. Si ce monsieur était ici, il vous aurait entendu le dire—et probablement il le sait déjà fort bien.
Au Canada, cela coûte tant, mais la main-d'oeuvre au Mexique coûte 30 p. 100 de moins. Comment régler ce problème? Comment le neutraliser?
º (1640)
M. Scott Murray: Vous le neutralisez en prenant les mesures qui s'imposent pour que les compétences des travailleurs moyens soient suffisamment élevées et qu'ils soient par conséquent plus productifs. D'après de nombreuses données, les travailleurs canadiens correspondent à ce profil.
M. Eugène Bellemare: Par conséquent, une productivité élevée permettrait de contrer le prix d'aubaine du coût de la main- d'oeuvre. C'est ce que vous semblez me dire.
M. Scott Murray: Oui. Il faut penser en termes de dynamisme. Tout comme le Canada, le Mexique essaie d'améliorer la qualité de ses systèmes d'éducation. Par ailleurs, comme le taux de natalité est très élevé, beaucoup de jeunes sont dans les systèmes scolaires si bien que, par rapport au Canada, le Mexique peut modifier son profil scolaire rapidement et créer des bassins de travailleurs très spécialisés. Dans un tel contexte de dynamisme, il faut conserver cette avance par rapport à eux, si, bien sûr, le Canada tient à ces emplois.
M. Eugène Bellemare: Comment nous classons-nous au plan de la compétitivité au sein de l'ALENA? Cette question est très parallèle, elle est semblable. C'est probablement la même question—Canada, États-Unis et Mexique.
M. Scott Murray: Je ne suis probablement pas la personne la mieux placée pour répondre à cette question, mais d'après les données disponibles, nous nous en sommes très bien sortis en matière de nombre d'emplois créés. La croissance de nos exportations à destination des États-Unis et du Mexique, la croissance des échanges bilatéraux, sont tout à fait remarquables depuis la mise en oeuvre de l'ALENA.
M. Eugène Bellemare: Toujours dans ce domaine, d'après certains rapports des dernières semaines, il semblerait que les États-Unis perdent des emplois, contrairement au Canada qui lui, en gagne. Y a-t-il un rapport entre cette réalité et votre exposé aujourd'hui?
M. Scott Murray: Nous ne pouvons pas établir de rapport direct, car tout dépend d'autres facteurs de production : l'investissement dans la technologie, la bonne tenue des marchés financiers canadiens, le régime fiscal en matière de subventions et de reports de l'impôt. Beaucoup d'autres facteurs interviennent et il s'agit en fait de ne pas se retrouver démunis, ne serait-ce que d'un seul de ces facteurs, au risque d'en subir de graves conséquences.
Il suffit de citer l'exemple de la Suède dont la performance économique a été très faible pendant 13 ans, alors que ce pays disposait de pratiquement tous les facteurs de production; toutefois, sa structure salariale était tellement comprimée que les gens n'étaient pas encouragés à travailler fort. Elle en a fait les frais et sa croissance en matière de productivité a été très faible. La Suède a modifié sa politique depuis et s'est arrangée pour créer des emplois et assurer de nouveau une croissance salariale.
M. Eugène Bellemare: Que recommanderiez-vous à propos des exigences imposées par le Canada en matière d'immigration par rapport à la performance des diverses provinces dans le domaine de l'éducation? Que recommanderiez-vous?
M. Scott Murray: Si l'on s'en tient aux données, plutôt qu'à mes propres idées, il est évident que sur le marché canadien du travail, les gens qui n'ont pas de compétences sont défavorisés. Par conséquent, donner accès à des outils pour évaluer ses compétences afin de comprendre les défis...
Un immigrant doit être informé de la situation du marché du travail dans lequel il va se trouver, afin de savoir si ses titres de compétences vont être reconnus. Au plan des niveaux de compétences, nous pouvons montrer que les niveaux d'alphabétisme et de compétence linguistique sont importants, même dans le cas des travailleurs ayant une formation très poussée, les ingénieurs, les ingénieurs pétrochimiques. Pour que les immigrants puissent prendre en compte ces éléments avant de prendre leur décision, ils doivent avoir accès à un moyen d'évaluer leurs chances avant de venir au Canada. Par la suite, s'ils possèdent les compétences requises, après avoir pris la décision de venir au Canada, ils ont besoin d'outils pour s'améliorer. Je ne suis pas sûr que les systèmes actuels le permettent complètement.
Je peux vous citer l'exemple de la Suède. J'ai parlé des moyennes les plus élevées, des niveaux les moins variables. Par rapport au Canada où 22 p. 100 atteignaient les niveaux un et deux, je crois que dans le cas de la Suède, on parlait de 9 p. 100. Ce pays a donc immédiatement lancé un programme donnant droit à quatre années de congés payés pour améliorer les compétences de manière à atteindre le niveau trois. Depuis cinq ans, 100 000 personnes sont passées par ce système; il s'agissait essentiellement de régler le problème des immigrants en Suède dont la littératie était limitée.
º (1645)
M. Eugène Bellemare: Je sais, comme nous tous, que nous vivons dans un village global et que les lieux d'implantation des usines changent constamment. J'imagine que votre rapport devrait être très utile pour les gouvernements—provinciaux, fédéral, municipaux, etc.—surtout dans le domaine de l'éducation. Nous devrions ainsi devenir compétitifs et faire en sorte que les usines, par exemple, ne déménagent pas en Orient.
Ma dernière question porte sur la sous-culture. Nous savons tous que dans certains pays, des gens ne peuvent fonctionner comme la majorité et créent donc leur propre sous-culture pour faire de l'argent et c'est ainsi qu'ils se débrouillent. L'effet est considérable sur l'économie souterraine.
Avez-vous examiné les niveaux de littératie du Canada et des États-Unis, voire même du Mexique? Comme nous avons parlé de l'ALENA, où il existe un lien de cause à effet entre l'analphabétisme et l'économie souterraine ou la sous-culture. Je les mets dans le même sac aujourd'hui.
M. Scott Murray: Nous n'avons pas examiné cette question précise de façon analytique, mais nous nous sommes penchés sur les effets culturels. Nous avons fait une analyse des jeunes au Canada et aux États-Unis afin de déterminer comment diffèrent la moyenne des compétences et la répartition des compétences en fonction de la situation socio-économique, en tenant compte d'énormément de variables, y compris les niveaux d'éducation des parents ainsi que leur niveau de scolarité. Tout en tenant compte des différences entre les jeunes—Canadiens et Américains—on s'aperçoit que ce qui distingue les deux pays—et le gradient est presque parfait du nord au sud—c'est la quantité de temps que ces jeunes décident de consacrer à la lecture en dehors du travail ou de l'école.
On observe un effet culturel particulier, à savoir que plus on va vers le nord, plus on lit et peut-être est-ce en raison—comme John Diefenbaker le dirait—du climat. Les données renferment également des effets culturels importants qui ne sont pas spécifiquement reliés à l'économie souterraine.
On observe également un rapport très négatif entre le niveau de compétences et le temps passé devant le petit écran. Plus le niveau de compétences est faible, plus le temps passé devant le petit écran est important. D'après notre interprétation, cela signifie que tout le monde a plus ou moins les mêmes besoins en matière d'information. Les gens dont l'alphabétisme est élevé la trouvent dans les journaux et les magazines, ceux dont l'alphabétisme est peu élevé ont les mêmes besoins pour se débrouiller dans la collectivité ou dans le contexte économique et trouvent leur information sur toute une gamme de sujets à la télévision, ce qui probablement a un effet négatif encore plus marqué sur leur niveau de compétences.
Vous avez donc ces processus sociaux, culturels et économiques qui accentuent les différences en matière de compétences entre les divers groupes de Canadiens.
La présidente: Merci.
Monsieur Finlay, c'est à vous de poser les dernières questions.
M. John Finlay: Oui, madame la présidente, merci beaucoup.
Votre exposé est des plus intéressants et je suis frappé, monsieur Murray, par le nombre de choses que révèlent ces études, selon vous, et que la plupart des bons professeurs savent intuitivement depuis des années—que les enfants apprennent de diverses façons, que le temps consacré et la difficulté font toute la différence. C'est incroyable.
J'ai quelques questions précises, ainsi qu'une observation à propos de l'un de ces graphiques. À la page 29—c'est là que je parlerais d'enseignement—vous traitez de la variation du rendement dans les écoles et indiquez que nos écoles tendent à afficher moins de variation, ce qui est bien. Un peu plus loin, aux pages 33 et 34... Pouvez-vous expliquer pourquoi les résultats sont moins bons? J'imagine que nous vieillissons tous, et peut-être que nous pensons tout connaître, mais ces graphiques montrent que dans notre société, l'écart entre ceux qui sont plus alphabètes et les autres se creuse au fur et à mesure que nous vivons plus longtemps. Évidemment, si les enfants ne regardaient pas autant la télévision, s'ils avaient plus d'activités artistiques, s'ils avaient une autre compétence, ou s'ils lisaient davantage, tout irait mieux. D'après ce que vous venez de dire au sujet des facteurs socio-économiques, il semblerait que cela soit vrai.
º (1650)
M. Scott Murray: En fait, nous ne le savons pas, car ces baisses du niveau de compétences sont indiquées par âge et ne visent pas les mêmes personnes. Il se pourrait que toute cette baisse s'explique du fait que la qualité de l'enseignement, particulièrement celui dispensé à ceux qui n'ont pas fait d'études postsecondaires, était pire dans le passé. Si tel est le cas, le système fonctionne déjà et nous allons produire des gens hautement qualifiés si bien qu'à l'avenir, nous n'aurons pas cette baisse en fonction de l'âge. Cependant, bien des facteurs tendent à prouver que c'est à cause, en partie, des genres d'emplois que nous créons et de la culture actuelle qui n'accorde pas autant de valeur à la lecture, contrairement à ce que l'on retrouve en Islande ou en Suède, par exemple.
Il se peut donc qu'une partie de cette perte soit attribuable à l'absence d'exigences économiques et sociales. Si tel est le cas, la politique officielle devrait fournir une réponse équilibrée. Elle devrait faire en sorte que les gens qui ne possèdent pas les compétences voulues au départ les acquièrent, ou qu'ils les améliorent, mais il faudrait également susciter des exigences sociales et économiques élevées. Il faut que les employeurs créent des emplois exigeant beaucoup de compétences plutôt que le contraire et il faudrait prévoir les mesures qui s'imposent pour ce faire.
M. John Finlay: Faire également en sorte que les emplois exigeant beaucoup de compétences soient payés davantage, pour que...
M. Scott Murray: C'est ce qui se fait déjà. On a pu lire dans des revues économiques que les employeurs n'arrivaient pas vraiment à déceler les compétences et qu'ils n'en tenaient pas compte dans les échelles salariales. D'après les données dont nous disposons, ils tiennent compte des titres de compétences au moment de l'embauche, mais pour faire des différences salariales, ils doivent vraiment être en mesure de déceler les compétences au fur et à mesure des années que passent les travailleurs chez eux. Ils accordent des promotions à ces personnes et les payent davantage que d'autres. En fait, ces différences de compétences expliquent assez bien ce que l'on a toujours attribué aux préjugés systémiques de la part d'employeurs sur le marché du travail à l'égard de groupes particuliers.
Je peux vous donner un exemple. Les États-Unis ont fait une recherche sur l'écart salarial entre hommes et femmes, les femmes noires en particulier, en tenant compte de la littératie de chacun. Le résultat obtenu a été renversant, puisque l'écart salarial est en fait inversé, les femmes noires étant excessivement bien payées lorsqu'elles atteignent un niveau élevé de compétences. Il n'y a pas d'écart salarial, mais plutôt un écart salarial positif, car les femmes noires spécialisées sont relativement peu nombreuses. Par conséquent, le marché du travail les paye davantage.
Cela entraîne des conséquences assez importantes. On ne met plus l'accent sur la discrimination systémique, mais plutôt sur le processus qui permet aux gens d'acquérir des compétences. Les programmes d'action positive et d'équité en matière d'emploi nous amènent davantage sur le terrain de l'éducation ou sur la façon dont on garantit des résultats équitables du système d'enseignement. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de préjugé ni de discrimination sur le marché du travail, mais simplement que ces données montrent que ce que l'on avait attribué dans le passé aux préjugés a peut-être été exagéré.
º (1655)
M. John Finlay: Merci beaucoup.
J'ai pris quelques notes au sujet du graphique de la page 7, où vous abordez la question de la croissance de l'emploi, des exigences en matière de lecture, etc., c'est-à-dire ce dont il est question ici. Vous semblez proposer d'ajouter autre chose en matière d'emploi, un niveau, des exigences, des responsabilités ou...
Les gens font toujours la même chose, à l'instar du personnage du vieux film de Charlie Chaplin qui visse toujours le même boulon... J'ai un ami, poseur de panneaux muraux, qui me dit : « J'aime faire ce travail, car je n'ai pas à y penser, je pense à autre chose », ce qui lui convient parfaitement.
Il me semble toutefois que de plus en plus d'emplois du gouvernement exigent des compétences, y compris des compétences en matière de ressources humaines et de prises de décision. Cela laisse entendre que nous devrions donner aux gens, au niveau du recrutement, un peu plus de responsabilités. Il me semble que si nous donnions plus de responsabilités aux employés de nos bureaux d'emploi, les bureaux AE, et aux employés de mon bureau qui traitent constamment avec le public et qui s'occupent des problèmes qui s'y rattachent, ils en feraient plus. Ils apprendraient davantage et deviendraient plus utiles; il ne serait alors plus nécessaire de les soumettre à une supervision excessive où on leur demande de remplir un blanc ici ou : « Avez-vous tel ou tel reçu, avec la date et l'heure, qui l'a présenté et qui l'a payé? » Il me semble que nous bloquons toute forme d'initiative, ce qui fait que des employés ne sont pas satisfaits et n'apprennent pas grand-chose. Nous gaspillons beaucoup de potentiel humain.
M. Scott Murray: D'après le graphique de la page 7 et le tableau de la page 8, il me semble que les employeurs canadiens et l'économie canadienne font en fait ce que vous suggérez, car on retrouve une forte concentration au niveau des données, de la gestion et des compétences élevées. Par exigences en matière de compétences, je ne veux pas parler des compétences techniques. Elles sont sans doute présentes, mais ces emplois exigent également des compétences élevées en matière de lecture, d'écriture et de calcul.
Comme le Canada ne peut se soustraire aux réalités des échanges commerciaux et doit soutenir la concurrence, nos employeurs arrivent assez bien à réagir aux pressions des marchés internationaux du travail. Ainsi, ils ont augmenté les niveaux de compétence des emplois, les rendant plus intéressants et plus lucratifs. Il faut toutefois se préoccuper du sort de ceux qui n'ont pas les compétences voulues pour s'en sortir dans une économie comme celle-ci.
M. John Finlay: Merci.
La présidente: Merci, monsieur Murray.
Vous nous avez certainement donné beaucoup d'information et je vous remercie de votre patience. Je sais que vous allez continuer à suivre les travaux de notre comité en matière de littératie.
Si vous avez des recommandations à nous faire, je vous inviterais à ne pas hésiter à nous les transmettre, alors que nous allons nous attaquer à notre rapport. Nous serons très heureux de connaître toutes les recommandations que vous voudrez bien nous faire.
M. Scott Murray: Nous allons au moins vous remettre les données.
La présidente: D'accord, c'est très bien. Les données sont importantes, mais comme vous êtes spécialiste du domaine, vous pouvez certainement nous faire également part de vos idées personnelles.
M. Scott Murray: Merci.
La présidente: La séance est levée.