:
Bienvenue, tout le monde. Vous semblez tous être d’excellente humeur aujourd’hui, et moi de même. Tout a bien commencé et j’espère que la communication sera bonne tout au long de la séance.
Sur ce, je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 14e réunion du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 24 octobre 2020, le Comité reprend son étude sur la capacité de transformation.
La réunion d’aujourd’hui se déroule selon une formule webinaire. Les webinaires sont des réunions de comité publiques qui ne sont disponibles qu’aux membres, à leur personnel et aux témoins. Les membres ont sans doute remarqué que la connexion à la réunion était beaucoup plus rapide et qu’ils ont immédiatement été connectés en tant que participants actifs. Toutes les fonctions pour les participants actifs restent les mêmes. Les membres du personnel sont des participants non actifs et ne pourront donc voir la réunion que dans la vue d’ensemble.
J’aimerais profiter de cette occasion pour rappeler à tous les participants que pour cette réunion, les captures d’écran ou la prise de photos d’écran ne sont pas autorisées.
[Français]
Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais vous faire part de certaines règles.
Les députés et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont offerts pendant la réunion. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. La dernière version de Zoom vous permet désormais de parler dans la langue de votre choix sans avoir à sélectionner le canal linguistique correspondant.
Vous remarquerez également que la fonction « lever la main » de la plateforme est désormais plus facilement accessible sur la barre d'outils principale, si vous voulez prendre la parole ou alerter le président. Si cette option ne fonctionne pas, je suggère que les députés et les témoins qui souhaitent intervenir allument leur caméra et lèvent la main physiquement. La greffière du Comité tiendra la liste des députés et des témoins qui souhaitent prendre la parole.
Les députés qui participent en personne doivent procéder comme ils le feraient habituellement si tous les membres du Comité se réunissaient en personne dans une salle de comité. Gardez à l'esprit les directives du Bureau de régie interne concernant le port du masque ainsi que les protocoles en matière de santé.
Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur le microphone pour désactiver le mode sourdine. Les microphones des participants qui se trouvent dans la salle seront contrôlés par l'agent des délibérations et de la vérification, comme d'habitude.
Lorsque vous n'avez pas la parole, mettez votre microphone en mode sourdine.
[Traduction]
À notre dernière réunion, nous avons eu des problèmes avec l’interprétation durant le témoignage de Richard Davies, qui a suscité une réaction et des commentaires des membres, avec raison. Comme il y avait une autre place disponible pour entendre un témoin le 16 février 2021, M. Davies sera invité à comparaître à nouveau devant le Comité ce jour-là. Les membres du Comité auront alors la possibilité d’interroger M. Davies.
J’aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Nous accueillons aujourd’hui, d’Apple Valley Foods, Jeff Sarsfield, propriétaire et directeur général. Bienvenue, monsieur Sarsfield, à notre comité. De Qu’Appelle Beef, nous recevons Jason Aitken, directeur général. Bienvenue.
Sur ce, nous allons commencer par vos déclarations liminaires.
Nous allons commencer avec M. Sarsfield. Vous diposez de sept minutes et demie.
:
Bon après-midi, tout le monde. Merci de l’invitation.
Je suis Jeff Sarsfield, président d’Apple Valley. Nous sommes situés à Kentville, en Nouvelle-Écosse. Nous avons démarré l’entreprise en 2000. Nous sommes un fournisseur de tartes aux fruits surgelées qui expédie ses produits dans tout le Canada et aux États-Unis. Nous nous concentrons principalement sur les clients de marques privées dans le secteur de la vente d’aliments au détail. Nous réalisons actuellement 68 % de nos ventes au Canada et 40 % aux États-Unis.
L’an dernier, nous avons connu une croissance substantielle, plus au Canada qu’aux États-Unis. Nous comptons maintenant environ 400 personnes qui travaillent dans deux usines de production, toutes deux situées dans le même parc industriel ici à Kentville. Nous avons réalisé une expansion majeure en 2014-2015, où nous avons triplé notre capacité à l’époque, tant pour les ventes que pour les exportations canadiennes.
La dernière usine que nous avons mise sur pied était automatisée à 80 %. Puis, en raison de la croissance globale que nous avons enregistrée depuis, nous avons modernisé notre usine d’origine. Nous avions initialement prévu de fermer cette usine ou de la transformer pour offrir une gamme de produits totalement différente. Cela nous a permis d’accroître considérablement nos ventes au cours des cinq dernières années.
Toutefois, l’année dernière, notre principale contrainte en matière de capacité était la main-d’œuvre. Nous avions quatre chaînes de production, et il y avait une ligne complète que nous n’étions pas en mesure de doter en personnel. Essentiellement, en raison de la COVID, nous avons constaté une baisse importante des demandes de nouveaux employés. Nous avons eu la chance d’avoir des demandes de travailleurs étrangers. À la fin de l’année, nous avons vu nos premiers travailleurs étrangers arriver à notre établissement. Nous avons initialement fait venir neuf travailleurs étrangers à la fin du mois de décembre, et la semaine dernière, nous en avons fait venir 11 autres. Nous sommes en mesure de commencer à augmenter notre quatrième chaîne de production, ce qui nous permettra de poursuivre notre croissance cette année.
À la fin de l’année dernière, notre chiffre d’affaires dépassait largement les 100 millions de dollars. Notre croissance principale est attribuable au fait que nous nous affairons à offrir des produits style maison de qualité supérieure. Nous sommes l’un des rares producteurs nord-américains qui se livrent à la culture, à la transformation et à la préparation de tartes de a à z.
Nous cultivons nos propres pommes. Nous achetons directement des agriculteurs locaux. Nous les pelons, les évidons et les tranchons à notre boulangerie et les mettons directement dans les tartes, ce qui nous donne un produit maison unique. C’est le grand secret de notre croissance. Nous avons également du bon personnel local, qui peut suivre des formations pour apprendre à utiliser certaines des technologies que nous avons mises en place dans nos deux usines.
À l’avenir, nous avons encore de nombreuses possibilités de poursuivre notre automatisation pour nous aider à devenir plus efficaces et plus compétitifs sur le marché.
Il y a une autre chose. La SCA, l’APECA et la province nous ont aidés à démarrer l’entreprise et ont joué un rôle déterminant dans notre capacité de lancer nos activités au niveau que nous avons pu le faire. Nous avons réalisé de nombreuses expansions au fil des ans, et la SCA et l’APECA ont toujours été là. C’est en grande partie pour cette raison que nous sommes toujours là et que nous continuons de prendre de l’expansion.
Je voulais simplement faire savoir au Comité à quel point ces deux programmes ont été importants, ainsi que le fonds Agri-innover, qui a également fait sa part.
Cela nous a certainement aidés à prendre de l'expansion lorsque nous en avions besoin. Je crois que je vais en rester là.
:
Bon après-midi, tout le monde.
Je suis Jason Aitken, et je suis le président de Northern Natural Processing. Je suis ici pour aborder directement l'objectif que le rapport Barton tente d'atteindre, qui consiste plus précisément à augmenter la capacité de production pour réaliser un objectif d'exportation de 75 milliards de dollars en 2025.
Northern Natural Processing possède les seuls abattoirs de bœuf agréés par l'ACIA en Saskatchewan, et nous faisons des affaires sous la marque Qu'Appelle Beef. Nous sommes indépendants et, jusqu'à présent, nous nous sommes concentrés sur la livraison de produits de bœuf de haute qualité et à valeur ajoutée.
Nous possédons deux installations agréées par l'ACIA, toutes deux situées en dehors de Regina. L'installation de récolte du bétail, l'établissement 659 de l'ACIA, fait environ 33 000 pieds carrés et est située à Neudorf. L'installation de transformation secondaire du bœuf à valeur ajoutée, l'établissement 519 de l'ACIA, d'environ 22 000 pieds carrés, se trouve à Wolseley. Récemment, nous avons obtenu des permis d'exportation pour les États-Unis, la Corée du Sud et le Japon.
La Saskatchewan compte plus de 40 % des terres arables au Canada, mais 85 % des bovins nés en Saskatchewan partent en camion, dont la moitié en direction du sud vers les États-Unis. Pourquoi ne pouvons-nous pas garder le bétail au Canada et le transformer localement?
Le Canada est actuellement un importateur net de bœuf, alors nous sommes ici pour changer cela. Il s'agit de sécurité alimentaire et de création de valeur chez nous au profit des producteurs canadiens et des familles de nos collectivités locales. Notre mission est d'être un exportateur net de produits de bœuf de haute qualité à valeur ajoutée, et pas seulement un exportateur de bovins vivants.
Permettez-moi de diviser le reste de mon temps de parole en deux parties: les obstacles qui nous freinent en tant que transformateur de viande bovine et les possibilités qui s'offrent à nous.
Les trois principaux obstacles sont les fonds d'immobilisation, la masse critique et le pouvoir du marché.
En ce qui concerne les fonds d'immobilisation, les dépenses en capital requis pour être compétitif dans le secteur de la transformation du bœuf sont importantes. La force des deux principaux exploitants — des acteurs étrangers qui contrôlent 90 % du marché — est bien reconnue. La famille de Cargill compte 14 milliardaires, et le principal actionnaire de JBS est détenu à 25 % par le gouvernement brésilien.
La capitalisation pour les petits transformateurs est une question cruciale. Au cours de la dernière décennie, depuis que j'ai fondé l'entreprise, nous avons amassé 40 millions de dollars auprès d'investisseurs privés. Cela représente un ratio de 10 pour 1 par rapport au financement gouvernemental que nous avons reçu.
Si le Canada veut avoir du bœuf canadien et une véritable autosuffisance et éviter les problèmes d'approvisionnement et d'acquisition que l'on observe actuellement avec l'EPI et les vaccins, je pense que toutes les parties bénéficieraient d'une plus grande participation du gouvernement canadien.
En ce qui concerne la masse critique, les dépenses de fonctionnement nécessaires pour être compétitif dans le secteur de la transformation du bœuf sont importantes. J'entends par là le financement des besoins en fonds de roulement pour les intrants essentiels comme le bétail, la main-d’œuvre, l'emballage et les services publics. Permettez-moi d'utiliser une analogie simple. Pensez à un avion 747: est-il intéressant sur le plan économique de le faire fonctionner si vous n'avez que cinq personnes à bord? Il doit y avoir une capacité bovine suffisante pour couvrir les coûts fixes. Nous avons réussi à vendre plus de cinq millions de livres de viande bovine dans tout le pays à des clients tels que Metro, Longo's, Costco, Save-on-Foods et A&W, pour n'en nommer que quelques-uns, mais ce n'est pas encore suffisant pour atteindre une capacité de production rentable. C'est là où les marchés internationaux sont essentiels.
En ce qui concerne le pouvoir sur le marché, comme vous le savez, l'industrie du bœuf est incroyablement concentrée, à tel point que quatre acteurs contrôlent 80 % du marché américain, où des enquêtes sur les pratiques anticoncurrentielles ont récemment été menées par le ministère de la Justice. Au Canada, deux acteurs principaux détiennent 90 % du marché. Cargill et JBS peuvent vendre des steaks et du bœuf haché à perte en raison de leur portée mondiale. Pensez-y comme une console PlayStation ou Xbox de Sony qui intègre leur plateforme avec des consommateurs bien établis; ils réalisent tous leurs bénéfices grâce à l'extensibilité des logiciels et des produits dérivés. Comme tout parent qui a des enfants adolescents le sait, ils vous rendent accros.
La meilleure façon de gagner de l'argent dans l'industrie de la transformation du bœuf est de considérer les steaks comme étant un sous-produit de ce que vous faites. L'abattoir Better Beef de Guelph, en Ontario, a créé un précédent important en construisant une usine de sous-produits avec une forte distribution au Japon. Leur succès a permis à Cargill de réaliser une acquisition à valeur élevée, avec un multiple de douze du BAIIA. Ne laissez personne vous dire que les transformateurs de bœuf ne peuvent pas gagner de l'argent pour leurs intervenants.
Revenons à la grande possibilité et à la raison pour laquelle nous sommes ici: le rapport Barton et les 75 milliards de dollars d'exportations d'ici 2025. Cela devient très personnel pour moi. J'ai passé 15 ans à l'étranger: sept ans au Japon et sept ans et demi aux États-Unis. Je parle le japonais. J'ai effectué 1 500 visites d'entreprises au Japon, en Corée et en Chine. S'il y a une chose dont je suis sûr, c'est l'augmentation de la consommation de protéines par habitant dans ces régions. C'est une tendance irréversible à long terme.
Nous avons une occasion d'exportation extraordinaire. La région de l'Asie-Pacifique veut faire des affaires avec le Canada, mais elle a besoin de stabilité et d'un approvisionnement garanti. La seule façon de garantir cela est de développer des atouts durables et d'investir dans les infrastructures nécessaires.
Je vais vous laisser avec deux points.
La voie à suivre est l'accès aux fonds et une flexibilité accrue. Le Canada a fait du bon travail en fournissant des fonds et des initiatives afin de jeter les bases pour les possibilités d'exportation, notamment le récent traité de PTPGP et l'annonce récente du projet d'irrigation de 4 milliards de dollars en Saskatchewan. Cependant, l'accès élargi aux fonds reste très limité. Tant que les critères de demande et de rendement ne seront pas révisés, le Canada n'encouragera pas l'innovation et la participation nécessaires pour atteindre les objectifs d'exportation énoncés dans le rapport Barton.
Enfin, voici les avantages d'un engagement véritable en matière de financement. Nous augmenterions le nombre d'emplois qualifiés à long terme et d'emplois de grande valeur. Il convient de noter que les Autochtones représentent plus de 50 % de notre main-d'œuvre à Qu'Appelle Valley. Nous mettrions en place des prix nettement plus élevés pour les intrants agricoles canadiens locaux. Nous assurerions un approvisionnement fiable, garanti et de haute qualité en bœuf pour les Canadiens; nous ferions la promotion de l'intégrité et de la valeur de la marque pour la région; nous défendrions les intérêts canadiens, tant au pays qu'à l'étranger; et enfin, nous créerions un modèle de réussite pour le développement commercial de produits sains à valeur ajoutée, qui pourrait être reproduit dans d'autres provinces du pays.
Sur ce, j'aimerais que nous passions aux questions. Merci beaucoup de votre temps.
:
Deux de nos principales contraintes… D'une part, il y a la main-d'œuvre, dont j'ai déjà parlé. D'autre part, il y a notre principal produit, des tartes aux pommes surgelées et cuites au four que nous vendons à des magasins au détail à des succursales du Canada et des États-Unis. Notre produit le plus concurrentiel, c'est-à-dire la tarte aux pommes, se trouve en grande concentration aux États-Unis surtout.
En ce moment, nous produisons plus que ne le permet notre approvisionnement en fruits cultivés ici, au Canada atlantique. À un moment donné, nous avions un approvisionnement local d'environ 95 %, même si la production totale a augmenté dans la province. Cette année, cette proportion a probablement chuté à 70 %. Nous faisons donc venir des produits de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, ainsi qu'une bonne quantité de l'État de Washington.
Une des choses dont nous avons besoin à plus long terme est une incitation à accroître la production locale. Un de nos plus gros défis se situe du côté de la transformation. Les pommes ne coûtent généralement que le quart environ du prix d'achat de pommes fraîches. Cette région de la Nouvelle-Écosse accueille probablement les producteurs de pommes les plus robustes de l'Amérique du Nord sur le plan du rendement, puisque nous faisons un travail remarquable dans la culture de la pomme Honeycrisp. Son prix est élevé, si bien que tous les producteurs locaux ont converti leur production au profit de cette variété.
À vrai dire, nous utilisons les pommes imparfaites issues de cette production. En moyenne, environ 20 % de nos produits proviennent des éplucheuses, mais la majorité sont des fruits frais. C'est vraiment à ce chapitre que nous nous sommes associés à des établissements d'emballage et à des producteurs. Ces fruits imparfaits sont utilisés. Tout le monde y gagne dans cette zone de production locale, étant donné que nous donnons un prix acceptable aux transformateurs, et qu'ils obtiennent un prix élevé pour la majeure partie de leur récolte.
Par le passé, le gouvernement a déjà appuyé des programmes de planification pour la transformation des pommes. C'est une chose dont nous aurons peut-être besoin à l'avenir pour nous aider à accroître ce volet de l'industrie, qui n'est pas avantageux sur le plan économique pour les producteurs.
J’aimerais faire quelques commentaires à l’intention des nouveaux témoins.
Avant de parler, veuillez attendre que je dise votre nom. Lorsque vous êtes prêt à parler, vous pouvez cliquer sur l’icône du microphone pour activer votre micro. Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés par l’intermédiaire de la présidence. Dans le cadre de cette vidéoconférence, l’interprétation fonctionnera à peu près comme dans une réunion de comité régulière. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre « parquet », « anglais » ou « français ».
[Français]
Lorsque vous parlez, exprimez-vous clairement et lentement. Lorsque vous n'avez pas la parole, mettez votre micro en sourdine.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins.
[Traduction]
De Pork Nova Scotia, nous accueillons Mme Margaret Lamb, présidente.
Madame Lamb, bienvenue à notre comité.
[Français]
De chez Benny & Co., nous recevons M. Nicolas Filiatrault, vice-président, Finances et administration.
Soyez le bienvenu, monsieur Filiatrault.
Vous aurez sept minutes et demie chacun pour prononcer vos allocutions.
[Traduction]
Nous allons commencer par le témoignage de Mme Lamb.
:
Monsieur le président, madame la vice-présidente, monsieur le vice-président, distingués membres du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire et autres invités, au nom de Pork Nova Scotia, je voudrais vous remercier de m’avoir invitée à vous entretenir sur la capacité de transformation de l'industrie porcine de la Nouvelle-Écosse.
Je m’appelle Margie Lamb. Mon défunt mari et moi avions une exploitation de naissage-finition de 150 truies, que je suis en train de vendre par le truchement d'un contrat d'actions.
En plus d'avoir cultivé des céréales et élevé des porcs à la fin des années 1990, nous avons commencé à mettre au point des produits à valeur ajoutée que nous vendions à la ferme. Puis nous avons intégré le commerce de gros et la restauration à nos activités. Lorsque mon mari est tombé malade, j’ai pris sa place au sein du conseil du porc et j’en suis éventuellement devenue la présidente. C’est à ce titre que je vous parle aujourd’hui.
Avant la mort de Jim, notre ferme a subi nombre de transformations en raison des pressions économiques qui se sont exercées sur le secteur. Tous les producteurs ont eu à faire face aux mêmes problèmes financiers découlant de l'obligation de vendre leur production sur un marché ouvert. L'aspect le plus problématique de cette situation est le fait que les prix sont fixés chaque semaine en fonction des prix du porc américain, souvent avec de grandes fluctuations et souvent en dessous du coût de production.
Au fil des ans, les effets conjugués des coûts élevés des céréales et des aliments pour animaux, de la vigueur du dollar américain, de la surabondance de porc sur le marché mondial, des problèmes liés aux maladies, de la perte d’infrastructures comme les provenderies et de la délocalisation des usines de transformation — et, dans notre cas particulier, l’incendie d’une grange — ont poussé beaucoup d’éleveurs à quitter le secteur.
En l’absence d'un flux de trésorerie régulier et assuré, la capacité d’emprunter auprès des banques, de Financement agricole Canada ou des Farm Loan Boards de ce monde est souvent limitée, lorsque les demandes ne sont pas carrément refusées.
Dans les années 1970, le gouvernement a encouragé la production de porc. Le programme d’aide au transport des aliments pour animaux, qui était considéré comme une grande aide pour soutenir l’industrie, a été interrompu le 1er juillet 1995.
Au fil des ans, Pork Nova Scotia a assisté à l'effritement d'une industrie qui comptait 225 fermes actives et produisait plus de 200 000 porcs de marché. Il y a maintenant 8 producteurs de taille industrielle qui commercialisent 8 500 porcs de marché par an, dont 25 % sont expédiés au Québec aux fins de transformation. Le plus grand déclin de l’industrie s’est produit entre 2006 et 2009.
Trois des huit producteurs expédient entre 55 000 et 60 000 porcelets sevrés en isolement vers les fermes du Québec et de l’Ontario aux fins d'élevage, ce qui représente 98 % des porcelets nés en Nouvelle-Écosse. Ce secteur a failli s’effondrer l’été dernier en raison de la COVID-19.
Dans les années 1990, tous les porcs commerciaux étaient expédiés par l’intermédiaire de l’office de commercialisation. La plupart ont été expédiés à l'intérieur de la province vers l’une des quatre usines de la Nouvelle-Écosse qui disposaient d’un abattoir et d’une capacité de transformation supérieure.
Actuellement, entre 3 et 4 % de la viande de porc vendue en Nouvelle-Écosse est produite localement. Sur ce total, 97 à 98 % sont fournis par ma ferme et par un autre producteur. Même au plus fort de sa production, la Nouvelle-Écosse ne produisait que 65 % de la viande de porc consommée sur son territoire, ce qui en faisait une importatrice de viande de porc.
En raison de la nature de l’industrie porcine, les grands transformateurs qui ont acheté des usines dans la région ont consolidé et déplacé leurs activités, tandis que d’autres ont fermé leurs services d’abattage. Un abattoir inspecté par le gouvernement fédéral est nécessaire. Ce n'est certes pas quelque chose qui serait peu coûteux, et la rentabilité d'une telle usine ne serait pas au rendez-vous dans les débuts, mais c’est l’infrastructure essentielle qu'il faut aux producteurs pour qu'ils puissent augmenter l'offre et être rentables.
Les prêts à long terme et à faible taux d’intérêt de la part des banques et des organismes gouvernementaux se sont aussi faits timides, tout comme les investissements de l’industrie connexe susceptibles d'aider les petites installations inspectées par le gouvernement fédéral à atteindre une production de taille suffisante pour les marchés. À l'heure actuelle, pour établir la faisabilité d'un projet, les programmes gouvernementaux se basent principalement sur des projections obtenues à partir d'une feuille de calcul.
Comprenez-moi bien. Lorsque quelque chose est voué à l'échec, il faut savoir s'amender. Cependant, si l'on utilise uniquement des projections financières pour voir dans l’avenir, il faut être conscients qu'elles ne disent pas tout. Si c’était le cas, mon mari et moi aurions dû faire faillite 30 fois au cours des 30 dernières années. Ce que nous avons fait, c’est que nous avons changé. Nous ne nous sommes pas agrandis. Le nombre de porcs que nous produisons est plus modeste, mais le nombre d'employés qui travaillent pour nous a été multiplié par 12.
Le gouvernement provincial a soutenu la modernisation des abattoirs provinciaux, ce qui a permis d’éliminer certains des problèmes immédiats ainsi que les inquiétudes sérieuses qui planaient quant à l’effondrement de l'industrie. Les travaux réalisés au cours des quatre dernières années sur les plans d’affaires et de marketing visant l'obtention de fonds pour un abattoir inspecté par le gouvernement fédéral — sans toutefois mettre en péril les abattoirs actuels — ont permis de constater que 12 des 22 abattoirs provinciaux de la Nouvelle-Écosse transforment de la viande rouge. Or, tous ces abattoirs acceptent des espèces mixtes, connaissent des pics de demande saisonnière et tournent à plein régime. Présentement, il y a aussi 90 installations d'arrière-cours qui opèrent selon les principes de l’économie monétaire.
Des investissements stratégiques et l’accès à des abattoirs inspectés par le gouvernement fédéral permettraient de stabiliser, de maintenir et d’accroître notre production porcine. Cela nous donnerait en outre accès à diverses possibilités de marché et nous permettrait de mettre en place et de soutenir les politiques et les mandats du gouvernement.
De quoi disposons-nous dans la province et la région pour soutenir les abattoirs fédéraux? Nous avons accès aux porcs et aux producteurs qui souhaitent revenir à des animaux de marché ou augmenter leur production, voire les deux.
Il y a huit transformateurs à valeur ajoutée, auxquels il faut ajouter les petits et moyens transformateurs. Parmi eux, je suis le seul à élever les porcs que je transforme. La plupart des autres transformateurs dépendent de viandes importées.
Il existe un très fort mouvement d’achat local.
L’inspection fédérale est indispensable, car elle permet l’exportation, la vente dans les installations de transformation existantes et chez les grands détaillants ainsi qu'un accès à la vente aux institutions gouvernementales.
Des initiatives environnementales peuvent être envisagées lorsque les abattoirs sont situés plus près des lieux de production. L’empreinte carbone du porc de la Nouvelle-Écosse et des Maritimes serait réduite. Moins de porcs seraient exportés. Il faut 800 litres de carburant pour aller au Québec et en revenir. Moins de viande serait importée dans les Maritimes pour la transformation et la consommation.
En matière de nourriture, le manque et la rareté provoqueront de la panique au sein de la population. Ici, en Nouvelle-Écosse, le marais de Tantramar est de plus en plus menacé de se rompre. Dans notre province, il n’y a qu’un point de passage pour le transport par trains et par camions de nourriture destinés à la consommation humaine, d'aliments pour animaux, de carburant et de marchandises. Actuellement, la province dispose d'un approvisionnement en nourriture couvrant un maximum de trois jours.
Les avantages additionnels découlant de ces installations seraient une souveraineté alimentaire accrue, la création d’emplois et le développement rural. Cela nous permettrait en outre de respecter les obligations et politiques alimentaires fixées le 26 septembre 2017, qui stipulent qu’il faut soutenir la prochaine génération d’agriculteurs en promouvant la diversité quant aux pratiques et à la taille des exploitations, ainsi que le droit à l’alimentation, ratifié en 1976.
Cela aura aussi une incidence sur le bien-être et le transport des animaux, puisque les distances à parcourir seront réduites, ce qui se traduira par une diminution du stress pour notre bétail ainsi que par un meilleur contrôle de l'atténuation et de la correction des effets de situations imprévisibles telles que les tempêtes, les pannes et les ralentissements aux points de contrôle — ce que nous avons vu durant cette pandémie. Un transport plus court permettra de mieux respecter la nouvelle réglementation sur le traitement des animaux.
En conclusion, je dirai que le temps presse depuis 20 ans dans ma province. Ce ne sont pas des PDG qui font marcher les exploitations familiales. Ce qui les fait marcher, c'est du sang, de la sueur et de l’intégrité; s'il y a une chose que 99 % des agriculteurs sont disposés à faire — et à le faire aussi longtemps qu'ils vivront —, c'est d'honorer leurs engagements. Vos fermes sont comme vos maisons: ce n’est pas un lieu de travail, mais un milieu de vie.
Enfin, à mon avis, les projets étudiés depuis des années se sont traduits par de l'inaction et de la procrastination, et ces deux résultats ont coûté très cher. Nous avons vu 500 000 $ d’études sans résultat. Quoi que vous fassiez en tant que dirigeants, une partie de la population ne sera jamais d’accord avec ce que vous faites. Or, pour certains d’entre nous et pour nos familles qui suivront, vos recommandations de soutien font toute la différence.
Merci de nous avoir accordé votre temps.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les députés, membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire, je tiens tout d'abord à vous remercier de votre invitation.
Je me nomme Nicolas Filiatrault, et je suis vice-président des finances et de l'administration de la chaîne de rôtisseries Benny & Co. C'est avec plaisir que je suis avec vous aujourd'hui dans le cadre de l'étude du Comité sur la capacité de transformation.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de vous présenter notre entreprise. Fondée en 1960, Benny & Co. est une entreprise familiale de troisième génération qui a su se tailler une place de choix dans une industrie très concurrentielle, en donnant priorité à un modèle d'affaires qui mise avant tout sur l'achat local. Toujours détenue à 100 % par les membres de la famille Benny, la chaîne emploie aujourd'hui plus de 1 800 personnes, dont 36 sont des membres de la famille. Ces 10 dernières années, l'entreprise a connu une croissance importante, passant de 12 à 64 restaurants, dont deux en Ontario, et elle a connu une augmentation de son chiffre d'affaires de 670 %. Aujourd'hui, Benny & Co. vend plus de 10 millions de repas de poulet rôti par année.
Dans le cadre de nos opérations, nous achetons plus de 4 millions de kilogrammes de poulet québécois par année, ce qui représente environ 50 000 poulets par semaine. Chaque année, l'entreprise achète également 500 000 kilogrammes de poulet de seconde transformation entièrement canadien pour approvisionner ses rôtisseries, de même que 100 000 kilogrammes de porc. Notre chaîne de rôtisseries mise sur la qualité et la proximité des produits, l'approvisionnement local faisant partie intégrante du développement de l'entreprise.
En ce début de l'année 2021, 85 % des produits achetés proviennent du Québec. Lorsqu'on ajoute à ce chiffre les produits canadiens comme les pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard et les emballages, l'approvisionnement au Canada représente plus de 90 % des achats totaux de la chaîne.
Comme je viens de le mentionner, en tant qu'importants acheteurs de volaille depuis plus de 50 ans, nous sommes donc extrêmement bien placés pour observer les avantages et les inconvénients de la gestion de l'offre dans l'industrie du poulet. Nous désirons d'emblée reconnaître que, pour les éleveurs de volaille, ce modèle comporte de nombreux avantages, notamment car ils sont assurés d'écouler leur production à un prix juste et constant.
Toutefois, Benny & Co. croit que le principe de la gestion de l'offre ne devrait pas s'étendre aux usines de transformation et aux abattoirs grâce au volume d'approvisionnement garanti, puisque cela entraîne un coût supplémentaire pour les acheteurs, principalement ceux du secteur de la restauration. En effet, selon nous, le mode de gestion actuel pour l'attribution des quotas d'abattage limite la concurrence, l'innovation et la traçabilité des produits.
Depuis l'instauration des volumes d'approvisionnement garanti en 1994, Benny & Co. a été témoin de changements majeurs qu'ils ont engendrés dans le secteur de la transformation. Lorsque cette mesure a été instaurée, elle visait à assurer un volume d'approvisionnement aux abattoirs de toute taille, ce qui semble logique à première vue. Malheureusement, depuis ce temps, de nombreux abattoirs de petite taille ont fermé leurs portes ou ont été rachetés par les deux plus importants acteurs de l'industrie au Québec, ce qui a créé un quasi-monopole de plus de 95 % du marché en matière de transformation de la volaille au Québec.
Comme dans tout secteur en situation de quasi-monopole, le manque de compétitivité dans le marché de la transformation de la volaille affecte négativement les acheteurs, dont Benny & Co. Effectivement, le système de volume d'approvisionnement complique grandement l'accès à des quotas d'abattage. En ce sens, inverser cette tendance simple est presque impossible sans l'intervention des législateurs et des autorités réglementaires. Benny & Co. croit effectivement qu'il est primordial d'encourager l'apparition d'abattoirs de taille moyenne. En favorisant une saine concurrence, on encourage l'innovation, et on diminue surtout le risque de bris dans la chaîne d'approvisionnement.
Imaginons un instant qu'en raison de la pandémie et d'éclosions de la COVID-19, les quelques gros abattoirs du Québec soient dans l'obligation de diminuer ou d'arrêter leurs opérations. Cela aurait des effets catastrophiques sur les acheteurs de poulet comme Benny & Co. Plusieurs fois cette année, notre équipe d'approvisionnement a d'ailleurs dû travailler extrêmement fort pour s'assurer un approvisionnement nous permettant tout simplement de faire fonctionner nos rôtisseries.
L'absence de compétitivité dans le secteur de la transformation de la volaille a également fait ressurgir un enjeu de taille pour Benny & Co., soit celui de la traçabilité du poulet. En effet, pour notre entreprise, être en mesure de déterminer l'origine du poulet est essentiel, puisque cela nous permet de nous assurer de la qualité de notre matière première. Lorsque le poulet entre chez le transformateur, on perd sa trace. L'acheteur ne peut pas choisir ses éleveurs ou savoir d'où provient le poulet en question.
Certes, nous savons que le poulet acheté provient du Québec, mais certaines différences sur le plan de la nourriture ou de la méthode d'élevage du poulet ont une influence considérable sur la qualité du produit vendu aux consommateurs. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, il est faux de croire que tous les éleveurs québécois ou canadiens fournissent exactement la même qualité de poulet.
Pour Benny & Co. et plusieurs entreprises similaires, la disparition progressive des petits et moyens abattoirs a causé la rupture du lien avec les éleveurs.
Effectivement, à l'époque où les petits et moyens abattoirs fonctionnaient à plus grande échelle, Benny & Co. avait la possibilité de choisir les éleveurs qui l'approvisionnaient. À grande échelle, dans de gros abattoirs, être en mesure d'assurer la traçabilité représente une contrainte opérationnelle supplémentaire, ce n'est donc évidemment pas une option pour eux.
Afin d'offrir une qualité de produit exceptionnelle, Benny & Co. sélectionne avec soin tous les producteurs locaux avec lesquels l'entreprise est partenaire pour l'achat de la laitue ou du chou, par exemple. Toutefois, cela est impossible pour le poulet, le produit le plus important au menu de Benny & Co., en raison du refus de ces mêmes grands abattoirs.
Quant à la question de la seconde transformation, on remarque également une importante consolidation du marché. Dans ce cas, il n'y a pas de barrière à l'entrée, mais en raison de l'intégration verticale de la chaîne de production, les deux mêmes grands acteurs se retrouvent avec une part très importante du marché. Cette situation nuit à l'innovation dans un secteur regorgeant pourtant d'occasions, alors qu'il y a une augmentation de la demande sur le marché de la restauration et celui du commerce de détail.
En terminant, Benny & Co. encourage les législateurs à mettre en place des mesures favorisant la compétitivité. Selon nous, il faut cesser de protéger les grands acteurs, qui n'ont pas besoin de soutien ou de protections supplémentaires. Nous croyons que c'est de cette façon que la compétitivité et l'innovation dans le secteur de la transformation des produits reprendront de l'importance. La chaîne d'approvisionnement canadienne en volaille s'en retrouvera grandement sécurisée et, du même coup, elle sera plus performante.
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