Merci, monsieur le président.
J'aimerais tout d'abord remercier les membres du comité de m'avoir invité aujourd'hui à faire une présentation sur le Programme de contestation judiciaire. J'ai préparé un texte que je vais présenter et je serai certainement disposé, par la suite, à répondre aux questions du comité.
Depuis sa création en 1978, le Programme de contestation judiciaire du Canada aura permis de clarifier et de préciser un grand nombre de questions juridiques entourant les droits linguistiques au Canada. Malgré ces progrès notoires sur le plan judiciaire, il subsiste encore aujourd'hui de nombreuses questions non résolues autour de l'application des droits linguistiques et il subsiste également de nombreux problèmes quant à la mise en oeuvre effective de ces droits.
Les droits linguistiques de nature constitutionnelle se retrouvent aux articles 16 à 23 de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi qu'aux articles 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et 23 de la Loi de 1870 sur le Manitoba. Avant l'adoption de la Charte, on ne comptait que quelques arrêts de la Cour suprême portant sur l'interprétation des droits linguistiques. Cette jurisprudence, même si elle établissait certains principes de base importants, n'a pas beaucoup contribué au développement des communautés linguistiques en situation minoritaire. Il était impossible d'en dégager une véritable théorie des droits linguistiques au Canada.
Ce n'est qu'avec l'arrivée de la Charte et l'établissement du PCJ que nous verrons des intervenants conduire les dossiers qui amèneront la Cour suprême à énoncer les grands principes qui mèneront à l'établissement de ce que nous pouvons maintenant caractériser comme une théorie des droits linguistiques. Cette nouvelle approche du plus haut tribunal du pays sera énoncée clairement dans l'arrêt de principe R. c. Beaulac, où la cour favorisera une interprétation fondée sur l'objet des droits linguistiques. Je cite un passage de la décision :
Les droits linguistiques doivent dans tous les cas être interprétés en fonction de leur objet, de façon compatible avec le maintien et l'épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada.
Les communautés francophones et acadiennes vivant en milieu minoritaire se sont abondamment prévalues du système judiciaire depuis 1981, principalement dans le domaine des droits scolaires, pour donner vie aux droits qui leur avaient été reconnus par la Charte. Les décisions rendues par les tribunaux dans toutes les provinces canadiennes et à tous les niveaux sont venues préciser la portée des droits linguistiques. Ce développement sans précédent aurait été impensable sans l'aide financière accordée par le PCJ. Par son existence, le PCJ a donné une légitimité aux recours en justice pour la reconnaissance, l'affirmation, la confirmation et l'implantation des droits linguistiques.
Les communautés francophones vivant en milieu minoritaire n'auraient pas eu, sans le soutien du PCJ, les moyens de porter la reconnaissance de leurs droits devant les tribunaux. D'autant plus que la partie adverse, ce sont souvent les gouvernements, fédéral ou provincial, avec des ressources financières et humaines pratiquement illimitées.
En somme, l'existence du PCJ va bien au-delà du simple financement de litiges. Elle participe et sert de moteur au développement des communautés minoritaires de langue officielle qui, dans plusieurs régions, se sentent parfois isolées ou oubliés. Elle participe à l'amplification du bien commun, soit le maintien et le développement des langues officielles au Canada et, finalement, elle participe au développement démocratique en rappelant aux autorités que la démocratie ne se limite pas uniquement à la règle de la majorité mais que, dans un État de droit où la règle constitutionnelle est suprême, l'accès à la justice assure à la minorité le moyen de faire respecter par la majorité ses droits.
Ainsi, il est fort probable que le droit à l'enseignement dans la langue de la minorité, reconnu à l'article 23 de la Charte, ne serait pas devenu une réalité sans les décisions judiciaires. Ces décisions judiciaires n'auraient probablement jamais été rendues sans l'appui financier du PCJ, qui aura permis à des citoyens ordinaires de mener, parfois dans des conditions très difficiles, une action en justice pour faire respecter notre loi suprême: la Constitution du Canada. Aujourd'hui, s'il existe des écoles et des commissions scolaires de la minorité dans toutes les provinces et territoires du Canada, nous en sommes grandement redevables au PCJ.
Le PCJ facilite un accès plus grand au système de justice pour les individus et les groupes dont les droits linguistiques ne sont pas reconnus ou sont brimés. Il contribue de façon importante à la clarification de ces droits. Il joue un rôle important en faisant progresser la compréhension des dispositions constitutionnelles relatives aux droits linguistiques. Il a permis aux groupes de langue officielle de contester des politiques ou des pratiques qui violaient leurs droits. Il a joué un rôle de premier plan dans la plupart des contestations judiciaires liées à ces droits depuis 1978.
Il reste encore aujourd'hui plusieurs questions qui ne sont pas résolues et qui nécessiteront à l'avenir l'intervention des tribunaux. Le rapport préliminaire du commissaire aux langues officielles sur les plaintes déposées suite à l'abolition de ce programme en identifie d'ailleurs plusieurs.
La décision d'abolir le PCJ m'apparaît d'autant plus surprenante qu'en juin 2002, le ministère du Patrimoine canadien avait retenu les services d'une firme de consultants externes, la Prairie Research Associates, pour l'aider à mener une évaluation sommative du PCJ. Cette évaluation avait conclu, entre autres, que le PCJ répondait toujours aux besoins à l'origine de sa création, ce qui justifiait sa continuation. Cette évaluation a d'ailleurs mené à la reconduction du PCJ pour la période de 2003 à 2009.
Entre autres, ce rapport concluait et je cite :
Selon l'évaluation, le PCJ répond aux besoins à l'origine de sa création, et ses activités sont en accord avec les objectifs stratégiques établis par le ministère en avril 2000, en particulier en ce qui concerne l'engagement des citoyens et la promotion des langues officielles.
Que s'est-il passé depuis cette étude et la décision actuelle de mettre de coté le Programme de contestation judiciaire? Sur quelle étude autonome s'est-on fondé pour affirmer que le PCJ ne répondait plus aux aspirations des Canadiens et qu'aujourd'hui, la loi de la majorité devrait être celle qui prévaut? Encore aujourd'hui, nous attendons des explications. Ces explications nous seront peut-être fournies lors de la réponse du gouvernement au rapport préliminaire du commissaire aux langues officielles, le 21 juin prochain, ou lors du dépôt, le 22 juin, de sa réponse à l'action intentée contre lui suite à sa décision. Je doute toutefois que ces explications soient plus convaincantes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient à cette époque.
Avant de terminer et de répondre, le cas échéant, à vos questions, permettez-moi de rappeler aux membres de ce comité l'engagement pris par le Parlement lors de l'adoption de la Loi sur les langues officielles.
Cette loi constitue une des pierres angulaires du bilinguisme au niveau fédéral. Elle est une loi quasi constitutionnelle, c'est-à-dire un instrument flexible et organique qui est tourné vers l'avenir et qui traduit la réalité linguistique du Canada en même temps que ses aspirations. Le désir du législateur, lorsqu'il a adopté la loi en 1988, était de la rendre conforme aux obligations linguistiques inscrites dans la Charte. Il visait à favoriser la progression vers l'égalité des langues officielles et à donner aux droits linguistiques garantis un caractère exécutoire.
La loi est fermement ancrée dans le paragraphe 16(1) de la Charte, qui prévoit que le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada, qu'elles ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement, et que le Parlement doit favoriser la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais.
Par le truchement de la loi, le Parlement oeuvre à la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français, conformément à la Charte. Dans ce contexte, la partie VII de la loi prend toute son importance.
Par l'intermédiaire de l'article 41 de la loi, le gouvernement fédéral a l'obligation de favoriser l'épanouissement des minorités linguistiques francophones et anglophones du Canada et d'appuyer leur développement, ainsi que de promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne. Afin d'atteindre cet objectif, les institutions fédérales concernées doivent prendre des mesures positives pour mettre en oeuvre cet engagement. Les articles 42 et 43 de la partie VII imposent au ministre du Patrimoine canadien la responsabilité de susciter et d'encourager la coordination et la mise en oeuvre par les institutions fédérales de l'engagement pris et codifié à l'article 41 de la loi.
La partie VII représente toujours ce qu'il y a de plus original dans la loi adoptée en 1988. Deux des dispositions du préambule lui sont consacrées en exclusivité. L'article 2 de la loi, lequel définit l'objet de celle-ci, consacre à la partie VII l'un de ses trois paragraphes de fond.
La partie VII est un prolongement des droits reconnus dans la Charte, qui stipule que le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada et qu'ils ont un statut et des droits égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement. Son adoption visait donc à donner effet à un principe des plus importants, soit celui de la progression vers l'égalité de statut ou d'usage du français et de l'anglais au Canada.
Étant donné ce que le législateur a inscrit dans la Charte et dans la loi, qui dans cette salle peut sans broncher et sans cligner des yeux affirmer que la décision de cesser de financer le PCJ sert à « favoriser l'épanouissement et le développement des communautés de langue officielle » et que cette décision favorise la « progression vers l'égalité » des langues officielles? Qui peut affirmer que cette décision est conforme à la partie VII de la loi que vous avez unaniment adoptée en 2005?
Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur le président et membres du comité.
Merci de m'avoir invitée à témoigner devant votre comité au sujet du Programme de contestation judiciaire du Canada, le PCJ. La Fédération des associations de juristes d'expression française de common law, la FAJEF, regroupe sept associations de juristes d'expression française représentant 1 200 juristes. La FAJEF voit à la promotion et à la défense des droits linguistiques des minorités francophones dans le secteur de la justice au Canada. La FAJEF est aussi membre de la FCFA, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.
La FAJEF tient d'abord à souligner qu'elle croit fortement au rôle déterminant qu'a pu avoir le PCJ pour favoriser l'épanouissement des minorités francophones ainsi que la pleine reconnaissance et la promotion de l'usage du français dans la société canadienne. D'ailleurs, le bilinguisme judiciaire a beaucoup progressé à cause des contestations judiciaires qui ont bénéficié de l'appui du PCJ, comme dans les affaires Beaulac et Donnie Doucet.
En supprimant le financement au PCJ, il risque d'y avoir au mieux une stagnation, et au pire, un recul en matière de droits linguistiques, ce qui augure très mal pour le respect de la partie VII de la Loi sur les langues officielles du Canada, comme vient de le souligner mon collègue Me Doucet.
Dans notre cas, plus particulièrement, nous nous préoccupons de toute la question de l'accès à la justice en français. La FAJEF est très préoccupée de l'impact que la suppression du financement aura sur la capacité des communautés francophones et acadienne à défendre leurs droits constitutionnels. D'ailleurs, nous entendons parler de certains groupes ou de particuliers francophones qui n'ont pas les moyens de défendre leurs droits linguistiques devant les tribunaux. Leur situation n'est pas compliquée: pas de financement, pas d'accès, pas de défense de leurs droits linguistiques et, dans une plus large mesure, pas de progrès des droits linguistiques.
D'ailleurs, la FAJEF est déjà victime de cette situation, car nous ne pouvons pas, en ce moment, intervenir dans des causes comme nous l'avons fait dans différentes causes qui se sont présentées à la Cour suprême du Canada.
Il est à noter que c'est grâce au PCJ si plusieurs des communautés francophones et acadienne ont des services, des institutions telles que des écoles, dans leurs communautés. L'abolition du PCJ appauvrit aussi le bénéfice de citoyenneté canadienne, en particulier pour les minorités linguistiques francophones du Canada. Pourquoi? Parce qu'un francophone qui choisit de vivre dans une province où il sera minoritaire pourrait être obligé de payer lui-même pour faire respecter ses droits linguistiques constitutionnels. Comme vous le savez très bien, cela peut coûter très, très cher, jusqu'à des centaines de milliers de dollars, pour faire respecter nos droits au Canada. Si un francophone minoritaire a des droits linguistiques mais qu'il ne peut pas les faire respecter, qu'est-ce que ça donne?
En abolissant le financement du PCJ, le message transmis aux minorités francophones est le suivant: c'est votre langue, c'est votre problème, la protection des droits linguistiques des francophones n'est pas une question d'intérêt public et elle ne mérite pas d'être appuyée financièrement par le gouvernement fédéral. Nous pensons que ceci est très grave. Si la suppression du financement du PCJ découle du fait que certains groupes ou individus ne reçoivent pas de financement, la FAJEF ne voit aucun problème à ce que le mandat du PCJ soit élargi, en autant que cela ne se fasse pas aux dépens des moins nantis et des minorités linguistiques. D'ailleurs, nous considérons que le débat des idées devant les tribunaux est sain, mais ce n'est pas en éliminant l'accès à la justice aux moins nantis et aux minorités linguistiques qu'un tel débat aura lieu.
Si la suppression du financement au PCJ est fondée sur le principe que le gouvernement fédéral ne devrait pas contribuer à des contestations contre lui-même, il faudrait alors réformer le système d'impôt. Par exemple, un média peut présentement réclamer des dépenses d'affaires et réduire ainsi ses impôts dans le cas d'une contestation constitutionnelle contre le gouvernement fédéral portant sur la liberté d'expression, l'article 2 de la Charte. Étant donné la nature et l'évolution du droit, la FAJEF croit fermement qu'un programme peut-être similaire ou du moins, au minimum, équivalent au Programme de contestation judiciaire doit être une partie importante de notre système.
C'étaient mes quelques commentaires. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.
Je vous remercie moi aussi de nous avoir invités à témoigner aujourd'hui.
L'Association du Barreau canadien tient absolument à ajouter sa voix au tollé qui prend de plus en plus d'ampleur au sujet de l'annulation du financement du programme de constatation judiciaire. Nous estimons catégoriquement qu'il faut dénoncer cette décision haut et fort, car cette suppression aura pour conséquence de réduire au silence des groupes vulnérables à la seule tribune où ils ont des chances égales de faire entendre leurs voix, c'est-à-dire devant les tribunaux. Nous sommes donc très heureux d'avoir aujourd'hui cette occasion d'ajouter notre voix à cette clameur d'indignation.
Je vais vous parler du rôle du programme de manière un peu plus générale que mes collègues ne l'ont fait, à cause de la position de l'Association du Barreau canadien à ce sujet. Évidemment, nous ne représentons pas les communautés de langues officielles, mais nous appuyons sans réserve leurs efforts déployés par l'entremise du programme.
Je voudrais vous dire pourquoi nous avons besoin du programme de contestation judiciaire, quel rôle il joue au Canada et pourquoi tous les Canadiens ont tout lieu d'être inquiets de l'élimination de son financement.
Comme Mme Thomson l'a dit, la principale préoccupation de l'ABC est l'accès à la justice. Nos tribunaux ont établi très clairement le lien entre l'accès à la justice et l'accès aux tribunaux et la primauté du droit dans la jurisprudence constitutionnelle canadienne. Pour que la loi soit vraiment efficace et que les droits constitutionnels aient vraiment un sens au Canada, il faut que les gens, les particuliers et les groupes aient accès aux tribunaux pour faire établir l'étendue et la portée de leurs droits.
La Constitution établit des droits importants, y compris ceux qui étaient défendus par le programme de contestation judiciaire, les droits des groupes minoritaires de langue officielle à l'éducation et aux services gouvernementaux dans la langue de leur choix ou leur langue première, ainsi que le droit de chacun au Canada à l'égalité devant la loi. Comme je l'ai dit, ces droits n'ont aucune signification à moins qu'il n'y ait une manière de les faire appliquer.
Les tribunaux canadiens ont reconnu de longue date qu'il serait « presque pervers » — cette expression est tirée textuellement de l'un des arrêts rendus par la Cour suprême — de s'attendre à ce que les gouvernements appliquent et contestent simultanément leurs propres lois ou qu'ils mettent en oeuvre des programmes et des politiques tout en les contestant en même temps devant les tribunaux. En conséquence, notre système de justice a reconnu qu'il était dans l'intérêt public de permettre des litiges pour combler ce vide, prenant conscience que ce n'est pas un rôle que le gouvernement peut jouer. Le programme de contestation judiciaire a joué un rôle extraordinairement important en facilitant les litiges de ce type dans les domaines faisant partie de son mandat.
En passant, je signale brièvement que l'Association du Barreau canadien n'est nullement réconfortée quand les gouvernements promettent de respecter la Constitution. Bien sûr, tous les gouvernements croient agir conformément à la Constitution et cette responsabilité incombe au premier chef au gouvernement. Il est arrivé très rarement au Canada que le gouvernement ait sciemment ou délibérément violé la Constitution.
La question est de connaître l'étendue des droits constitutionnels. En fait, c'est seulement au moyen d'une affaire entendue devant les tribunaux que l'on peut peser, mettre à l'épreuve et équilibrer ces droits. Il n'y a vraiment pas d'autre moyen que le litige pour y parvenir. C'est en appliquant les normes constitutionnelles en évolution constante à des situations et des faits précis que nous pouvons réellement connaître la portée de ces droits. Je pense que l'expérience dans le dossier des droits linguistiques a fait très clairement ressortir la valeur de cet outil.
En l'absence d'une intervention proactive au moyen du programme de contestation judiciaire pour aider les particuliers et les groupes, ces droits constitutionnels et leur application et leur interprétation seraient le privilège des gens qui ont beaucoup d'argent, des entreprises, etc. C'est tout simplement inacceptable au Canada aujourd'hui.
Je voudrais aussi faire remarquer que le budget accordé au programme de contestation judiciaire ne représente qu'une fraction de ce qu'il en coûte en réalité pour présenter un litige constitutionnel. Des particuliers et des groupes recueillent des fonds pour aider à financer les litiges en question. Les avocats se chargent souvent du travail à un tarif réduit et leurs services sont même souvent en partie gratuits. Même si le programme de contestation judiciaire ne représente qu'un pourcentage du coût d'un litige, c'est quand même un montant extraordinairement important. En l'absence de cet apport, sans avoir l'assurance que l'on peut au moins compter sur cette source de financement pour introduire une cause, la plupart des contestations n'auraient jamais lieu.
Le gouvernement du Canada a présenté à maintes reprises des instances à divers comités des Nations Unies, affirmant qu'il est fier de financer le programme de contestation judiciaire parce que ce dernier l'aide à assumer ses responsabilités au chapitre des droits de la personne et du droit international en ce qui a trait à l'égalité d'accès aux tribunaux et aux recours efficaces aux termes de la Constitution et des traités internationaux en matière de droits de l'homme.
Il est très intéressant de constater qu'à l'étranger, le gouvernement du Canada s'est montré très fier de ce programme. En fait, les comités des Nations Unies ont vraiment félicité le Canada pour cette importante initiative.
Le programme de contestation judiciaire, comme mes collègues l'ont déjà dit, a été un succès spectaculaire, surtout dans le domaine des droits linguistiques, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Dans le domaine des droits de la personne et des droits linguistiques, nous parlons souvent de générations de droits. Même si nous avons réalisé certains progrès, surtout dans le domaine des droits linguistiques, il reste de nouveaux domaines qui n'ont pas encore été abordés. Certaines dispositions de la Charte, par exemple, ont à peine été examinées par les tribunaux à ce jour. Dans d'autres dossiers, par exemple l'éducation et les programmes d'enseignement, bien que l'on soit un peu plus avancé que pour d'autres services gouvernementaux, il reste encore beaucoup à faire, surtout en matière de mesures concrètes de rattrapage et de portée des obligations gouvernementales.
Quel est l'impact de cette élimination du financement du programme de contestation judiciaire? Je pense qu'on peut l'envisager à la fois à court et à long terme. À court terme, les avocats continueront de faire ce qu'ils peuvent, les groupes continueront d'essayer de recueillir des fonds pour introduire des causes, mais j'insiste vraiment sur le fait qu'il y a eu un changement en profondeur dans l'équilibre du pouvoir entre les groupes comme les groupes minoritaires de langues officielles et le gouvernement. Le gouvernement a toujours eu le dernier mot pour ce qui est de l'accès aux ressources et aujourd'hui, il sait que les groupes qu'il combattait devant les tribunaux se sont vu retirer l'une de leurs principales sources de financement. Cela a profondément affecté l'équilibre du pouvoir.
À long terme, la situation est encore plus sombre, parce que je pense que les particuliers et les groupes vont cesser d'intenter des poursuites devant les tribunaux. C'est un outil dont ils ne disposeront plus. Par ailleurs, nous devons comprendre qu'à cause de leur statut minoritaire ou de la vulnérabilité des groupes qui ont été jusqu'à maintenant bien servis par le programme de contestation judiciaire, ils n'ont aucun véritable accès au processus politique. Donc, en fait, on leur enlève toute possibilité d'agir. Je pense que c'est un rude coup porté à la démocratie constitutionnelle canadienne et un scénario épouvantable pour un pays comme le Canada qui se targue de son bilan en matière de droits de l'homme.
La décision de supprimer le programme de contestation judiciaire a appauvri la qualité de la gouvernance au Canada et je pense que tous les Canadiens sont appauvris par ce manque de clairvoyance qui a entraîné l'élimination subite du financement de ce programme. Ce sont les membres des groupes défavorisés et minoritaires qui sont les plus durement frappés.
En terminant, l'ABC voudrait insister sur l'indivisibilité du programme de contestation judiciaire. On ne peut pas compartimenter les droits, pas plus que les gens. Il y a d'importants chevauchements et l'article 15 de la Charte des droits et la jurisprudence en matière de droits linguistiques et constitutionnels s'appuient mutuellement. C'est très important que les deux puissent continuer d'évoluer parallèlement.
Ce n'est pas le temps d'importer une mentalité du type « eux contre nous » dont on constate la présence dans tellement de sociétés éprouvées par les conflits dans le monde. Les Canadiens aspirent à bâtir un pays dans lequel l'égalité est vécue par tous, et non pas un pays dans lequel certains groupes font des gains au détriment d'autres groupes. C'est la manière canadienne, selon l'Association du Barreau canadien, d'entraîner tout le monde dans le sillage du progrès collectif et de nous réjouir des avantages communs et de la solidarité qui sont renforcés quand les droits constitutionnels sont protégés et favorisés.
Voilà ce que j'avais à dire ce matin et je me ferai un plaisir de répondre aux questions.
:
Merci, monsieur le président. Tout d'abord, je veux remercier tous les témoins de leurs témoignages.
[Traduction]
Je vais commencer par m'adresser à l'Association du Barreau canadien. Je suis entièrement d'accord avec votre exposé, à tel point que je ne vais pas vous poser de questions. Je vais faire part à Me René Basque, président de l'ABC au Nouveau-Brunswick, de l'excellent travail que vous faites ici. Je vous remercie pour les expressions comme « générations de droits » et « on ne peut pas compartimenter les droits ».
Nous serons confrontés ici, et je vous invite à en faire part à l'ABC, à certains arguments fallacieux et le tout a d'ailleurs commencé à votre conférence tenue l'été dernier à St. John's, à Terre-Neuve, quand le ministre de la Justice d'alors, M. Toews, a invoqué l'argument que les gouvernements ne doivent pas financer des causes dont ils ne connaissent rien à titre de partie adverse.
Ce que nous avons appris grâce aux recherches que nous avons effectuées ici au comité, c'est que la grande majorité des poursuites ne visent pas le gouvernement fédéral, mais plutôt les administrations municipales — j'ai quelque expérience à cet égard —, les gouvernements provinciaux et d'autres commissions ou associations. C'est donc un argument fallacieux. On vous dira probablement aussi aujourd'hui que nous devrions nous préoccuper d'autres minorités, d'autres besoins en matière de langues minoritaires, et c'est une observation valable. Mais ce qui est en cause et ce dont nous sommes censés discuter ici aujourd'hui, c'est le dossier des langues officielles.
[Français]
Je vous remercie pour vos commentaires. J'aurai deux questions pour Me Doucet et une pour Mme Aucoin.
Il est très important de comprendre que l'enchâssement des droits linguistiques à l'article 24 de la Charte n'est pas la fin de la jurisprudence dans ce domaine. De l'autre côté, on a dit que la question des droits linguistiques était réglée. Est-ce le cas?
Deuxièmement, un argument qu'on invoque contre le Programme de contestation judiciaire est que des groupes comme les gens de Dieppe, au Nouveau-Brunswick, qui est maintenant la plus riche communauté de cette province, ont les moyens de défendre leurs droits. Ils peuvent payer des avocats pour défendre leurs droits. Êtes-vous d'accord sur cet argument, monsieur Doucet?
Madame Aucoin, en quoi l'abolition du Programme de contestation judiciaire affectera-t-elle la société acadienne?
:
Merci, monsieur le député. Il a visé la ville de Dieppe, où j'habite actuellement, et je le comprends très bien.
En ce qui concerne la question de savoir si les droits sont maintenant clairs, je suis d'accord sur ce que Mme Buckley a dit. Il y a des générations de droits. De nombreuses décisions de la Cour suprême ont clarifié une partie des droits prévus à l'article 23 relatif à l'éducation dans la langue de la minorité. Cependant, plusieurs questions touchant l'article 23 ne sont toujours pas claires. Par exemple, la notion du préscolaire en milieu minoritaire n'est pas encore clarifiée dans plusieurs provinces canadiennes, sinon toutes. Les jeunes enfants francophones n'ont pas nécessairement accès à l'école dans les meilleures conditions, c'est-à-dire en leur permettant d'apprendre ou de réapprendre leur langue première au niveau préscolaire. Ces questions devront être débattues. On parle de la gestion scolaire et des pouvoirs du ministre contre ceux des commissions scolaires. Ces questions demeurent encore à débattre et à revoir.
Très peu de questions concernant les articles 16, 17, 18, 19 et 20 de la Charte ont été portées devant les tribunaux. Je comprends le commentaire de M. Murphy. À l'époque, il était maire de Moncton et je suis l'avocat qui avait mené la municipalité de Moncton devant les tribunaux. Il en a résulté, pour les municipalités du Nouveau-Brunswick, une obligation en matière linguistique. On en a discuté souvent à l'époque. Cette décision importante a permis de clarifier les droits et de débattre sur la place publique une nouvelle génération de droits. La Constitution est un arbre vivant qui continue à évoluer. Dans ce contexte, il est important d'avoir accès aux tribunaux pour le faire.
Vous m'avez demandé si les communautés francophones avaient les moyens de porter des décisions devant les tribunaux. Dans certains cas, il pourrait être possible de mener une campagne de financement pour porter ces questions devant les tribunaux. Cependant, il faut se rappeler qu'on soulève des questions d'intérêt public. Un anglophone qui habite à Moncton n'a pas à débattre à savoir si la municipalité de Moncton va lui fournir les arrêtés municipaux en anglais. Il n'a pas à débattre dans la région de Saint-Jean pour avoir accès à l'école dans sa langue. À Halifax, il n'a pas à débattre pour savoir s'il aura accès à des services de santé dans sa langue. Un francophone, par contre, doit très souvent avoir recours aux tribunaux parce que ces droits lui sont refusés. Dans ce contexte, pourquoi demanderait-on aux citoyens d'engager des sommes énormes?
Mme Aucoin a parlé de sommes de 100 000 $ pour porter une décision jusqu'à la Cour suprême. J'en ai porté plusieurs grâce au Programme de contestation judiciaire. Sans ce programme, je ne sais pas comment nous aurions mené ces dossiers. On ne parle pas ici d'honoraires d'avocats, mais uniquement de frais de photocopies qui, dans le dossier que je défendrai devant la Cour suprême l'automne prochain, dépassent les 10 000 $. Je ne fais pas des photocopies pour le plaisir d'en faire. Je réponds aux demandes de la Cour suprême, qui exige un certain nombre de photocopies. Les dossiers sont importants.
Nous contestons le gouvernement. Il sait que nos ressources sont limitées, ce qui n'est pas son cas. Les contribuables canadiens appuient sa démarche. Dans plusieurs dossiers, des questions préliminaires sont déposées, de sorte qu'on épuise nos ressources avant même de commencer à débattre sur le fond, parce que le gouvernement est de l'autre côté et a les ressources requises. La Cour suprême nous demande de retenir les services d'un correspondant à Ottawa. Ces services coûtent à eux seuls de 4 000 $ à 5 000 $. On demande à des citoyens qui veulent obtenir le droit à l'éducation dans leur langue et dans leur municipalité de défrayer des coûts 150 000 $. S'ils y sont obligés, ils trouveront les moyens de le faire. Cependant, je crois que c'est très peu demander à l'État, qui a reconnu ces droits, de leur donner également le moyen de se défendre devant les tribunaux.
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous. Des témoins comme vous, en d'autres circonstances, sont venus nous parler du programme. La vaste majorité d'entre eux y étaient favorables et quelques-uns s'y opposaient. Quelque chose se dessine présentement sur le plan politique. À ce sujet, votre expertise m'est nécessaire. J'ai une idée sur la chose, mais je voudrais entendre vos commentaires.
L'actuel gouvernement fédéral, donc le gouvernement conservateur, serait peut-être d'accord pour faire revivre l'aspect du Programme de contestation judiciaire qui touche les langues officielles, mais s'opposerait à faire de même pour ce qui touche tous les autres groupes de la société qui ont eu recours au Programme de contestation judiciaire, soit les gens handicapés, les minorités visibles, et ainsi de suite.
Madame Buckley, madame Aucoin, monsieur Doucet et madame Thomson, j'aimerais que vous nous parliez du danger d'opposer ces aspects du programme et de n'en faire revivre qu'un, et que vous nous démontriez la nécessité, si vous jugez bon de le faire et que c'est votre vision des choses, de faire en sorte que le programme dans son entier soit remis sur pied, voire peut-être même bonifié, si nécessaire. On pourrait commencer par Mme Aucoin.
:
Merci, monsieur le président.
Premièrement, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue.
Il y a d'abord eu l'abolition du Programme de contestation judiciaire. Maintenant, on voudrait revenir avec une demi-formule. On veut permettre les causes liées aux langues officielles et envoyer les autres ailleurs. Je n'étais pas présent lors du témoignage du dernier témoin, Mme Kheiriddin, qui est professeur de droit à l'Université McGill. Selon le journal Le Droit d'aujourd'hui, elle aurait dit, et je cite :
Si vous voulez convaincre le gouvernement de protéger les minorités linguistiques, la réponse c'est simplement de dire qu'il faut respecter la loi, a-t-elle soutenu devant le comité.
Nous souhaitons donc qu'il soit de bonne foi. Cependant, le problème est qu'il ne la respecte pas, tout simplement. On a une belle loi, une belle Constitution qui est violée tous les jours. Vous n'avez pas les moyens de la contester et c'est bien dommage. On continue, jour après jour, comme on fait normalement, mais on ne paiera pas les gens pour leur permettre de venir contester nos propres lois, parce qu'on va les respecter. Je ferai remarquer que si on avait toujours respecté les lois, on ne serait jamais allé en cour et on n'aurait pas eu besoin de la Cour suprême non plus.
Je poursuis la lecture de la citation du journal Le Droit :
Si l'(article) 41 (2) de la Loi sur les langues officielles requiert, par des mesures positives, que le gouvernement fasse un programme comme le PCJ, c'est là votre réponse. [...] Ce n'est pas de dire qu'il faut recréer le programme en totalité.
C'est comme si un messie était venu de Montréal pour nous livrer un message. Ça commence à être intéressant pour le gouvernement. Quelqu'un a trouvé une solution à nos problèmes. On va diviser le groupe. Les membres du Comité permanent des langues officielles ne doivent pas parler des autres parce qu'ils sont là pour parler des langues officielles.
Que nous ont dit les groupes qui étaient opposés au Programme de contestation judiciaire? Ils nous ont dit que le programme n'était pas juste parce qu'il ne donnait pas d'argent à tout le monde. Mettons les faits sur la table. Par exemple, des groupes ont voulu s'opposer à la loi sur le mariage des personnes de même sexe. C'était d'ailleurs peut-être le gros problème de M. Harper. Des témoins nous ont dit que certains groupes minoritaires se sont présentés devant la cour, mais sans recevoir d'argent pour cela. C'est l'argument qui a été invoqué.
Selon moi, ils ont reçu de l'argent, en ce sens que le gouvernement lui-même a utilisé l'argent des contribuables pour se défendre contre des groupes. Chaque fois que la minorité sent qu'on abuse de ses droits, le gouvernement utilise l'argent des contribuables pour se défendre contre ces minorités. Ce ne sont pas des baisses d'impôt, mais l'impôt au complet. C'est là où il y a contrepoids.
:
Bonjour, tout le monde, et merci d'être venus nous rencontrer.
Je souris parce que j'ai un bon copain de l'autre côté de la table qui me fait sourire ce matin. C'est une chance! Je parlais de vous, monsieur Godin.
Je vous remercie d'être là; c'est très important pour nous. Je vais poser ma question à Mme Aucoin. Quand on a rencontré des gens, autant durant notre voyage pancanadien qu'ici, certains représentants du PCJ nous ont mentionné que celui-ci avait été créé pour financer les actions en justice qui feront progresser les droits à l'égalité et les droits linguistiques garantis dans la Constitution canadienne et la Charte. Dans la documentation fournie, on pouvait lire aussi que :
Une cause est une cause type dans la mesure où elle aborde un problème ou soulève une question qui n'a pas encore été présenté devant les tribunaux; cette cause doit aider les communautés minoritaires de langue officielle du Canada à protéger leurs droits linguistiques.
On a appris aussi que, par le PCJ, on ne pouvait pas financer les contestations des lois, des politiques ou pratiques provinciales ou territoriales, les causes abordant les questions déjà financées par le PCJ.
J'aurais une question pour vous, madame. Avez-vous été impliquée, directement ou indirectement, dans une cause financée par le PCJ? Si oui, dans combien de causes exactement? Expliquez-moi dans quel contexte, à titre de procureur ou d'avocat, de conseiller.
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Je pense qu'on oublie parfois un aspect du Programme de contestation judiciaire. Quand nous sommes arrivés à Moncton, il n'y avait pas d'école secondaire francophone. M. Murphy était maire à ce moment-là. Pour ma part, je faisais partie d'un groupe de parents. Il y avait sept écoles secondaires anglophones dans la région du Grand Moncton et une école francophone à Dieppe, de sorte que nos enfants étaient sur la route avant 7 heures le matin et arrivaient à la maison vers 16 h 30 ou 17 heures. Je parle ici uniquement de la journée scolaire, sans qu'il soit question d'activités sportives ou d'autres activités parascolaires.
J'étais membre, à titre de parent, d'un groupe qui réclamait une école secondaire à Moncton. Dans ce groupe de parents, il y avait des directeurs de caisse populaire et d'autres personnes bien en vue de la communauté. On a couru après le gouvernement pendant des années; on a entre autres élaboré des plans d'affaires pour tenter d'obtenir cette école. Dans cette ville supposément bilingue du Nouveau-Brunswick, on n'avait pas d'école secondaire. On courait après le gouvernement provincial, mais il ne voulait pas nous rencontrer.
Les choses ont changé au moment où on a obtenu un peu d'argent du Programme de contestation judiciaire, soit 5 000 $, pour réaliser une étude d'impact en vue de déterminer si on avait droit ou non à une école. Dès que nous avons entamé notre action en justice, le gouvernement a commencé à nous parler. Nous avons maintenant une école secondaire francophone à Moncton.
Oui, j'ai bénéficié de ce programme quand j'étais présidente de l'Association des juristes d'expression française du Nouveau-Brunswick, mais pas à titre personnel. On a été impliqués dans des causes, mais je n'en tirais aucun avantage financier. C'était le cas quand j'étais présidente de la FAJEF, mais jamais à titre d'avocate.
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Merci, monsieur le président.
Pour donner suite à la question que Mme Boucher vous posait tout à l'heure, je vais vous dire que, compte tenu de votre réponse, je suis très contente de constater que les personnes devant nous aujourd'hui sont toutes des personnes qui non seulement ont pensé aux droits des francophones, et des anglophones au Québec, mais ont aussi agi sur le terrain. Vous avez donc énormément d'expérience sur le terrain, et c'est ce qui fait votre puissance et certainement votre expérience.
Je voudrais aussi ajouter, simplement pour que ce soit consigné au compte rendu, que Me Doucet disait que le programme n'avait pas vraiment été utilisé au Québec. Évidemment, au Québec, on parle des droits des minorités anglophones. Cependant, le Programme de contestation judiciaire, on nous l'a fait remarquer la semaine dernière, avait apporté énormément d'aide dans une cause extrêmement importante au Québec, celle de la clause Canada, qui permettait à des enfants dont les parents avaient étudié en anglais au Canada, ailleurs qu'au Québec, de poursuivre leurs études en anglais. Il y a donc clairement une interrelation entre les droits des uns et les droits des autres, puisque ce sont des minorités.
J'ai une première question, mais je voudrais que vous y répondiez très rapidement. Je veux vraiment poursuivre sur la lancée de M. Nadeau. Premièrement, avez-vous été en relation avec la ministre responsable, Mme Verner, ou avec le ministère au sujet de l'abrogation du Programme de contestation judiciaire? J'aimerais que vous répondiez par un oui ou un non.
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Merci, monsieur le président.
[Français]
Merci de votre témoignage.
[Traduction]
J'ai deux observations d'ordre général. Je n'ai pas de questions. Je pense que vos exposés étaient très clairs.
La première, à mon avis, est une question de point de vue. Des personnes raisonnables pourraient être d'accord ou pas d'accord sur la nécessité d' un Programme de contestation judiciaire. Je pense qu'on peut raisonnablement invoquer des arguments pour et contre la continuation d'un tel programme.
Si je dis cela c'est parce que le programme, tel qu'il a été créé à l'origine, visait à préciser un domaine du droit qui avait évolué rapidement à la fin des années 1960 et au début des années 1970, ainsi qu'à la fin des années 1970, avec la Loi sur les langues officielles et certaines initiatives des provinces. Il y avait peu de jurisprudence. À cette époque, on se posait beaucoup de questions au sujet des droits des minorités linguistiques, et c'est pour cela que le programme a été établi. Ensuite, il a été élargi pour inclure les autres droits des minorités, à la suite de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982.
Je pense que l'on peut dire qu'après 30 ans, nous avons établi une jurisprudence considérable. Est-elle complète? Est-elle assez vaste? Est-ce qu'elle précise tout? Non. Il y a certainement des domaines du droit qu'il faut encore clarifier, mais on peut dire que nous avons maintenant une vaste jurisprudence. Il y a des personnes raisonnables des deux côtés de cette discussion, qui ne sont pas d'accord, et je ne leur refuse pas leur opinion.
Cela fait maintenant des semaines, ou plutôt des mois, que nous parlons de cette question au comité et lorsque vous réfléchissez à la question de l'accès aux tribunaux au Canada, il y a deux choses qui vous viennent à l'esprit. D'abord ce programme est honnêtement un programme minuscule pour ce qui est de l'accès au système juridique. Ici à Ottawa, sur la Colline parlementaire, nous avons associé l'idée de l'aide juridique à l'intention première du Programme de contestation judiciaire. Il ne fait aucun doute que le deuxième objectif du programme, était d'aider ceux qui voulaient accéder au système judiciaire, mais l'objectif principal était de financer les causes qui permettraient de clarifier la jurisprudence en matière de droits linguistiques et d'autres droits des minorités.
Il s'agit d'un système pour lequel les provinces sont, de façon générale, ou plutôt intégralement, responsables de fournir de l'aide juridique pour l'administration de la justice. Les programmes des provinces, collectivement, représentent des centaines de millions de dollars et ont une incidence considérable sur l'accès au système judiciaire. Ensemble, ces programmes représentent près d'un demi-milliard de dollars de financement pour permettre aux gens d'avoir accès aux tribunaux, alors que nous, nous parlons d'un programme de 2 à 3 millions de dollars. Parfois, je me demande si nous — et je ne parle pas aux témoins, mais à vous, monsieur le président — sur la Colline du Parlement, nous n'avons pas une perspective un peu différente, ou plutôt un manque de perspective sur cette question. Savons-nous vraiment comment les gens accèdent aux tribunaux? Ils passent souvent par l'aide juridique.
La dernière chose que je voudrais dire au sujet de l'accès au système judiciaire, c'est qu'il n'existe pas de droit absolu d'accès aux tribunaux. La Cour suprême l'a dit récemment dans l'affaire du procureur général de la Colombie-Britannique contre Christie. Elle a dit qu'il existe un droit à l'assistance d'un avocat dans certains cas précis, ou plusieurs cas, mais qu'il n'existait pas de droit absolu d'accès aux tribunaux et qu'il n'y avait pas de droit constitutionnel général d'être représenté par un avocat de la Couronne devant les tribunaux.
Ce sont des observations générales dont je voulais vous faire part. Au début de mon intervention, j'ai dit qu'il y avait des personnes raisonnables des deux côtés de la question, et je remercie les témoins de leurs exposés.
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Pour être sûr que les gens comprennent,
pro bono veut bien dire que vous le faites absolument gratuitement. C'est pour la cause, en fin de compte, et non pas pour vous enrichir. Donc, vous le faites gratuitement. Et pour avoir permis — peut-être que l'autre bord devrait finir par comprendre — à 900 enfants d'aller dans une école francophone, parce qu'ils étaient francophones, c'est quand même pas cher. Si on considère la réalité, le salaire minimum est plus élevé que cela au Nouveau-Brunswick. Prenons l'exemple du Nouveau-Brunswick, parce qu'on est dans la même province. C'est incroyable de voir l'obstination de la part du gouvernement pour 5,55 $ par étudiant, dans ce cas-ci. En plus, il y a des gens qui l'ont fait gratuitement, qui ont fait du bénévolat.
Monsieur Doucet, vous avez dit tout à l'heure de ne pas opposer l'une à l'autre, en parlant des différentes minorités. C'est certain que le gouvernement lance un os, comme vous l'avez mentionné, mais il n'est même pas enrobé de viande. Tout le monde se lance sur l'os en espérant pouvoir manger un petit peu, et en fin de compte...
Madame Buckley, je pense que vous disiez que l'accès à la cour est un droit au Canada. Le gouvernement a lancé un os, mais il faut oublier le droit. Si vous n'avez pas d'argent, il n'y a pas de viande. Vous pouvez aller en cour: le droit d'aller en cour, c'est l'os, et les moyens d'y aller, c'est la viande. Or, le gouvernement ne donne pas de viande pour que les gens puissent se présenter en cour.
J'écoutais les commentaires tout à l'heure des membres conservateurs du comité qui disaient que ce que nous faisons aujourd'hui, soit l'étude de l'élimination du Programme de contestation judiciaire, est très important pour eux. C'est beau dire que c'est important, mais ils n'ont rien compris. Si c'est tellement important, qu'ils le rétablissent ce matin et la discussion va finir là. On va arrêter d'argumenter à ce sujet.
Quand je dis qu'ils n'ont rien compris, c'est certainement aussi une mauvaise compréhension. Je ne suis pas un avocat, je suis un banquier. Je faisais du financement pour les entreprises; c'est un peu différent. Ils ne pourront certainement pas dire que je me suis enrichi à cause du Programme de contestation judiciaire.
Il y a quelques semaines, lors du débat sur la motion d'ajournement, j'ai posé une question au ministre de la Justice concernant le Programme de contestation judiciaire, et c'est le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice qui m'a répondu. Au cours des quatre minutes qui lui étaient allouées pour donner sa réponse, il a mentionné cinq fois l'expression « aide juridique en matière pénale ». Comme je l'ai dit, je ne suis pas un avocat, mais le secrétaire parlementaire, en réponse à ma question sur le Programme de contestation judiciaire, a dit que parmi les grandes priorités du gouvernement, il y a la volonté de protéger les familles, et une des façons de le faire, c'est l'aide juridique en matière pénale. À ma connaissance, c'est bien loin du Programme de contestation judiciaire.
À la fin de sa réponse, il a ajouté les mots « le nouveau gouvernement ». On va oublier cela. En effet, je pense qu'il devrait regarder la définition du mot « nouveau » dans le dictionnaire. Il signifie « tout récent ». Or, le gouvernement commence à être vieux. J'aurais plutôt dit que « le gouvernement du Canada est déterminé à continuer à financer l'aide juridique en matière pénale ».
Pouvez-vous me dire si on essaie de poursuivre les minorités en cour à cause d'un crime pénal? Au sujet du Programme de contestation judiciaire, le gouvernement nous répond que les minorités ne doivent pas s'inquiéter, car il donne de l'argent pour l'aide juridique en matière pénale. Où est le lien entre l'aide juridique en matière pénale et l'assurance de pouvoir défendre ses droits en vertu du Programme de contestation judiciaire?
Dans le temps qu'il reste, pourriez-vous me dire s'il y a un lien? Vous êtes des avocats. Y a-t-il un lien ou pas?
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Monsieur le président, je ne peux pas accepter les arguments qui ont été présentés par les députés d'en face.
Premièrement, j'entends dire que les ministres n'auront eu que 36 heures ou quelque chose du genre pour se préparer. Ensuite, il y a le nombre de questions que nous, de l'opposition, avons pu poser lors de la période des questions orales à la Chambre des communes, ainsi que le nombre de représentants qui ont essayé de rencontrer un ministre ou l'autre. Évidemment, il y en a un certain nombre qui n'ont pu avoir de rencontre. Enfin, le fait que les ministres, le ministre ou la ministre ait pris une décision quant à la vie, la survie ou à la non-survie, en fait quant à l'abolition du Programme de contestation judiciaire veut dire qu'on avait en tête des raisons pour l'éliminer.
Tout ce qu'on demande à ces ministres, c'est de venir devant nous et de présenter leur côté de la médaille. Après tout, on a entendu au moins une dizaine de témoins, peut-être même plus si on pense à la tournée qu'a fait ce comité d'un bout à l'autre du Canada. À l'exception de deux d'entre eux, à ma connaissance, tous nous ont dit la même chose.
Je trouve que la proposition de mon collègue M. Godin est juste et équilibrée. Je souhaite très fortement que les ministres viennent nous en parler. Je proposerais même à mon collègue de demander aux ministre de nous écrire un mot, s'ils ne peuvent pas venir, pour nous dire exactement les raisons pour lesquelles ils ont aboli ce programme.
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Merci, monsieur le président.
Cette question a été étudiée « ad nauseam ». Je pense que tout ce qui devait être dit, des deux côtés de la question, a été dit. Je ne crois pas que ce soit une façon productive d'utiliser le temps du comité que de prévoir une autre séance à ce sujet. A mon avis, il y a des façons beaucoup plus productives pour le comité de faire son travail.
Honnêtement, notre pays est aux prises avec de sérieux problèmes dans le domaine des droits des minorités linguistiques, du recours au français au Canada. Il est vrai que le français disparaît peu à peu, et pourtant, on accorde la priorité à ce programme de 2 ou 3 millions de dollars, dont nous avons parlé « ad nauseam ».
Honnêtement, je crois que le comité pourrait utiliser son temps de façon bien plus productive. Si l'on regarde le temps que l'on a passé à étudier ce programme en particulier ces dernières années, je crois que les gens diront que notre travail n'a pas été productif.
J'aimerais bien mieux étudier des questions plus générales sur le bilinguisme et sur la façon d'augmenter le nombre de personnes bilingues au Canada plutôt que de tenir encore d'autres audiences à discuter de cette question. Je crois que ce serait une bien meilleure façon d'utiliser notre temps. Je ne crois pas qu'il faille consacrer une autre séance à discuter de cette question.
Si vous me permettez une analogie, Rome est en train de brûler et nous nous perdons en futilités. Il faut passer à autre chose.