Passer au contenu

SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 053 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 11 juin 2024

[Enregistrement électronique]

(1700)

[Français]

     J'ouvre maintenant la séance.
    Je vous souhaite la bienvenue à la 53e réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
     Avant de commencer, j'aimerais demander à tous les députés et aux autres participants présents dans la salle de consulter les cartes sur les tables pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents acoustiques. Veuillez garder à l'esprit les mesures préventives en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes. Veuillez utiliser uniquement une oreillette noire approuvée, car les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Veuillez toujours garder votre oreillette éloignée de tous les microphones. Lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, veuillez la placer, face vers le bas, sur l'autocollant posé sur la table à cet effet.
    Conformément à notre motion de régie interne, je souhaite informer le Sous-comité que tous les témoins ont effectué les tests de son requis avant la réunion.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Sous-comité le mardi 30 avril, le Sous-comité commence son étude de la situation actuelle en Éthiopie.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins. Nous recevons, par vidéoconférence et à titre personnel, Yonas Biru, ancien président intérimaire du conseil consultatif économique du premier ministre éthiopien et ancien directeur mondial adjoint du programme de comparaison économique internationale de la Banque mondiale. Nous recevons aussi, par vidéoconférence et à titre personnel, Meaza Gebremedhin, chercheuse indépendante et défenseure des droits de la personne. De la Canadian Amhara Societies Alliance, nous recevons, par vidéoconférence, Wosen Yitna Beyene, président du Mouvement international amhara. En personne, d'Ethio‑Canadians for Human Rights, nous recevons Semaneh Jemere, président, et Yohannes Berhe et Aserdew Kebbede, membres. Enfin, en personne, de Security and Justice for Tigrayans Canada, nous recevons Kidane Gebremariam, ancien président et membre actuel du conseil d'administration.
     Environ quatre minutes seront accordées aux témoins pour leur allocution, après quoi les membres du Comité poseront leurs questions.

[Traduction]

    Chers collègues, j'aimerais savoir si j'ai le consentement unanime pour lever la séance à 18 heures plutôt qu'à 17 h 30. Si vous voulez prolonger davantage la réunion, il me faudra aussi le consentement unanime.
    Des députés: D'accord.
    Le président: Merci pour votre compréhension.
    J'invite maintenant M. Yonas Biru à prendre la parole pour quatre minutes. Je vous prie de ne pas dépasser le temps imparti parce que nous avons des contraintes à respecter aujourd'hui.
    La parole est à vous.
    En novembre 2022, le gouvernement éthiopien et le Front de libération du peuple du Tigré, le FLPT, ont signé un cessez‑le‑feu à Pretoria. Malheureusement, la crise humanitaire continue à battre son plein. Le premier ministre a déclenché une nouvelle guerre dans la région d'Amhara en même temps que les hostilités se poursuivent dans la région d'Oromia. Ces deux régions représentent 61 % de la population du pays et 87 % de sa production alimentaire.
    De plus, en avril 2024, les forces tigréennes ont déclaré une nouvelle guerre aux forces d'Amhara, ce qui a causé le déplacement de 50 000 personnes. Le FLPT se prépare à provoquer une autre guerre sur un deuxième front. La communauté internationale a des motifs humanitaires et géostratégiques d'intervenir. Dans le passé, elle est intervenue surtout dans le Tigré, pour deux raisons. D'abord, le FLPT mène une campagne internationale de relations publiques très efficace. Ensuite, l'armée numérique du FLPT terrorise les étrangers qui s'inscrivent en faux contre sa version des faits. Le chef du gouvernement tigréen a déclaré publiquement: « Peu importe [leur nationalité], nous allons les pourchasser. »
    Le gouvernement tigréen a joint le geste à la parole. Les gens pourchassés comprennent des Canadiens. Aujourd'hui, deux témoins étrangers livrent leur témoignage confidentiellement pour éviter la colère du groupe de terrorisme numérique. Le FLPT a réduit au silence les experts étrangers. Par conséquent, sa version des faits domine le dialogue international.
    Il ne fait aucun doute que le peuple du Tigré a subi des atrocités sans nom; les populations d'Amhara et d'Afar aussi. La communauté internationale ne doit pas se faire l'arbitre des accusations et des contre-accusations de génocide. Elle doit tirer des leçons de l'expérience d'Amnistie internationale.
    En 2021, Amnistie internationale a présenté des preuves de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité qu'elle a qualifiées d'irréfutables. Son rapport était fondé sur les déclarations de 41 survivants et de 20 témoins oculaires. Pourtant, deux semaines plus tard, un haut responsable d'Amnistie internationale a reconnu que les preuves étaient fausses. Le fait que 61 témoins ont répété le même récit mensonger montre sans l'ombre d'un doute qu'il a été inventé et rapporté pour étayer les allégations de génocide du FLPT.
    Cela n'a pas empêché le New Lines Institute de faire référence aux fausses preuves 11 fois.
    Par ailleurs, son rapport repose en grande partie sur du matériel recueilli par les défenseurs étrangers du FLPT. Trois défenseurs du FLPT sont cités au total 124 fois dans le rapport sur le génocide, tandis que d'éminents experts étrangers aux opinions divergentes en sont totalement exclus.
    Au mieux, le rapport du New Lines Institute sur le génocide dans le Tigré est fondé sur des informations non vérifiées; au pire, il désobéit aux critères d'impartialité et d'intégrité éthique. Dans le meilleur des cas, il ne sert qu'à démontrer l'importance de mener des enquêtes internationales indépendantes.
    En soutenant la tenue d'enquêtes internationales indépendantes menées par des organismes de l'ONU fiables et investis d'un mandat précis, votre comité améliorera énormément la vie de toute la population de l'Éthiopie.
    Merci, monsieur le président.
(1705)
    Merci d'avoir respecté le temps imparti.
    J'invite maintenant Mme Meaza Gebremedhin à prendre la parole.
    Madame Gebremedhin, vous disposez de quatre minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie le Comité de m'avoir invitée à faire le point sur la situation extrêmement difficile que vit l'Éthiopie, plus particulièrement le Tigré.
    Depuis la signature de l'accord de cessation des hostilités en 2020, le conflit au Tigré ne retient plus l'attention de la communauté internationale. Pourtant, l'État poursuit son génocide du peuple du Tigré. Le gouvernement éthiopien tyrannise la population du Tigré; les forces ahmaras et érythréennes continuent à commettre des crimes contre l'humanité dans les régions occupées du Tigré, ainsi qu'à perpétrer un génocide que nous croyons dirigé par l'État.
    À ce jour, 40 % du territoire du Tigré est toujours occupé illégalement par les forces ahmaras et érythréennes. Dans les régions où ces forces sont présentes, les droits de la personne continuent à être gravement bafoués, particulièrement dans la zone frontalière entre l'Érythrée et l'Éthiopie. Les forces érythréennes continuent à soumettre les femmes à des actes de violence sexuelle dans le but de maintenir la communauté sous le joug de la terreur. Les groupes minoritaires des Irobs et des Kunamas se trouvent aussi dans une situation extrêmement critique: ces peuples sont très peu nombreux et ils sont véritablement menacés d'extinction.
    Nous exhortons le gouvernement canadien non seulement à faire pression sur le gouvernement éthiopien, mais aussi à imposer des sanctions au gouvernement érythréen afin de venir en aide aux gens qui continuent à être victimes de graves violations des droits de la personne.
    Nous voulons aussi attirer votre attention sur le fait que le gouvernement éthiopien, avec le concours de membres de la communauté internationale, insiste très fortement sur l'importance de procéder au désarmement, tout en passant sous silence le fait que 40 % du Tigré est toujours occupé illégalement par les forces ahmaras et érythréennes.
    Il ne faut pas oublier que l'accord de Pretoria prévoit que le désarmement soit fait en même temps que le retrait total de l'ensemble des forces étrangères de toutes les régions du Tigré. Toutefois, je le répète, le gouvernement éthiopien a permis aux forces amharas et érythréennes de continuer à brutaliser la population des régions occupées du Tigré.
    Des organismes comme Human Rights Watch et Amnistie internationale ont fourni des preuves convaincantes qu'encore aujourd'hui, les droits de la personne continuent à être bafoués, particulièrement dans l'Ouest du Tigré et en Érythrée. Il incombe à la communauté internationale, spécialement aux États membres de l'Union européenne, aux Nations unies et au Canada, de veiller au respect des droits de la personne, peu importe le moment et l'endroit.
    Au Tigré, le gouvernement éthiopien se sert des droits de la personne comme outil pour faire avancer son programme politique. La situation au Tigré est une catastrophe; c'est un génocide dirigé et orchestré par le gouvernement éthiopien, avec l'appui d'acteurs internationaux, régionaux et locaux, nommément la milice et les forces amharas.
    Il incombe, encore une fois, au gouvernement canadien de donner la priorité aux vies humaines, d'exhorter le gouvernement érythréen à quitter le territoire du Tigré et de pousser la communauté internationale à appliquer les mécanismes à sa disposition pour obliger les forces amharas et le gouvernement éthiopien à répondre de leurs actes.
    Le cirque que le gouvernement éthiopien appelle un processus de justice transitionnelle n'est pas légitime et il n'est pas reconnu par la population. Les survivants du conflit ont rapporté des actes de violence sexuelle, des massacres, des famines artificielles et d'autres atrocités perpétrées au Tigré; ils continuent de demander à la communauté internationale de mettre en œuvre des mécanismes de justice et de reddition de comptes afin d'avoir une chance d'obtenir réparation.
    Le monde, spécialement les pays comme le Canada, a omis de protéger le peuple du Tigré contre le génocide, mais il n'est pas trop tard pour que justice soit rendue aux gens du Tigré qui ont été victimes de crimes perpétrés par les milices éthiopiennes, érythréennes et amharas.
    Merci beaucoup.
(1710)
    Merci pour votre déclaration, et merci d'avoir respecté le temps imparti.
    Nous passons maintenant à M. Wosen Yitna Beyene, de la Canadian Amhara Societies Alliance. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci également aux membres du Comité de m'avoir invité à présenter la perspective des Amharas ici aujourd'hui.
    La situation actuelle en Éthiopie... Une seule guerre fait rage pendant que l'état d'urgence perdure: la guerre contre le peuple amhara. Cette guerre a été déclenchée en avril 2023, après la guerre dans le Nord de l'Éthiopie. Elle est coordonnée par le régime d'Abiy; le Front de libération du peuple du Tigré, ou le FLPT; et l'Armée de libération oromo, ou l'ALO.
    Après avoir déclaré illégalement l'état d'urgence, le régime d'Abiy a assiégé le peuple amhara partout en Éthiopie pendant plus de 13 mois. Des milliers de personnes ont été tuées de façon arbitraire; ont été victimes de châtiments collectifs, de discours haineux, de profilage et de viol, qui est utilisé comme arme de guerre; et ont été détenues de façon arbitraire dans des conditions atroces, inhumaines et humiliantes. Les infrastructures civiles, de même que les sites religieux et culturels ont été délibérément ciblés, y compris des sites protégés appartenant au patrimoine mondial. En outre, plus de 4,1 millions d'enfants n'ont plus accès à l'éducation parce que les écoles sont utilisées comme camps militaires. Des millions de personnes dans le besoin ne reçoivent pas d'aide humanitaire. Par ailleurs, le FLPT viole ouvertement l'accord de cessation des hostilités qu'il a signé le 2 novembre 2022: depuis le 12 avril 2024, il lance des attaques dans les régions de Raya et de Tselemnt. Un grand nombre de civils ont été tués et de jeunes enfants ont été brûlés vifs dans le cadre de cette opération de nettoyage ethnique.
    Les attaques fondées sur l'ethnie se poursuivent dans la région d'Oromia. Le 31 mai 2024, des militants de l'ALO ont tué et enlevé des civils amharas dans la zone d'Ouest Shewa. Par leur fréquence et leur nature délibérée, toutes ces attaques coordonnées par le régime d'Abiy, le FLPT et l'ALO portent la marque de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.
    Étant donné la menace existentielle imminente à laquelle il faisait face et après avoir épuisé toutes les voies pacifiques possibles pour mettre fin au génocide, le peuple amhara n'a eu d'autre choix que d'exercer son droit humain et juridique de se défendre, sous la direction héroïque du mouvement Fano. Le mouvement Amhara Fano regroupe de grands pans de la société amhara, dont des agriculteurs, des gens d'affaires, des fonctionnaires, des médecins, des ingénieurs, des professeurs et des enseignants. En moins d'un an, le mouvement Fano a pris le contrôle de 90 % de la région d'Amhara, il a mis en place des structures démocratiques intérimaires et il a rétabli la paix dans les zones qu'il contrôle.
    Nous exhortons le gouvernement canadien à condamner explicitement le régime d'Abiy pour les atrocités commises contre le peuple amhara et à prendre les mesures urgentes qui suivent.
    Un, exiger que l'armée d'Abiy et les forces du FLPT quittent immédiatement la région d'Amhara.
    Deux, exiger le rétablissement des services de téléphonie et d'Internet dans la région d'Amhara.
    Trois, donner accès aux organismes d'aide humanitaire à la région d'Amhara.
    Quatre, faire pression sur les pays, dont les Émirats arabes unis et la Türkiye, pour qu'ils cessent de fournir des armes, y compris des drones, au régime d'Abiy.
    Cinq, ne pas soutenir ce que le régime d'Abiy appelle le dialogue national et le processus de justice transitionnelle qu'il avance pour rester au pouvoir et pour éviter d'avoir à répondre des crimes atroces qu'il a commis.
    Six, imposer des sanctions économiques, diplomatiques et autres au régime d'Abiy.
    Enfin, éviter de financer, directement ou indirectement, le régime d'Abiy, le FLPT et l'ALO.
     Il convient de souligner que le mois dernier, le ministre canadien du Développement international, l'honorable Ahmed Hussen, a annoncé un financement de 14 millions de dollars pour soutenir le désarmement, la démobilisation et la réintégration. Le FLPT utilise fièrement ces fonds pour envahir à nouveau la région d'Amhara.
    En tant que citoyens et contribuables canadiens, les membres de la diaspora amhara s'opposent fermement à la politique partiale du Canada à l'égard du peuple amhara. Nous demandons au Canada d'apporter des changements considérables à sa politique...
(1715)
    Je vous prie de conclure. Votre temps est écoulé.
    ... de mettre fin au génocide et à la guerre contre le peuple amhara, ainsi que de promouvoir le rétablissement de la paix, de la démocratie et de la justice en Éthiopie.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Semaneh Jemere, président de l'association Ethio-Canadians for Human Rights.
    Vous disposez de cinq minutes.
    L'association Ethio-Canadians for Human Rights s'intéresse spécialement aux violations des droits de la personne dans les régions d'Amhara et d'Oromia. La crise qui secoue l'Éthiopie résulte de la constitution de 1995, qui a modifié les frontières administratives et qui a transformé une république unie en une fédération divisée en régions reposant sur des lignes de faille ethniques.
    La démocratie canadienne diffère de celle de l'Éthiopie. En vertu de la constitution de l'Éthiopie, les droits des groupes ethniques priment sur ceux des individus. Le fédéralisme ethnique est gêné par des incohérences, les groupes ethniques étant portés à vivre dans des territoires séparés. Des conflits perdurent entre les quelque 85 groupes ethniques qui coexistent depuis des siècles. Après avoir expérimenté le fédéralisme ethnique pendant une trentaine d'années, l'Éthiopie en a assez.
    En 2018, l'Éthiopie et la communauté internationale ont accueilli le premier ministre Abiy à bras ouverts. En 2019, son obtention du prix Nobel a nourri les espoirs de changement et de réforme. Malheureusement, les Éthiopiens n'ont eu la chance de connaître ni la paix, ni la sécurité, ni la réforme politique. Entre 2018 et 2023, 5 000 affrontements ont éclaté au pays, ce qui représente 1 060 conflits par année, selon la BBC, et 58 % d'entre eux se sont déroulés dans la région d'Amhara. Les conflits empêchent le gouvernement de fonctionner puisque 65 % du pays échappe au contrôle du régime. Par ailleurs, les routes menant vers les capitales régionales sont dangereuses ou fermées à la circulation. À cause de l'état d'urgence, des atrocités sont perpétrées contre le peuple amhara dans la région d'Amhara, notamment dans les écoles, les églises et les mosquées.
    Les attaques de drones sont typiques des campagnes menées par le gouvernement. Sous le couvert de l'état d'urgence, des activistes et des journalistes sont enlevés, exécutés et détenus. Les Amharas, qui vivent en harmonie dans toutes les régions du pays depuis des siècles, sont sauvagement tués, diabolisés, étiquetés et déplacés, dans ce qui peut être considéré comme un nettoyage ethnique et un génocide. Dans la région d'Oromia, les droits des Amharas sont atrocement bafoués; selon le Guardian, les Amharas sont « massacrés comme des poules ». Ces meurtres et ces violations gratuites des droits de la personne sont orchestrés et commis par les autorités gouvernementales, comme on peut le lire dans le rapport sur les droits de la personne en Éthiopie produit par le Département d'État en 2023. Ces actes portent atteinte au droit humanitaire international et à la constitution de l'Éthiopie.
    Human Rights Watch a rapporté que les forces de défense nationale éthiopiennes avaient massacré un grand nombre de civils amharas dans les régions d'Amhara et d'Oromia. L'European Centre for Law and Justice parle des massacres de Merawi, de Finote Selam, de Burayu, de Shashamene, de Metekel, etc.
    En outre, les agriculteurs amharas, qui soutiennent traditionnellement les familles, sont privés d'engrais. Cette méthode est utilisée pour affamer la population par décret politique. Selon les Nations unies, plus de 30 millions de personnes ont un besoin urgent d'aide alimentaire.
    La volonté de commettre un génocide est accentuée par les propos du gouvernement de l'Éthiopie, qui a menacé de « massacrer [...] des milliers de personnes du jour au lendemain » et qui a averti ses opposants que « les conséquences seraient plus mortelles que la Terreur rouge des années 1970 ». Selon l'Union africaine, plus de 700 000 personnes ont été tuées pendant cette période. Bientôt, les combats, l'anarchie et le génocide pourraient prendre une ampleur internationale.
    Étant bien au fait de la situation désastreuse des droits de la personne en Éthiopie, nous recommandons aux plus de 100 000 contribuables canadiens d'origine éthiopienne de demander au gouvernement de l'Éthiopie de libérer les parlementaires d'Amhara et d'Oromia qui ont fait l'objet d'arrestations inconstitutionnelles, nommément Christian Tadele, Yohannes Buayalew, Taye Denda et Kassa Teshager. Tous les prisonniers politiques, les journalistes, les activistes et les leaders d'opinion d'Amhara et d'Oromia devraient également être libérés. De plus, il faut lever l'état d'urgence dans la région d'Amhara et il faut mettre en place un gouvernement transitionnel représentatif de toutes les parties. Par ailleurs, le gouvernement doit cesser de s'ingérer dans les affaires religieuses et il doit garantir le droit des citoyens à la liberté de religion.
    En outre, le Canada doit condamner sans équivoque les meurtres et les viols atroces de femmes, de filles et de mères amharas commis par le gouvernement de l'Éthiopie, ainsi que leur marginalisation. Le Canada doit agir immédiatement pour sauver des vies en fournissant de l'aide humanitaire d'urgence au peuple amhara, qui a souffert davantage que les populations de toutes les autres régions.
    Le Canada a aidé...
     Veuillez conclure votre déclaration s'il vous plaît.
    Votre temps est écoulé.
    Merci.
    Merci.

[Français]

     Je donne maintenant la parole à M. Gebremariam, ancien président et membre actuel du conseil d'administration de Security and Justice for Tigrayans Canada.

[Traduction]

    Vous avez quatre minutes. La parole est à vous.
    Ma déclaration d'ouverture portera sur la situation dans la région du Tigré en Éthiopie.
     Pendant la guerre qui a sévi de novembre 2020 à novembre 2022 dans la région du Tigré en Éthiopie, environ un million de civils ont été tués, plus de 120 000 femmes ont été violées. Environ deux millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur du pays et plus de 100 000 personnes ont été déplacées à l'extérieur du pays.
    Les infrastructures socioéconomiques telles que les établissements de soins de santé, les établissements d'enseignement, les usines...
(1720)
     J'invoque le Règlement.
    Je dois vous interrompre, car il y a un rappel au Règlement.
     Je voudrais seulement éviter les distractions. Nous suspendons habituellement les délibérations pendant la sonnerie.
    Je propose que nous poursuivions la séance et que nous votions sur l'application lorsque nous aurons terminé.
    Y a‑t‑il consentement unanime?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Très bien. Poursuivons.
     Merci, monsieur Lake.
    Vous pouvez poursuivre, monsieur Gebremariam.
    Merci.
     Plus de 100 000 personnes ont été déplacées à l'extérieur du pays. Les infrastructures socioéconomiques, y compris les établissements de soins de santé, les établissements d'enseignement, les usines et les petites entreprises ont été détruites par les forces interarmées de l'Éthiopie, de l'Érythrée et de la région d'Amhara.
    La Commission internationale des experts des droits de l'homme en Éthiopie, Human Rights Watch, Amnistie internationale, New Lines Institute, et le département d'État américain ont rapporté que les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, le nettoyage ethnique et les violences fondées sur le sexe avaient été commis par les forces interarmées. À mon avis, les atrocités, les massacres, les viols, les attaques de drones, les sièges et les barrages empêchant l'accès aux services de base, que subissent les habitants du Tigré ont atteint des niveaux sans précédent. Ces actes horrifiants répondent à la définition de génocide.
     Aux termes de l'article 6 sur le crime de génocide dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale:
[...] on entend par crime de génocide l'un quelconque des actes ci‑après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel:
a) Meurtre de membres du groupe;
b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions [...]
    ... et ainsi de suite.
    Les atrocités commises dans la région du Tigré en Éthiopie correspondent exactement à la définition de génocide. Les Tigréens ont été tués et massacrés en fonction de leur identité ethnique. Des viols et des viols collectifs ont été commis contre des femmes et des filles tigréennes. Malgré les préjudices physiques et mentaux qu'elles ont subis, ces dernières se sont vu refuser l'accès aux ressources permettant de répondre aux besoins de base telles que la nourriture et les médicaments. Des conditions d'existence visant à entraîner la destruction physique ont été infligées intentionnellement aux enfants, aux femmes, aux filles, aux garçons et aux personnes âgées du Tigré. La propagande haineuse véhiculée par le premier ministre Abiy Ahmed compare les Tigréens à des hyènes, à un cancer et à des plantes nuisibles. Un des conseillers d'Abiy Ahmed, Daniel Kibret Birhane, a déclaré que les Tigréens étaient des démons et des fantômes et qu'ils devaient être effacés de la surface de la Terre et des esprits.
     Pendant les viols et les viols collectifs, les agresseurs ont utilisé tous les types d'objets inimaginables pour mutiler les organes reproducteurs des femmes et des filles tigréennes afin de les empêcher de donner naissance. Selon Human Rights Watch, le colonel Dameke Zewdu, responsable de la sécurité dans cette région, et ses alliés auraient dit aux Tigréens de l'Ouest du Tigré qu'ils allaient les rayer du territoire.
     Pekka Haavisto, l'envoyé spécial de l'Union européenne...
    Je suis désolé. Votre temps est écoulé.
    Vous pouvez prendre quelques secondes pour conclure votre déclaration.
     Il a dit que les Tigréens allaient être exterminés pendant 100 ans.
    Merci.
     Merci à tous les témoins. Merci de vos observations intéressantes.
     Nous allons passer à la période de questions. Nous commençons avec M. Majumdar.
    Monsieur Majumdar, vous avez la parole pour cinq minutes.
     Merci, monsieur le président.
     Merci aux témoins d'avoir décrit ce conflit visiblement très complexe qui touche bon nombre de communautés.
    Je vais d'abord m'adresser à M. Biru, si je puis me permettre.
    Vous êtes un auteur qui écrit depuis longtemps sur la Corne de l'Afrique et sur les problèmes qui perturbent cette région. Vous mettez en garde depuis des années contre les différentes formes de violence qui s'y produisent. En quoi selon vous l'Éthiopie constitue‑t‑elle un avantage stratégique dans la région de la mer Rouge?
    Les conséquences géopolitiques et géoéconomiques du conflit en Éthiopie pourraient s'étendre à toute la région. Dans une perspective un peu plus large, pourriez-vous dresser un portrait de ce qui est véritablement en jeu et nommer aussi certains des joueurs concernés?
(1725)
     Merci beaucoup.
     Oui. Environ 10 % du commerce mondial transite par la mer Rouge. C'est le cas également d'environ 40 % du commerce entre l'Asie et l'Europe. En raison de sa taille et de sa population, l'Éthiopie est le maillon fort de la Corne de l'Afrique.
     Le représentant de l'Union européenne pour les pays de l'Est de l'Afrique a affirmé, si je ne m'abuse, que l'Éthiopie n'était pas comme la Yougoslavie en ce sens que le pays n'implose pas. Si l'Éthiopie s'effondrait, la région au complet subirait le même sort. Tout porte donc à croire qu'une grave catastrophe se prépare.
    Au‑delà de la conjoncture et des risques dont je viens de parler, 128 millions de personnes sont confrontées au génocide. Malheureusement, mes compatriotes amharas tout comme mes compatriotes tigréens se disent victimes de tous les sévices. Les deux peuples relatent les atrocités qu'ils ont subies, mais ne parlent pas de ce qu'ils ont fait aux autres.
     Les rapports internationaux n'attribuent pas le statut de victime à un camp en particulier. Chaque partie est à la fois un agresseur et une victime. Tant que nos compatriotes ne changeront pas de mentalité, particulièrement dans les régions d'Amhara et du Tigré, la crise va perdurer. En fin de compte, ce sont les habitants du Tigré et d'Amhara qui souffrent.
    Dans les rapports d'Amnistie internationale, toutes les parties ont été condamnées pour des crimes contre l'humanité. Le terme « génocide » est brandi couramment par chacun des groupes... Les seuls organismes qui ont pratiquement déclaré un génocide ont été cités dans le dernier rapport produit par le nouvel institut. Or, tous ceux qui ont lu ce rapport, comme je l'ai dit, croyaient avoir entre les mains un document du Front populaire de libération du Tigré.
    Une manière d'aider pour le gouvernement canadien et la communauté internationale serait peut-être de ne pas nous donner une tribune pour nous plaindre de ce qui est arrivé à notre peuple. Il faut plutôt trouver des terrains d'entente hors des allégations de génocide de part et d'autre. Il faut trouver une façon de résoudre le problème avec le concours de la communauté internationale.
    Merci.
    Me reste‑t‑il une minute ou deux?
     Comme il me reste une minute, je vais être bref. Monsieur Biru, vous avez été gestionnaire adjoint du programme international de comparaison économique à la Banque mondiale. Vous possédez les outils pour mener une réflexion sur les différents modèles de gouvernance.
    Vous avez une minute. Le fédéralisme ethnique éthiopien a fonctionné pendant 27 ans, puis le système s'est brisé. Savez-vous ce qui s'est rompu?
    Le système s'est brisé parce qu'il a fait passer le pouvoir souverain en Éthiopie d'un système centralisateur qu'il était à un système fondé sur les tribus. Après trois décennies, les Éthiopiens en sont venus à se percevoir comme des groupes ethniques ou des tribus. Nous assistons aujourd'hui à la matérialisation de cette conception du pays. Nos compatriotes amharas ne parlent que de l'Amhara. Nos compatriotes tigréens ne parlent que du Tigré.
    Le fédéralisme existe au Canada et dans plusieurs autres pays. Pour sa part, le fédéralisme éthiopien est unique parce qu'il traite la population comme un amalgame de différents peuples, ce qui crée une animosité entre les groupes ethniques. Nous sommes arrivés à un point où nous ne pouvons pas résoudre le processus nous-mêmes parce que nous sommes prisonniers de dynamiques politiques persistantes que nous ne pouvons pas corriger à nous seuls...
(1730)
     Merci. Le temps est écoulé.
     J'invite M. Ali Ehsassi à prendre la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de leurs observations.
     Je ne pense pas me tromper en disant que nous espérions tous que l'accord de 2022 — l'accord de paix de Pretoria — mettrait fin à la souffrance partout en Éthiopie. Malheureusement, cela n'a pas été le cas.
    Pour commencer, je demanderais à M. Beyene de nous expliquer pourquoi les Amharas n'ont pas participé aux négociations de paix.
    Merci beaucoup. C'est une question très importante.
    Les efforts considérables déployés par les Amharas pour être une des parties à l'accord et aux discussions ont été refoulés. Les Amharas ont été systématiquement exclus des discussions sur l'accord de Pretoria. C'est exactement pour cette raison que l'accord de cessation des hostilités a échoué. En excluant les Amharas et d'autres partenaires clés, cet accord était voué à l'échec dès le départ.
     L'accord a été conclu entre le régime d'Abiy et le Front populaire de libération du Tigré. Le monde occidental, y compris le Canada, doit en assumer l'entière responsabilité. Si l'accord avait été entièrement inclusif, il aurait peut-être donné les résultats escomptés.
     La guerre contre les Amharas qui fait rage découle directement du naufrage de l'accord de cessation des hostilités.
     Monsieur Jemere, prétendez-vous, vous aussi, que les Amharas ont été exclus? Le cas échéant, pensez-vous que ce soit possible de mettre en place, dans la foulée, des discussions entre le gouvernement central et les Amharas?
    Voulez-vous savoir si des discussions se tiennent entre les Amharas et le gouvernement central?
    Oui. Pourquoi les Amharas n'ont-ils pas participé aux négociations de paix qui ont mené à l'accord de sécession de 2022?
    C'est une question très intéressante. Je pense qu'elle devrait s'adresser au gouvernement de l'Éthiopie et au Front populaire de libération du Tigré.
    Ils n'ont pas invité leurs collègues amharas parce qu'ils les trouvaient trop contestataires. En fait, ils pensent que ce sont eux les oppresseurs. Ils veulent les exclure parce que c'est ce qu'ils font depuis des temps immémoriaux, depuis que le gouvernement du Front populaire de libération du Tigré...
    Avant l'accord de paix avec le gouvernement central, les Amharas se montraient coopératifs. Est‑ce exact?
    Nous sommes dans la même équipe.
     Je suis désolé. [Inaudible] de comparer.
     Je vais poursuivre.
    Comme l'a dit M. Beyene, les Amharas n'ont pas été inclus dans les discussions. Après tout, qui a dit que les Amharas ou les Tigrés devaient participer aux discussions? Les accords de paix doivent inclure toutes les parties qui ont participé sous une forme ou une autre au conflit dans le Nord de l'Éthiopie.
     Les Amharas ont été affectés en raison de la guerre. La région d'Afar — une autre région voisine du Tigré — a également été touchée. Ni le groupe afar ni le groupe amhara n’a été invité. Le gouvernement Abiy voulait profiter de la pression internationale pour conclure une entente en catimini sans discuter davantage de...
    Vous dites que vous n'avez pas été invité et que vous n'avez pas pu participer aux discussions.
    C'est exact.
    Si le gouvernement Abiy entamait des négociations, quelles seraient les conditions préalables?
    Je ne peux pas parler au nom des Amharas. Je représente les Éthiopiens.
    Vous pouvez parler sans parti pris. Vous suivez la situation...
    Les conditions qui auraient favorisé le dénouement favorable de l'accord de paix auraient consisté à réunir toutes les parties prenantes au pays, notamment l'Armée de libération Oromo — le groupe des Oromos englobe différentes factions —, le Front de populaire de libération du Tigré ou d'autres groupes tigréens, de même que tous les groupes amharas et afars. Il y a même des groupes dans le Gambela et le Benishangul.
     Toutes ces parties prenantes auraient dû été réunies pour discuter des enjeux nationaux. Une solution éthiopienne satisfaisante pour toutes les parties en serait ressortie.
     Merci.
    Si je puis me permettre, nous ne comprenons pas pourquoi les Amharas ont été exclus. Non seulement cette région a été exclue, mais aussi la région d'Afar. La guerre dans le nord a sévi dans ces deux régions en plus du Tigré.
     La raison pour laquelle le gouvernement éthiopien et les membres du Front populaire de libération du Tigré ont exclu ces groupes nous dépasse. Nous n'avons même pas le début d'une explication.
(1735)
    Fort bien.
    Si les deux groupes ne sont pas invités, rien ne sert d'engager des négociations.
     Monsieur Biru, ma prochaine question s'adresse à vous. Pour que ces discussions progressent et que cessent les hostilités que nous avons observées au cours des deux dernières années, que faudrait‑il faire? Quelle serait la procédure à suivre?
     Je pense que le problème politique en Éthiopie découle des trois groupes tribaux — les Amharas, les Tigréens et les Oromos —, mais l'Éthiopie compte 84 tribus ou groupes ethniques. La seule manière de faire avancer le processus, c'est de déplacer le centre de gravité du processus politique à l'extérieur de l'axe Amhara-Oromo-Tigré. Historiquement, ces groupes entretiennent une animosité, qui s'est exacerbée au cours des 30 dernières années et depuis la guerre qui se poursuit dans le Tigré ou dans le nord. Selon les interactions observées lorsque les trois groupes sont réunis, je ne pense pas que la participation des Amharas au processus aurait changé grand-chose. La plateforme doit changer. Il doit y avoir un changement de paradigme qui déplacerait l'épicentre en dehors des conflits actuels entre tribus. Il faut que les gens invités aux discussions arrêtent de centrer leur discours sur leur peuple respectif.
    Votre temps est écoulé. Pourriez-vous conclure votre intervention? Je suis désolé.
    J'invite à présent M. Alexis Brunelle-Duceppe à prendre la parole pour cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président. Il y a des opinions contraires et je pense que c'est évident aujourd'hui.
    Nous avons peu entendu les représentants des Tigréens jusqu'ici, monsieur Gebremariam. Depuis le début de cette réunion, nous entendons que ce ne sont pas les Tigréens qui subissent un génocide, mais bien les Amharas. Qu'est-ce que vous répondez à cela? J'aimerais entendre votre point de vue là-dessus.

[Traduction]

    Pourriez-vous répéter la question?

[Français]

    Monsieur le président, mon temps ne sera pas touché par le besoin de répéter, n'est-ce pas? Merci.
    Madame Gebremedhin, je vois que vous voulez intervenir.

[Traduction]

     Depuis novembre 2020, le peuple du Tigré subit un génocide perpétré contre tout l'État du Tigré. Force est d'admettre toutefois que l'instabilité et les hostilités ont lieu partout au pays, notamment dans l'Amhara. Nous savons que le gouvernement fédéral cible des civils différents acteurs politiques partout au pays. Voilà pourquoi nous continuons à réclamer un mécanisme international de justice et de reddition de comptes qui non seulement examinerait les crimes commis en Éthiopie, mais qui tiendrait aussi les auteurs de ces crimes responsables de leurs actes. C'est pour cette raison que le peuple du Tigré, de concert avec les chercheurs et les intellectuels, demande que le mandat de la Commission internationale des experts sur les droits de l'homme en Éthiopie soit élargi. Toutefois, certains de nos compatriotes éthiopiens essaient de contrer nos efforts.
    Je trouve vraiment encourageant de constater que les gens sont intéressés à la justice et à la reddition de comptes parce que je reconnais les souffrances de la population de l'Amhara, de l'Oromo et du Tigré. Il ne faut pas non plus nier le génocide qui frappe les Tigréens, qui s'est traduit par le massacre en quelques jours de plus d'un demi-million de personnes et qui se traduit encore par l'occupation illégale de cette région par les différents belligérants.
    Je veux aussi attirer votre attention sur le fait que le Tselemti et le Raya se trouvent bel et bien dans le Tigré, et non pas dans l'Amhara. Il n'y a donc aucune preuve du massacre continu de personnes non issues du Tigré dans ces régions en particulier, mais tout pourrait s'arranger si un mécanisme international indépendant était mandaté pour examiner les crimes qui sont allégués aujourd'hui.

[Français]

     La parole est à vous, monsieur Gebremariam.

[Traduction]

    Il faut comprendre que le peuple du Tigré était assiégé de toute part. Le Tigré était assiégé. Il faut bien le comprendre. Pendant ce siège, les forces de l'Amhara, de l'Oromo, de l'Afar, de l'Érythrée, de la Somalie, et, bien sûr, de l'Éthiopie — toutes ces forces — venaient de tous les côtés contre le Tigré, et le Tigré était assiégé. Il était bloqué: on n'avait accès ni à l'Internet ni à tous les services de base. C'est pourquoi la situation au Tigré est très différente sur le plan de son intensité et de l'ampleur des atrocités. Par ailleurs, ce n'est qu'au Tigré que des forces étrangères sont venues combattre et commettre un génocide contre le peuple du Tigré — pas dans la région d'Amhara, ni nulle part ailleurs —, mais je conviens et je comprends qu'il n'y a pas de paix. J'ai de la sympathie pour les peuples d'Amhara et d'Oromo. Il faut toutefois bien comprendre qu'un génocide a été commis contre le peuple du Tigré.
(1740)

[Français]

     Merci, monsieur Gebremariam.
    Monsieur Biru, vous avez parlé d'un rapport du New Lines Institute qui, selon vous, est erroné. Vous avez dit qu'il était basé sur de faux témoignages ou, en tout cas, des témoignages qui ne semblaient pas nécessairement véridiques.
    Il y a tout de même Human Rights Watch, Amnesty International et le département d'État américain qui ont aussi fait des rapports. Pensez-vous que ces entités ont, elles aussi, erré dans leurs conclusions?

[Traduction]

    Non. Soyons clairs. Toutes les autres organisations internationales ont dit que les Tigréens, les Érythréens, les Amharas et le gouvernement fédéral ont commis des atrocités au Tigré; ils ont commis des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, des crimes de famine et de guerre en tant qu'outils de guerre.
    En revanche, les mêmes institutions ont dit que les forces érythréennes ont fait exactement la même chose. D'ailleurs, Amnistie internationale affirme que les forces tigréennes ne font aucunement preuve d'humanité.
    Pourriez-vous conclure, s'il vous plaît?
    Oui. En ce qui a trait au génocide, aucun rapport crédible ne prétend qu'il y a un génocide dans la région d'Amhara ou au Tigré.

[Français]

    J'aurais une dernière question: tous les intervenants ont-ils des fautes égales ou y a-t-il un peuple ou une nation qui est touchée plus qu'une autre?

[Traduction]

    Soyez bref, s'il vous plaît.
    C'est pour cette raison que j'avance que la communauté internationale ne doit pas se faire l'arbitre des accusations et des contre-accusations de génocide. Ce qu'il nous faut, c'est une enquête internationale.
    Aujourd'hui, des activistes du Tigré et de la région d'Amhara affirment qu'un génocide a été commis contre leur peuple. Aucune organisation internationale crédible ne l'a prétendu, à l'exception d'activistes de ce groupe. Cela n'aide pas le pays.
    Je vous remercie de votre réponse.
    Monsieur Johns, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je remercie tous les témoins de leur important témoignage et de leur courage. Merci de représenter tant de gens qui ont été victimes de terribles violations des droits de la personne et d'atrocités en Éthiopie.
    Monsieur Berhe, vous n'avez pas encore eu l'occasion de vous exprimer. Votre groupe, le Ethio-Canadians for Human Rights, est véritablement représentatif des groupes ethnolinguistiques éthiopiens.
    Nous avons entendu parler de l'échec de l'Accord de Prétoria sur le conflit intérieur. Aujourd'hui, notre comité espère vraiment pouvoir trouver la meilleure façon de soutenir la paix et la stabilité en Éthiopie.
    Pourriez-vous nous donner votre point de vue sur la situation si alarmante en Éthiopie?
    Quelle est la meilleure façon de résoudre les problèmes politiques du pays?
     Tout d'abord, je partage les mêmes origines que Mme Meaza et M. Kidane. Je suis d'avis que les accusations de génocide au Tigré ou ailleurs font fausse route. Les gens ont le droit d'exprimer leurs opinions, mais ils n'ont pas le droit de les présenter comme des faits.
    Ce que l'on observe sur le terrain est complètement différent. À l'heure actuelle, le conflit au Tigré a cessé. Le FPLT exerce un contrôle total au Tigré, mais le Tigré est confronté à la famine, et le FPLT fait porter le blâme aux autres régions de l'Éthiopie, comme l'Amhara ou l'Afar.
    Le FPLT est le seul responsable de ce qui se passe au Tigré. D'ailleurs, le FPLT est avec le gouvernement d'Abiy Ahmed. Il joue maintenant un rôle déterminant.
    C'est ce qui me déçoit. Il ne parle pas du fait que les Tigréens sont aux prises avec une famine.
    Le FPLT a été au pouvoir pendant les 30 dernières années. Pendant 27 ans, il a été au pouvoir au sein du gouvernement central. Le FPLT a été la seule entité au pouvoir au Tigré au cours des 30 dernières années. Les Tigréens sont-ils en meilleure posture aujourd'hui qu'il y a 30 ans? Non. Leur situation est pire aujourd'hui et le FPLT en est le seul responsable.
    De plus, le FPLT n'est pas un partenaire pour la paix. Si nous voulons la paix, nous devons nous assurer que... Tout d'abord, les Tigréens dans la région d'Amhara partagent la même culture. Ils coexistent depuis des siècles. La plupart des Tigréens se rendent dans d'autres régions de l'Éthiopie pour gagner leur vie. Ma famille a quitté le Tigré pour d'autres régions de l'Éthiopie et a vécu en paix.
(1745)
    Je vous remercie.
    Monsieur Kebbede, pouvez-vous nous parler de la constitution éthiopienne de 1995? Est‑ce là la source du problème en Éthiopie? Si c'est le cas, que doit‑on faire?
    La constitution éthiopienne adoptée en 1995 est la cause première de la crise qui sévit actuellement en Éthiopie. Comme l'a dit M. Biru, elle donne tous les droits aux nations et aux groupes ethniques, tout en privant les gens de leurs droits. Pouvez-vous me dire dans quelle autre région du monde une constitution commence par « Nous, les nations [et] groupes ethniques du pays »? Au Canada, nous disons « Nous, le peuple du Canada ». On n'accorde pas de droits aux groupes ou aux communautés.
    Les droits individuels sont brimés à cause de la constitution. Dans aucun autre pays ne peut‑on trouver une constitution qui permet aux groupes ethniques de se séparer ou de devenir indépendants. Cela n'existe qu'en Éthiopie. L'article 39 accorde l'indépendance totale à tout groupe ethnique. Notre pays compte 120 millions d'habitants et plus de 80 groupes ethniques, mais la constitution confère le statut d'État régional à neuf régions. Cela signifie‑t‑il que nous pouvons avoir plus de 80 provinces ou plus de 80 régions? Que feraient ces neuf régions?
    La crise actuelle est attribuable au fait que la constitution brime les droits individuels. Les droits individuels ont été supprimés de la constitution.
    Je vous remercie.
    J'ai une autre question rapide pour M. Jemere.
    Vous n'êtes pas sans savoir que le Canada accorde une aide substantielle à l'Éthiopie. Le premier ministre vient tout juste de rencontrer le premier ministre Ahmed.
    Compte tenu de la situation au pays en ce moment, le Canada devrait‑il mettre un terme à l'aide qu'il envoie en Éthiopie? Très brièvement, que peut faire le Canada?
    Merci beaucoup. C'est une question très intéressante à laquelle je peux répondre très facilement.
    Je ne pense pas, nous ne pensons pas, que le gouvernement canadien doive cesser d'envoyer de l'aide au peuple éthiopien et au gouvernement éthiopien. Cependant, il faut faire la distinction entre l'aide humanitaire et l'aide au développement. Nous pensons que l'aide au développement doit être interrompue, tandis que l'aide humanitaire doit être renforcée, parce que nous voulons sauver des vies, et non tuer des gens.
    C'est mon point de vue.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Johns.
    Je remercie tous nos témoins. Au nom des membres du Comité et de l'ensemble du personnel, nous vous remercions de votre présence. Merci de nous avoir transmis vos bonnes idées et vos points de vue. Si vous souhaitez nous transmettre d'autres suggestions ou observations, vous pouvez toujours les faire parvenir à la greffière.
    Je vais suspendre la séance pour le vote.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU