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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 006 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 19 novembre 2020

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Français]

     Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue à la sixième réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.

[Traduction]

    Conformément à l'ordre de renvoi du 22 octobre 2020, le Comité va étudier les vulnérabilités créées et exacerbées par la pandémie de COVID-19 dans les régions en crise et touchées par les conflits.
    La réunion d'aujourd'hui se déroulera dans un format hybride, et c'est aussi la deuxième séance dans le cadre du projet pilote de la Chambre des communes sur les webinaires. À titre de rappel, les membres du personnel seront des participants non actifs et ne pourront donc voir la réunion qu'en mode galerie. Je rappelle que les photos et les captures d'écran sont interdites.

[Français]

    J'aimerais remercier nos témoins de nous aider dans le cadre de ce projet pilote. J'espère qu'ils auront une bonne expérience.

[Traduction]

    Afin d'assurer le bon déroulement de la séance, j'encourage tous les participants à mettre leur microphone en sourdine lorsqu'ils ne s'expriment pas et à toujours s'adresser à la présidence. Lorsqu'il ne restera que 30 secondes à votre temps de parole, je vais vous le signaler à l'aide de cette feuille de papier jaune.
    Vous pouvez entendre l'interprétation au moyen de l'icône de globe au bas de votre écran.

[Français]

    Maintenant, j'aimerais souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins.
    De CARE Canada, nous recevons Barbara Grantham, présidente-directrice générale, et Maxime Michel, chef des programmes humanitaires et d'adaptation.

[Traduction]

    De Médecins Sans Frontières, nous accueillons M. Jason Nickerson, conseiller aux affaires humanitaires, et M. Joe Belliveau, directeur général.

[Français]

    De la Croix-Rouge canadienne, nous recevons Conrad Sauvé, président et chef de la direction.

[Traduction]

    Nous accueillons aussi Mme Kelsey Lemon, directrice principale, Programmes mondiaux.
    Madame Grantham, je vous demanderais de lancer la discussion cet après-midi en faisant la déclaration liminaire de cinq minutes que vous avez préparée. Merci beaucoup.
    Madame Grantham, vous avez cinq minutes à votre disposition.
    Bonjour, tout le monde.
    Je pense que nous savons tous que les éclosions de COVID-19 ont des effets dévastateurs dans tous les contextes, mais ce sont les deux milliards de personnes qui vivent dans des situations précaires et de conflit partout dans le monde qui en souffriront le plus.

[Français]

    Dans le passé, CARE a répondu à des urgences de santé publique liées aux virus Zika et Ebola et à celui du Nil occidental. Nous avons également mené des analyses rapides de genre quant aux effets de la COVID-19 dans près de 40 pays et régions depuis le mois de mars.

[Traduction]

    J'invoque le Règlement.
    Nous ne pouvons malheureusement pas entendre la traduction.
    Merci beaucoup, madame McPherson.
    Voyons si nous pouvons rapidement régler le problème ou s'il est tenace.
    Madame Grantham, lorsque vous parlez anglais, pouvez-vous utiliser votre bouton d'interprétation qui se trouve en bas pour sélectionner l'anglais?
    L'anglais est sélectionné. Je peux l'éteindre, si vous voulez.
    Oui, nous pouvons essayer.
    Allez-y, madame Grantham. Voyons si cela fonctionne.
    Dois-je recommencer ou poursuivre?
    C'est comme vous voulez.
    Vais-je encore avoir mes cinq minutes?
    Oui, vous les aurez.
    Bien, merci.
    Merci, tout le monde. Je m'excuse des pépins technologiques au début de ma déclaration.
    Merci de nous accueillir.
    Les éclosions de COVID-19 ont actuellement des effets dévastateurs dans tous les contextes, mais ce sont les deux milliards de personnes qui vivent dans des situations précaires et de conflit partout dans le monde qui en souffriront le plus.

[Français]

    Dans le passé, CARE a répondu à des urgences de santé publique liées aux virus Zika et Ebola et à celui du Nil occidental. Nous avons également mené des analyses rapides de genre quant aux effets de la COVID-19 dans près de 40 pays et régions depuis le mois de mars.

[Traduction]

    Ces analyses attirent l'attention sur trois messages clés. Premièrement, les éclosions de COVID-19 aggravent les vulnérabilités existantes, plus particulièrement pour les femmes et les filles. Deuxièmement, les répercussions secondaires — économiques et sociales — peuvent être plus dévastatrices que la pandémie proprement dite. Troisièmement, les séquelles se feront sentir pendant des années.
    J'aimerais souligner trois points clés qui nécessitent une attention particulière. Le premier est celui des soins de santé. Alors que les ressources en soins de santé sont canalisées vers la COVID-19, d'autres domaines sont négligés. L'accès aux services de santé sexuelle et reproductive, y compris à des salles d'accouchement propres et sécuritaires, à des contraceptifs et à des soins prénataux et postnataux, figure parmi les domaines les plus touchés. À titre d'exemple, 73 % des femmes interrogées par CARE en Afghanistan affirment ne pas avoir accès à des services de planification familiale.
    Deuxièmement, il y a la « pandémie fantôme » de violence fondée sur le sexe. Les mesures de quarantaine ont coincé beaucoup de femmes avec leur agresseur. Les Nations unies estiment que tous les trois mois où les mesures de confinement se poursuivent, il pourrait y avoir 15 millions de nouveaux cas de violence fondée sur le sexe, et 13 millions de nouveaux mariages précoces. Les pays en situation précaire et aux prises avec un conflit affichent les pires hausses de cas. Le Venezuela, par exemple, a signalé une hausse de 65 % des féminicides entre avril 2019 et avril 2020. Au Zimbabwe, le service téléphonique pour les victimes de violence fondée sur le sexe a signalé une augmentation de 70 % par rapport aux tendances observées avant le confinement. La Somalie a malheureusement observé une hausse rapide des cas de mutilation génitale féminine.
    Troisièmement, il y a la pandémie de famine. Aux endroits les plus touchés par la famine, on observe une hausse exponentielle des crises alimentaires. Aujourd'hui, quatre pays frôlent la famine: la République démocratique du Congo, le Nigeria, le Soudan du Sud et le Yémen. Comme les femmes et les filles jouent un rôle plus important dans la production et la préparation des aliments, ainsi que dans l'approvisionnement alimentaire, mais qu'elles ont tendance à manger en dernier et à manger moins lorsque la nourriture se fait rare, elles risquent beaucoup plus de souffrir de la faim et de malnutrition.
    Madame Grantham, je suis désolé. Puis-je vous interrompre une seconde pour vous demander, à la demande de l'équipe d'interprétation, de lever votre micro un tant soit peu? Approchez-le de votre nez. Il y aura peut-être moins d'impacts attribuables à la respiration. Nous verrons si cela fonctionne.
    Merci beaucoup.
    Les ONG canadiennes se sont recyclées pour répondre à la pandémie. Grâce à la flexibilité d'Affaires mondiales Canada et d'autres donateurs, nous adaptons nos programmes. Nous avons remplacé les programmes de rémunération du travail par des transferts de fonds sans condition sur les téléphones cellulaires. Nous offrons des bons pour acheter du savon ainsi que d'autres stations de lavage des mains, et nous changeons notre façon de distribuer les fournitures afin de respecter la distanciation physique.
    Ce qui est encore plus important, c'est que nous demandons aux femmes ce qu'elles veulent. Les réfugiés sud-soudanais avec qui nous travaillons en Ouganda ont maintenant un nouveau revenu grâce aux masques qu'ils nous vendent. Nous donnons ces masques à des survivants de la violence fondée sur le sexe et à des femmes ayant une grossesse à haut risque, pour qu'elles puissent obtenir le soutien dont elles ont besoin.
    Le monde a besoin de voir le leadership du Canada, et la politique d'action humanitaire féministe du Canada fournit le cadre d'action.
    Nous souhaitons faire trois recommandations aujourd'hui.
    Premièrement, il faut mettre l'accent sur les besoins négligés. Nous devons combler les lacunes dans les services essentiels qui sont sous-financés et détournés, notamment en ce qui a trait à la violence fondée sur le sexe et à la santé sexuelle et reproductive.
    Deuxièmement, nous devons nous rendre sans tarder auprès des personnes les plus difficiles d'accès. Jusqu'à maintenant, les donateurs internationaux n'ont accordé que 1,5 % de leur financement aux ONG locales et nationales. Les donateurs se sont engagés à respecter le grand compromis, qui consiste à accorder au moins 25 % des fonds humanitaires à des organismes locaux, et plus particulièrement à des organisations de femmes et de filles dans la situation actuelle. Il faut que cela se fasse rapidement, avant que la crise empire et avant que ces organismes locaux qui peuvent faire le travail disparaissent.
    Troisièmement, il faut aider les organisations humanitaires à faire ce qu'elles font de mieux, ce qui signifie qu'il faut adapter les mécanismes de financement ainsi que les dispositions sur la direction et le contrôle pour pouvoir offrir un financement plus prévisible, plus transparent et plus souple par l'entremise d'ONG et d'intervenants locaux. Un projet de loi qui doit bientôt être déposé à l'autre chambre par la sénatrice Omidvar permettrait d'intervenir avec plus de force et plus rapidement à l'échelle locale, et il débloquerait des millions de dollars qui sont actuellement coincés dans l'administration des programmes.
    Merci de nous avoir invités à comparaître.
(1540)

[Français]

     Nous serons heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, madame Grantham.
    J'aimerais maintenant céder la parole à l'équipe de Médecins sans frontières.

[Traduction]

    Monsieur Nickerson, monsieur Belliveau, vous avez cinq minutes à votre disposition.
    Nous remercions le Comité de nous donner l'occasion de témoigner.
    Médecins Sans Frontières, ou MSF, comme on nous appelle couramment, est un organisme humanitaire médical international qui offre de l'aide médicale impartiale dans plus de 70 pays. Nous prodiguons des soins de santé essentiels dans certains des environnements les plus complexes au monde, et nous connaissons bien les urgences en santé publique.
    Depuis le début de la pandémie de COVID-19, notre réponse opérationnelle est rapide et globale. Nous accordons la priorité à la protection de notre personnel partout dans le monde, nous mettons l'accent sur les personnes les plus vulnérables dans nos activités liées à la COVID-19 et nous veillons à poursuivre la prestation des soins de santé que nous prodiguons.
    Nous avons trop souvent tendance à mettre l'accent sur l'urgence que nous avons directement sous les yeux — dans ce cas-ci, la COVID-19 — au détriment d'autres soins de santé. Nous avons travaillé fort pour que toutes nos équipes de terrain soient prêtes à faire face aux cas de COVID-19 et à prévenir les infections, mais aussi à répondre aux autres besoins et à combler les autres lacunes créées ou aggravées par la pandémie.
    Dans les plus de 70 pays où MSF répond à des situations d'urgence, nous cherchons surtout à combler les lacunes dans la réponse à la COVID: en assurant la protection du personnel, en prévenant les infections et en mettant en place des pratiques de contrôle dans les hôpitaux et les cliniques; en faisant la promotion de la santé; en luttant contre la COVID dans des lieux exigus comme les camps et les prisons; en prodiguant des soins à des patients modérément malade, gravement malade ou dans un état critique qui ont besoin de traitements poussés comme des soins d'inhalothérapie ou le recours à un respirateur; et en nous attaquant aux effets collatéraux sur la santé attribuables à la pandémie.
    Je veux attirer l'attention sur ces effets collatéraux, car on ne les voit souvent pas lorsqu'on dresse un portrait global de la pandémie. Une importante leçon apprise pendant l'épidémie d'Ebola de 2014 à 2016 en Afrique occidentale, c'est que la principale menace qui pesait sur la vie des femmes et des filles n'était pas le virus, mais l'interruption des services de santé courants et la crainte des gens d'être infectés en se rendant dans les établissements de santé. Des milliers d'autres personnes ont perdu la vie lorsqu'il n'était plus possible à cause de l'éclosion d'avoir accès à des services d'accouchement sécuritaires, à des services néonataux et à des services de planification familiale. À l'heure actuelle, nous observons la même dynamique à beaucoup plus grande échelle.
    Dans des pays comme l'Afghanistan, le Bangladesh, la Colombie, la République centrafricaine et ailleurs, les femmes et les filles font face à des difficultés attribuables non seulement à la COVID-19, mais aussi aux interruptions et aux compressions dans les services de santé sexuelle et reproductive; aux restrictions quant aux déplacements, y compris les interdictions de voyager, les confinements et les couvre-feux; aux perturbations des chaînes d'approvisionnement mondiales; et à beaucoup d'autres répercussions créées par la pandémie.
    Les besoins quotidiens en santé ne disparaissent pas face à la pandémie. On continue d'avoir besoin de soins obstétriques d'urgence pour gérer des accouchements compliqués. On doit avoir accès à des médicaments antipaludiques pour prévenir et traiter la malaria. Les enfants continuent d'avoir besoin des vaccins courants pour prévenir la rougeole, la polio et d'autres maladies. Les personnes atteintes du VIH continuent d'avoir besoin de traitements antiviraux. La liste est longue.
    C'est pourtant exactement la prestation de ces services sanitaires qui est interrompue. On n'a pas fait les épandages de lutte antivectorielle visant à réduire la population de moustiques et à contrôler ainsi la malaria, ce qui a mené à une hausse des cas dans certaines de nos installations au Soudan du Sud. Le nombre d'infections y était si élevé que nos équipes n'attendaient pas le résultat des tests avant de commencer le traitement, puisque plus de 80 % de nos patients étaient déclarés positifs. Ailleurs, dans de nombreux pays, des campagnes de vaccination systématique ont été reportées. À Mossoul, en Irak, le principal hôpital gouvernemental a été transformé en centre de traitement de la COVID-19 et MSF a commencé à voir un nombre croissant de femmes enceintes qui viennent pour obtenir des soins obstétriques.
    Il est essentiel, surtout en pleine pandémie, que le gouvernement du Canada continue de défendre les interventions humanitaires dans des situations d'urgence à l'échelle de la planète en continuant de financer l'aide internationale, non seulement pour faire face à la COVID, mais aussi pour maintenir la prestation de soins de santé d'urgence et essentiels de manière générale. De plus, le Canada doit continuer de promouvoir l'accès humanitaire dans un monde de plus en plus complexe et hautement réglementé où l'obtention d'un permis pour entrer dans un pays ou y passer est compliquée par les exigences d'entrée et de sortie, un nombre réduit de vols internationaux et d'autres obstacles. À cette fin, nous sommes reconnaissants du soutien que le gouvernement du Canada offre pour surmonter certaines de ces entraves à l'accès.
    Le statut protégé de l'aide humanitaire indépendante doit continuer d'être assuré. Nous devons démontrer jour après jour que notre engagement à fournir une aide humanitaire indépendante, impartiale et neutre est la seule façon pour nos équipes d'avoir accès aux patients et aux collectivités en situation de conflit, partout en première ligne.
    Les premières vagues de COVID n'ont pas touché aussi gravement que nous le craignions les collectivités où se trouve MSF, mais la pandémie est loin d'être finie. On continue d'en ressentir les répercussions. La demande mondiale pour de l'équipement de protection individuelle et d'autres produits médicaux demeure élevée, et elle fausse les prix et perturbe l'offre. Des questions importantes demeurent sans réponse en ce qui concerne le moment où le vaccin contre la COVID-19 sera administré et la façon de l'administrer dans les zones de conflit, les camps de réfugiés et les endroits où l'accès humanitaire est difficile.
    Ce qui est évident, c'est qu'un haut niveau de vigilance est nécessaire pour se préparer aux cas de COVID et y faire face tout en répondant aux besoins de santé habituels et sans négliger les situations d'urgence courantes.
(1545)
    Je vais vous donner un exemple. Hier, en République démocratique du Congo, on a annoncé la fin de la 11e éclosion d'Ebola. Pendant presque toute l'année, le pays faisait face à deux éclosions d'Ebola, à la principale épidémie de rougeole au monde et à la COVID-19, tout cela dans un pays qui est aux prises avec un conflit armé et d'autres crises humanitaires qui durent depuis des dizaines d'années.
    Nous sommes impatients de répondre à vos questions, et vous pouvez communiquer avec M. Jason Nickerson ou avec moi par l'entremise de la greffière du Comité, si vous le souhaitez.
    Merci beaucoup, monsieur Belliveau.
    Nous passons maintenant à la Croix-Rouge canadienne.

[Français]

     Monsieur Sauvé et madame Lemon, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    C'est pour moi un plaisir de m'adresser au Comité aujourd'hui. Je ne vais pas répéter ce qui a déjà été dit au sujet des défis complexes auxquels les organismes humanitaires sont confrontés à cause des effets de COVID dans le monde. Bien sûr, nous avons affaire à des collectivités plus isolées qui sont coupées de leurs systèmes de soutien traditionnels. L'équipement de protection et la formation sont essentiels, et nous sommes à un moment où nous avons un accès limité à nos mécanismes d'intervention mondiale.
    Bien sûr, les catastrophes naturelles et les conflits ne s'arrêtent pas parce qu'il y a une pandémie, et nous sommes par conséquent préoccupés par l'effet conjugué de la COVID et des situations d'urgence en cours.
    Aujourd'hui, je vais insister sur deux nécessités: le soutien aux structures locales et le développement de nos mécanismes d'intervention mondiale. Ces deux aspects de l'intervention sont essentiels.

[Français]

    Je vais dire quelques mots sur la Croix-Rouge et ses capacités.
    La Croix-Rouge canadienne fait partie d'un réseau mondial de 192 sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ce qui comprend le Comité international de la Croix-Rouge. Cela nous donne un accès privilégié à tous les endroits de la planète, même les plus reculés, qui sont isolés et affectés par les conflits.
(1550)

[Traduction]

    Diverses leçons importantes ont été tirées de cette expérience. Entre autres, la COVID-19 a fait ressortir et accentué la nécessité de la localisation. Ces dernières années, on a beaucoup parlé de la localisation et de son importance pour l'offre globale et ainsi de suite, mais au bout du compte, nous devons renforcer la capacité des organismes locaux qui sont fiables, qui ont un accès et qui vont rester là pour intervenir.
    Grâce au soutien du gouvernement canadien, nous avons pu constater directement la valeur des investissements réalisés pour renforcer les capacités des structures locales dans un certain nombre de pays. L'une des recommandations que nous formulons ici, c'est que, dans le cadre de l'engagement relatif à l'offre globale sur le plan de la localisation, le Canada devrait continuer à investir dans le renforcement des capacités des structures locales.
    L'un des défis est que.... Nous savons ce que vaut la capacité locale. Nous savons que la réponse doit être locale, mais les mécanismes de financement ne reconnaissent pas cela. Il s'agit soit d'une urgence, soit d'un développement, mais le renforcement des capacités d'une Croix-Rouge locale n'est pas un aspect qui est couvert. C'est donc un élément essentiel.

[Français]

    La deuxième partie a trait à l'importance des mécanismes d'intervention mondiale, encore une fois grâce au soutien du gouvernement canadien.
    La Croix-Rouge canadienne est intervenue dans plus de 55 pays avec ses équipes d'intervention et ses hôpitaux mobiles. Nous sommes intervenus lors des épidémies d'Ebola et de choléra. Nous intervenons actuellement dans plus de 150 établissements de soins de longue durée au Canada. Nous avons aussi pris en charge des Canadiens en quarantaine. J'aimerais aussi remercier l'organisation Médecins sans frontières, qui nous a accompagnés dans ces interventions. C'est grâce à l'expertise que nous avons développée à l'échelle internationale que nous avons pu le faire.
    Les besoins en interventions d'urgence et en soutien aux structures locales existeront encore dans les prochaines années. Nous recommandons donc que le Canada continue à investir dans les capacités d'intervention d'urgence et le renforcement de nos hôpitaux mobiles, afin que nous puissions intervenir dans les situations d'urgence.

[Traduction]

    En conclusion, il y a deux.... Nous savons, malheureusement, que la pandémie avait été prévue d'une certaine manière, ou qu'elle était prévisible. Nous savons que nous nous dirigeons vers un environnement où les défis liés aux événements climatiques perturbateurs ainsi qu'aux épidémies vont se multiplier. Il est donc nécessaire d'examiner les outils dont nous disposons et de reconnaître l'importance, là encore, de renforcer nos capacités locales et d'investir dans celles-ci, ce qui est essentiel. Ces outils ne font pas partie de la boîte à outils actuelle; ce n'est pas un aspect qui est reconnu, et j'ai un certain nombre d'exemples montrant comment nous renforçons cette capacité. La deuxième partie, bien sûr, c'est notre intervention.
    Sur ce, mon collègue et moi serons là pour répondre à vos questions.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Sauvé.

[Traduction]

    Nous allons entamer notre première série de questions. Quatre membres du Comité vont avoir six minutes chacun pour leurs questions et les réponses.
    Le premier intervenant est M. Morantz. Nous vous écoutons.
    Je tiens à vous remercier tous d'être ici aujourd'hui dans ce que nous reconnaissons comme étant des circonstances très difficiles. Je suis impressionné par la concordance de toutes vos déclarations concernant les vulnérabilités essentiellement collatérales auxquelles vous faites face alors que l'accent est mis sur la pandémie. Je pense que c'est un message qu'il est vraiment très important que le Comité prenne en considération. Je vous en remercie.
    Permettez-moi de commencer par M. Belliveau, au sujet des vaccins.
    Il y a tout juste une semaine, votre organisme a publié un communiqué de presse appelant les gouvernements à rendre publics les contrats de licence conclus pour les vaccins contre la COVID-19, précisant que ces contrats restent entourés de secret malgré des niveaux de financement public sans précédent. Dans quelle mesure, le cas échéant, votre organisme s'inquiète-t-il du fait que ces contrats de licence avec les sociétés pharmaceutiques pourraient compliquer les efforts visant à fournir les vaccins contre la COVID-19 aux populations vulnérables des pays en développement?
    Je vous remercie beaucoup de cette question. Nous avons avec nous aujourd'hui l'expert en la matière, Jason Nickerson. Je vais lui demander de répondre à cette question.
    D'accord.
    Oui, depuis le début de la pandémie, nous avons insisté pour une plus grande transparence des contrats de licence. Il y a diverses raisons à cela.
     J'irai droit au but en disant que nous sommes un fournisseur de soins médicaux qui se préoccupe de la façon dont nos équipes et les systèmes de santé des endroits où nous travaillons auront accès aux vaccins. Nous savons que la demande est supérieure à l'offre probable. Le moyen de combler cet écart est sans doute de multiplier les contrats de licence afin de faire augmenter la production d'autres fabricants de vaccins validés dans le monde entier.
     Il est traditionnellement très difficile de savoir où ces contrats de licence ont été conclus, non seulement pour les vaccins et les produits liés à la COVID, mais aussi plus généralement pour les produits pharmaceutiques. Il devient très difficile de savoir quelle sera la diversité des fabricants et à quoi ressemblera l'offre à venir, en particulier pour les nouveaux produits qui arrivent sur le marché.
    En fait, notre préoccupation découle de la question très fondamentale suivante: « L'offre suffira-t-elle à répondre à la demande mondiale? » Je pense que les données disponibles indiquent que la réponse est probablement négative. La demande est très élevée et l'offre est assez faible.
    Le deuxième élément, bien sûr, est de veiller à ce que les vaccins soient abordables.
    Vous avez mentionné le financement public. Des fonds publics considérables, y compris ceux du gouvernement canadien, ont été consacrés au développement de ces vaccins. Nous pensons que cela impose aux entreprises pharmaceutiques la responsabilité de fixer des prix abordables et de reconnaître ainsi que le public a payé pour les développer.
(1555)
    Toujours sur ce point, un consortium réunissant divers organismes — la Fondation Bill et Melinda Gates, la Banque mondiale, l'Organisation mondiale de la santé et le Fonds des Nations unies pour l'enfance — a créé la Garantie de marché COVAX. Je me demande si vous pouvez nous donner votre point de vue à ce sujet. Pensez-vous qu'elle sera efficace comme moyen d'acheminer le vaccin contre la COVID là où il sera nécessaire?
    Oui, c'est la deuxième fois qu'un mécanisme de garantie de marché, ou MGM, est créé pour un nouveau vaccin. Le premier concernait le vaccin conjugué contre le pneumocoque, et il a été créé il y a environ 10 ans.
    Le principe de base est que nous mettons les fonds en commun, et cela démontre qu'il existe un marché financier viable qui permettrait aux fabricants d'augmenter leur production parce qu'ils savent qu'il y aura quelqu'un qui va acheter le vaccin à l'autre bout.
    Le diable est dans les détails, pour ce genre de choses. En ce qui concerne le MGM relatif au vaccin contre la pneumonie, il manquait un mécanisme clair permettant aux organismes humanitaires de se procurer le vaccin pour les populations se trouvant à l'écart de l'alliance Gavi et des mécanismes d'accès typiques des systèmes de santé. Nous avons passé de nombreuses années à nous battre pour qu'un mécanisme humanitaire permette l'accès à un prix abordable.
    Je pense que c'est manifestement une amélioration, car nous voyons COVAX et la Garantie de marché prendre forme. Ce sont des mesures positives, soyons clairs, mais il est également important que nous mettions au point les détails qui nous permettront de garantir l'accès à un prix abordable pour tous.
    Merci beaucoup.
    Madame Grantham, je sais que votre organisme a salué l'annonce par le gouvernement d'un nouveau financement de 400 millions de dollars pour faire face aux conséquences de la COVID dans certaines des populations les plus fragiles et les plus vulnérables du monde. Vous avez également souligné la nécessité de veiller à ce que les contributions soient mises en œuvre de la manière la plus efficace et la plus efficiente possible.
    Je voudrais simplement connaître votre point de vue ou vos recommandations sur la manière de rendre plus efficaces et efficientes les contributions du Canada aux efforts mondiaux pour contrer la COVID-19.
    Je vais demander à ma collègue, Maxime Michel, de répondre. Elle est notre chef des programmes humanitaires et de résilience.
    Comme l'a dit M. Morantz, nous nous réjouissons de cette annonce, et nous voulons vraiment nous assurer que ces fonds seront déboursés cette année. Nous comprenons que la moitié des fonds sera consacrée aux besoins humanitaires. Nous craignons que ce financement ne soit pas immédiatement disponible. Comme vous l'avez entendu aujourd'hui, pour nous tous, il est urgent d'agir maintenant, avant que la situation n'empire et qu'il devienne beaucoup plus coûteux pour nous d'intervenir. Je sais que nous avons très peu de temps.
    Merci beaucoup.
    Madame Dabrusin, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier tous les témoins et leurs organismes pour le travail qu'ils accomplissent sur le terrain.
    Nous concentrons notre attention sur les populations vulnérables et sur l'aide à leur apporter. Je me demandais s'il y avait eu des difficultés particulières à atteindre les membres des communautés LGBTQ2 au sein des diverses populations ayant des besoins particuliers. Avez-vous des suggestions quant à la meilleure façon d'atteindre ces communautés?
(1600)
    Pour la Croix-Rouge, je demanderais à Kelsey Lemon de parler de nos programmes liés à cela.
    Joindre ces communautés dans des situations persistantes de crise, de violence et de conflit est un défi que nous devons relever même sans pandémie. C'est incroyablement difficile. Nous savons qu'avec la COVID-19, en particulier dans un contexte de conflit, les personnes qui sont stigmatisées et marginalisées dans les collectivités... c'est encore pire pour elles, ce qui les rend plus difficiles à atteindre.
    La meilleure chose que nous puissions faire est d'aider les partenaires locaux à répondre à ces besoins d'une façon inclusive et accessible. Comme nous le constatons depuis le début de la pandémie, les organismes humanitaires internationaux doivent faire face à des défis changeants auxquels ils doivent s'adapter. Au départ, l'un de nos principaux défis était l'accès, ce qui explique que le rôle des intervenants locaux se soit imposé avec une telle force. Leur rôle est essentiel pour ce qui est d'atteindre les populations les plus stigmatisées et les plus vulnérables.
    Je suis en fait très contente que vous ayez amené ce point, parce que je vais peut-être vouloir l'approfondir.

[Français]

     Monsieur Sauvé, vous avez dit avoir des exemples de la manière dont on peut mieux aider les organisations en communauté. Pourriez-vous donner ces exemples?
    Oui, tout à fait.
     En réponse à la question qui a été posée avant, l'accès au vaccin est évidemment un défi. Qui va le distribuer? Ce sont toujours les organisations locales. On voit les sections locales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, mais on n'investit pas de ressources pour qu'elles puissent bâtir leur capacité d'avoir des programmes ou leur formation. On est toujours dans l'activité précise.
    En ce moment, nous déployons des équipes pour soutenir le Honduras, à la suite des ouragans qui l'ont frappé. Il y a quelques années, nous avons investi dans leur système de préparation et de réponse, leur centre de contrôle et la formation de leurs bénévoles. Tous ces éléments ont des retombées.
     Quand nous nous impliquons dans la programmation, cela nous permet de toucher à l'accessibilité, la reconnaissance des différentes communautés et la manière dont ils gèrent leurs programmes. Il faut investir dans cette partie aussi et pas seulement dans la réponse. On sait qu'il y aura réponse après réponse, mais il faut investir dans leur capacité.
    Si vous regardez ce que nous faisons comme pays, avons-nous des fonds spéciaux distribués par une organisation comme la vôtre?
    Essaie-t-on plutôt de rejoindre les communautés directement?
    Comment cela fonctionne-t-il?
    C'est toujours effectué par les organisations locales. En ce moment, on procède par programmes précis, mais on ne reconnaît pas le renforcement des organisations. Cela prend du temps et il faut investir dans ces systèmes.
    Comme je vous le disais tout à l'heure, nous sommes aux prises avec l'urgence d'augmenter la complexité des interventions, comme Mme Lemon l'a souligné. Nous avons de l'argent soit pour l'urgence, soit pour le développement à long terme, mais pas pour la capacité des organisations. Cela revient tout le temps à cette capacité des organisations, à leur structure, à leur formation, ainsi qu'au temps qu'elles prennent à mettre en place une culture organisationnelle durable qui reconnaît les personnes issues des différentes communautés et qui forme les bénévoles.
     Tout cela prend du temps et s'inscrit dans la capacité organisationnelle, pas juste dans un programme. C'est une intervention à long terme.

[Traduction]

    Madame Grantham, je crois que vous avez également mentionné l'importance de développer les capacités communautaires locales. Je me demande si vous avez des suggestions sur les meilleures façons d'y parvenir. Si vous regardez les programmes de notre pays, par exemple, que pouvons-nous faire pour nous assurer de favoriser le développement des capacités locales?
    L'autre élément est la question de savoir si vous pensez que cela pourrait avoir des répercussions sexospécifiques sur le terrain également.
(1605)
    À qui s'adresse la question?
    À vous.
    Je suis vraiment désolée. Je n'ai pas entendu la première partie de votre question.
    Madame Michel, pourriez-vous répondre, je vous prie?
    Bien sûr.
    Merci de votre question, madame Dabrusin. Je pourrais reprendre une partie des propos de M. Sauvé.
    En réalité, il s'agit d'aller au-delà du financement de l'exécution des programmes. Le financement consacré exclusivement à l'exécution des programmes ne nous accorde pas le temps et l'espace qu'il nous faut pour être en mesure de développer les capacités avec les partenaires locaux. Nous collaborons avec des organisations de femmes à travers le monde. Il nous faut beaucoup de moyens très créatifs pour être en mesure de favoriser ce développement des capacités.
    Très rapidement, pour répondre à votre question, financez directement les organisations locales, mais aussi des mécanismes qui ne se limitent pas à la seule exécution des programmes et qui permettent réellement le développement des capacités, comme l'a dit M. Sauvé.
    Merci beaucoup.
    Votre temps est écoulé, madame Dabrusin. Je vous remercie beaucoup.

[Français]

     Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    En tant que député francophone, je n'ai pas souvent l'occasion d'entendre la langue...
    Monsieur Bergeron, je crois que votre micro est en sourdine.
    Non, c'est impossible, monsieur le président.

[Traduction]

    Madame la greffière, pouvons-nous activer son audio?

[Français]

    Monsieur Bergeron, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    En tant que député francophone, j'ai rarement l'occasion d'entendre des témoins s'exprimer dans la langue de Molière. J'aimerais remercier Mme Grantham et M. Sauvé de m'avoir fait ce plaisir aujourd'hui. Je remercie aussi Mme Dabrusin d'avoir permis à M. Sauvé d'ajouter des commentaires. Ce fut très agréable.
    Ma question s'adresse à tous les témoins.
    Le secrétaire général des Nations unies a appelé la communauté internationale à instaurer une trêve pendant la pandémie de la COVID-19. En juin dernier, quelque 170 pays ont uni leur voix pour appeler à respecter cette trêve mondiale.
    Vous qui êtes sur le terrain auprès de populations vulnérables, avez-vous le sentiment que cet appel a été entendu et respecté? Autrement, les conflits qui étaient en cours avant cet appel à respecter une trêve se sont-ils poursuivis ou de nouveaux conflits ont-ils même éclaté?
    C'est une question assez importante. Malheureusement, les conflits se poursuivent dans bien des situations. La COVID accentue les difficultés d'intervention dans certains cas. Une pandémie s'ajoute aux conflits et aux catastrophes naturelles, qui sont parfois interreliés. Les besoins sont hélas toujours présents. Comme je l'ai dit déjà dans ma présentation, nous sommes dans un contexte où certains événements se reproduisent fréquemment. Il faut cesser de n'être que des pompiers dans ces situations; il faut aider à construire des casernes.
     Je vais vous donner un exemple qui a touché notre imaginaire. En 2004, nous avons tous eu connaissance du tsunami qui a frappé l'Indonésie et de l'aide internationale qui a été offerte en réponse à celui-ci. Il y a quelques années, il y a eu de nouveau un tsunami en Indonésie et le pays a assuré 90 % de la réponse. Il avait développé ses propres capacités et a été très spécifique quant à ses besoins. Il s'est passé la même chose au Kenya, qui a aussi développé ses propres capacités.
    Il faut commencer à observer la façon dont les pays se réorganisent et voir comment nous pouvons les aider d'une autre manière, c'est-à-dire de façon à ce qu'ils développent leurs capacités et leur résilience locale. De cette façon, plutôt que d'être toujours obligés de jouer aux pompiers au moyen de programmes dans ces situations, nous pourrons bâtir des casernes.
(1610)
     Je pourrais peut-être continuer.
    Je pense que c'est un très bon point et également une belle observation; tous les aspects visant la capacité locale sont tellement importants.
    Nous faisons de la programmation en Ouganda avec des réfugiés du Soudan du Sud, et je vous encouragerais à voir les choses d'un point de vue local. Quand les organisations ne pouvaient pas fournir leurs services de la même façon à cause de la crise de la COVID-19, ce sont les communautés elles-mêmes qui se sont entraidées. Des regroupements de femmes sont venus aider des victimes de violence dans leurs communautés et tenter de résoudre des conflits à cet égard.
    Quand on parle de « capacité locale », on parle bien sûr d'organisations qui peuvent intervenir ou établir des partenariats avec des organisations comme les nôtres. Cependant, nous voulons vraiment qu'il y ait des groupes locaux qui veillent à ce que les choses soient déjà en place et permettent à une communauté de répondre à une crise comme celle-ci.

[Traduction]

    Si vous me le permettez, en guise de complément... Je poursuis.
    De telles déclarations sont certainement les bienvenues. En ce qui concerne notre expérience sur le terrain, nous ne pouvons absolument pas dire que le niveau des conflits qui provoquent des crises dans le monde est différent, par exemple.
    Je vais peut-être profiter de cette question pour parler d'un aspect particulier, d'un angle particulier de l'aide humanitaire que nous apportons, à savoir la migration et les demandeurs d'asile. Nous ne constatons aucun ralentissement en ce qui concerne les personnes qui fuient la violence et les situations de conflit. Au contraire, nous observons que les personnes qui cherchent à traverser les frontières pour demander l'asile se heurtent à de nombreux autres obstacles.
    L'un des exemples les plus flagrants est la fermeture de la frontière américaine aux réfugiés qui se déplacent vers le nord, depuis le mois de mars. Le gouvernement canadien a aussi rendu le passage de sa frontière beaucoup plus difficile pour les demandeurs d'asile, mais nous constatons ce phénomène dans le monde entier: des personnes sont coincées dans des camps et vivent des situations très difficiles parce qu'elles ne peuvent pas traverser les frontières pour demander l'asile.

[Français]

    Je vous remercie.
    Je vois qu'il me reste malheureusement peu de temps. Comme je ne suis pas en mesure de transférer ce temps dans mon prochain temps de parole, je vais quand même essayer de poser rapidement une question à M. Sauvé.
    Je souhaitais effectivement aborder cette question des capacités locales. Cependant, votre organisation fait un lien entre les catastrophes naturelles et la COVID-19. On a beaucoup entendu parler dans les médias du fait qu'il fallait justement profiter de cette crise, si tant est qu'il soit possible de profiter de la COVID-19, pour tenter de penser à des stratégies de lutte contre la crise climatique. Si vous pouviez nous en parler, je vous en saurais gré. Je sais que vous manquerez de temps, mais peut-être pourrez-vous le faire lors de mon prochain tour de parole ou dans le cadre d'une réponse à un autre collègue.
    Répondez très rapidement, s'il vous plaît.
    Je ne serai pas capable de le faire rapidement.
    Je pense qu'il faut reconnaître que les épidémies et les pandémies font partie d'un cycle. On a eu l'Ebola, on a le choléra, et d'autres. Il ne s'agit pas juste de répondre à cette crise-ci. Il va falloir penser à la façon de s'organiser pour répondre à l'avenir.
    Pour ce qui est d'empiéter sur le domaine des animaux et tout le reste, est-ce qu'il y a un lien à faire? Je pense que nous sommes en train de le démontrer. Nous sommes dans un cycle où il ne faut pas seulement réagir à cette crise-ci, mais il faut se préparer à une nouvelle réalité.
    Merci beaucoup, monsieur Sauvé...
    L'étude porte justement sur le fait de se préparer pour les prochaines.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Madame McPherson, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je veux remercier tous les témoins qui sont avec nous aujourd'hui.
    Je dois dire qu'après avoir entendu les trois organisations parler de la façon dont elles ont su se réorienter et réagir si fermement à la pandémie de COVID-19, je suis extrêmement fière des organisations de la société civile canadienne et aussi, bien sûr, très inquiète, car je perçois dans toutes vos voix l'inquiétude que vous inspirent les effets de la COVID-19, non seulement en ce moment, mais aussi à l'avenir. Je ressens la même inquiétude que vous.
    La première question que j'ai pensé poser concerne CARE Canada et fait suite aux propos de mon collègue conservateur, qui a un peu parlé des 400 millions de dollars supplémentaires attribués au développement international en 2020, et de l'inquiétude, de la crainte que ces fonds ne soient pas tous versés au cours de l'exercice financier en cours.
    Tout d'abord, est-ce que CARE Canada a reçu une partie de ces fonds? Je suppose que c'est la question à poser en premier. C'est une question facile.
(1615)
    Non, nous n'en avons pas reçu.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les mesures d'aide humanitaire que ces fonds vous permettraient de mettre en place si vous pouviez les obtenir avant la fin de l'exercice financier?
    Je pense que nous travaillerions très rapidement. Nous serions en mesure de très rapidement concrétiser certaines des notes conceptuelles que nous avons déjà en cours d'élaboration pour faire un travail considérable de sauvetage et de transformation, et ce, même avec un simple supplément provenant de ces 400 millions de dollars.
    Nous serions en mesure de faire du travail au Soudan, par exemple, autour de l'équipement de protection individuelle, avec les agents de santé communautaire. Nous pourrions travailler en Afghanistan avec des organisations de défense des droits des femmes et offrir une formation professionnelle aux femmes chefs de famille pour qu'elles puissent produire de l'EPI et le vendre sur les marchés afin de gagner leur vie. En Somalie, je pense que nous pourrions faire un travail vraiment remarquable dans tout le domaine de la surveillance du système de santé et de l'acheminement des patients atteints de la COVID-19 vers les centres d'isolement. Ainsi, la distance physique dans l'infrastructure destinée à la population générale serait plus appropriée, ce qui permettrait d'assurer la sécurité des personnes et de réduire les taux de transmission.
    Ce ne sont là que trois exemples de ce que nous pourrions faire en assez peu de temps au Soudan, en Afghanistan et en Somalie.
    Madame Grantham, puis-je vous interrompre un instant? Pourriez-vous simplement relever…?
    C'est parfait. Vous m'avez devancé. Je vous remercie.
    Ce sont des programmes et des projets qu'il est très important d'entreprendre. Je me réjouis de la capacité de CARE Canada de pouvoir agir aussi rapidement.
    J'aimerais poser une petite question à nos collègues de Médecins Sans Frontières. Je voulais mentionner que j'ai été bénévole pour MSF, quand j'étais à l'université. Je suis très heureuse que vous soyez avec nous aujourd'hui.
    Vous avez un peu parlé des vaccins et de vos préoccupations quant à leur distribution dans les États fragiles et en proie à des conflits. Nous savons que le Canada a versé environ 550 millions de dollars dans le fonds COVAX, ce qui est une bonne chose. Mais nous savons aussi que ce fonds est nettement sous-financé et que, faute d'un effort concerté plus important, nous risquons d'assister à une hausse de la mortalité d'environ 30 %. Il pourrait s'écouler de deux à trois ans avant que certaines régions et certains pays touchés par des conflits reçoivent le vaccin.
    Pouvez-vous nous dire ce que vous souhaitez comme contribution de la part du Canada? À quoi ressemblerait une réponse parfaite du Canada?
    Absolument. Je vais peut-être reprendre mon commentaire précédent, à savoir qu'avec toutes ces initiatives, le diable est dans les détails.
    J'ai mentionné l'exemple du vaccin conjugué antipneumococcique du précédent mécanisme de garantie de marché. Pour vous donner une idée de ce à quoi cela ressemble, dans ce cas, le vaccin était disponible. Le prix local le plus bas était de 3,10 $ par dose. Il faut trois doses pour immuniser une personne. Comme il n'y avait pas de mécanisme particulier permettant aux organismes humanitaires d'y avoir accès alors que nous voulions vacciner 5 000 enfants réfugiés en Grèce, on nous a facturé un prix de 68,10 $ par dose. Voilà la différence.
    Le financement de COVAX est absolument essentiel. C'est le mécanisme international sur lequel nous misons pour l'achat de vaccins destinés aux pays à faibles et moyens revenus. Je pense que nous devons discuter de la manière dont les organisations humanitaires pourront y accéder. C'est un peu difficile de faire des plans, car nous ne savons pas vraiment de quels vaccins nous parlons. Cela soulève des questions sur les stratégies de vaccination compte tenu de la chaîne du froid nécessaire, entre autres. Encore là, il faudra avoir une bonne conversation une fois que nous saurons plus précisément de quoi nous parlons.
    Je crois qu'il est vraiment important que le Canada ne se contente pas de donner à COVAX. Il doit plutôt contribuer de manière à veiller à ce que la garantie soit conçue et mise en œuvre selon des principes d'équité et d'abordabilité, et poursuivre cette contribution, car cela exige qu'on y consacre beaucoup d'énergie.
    Cela revient à la question de la transparence. Veillons à la transparence du prix sans but lucratif qui est proposé. Assurons-nous de faire une bonne affaire et de trouver et obtenir les doses le plus rapidement possible et au prix le plus abordable possible.
    En clair, je présume que vous aimeriez que nous fassions, pour l'intervention axée sur la vaccination à l'échelle mondiale, une contribution égale à ce que nous consacrons à l'échelle de notre pays. Est-ce que cela signifie que vous voudriez que le gouvernement canadien consacre plus de fonds à COVAX?
(1620)
    C'est certainement une option, d'après moi. Nous parlions du financement en 2020. Pour COVAX, il est question du financement en 2021. Je pense donc que ce sera en effet important.
    Il faudrait également discuter de... Le Canada a acheté un très grand nombre de doses du vaccin, et je pense que l'occasion est probablement belle d'avoir une discussion concernant les surplus possibles.
    Merci beaucoup, madame McPherson et monsieur Nickerson. Je dois vous arrêter là.
    Mesdames et messieurs, il nous reste 10 minutes avant que nous devions nous arrêter. Nous avons un deuxième groupe de témoins pour lesquels il faut vérifier le son. Si nous sommes disciplinés et que nous respectons le temps accordé, il est possible de faire un tour de deux minutes et demie. Le premier intervenant sera M. Diotte.
    Je vous remercie de l'excellent travail que vous faites tous. C'est absolument essentiel, en particulier dans les circonstances actuelles.
    Cela étant dit, je me demande quels pays en particulier ont le plus besoin de l'aide du Canada à cause de la COVID. Quiconque aimerait répondre est bienvenu. Je me demande aussi si vous pouvez donner un exemple concret du type d'aide qui serait requis.
    Qui veut commencer?
    Je vais vous donner un exemple concret. J'étais au téléphone ce matin, pendant longtemps en fait, avec une femme prénommée Ruth qui travaille pour CARE à Cox's Bazar, au Bangladesh. Je lui ai demandé quels étaient les effets de la COVID-19 à Cox's Bazar. Elle dirige les programmes relatifs à la violence fondée sur le sexe et à l'équité dans les situations d'urgence pour CARE à Cox's Bazar et elle est à la tête d'une équipe de 152 employés.
    Mme Ruth m'a dit qu'ils avaient dû réduire de moitié le personnel dans le camp; les employés travaillent donc maintenant par roulement. Elle m'a parlé de l'augmentation effroyable des cas de violence fondée sur le sexe, particulièrement de violence conjugale, attribuable aux restrictions relatives aux déplacements. Elle m'a aussi dit que le nombre de mariages précoces avait augmenté parce que les familles doivent compenser la perte de leurs moyens de subsistance; elles doivent avoir recours aux mariages précoces pour satisfaire des exigences liées à une dot.
    Mme Ruth, elle-même une jeune femme, craint sérieusement que les gains que nous avons réalisés au cours des 15 à 20 dernières années dans les secteurs de la santé sexuelle et reproductive et de la violence fondée sur le sexe soient effacés. Nous devons saisir l'occasion, avec l'aide de pays comme le Canada, pour inverser la tendance actuelle, qui s'est manifestée si rapidement. La communauté mondiale a déployé tant d'efforts au cours des 15 dernières années, et les gains que nous avons réalisés risquent de s'effacer en moins de 12 mois.
    Je lui ai ensuite demandé ce qui lui donne de l'espoir. Elle a répondu qu'elle se réveille chaque jour en sachant que ses actions apportent des changements, aussi petits soient-ils. C'est ce qui l'encourage à persévérer dans ses efforts de bâtir un monde juste et équitable.
    J'ose espérer que le Canada pourrait faire quelque chose à un endroit comme Cox's Bazar — et il y a beaucoup d'endroits semblables partout dans le monde — pour aider à améliorer la vie des femmes et des filles avec lesquelles Mme Ruth et ses 150 collègues travaillent tous les jours.
    Excellent. Je profite de votre présence pour souligner que la communauté canado-somalienne de ma circonscription d'Edmonton Griesbach est très dynamique.
    Madame Grantham, je pense que vous avez dit que les cas de mutilation génitale féminine étaient à la hausse. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi? Quel est le rapport avec la COVID? Est-ce que c'est parce que les gens passent plus de temps à la maison? Qu'est-ce qui explique cette hausse?
    Voulez-vous répondre, madame Michel?
    Il y a sans doute un rapport avec les mariages précoces, qui sont à la hausse dans d'autres régions où les écoles sont fermées et où les familles ont du mal à joindre les deux bouts. Dans certains cas, la mutilation génitale de la fille est une condition de mariage. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte, mais ceux-là ont certainement une incidence sur les familles.
    D'accord.
    Je vais revenir à ma question originale concernant les pays qui ont vraiment besoin de l'aide du Canada pour répondre à la COVID. Quelqu'un d'autre pourrait-il nous parler des secteurs où les difficultés sont considérables?
(1625)
    Vous ne trouverez probablement pas ma réponse très satisfaisante, monsieur Diotte, mais je tiens à revenir sur notre expérience. Dans les quelque 70 milieux où nous fournissons de l'aide humanitaire d'urgence, la COVID elle-même est rarement en haut de la liste des besoins, particulièrement en ce qui concerne les besoins médicaux. Nous constatons davantage les effets des restrictions liées aux déplacements, ainsi que de la réaffectation du personnel et des installations pour répondre à la COVID. Ces facteurs minent la capacité de procéder à d'autres types d'interventions d'urgence.
    Je sais que je ne réponds pas vraiment à votre question, mais il faut recentrer l'attention sur les lacunes créées par la réponse à la COVID.
    J'ai une question très brève pour...
    Merci beaucoup, monsieur Diotte. Votre temps de parole est écoulé.
    M. Kerry Diotte: D'accord, merci.
    Le président: Les cinq minutes qui nous restent vont à Mme Sahota. Nous nous arrêterons dès que son temps de parole sera écoulé.
    En fait, M. Diotte a déjà posé quelques-unes de mes questions. Je vais donc poursuivre dans la même veine.
    J'ai une question pour CARE. Madame Grantham, je sais que votre organisme et d'autres considèrent la violence fondée sur le sexe comme la « pandémie fantôme ». C'est aussi intéressant que vous ayez constaté une augmentation importante des cas de fœticide féminin et de MGF, par exemple. J'ai du mal à comprendre ce qui explique ces augmentations.
    Pouvez-vous me dire si vous aviez constaté une diminution ou une stabilisation par rapport à ces problèmes avant la pandémie et les augmentations actuelles? Au cours des 10 dernières années, les efforts que vous avez déployés ont-ils entraîné une baisse des cas?
    Au sujet des statistiques troublantes sur les féminicides, la mutilation génitale féminine, ainsi que l'accès à la planification familiale, aux contraceptifs et à des soins sécuritaires en obstétrique, je peux vous dire qu'à l'échelle mondiale, des progrès remarquables ont été réalisés au cours des 10, 15 ou 20 dernières années. Mondialement, pratiquement tous les indicateurs — ceux des objectifs de développement social, ceux de l'ONU et d'autres paramètres importants — étaient à la baisse, c'est-à-dire qu'ils se dirigeaient dans la bonne direction.
    D'après moi, la situation engendrée par la COVID, la complexité, surtout dans les zones de conflit... Les restrictions ont entraîné... Avant, il était possible d'avoir des conversations dans des espaces publics ou même quasi publics, comme des cliniques de planification familiale et des centres de santé communautaire. Là, nous pouvions soutenir les femmes et les filles, et travailler avec elles pendant un certain temps pour les aider à apprendre à faire des choix. Franchement, nous pouvions aussi travailler avec les hommes et les garçons dans leur vie, et les aider à comprendre pourquoi c'est une bonne chose de permettre aux femmes et aux filles de se prendre en charge.
    Or, aujourd'hui, les restrictions liées aux déplacements et les contraintes sociales imposées à cause de la COVID bloquent l'accès aux espaces publics, quasi publics et communautaires où de telles conversations peuvent se dérouler. Les gens sont donc confinés à des espaces privés. Par conséquent, nous ne pouvons plus avoir de telles conversations sociales constructives sur les choix qui devraient être donnés aux femmes et aux filles, et sur les riches possibilités qui s'offrent à elles et à leur famille.
    Tristement, les restrictions ont aussi ramené de la violence, parfois cachée, et elles restreignent également l'accès à des installations sanitaires de base, comme des latrines. Nombre de nos gains ont été effacés.
    Je voudrais avoir votre avis. J'aime l'analogie qui a été utilisée tout à l'heure au sujet de construire des casernes plutôt que d'éteindre tous les feux vous-mêmes. Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails sur le travail que vous avez fait ou que vous comptez faire pour fournir aux gens sur le terrain les ressources dont ils ont besoin pour réagir eux-mêmes à pareilles situations? Vous venez de dire que vous n'êtes plus en mesure d'offrir les mêmes services de soutien et d'éducation.
    Comment dotez-vous les organismes et les gens sur le terrain des moyens nécessaires pour accomplir ce travail en votre absence, pour le bien de la communauté ou de la société?
    Je vous prie de donner une réponse brève.
    La question s'adresse-t-elle à la Croix-Rouge?
    N’importe qui peut y répondre, mais je posais la question à CARE parce que l’analogie me plaît et je voulais savoir ce que Mme Grantham pouvait me dire à ce sujet.
(1630)
    Certainement. Je pense que mes observations vont ressembler à celles de mes collègues de la Croix-Rouge.
    Très honnêtement, dans chaque pays et dans chaque milieu où nous travaillons, notre objectif est de nous rendre inutiles à cet endroit. Notre rôle consiste à bâtir des infrastructures locales, à renforcer la capacité locale et à développer les compétences locales en leadership, de sorte que nous finissions par partir en laissant derrière nous des infrastructures sociales et communautaires ainsi qu’un leadership qui demeureront en place longtemps après notre départ.
    On peut appeler cela une caserne; on peut l’appeler ce qu’on veut. D’après CARE, il n’y a pas l’ombre d’un doute que les communautés s’en tirent mieux — le monde s’en tire mieux — lorsque les femmes sont aussi à la barre. Notre objectif principal est de valoriser et de renforcer les compétences en leadership des femmes. Ainsi, lorsque nous partons, la communauté que nous avons aidé à bâtir est une communauté résiliente, où les femmes et les hommes sont égaux et où les femmes et les filles ainsi que les hommes et les garçons dans leur vie ont la possibilité de prospérer à long terme.
    Merci beaucoup pour votre réponse, madame Grantham, et merci d’avoir conclu sur une note positive tournée vers l’avenir.
    Au nom du Comité, je remercie tous les témoins qui se sont joints à nous cet après-midi pour leurs observations et, surtout, pour le travail qu’ils font dans de si nombreuses régions difficiles partout dans le monde. Merci pour votre expertise et pour votre présence ici aujourd’hui.
    Nous allons vous laisser partir.
    Nous allons suspendre la séance afin d’accueillir notre prochain groupe de témoins. Nous reprendrons sous peu.
(1630)

(1635)
    Reprenons, chers collègues. Bienvenue.
    Je répète, pour les témoins du deuxième groupe, que j’encourage tous les participants à mettre leur microphone en sourdine lorsqu’ils ne s’expriment pas et à toujours s’adresser à la présidence.
    Lorsqu’il ne restera que 30 secondes à votre temps de parole, je vais vous le signaler à l’aide de cette fameuse feuille de papier jaune. Vous pouvez entendre l’interprétation, au besoin, en cliquant sur l’icône de globe au bas de votre écran.
    J’ai maintenant le plaisir d’accueillir au Comité notre deuxième groupe de distingués témoins.

[Français]

     Nous souhaitons la bienvenue à l'honorable Bob Rae, ambassadeur et représentant permanent du Canada auprès des Nations unies à New York.

[Traduction]

    Nous accueillons aussi M. Mark Lowcock, secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d’urgence, du Bureau des Nations unies pour la Coordination de l’aide humanitaire; ainsi que M. David Beasley, directeur exécutif du Programme alimentaire mondial.
    Avant de commencer, je tiens à féliciter, au nom du Comité, M. Beasley et toute l’équipe du PAM. Le Prix Nobel de la paix 2020 a été attribué au PAM « pour ses efforts de lutte contre la faim, pour sa contribution à l’amélioration des conditions de paix dans les zones touchées par les conflits et pour avoir joué un rôle moteur dans les efforts visant à empêcher l’utilisation de la faim comme arme de guerre et de conflit. » Félicitations, monsieur, à vous et à votre équipe.
    Monsieur l’ambassadeur, nous allons commencer par vous. Vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. La parole est à vous.
    Bienvenue.

[Français]

    Je remercie les membres du Comité de me donner aujourd'hui l'occasion de parler de la réponse humanitaire du Canada à la COVID-19.
    Je remercie également les premiers témoins, que j'ai eu l'occasion d'entendre, de leur intervention et de leur dévouement.

[Traduction]

    Nous sommes très chanceux que MM. Beasley et Lowcock soient des nôtres. J’ai eu le plaisir de les rencontrer virtuellement tous les deux et de discuter avec eux. Leurs perspectives sur l’ampleur et la gravité des répercussions de la COVID-19 sont sans égal.
    Je félicite aussi chaleureusement M. Beasley et le PAM d’avoir reçu le Prix Nobel de la paix. Vous avez égayé et réconforté beaucoup de gens, monsieur Beasley, non seulement en remportant le prix, mais aussi par la façon dont vous l’avez remporté et accepté. Je sais que la cérémonie officielle aura lieu bientôt, mais je tenais à le mentionner.

[Français]

    Depuis le 11 février, le premier ministre, la ministre Gould ainsi que d'autres représentants du gouvernement ont annoncé une aide de plus de 1,1 milliard de dollars afin d'aider les pays en développement à gérer les effets de la pandémie et de soutenir leur rétablissement et leur résilience, alors que la pandémie continue de faire des ravages.

[Traduction]

    L'aide octroyée par le Canada vise particulièrement les groupes les plus marginalisés et les plus vulnérables, comme les femmes et les enfants, qui sont touchés de manière disproportionnée par la pandémie. Bien entendu, ce soutien s'ajoute aux contributions considérables que le Canada verse chaque année dans l'aide internationale et humanitaire. Ces contributions ont été redirigées en grande partie avec souplesse pour répondre aux besoins les plus pressants provoqués par la pandémie.
    Lorsqu'il était possible de le faire, nous avons aussi hâté les versements prévus pour permettre à nos partenaires de réagir rapidement. C'est ce que nous avons fait pour les organismes de l'ONU, tels que l'UNICEF. Comme le secrétaire général des Nations unies nous l'a rappelé — la phrase me plaît —: « La solidarité, c'est l'intérêt personnel. »
    Tant et aussi longtemps qu'il y a un endroit où les individus sont susceptibles de contracter la COVID-19, toutes les populations du monde demeurent vulnérables. Pour enrayer et stopper la pandémie, il faut absolument que l'accès au dépistage, aux traitements et aux vaccins soit équitable, opportun et abordable. Le 25 septembre, le premier ministre a démontré que le Canada avait à cœur de soutenir cet accès en annonçant un investissement de 440 millions de dollars dans le mécanisme COVAX, un système de garantie de marché. La moitié de ces fonds serviront à acheter des doses de vaccins destinées aux pays en développement.
    Il va sans dire que les besoins ne font qu'augmenter. Dans le dernier rapport que j'ai présenté au premier ministre, j'ai recommandé que le Canada alloue des ressources supplémentaires à la réponse mondiale à la COVID-19. Je n'ai pas changé d'avis.
    Depuis le début de la pandémie, les nouveaux renseignements sur les besoins et les lacunes ont rendu nécessaires des investissements supplémentaires. Nous l'avons constaté encore une fois le 29 septembre 2020, date à laquelle une contribution supplémentaire de 400 millions de dollars à la réponse a été annoncée. La moitié de cette somme sera réservée aux efforts humanitaires en cours. Comme MM. Lowcock et Beasley le souligneront sans doute, ces fonds sont absolument essentiels, et les besoins continueront de croître.
    Comme vous l'entendrez sûrement au cours de votre étude, la crise sanitaire actuelle a exacerbé une situation d'urgence humanitaire. Dans certains pays, cette situation pourrait provoquer des famines. Elle menace aussi de déclencher une crise économique et sociale. Dans certains cas, elle a déjà causé des crises de liquidité et de solvabilité, et beaucoup s'attendent à ce que ces crises s'aggravent. De plus, l'augmentation de la dette publique atteindra jusqu'à 65 % du PIB dans les marchés émergents et jusqu'à 50 % du PIB dans les pays à faible revenu. À de tels niveaux d'endettement, la prise de mesures énergiques par les créditeurs pourrait provoquer une avalanche de défauts de paiement, ce qui ébranlerait le système financier mondial.
    Par son leadership stratégique et ses contributions financières, le Canada joue un rôle actif au sein de l'ONU en vue de limiter les effets collatéraux de la pandémie. Dans le cadre de l'initiative axée sur le financement du développement, qui est coprésidée par le Canada et la Jamaïque, le Secrétariat des Nations unies a formulé plus de 200 recommandations stratégiques sur les façons de se remettre des effets sociaux et économiques de la COVID-19 et de reconstruire en mieux. Ces recommandations comprennent des investissements dans la lutte contre les changements climatiques — sur les plans de l'atténuation comme de l'adaptation —, ainsi que des partenariats importants avec le secteur privé.
    Tout comme dans le cas des vaccins, la solidarité avec les pays à faible revenu et les petits États insulaires est dans l'intérêt économique du Canada. L'interrelation des pays est tout simplement trop étroite pour que nous laissions quiconque prendre beaucoup de retard. Nous ne devons absolument pas permettre à la COVID-19 d'empêcher le monde d'atteindre ses objectifs de développement durable.
    Je vais vous présenter trois chiffres; je vous prie de les écrire: 23, 6 et 2. Vingt-trois représente le pourcentage du PIB que les économies avancées ont dépensé sur elles-mêmes, six est le pourcentage dépensé dans les pays en développement, et deux est le pourcentage dépensé dans les pays les moins développés. Ces nombres représentent l'iniquité et le principal écart financier que nous devons absolument combler.
    Les économies avancées du monde entier ont été forcées à en faire plus que nous l'aurions cru possible il y a un an. Maintenant, nous avons le devoir de ne pas laisser l'économie mondiale sombrer dans la dépression et des centaines de millions de personnes retomber dans l'extrême pauvreté.
    Le peu de temps que j'ai passé à l'ONU — qui s'est écoulé très rapidement, en fait — n'a que renforcé ma conviction que le Canada ne peut pas faire cavalier seul. Les Canadiens doivent s'associer à d'autres pays pour résoudre la crise. Cependant, nous ne pouvons pas non plus nous dérober à nos responsabilités, qui, je vous l'assure, ne feront qu'augmenter — nos responsabilités à l'égard de la population canadienne, bien sûr, mais aussi de la communauté internationale.
    Nous sommes tous également concernés. Je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci.
(1640)
    Merci beaucoup pour vos observations, monsieur l'ambassadeur.
    Le prochain intervenant est M. Mark Lowcock.
    La parole est à vous, monsieur. Vous avez cinq minutes.

[Français]

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. Je suis ravi d'avoir l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Je vais principalement renforcer ce que l'ambassadeur Rae vient de dire avec tant d'éloquence. J'espère qu'il n'est pas déplacé de ma part de vous féliciter d'être si bien représentés par l'équipe dirigée par l'ambassadeur Rae aux Nations unies, à New York, d'où je m'adresse à vous.
     L'année a été pleine de mauvaises surprises. Le virus même nous a pris par surprise, mais je pense que beaucoup de gens sont aussi étonnés par la gravité de la récession mondiale qu'il a causée. Ce n'est pas étonnant, toutefois, que les pays les plus touchés par la récession soient les quelque 50 pays où la survie de 100 millions de personnes dépend déjà de l'aide fournie par des organismes comme celui de M. Beasley et le mien. Cependant, la vitesse à laquelle les dommages surviennent en a pris certains par surprise.
    Cette année, pour la première fois depuis les années 1990, l'extrême pauvreté va augmenter; l'espérance de vie va diminuer; le taux de mortalité causée par le VIH, la tuberculose et la malaria va doubler; et le nombre de personnes au bord de la famine pourrait aussi doubler. M. Beasley vous en dira plus à ce sujet. Ce carnage — car il s'agit bien d'un carnage — frappe surtout les pays les plus vulnérables.
    Le mois dernier, Bill et Melinda Gates ont publié, par l'entremise de leur fondation, un rapport qui résume très bien la situation. Essentiellement, les 25 dernières semaines menacent d'effacer les progrès réalisés au cours des 25 dernières années en matière de développement à l'échelle mondiale. Il vaut la peine de rappeler quelle était la situation dans de nombreux pays pauvres il y a 25 ans. À l'époque, je travaillais dans un pays où un quart des enfants mourait avant d'atteindre l'âge de cinq ans. La majorité des enfants ne fréquentaient pas l'école, et une femme sur 18 mourait en couches. Je pense que personne ne souhaite le retour de telles conditions.
    L'ambassadeur Rae a fait valoir un excellent point au sujet de la différence entre le 2 % et le 23 %. Les pays les mieux nantis ont fait exactement ce qu'ils devaient faire: ils ont transgressé les règles pour offrir du soutien financier et pour injecter des liquidités dans leur propre économie en vue de protéger leurs citoyens. Les pays pauvres ne disposent pas des ressources nécessaires pour ce faire. C'est pour cette raison qu'ils ont seulement pu dépenser 2 % comparativement à 23 %, ce qui est étonnant à de nombreux égards. D'abord, les institutions financières internationales auraient pu aider les pays les plus pauvres à prendre certaines mesures essentielles. C'est exactement ce qu'elles ont fait pour les pays vulnérables pas plus tard qu'en 2008-2009.
    C'est surprenant qu'elles ne l'aient pas fait dans ce cas-ci, car comme l'ambassadeur Rae l'a dit, la solidarité, c'est bel et bien l'intérêt personnel. Malheureusement, ne pas venir en aide aux pays les plus pauvres, ce n'est pas seulement manquer de générosité ou d'empathie. Tout comme le virus, les problèmes engendrés par la profonde récession économique que nous vivons actuellement frapperont tout le monde. La pauvreté, la faim, la maladie et la souffrance sèmeront le désarroi et le désespoir partout dans le monde, ce qui pourrait amplifier les risques de conflit, l'instabilité, les mouvements de migration et l'afflux de réfugiés. Tout cela profitera aux groupes extrémistes et terroristes. Les conséquences se feront sentir sur une vaste échelle et à long terme.
     Le Canada occupe une position très importante, qu'il peut utiliser dans les mois à venir pour orienter le monde dans une autre direction. La réunion sur le financement du développement que l'ambassadeur Rae a mentionnée, qui était présidée par le premier ministre Trudeau, a mené à l'élaboration d'un programme très solide pour l'avenir. Le Canada pourrait se faire le champion de deux éléments précis.
    D'abord, il faut régler le problème de l'écart entre le 2 % et le 23 %. Il existe une solution qui ne requiert pas de contributions financières supplémentaires considérables de la part des pays les mieux nantis. Si l'on demandait au FMI non seulement de procéder à une allocation générale de devises — ce qu'on appelle les droits de tirage spéciaux —, mais aussi d'attribuer la majorité de ces ressources aux pays les plus vulnérables; si l'on demandait à la Banque mondiale de mettre en place un programme visant à élargir l'initiative actuelle de suspension du service de la dette pour passer à un rééchelonnement, mais aussi à une réduction de la dette; et si les pays puissants, qui sont les actionnaires du FMI et de la Banque mondiale, exerçaient leur influence pour assurer le concours du secteur privé; cet ensemble de mesures réduirait considérablement l'écart entre le 2 % et le 23 %. Nous éviterions ainsi toutes les graves conséquences néfastes, et ce, non seulement dans les pays en question, mais aussi à l'échelle mondiale, car nous sommes tous concernés.
(1645)
    L'autre chose qui, à mon avis, serait très utile pour que le Canada montre l'exemple aux pays riches serait d'imiter un ou deux autres pays du G7 pour agir plus rapidement afin d'atteindre la cible de 0,7 %, un objectif conçu et instauré par un éminent expert canadien en politique publique. Vous vous souviendrez tous de son travail en matière d'aide publique au développement. Cette cible de 0,7 % a contribué au cours des 25 dernières années à une grande partie des progrès qui sont maintenant en jeu, et si le Canada était en mesure d'augmenter le niveau global d'aide, mais aussi de se rapprocher de cette cible de 0,7 %, il serait plus facile de persuader d'autres pays à lui emboîter le pas.
    L'utilisation de ces ressources n'est pas difficile à trouver. Ce sont exactement les mêmes mesures qui ont été prises, notamment par le Canada, au cours des derniers mois, et l'ambassadeur Rae vient d'en passer beaucoup en revue: plus d'aide humanitaire, soutien aux vaccins, etc. C'est une bonne utilisation de l'argent, non seulement par générosité et empathie, mais aussi par intérêt personnel pour bâtir un monde plus juste, plus sécuritaire et plus prospère pour nous tous.
    Merci beaucoup.
(1650)
    Merci, monsieur Lowcock, de vos observations.
    Notre dernier intervenant pour les observations préparées est M. Beasley, encore pour cinq minutes.
    Monsieur, la parole est à vous.
    Un merci tout particulier à... Le prix Nobel de la paix était toute une surprise. J'étais au Niger lorsque cela s'est produit, et Al-Qaïda était littéralement au-dessus de nous et le groupe État islamique, en dessous de nous, et nous nous penchions sur les questions d'accès. Comme vous pouvez l'imaginer, c'était un environnement très tendu. Je rencontrais les dirigeants lorsque j'ai reçu cet appel téléphonique. Des membres de mon équipe ont accouru et dit, « prix Nobel de la paix », et j'ai répondu, « Oui, d'accord, qui l'a gagné? », et puis ils ont dit que nous l'avions gagné. C'était une très grande surprise.
    J'ai longuement discuté avec le Comité du prix Nobel de la paix l'autre jour. Les membres m'ont remercié, bien entendu, mais ils ont lancé deux messages au monde. Le premier était de remercier le PAM du travail que nous accomplissons, pour apporter paix et stabilité, ainsi que les femmes et les hommes qui mettent leur vie en danger chaque jour.
    Le second message était adressé au monde entier, je pense, à savoir que le plus difficile est à venir, car 2021 sera une année très difficile, comme M. Lowcock et moi l'avons mentionné. Ambassadeur Rae, merci. C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai fait votre connaissance virtuellement. Bien entendu, M. Lowcock et moi discutons presque tous les jours, car nous constatons une dégradation dans des pays qui réalisaient de grands progrès, mais qui régressent maintenant.
    Je disais aux dirigeants du monde entier qu'à la fin de 2019 et en 2020, on connaîtrait la pire crise humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale, et j'en exposais la raison et la justification — et puis les criquets pèlerins sont venus s'ajouter à l'équation, puis ensuite la COVID.
    Tony Blair, que vous connaissez tous, m'a rappelé en mars, alors que je venais de parler au Sous-comité. Tout s'est passé si vite. M. Blair m'a demandé, « Vous voyagez partout dans le monde, alors que constatez-vous? » J'ai répondu: « Ce qui me préoccupe, c'est que tout le monde prend des décisions concernant la COVID isolément, et nous ne pouvons pas nous attaquer à la pandémie sanitaire en vase clos. Si nous le faisons, nous serons aux prises avec une famine pandémique et le remède sera pire que la maladie. Nous devons nous attaquer aux deux problèmes en même temps, car à mesure que les répercussions de la COVID se font sentir, une détérioration économique se produit. »
    Lorsque j'ai commencé à expliquer à M. Blair ce qui allait se produire dans les 6, 12 ou 18 mois à venir dans cinq ou six pays, il m'a dit, « Oh mon Dieu, vous devez communiquer ces renseignements au Conseil de sécurité des Nations unies », et je l'ai fait. M. Lowcock et moi remettions tous les deux des rapports ayant fait l'objet de fuites et qui révélaient que si nous n'intervenions pas, nous serions aux prises avec des famines sans précédent dans le monde entier, de l'instabilité et des migrations.
    Les dirigeants du monde ont heureusement réagi et sont intervenus.
    Maintenant, les données financières de 2020 reposent davantage sur les perspectives économiques de 2019, qui étaient très positives, et les pays ont ensuite adopté des plans de relance économique, allant de 11 à 17 billions de dollars. M. Lowcock a parlé d'allègement de la dette, car bon nombre de ces pays pauvres, en particulier les pays à faible revenu, ont une dette de 8 billions de dollars. Heureusement, avec les institutions financières, des décisions bilatérales ont été prises pour alléger cette dette jusqu'en janvier 2021 et un peu plus tard. Malheureusement, cette date approche. Ces fonds ont été utilisés pour des programmes de protection sociale et de santé dans ces pays pauvres. Les pays sont intervenus, et nous avons pu éviter la famine en 2020.
    La bonne nouvelle, c'est qu'il y a 200 ans, 95 % de la population mondiale vivait dans une pauvreté extrême, alors qu'il y a quelques années, moins de 10 % de la population vivait en situation d'extrême pauvreté. Avec le Canada, les États-Unis et les autres pays du monde, nous avons conçu des systèmes pour partager plus de richesse que jamais, mais essayez d'expliquer cela aux 10 % qui ne bénéficient pas du système.
    Comment pouvons-nous améliorer le système? Malheureusement, au cours des dernières années, nous régressons à cause des conflits provoqués par l'homme. Je crois vraiment que nous pouvons éradiquer la faim, mais ces conflits sont tout simplement dévastateurs pour nous. Avec la COVID maintenant, le nombre de personnes au bord de la famine — et je ne parle pas des gens qui vont se coucher le ventre vide — va passer de 135 à 270 millions.
(1655)
    Si nous n'agissons pas maintenant en adoptant des mesures importantes, nous serons confrontés à des problèmes de famine, d'instabilité et de migrations de masse dans le monde entier. Ce serait 1 000 fois plus coûteux que si nous ne le faisions pas. M. Lowcock l'a mentionné en Syrie. Il est beaucoup plus coûteux pour nous d'aider un Syrien en Syrie que si ce Syrien finit par aller à Berlin ou à Bruxelles.
    J'arrive au bout de mon temps de parole, mais l'une des choses que je demanderais au Comité, c'est d'accorder la priorité à l'investissement dans la sécurité alimentaire, car si nous investissons dans la sécurité alimentaire, avec les fonds limités dont nous disposerons pour la prochaine année, je crois vraiment que nous pouvons éviter la famine, l'instabilité et les migrations de masse.
    Nous sommes dans une situation unique, mais en travaillant ensemble, je crois que nous pouvons vraiment faire face à cette situation invraisemblable que nous vivons sur la planète Terre, et je crois que tous ensemble, nous pouvons y arriver.
    Merci de nous avoir donné l'occasion de nous adresser à vous.
    Merci beaucoup, monsieur Beasley.
    J'aimerais remercier tous nos intervenants de leurs déclarations liminaires percutantes qui donnent matière à réflexion. Nous aurions aimé avoir quelques heures avec vous. Nous avons un peu plus d'une demi-heure.
    Nous allons maintenant passer à des séries d'interventions minutieusement chronométrées, où les membres du Comité poseront des questions. Six minutes seront allouées au premier tour, et la parole est à M. Chong.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Beasley et monsieur Lowcock, de vos remarques liminaires.
    Monsieur le président, j'aimerais adresser mes questions et mes observations à l'ambassadeur Rae.
    C'est bon de vous voir, ambassadeur Rae. Félicitations pour votre nouvelle nomination en tant qu'ambassadeur du Canada aux Nations unies. J'espère que Mme Rae et vous vous portez bien. Nous vous transmettons nos salutations, mon épouse et moi.
    Merci beaucoup.
    Le statut d'État est un élément important de la réponse mondiale à la COVID-19. Nous l'avons vu récemment à l'Organisation mondiale de la Santé en ce qui concerne le statut de la participation de Taiwan à l'Organisation mondiale de la Santé. Nous savons que les Palestiniens ne sont pas membres à part entière de l'OMS, et nous avons également vu récemment que le Canada s'est opposé à une résolution de l'OMS qui pointait du doigt Israël parce qu'il réserve un traitement différent à certains. C'est dans ce contexte que je voudrais vous interroger sur le vote d'aujourd'hui aux Nations unies et sur vos déclarations subséquentes.
    Vous avez mentionné dans votre discours que vous désapprouvez certains éléments du préambule de la résolution qui a fait l'objet d'un vote. Quels sont les éléments particuliers que vous n'appuyez pas?
    Monsieur Chong, merci de la question. Je tiens à souligner que toutes les observations que j'ai faites aujourd'hui aux Nations unies ont été formulées dans une déclaration du gouvernement du Canada, donc vous pourriez tout aussi bien adresser vos questions à votre homologue au Parlement qu'à moi.
    Mon argument était que bon nombre des renvois dans le préambule à des décisions précédentes de la Cour internationale de justice ou à d'autres questions ne sont pas nécessairement utiles pour nous amener à la table des négociations et nous permettre de trouver une solution. Je pense que le gouvernement a fini par juger, cette année comme l'année dernière, qu'il était important que le Canada se joigne à...
    Je pense que cette année, 162 autres États membres des Nations unies ont fait savoir que nous soutenions le droit à l'autodétermination du peuple palestinien, qui est un droit enchâssé dans la Charte. L'autodétermination des peuples est un droit important énoncé dans la Charte. De plus, nous devons tous travailler dur pour établir la sécurité et le statut d'un État palestinien côte à côte, vivant en paix et en sécurité avec Israël. Je dirais que la plupart des gens pensent qu'il est très difficile d'imaginer comment nous allons parvenir à un plus grand niveau de stabilité et de sécurité au Moyen-Orient, à moins que nous ayons une résolution ou des mesures pour résoudre le conflit entre les Palestiniens et le gouvernement d'Israël.
    Je dois dire que j'ai pris connaissance de votre gazouillis d'hier, que j'ai trouvé très positif. Je pense que les efforts qui ont été déployés par les Palestiniens pour renouer avec les Israéliens feront une grande différence pour offrir une stabilité accrue aux personnes qui vivent au sein de l'Autorité palestinienne, et je pense que c'est la bonne direction à prendre.
(1700)
    Ambassadeur Rae, j'ai une question plus précise sur l'élément de la motion sur laquelle le Canada s'est prononcé aujourd'hui. La résolution souligne la nécessité de respecter et de préserver « l'unité territoriale, la contiguïté et l'intégrité » de tous les territoires occupés. Or, comme vous le savez, tous les...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Nous menons actuellement une étude précise à propos des personnes vulnérables et l'incidence de la COVID. Je laisse cette étude commencer, en pensant qu'elle pourrait s'orienter vers l'incidence de la COVID, mais cela ne semble certainement pas être le cas. J'aimerais peut-être voir si nous pouvons demander à notre collègue de revenir au sujet d'étude.
    Monsieur le président, sauf votre respect, le statut d'État est un élément important dans la lutte mondiale contre la COVID-19. En fait, la question du statut d'État a été un sujet de discussion important pour un certain nombre de collectivités dans le monde qui n'ont pas cette reconnaissance et qui ne sont donc pas en mesure de participer pleinement aux organisations multilatérales, telles que les Nations unies ou l'Organisation mondiale de la Santé. Je pense que ces questions sont extrêmement pertinentes.
    Monsieur Chong, merci beaucoup.
    Madame Dabrusin, merci également de votre rappel au Règlement.
    Le Comité a très clairement approuvé que cette partie particulière de l'étude, qui comprend quatre parties différentes, se concentre sur l'aide humanitaire vitale dans les pays qui sont la cible du travail ou des appels humanitaires des Nations unies. Lorsque vous formuliez initialement la question, vous avez pris soin de faire le lien avec cette étude particulière. Si vous pouviez continuer à le faire pour qu'elle reste pertinente pour notre travail, je permettrai que ces questions se poursuivent.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur l'ambassadeur Rae, la motion d'aujourd'hui, que le Canada a soutenue, parle de la contiguïté de tous les territoires palestiniens. Comme vous le savez, le Canada reconnaît quatre territoires occupés, à savoir la Cisjordanie, la bande de Gaza, le plateau du Golan et Jérusalem-Est. Le gouvernement est-il d'avis que ces territoires devraient être contigus les uns aux autres?
    Encore une fois, monsieur Chong, j'aimerais que vous fassiez le lien avec le sujet dont nous sommes saisis. M. Rae est libre de répondre à cette question, mais je voudrais que nous soyons très concis en ce qui concerne ce thème particulier de l'étude du Comité.
    Je n'évite pas la question, mais je pense, monsieur Chong, que c'est un sujet impossible à aborder en deux ou trois minutes.
    Il se trouve que vous avez ici au Comité deux personnes qui ont une connaissance extraordinaire d'une crise mondiale qui se déroule en ce moment. Je n'ai pas peur de répondre aux questions, mais je pense qu'il serait beaucoup plus approprié que vous posiez vos questions à ces deux personnes, qui peuvent grandement aider le Comité à comprendre la situation internationale actuelle.
    Merci, monsieur le président. Si l'ambassadeur Rae ne répond pas à la question, je comprends.
    Il vous reste une minute, monsieur Chong.
    Je n'ai rien à ajouter avant la prochaine série d'interventions. Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à la prochaine série de questions de six minutes, avec M. Fonseca.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bienvenue à nos distingués invités. Félicitations, monsieur Beasley, pour votre prix avec le PAM. Monsieur Rae, en tant que nouvel ambassadeur aux Nations unies, félicitations. Bienvenue, monsieur Lowcock.
    Je veux ramener nos questions sur ce pour quoi nous sommes ici, qui est de parler de la COVID-19, de la crise humanitaire mondiale et des répercussions de la COVID-19.
    Ambassadeur Rae, vous avez déjà pris la parole devant un sous-comité de ce comité lorsque vous êtes venu en tant qu'envoyé spécial pour les questions humanitaires et les réfugiés. À ce comité, vous avez parlé des conditions épouvantables auxquelles sont confrontés les réfugiés dans les camps, comme ceux au Bangladesh et au Myanmar.
    J'aimerais savoir comment la COVID-19 est abordée dans des camps semblables dans le monde de nos jours, si vous avez un aperçu.
(1705)
    Vous devriez adresser cette question à M. Beasley et à M. Lowcock.
    Je dirais simplement que les preuves sont assez accablantes que les camps sont gravement touchés par la COVID. Une partie du problème est, franchement, sous-estimée parce que nous ne pouvons pas nécessairement recueillir le type de données que nous devrions être en mesure de recueillir. Les conditions que l'on s'attendrait à voir en période de confinement, où les enfants ne peuvent pas aller à l'école... il y a de graves répercussions sur les femmes. Comme l'ont dit certains de vos témoins précédents, l'incidence sur les femmes et les enfants est très grave. Cela a un effet non seulement sur les soins de santé des gens, mais aussi sur leur éducation et leur capacité de gagner leur vie.
    Ce sont toutes des circonstances qui sont... durement touchées, et c'est ce que nous voulons dire quand nous disons que les personnes vulnérables sont touchées plus gravement que n'importe qui d'autre.
    Monsieur Lowcock ou monsieur Beasley, aimeriez-vous ajouter quelque chose à ce que l'ambassadeur Rae vient de dire?
    Je voudrais juste donner quelques exemples pour illustrer ce que l’ambassadeur vient de dire. Je discutais ce matin avec un groupe de personnes au Burkina Faso qui ont été forcées de fuir leur maison sous la menace d’armes à feu par des organisations terroristes et qui vivent maintenant dans un camp pour personnes déplacées surpeuplé, avec très peu d’eau et d’installations sanitaires, et peu de nourriture. Ce sont des circonstances que le virus adore. Le virus veut circuler dans ces circonstances.
    Je parlais à mes collègues qui travaillent dans le camp de réfugiés de Cox’s Bazar, que M. Beasley et moi avons visité ensemble à la fin de 2017. Je leur ai parlé à nouveau il y a quelques jours. C’est ce que le virus aime, ce genre de conditions. Nous ne savons pas vraiment le nombre de décès causés par la COVID-19 dans ces endroits, parce que le niveau de dépistage est si bas et parce qu’il y a beaucoup d’autres facteurs qui font que des personnes vulnérables perdent la vie.
    Ce qui est frappant, c’est qu’au milieu de tous leurs autres problèmes, les gens, lorsque vous leur parlez dans ces contextes, parlent de l’incidence additionnelle de la COVID, à la fois en termes de virus mais aussi de ses conséquences, que M. Beasley et moi avons tous les deux mentionnés dans nos remarques liminaires.
    Je suis certain que M. Beasley a des choses à ajouter.
    On vous écoute, monsieur Beasley.
    Oui, c’est le genre de choses dont vous pourriez parler pendant une heure, cas par cas. Quand j’évoque les 135 millions de personnes au bord de la famine qui vont passer à 270 millions, on peut littéralement ventiler ces données par pays et expliquer les raisons et les répercussions, non seulement dans les camps de réfugiés mais aussi pour les personnes déplacées à l’intérieur du pays.
    De plus, pour revenir sur ce que M. Beasley a dit à propos du Burkina Faso, il y a tout juste un an, il y avait plus de 77 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays. À l’heure actuelle, il y en a 1,6 million. Quand vous prenez une situation déjà mauvaise et y ajoutez des climats extrêmes, puis la COVID et des confinements, vous avez une dynamique de distribution qui s’installe parce que vous ne pouvez pas acheminer des denrées. Il y a une quarantaine dans la ville ou un confinement, ou une fermeture d’un port ou d’un point de distribution, et laissez-moi vous dire que ce sont les femmes et les enfants qui en font les frais. Cela a une incidence sur tout le monde, mais davantage sur eux.
    Je pourrais vraiment me pencher sur les causes de cette situation, mais c’est probablement suffisant pour l’instant.
    C’était excellent. Merci beaucoup.
    Monsieur Beasley, je sais pourquoi vous avez reçu le prix. Le PAM distribue plus de 15 milliards de rations par an dans le monde entier. Je sais que c’est environ 0,61 dollar américain par ration. Je veux vous poser une question à ce sujet concernant l’augmentation du nombre de rations et la distribution. Comment vous y prenez-vous pendant cette pandémie? Le coût a-t-il augmenté à cause de la pandémie?
    Eh bien, cela dépend de l’endroit. Par exemple, si nous faisons la livraison dans la zone de guerre syrienne, c’est plus coûteux d’entrer dans une zone de guerre pour faire des livraisons.
    À cause de la COVID, par exemple, l’industrie aérienne a pratiquement fermé dans de nombreux endroits où nous livrons, alors vous pouvez imaginer... Pendant un certain temps, on m’a dit que nous étions la plus grande compagnie aérienne au monde, car nous livrions des fournitures liées à la COVID dans tous les pays à faible et moyen revenu du monde. Nous avons livré des fournitures à 172 pays, je crois. Ces coûts étaient extrêmement élevés, comme vous pouvez l’imaginer, et le coût de la livraison de la nourriture a augmenté. De plus, nous avions des problèmes de distribution dans de nombreux pays différents, ce qui a fait monter les prix.
    Nous sommes le plus grand fournisseur au monde, si bien que nous aimons acheter à l’échelle. Nous aimons que nos donateurs nous versent de l’argent à l’avance pour que nous puissions surveiller le marché pour commander et répartir à l’avance la nourriture et l’acheter beaucoup moins cher. Nous pouvons en fait économiser plusieurs centaines de millions de dollars par an si nous bénéficions de la flexibilité d’un financement anticipé pour surveiller le marché...
(1710)
    Je suis désolé. J’aimerais intervenir, car je n’ai que quelques secondes.
    Très brièvement, monsieur Fonseca.
    Votre logistique de distribution a-t-elle été perturbée par tout cela?
    Oui, mais nous avons trouvé des solutions. Nous avons eu beaucoup de situations difficiles dans beaucoup de pays différents.
    Il arrive souvent qu’un ministre de la santé prenne une décision sans avoir conscience de son effet. Nous intervenons rapidement et donnons des explications, et nous trouvons habituellement des solutions. Toutefois, cela se répand partout dans le monde en ce moment même, et ce n’est pas encore fini. Le pire est encore à venir dans ces pays à faible et moyen revenu, en particulier en Afrique.
    Merci beaucoup, monsieur Beasley.

[Français]

     La prochaine série de questions sera posée par M. Bergeron.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins, Son Excellence M. Bob Rae, MM. Beasley et Lowcock, d'être des nôtres aujourd'hui.
    Vous êtes pour ainsi dire un groupe de témoins extrêmement prestigieux. Peut-être aurions-nous dû vous réserver davantage de temps pour nous permettre d'approfondir un certain nombre de questions.
    Vous me permettrez d'entrée de jeu de m'inscrire en faux — cela me donne l'occasion de le faire — contre cette affirmation qu'ont répétée jusqu'à plus soif nos collègues conservateurs aujourd'hui à la Chambre des communes, selon laquelle le vote du Canada en faveur de l'autodétermination du peuple palestinien constitue un vote contre Israël. Je suis profondément en désaccord sur cette affirmation. Je crois, au contraire, que la paix, tant pour Israël que pour la Palestine, passe par la reconnaissance d'un État palestinien vivant en paix, côte à côte avec l'État d'Israël. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un vote contre Israël.
    Puisqu'on parle justement de la Palestine, j'aurais une question pour nos témoins, en commençant par M. Rae, concernant l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. On craint de ne pas avoir les fonds nécessaires pour maintenir les services essentiels alors que l'urgence sanitaire s'aggrave. Le commissaire général de l'Office a annoncé avoir informé les 28 000 membres du personnel que l'organisation ne disposait pas des fonds nécessaires pour payer leurs salaires pour le mois, ce qui mettait en péril les services offerts par l'Office.
    Compte tenu des circonstances, est-ce que le Canada compte accroître sa contribution? Qu'est-ce qu'il est possible de faire pour éviter une crise humanitaire dramatique chez les populations de Palestiniens réfugiés, où l’on voit déjà des situations très difficiles depuis nombre d'années?
    Tout ce que je peux dire, monsieur Bergeron, c'est que je sais que le gouvernement canadien est en train de réfléchir à la situation humanitaire dans les camps de Palestiniens au Moyen-Orient, mais aussi aux autres situations humanitaires.
    Il faudrait que vous posiez plutôt la question directement à Mme Gould. Je sais que tous les États qui ont appuyé et qui appuient le travail dans les camps de réfugiés partout dans le monde sont en train de se parler pour savoir ce qui peut être fait pour donner une réponse humaine à une situation humanitaire. Manifestement, la situation est très difficile en ce moment.
    Je ne sais pas si nos deux autres témoins veulent ajouter quoi que ce soit, en particulier au sujet de la situation dans laquelle se trouve l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiées de Palestine dans le Proche-Orient.

[Traduction]

     Monsieur Lowcock, pourriez-vous répondre à cela?
    Certainement. Je suis heureux d’ajouter quelques points à ce que l’ambassadeur Rae vient de dire.
    Évidemment, nous ne sommes pas heureux de nous retrouver dans l’impossibilité de payer notre propre personnel, les enseignants, les travailleurs de la santé et les autres qui fournissent ces services aux Palestiniens. Nous serions très reconnaissants pour tout soutien supplémentaire qui nous permettrait de continuer à fournir ces services aux citoyens palestiniens.
    La COVID a frappé durement Gaza et la Cisjordanie. Nous avons pu obtenir un peu d’aide pour composer avec cela, mais les problèmes sous-jacents qui subsistent là-bas sont aigus. Des millions de Palestiniens dépendent des services de notre agence palestinienne. Nous avons le cœur brisé, vraiment, que cela soit maintenant en péril.
(1715)

[Français]

     Merci beaucoup.
    Je veux simplement ajouter, au bénéfice de M. Rae, que nous avons reçu la ministre Gould il y a quelques jours. Nous lui avons effectivement posé un certain nombre de questions, et je dois dire que certaines des réponses qui nous ont été données nous ont un peu laissés sur notre faim. Alors, nous espérons qu'il y aura des annonces concernant un accroissement de l'aide humanitaire du Canada, justement pour répondre aux statistiques que vous avez évoquées.
    J'aimerais maintenant m'adresser à M. Beasley. Avec la crise de la COVID-19, la course vers les vaccins et la poursuite d'un certain nombre de conflits, on se retrouve en compétition, pour ainsi dire, pour le partage des rares ressources allouées au développement international.
    De votre côté, en ce qui a trait à l'aide que vous apportez aux populations sur le plan alimentaire, votre organisation a-t-elle souffert de cette course aux ressources, qui se font très rares à la fois localement et sur le plan de l'aide internationale, pour faire face à la crise de la COVID-19?

[Traduction]

    Très franchement, la richesse dans le monde aujourd’hui, sur Terre, s’élève à 400 billions de dollars, et il est déchirant qu’un enfant, quel qu’il soit, ait à se coucher le ventre vide. Les ressources sont abondantes. Nous avons assez de nourriture pour nourrir le monde entier, mais les conflits provoqués par l’homme sont notre plus important problème actuellement.
    Une crise nous attend l’année prochaine, et il est à espérer qu’elle ne durera qu’un an. Je ne pense pas nécessairement être en concurrence avec l’UNICEF ou l’OMS. Mark sera probablement d’accord avec moi. Nous travaillons tous ensemble, et nous avons différents rôles à jouer. Les donateurs se mobilisent, mais nous allons manquer de fonds.
    Voilà pourquoi je demande au Comité d’accorder la priorité à l’année prochaine... C'est comme s'il y avait le feu dans la maison et que ma petite fille voulait me parler d'acheter une chaise neuve. Je lui dirais que j’aimerais beaucoup en parler maintenant, mais qu’il faut d’abord éteindre le feu. L'an prochain, nous aurons un brasier. Nous devons vraiment accorder la priorité à ce qui est important. Je pense, d’après mes discussions avec d’autres dirigeants, que nous sommes tous d’accord. Réagissons à ces préoccupations. Travaillons ensemble.
    Mon but, c’est de mettre fin au Programme alimentaire mondial. C’est mon objectif. Malheureusement, j’obtiens de très mauvais résultats en ce moment, en raison de ce conflit créé par l’homme, mais d’autres donateurs doivent intervenir. Le Canada l’a fait; il a été présent. Toutefois, certains donateurs, notamment les États du Golfe, doivent vraiment passer à l’action. Le secteur privé doit aussi se mobiliser, en particulier les milliardaires qui ont engrangé des milliards pendant cette crise. Ils doivent...
    Monsieur Beasley, nous devrons en rester là, mais nous pourrons peut-être y revenir dans les prochaines questions.
    Nous passons maintenant à Mme McPherson, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins qui se sont joints à nous aujourd'hui. C'est un véritable honneur de discuter avec vous tous.
    Je me dois de vous féliciter, monsieur Beasley. Je me suis exclamée de façon très peu parlementaire lorsque j'ai appris que vous aviez remporté le prix Nobel de la paix. Toutes mes félicitations.
    Ma première série de questions s'adresse à M. Rae. J'ai écouté avec plaisir vos interventions aux Nations unies. Je tiens à vous féliciter de votre courage et de cette très importante prise de position, mais il n'en demeure pas moins que le niveau de l'APD du Canada est historiquement bas. Nous n'apportons pas notre contribution dans le monde, ce qui est sans précédent.
    Je vois que nous avons fait des contributions pendant la pandémie de COVID-19, mais probablement pas la contribution de 1 % que nous devrions verser, à tout le moins. Cela vous préoccupe-t-il, puisque notre aide publique au développement était si faible au début de tout cela et que nous n'avons eu aucune indication du ministre ou du gouvernement nous permettant de croire qu'elle sera accrue de manière importante? Que pouvons-nous faire pour nous assurer qu'en 2021, alors que la maison sera en feu, le Canada ne continuera pas à faire piètre figure?
    J'ai été très impressionné par les pays qui sont parvenus à un consensus national selon lequel l'aide au développement dépasse toute partisanerie et devrait être considérée comme un principe fondamental pour leur pays. Je pense qu'il serait formidable que le Canada puisse maintenir un tel degré de consensus et de compréhension quant aux raisons pour lesquelles il est important d'augmenter nos niveaux d'aide au développement. Ce n'est pas une critique ou quoi que ce soit à l'égard du Parlement, mais le montant de l'aide au développement fait très peu l'objet de questions au Parlement. Il commence à y en avoir plus maintenant, ce qui est formidable. J'ai été aussi clair que possible, à titre d'envoyé spécial d'un gouvernement, lorsque j'ai dit: « Écoutez, nous devons simplement en faire plus. »
    Dans le cas de la COVID, je pense que nous pouvons démontrer de façon très convaincante pourquoi ce n'est pas seulement la bonne chose à faire sur le plan moral, mais que c'est aussi, en fait, la bonne chose à faire pour nous sur les plans économique et social. Sinon, comme M. Lowcock et M. Beasley l'ont indiqué, nous aurons plus de conflits, plus de migration et plus de réfugiés. Nous nous retrouverons simplement dans une spirale descendante, ce qui n'est dans l'intérêt de personne. Ce n'est pas dans l'intérêt du Canada.
    Je pense qu'un véritable effort s'impose, et j'espère, en toute franchise, que votre comité pourra le faire. Le Comité peut parvenir à un consensus sur les objectifs à atteindre. Nous ne pourrons pas contribuer à l'atteinte des objectifs en matière de développement durable d’ici 2030 si nous n'intégrons pas ces objectifs dans notre propre budget et dans nos actions en tant que pays. Voilà où nous devrions en être, idéalement.
    C'est à peu près tout ce que je peux dire. Je vous assure cependant que je tiens en privé avec mon employeur les mêmes propos qu'en public. Je crois vraiment que nous devons, en tant que pays, prendre les choses en main et nous engager à faire avancer les choses. Je ne cesse de le faire valoir, et j'encourage le Comité à en faire autant.
(1720)
    Merci.
    Monsieur, vous avez toujours l'appui du NPD à la Chambre des communes, bien entendu.
    Eh bien, voilà un changement rafraîchissant, car parfois, lorsque j'étais à la Chambre, je n'étais pas sûr de l'avoir ou non, mais c'est une longue histoire qui prendrait du temps à raconter.
    Je pense qu'il est vraiment important d'essayer de créer un plus vaste consensus sur le plan politique. Cette question ne devrait pas diviser les Canadiens, mais nous unir.
    Cela m'amène à une question. Un de mes bons amis, Doug Roche, que vous connaissez sans doute, a déclaré que 10 % des dépenses militaires mondiales représentent 190 milliards de dollars que nous pourrions consacrer aux objectifs de développement durable, ce qui est utile.
    Ma question s'adresse à M. Lowcock, en fait.
    Vous avez parlé du rôle de chef de file du Canada. Vous avez indiqué que le Canada était un champion pour veiller à régler les inégalités dont M. Rae a parlé. Selon vous, dans quelle mesure est-il légitime que nous demandions au Canada de jouer ce rôle alors que le pays ne joue pas un rôle assez important étant donné ses propres niveaux d'aide au développement? Avons-nous une légitimité quelconque pour jouer ce rôle, actuellement? Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet?
    Je pense que dans ce monde, il est impossible de faire abstraction du fait que si vous voulez que vos idées aient de l'influence et du poids... Il y a de formidables idées venant du Canada sur ces questions.
    De formidables paroles, peut-être, oui.
    La dernière fois que j'étais à Ottawa, j'ai passé une très bonne journée à essayer de débattre et de trouver des idées sur la façon d'améliorer la situation des femmes et des filles dans ces pays. Comme M. Beasley l'a indiqué, ce sont les plus vulnérables. Où qu'on aille, on est toujours particulièrement frappé par la vulnérabilité des femmes et des filles.
    Si vous voulez que les autres prennent vos idées au sérieux, il n'est pas inutile de sortir votre portefeuille pour les appuyer. Je pense que certaines actions menées par le Canada ces derniers mois ont été extrêmement utiles à cet égard.
    Atteindre ce pourcentage de 0,7 % puis le dépasser amplifierait réellement votre influence. C'est ce que d'autres ont constaté.
    C'est toujours l'indicateur que nous utilisons: 0,7 % du RNB. Le ministre devrait pouvoir nous dire quel est notre pourcentage du RNB à tout moment. C'est toujours l'indicateur utilisé sur la scène mondiale, n'est-ce pas?
    C'est exact. Il y a cinquante ans, Lester B. Pearson a eu une excellente idée. Ce serait formidable que plus de pays emboîtent le pas.
    Merci beaucoup, madame McPherson.
    Merci, monsieur Lowcock.
    Le prochain intervenant est M. Chong, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Mes questions et commentaires sont encore une fois pour l'ambassadeur Rae. J'aimerais me concentrer sur l'aide étrangère. J'espère que ces questions sont recevables et que je ne serai pas interrompu par les membres libéraux du Comité.
    Ambassadeur Rae, j'ai lu votre rapport, que le gouvernement du Canada a publié sur son site Web. Votre rapport, à titre d'envoyé spécial du premier ministre, m'a semblé être une évaluation très éclairée et franche. En fait, je l'ai cité à la Chambre des communes pour faire connaître cet enjeu. Je pense que vous avez soulevé un très bon point dans ce rapport en soulignant que la baisse ou la stagnation du revenu national ne nous aidera pas à atteindre nos objectifs en matière d'aide étrangère.
    Plus sérieusement, il est clair qu'aucun gouvernement canadien n'a atteint, au cours des dernières décennies, son objectif en matière d'aide étrangère, qui est de 0,7 % du RNB. En fait, le montant de l'aide étrangère a baissé de quelque 10 % comparativement au gouvernement précédent.
    J'ai une question de nature politique pour vous, une question politique sérieuse. Selon vous, étant donné qu'aucun gouvernement canadien — conservateur ou libéral — n'a atteint cet objectif, quel devrait être, d'un point de vue pratique, l'objectif à long terme du gouvernement du Canada? Cet objectif devrait-il être de maintenir le niveau à 0,27 %? Devrait-il être de 0,3 %? Devrait-il être de 0,5 %?
    La plupart des gens avec qui je discute considèrent que la cible de 0,7 % n'est pas réaliste. Je suis donc curieux de savoir quel serait selon vous l'objectif que nous devrions viser à long terme, disons à l'horizon 2030. Deuxièmement, comment pouvons-nous y parvenir, politiquement?
(1725)
    Pour commencer, je dirais que je pense que M. Mark Lowcock a bien répondu lorsqu'on lui a demandé si le pourcentage de 0,7 % est toujours la référence. La réponse est oui, c'est la référence. La question est alors de savoir où nous en sommes par rapport à cela. Ce que j'ai fait valoir dans le rapport, c'est que nous devrions en faire plus. Dans l'autre partie du rapport, on indique que nous devrions en faire plus parce que c'est la bonne chose à faire sur le plan moral, mais aussi parce que c'est ce qui est le plus sensé pour le monde, et le plus sensé pour le Canada.
    Je n'ai pas un chiffre en tête. Cela dit, je suis profondément convaincu qu'il serait dans notre intérêt à tous que le gouvernement essaie de discuter, avec tous les partis à la Chambre des communes, de l'adoption d'une stratégie nous permettant d'augmenter les montants régulièrement et de faire le nécessaire, peu importe le contexte économique général. Je ne me lancerai pas dans un débat politique ici, mais si certains partis affirment que nous devrions réduire l'aide étrangère de 25 %, cela devient un peu plus difficile à faire.
    Plus sérieusement, je pense que notre grand défi concerne les Canadiens. Il faut leur dire qu'il s'agit d'un investissement dans notre avenir collectif en tant que citoyens du monde, que c'est ce que nous devrons faire au service de la planète, au service de l'humanité, et que ce sont les mesures que nous devrons prendre au fil du temps. Nous devrons montrer aux gens que cela changera la donne, que cela contribuera réellement à réduire la pauvreté et que cela aidera à atteindre les objectifs de développement durable, qui, franchement, doivent aussi être expliqués aux Canadiens. Ils doivent savoir en quoi ces objectifs sont importants et ce qu'il faut faire.
    Si les autres partis ne sont pas d'accord avec le gouvernement, j'encourage tout de même le gouvernement à se demander quel est son objectif et comment il peut augmenter le montant au fil du temps, et de manière abordable.
    Je dirais aussi que d'autres pays ont cette discussion. Des rapports indiquent que le débat au Royaume-Uni prend une tout autre tournure, ce qui est vraiment dommage, à mon avis. Je pense que c'est mal. Vous savez, les Britanniques ont atteint la cible de 0,7 %. Les Britanniques, tous partis confondus — conservateur, travailliste et libéral —, se sont engagés, par solidarité nationale, à maintenir l'aide à 0,7 % du RNB. Cela semble quelque peu vacillant. Si tel était le cas, j'en serais navré. Je pense qu'il est vraiment important que nous travaillions tous ensemble.
    Franchement, les Britanniques en font bien plus que nous. Loin de moi l'idée de critiquer le Royaume-Uni en ce moment. Je pense simplement que nous devons prendre la décision d'en faire plus, systématiquement. Plus particulièrement, nous devons agir maintenant. Plus particulièrement, nous devons réagir à cette crise au fur et à mesure que nous y sommes confrontés. Voilà précisément ce que nous devons faire.
    Merci, ambassadeur Rae.
    Monsieur Chong, ambassadeur Rae, merci beaucoup.
    Chers collègues, c'est là-dessus que se termine la période prévue avec nos témoins. Il est à peu près 17 h 30.
    Au nom du Comité, je tiens à remercier nos trois extraordinaires fonctionnaires et témoins d'avoir passé du temps avec nous cet après-midi. C'était une heure fort intéressante et stimulante. Nous aurions aimé que vous ayez plus de temps, bien entendu, mais vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion. Je remercie chacun d'entre vous de votre présence. Je vous remercie de votre service et de tout le bien que vous faites dans le monde entier. Nous continuerons à suivre de très près vos fils de nouvelles sur les médias sociaux et vos équipes. Nous sommes impatients d'avoir de nouveau l'occasion de discuter avec vous à l'avenir.
    Nous vous souhaitons à tous une bonne soirée. Merci beaucoup.
    Chers collègues, nous nous reverrons à la prochaine réunion. Avec l'accord du Comité, la séance est levée.
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