:
Chers collègues, je déclare ouverte la huitième réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
[Traduction]
Conformément à l'ordre de renvoi du 22 octobre 2020, le Comité va étudier les vulnérabilités créées et exacerbées par la pandémie de COVID-19 dans les régions en crise et touchées par les conflits.
Afin d'assurer le bon déroulement de la séance, j'encourage tous les participants à mettre leur micro en mode silencieux lorsqu'ils ne parlent pas et à toujours s'adresser à la présidence.
Lorsqu'il ne restera que 30 secondes à votre temps de parole, je vous le signalerai à l'aide de cette feuille de papier jaune.
Vous pouvez entendre l'interprétation en cliquant sur l'icône du globe au bas de votre écran.
[Français]
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins du premier groupe.
Nous recevons Mme Gillian Triggs, haut-commissaire assistante chargée de la protection du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, et Mme Peggy Hicks, directrice des activités thématiques, des procédures spéciales et du droit au développement du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme.
[Traduction]
Madame Triggs, je vous invite à lancer la discussion d'aujourd'hui avec la déclaration liminaire de cinq minutes que vous avez préparée.
Vous avez la parole. Allez-y, je vous en prie.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les membres du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de m'avoir offert cette possibilité de m'adresser à vous au sujet des conséquences disproportionnées de la COVID-19 sur plus de 80 millions de personnes qui relèvent du mandat du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiées.
Ces 80 millions comprennent 26 millions de demandeurs d'asile et de réfugiés et 47 millions de personnes déplacées dans leurs propres pays. L'aspect le plus frappant des répercussions de la COVID-19 sur les personnes relevant de la compétence du HCR est peut-être le fait que cette année, l'agence a relevé le plus faible nombre de réinstallations en 20 ans — un record historique — avec près de 20 000 départs cette année, soit à peine un tiers du nombre habituel des réinstallations.
Pour commencer, j'aimerais remercier le Canada qui a annoncé récemment une augmentation de 4 300 places pour la réinstallation et le parrainage privé au cours des deux prochaines années, ainsi que pour son soutien aux réponses à la COVID accompagné d'un financement supplémentaire très généreux pour le travail humanitaire et de développement, avec un accent particulier, comme nous le verrons dans un instant, sur les femmes et, surtout, les filles.
Le HCR est très reconnaissant au Canada pour son leadership tout au long de la pandémie, ayant été l'un des premiers pays à reprendre la réinstallation des départs après la suspension temporaire du programme sous l'influence de la COVID. Le Canada a également, et c'est important, utilisé des technologies comme les réunions à distance — ce que, bien sûr, nous faisons maintenant — pour les cas de réinstallation afin d'assurer la continuité du programme.
Le Canada a également fait œuvre de pionnier en matière de mobilité de la main-d’œuvre pour les réfugiés, en tant que voie normale ou complémentaire vers l'établissement. Le Canada a soutenu les voies d'éducation par un modèle de parrainage et, dans le cadre d'une initiative très importante, a mis au point l'initiative mondiale de parrainage des réfugiés.
Cela signifie que le leadership continu du Canada en cette période de COVID est vital.
Les conséquences de la COVID sur la vie de tant de réfugiés et de personnes déplacées ont été une pandémie exacerbant et aggravant des crises longues et préexistantes, une crise de protection qui, par son ampleur et son effet durable probable, témoignent des causes profondes des mouvements mondiaux dans le monde entier. Les gens fuient la violence et la persécution dues aux conflits internationaux et intercommunautaires, à la pauvreté, à l'inégalité et à la discrimination sexuelle, à la détérioration de l'environnement et aux changements climatiques. Les chiffres sont aujourd'hui sans précédent et augmentent rapidement.
Comme tant de personnes vulnérables sont touchées de manière disproportionnée par la COVID, vous pouvez raisonnablement vous demander pourquoi nous devrions nous concentrer sur les réfugiés et autres personnes déplacées alors que les nations sont, à juste titre, soucieuses de protéger leurs propres citoyens et habitants. La réponse réside dans le fait que les personnes déplacées sont particulièrement vulnérables et sont plus exposées dans les collectivités où elles se sont réfugiées. Elles dépendent de l'économie informelle. Sans statut juridique, les réfugiés sont les premiers à perdre leur emploi, à subir une expulsion et à se retrouver sans abri.
Depuis le début de la pandémie, le HCR a reçu des rapports constamment alarmants faisant état d'une forte augmentation de la violence sexiste, de la traite de personnes, de l'exploitation sexuelle, des grossesses et des mariages d'enfants, de la xénophobie et de la stigmatisation.
Quatre-vingts pour cent des réfugiés dans le monde sont accueillis par des pays pauvres et en développement où les systèmes de santé sont rapidement débordés et où les gens vivent dans des conditions surpeuplées et insalubres. Les personnes âgées et les personnes handicapées sont moins en mesure d'obtenir des services médicaux en situation de confinement, et les enfants déplacés sont plus susceptibles de ne pas retourner à l'école une fois que celle-ci a rouvert, en particulier les filles, ce qui fait reculer progrès difficilement acquis au cours des dernières années.
Outre les conséquences sociales et économiques de la COVID, nous avons constaté qu'au plus fort de la pandémie, 168 pays ont fermé leurs frontières — près de 90 ne faisant aucune exception pour les demandeurs d'asile, risquant un refoulement vers le danger. Nous avons également constaté le refoulement de bateaux transportant des demandeurs d'asile, avec le refus de procéder à des sauvetages en mer ou de laisser débarquer ceux qui ont été secourus.
Le HCR a été clair en disant qu'une nation a la responsabilité à la fois de protéger la santé de ses citoyens et de protéger les demandeurs d'asile. L'un n'exclut pas l'autre.
Je termine en disant qu'une solution réside dans le pacte mondial sur les réfugiés pour mieux reconstruire, comme l'a proposé le secrétaire général. Le pacte établit un principe très simple: le partage équitable de la responsabilité des personnes déplacées et des apatrides. J'ose suggérer, monsieur le président, qu'il constitue une feuille de route pour l'avenir, une feuille de route qui, dans ce monde globalisé, nous fait comprendre que nous devons agir ensemble, et nous applaudissons les efforts du Canada en tant que leader dans ses réponses humanitaires.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci de m'avoir invitée à parler de ce sujet important.
La COVID-19 a servi de test de stress pour nos sociétés. Elle met en évidence les faiblesses que nous savons être présentes, mais qui ne sont pas toujours visibles ou qui, du moins, ne sont qu'à la périphérie de notre vision. Nulle part ces vulnérabilités ne sont plus prononcées et les conséquences plus graves que dans les sociétés fragiles et touchées par des conflits ou des crises.
La pandémie a entraîné une crise massive et multiforme des droits de la personne. Il serait en fait plus facile de nommer les droits qui n'ont pas été touchés de façon marquée que de nommer ceux qui l'ont été, tant les conséquences sont profondes. À l'échelle mondiale, nous assistons à une augmentation considérable de la violence fondée sur le sexe, à un doublement ou presque des millions de personnes souffrant de faim aiguë dans le monde et à des répercussions inquiétantes sur l'ensemble des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.
Tous ces impacts sont encore amplifiés dans les contextes de fragilité, de conflit et d'urgence, où la cohésion sociale est déjà minée et où les institutions gouvernementales sont affaiblies et parfois dysfonctionnelles. En effet, nous constatons que dans de nombreux contextes, la sous-utilisation chronique des crédits alloués à la santé, à l'eau et à l'assainissement, au logement et à la protection sociale a créé d'immenses vulnérabilités. Ces lacunes sont d'autant plus apparentes et profondes dans les situations de conflit et de crise.
Permettez-moi de me concentrer plus particulièrement sur cinq domaines dans lesquels les conséquences de la pandémie de COVID-19 sur les droits de la personne sont particulièrement inquiétantes.
Premièrement, il y a les effets de la COVID-19 sur les personnes déjà vulnérables, comme l'a souligné Mme Triggs. Les personnes âgées, les personnes handicapées, les migrants et les enfants subissent déjà des effets énormes et disproportionnés en cas de crise et de conflit. La COVID-19 a amplifié ces effets, agissant comme la version cruelle d'un engin guidé par la chaleur qui cible déjà les personnes les plus démunies.
Deuxièmement, il y a les conséquences des failles dans notre société, qui sont fondées sur la race, l'ethnicité ou le statut de minorité. De différentes manières et dans différents endroits, nous constatons sans cesse que les groupes marginalisés sont triplement touchés, qu'ils sont davantage exposés au virus en raison de leur emploi et des conditions dans lesquelles ils vivent, qu'ils sont confrontés à des conséquences plus graves de la maladie elle-même et qu'ils luttent davantage pour faire face aux conséquences de la COVID-19 sur leurs moyens de subsistance et leur vie.
Troisièmement, la pandémie a des effets dévastateurs sur les femmes. Les multiples préjudices subis par les femmes pendant la pandémie sont ressortis des pays les plus riches aux pays les plus touchés par les conflits. Nous avons vu des dizaines de millions de cas supplémentaires de violence, un accroissement de la charge déjà disproportionnée pour l'éducation des enfants et les travaux ménagers, une plus grande proportion de femmes qui quittent la vie active et des femmes plus exposées en raison du grand nombre d'entre elles occupant un emploi dans le secteur de la santé ou des services.
Quatrièmement, il y a les conséquences du manque d'accès à l'eau et à l'assainissement et à un logement adéquat. En mars, lorsque les campagnes se multipliaient dans le monde entier pour nous dire à tous de nous laver les mains et de rester chez nous, la réalité est que plus de deux milliards de personnes dans le monde sont sans abri ou ont un logement nettement insuffisant, et qu'autant d'autres n'ont pas accès à l'eau et à l'assainissement. Bien entendu, ces lacunes se font sentir plus particulièrement dans les zones touchées par les conflits et les crises.
Cinquièmement, enfin, il y a les effets disproportionnés du fossé numérique. Près de la moitié de la population mondiale n'a pas accès à Internet. Ce fossé numérique, qui est plus profond pour les femmes et les personnes âgées, a toujours été un obstacle important au développement. Depuis la pandémie, nous avons vu à quel point l'accès numérique peut être crucial pour l'éducation et la santé, ainsi que l'incidence du manque de connectivité, qui peut mettre en danger la vie des personnes. Nous savons également que dans les situations de tension ou de crise, un nombre encore plus important de personnes souffrent de la restriction délibérée de l'accès à Internet, y compris des fermetures.
Non seulement ces répercussions sont plus graves dans les pays fragiles et touchés par des conflits, mais elles servent elles-mêmes à alimenter les conflits et les troubles sociaux et à créer de plus grands obstacles à la stabilité et à la paix. C'est un cercle vicieux dans lequel la violence et l'instabilité aggravent les effets de la COVID-19 et, inversement, la pandémie alimente les conflits, la violence et l'instabilité.
À la lumière de ces faits, la voie à suivre aujourd'hui devrait être claire. C'est un moment où le soutien aux pays en crise ou en conflit n'a jamais été aussi important. L'effet du ralentissement économique dans le monde développé rend sans doute cet engagement plus difficile, mais ne pas relever ce défi sera certainement le choix le plus coûteux, tant en vies humaines qu'en ressources.
Tout comme la pandémie a été alimentée par des lacunes en matière de protection sociale, de santé, de logement et d'assainissement, les conflits sont alimentés par l'incapacité de s'attaquer aux causes profondes de la violence, de l'insécurité et des conflits, notamment les violations et les inégalités sur le plan des droits de la personne. Les conflits auxquels nous sommes confrontés, dans de nombreux cas, voire dans la plupart des cas, sont précédés de décennies de violation des droits de la personne et de griefs accumulés, souvent documentés par les mécanismes des droits de la personne, mais pas suffisamment pris en compte par les États concernés ou par les organisations régionales ou internationales.
Nous parlons beaucoup d'alerte précoce, mais la véritable lacune a été notre incapacité d'investir réellement les ressources et le capital politique nécessaires avant que les situations n'atteignent un point de rupture. Ce n'est pas d'une alerte précoce dont nous avons besoin, mais d'une action précoce plus efficace.
La pandémie a fourni une feuille de route pour renforcer la résilience face aux pandémies et aux conflits. Nous reconstruisons mieux en investissant dans les droits de la personne.
Merci.
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Merci, madame Triggs et madame Hicks pour votre témoignage, certes, mais surtout pour le travail important que vous accomplissez.
Je suis particulièrement préoccupé par les effets de la COVID-19 sur les personnes faisant l'objet d'une détention massive arbitraire, par les conséquences que le virus pourrait avoir dans ces circonstances, surtout, comme nous en avons déjà parlé à ce comité, sur la collectivité musulmane ouïghoure et sur ce à quoi elle est confrontée en Chine.
Ma première série de questions s'adresse à Mme Hicks et porte sur ce problème particulier.
Madame Hicks, l'ambassadeur du Canada aux Nations unies a proposé une enquête de l'ONU visant à déterminer si le traitement des Ouïghours constitue un génocide. Selon vous, les actes commis par le gouvernement chinois à l'égard des Ouïghours constituent-ils un génocide?
Deuxièmement, le confinement forcé de personnes dans des quartiers fermés, dans des camps de concentration, pendant la pandémie, sans possibilité de s'éloigner socialement et sans accès adéquat aux soins de santé... Cet enfermement et les circonstances associées constitueraient-ils un génocide ou d'autres crimes internationaux définissables?
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Merci beaucoup de votre question, qui est particulièrement pertinente et importante dans les circonstances actuelles.
Notre bureau a étudié en profondeur les questions de détention et d'incarcération massives pendant la pandémie et il a publié, en fait, des conseils en matière de droit de la personne sur certaines des mesures essentielles qui devraient être prises pour éviter les conséquences les plus graves. La haute commissaire elle-même a fortement insisté sur la nécessité de libérer rapidement les personnes dans un grand nombre de cas où le maintien en détention n'était pas nécessaire.
Nous avons également souligné qu'aujourd'hui plus que jamais, toutes les personnes qui sont détenues arbitrairement en violation des droits de la personne internationaux devraient être libérées, car elles risquent évidemment de perdre non seulement leur liberté, mais aussi leur vie, étant donné, comme vous l'avez dit, l'ampleur des effets dévastateurs de la pandémie dans les prisons et les centres de détention.
Vous avez posé des questions précises sur notre travail concernant la Chine et la communauté ouïghoure. Je suis désolée, monsieur, mais cela ne s'inscrit pas dans le cadre de mes responsabilités au sein de notre bureau et ne fait pas partie des remarques que je peux présenter au Comité aujourd'hui. Toutefois, je suis sûre que notre bureau sera heureux de présenter d'autres déclarations en réponse aux questions, si cela peut vous être utile.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup pour cette réponse. L'une des choses que nous faisons souvent ici, c'est demander un suivi écrit. Pourriez-vous donc, par l'intermédiaire de votre bureau, fournir un suivi écrit au Comité sur les questions précises concernant le génocide et sur la question de savoir si la détention massive dans des conditions de pandémie pourrait être considérée comme constituant un génocide?
J'ai une question de suivi — et n'hésitez pas à me dire si elle ne relève pas de vos responsabilités, mais je suis curieux. Notre ambassadeur canadien a demandé au Conseil des droits de l'homme des Nations unies de faire enquête sur le comportement de la Chine à cet égard. Malheureusement, la Chine fait partie du Conseil des droits de l'homme, tout comme le Pakistan, Cuba, l'Arabie saoudite et la Russie.
Je sais, madame Triggs, que dans votre travail précédent chez Human Rights Watch, vous aviez fait quelques remarques concernant le Conseil des droits de l'homme et sa capacité d'enquêter sur les violations des droits de la personne compte tenu de la présence au sein de ses membres d'États dont le bilan en matière de droits de la personne est très mauvais. Je me demande si vous pourriez nous parler du rôle du Conseil des droits de l'homme. Est-il capable de mener une véritable enquête dans le cas des Ouïghours, et plus largement, quel rôle peut-il ou ne peut-il pas jouer compte tenu des circonstances actuelles?
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Merci, et toutes mes excuses pour cela.
Je vous remercie, monsieur. Oui, je suis heureuse de parler un peu du rôle du Conseil des droits de l'homme dans le traitement d'une crise telle que celle que vous avez décrite. Le Conseil des droits de l'homme fait... il a été efficace en mettant en établissant des mandats d'enquête dans un certain nombre de situations qui ne plaisaient pas aux États qui allaient faire l'objet de l'enquête.
C'est certainement du ressort du Conseil et de son potentiel de mettre en place un mécanisme comme celui-là. Je vous renvoie, par exemple, à la commission d'enquête sur la Syrie, qui est en place depuis sept ans maintenant, malgré les objections du gouvernement syrien et d'autres. Ces résolutions sont généralement votées, mais il y a eu un certain nombre de mécanismes de ce genre, et ils font un travail très important en enquêtant sur les violations des droits de l'homme dans le monde entier et en les exposant.
Le Conseil compte 47 membres, et il est impossible pour un seul membre de bloquer ce type d'action en cas de vote majoritaire.
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Bonjour, et merci de participer à cette réunion. Je suis dans la belle ville ensoleillée de Vancouver, alors il n'est que midi pour moi.
L'idée qu'il y avait 80 millions de réfugiés ou personnes déplacées dans le monde était une source d'inquiétude avant le début de la pandémie de COVID. La COVID a maintenant exposé toute la vulnérabilité. Vous avez absolument raison, et tout ce que vous avez dit nous préoccupe beaucoup.
Je vous remercie de féliciter le Canada. Je suis satisfaite du travail que nous faisons, mais le fait est que les problèmes tangibles demeurent. Donner de l'argent, aider à assurer la sécurité alimentaire des personnes, les aider à se loger, les aider à s'instruire, tout cela est essentiel. Cependant, nous avons, par exemple, dans la région de l'OSCE, qui est la deuxième plus grande région en dehors des Nations unies, des pays qui ont fermé leurs frontières aux personnes apatrides et déplacées. Il n'y a nulle part où elles peuvent toutes aller.
Nous savons qu'aujourd'hui, des pays utilisent l'excuse de la COVID-19 pour priver les femmes du monde entier de leurs droits sexuels et de leur santé de reproduction. Nous comprenons tout ce que vous dites; d'autres personnes nous l'ont dit.
Voici ma question. Outre l'octroi de fonds d'urgence, que le Canada est heureux de faire, quelles sont les mesures réellement pratiques que nous pouvons prendre pour progresser vers la durabilité? Ce n'est pas la dernière pandémie qui nous frappe. Les pandémies se succèdent. Comment envisager la mise en place d'infrastructures durables dans ces pays — systèmes de soins de santé, systèmes de sécurité alimentaire? Comment faire pour ne pas devoir traiter chaque nouvelle pandémie ou chaque nouveau problème comme une urgence? Il y a plus de personnes déplacées aujourd'hui qu'au cours de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre du Vietnam et des autres conflits réunis.
J'aimerais vous demander à toutes les deux de répondre, et je laisse au président le soin de décider qui passe en premier, parce que c'est sa prérogative. Quelles sont les choses vraiment durables et permanentes que nous pouvons faire pour que les pays soient autosuffisants et que les gens n'aient pas à partir? Bien sûr, je pourrais vous demander ce qu'il faut faire en cas de conflit, mais je pense que cela échappe à tout le monde en ce moment.
Pourriez-vous me le dire? Je vous remercie.
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Merci beaucoup pour la question. Je pense que c'est une question que le monde entier se pose, alors que nous voyons les conflits se poursuivre, que de nouveaux conflits surgissent et que les anciens semblent insolubles. Bien que nous soyons en pourparlers de paix en ce qui concerne l'Afghanistan, cela dure depuis 40 ans. Le conflit syrien en est à sa 10
e année. Depuis de nombreuses années, des pays comme la Turquie accueillent généreusement quatre millions de réfugiés. Certains y sont depuis très longtemps.
Pour répondre à votre question, je reviendrai sur la raison d'être de la Convention sur les réfugiés, qui a été adoptée six ans après la Seconde Guerre mondiale, en 1951. À l'époque, la convention concernait environ deux millions de personnes déplacées. On pensait que la convention sur les réfugiés résoudrait essentiellement le problème, qu'elle permettrait de réinstaller ces deux millions de personnes et de leur trouver un foyer.
Nous voici 70 ans plus tard avec beaucoup de choses à célébrer en ce qui concerne les constantes fondamentales de la Convention sur les réfugiés, mais il s'agit de 80 millions de personnes et, franchement, ce chiffre continue d'augmenter.
La question, bien sûr, doit être celle que vous posez: quelles sont les solutions durables, plutôt que temporaires, qui permettront l'accès à la demande d'asile et empêcheront, bien sûr, toute forme de refoulement vers un danger?
La réponse, selon nous, réside dans le partage des responsabilités, ce que le Pacte mondial pour les réfugiés vise à réaliser: une responsabilité partagée et équitable pour aider les pays d'accueil qui en assument la charge. En fait, 80 % des réfugiés et des personnes déplacées se trouvent dans des pays en développement ou très pauvres, de sorte que le fardeau est supporté de manière disproportionnée, en particulier à l'heure actuelle en Afrique, où un grand nombre de personnes dépendent de la générosité des pays d'accueil avoisinants.
Quelles sont les solutions? « Partager » est un grand mot, mais que signifie-t-il en réalité? Nous recherchons maintenant un soutien financier, certes, mais aussi des investissements. Le HCR est une agence d'urgence. Nous pouvons fournir des milliards de pains de savon et des logements d'urgence à Idlib. Nous pouvons faire le travail d'urgence, mais nous nous dirigeons également vers une collaboration beaucoup plus étroite avec les banques d'investissement et les gouvernements, en élargissant la base de soutien afin d'obtenir des investissements pour traiter ce que nous savons tous être les causes profondes sous-jacentes, comme la pauvreté et l'inégalité. Nous avons besoin d'investissements et nous avons besoin de l'engagement de la communauté dans son ensemble.
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Merci. Je serai brève, alors.
Je pense qu'il y a quelques points qui n'ont pas été entièrement abordés.
Ce ne sont pas des solutions qu'un seul pays, de toute évidence, proposera à lui seul. Nous sommes convaincus qu'une partie de ce qui a été montré ici est le besoin de solutions multilatérales et d'un engagement plus poussé dans un esprit de coopération, par-delà les frontières et les régions, afin que l'on puisse proposer des approches qui fonctionnent et qui sont durables. Comme je l'ai dit dans mes remarques, nous considérons les droits de la personne comme l'un des éléments clés de la paix et du développement durables.
Je voudrais également souligner, en guise de conclusion, que, souvent, nous ne disposons pas des données et des renseignements qui nous permettent d'intervenir et d'agir aussi efficacement que possible. Il faut travailler davantage, en examinant les indicateurs et les données. Le suivi est également un point essentiel, en particulier les données ventilées sur la race, le sexe et d'autres critères.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie, mesdames, d'être des nôtres, c'est vraiment très apprécié. Votre contribution sera des plus précieuses pour les travaux de ce comité.
Hier, on a souligné la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Une des choses qu'on a constatées, c'est que les signalements de violence familiale, que soit à l'encontre des femmes ou des enfants, ont diminué de façon considérable durant la pandémie. On constate que le cocon familial est un lieu confortable et sécuritaire, mais que c'est également un endroit très secret où il se passe des choses. Des études plus approfondies montrent que le niveau de violence a probablement augmenté, bien que les signalements ont diminué.
J'aimerais savoir s'il y a un parallèle à établir sur le plan international. Mme Triggs nous faisait remarquer que les relocalisations ont diminué durant la période de pandémie; peut-on présumer que de la même façon, durant cette période de pandémie, on a peut-être moins d'indications qu'il y aurait pu y avoir violation des droits de la personne?
En approfondissant notre observation, sommes-nous en mesure de dire qu'au contraire il y a eu accroissement des violations des droits de la personne puisque l'attention mondiale est concentrée sur la lutte contre la pandémie et non pas sur ce que fait d'habitude la communauté internationale concernant le respect des droits de la personne ou le mieux-être des réfugiés?
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Je suis, bien sûr, ravie de prendre la parole.
Merci, monsieur. C'est certainement une question que nous nous posons aussi. En vérité, comme vous l'avez dit, nous avons observé une augmentation des violations des droits de la personne pendant cette pandémie. Ces violations ont pris quantité de formes différentes. Vous avez rappelé le fait que les femmes au foyer sont parfois plus vulnérables, et nous avons constaté qu'elles sont maintenant davantage victimes de violence. C'est un phénomène bien documenté.
Je vous dirai aussi que ce phénomène touche les personnes qui ont besoin de soins, qu'il s'agisse d'aînés, de handicapés ou d'autres catégories de personnes. Il en va de même pour les personnes appartenant aux groupes LGBT et mal perçues dans leurs foyers. Toutes sont exposées à des risques de violence accrus.
Nous avons quantité de motifs de nous inquiéter de la hausse des violations des droits de la personne pendant cette pandémie.
J'insisterai aussi sur le fait que nous avons relevé de nombreux cas dans lesquels des gouvernements ont utilisé des mesures d'urgence, dont nous ne remettons pas en cause le bien-fondé et que la législation sur les droits de la personne autorise, qui se sont avérés des prétextes pour empiéter à grande échelle et abusivement sur des droits, en s'en prenant par exemple aux opposants, en s'attaquant à la société civile et en prenant des mesures qui, sans le paravent de la pandémie, eurent été plus visibles.
Vous avez tout à fait raison: ce sont là des questions qu'il nous faut examiner beaucoup plus attentivement.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens tout d'abord à remercier nos deux témoins. Leurs commentaires ont été fort intéressants. Comme je suis le quatrième à intervenir, nombre des questions que j'avais à poser ont déjà été abordées.
Je vais commencer par m'intéresser un peu à la question soulevée par mon collègue du Bloc québécois, soit les répercussions que la COVID-19 a eues sur les femmes.
Madame Hicks, vous nous avez entretenus de façon très éloquente de ces répercussions, soit de la violence, de l'impossibilité des femmes de retourner au travail, de la charge que représentent les soins du ménage et des enfants. Ce qui m'intéresserait serait de savoir comment, à votre avis, le Canada pourrait mieux faire en la matière à l'avenir, en améliorant sa façon de s'attaquer à ces problèmes, aussi bien au pays que sur la scène internationale. En effet, comme M. Bergeron l'a rappelé, ce ne sont pas des problèmes qui ne surviennent qu'à l'étranger; ils sont aussi bien présents au Canada. Quelques commentaires que cela vous inspire-t-il?
Si vous êtes d'accord, j'aimerais bien, madame Triggs, recueillir également vos commentaires.
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Je vous remercie de l'occasion d'aborder ce sujet.
Il me semble qu'il y a un domaine auquel on a accordé davantage d'attention, même si on n'en accorde jamais assez à ces questions. Il est donc de la toute première importance que nous examinions ce qui se passe et que nous tentions d'en dégager quels sont les types de réactions qui se révèlent efficaces.
L'une des choses sur lesquelles nous insistons est que, lors d'une crise comme celle-ci, il faut se doter immédiatement d'un plus grand nombre de services d'aiguillage et de refuges. Même en plein milieu d'une pandémie, les gens ont besoin de pouvoir choisir entre un plus grand nombre de solutions d'aide et il me semble que nous avons été passablement lents à mettre celles-ci en place et à reconnaître ce besoin. Ces types de solutions sont fort importants, aussi bien au Canada que dans le cadre des programmes canadiens de soutien mis en oeuvre à l'étranger.
Nous avons aussi observé, et cela a été bien documenté, que l'accès des femmes aux soins de santé pendant la pandémie a été fortement diminué. C'est ainsi que les femmes n'ont pu avoir facilement accès à des services et des soins d'hygiène sexuelle et de santé génésique, ce qui a eu également d'énormes répercussions sur leurs vies. L'importance accordée à ces questions se classe au second rang des questions que je demanderai avec insistance au Canada et aux autres gouvernements d'étudier.
Je crois que, dans le contexte de la COVID, la question de la violence fondée sur le sexe a réellement été l'une des répercussions de la COVID les plus perturbantes. Bien évidemment, comme nous le savons tous, elle a été bien réelle dans toutes nos sociétés, mais la crise de la COVID l'a mise en lumière et nous a permis de mieux la comprendre. Toutefois, les confinements ont aussi accru les tensions familiales et nous avons assisté à une intensification des situations préexistantes.
Que pouvons-nous faire à ce sujet? Avant de passer aux mesures que nous pourrions prendre, nous avons été frappés par le fait que, dès le début de la pandémie, nous avons reçu des rapports de tous nos centres d'appel dans de nombreuses parties du monde, mais en particulier en Afrique et en Amérique latine, qui nous signalaient une forte hausse des appels concernant des cas de violence fondée sur le sexe. Dans un cas, leur nombre a été multiplié par 10. Cela s'est vérifié partout dans le monde. Ce n'est pas un cas particulier.
C'est là un phénomène très inquiétant. Que pouvons-nous y faire? L'une des choses que nous faisons au HCR est de mettre en place des centres d'appel. Nous augmentons de façon massive ou très importante le nombre de ces centres pour que les femmes puissent plus facilement nous rejoindre. Nous pouvons alors mettre en place des mécanismes pour leur permettre d'obtenir des conseils juridiques, de rejoindre des centres de soins de santé ou d'obtenir un soutien psychologique, quand cela est nécessaire, et d'accéder à d'autres services sociaux. Nous pensons que c'est là l'une des façons de faire quelque chose d'utile dans le contexte de la crise de la COVID qui se poursuit.
Comme l'a dit Mme Hicks, les gens ont besoin de solutions, d'abris, mais peut-être que ce qui importe le plus au bout du compte est une augmentation du financement et un plaidoyer plus énergique pour s'assurer que ce financement est réellement mis en place, non pas sous forme de mesures temporaires, mais comme un élément destiné à devenir une caractéristique importante du filet de sécurité sociale de tous les systèmes qui s'appliquent aux femmes dans le contexte d'une pandémie. Ce ne sera pas la dernière pandémie. Il y en aura d'autres et c'est là un problème de société que nous n'avons pas fini d'affronter.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Madame Hicks, je vous remercie des réponses que vous nous avez données jusqu'à maintenant. Je vous serais reconnaissant si, après cette comparution, votre bureau pouvait nous communiquer par écrit un point de la situation en Chine, ainsi qu'un rappel des défis auxquels vous faites face du fait des efforts du gouvernement chinois de redéfinir les doctrines internationales et les droits de la personne. J'aimerais que le Canada joue un rôle constructif pour contrecarrer les efforts des états autoritaires voulant redéfinir les doctrines établies du droit international de la personne. Bénéficier d'un avis de votre bureau sur la façon de procéder serait très utile. J'aimerais simplement rappeler que, et c'est là un commentaire de nature générale, les obligations relevant de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide incombent aux États. Indépendamment des mesures prises par les organismes des Nations unies, cette convention impose des obligations aux États, y compris celle de protéger.
Mes dernières questions vous sont destinées, madame Triggs. Au Canada, nous entendons beaucoup parler de communautés qui suivent très attentivement la situation des droits de la personne au sein d'autres composantes de leurs communautés dans d'autres parties du monde. Elles font souvent état de préoccupations concernant la difficulté d'accéder au processus d'accréditation du HCR. Il y a un certain nombre de cas où cela s'appliquerait. C'est, par exemple, le cas de personnes qui ne sont pas encore des réfugiés, mais qui sont confrontées à des persécutions, des gens comme les minorités sikhes et hindoues en Afghanistan qui se heurtent à des difficultés importantes. Les membres qui parrainent ces programmes dans ces communautés font des efforts, mais ils sont confrontés à des défis plus importants pour accéder à notre système de réfugié. S'ils sont encore dans leur pays, ils ne sont pas reconnus officiellement comme des réfugiés.
Je pense aussi aux minorités pakistanaises qui se trouvent en Thaïlande. Elles sont souvent passablement vulnérables. On les retrouve parfois dans des camps de détention. Je sais que vous êtes parfois soumis à des contraintes pour travailler dans ce pays parce que la Thaïlande n'est pas signataire de la Convention relative au statut des réfugiés. Nous entendons également parler des difficultés auxquelles se heurtent les communautés de minorités religieuses au Moyen-Orient qui, en vérité, peuvent se sentir plus en sécurité dans des camps de réfugiés.
Je trouve important que vous sachiez que, avoir de la difficulté à accéder au système d'accréditation des Nations unies par certains des réfugiés les plus vulnérables du monde et par des gens persécutés, nous complique la tâche pour leur obtenir la reconnaissance de réfugiés en dehors de ce processus. J'aimerais beaucoup savoir ce que vous pensez de ces défis et recueillir vos commentaires sur les mesures que le HCR pourrait prendre pour garantir plus efficacement qu'une proportion importante des peuples vulnérables puisse réellement être reconnue comme réfugiés et se voir conférer ce statut.
Vous soulevez ici une question de la toute première importance. J'ai signalé que 47 millions de personnes sont déplacés à l'intérieur de leurs propres pays. Ces personnes ne sont pas des réfugiés. Il faut savoir qu'il y a deux régimes complètement distincts. L'un, régi par la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés, s'applique aux personnes qui ont quitté leurs pays. Celles-ci ne se trouvent plus dans leur pays d'origine et ont besoin de protection. La vaste majorité des personnes, qui préoccupent maintenant le HCR, appartiennent au groupe que vous venez de décrire. Ce sont des personnes déplacées à l'intérieur de leurs propres pays, où elles relèvent bien évidemment avant tout de la responsabilité de ces États.
Comme le temps dont nous disposons est limité, je pourrais peut-être répondre à cette question par écrit pour bien préciser la distinction entre les deux groupes. Ce dernier groupe relève du mandat du HCR, non pas parce qu'il s'agit de réfugiés, mais parce que ce sont des personnes déplacées au sein de leurs propres pays. Nous avons, bien évidemment, la lourde responsabilité de les protéger.
Avec votre permission, je vous ferai parvenir ma réponse par écrit sous peu.
Je serais ravi d'obtenir des renseignements additionnels par écrit, mais je tiens à vous préciser que ma question ne portait pas uniquement sur les personnes déplacées à l'intérieur de leurs propres pays. Elle s'intéressait à ces personnes, mais j'ai également cité le cas, par exemple, de deux communautés pakistanaises minoritaires en Thaïlande, les musulmans Ahmadiyya et les chrétiens. Toutes deux se battent pour que leurs membres soient reconnus comme des réfugiés, du moins si je me fie aux témoignages que j'ai entendus de nombreuses personnes de ces communautés. Je suis certain que vous faites de votre mieux pour les protéger.
Il ne s'agit pas uniquement des personnes déplacées au sein de leurs propres pays. À ce que j'ai ouï-dire, il s'agit aussi de gens qui sont réfugiés et qui, dans certains contextes — que ce soit du fait des politiques des États dans lesquels ils se trouvent, des difficultés qu'ils ont avec le HCR, ou qu'ils mettent en doute la sécurité dans les camps — ont de la difficulté à accéder au processus d'accréditation. Cela a des répercussions pour nous, parce que certains volets de notre système de réfugiés imposent que les gens aient obtenu le statut de réfugiés certifié par le HCR. Ils ne peuvent alors pas accéder à ces systèmes de réfugiés et on nous demande avec plus d'insistance de ne pas nous fier au processus d'accréditation du HCR.
J'ai pratiquement utilisé la totalité du temps de parole qui m'était alloué, mais je serais ravi de recevoir des commentaires additionnels par écrit. Il doit nous rester une quinzaine de secondes et s'il y a quelque chose que vous teniez à nous dire maintenant…
:
Ce sera certainement avec plaisir.
Vous faites ici allusion à une directive que nous avons rédigée qui s'intéresse aux mesures d'urgence et à leurs répercussions. Les États peuvent déroger aux droits de la personne de deux façons différentes. Il y a la façon officielle, à laquelle vous avez fait allusion, en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui permet de déroger de certains droits quand un état d'urgence a été décrété et a été déclaré comme le prévoit ce pacte.
La plupart des pays qui ont déclaré des états d'urgence ne sont pas allés jusque-là et n'ont pas essayé de déclarer officiellement un état d'urgence ni d'adopter des dérogations. Parmi les types de droits qui ne peuvent faire l'objet de dérogation, on peut citer, par exemple, le droit de s'opposer à la torture, pour lequel aucune dérogation ne saurait être justifiée, et d'autres droits de ce type.
La plupart des États s'en remettent plutôt aux dispositions de la législation sur les droits de la personne qui autorise d'imposer des restrictions nécessaires pour protéger la santé publique. C'est précisément le cas des restrictions en vigueur pour des raisons de sécurité et de santé en vertu de la législation actuelle. Il vous suffit d'adopter des mesures transparentes et non discriminatoires, en veillant à ce que celles-ci n'aillent pas au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour faire face aux urgences de santé publique.
C'est là le type de directives que nous essayons de donner pour nous assurer que les États n'adoptent pas des mesures de restriction allant trop loin. Manifestement, nombre d'entre nous ont vu leurs droits limités par les mesures de confinement et par d'autres dispositions respectant la législation sur les droits de la personne. Nous avons également vu, comme je l'ai indiqué précédemment, que certains États ont utilisé de telles mesures au détriment des groupes d'opposition, de la société civile et d'autres groupes de personnes dans une mesure qui n'était pas nécessaire.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, madame Hicks, des réponses que vous m'avez données plus tôt.
Je vais maintenant m'adresser à Mme Triggs.
J'ai malheureusement très peu de temps. Je vais donc vous poser trois questions en rafale. Si jamais vous manquez de temps pour répondre aux trois questions, je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous faire parvenir des compléments de réponse par écrit.
Madame Triggs, on sait que le Haut Commissariat pour les réfugiés travaille en collaboration avec différentes agences sœurs, dont l'UNRWA, soit l'agence pour les réfugiés palestiniens. Certaines agences, dont celle-là, éprouvent des problèmes de financement qui remettent en question leurs opérations.
Comment règle-t-on ce problème de financement pour un certain nombre d'agences qui œuvrent auprès de réfugiés sur le terrain?
On a vu que des gens ont essayé de quitter Hong Kong par la mer, mais qu'ils ont été interceptés par les autorités chinoises. Comment le Haut Commissariat anticipe-t-il d'éventuels déplacements de population pour assurer la sécurité des gens qui veulent quitter Hong Kong et se réfugier ailleurs?
Qu'êtes-vous en mesure de nous dire sur le déplacement de population consécutif au conflit dans le Haut-Karabakh?
Notre spécialiste de la traite des êtres humains s'est intéressé aux répercussions de cette crise, et nous nous efforçons de recueillir davantage de documentation sur le sujet, mais nous craignons que, comme nous vous l'avons dit en réponse à une de vos questions précédentes, une partie de cette activité se déroule maintenant à l'arrière-plan, ce qui, pour nous, complique la tâche de nous attaquer aux problèmes auxquels sont confrontées les personnes victimes de cette traite.
Nous avons aussi la crainte, comme à chaque fois que l'économie ralentit et que les risques augmentent, que le nombre de proies de cette traite augmente. Il y a certainement des facteurs de risque très importants et, de notre point de vue, c'est certainement un problème qui mérite que nous y portions davantage d'attention.
:
Merci beaucoup, madame McPherson. Vous avez visé juste.
Chers collègues, en notre nom à tous, je tiens à remercier nos deux témoins, Mmes Triggs et Hicks, du temps qu'elles nous ont consacré aujourd'hui, de leurs compétences et, plus important encore, des services qu'elles assurent sur ces questions très importantes partout à travers le monde. Nous vous saurions aussi gré, mesdames, de remercier en notre nom les membres de vos équipes qui, nous le savons, font un travail extraordinaire.
Nous vous reviendrons avec certaines demandes de renseignements par écrit, et nous vous invitons maintenant, avec nos remerciements et notre gratitude, à vous débrancher.
Nous allons laisser le temps au groupe suivant de témoins de se brancher et de vérifier le bon fonctionnement de leur système. Nous allons nous interrompre quelques minutes.
Merci infiniment.
Pour le bien de nos nouveaux témoins, j'invite tous les participants à bien vouloir mettre leur micro en sourdine quand ils ne parlent pas et à adresser leurs commentaires au président. Je vous préviendrai lorsqu'il vous restera 30 secondes pour poser des questions ou vous exprimer en brandissant cette feuille de papier jaune. Une fois encore, au bas de votre écran, vous pouvez accéder à notre service d'interprétation en cliquant sur l'icône du globe.
[Français]
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre deuxième groupe de témoins.
[Traduction]
Mme Tanjina Mirza, gestionnaire de programmes principale, Plan International Canada Inc., s'est jointe à nous.
[Français]
De Vision mondiale Canada, nous recevons Michael Messenger, président et directeur général, ainsi que Lindsay Gladding, directrice des Programmes de soutien aux États fragiles et d’aide humanitaire.
[Traduction]
Nous comptons aussi parmi nous deux représentants de la Banque canadienne de grains, soit M. Paul Hagerman, directeur, Politiques publiques et M. Stéphane Epp-Koop, agent du développement des programmes.
Sans plus tarder, et en vous remerciant de votre patience, je vais donner la parole à Mme Mirza pendant cinq minutes pour qu'elle nous fasse part de ses commentaires préliminaires.
Madame, la parole est à vous.
:
Je vous remercie beaucoup de m’avoir invitée à prendre la parole devant le Comité aujourd’hui.
La pandémie de COVID-19 a vraiment augmenté la vulnérabilité, surtout chez les enfants et les filles, dans les situations de conflit et de déplacement. Plan International est l’une des plus importantes organisations internationales de défense des droits des enfants. Nous nous efforçons de mettre fin à l’inégalité entre les sexes et de promouvoir les droits des enfants dans le monde entier. Nous travaillons dans des environnements fortement touchés par les crise et les conflit.
En tant qu’organisation mondiale, notre réponse à la COVID-19 a touché plus de 72 millions de femmes, d’hommes, de filles et de garçons grâce à des programmes qui permettent de sauver des vies dans les pays en développement et en situation de crises et de conflits.
J’aimerais aujourd’hui souligner trois éléments clés. Premièrement, la COVID-19 intensifie les inégalités, ce qui a des répercussions disproportionnées sur les jeunes filles, et détériore les progrès réalisés jusqu’à maintenant dans le domaine des droits des enfants et de l’égalité entre les sexes. Deuxièmement, l’ampleur du problème auquel nous sommes confrontés pendant cette pandémie de COVID-19 exige des approches et des solutions globales et systémiques. Troisièmement, aujourd’hui plus que jamais, il faut demander au Canada de faire preuve du leadership nécessaire pour faire progresser les droits des enfants, en particulier ceux des filles.
Permettez-moi d’apporter des détails sur le premier point. Plan Canada est fortement préoccupé par les répercussions de la pandémie sur les enfants, surtout les filles. Les conséquences de la pandémie ont été graves. Plus de 13 millions d’enfants sont des réfugiés et 17 millions d’enfants déplacés à l’intérieur d’un pays vivent dans des camps et souvent dans des établissements surpeuplés. Les filles dans des situations de crise nous disent que la COVID-19 a empiré les vulnérabilités actuelles auxquelles font face les enfants. Le risque de transmission de maladies est très élevé dans ces endroits surpeuplés. Le système d’éducation est souvent inadéquat. Même les services de base, tels que l’eau et les infrastructures sanitaires, sont inadéquats. Les droits en matière de santé sexuelle et reproductive sont menacés, et nous constatons une augmentation exponentielle de la violence fondée sur le sexe dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
Partout dans le monde, Plan Canada a adapté ses programmes afin de répondre à la pandémie dans les collectivités où nous travaillons. Nos interventions visent à prévenir la transmission de la COVID-19 et à en atténuer l’impact chez les enfants les plus vulnérables du monde qui vivent dans des camps de réfugiés, des établissements de personnes déplacées et des situations de conflit.
Mon deuxième point, c’est que la pandémie met en lumière la fragmentation de notre système. Une intervention bien réfléchie exige une stratégie coordonnée, intégrée et pangouvernementale. Cela peut sembler un défi de taille, mais nous savons tous que c’est la façon la plus efficace d’aller de l’avant.
Examinons un exemple. Le système d’éducation est vital pour les enfants en situation de crise. Selon les estimations, plus de 128 millions d’enfants ne sont pas scolarisés en raison des conflits et des catastrophes. Pour une fille en situation de crise, chaque jour sans école signifie qu’elle est exposée à des risques de violence physique, de violence sexuelle et de détresse psychologique, et que son alimentation n’est pas adéquate. Elle est plus vulnérable à un mariage précoce, souvent forcé, au travail des enfants, à la traite de personnes et aux conflits armés.
Puisque plus jeune, j’ai moi-même été une réfugiée dans une situation de crise, je peux vous dire que c’est quelque chose qui change le cours de la vie. J’ai cependant été chanceuse, car malgré tout, j’ai pu continuer à aller à l’école, ce qui n’est pas le cas pour la plupart des filles et des enfants réfugiés. Si la tendance actuelle se maintient, d’ici 2030, seulement une fille sur trois dans les pays touchés par une crise aura terminé ses études secondaires. En temps de crise, tous les intervenants doivent intensifier leurs efforts pour s’assurer d’avoir un système robuste qui protège les enfants, et les filles en particulier.
Mon dernier argument est que le leadership du Canada est plus important qu’il ne l’a jamais été. Les Canadiens peuvent être fiers de la réponse internationale de leur pays à la COVID-19. Les enjeux mondiaux, comme les pandémies, exigent des initiatives robustes et audacieuses, et la pandémie nous a davantage sensibilisés au fait que la planète est véritablement interconnectée. La prospérité des Canadiens est liée à celle des habitants du monde entier.
Plan Canada s’est réjoui de l’engagement énoncé dans le discours du Trône d’accroître l’aide publique au développement. Nous attendons avec impatience de voir cet engagement se concrétiser dans le prochain budget. Le besoin de cet investissement est urgent, et un échéancier est requis.
En conclusion, alors que le monde est aux prises avec la crise, nous avons besoin de nouvelles voies transformatrices en faveur de l’égalité des genres pour mieux reconstruire. Plan Canada est prêt à veiller à ce que la réponse internationale du Canada à la COVID-19 trace une voie qui aura une incidence positive sur la vie de millions d’enfants dans le monde entier, en particulier les filles qui en ont le plus besoin et qui ont souvent été oubliées.
Merci.
:
Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs, d’avoir invité Vision mondiale à participer à cette importante et opportune étude. Ma collègue Lindsay Gladding, notre directrice des programmes sur la fragilité et l’aide humanitaire, m’accompagne aujourd’hui.
En guise de présentation, j’aimerais vous dire que Vision mondiale est une organisation chrétienne d’aide humanitaire, de développement et de défense des droits. Nous travaillons avec des enfants, des familles et des communautés pour éliminer la pauvreté et l’injustice. Nous sommes présents dans près de 100 pays en fonction des besoins et sans imposer des conditions. Nous avons la chance de compter sur le soutien de plus de 650 000 Canadiens et partenaires.
[Français]
Notre témoignage fait référence au premier segment de cette étude axé sur l'intervention humanitaire ainsi qu'au deuxième segment à venir. Nous sommes très heureux que vous examiniez encore plus attentivement les impacts sur les enfants.
[Traduction]
En avril 2015, j’étais au Népal moins de 24 heures après le dévastateur tremblement de terre qui a provoqué d’énormes dégâts dans ce pays. En parcourant la région pendant les deux semaines qui ont suivi, j’ai constaté la douleur, les déchirements et les besoins causés par la catastrophe dans de nombreux endroits, et que de temps en temps, la terre bougeait encore sous nos pieds. Nous avons ressenti de nombreuses répliques sismiques, dont certaines furent presque aussi puissantes que le tremblement de terre initial. Chaque fois, je savais que d’autres familles allaient perdre leur maison, qu’il y aurait plus de décès et que plus d’enfants deviendraient vulnérables. Même après le tremblement de terre principal, les conséquences furent amplifiées par les répliques sismiques.
Je vous raconte cet événement parce que nous savons, en pensant au tremblement de terre ce que représente la COVID-19 et aux incroyables difficultés qu’elle cause à l’échelle planétaire, que ses effets initiaux sur la santé, qui sont extrêmement importants, ne sont qu’une partie de l’histoire. Les populations vulnérables, en particulier les filles et les garçons qui vivent dans les endroits les plus difficiles du monde, peuvent s’attendre à subir des répliques sismiques continues qui persisteront, et des effets secondaires sur la santé, le bien-être, l’éducation et les moyens de subsistance qui pourraient être pires que les vagues initiales. En fait, nous avons étudié et fait des recherches à ce sujet, et c’est pourquoi nous avons intitulé notre série de recherches « Aftershocks ».
Ceci étant dit, j’aimerais aujourd’hui vous transmettre deux messages clés. Premièrement, la COVID 19 et ses répercussions secondaires font reculer les progrès cruciaux réalisés pour les filles et les garçons les plus vulnérables. Deuxièmement, le Canada, à l’instar d’autres donateurs, peut jouer un rôle crucial dans la réponse grâce à des programmes et un financement plus souples, plus polyvalents et mieux intégrés, et en répondant aux besoins croissants en augmentant les niveaux de financement octroyé aux efforts humanitaires et de développement d’urgence.
Je vais brièvement vous parler de la réponse internationale de Vision mondiale. En mars, immédiatement après la déclaration de la pandémie, nous avons entrepris la plus importante initiative humanitaire de nos 70 ans d’existence en tirant parti de notre présence à long terme au niveau communautaire. La réponse de 350 millions de dollars US a déjà touché 55 millions de femmes, d’hommes, de filles et d’enfants en se concentrant sur les mesures de prévention, en renforçant les systèmes de santé locaux et en soutenant les enfants touchés par la COVID-19 par des interventions liées à l’éducation, à la protection de l’enfance et aux moyens de subsistance.
Nous avons travaillé en étroite collaboration avec des donateurs bilatéraux et multilatéraux, notamment Affaires mondiales Canada. Par exemple, Affaires mondiales a fourni 5 millions de dollars supplémentaires à un consortium permanent, une subvention à l’hygiène de cinq ans au Bangladesh, au Kenya, en Tanzanie et au Myanmar. Notre présence sur le terrain lors de la pandémie nous a permis, à nous et à nos partenaires, d’intervenir rapidement. Grâce au financement supplémentaire, nous avons pu réorienter et élargir les projets plutôt que d’en créer de nouveaux à partir de zéro. Le Canada mérite certainement des félicitations pour avoir facilité ces changements, et nous devrions en faire plus.
Un élément clé de notre réponse à la COVID-19 a été de s’attaquer aux répercussions de la pandémie sur les enfants. Plus de huit mois après le début de la pandémie mondiale, nous savons que les données montrent que si les enfants ne sont pas les plus exposés au risque immédiat du virus lui-même, ils en subissent les effets négatifs indirects. Ce que nous considérons être les répliques de la pandémie.
Nous avons eu l’occasion d’entendre les enfants s’exprimer, et nous voulons que leurs voix soient entendues. Une consultation que nous avons récemment menée dans 50 pays a révélé, par exemple, que la violence avait augmenté au cours de la dernière année. Parmi les personnes questionnées, 81 % ont déclaré avoir été témoins de violence ou avoir subi de la violence dans leur foyer, leur communauté ou même en ligne depuis le début de la pandémie. Comme nous l’avons appris lors de l’éclosion du virus Ebola en Afrique de l’Ouest ou en République démocratique du Congo, et certainement pour faire suite à ce que disait madame Mirza, les filles sont particulièrement en danger. Les mariages d’enfants et les mariages forcés sont en hausse, tout comme la violence sexuelle et les grossesses non désirées. Ces problèmes et d’autres problèmes ne limitent pas leur impact.
Je vais terminer en présentant trois recommandations.
Premièrement, l’appui du Canada aux programmes et aux interventions doit accorder la priorité aux répercussions indirectes de la pandémie sur les enfants. Alors que vous concluez votre étude, je vous exhorte non seulement à répondre à la crise sanitaire immédiate, mais aussi à tenir compte des répliques.
Deuxièmement, le gouvernement du Canada peut continuer d’ouvrir la voie en se montrant plus flexible et plus souple, plus rapide et plus efficace dans sa réponse à une crise mondiale. D’une part, nous devons composer avec les silos d’une intervention humanitaire à court terme et d’autre part avec le développement à long terme qui ont différents mécanismes de financement et de soutien et différentes attentes qui ne permettent pas de reconnaître le changement alors que nous faisons face à des situations changeantes. Nous avons dû nous adapter à la hâte, souvent sans que les systèmes de financement suivent le rythme. Nous pensons donc que certaines choses peuvent être faites pour éliminer ces obstacles bureaucratiques, et qu’il s’agit d’une occasion cruciale.
Troisièmement, des besoins accrus exigent un financement accru. Bien que le Canada ait fourni des fonds supplémentaires grandement nécessaires pour les initiatives liées à la COVID-19 et que nous avons récemment entendu des promesses encourageantes, les défis à relever à long terme exigeront des efforts encore plus ambitieux. Plus précisément, nous exhortons le gouvernement du Canada à apporter des précisions sur le financement octroyé au développement international en incluant un calendrier des augmentations de l’enveloppe de l’aide internationale d’une année à l’autre. Nous devons agir ainsi parce que nous ne pouvons tout simplement pas accepter que les gains que nous avons réalisés ensemble dans la lutte contre la pauvreté extrême diminuent ou disparaissent en raison d’un manque de ressources pour soutenir les plus vulnérables. Le Canada a été un chef de file dans la défense des intérêts des personnes vulnérables, et nous devrions appuyer nos aspirations par un financement accru qui aura des retombées mondiales pour la lutte contre des tremblements de terre comme la COVID-19, ainsi que les terribles répliques.
Monsieur le président, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.
[Français]
Nous vous remercions de votre attention.
[Traduction]
Nous avons hâte de répondre à vos questions.
Je vais parler au nom de la Banque canadienne de grains, et M. Epp-Koop répondra à vos questions, le cas échéant.
Bonjour à tous. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de témoigner devant vous. Je suis très content de savoir que le Comité étudie cette importante question.
Je travaille pour la Banque canadienne de grains. Nous fournissons de l’aide alimentaire et nous améliorons les moyens de subsistance en collaborant avec des partenaires dans une trentaine de pays. Les expériences que nous avons vécues avec la COVID-19 sont principalement liées à nos partenaires dans 12 pays d’Afrique subsaharienne qui nous disent que l’impact de la COVID-19 sur la santé des populations n’a pas été aussi grave que ce que nous redoutions au départ en raison de l’intervention rapide de nombreux gouvernements et d’autres facteurs. Les choses pourraient cependant empirer sans une vigilance continue.
Toutefois, les conséquences indirectes de la pandémie et des réponses du gouvernement ont eu d’importantes répercussions sur les économies et la sécurité alimentaire. Au cours des premiers mois, nous avons constaté des incidences dans l’ensemble du système alimentaire. Les agriculteurs et les commerçants ont perdu des revenus. Des aliments périssables ont été perdus. Les prix ont augmenté. Plusieurs ménages ont eu du mal à acheter ce dont ils avaient besoin. De plus, les programmes d’aide alimentaire ont été perturbés.
Certains de ces problèmes sont maintenant réglés. Nos organismes partenaires ont changé leur façon de travailler afin de pouvoir continuer à offrir de l’aide alimentaire et à distribuer des aliments sans augmenter… [Difficultés techniques].
:
C’est utile. Je m’excuse de cette connexion instable.
Certains des problèmes initiaux que nous avons observés dans le système alimentaire ont été résolus. Nos organisations partenaires ont changé leur façon de fournir l’aide alimentaire afin de réduire les risques liés à la COVID-19, mais la distribution d’aliments se poursuit. Comme au Canada, nos partenaires ont remplacé les rencontres en personne par la communication par téléphone et d’autres moyens, mais ils demeurent en contact avec les personnes qui ont besoin d’aide.
Néanmoins, l’impact économique continue de se faire sentir chez de nombreux ménages. D’après des enquêtes menées dans plusieurs pays africains, nous savons que près de 80 % des ménages ont perdu des revenus en raison de la COVID-19. Par exemple, il pourrait s’agir d’un Éthiopien qui travaillait en Arabie saoudite et qui envoyait de l’argent à sa famille, mais dont l’emploi a disparu avec le confinement. Il pourrait s’agir d’une commerçante à petite échelle qui achetait en Ouganda et revendait au Congo, mais qui ne peut plus le faire en raison des restrictions à la frontière. Il pourrait s’agir d’un pasteur qui vend normalement des animaux à des gens qui célèbrent des festivals, mais les festivals ont été annulés.
Cette perte de revenu a augmenté l’insécurité alimentaire. Beaucoup de personnes qui avaient du mal à se nourrir avant la COVID-19 ont été poussées en situation critique. La réalité des femmes est souvent pire parce que leurs emplois dans le secteur informel ont été plus durement touchés.
La COVID-19 a apporté une couche de stress supplémentaire dans les familles, les collectivités et les pays qui composaient déjà avec de multiples difficultés, y compris les conflits, qui sont le principal facteur d’insécurité alimentaire dans de nombreux contextes, les sauterelles du désert et les phénomènes météorologiques extrêmes. Les personnes qui étaient déjà vulnérables sont maintenant exposées à un autre immense choc.
Le ralentissement économique a d’importantes répercussions sur les finances publiques. Elles alourdiront le fardeau de la dette, ralentiront l’activité économique et limiteront la capacité de réduire la faim dans les années à venir. La COVID-19 est peut-être une crise à court terme, mais elle aura des conséquences à très long terme, car des millions de personnes sont poussées dans l’extrême pauvreté.
Voici trois recommandations sur ce que le Canada pourrait faire pour répondre à la COVID-19. La première est de ne pas considérer cette pandémie comme une crise isolée. Les personnes qui doivent composer avec les répercussions de la COVID-19 doivent aussi composer avec d’autres facteurs de stress. Notre soutien devrait les aider à faire face au plus grand nombre possible de ces stress. Cela signifie qu’il faut établir de meilleurs liens entre les programmes d’aide humanitaire et de développement. Sachant à quel point la faim est causée par les conflits, le Canada devrait également chercher des moyens de soutenir à la fois le travail humanitaire et le développement, afin de réduire les conflits et de consolider la paix.
Deuxièmement, le Canada devrait appuyer les programmes au moyen de partenariats locaux. Cet aspect est important maintenant parce que les déplacements sont limités, mais il est également important à long terme si nous voulons renforcer les capacités locales et assurer un soutien solide et continu pour répondre aux famines graves dans les contextes de conflit et de crise.
Nous savons que le Canada a déjà engagé plus de 1 milliard de dollars en nouvelles dépenses d’aide pour faire face aux conséquences de la COVID-19. Nous applaudissons cette mesure, mais nous reconnaissons aussi qu’elle est loin d’être suffisante. Parallèlement, le Canada a réaffecté des centaines de millions de dollars prévus dans le budget d’aide à la réponse à la COVID-19. Bien que cette rapide réorientation des ressources ait été appropriée, le budget d’aide internationale du Canada n’a jamais été aussi faible en 50 ans, et les autres besoins n’ont pas diminué.
Ma troisième recommandation est que le Canada intensifie son aide pour aider les personnes à surmonter les crises auxquelles elles faisaient face avant la COVID-19 et qu’il affecte des ressources nouvelles et supplémentaires pour répondre à la COVID-19.
Je vous remercie de votre attention. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Merci à toutes les personnes présentes et au bon travail qu’elles font.
Monsieur Hagerman, j’aimerais d’abord revenir sur votre déclaration.
Tous les membres du Comité savent que le Canada jouit d’une excellente réputation à l’échelle internationale, mais vous avez mentionné, tout comme M. Messenger et Mme Mirza, que nous pourrions faire mieux. À l’heure actuelle, nous savons que l’aide étrangère a diminué de 10 % sous le gouvernement actuel, mais nous savons aussi que les finances de notre pays sont actuellement très sollicitées.
Ma question s’adresse à vous tous. Quel serait, selon vous, le seuil à atteindre?
Monsieur Hagerman, vous pourriez commencer puisque vous avez eu le dernier mot.
:
J’aimerais répondre, monsieur le président.
Nous sommes tout à fait d’accord. Je pense qu’un autre aspect de la question, bien sûr, est que pour nous, les chiffres réels devraient être établis en fonction de ce que le Canada espère accomplir. Il est essentiel de préciser ce que des fonds supplémentaires permettraient d’accomplir, en plus de se pencher sur les normes. D’un point de vue très pratique, il est parfois difficile, même dans le cadre de l’enveloppe actuelle, ou lorsque nous envisageons l’avenir, de savoir ce qu’est un nouveau financement et ce qu’est un financement supplémentaire.
C’est pourquoi nous pensons qu’il est non seulement important de chercher une norme à laquelle nous pouvons aspirer à l’avenir, mais aussi qu’il est important d’avoir une idée claire et avant-gardiste de la direction que nous pouvons prendre, plutôt que de nous contenter d’aborder l’aide internationale par une approche axée sur des annonces, avec une orientation sur la voie à suivre. Vous nous avez certainement tous entendus dire à quel point une augmentation de l’aide sera nécessaire lorsque nous constatons les répercussions de la COVID sur l’extrême pauvreté.
:
Puis-je répondre également?
C’est une excellente question.
Je vous en remercie. Pour faire suite aux réponses de mes deux collègues, il est vraiment important de ne pas procéder de manière fragmentée. Il n’est pas seulement question d’un montant, mais aussi de la manière dont l’aide est fournie, car certains problèmes ont des causes profondes qui couvent depuis longtemps, et cette pandémie n’est pas la dernière. Il y en aura d’autres.
Je pense qu’il est important d’envisager des approches pluriannuelles à volets multiples en matière de financement, plutôt qu’une répartition et un financement fragmentaires. Si nous voulons nous attaquer aux causes profondes des problèmes systémiques, notamment le manque de qualité… le renforcement des systèmes de santé, le renforcement des systèmes d’éducation — surtout dans une optique sexospécifique — avec une approche transformatrice fondée sur le genre pour que les filles ne soient pas oubliées, nous devons examiner non seulement le montant de l’aide financière, mais aussi la façon dont nous assurons le financement et comment nous pouvons adopter une approche à plusieurs volets.
Espérons que lorsqu’une autre crise se produira, le Canada pourra fièrement dire qu’il s’est attaqué à la cause profonde et que cela ne se reproduira plus, parce que les systèmes actuels sont fragiles. Nous avons besoin de systèmes plus résilients.
Merci.
:
Merci, monsieur Hagerman.
Oui, nous menons presque tous nos programmes par l'intermédiaire d'organismes partenaires locaux. Ces partenaires locaux connaissent les mêmes restrictions comme tout le monde dans ces sociétés, mais étant donné qu'ils sont sur place, nous n'avons pas à nous occuper des restrictions concernant les voyages internationaux. Ils collaborent avec les fournisseurs locaux de sorte qu'en général, ils n'ont pas à traiter avec le transport transfrontalier de l'aide alimentaire par exemple, et par conséquent, ils ont de bonnes relations avec leurs administrations locales, et peuvent ainsi obtenir de l'information de qualité et mise à jour sur la façon de mettre en oeuvre leurs programmes. Nous avons constaté que les administrations locales de l'ensemble du pays reconnaissent l'aide alimentaire comme un service essentiel et la nécessité de répondre aux besoins, de sorte qu'elles appuient favorablement le travail de mise en oeuvre de nos partenaires locaux.
Nous avons vu très peu de perturbations sur le plan humanitaire en ce qui a trait à notre capacité de mise en oeuvre. Et un peu plus de perturbations sur le plan du développement, étant donné les restrictions sur les rassemblements et ainsi de suite. Nous avons aussi vu les belles solutions novatrices de nos partenaires pour mettre en oeuvre leur programme à l'aide de messages textes, de la radio et d'autres moyens afin d'atteindre le public cible. Ils trouvent de nouvelles façons de mettre en place leurs programmes parce qu'ils sont ceux qui connaissent le mieux la situation.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins.
Vos témoignages nous seront encore une fois des plus précieux dans le cadre de la conduite de ces travaux.
Vous êtes probablement, en tant que représentants d'organisations non gouvernementales et d'autres également, nos meilleurs observateurs sur le terrain pour rendre compte de l'efficacité de nos interventions. Il n'y a pas vraiment eu de budget et nous avons des mises à jour, dont une qui doit avoir lieu lundi prochain, mais, selon les évaluations, le gouvernement fédéral aurait investi jusqu'à 800 milliards de dollars pour faire face à cette pandémie, depuis ses débuts. On ne sait pas exactement combien; on parle de sommes qui sont de quatre à cinq fois plus importantes que ce qu'on investit dans une année financière ordinaire.
La a comparu le 17 novembre dernier et elle nous a dit que le Canada avait présumément alloué une somme supplémentaire de 1 milliard de dollars pour répondre aux conséquences de la pandémie à l'échelle internationale. Un milliard de dollars c'est le cinquième de ce que le gouvernement consacre normalement dans le budget, selon les derniers crédits que nous avons adoptés récemment, au développement international. Ce montant de 5 milliards de dollars comprend également la contribution du Canada au système des Nations unies.
Si le Canada, pour faire face à la crise, a investi de quatre à cinq fois plus que ce qu'il investit normalement et si on a accordé seulement un cinquième de plus que ce qu'on accorde normalement au développement international, diriez-vous — vous qui observez la situation sur le terrain —, qu'une partie de l'aide au développement a été drainée vers la lutte contre la pandémie dans les pays en développement?
:
J'attendais qu'une autre personne parle en premier. Je ne veux pas voler la vedette, mais je vais répondre brièvement.
Merci de votre question, monsieur Bergeron.
Je conviens que la réponse du Canada à la COVID-19, tout en étant forte, n'a pas été suffisante. Au Canada et dans d'autres pays, un bon nombre d'organisations ont mené des campagnes selon lesquelles la réponse globale à la COVID-19 devrait représenter au moins 1 % de la réponse nationale.
La COVID-19 a révélé une bien meilleure interdépendance dans le monde que par le passé. Nous ne pouvons pas régler ce problème au Canada à moins de trouver des solutions au problème dans le monde entier.
Le milliard de dollars qui a été versé jusqu'à maintenant est un très bon début, mais on peut faire mieux. Nous savons que les besoins sont grands, on le sait, par rapport aux investissements du Canada consacré à l'échelle nationale, mais c'est loin d'être une bonne marque d'atteindre uniquement un milliard de dollars. Il devrait être augmenté substantiellement.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est un réel plaisir d'avoir des invités parmi nous aujourd'hui. J'ai eu l'occasion dans une vie antérieure de collaborer avec toutes vos organisations, alors c'est magnifique. J'ai beaucoup trop de questions à vous poser pour six minutes, de sorte que je pourrai vous appeler et vous poser quelques questions par la suite.
Je veux d'abord parler à M. Hagerman.
Monsieur Hagerman, vous avez parlé un peu de la règle d'or à 0,7 %. Je veux qu'il soit bien clair que je ne considère pas que ce pourcentage est la règle d'or. Dans de nombreux pays, l'aide publique au développement (APD) se situe à 1 %. En fait, le 0,7 % représente ce que nous nous sommes engagés à verser. Comme vous l'avez mentionné, nous sommes loin de ce pourcentage, et il diminue.
À mon avis, quand il est question du niveau d'APD, il est aussi important de préciser où va cette aide. Je crois qu'elle est si importante qu'elle est utilisée pour soutenir les organismes de services communs (OSC) pour de nombreuses raisons. Et l'une de ces raisons est la mobilisation des Canadiens.
La Banque canadienne de grains travaille beaucoup avec l'Alberta, ma province. Vous pourriez peut-être nous parler de la valeur des investissements dans les OSC, par rapport aux groupes internationaux multilatéraux.
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Merci, madame McPherson. Ce sera pour moi un plaisir de vous entretenir au sujet de l'importance d'investir dans des ONG ou des organisations de la société civile (OSC) canadiennes.
À mon avis, le fait de collaborer avec des OSC canadiennes apporte plusieurs avantages. Premièrement, grâce aux partenariats concrets et à long terme que nous avons conclus et à notre grande capacité, nous travaillons avec des gens de notre pays qui, au fil du temps et des générations, ont appris à bien connaître les enjeux et ont imaginé leur propre manière d'y répondre, de sorte que nous avons accès à des solutions durables et bien adaptées à la situation locale.
Ajoutons à cela le fait qu'en tant qu'organisations de la société civile canadiennes disposant de solides appuis à l'échelle du pays, nous pouvons contribuer à la sensibilisation de notre population relativement aux causes de la pauvreté et à certaines solutions associées au développement international et nous efforcer de promouvoir l'appui et la compréhension du programme. Ayant déjà rencontré de nombreux députés, je sais qu'ils invoquent souvent l'incompréhension de la population canadienne à l'égard des problèmes du développement international; cela fait partie des défis que nous travaillons sans relâche à relever dans nos efforts en faveur d'une meilleure compréhension et d'un appui plus soutenu.
Je nous crois très efficaces dans nos tâches actuelles. Les coûts sont un facteur positif qui agit en notre faveur, mais nous n'irons pas jusqu'à dire que tous les fonds doivent être dirigés vers les organisations de la société civile. Il faut viser l'équilibre. Les systèmes des Nations unies s'acquittent bien de certaines tâches. D'autres s'accomplissent mieux lorsqu'elles se font sur une base bilatérale, entre gouvernements. Nous avons donc besoin de cet équilibre.
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Nous croyons sincèrement que les effets de la COVID-19 ont été d'ordre exponentiel pour les jeunes filles et les femmes; d'ailleurs, les données récemment publiées nous le prouvent. La situation est identique dans les pays en développement. Comme M. Messenger l'a dit au sujet des fermetures d'école, la population s'en rend compte ici aussi, mais il n'y a pas, chez nous, de possibilité que des millions de jeunes filles soient obligées de se marier trop tôt...
L'un des pires problèmes, des fermetures d'école, réside dans le fait que les jeunes filles qui ne peuvent y retourner soient poussées vers un mariage précoce. Par ailleurs, les services de santé reproductive et sexuelle sont interrompus, de même que les droits qui y sont associés. L'école n'est pas qu'un élément du régime éducatif; c'est aussi l'environnement protecteur des enfants. C'est une réalité que nous comprenons de mieux en mieux.
Plan International s'est doté de puissants programmes transformateurs et critères de mesure en matière d'égalité des sexes. Nous avons parlé de responsabilisation, non seulement en démontrant les changements réels se produisant chez les garçons et particulièrement chez les filles, mais aussi en les mesurant et en les observant. Nous sommes capables de prouver, même en période de pandémie, que de telles approches peuvent en fait s'appliquer dans la pratique. Nous sommes ravis que le gouvernement du Canada ait adopté une politique d'aide internationale féministe, non seulement parce que c'est ce que doit faire une ONG, mais aussi parce que le pays et l'organisation en ressortiront économiquement avantagés.
Merci.
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Merci beaucoup, madame McPherson.
Merci, madame Mirza.
Nous avons maintenant écoulé tout le temps prévu cet après-midi pour l'écoute de nos témoins.
Je voudrais rappeler à mes collègues qu'il est tout à fait correct, vu la brièveté de notre réunion d'aujourd'hui, d'adresser par écrit des questions aux témoins, en passant par le bureau de la greffière. Si vous voulez assurer un suivi ou poser plus de questions sur un sujet qui vous semble intéressant, veuillez le faire par écrit. De cette façon, les réponses obtenues s'intégreront aux travaux du Comité.
En notre nom collectif, je voudrais remercier les délégués de Plan International Canada, de Vision mondiale Canada et de la Banque canadienne de grains pour nous avoir consacré un peu de temps cet après-midi, pour leur expertise et, ce qui est très important, pour le travail si précieux qu'ils accomplissent à l'échelle du monde. Merci beaucoup de nous avoir accompagnés.
Là-dessus, la séance est levée; nous nous reverrons à notre prochaine réunion. Merci à tous.