Bienvenue à la 15e séance du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 24 octobre 2020, le Comité reprend son étude de la capacité de transformation.
[Français]
Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais vous faire part de certaines règles.
Les députés et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont disponibles pour cette réunion. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Dans la dernière version de Zoom, vous pouvez désormais parler dans la langue de votre choix sans avoir à sélectionner le canal linguistique correspondant.
Vous remarquerez également que la fonction « lever la main » de la plateforme est désormais plus facilement accessible sur la barre d'outils principale, si vous souhaitez prendre la parole ou alerter le président. Si cette option ne fonctionne pas, je suggère aux députés et aux témoins qui souhaitent intervenir d'allumer leur caméra et de lever la main physiquement. La greffière du Comité établira la liste des députés et des témoins qui souhaitent prendre la parole.
Je demanderais aux membres du Comité participant en personne de procéder comme d'habitude. Je crois que je n'ai pas besoin de fournir plus d'explications, car il n'y a personne dans la salle.
Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur le microphone pour désactiver le mode sourdine. Les microphones des participants qui se trouvent dans la salle seront comme d'habitude contrôlés par l'agent des délibérations.
Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
Lorsque vous n'avez pas la parole, mettez votre microphone en mode sourdine.
[Traduction]
Bienvenue aux témoins du premier groupe.
Nous accueillons M. Al Mussell, chercheur principal d'Agri-Food Economic Systems.
Bienvenue, monsieur Mussell.
Du Conseil de l'innovation agroalimentaire, nous accueillons M. Serge Buy, directeur général.
Bienvenue à vous, monsieur Buy.
Sur ce, nous allons commencer par les déclarations liminaires.
Ce sera d'abord M. Mussell, d'Agri-Food Economic Systems. Monsieur Mussell, vous avez la parole pour sept minutes et demie.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je suis heureux de comparaître cet après-midi pour vous faire part de mes réflexions de chercheur indépendant sur l'agriculture et l'alimentation au Canada.
Notre pays est très fier de son système agroalimentaire et de la façon dont il se comporte. Notre point de départ est une position de force, et les difficultés dont je vais parler ont un envers: les possibilités qui s'offrent au Canada. C'est par cet important constat que j'amorce mon intervention.
Je vais dire un mot d'un certain nombre de défis immédiats et concrets liés à la transformation des aliments au Canada. Ce sont là les difficultés d'aujourd'hui, qui ont une incidence sur le maintien de la capacité actuelle de transformation. Il y a aussi des défis à venir dont nous commençons à peine à prendre conscience. De plus en plus, l'éventail complet des problèmes qui surgissent dans le secteur de la transformation des aliments au Canada est tel qu'il ne se prête pas à une solution stable ni durable. Le contexte est plus instable et il faudra un effort soutenu et plus large dans ce secteur d'activité.
En 2013, Statistique Canada a cessé de publier la plupart des données sur le stock de capital en production alimentaire. De plus en plus, notre information se résume aux annonces publiques des entreprises qui investissent dans de nouvelles usines. Ce n'est pas là une source cohérente ni satisfaisante d'information sur l'investissement, l'infrastructure et la capacité de transformation.
L'échelle de production, en transformation des aliments au Canada, est limitée par un certain nombre de contraintes. Du point de vue des marques de produits et de la commercialisation des aliments, le Canada est un petit marché, mais du point de vue géographique et de la distribution des produits, il s'agit d'un très vaste territoire, si bien qu'il faut parfois, pour assurer la fraîcheur des produits et la distribution, multiplier les installations de taille relativement petite un peu partout dans le pays.
Le marché canadien est également fragmenté à l'échelle provinciale parce que la commercialisation des produits agricoles relève des provinces, aux termes de l'article 121 de la Loi constitutionnelle. En fait, la plateforme par laquelle de nombreux transformateurs achètent des produits agricoles pour la transformation est de structure provinciale, tandis que leurs principaux clients, les chaînes d'épicerie et les distributeurs de services alimentaires, fonctionnent à l'échelle nationale.
Le Comité connaît très bien, nul doute, les problèmes de recrutement et de maintien en emploi de travailleurs pour répondre aux besoins du secteur agroalimentaire. Le secteur de la transformation éprouve les mêmes. Alors que la logique économique aurait exigé que les usines de transformation s'implantent en zone rurale, près de la source des produits agricoles destinés à la transformation, elles se rapprochent des grands centres urbains, car l'accès à la main-d'œuvre nécessaire devient un facteur clé.
Depuis quelques années, les tendances et les prévisions documentées par Emploi et Développement social Canada font ressortir, dans les études et la formation, une préférence pour les carrières professionnelles, ce qui risque de laisser notre secteur aux prises avec une pénurie.
Un fait récent et troublant est l'affaiblissement des institutions commerciales mondiales et une évolution vers le bilatéralisme dans l'intérêt des grandes économies qui ont un poids économique suffisant pour se servir du commerce comme levier. Les produits agroalimentaires sont souvent utilisés pour exercer des représailles dans les différends commerciaux, et le préjudice qui en résulte intensifie la demande de soutiens agricoles.
Par exemple, les États-Unis ont mis en place à répétition des subventions agricoles ponctuelles très importantes depuis 2018. Ils soutiennent la production américaine et avantagent les transformateurs d'aliments américains. De plus, le soutien s'applique également à l'aménagement d'usines de transformation. Par exemple, dans une annonce récente, un soutien municipal de plus d'un million de dollars américains a été accordé pour l'aménagement d'une usine de transformation de la volaille en Alabama.
Il y a aussi de plus en plus de difficultés techniques liées à l'exportation d'aliments. La pandémie les a exacerbées. Par exemple, les exportations vers la Chine ont récemment fait l'objet d'inspections des emballages pour dépistage du virus de la COVID-19. Cela a entraîné la suspension par la Chine d'exportateurs d'un certain nombre de pays, dont le Canada. La Chine a également invité les pays à désinscrire eux-mêmes des usines où il y a eu des cas de COVID-19 chez les employés, mais la marche à suivre pour se faire réinscrire comme exportateur vers la Chine n'est pas claire. La radiation par la Chine selon l'une ou l'autre de ces dispositions pourrait être un coup dur pour un transformateur alimentaire qui a utilisé un mécanisme de levier pour exporter.
Sur le marché intérieur, les transformateurs ont une clientèle très concentrée de détaillants et de distributeurs de services alimentaires. En soi, c'est préoccupant, car la perte du compte d'un seul détaillant peut être une catastrophe. De plus, les relations, dans la chaîne d'approvisionnement, entre les fournisseurs et les détaillants en alimentation sont de plus en plus perçues comme tendues, avec des préoccupations au sujet des frais imposés de force et arbitrairement par les détaillants et les transformateurs, et les exigences faites aux transformateurs qui augmentent généralement l'incertitude et l'inefficacité dans la chaîne d'approvisionnement. Ce sujet a fait l'objet de nombreuses discussions à la dernière conférence fédérale-provinciale des ministres de l'Agriculture.
Le relèvement constant de la barre pour tous les aspects de la qualité et de la salubrité des aliments et la facilitation de l'innovation sont dans l'intérêt de tous. Toutefois, la réglementation, par son caractère public et sa nature, peut nuire à cette évolution si elle pèche par excès de prudence, alourdit les coûts ou suscite de l'incertitude. La réglementation doit s'appuyer sur des analyses, des consultations et des ressources appropriées, et des frais excessifs pour l'approbation réglementaire peuvent constituer un obstacle au lancement de nouveaux produits.
Les taxes sur le carbone sont reconnues comme l'instrument le plus efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais l'ampleur de ces coûts pour le système alimentaire donne matière à réflexion. En l'absence d'une certaine rationalisation du partage de ces coûts, on craint qu'ils ne finissent par être attribués par le jeu du pouvoir de négociation dans les chaînes d'approvisionnement, et que les coûts ne retombent sur les segments de la transformation des aliments et de la production primaire.
Nous avons du mal à comprendre comment l'adversité économique au Canada se fragmente entre tous les segments de notre société, mais les effets sont pires dans les provinces des Prairies, dont l'économie est le plus étroitement liée à l'énergie. Il faut remplacer les emplois perdus et rétablir la croissance économique dans ces provinces. L'agriculture et l'alimentation sont un moyen d'y parvenir, et les investissements dans la transformation des aliments sont un élément clé. J'espère que le nouveau développement économique dans la transformation des aliments au Canada pourra se faire en fonction de la compétitivité et de l'efficacité, mais le contexte est propice à de dangereuses rivalités économiques entre provinces.
J'ai quelques recommandations à formuler.
L'élaboration de politiques fondées sur des données probantes exige des données de qualité. Il faut améliorer la collecte de statistiques publiques sur le stock de capital pour la transformation des aliments au Canada, et prévoir les ressources nécessaires pour analyser les données et interpréter les résultats.
Bon nombre des défis que j'ai fait ressortir se résument à des inefficacités dans les chaînes d'approvisionnement alimentaire. Comprendre les causes et les coûts des inefficacités, savoir qui est touché, cela peut aider à trouver des solutions et à éliminer les obstacles à l'investissement dans la transformation des aliments.
Grâce à des investissements dans la recherche-développement en technologie, le Canada peut redoubler d'efforts pour faciliter l'amélioration de l'efficacité à plus petite échelle et régler certains des problèmes liés à la main-d’œuvre dans la transformation des aliments.
Il faut poursuivre le travail sur la façon dont le Canada aborde la réglementation du système alimentaire et sur l'apport de ressources publiques pour appuyer une réglementation efficace pour tous.
L'accès aux marchés d'exportation, ainsi qu'aux importations, est fondamentalement dans l'intérêt des transformateurs d'aliments. Le Canada doit continuer d'exercer des pressions pour rétablir et élargir le système commercial fondé sur des règles. De même, le Canada devrait explorer des approches du commerce des aliments transformés qui tiennent compte des grandes priorités, notamment les changements climatiques et la distribution des aliments transformés ayant une empreinte carbone réduite, avec des mesures de protection aux frontières fondées sur l'empreinte carbone des importations. En fait, s'il néglige ce point, le Canada pourrait prendre du retard.
Les investissements dans la transformation des aliments peuvent être un important moteur de développement économique régional et contribuer à la relance de l'économie. Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour faciliter la reprise grâce à des investissements dans la transformation des aliments, mais d'une manière coordonnée qui évite les pièges de la rivalité entre les provinces.
Il est essentiel de prendre conscience de nos contraintes en matière de transformation des aliments et de nous attaquer à ces problèmes si nous voulons poursuivre les objectifs définis dans le rapport Barton et, plus fondamentalement, faire en sorte que l'agroalimentaire canadien joue le rôle dont il est capable dans le développement économique et l'amélioration de la sécurité alimentaire, et puisse être un fournisseur d'aliments résilient dans le monde.
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Merci, monsieur Finnigan.
Bonjour, et merci de donner au Conseil de l'innovation agroalimentaire l'occasion de formuler des recommandations dans le cadre de votre étude sur la capacité de transformation au Canada.
Le Conseil de l'innovation agroalimentaire existe depuis 1920. C'est une voix unificatrice pour la recherche et l'innovation dans notre pays. Il regroupe des centres de recherche, des facultés universitaires, des groupes de producteurs, des entités gouvernementales ainsi que de grandes, moyennes et petites entreprises. Tous participent à la recherche et à l'innovation en agroalimentaire.
Certains de ces membres sont situés dans vos circonscriptions, comme celle de M. Steinley, Regina—Lewvan, avec Protein Industries Canada et Financement agricole Canada, tandis que d'autres ont divers liens grâce à la recherche et à l'innovation en agroalimentaire, comme les centres de recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui se trouvent dans les circonscriptions de Mme Bessette et de M. Blois.
La pandémie de COVID-19 a amené les Canadiens à s'inquiéter de la salubrité et de la sécurité alimentaires. Pour certains consommateurs, c'était la première fois de leur vie qu'ils allaient à l'épicerie et n'arrivaient pas à trouver les produits qu'ils avaient l'habitude d'acheter. Les problèmes de capacité de transformation que nous connaissons ne disparaîtront pas à la fin de la pandémie. Nous avons besoin de mesures mûrement réfléchies dès maintenant.
Le Conseil de l'innovation agroalimentaire voudrait présenter des recommandations concrètes qui, à notre avis, sont des solutions réalistes à certains des problèmes actuels. Nous avons consulté nos membres pour préparer cet exposé et formuler nos recommandations, et nous tenons à les remercier de leur apport.
Je tiens aussi à remercier les agriculteurs, les travailleurs des usines de fabrication et de transformation d'aliments et de boissons, les distributeurs, les détaillants et les employés des services alimentaires. Quitte à prendre des risques pour eux-mêmes, ils ont permis aux Canadiens de continuer à nourrir leur famille.
Permettez-moi de présenter nos recommandations.
Nous recommandons d'abord que le gouvernement crée un programme de financement pour faciliter l'adoption de technologies d'automatisation pour les producteurs d'aliments et de boissons ainsi que pour les usines de transformation.
Comme l'ont souligné Aliments et boissons Canada et le Conseil de la transformation alimentaire du Québec dans des mémoires déjà présentés au Comité, l'automatisation dans la production d'aliments et de boissons aiderait à réduire les risques pour nos systèmes alimentaires. Mme Andrea Brocklebank, du Beef Cattle Research Council, l'un de nos membres, a également proposé de recourir davantage à l'automatisation pour accomplir les tâches répétitives dans les usines de transformation, ce qui non seulement accroîtrait l'efficacité, mais réduirait aussi les risques de blessure chez les travailleurs et faciliterait la transition de la main-d'œuvre vers des emplois à valeur ajoutée.
À nos yeux, le manque de capitaux est l'un des principaux obstacles à l'adoption de nouvelles technologies pour la production d'aliments et de boissons. Le gouvernement a un rôle à jouer à ce propos. Jetons un coup d'oeil aux informations d'aujourd'hui. Le gouvernement a annoncé qu'il avait conclu une entente pour fabriquer des vaccins au Canada. Il finance de nouvelles installations. C'est fantastique. Cela montre que le gouvernement estime avoir un rôle à jouer pour nous rendre plus indépendants dans l'approvisionnement en vaccins.
Il faut pouvoir offrir ce type de soutien aux usines de production et de transformation d'aliments et de boissons. Cette aide renforcera notre sécurité alimentaire. L'élaboration d'un programme de financement visant à faciliter l'adoption de technologies pour les fabricants et les usines de transformation aiderait grandement les entreprises à faire les investissements en capital importants qui sont nécessaires. Avec raison, les Canadiens considèrent la sécurité alimentaire comme un enjeu crucial. Une automatisation plus poussée dans la production d'aliments et de boissons ainsi que dans les usines de transformation serait utile.
Le Canada est un pays d'innovation, mais nous avons constaté un fossé de plus en plus profond entre recherche et commercialisation. Les incubateurs et les accélérateurs dans le secteur agroalimentaire, comme Creative Destruction Lab, Bioenterprise et le Saskatchewan Food Industry Development Centre, peuvent offrir aux entreprises en démarrage des conseils, des liens intersectoriels, du mentorat et un accès au capital et au financement. Ce qui m'amène à mon prochain point: les incubateurs.
Notre deuxième recommandation est la suivante: que le gouvernement fédéral encourage l'expansion des incubateurs et des accélérateurs afin de stimuler l'entrepreneuriat dans le secteur agroalimentaire.
Les incubateurs jouent un rôle important dans le rapprochement entre la recherche agricole et d'autres secteurs clés, comme Paul Hoekstra, de Grain Farmers of Ontario, l'a fait remarquer au Conseil. C'est pourquoi ils sont importants et le gouvernement devrait les appuyer.
En novembre et en décembre, le Conseil a tenu une série de vidéoconférences sur le climat de l'investissement dans la recherche et l'innovation agroalimentaires. Nous avons entendu un certain nombre d'exposés d'organisations, entreprises et sources de financement canadiennes et même d'organisations internationales, ce qui nous a aidés à établir des points de comparaison pour le Canada.
Le secteur de la recherche et de l'innovation agroalimentaires est mal desservi sur le plan des investissements privés.
Comme M. Dave Smardon, de Bioenterprise, l'a dit lors de notre vidéoconférence, essayer d'aider les entreprises agroalimentaires à trouver des capitaux pour des activités comme des démonstrations à l'échelle pilote est actuellement un défi important. Il s'agit en partie d'une question de perception et de connaissance limitée des possibilités offertes.
Mme Kelley Fitzpatrick, de NutriScience Solutions, au Manitoba, a fait remarquer que, si le financement gouvernemental est généralement efficace pour financer la recherche, on pourrait en faire davantage pour appuyer les entreprises agroalimentaires qui cherchent à commercialiser des produits et des procédés novateurs.
Mes deux dernières recommandations font suite à mes observations précédentes. Premièrement, le gouvernement doit collaborer avec l'industrie pour attirer des investissements privés dans la recherche et l'innovation agroalimentaires en faisant la promotion des possibilités, en faisant connaître les réussites et en proposant des incitatifs à l'investissement. Ensuite, le gouvernement devrait, en rendant admissibles les coûts en capital, élargir l'offre du PARI du CNRC aux PME qui cherchent à commercialiser leurs innovations.
Il n'y a pas si longtemps, en décembre 2017, dans un rapport sur la croissance économique du Canada, Dominic Barton a souligné que l'agriculture était un secteur de croissance clé. Il avait raison.
Il ne fait aucun doute que la pandémie a eu de profondes répercussions sur l'ensemble de notre société. Il en découle de nouveaux défis pour notre économie.
Inutile de considérer comme hors de portée les mesures à prendre pour relever les défis. Oui, nous devons agir plus rapidement et plus intelligemment. Oui, nous devons mieux travailler ensemble. Pour donner suite à nos recommandations, il ne faut pas forcément des programmes imposants. Le gouvernement, et c'est tout à son honneur, a apporté plus de changements réglementaires et élaboré plus de nouveaux programmes au cours des 10 derniers mois qu'il ne l'a fait pendant des années. Lorsqu'il y a une crise, notre société relève le défi.
Dans cet exposé et dans le mémoire que vous devriez avoir reçu, j'ai mis en exergue quatre recommandations qui exigent des investissements, mais qui appuieraient la croissance économique pour la reprise ou qui seraient peu coûteuses pour le gouvernement.
Nous serions heureux que le Comité adopte toutes nos recommandations ou même seulement certaines d'entre elles, et nous voudrions également collaborer avec le gouvernement à leur mise en oeuvre.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est un plaisir d'accueillir les deux témoins.
Monsieur Buy, merci beaucoup d'avoir évoqué FAC et PIC, Protein Industries Canada, qui se trouvent ici même, à Regina. J'ai également grandi près du Sud-Ouest de la Saskatchewan et j'ai des membres de ma famille qui ont travaillé à la station de recherche agricole du Canada à Swift Current. Il se fait beaucoup de choses formidables.
Monsieur Mussell, merci beaucoup de votre témoignage.
Ma première question s'adresse à vous, monsieur Buy.
Pourquoi les entreprises agricoles et les producteurs ont-ils des problèmes de liquidités? Nous l'avons entendu de la bouche de quelques témoins, surtout de Qu'Appelle Beef et de Jason Aitken. Les usines de transformation de la viande font face à un gros problème de liquidités. Les exploitants doivent renforcer leur capacité, avoir beaucoup de produits en stock, mais lorsqu'ils les expédient, il leur faut parfois un certain temps avant d'être payés. S'ils doivent attendre le paiement, ils ont vraiment du mal à assurer la transition. Comment régler ce problème?
Deuxièmement, savez-vous si leurs concurrents américains sont aux prises avec le même problème?
Bonjour. Je m’appelle Rob Lipsett et je suis un producteur de bœuf du comté de Grey, en Ontario. Je suis président de Beef Farmers of Ontario. Je suis accompagné aujourd’hui de Richard Horne, directeur exécutif. Je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui.
Bien que la pandémie de COVID-19 ait mis davantage l’accent sur la capacité de transformation, le secteur du bœuf de l’Est du Canada doit faire face depuis un certain temps à des problèmes de capacité en raison de divers facteurs ayant provoqué des goulots d’étranglement périodiques de l’offre, une importante pression à la baisse sur les prix à la ferme et la perte de débouchés commerciaux.
Au cours des cinq dernières années, le taux d’utilisation de la transformation sous inspection fédérale dans l’Est du Canada est passé de 71 % en 2015 à 100 % en 2020. De plus, les chiffres de la transformation provinciale en Ontario ont augmenté d’environ 20 % par rapport à 2019 et aux moyennes sur cinq ans. Certains éleveurs de bovins doivent attendre de quatre à six mois, et dans bien des cas jusqu’à un an, pour que leur bétail soit transformé dans des installations provinciales. CanFax estime que les pénuries de capacité de transformation du bœuf se sont traduites par une perte de revenus de 129 millions de dollars en 2020 pour les agriculteurs de l’Est du Canada.
Pour améliorer la capacité de transformation, nous recommandons quatre domaines d’intervention clés. Il s’agit de faire des investissements stratégiques dans le secteur, de combler les pénuries de main-d’œuvre, de s'attaquer aux différences réglementaires entre le Canada et les États-Unis et de créer des outils permanents pour aider à atténuer les perturbations de la transformation.
D’abord, le gouvernement doit continuer d’investir dans le secteur. Nous devons simplifier les programmes et veiller à ce que les guichets de financement aient suffisamment de marge de manœuvre pour donner aux installations le temps de planifier et d’exécuter. Axer les programmes sur les résultats et cesser de brider les investissements des entreprises dans l'accroissement de la capacité. Les financements devraient être attribués en priorité aux projets qui sont les plus en mesure d’accroître la capacité de production. Une combinaison de financement à frais partagés, de prêts sans intérêt et de prêts non remboursables devrait être offerte pour aider à effectuer des investissements en capital afin de stimuler la production et d’améliorer l’efficacité.
Entre 2008 et 2017, les exportations agricoles du Canada ont augmenté trois fois plus rapidement que la moyenne canadienne. L’an dernier, les exportations de bœuf canadien ont augmenté de 17 % et il y a encore place pour une croissance supplémentaire. La capacité du secteur à maintenir des emplois malgré la COVID-19 confère à l’agriculture une place prioritaire dans la reprise économique. Pour tirer parti des possibilités d’exportation, nous recommandons la création d’un fonds de développement des exportations de l’industrie afin d'appuyer les efforts de diversification des exportations et d'éliminer les obstacles au commerce. Par exemple, le fonds pourrait permettre aux transformateurs de demander un financement de contrepartie à l'appui d'une capacité accrue en matière de sélection des produits admissibles, de modification des interventions en matière de salubrité des aliments pour répondre aux exigences particulières des pays ou d'investissement stratégique visant à stimuler la croissance et à améliorent l’efficacité.
L’accès à la main-d’oeuvre est un autre sujet de préoccupation. Selon une étude réalisée par Compétences Transformation Alimentaire Canada, le secteur de la viande affichait un taux de postes vacants d’environ 13 %, comparativement à d’autres entreprises alimentaires qui affichaient un taux moyen de 2 à 4 %. En Ontario, cela représente environ 2 400 postes vacants et une perte de productivité de 1,2 milliard de dollars. Il nous faut une stratégie nationale pour attirer, former et retenir les travailleurs grâce à des investissements et à du soutien en formation et en éducation. Il faut également recentrer les programmes des travailleurs étrangers sur les programmes permanents. Le projet pilote sur la main-d’œuvre dans le secteur agroalimentaire était une bonne première étape, mais nous devons en faire plus. Il y a des douzaines de pays qui ont beaucoup de travailleurs prêts à venir ici pour occuper les emplois. Il faut créer des voies d’accès pour faciliter cela.
Je vais maintenant céder la parole à M. Horne qui terminera cet exposé.
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Bonjour. Merci, monsieur Lipsett, et merci, monsieur le président.
Une autre question que nous voulions aborder aujourd’hui, qui participe à des défis liés à la capacité de transformation, découle d’un problème commercial persistant avec la Corée du Sud, qui a une incidence négative sur l’intérêt des abattoirs américains pour l’achat de bétail canadien. La Corée du Sud exige que les expéditions du Canada soient interrompues si un autre cas d’ESB était découvert au Canada. Comme les États-Unis ne sont pas soumis à cette exigence, les transformateurs américains — qui feraient autrement concurrence à notre bétail ici au Canada — hésitent à le faire, car ils doivent séparer ces animaux et les transformer pendant des quarts de travail réservés. C’est un coût que la plupart des transformateurs américains ne sont pas prêts à assumer.
Les législateurs canadiens doivent faire pression pour que ce problème avec la Corée du Sud soit résolu et que cette exigence soit levée. Bien que nous préférions toujours que le bétail canadien soit transformé au pays, le problème sud-coréen a réduit l’espace de transformation et la concurrence pour nos bovins.
Nous devons également réviser immédiatement les exigences du Canada en matière d’élimination des matières à risque spécifiées, les MRS. C’est une relique de l’époque de l'encéphalopathie spongiforme bovine ou l’ESB. Les exigences du Canada ont créé pour nos producteurs et nos transformateurs des règles du jeu très inégales entre nous et les Américains, et ces règles ne sont plus appuyées par la science. L’écart de coût actuel entre les deux pays est important. En moyenne, les transformateurs canadiens enlèvent environ 58 kilos de MRS sur les animaux de plus de 30 mois, alors qu'aux États-Unis on ne parle que de 900 grammes environ.
Le Conseil des viandes du Canada estime que cela coûte à notre secteur plus de 30 millions de dollars par année en perte de valeur, et il y a aussi d’autres coûts connexes pour d’autres catégories d’animaux que nous commercialisons ici au pays. La viande perdue lors du retrait de la colonne vertébrale chez les animaux de plus de 30 mois au Canada peut être prélevée aux États-Unis, puis revendue aux consommateurs au Canada, ce qui en plus du coût ajoute à la disparité et au manque d’équité entre les deux systèmes.
Bien que nous soyons heureux de constater que les discussions avec l’ACIA en vue de remédier à cette disparité ont commencé, l’objectif doit être d’harmoniser pleinement nos règles sur les MRS avec celles des États-Unis dès que possible. Cela aura des avantages immédiats pour le secteur canadien.
Enfin, je tiens à souligner la nécessité, en réponse à la COVID-19, de maintenir l’accès aux mêmes genres de programmes de retrait que ceux mis en œuvre cette année dans le cadre d’Agri-relance. Ces programmes aident les agriculteurs à gérer les goulots d’étranglement de l’offre causés par les perturbations de la transformation. Si nous avons besoin de cet outil de nouveau, nous devons nous assurer qu’il sera rapidement accessible cette année. Quand l’usine de Cargill à Guelph a fermé ses portes pendant la période des fêtes, par exemple, en raison des difficultés liées à la COVID-19, nous avons pu rapidement déclencher ce programme, ce qui a été formidable.
Ce type de programme devrait devenir un outil permanent pour aider à atténuer les catastrophes et à réduire la capacité de transformation disponible. Les inondations, les incendies, les épidémies de maladies humaines ou animales et les arrêts de travail pourraient être mieux gérés si nous avions accès à cet outil de façon plus permanente.
Voilà qui conclut nos recommandations. Merci.
Bonjour, monsieur le président et membres du Comité.
Je vous remercie de m’avoir invité aujourd’hui pour discuter des points de vue des transformateurs laitiers sur la capacité de transformation alimentaire de notre pays.
Je suis le président du conseil d’administration de l’Association des transformateurs laitiers du Canada, ainsi que le PDG de la coopérative Aliments Gay Lea. Je suis accompagné aujourd’hui par M. Mathieu Frigon, président et chef de la direction de l’Association des transformateurs laitiers du Canada.
La transformation laitière est la deuxième plus grande industrie de transformation alimentaire au Canada. Elle contribue à plus de 18 milliards de dollars par an au PIB du pays, soutient la production laitière de plus de 10 000 fermes canadiennes et emploie 24 500 Canadiens dans 471 usines à travers le pays.
Pour les transformateurs laitiers, il existe deux domaines clés dans lesquels des améliorations pourraient contribuer au renouvellement de l’industrie de la transformation laitière canadienne afin de rétablir les investissements et de stimuler la croissance. Le premier porte sur les répercussions de l’accès au marché laitier accordé dans le cadre de l’AECG, du PTPGP et de l’ACEUM par l’élaboration d’un programme de compensation pour les transformateurs laitiers. Le second porte sur le traitement inéquitable des fournisseurs par les plus grands détaillants en alimentation au Canada et la création d’un code de conduite pour les détaillants en alimentation pour y remédier.
Comme nous en avons déjà discuté avec ce comité par le passé, l’accès au marché laitier prévu par des accords commerciaux comme l’AECG, le PTPGP et l’ACEUM a créé un climat d’incertitude qui a eu un effet dissuasif sur l’investissement et l’innovation dans la capacité de transformation laitière du Canada. Lorsqu’ils seront pleinement mis en œuvre, l’accès accordé dans le cadre de ces accords représentera environ 10 % du marché canadien, soit environ 300 millions de dollars de pertes annuelles en matière de marge nette. Ceci équivaut à la perte de 15 à 20 fromagers de taille moyenne au Canada. De plus, l’ACEUM impose des restrictions à nos exportations de certains types d’ingrédients laitiers. Depuis la conclusion des négociations de l’AECG en 2013, la transformation laitière est en fait la seule industrie de transformation alimentaire qui affiche une croissance négative du PIB parmi les 10 industries de transformation alimentaire sur lesquelles des données sont collectées par Statistique Canada, et les accords commerciaux y sont pour beaucoup.
Le gouvernement canadien a fait des promesses répétées « d’indemnisation complète et équitable » pour les secteurs soumis à la gestion de l’offre. La semaine dernière, les producteurs laitiers ont commencé à recevoir une indemnisation importante. Notre industrie attend toujours un signe de l’intention du gouvernement d’annoncer des compensations aux transformateurs laitiers pour leurs pertes.
Soutenir la production à la ferme sans prendre de mesures pour soutenir la capacité de transformation n’est pas reconnaître que la gestion de l’offre est un système. Sa viabilité à long terme exige que ses industries de production et de transformation soient en bonne santé et en pleine croissance.
Un programme d’indemnisation des transformateurs laitiers est nécessaire pour garantir que nous continuons à investir dans notre avenir face à l’augmentation des importations et pour garantir que les produits fabriqués au Canada que les consommateurs veulent soient disponibles à l’avenir. Un programme de compensation comprenant des outils tels que des contributions non remboursables pour les investissements et des crédits d’impôt remboursables pourrait améliorer la compétitivité et favoriser les investissements dans la capacité de transformation et la modernisation.
Les indemnisations versées aux transformateurs doivent être considérées non pas comme un simple appui ou de la charité, mais comme un investissement dans la capacité de transformation nationale, les emplois canadiens et la croissance économique.
Je cède maintenant la parole à M. Frigon.
:
Merci, monsieur Barrett.
[Français]
Les pratiques déloyales des plus grands détaillants en alimentation du Canada constituent une autre entrave majeure qui empêche non seulement les transformateurs laitiers, mais aussi l'ensemble de la chaîne de valeur alimentaire d'atteindre leur potentiel.
Les annonces récentes des grands détaillants en alimentation concernant de nouveaux frais pour les fournisseurs ont suscité beaucoup d'attention. Cela fait partie d'un problème beaucoup plus vaste et de longue date qui a réduit les investissements et l'innovation et érode lentement la capacité de transformation alimentaire du Canada.
On estime que les frais, les déductions et les coûts administratifs nécessaires pour simplement mettre les produits en vente au détail ont augmenté deux fois plus vite que les ventes au cours des cinq dernières années. C'est ce qu'on appelle les dépenses de commercialisation, et elles sont nettement plus élevées au Canada que dans d'autres pays. Par exemple, aux États-Unis, les dépenses de commercialisation représentent 18 % des coûts des fournisseurs, alors qu'ici, au Canada, elles représentent environ 28 %.
Cette situation constitue un frein majeur à l'expansion et à la croissance, en particulier pour les petites et moyennes entreprises de transformation alimentaire.
L'argent versé aux grands détaillants en alimentation sous forme de frais, pénalités et déductions arbitraires, c'est de l'argent qui n'est simplement pas réinvesti dans les installations, dans de nouveaux produits et dans la création d'emplois. À long terme, cela pourrait avoir de graves répercussions sur la production alimentaire intérieure du Canada.
Comme l'ont fait remarquer d'autres personnes qui ont fait des présentations devant le Comité, tout cela est rendu possible en raison de la concentration dans le marché de détail alimentaire du Canada. Cinq grands détaillants contrôlent 80 % du marché. À titre de comparaison, le plus grand transformateur alimentaire ne contrôle pas plus de 3 % du volume d'un détaillant donné.
S'il y a une chose que la pandémie a démontrée, c'est l'importance de la résilience des systèmes. En tant que pays, si nous voulons sérieusement améliorer la production locale et rendre notre système agroalimentaire plus résilient, notre chaîne de valeur alimentaire doit être rééquilibrée afin de donner une chance aux fournisseurs alimentaires. Nous pensons que c'est là qu'un code de conduite pour les détaillants en alimentation entre en jeu.
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Je vais commencer, puis je laisserai M. Frigon terminer.
Je n'avais pas tout à fait terminé, et je vous suis très reconnaissant de me permettre d'élaborer davantage.
Tout d'abord, nous ne demandons pas quelque chose qui n'existe nulle part ailleurs. Comme je l'ai mentionné dans le mémoire qui a été présenté, le Royaume-Uni, l'Australie et la Norvège ont également des codes de conduite qui sont facultatifs.
En fait, si vous lisez le rapport du Royaume-Uni, le rapport annuel du vérificateur, vous constaterez que les consommateurs, les détaillants et les transformateurs sont bien servis. Ils ont constaté une diminution nette du prix des aliments sur le marché.
Ce que cela nous permettra de faire en tant que transformateurs, c'est de ne pas être laissés de côté ou coincés par une décision arbitraire.
J'aimerais mettre les choses en contexte. Si l'un de nos détaillants décide qu'il a besoin d'un nouveau système informatique pour son entrepôt, il nous en fait assumer les coûts. Ils nous imputent les coûts de leur modernisation et du réaménagement de leurs magasins. À qui les transformateurs peuvent-ils s'adresser pour récupérer cet argent? Nous ne pouvons pas nous tourner vers ceux-là mêmes qui prélèvent ces droits. Cela a créé une telle incertitude que la notion même de capacité d'investir dans l'innovation est disparue. Toutefois, nous avons besoin de la transformation au Canada pour appuyer nos producteurs.
Je vais céder la parole à...
Je suis désolé.
Dans ma région de la Nouvelle-Écosse, nous avons vu Saputo et Agropur acheter Scotsburn et Farmers Dairy. Il y a eu des fermetures d'usines à Saint John, à Sydney et ailleurs.
Je tiens à dire, pour le compte rendu, et j'espère que cela fait partie de vos discussions avec le gouvernement, que lorsqu'il est question d'indemnisation, nous essayons de consolider et d'améliorer non seulement les installations, ce qui entraîne leur centralisation dans d'autres régions du pays, mais aussi dans les secteurs qui continuent de se situer encore davantage au niveau de l'économie régionale. Cela fait également partie de notre étude.
Puis-je poser des questions sur les contingents tarifaires? Je saisis bien l'importance de l'indemnisation du secteur de la transformation. D'après ce que je comprends, les contingents tarifaires sont également accordés aux transformateurs, ou à certains de vos membres, le prix réel des intrants de vos produits transformés étant peut-être inférieur au prix moyen des produits soumis à la gestion de l'offre au Canada. C'est une forme d'indemnisation.
Est-ce utile et est-ce que cela est reconnu dans l'industrie comme une forme de soutien, même si ce n'est pas exactement ce que vous demandez ici aujourd'hui?