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J'ouvre maintenant la séance.
Soyez les bienvenus à la 56e réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. Tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
J'aimerais rappeler quelques consignes aux participants.
D'abord, veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. De plus, tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Je demanderais aussi aux membres du Comité de lever la main s'ils souhaitent parler, qu'ils soient présents physiquement ou par l'entremise de l'application Zoom. Le greffier du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir l'ordre de parole.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 4 juin 2024, le Sous-comité reprend son étude sur la situation actuelle au Soudan.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Nous accueillons Mme France‑Isabelle Langlois, directrice générale d'Amnistie internationale Canada francophone, ainsi que M. Yonah Diamond, conseiller juridique principal du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne.
Un maximum de cinq minutes vous sera accordé pour votre allocution, après quoi nous procéderons à une période de questions et de réponses.
Madame Langlois, je vous invite à faire votre déclaration d'ouverture.
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Nous reprenons la séance.
[Traduction]
Tout d'abord, je tiens à m'excuser pour ce problème technique. En réalité, nous n'avons aucun contrôle là‑dessus. Cela peut arriver à n'importe qui.
[Français]
Au moins, nous allons maintenant pouvoir commencer.
Un maximum de cinq minutes vous sera accordé pour votre allocution, après quoi nous procéderons à une série de questions.
Soyez la bienvenue, madame Langlois. Je vous invite à faire votre déclaration d'ouverture, d'une durée maximale de cinq minutes.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie de votre invitation.
Amnistie internationale constate que, depuis le 15 avril 2023, des dizaines de milliers de personnes ont été tuées ou blessées dans des attaques délibérées ou menées sans discrimination au Soudan, dans le cadre des combats qui font rage entre les Forces de soutien rapide, ou FSR, et les Forces armées soudanaises, ou FAS, qui s'affrontent dans la capitale, Khartoum, et ailleurs au pays, notamment dans les régions du Darfour et du Kordofan. Les combats ont débuté après des mois de tension entre les deux groupes en raison, entre autres, de réformes des forces de sécurité proposées dans le cadre des négociations visant à établir un nouveau gouvernement de transition.
Les FAS sont menées par le général Abdel Fattah al‑Burhane, tandis que les FSR sont dirigées par le général Mohamed Hamdane Daglo, également connu sous le nom de Hemedti.
Compte tenu de l'ampleur des combats et de l'organisation des deux camps, la situation peut être considérée comme un conflit armé non international aux termes des conventions de Genève. Par conséquent, il est régi par le droit international humanitaire, qui vise à protéger les populations civiles et les autres non-combattants dans le cadre des conflits armés. Amnistie internationale considère que les FAS et les FSR sont toutes deux des forces étatiques. Divers groupes armés et milices non étatiques sont également impliqués.
Des dizaines de femmes et de filles ont été violées par des belligérants des deux camps. Le conflit, qui dure depuis plus d'un an, continue de s'étendre dans le pays, et la ville d'El Fasher, au Darfour du Nord, seule capitale des cinq États du Darfour qui n'est pas contrôlée par les FSR, a été encerclée par ces dernières et leurs alliés. La ville compte plus de 1,5 million d'habitants, dont des centaines de milliers de personnes déplacées qui sont maintenant prises au piège et qui risquent d'être victimes de violations massives. Des centaines de milliers de personnes pourraient être tuées.
Amnistie internationale a reçu des informations faisant état de villages incendiés, d'une multiplication des frappes aériennes, de bombardements sur des zones résidentielles, y compris dans le camp de personnes déplacées d'Abou Shouk, et du blocage de livraisons d'aide par les deux camps.
À la suite d'une enquête, Amnistie internationale a pu établir que toutes les parties au conflit ont commis de graves violations du droit international relatif aux droits de la personne et du droit international humanitaire. Certaines des violences commises par les parties au conflit constituent des crimes de guerre, voire des crimes contre l'humanité.
Des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants sont pris entre deux feux et les combattants des deux parties, qui utilisent souvent des armes inadaptées et des munitions explosives à large rayon d'impact, se positionnent souvent dans des zones résidentielles densément peuplées pour lancer leurs attaques. Les pillages et saccages de biens publics et privés, dont des infrastructures médicales et humanitaires, exacerbent la situation humanitaire déjà catastrophique. Plus de 70 %, voire 80 % des hôpitaux sont maintenant non fonctionnels.
Plus de 11 millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur du pays, et environ 2,1 millions d'autres ont fui vers les États voisins, où elles vivent dans des conditions épouvantables. Plus de 16 650 personnes ont été tuées depuis l'escalade du conflit. Des millions d'entre elles sont exposées à un risque immédiat de famine. La crise humanitaire a été aggravée par de graves pénuries de nourriture, d'eau, de médicaments et de carburant. Selon des informations rendues publiques en juin 2024, plus de 750 000 personnes sont confrontées à des niveaux catastrophiques d'insécurité alimentaire, et 25,6 millions sont en situation de crise alimentaire.
Les combats se sont intensifiés, en dépit de multiples déclarations de cessez-le-feu. En juillet dernier, Amnistie internationale a rendu public un rapport faisant état d'un afflux constant d'armes dans le pays, alimentant le conflit et la crise humanitaire sans précédent. L'embargo sur les armes au Soudan est donc totalement inefficace.
Merci, monsieur le président.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Avant de commencer, je tiens à dire que je remplace mon collègue Mutasim Ali, une autorité mondiale en matière de conflits et de reddition de comptes pour le Soudan, parce qu'un de ses proches amis a été tué hier à El Fasher, dans le Nord du Darfour. C'est la réalité de tous les membres de la communauté. Je dédie mon témoignage à la mémoire de Moubarak Musa Abu Sin.
Nous discutons d'une situation atroce qui touche les mêmes groupes et les mêmes survivants du génocide d'il y a 20 ans. Il n'est pas vraiment nécessaire, à ce stade‑ci, de mentionner l'ampleur de la catastrophe pour l'humanité. La situation est déjà bien connue. Force est de constater que le monde se détourne en grande partie de la plus grave catastrophe pour l'humanité de la planète. On compte plus de 10 millions de déplacés et 26,6 millions de personnes qui souffrent de famine aiguë. C'est plus de la moitié de la population.
La situation pourrait entraîner 2,5 millions de décès d'ici la fin de l'année seulement en raison de la famine. D'ici l'an prochain, nous pourrions être témoins du plus grand nombre de décès attribuables à la famine que nous ayons jamais vu de notre vivant. Certains estiment même qu'il y en aura jusqu'à 12 ou 13 millions d'ici l'an prochain dans les conditions actuelles. Nous n'avons pas de temps à perdre. À mesure que le conflit se poursuit, d'autres personnes seront tuées chaque jour comme je l'ai mentionné en raison de ce que vit la communauté soudanaise au quotidien.
En avril dernier, au Centre Raoul Wallenberg, mon collègue Mutasim et moi avons mené une enquête sur les violations de la convention sur le génocide au Darfour. À la lumière de nos conclusions, nous avons constaté que les forces de soutien rapide, ou RSF, ont commis un génocide contre les Massalits dans l'Ouest du Darfour. Nous avons des motifs raisonnables de croire qu'ils ciblent d'autres groupes non arabes avec la même intention. Par exemple, les combattants sur le terrain disent des choses comme: « Nous avons décidé de ne laisser personne en vie, pas même les enfants », en parlant des Massalits. Ou alors, ils se moquent des cadavres qui jonchent les rues en les qualifiant de « dos d'âne » ou de « chiens sales ». Bon nombre de ces incitations sont pires qu'au début des années 2000, moment où s'est produit le premier génocide du XXIe siècle.
C'est plus qu'un conflit armé interne. Nous savons qu'il est alimenté par des acteurs externes. Nous avons indiqué dans notre rapport que de nombreux acteurs externes soutiennent les parties belligérantes ou les combattants sur le terrain par l'entremise de la contrebande d'armes, de financement ou de camouflage politique. Les Émirats arabes unis s'avèrent le soutien le plus important et aussi le plus connu. Une enquête du New York Times, et aussi d'autres sources, y compris le groupe d'experts des Nations unies, Amnistie internationale et d'autres enquêteurs, a confirmé que les Émirats arabes unis font passer des armes par le Tchad ainsi que des armes lourdes et des drones. Il y a même des centaines de milliers de mercenaires qui auraient combattu aux côtés des RSF. Ce sont des mercenaires étrangers. Le conflit est donc considérablement financé et alimenté par des acteurs externes également.
Que peut faire le Canada? Il n'est pas impuissant; il peut intervenir. Le Canada a une longue tradition de protection des civils, de maintien de la paix et de responsabilité de protéger.
Premièrement, le Canada peut reconnaître qu'il s'agit d'un génocide. Les atrocités n'ont toujours pas été caractérisées.
Deuxièmement, il peut invoquer la responsabilité de protéger et diriger la protection des civils grâce à la diplomatie et à la mise en place d'un mécanisme de protection des civils dans les régions où les civils sont le plus à risque.
Troisièmement, il peut mettre fin à toutes les exportations militaires vers les Émirats arabes unis, d'ici à ce qu'il soit démontré qu'ils ont cessé d'armer les RSF, les milices génocidaires du Soudan, et ce, conformément à nos obligations au titre du Traité sur le commerce des armes et de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation.
Quatrièmement, le Canada n'a sanctionné que six personnes et entités liées au Soudan. C'est le pourcentage le moins élevé parmi les principaux alliés du Canada. Le pays n'a pas encore sanctionné 10 des entités basées au Soudan ou aux Émirats arabes unis que les États-Unis et d'autres pays ont déjà sanctionnées. Nous soumettrons une liste au Sous-comité.
Le Canada est bien placé pour intenter une poursuite, unilatéralement ou avec ses alliés, devant la Cour internationale de Justice contre les Émirats arabes unis pour complicité dans la violation de la convention sur le génocide par l'entremise de contrebande d'armes auprès de la milice génocidaire. Nous sommes prêts à nous occuper de ce dossier. Nous avons des plaidoiries déjà préparées et rédigées.
Les politiques d'immigration du Canada doivent s'adapter à cette situation d'urgence sans précédent. Il faut accélérer les délais de traitement afin de sauver des vies parmi les millions de Soudanais déplacés en raison du conflit. Aucun Soudanais déplacé n'a été réinstallé depuis que le programme coûteux, dont le seuil est établi à 3 250 personnes, a été créé en février. En revanche, dès que la guerre d'agression de la Russie a éclaté, le Canada a créé un programme de réunification familiale d'urgence pour l'Ukraine sans imposer d'exigences financières ou de critères d'admissibilité. Près d'un million de personnes ont pu bénéficier de ce programme.
Ces retards coûtent des vies. Il s'agit de la famine la plus mortelle des dernières décennies, d'un génocide et de la catastrophe pour l'humanité la plus grave. À mon avis, aucune autre situation ne mérite autant un programme de réinstallation d'urgence. Au contraire, le Canada a fermé ses portes au Soudan et a laissé tomber ses habitants. Les réponses disparates à la guerre en Ukraine et au conflit au Soudan s'avèrent un pur scandale et ne s'expliquent que par une mise en œuvre discriminatoire et franchement raciste de politiques envers les communautés fuyant le conflit.
Le Parlement devrait remettre sur pied la coalition multipartite pour sauver le Darfour, qui était présidée par notre fondateur, Irwin Cotler, ou une coalition plus vaste, afin de prévenir le génocide et des crimes atroces. Le Canada peut également surveiller les incitations au génocide à partir du Canada et mettre en application ses lois afin de traduire les coupables en justice. Nous pouvons également bonifier notre aide humanitaire; seulement 50 % de l'aide requise a été remis au Soudan, sur une somme promise de 2,1 milliards de dollars. Cet argent peut être versé directement, et devrait être versé directement, aux initiatives communautaires d'aide mutuelle sur le terrain et aux salles d'aide d'urgence, qui n'ont reçu que 0,2 % de l'aide internationale prévue cette année.
Le Canada peut être un chef de file dans ces dossiers, et dans d'autres dossiers également.
Je vous remercie, et je serai ravi de répondre à vos questions.
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Permettez-moi de commencer par remercier les témoins.
J'aimerais souligner, monsieur Diamond, que vous étiez ici, à Ottawa, à quelques jours de l'ajournement d'été du Parlement, et que vous étiez actif. Vous vous êtes mis à la disposition des médias. Merci beaucoup pour tout le travail que vous avez consacré à ce projet et pour l'excellent rapport produit par le Centre.
Permettez-moi de commencer par notre témoin d'Amnistie internationale.
Vous avez parlé de l'inefficacité de l'embargo sur les armes. Je me demande si vous pourriez nous en dire plus, car il est évident que le Canada peut faire davantage. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous donner plus de conseils à ce sujet.
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Comme je l'ai dit, Amnistie internationale a enquêté et a rendu public, l'été dernier, un rapport sur la circulation et la vente d'armes au Soudan. Nous avons constaté que plusieurs États, notamment la Chine et la Serbie, continuaient de transférer des armes aux belligérants du Soudan d'une façon ou d'une autre, et ce, malgré l'embargo sur les armes. Mon collègue en a aussi parlé.
Ce que le Canada peut faire est, d'abord, de soutenir le renouvellement du mandat de la mission d'établissement des faits pour le Soudan en cours aux Nations unies et, ensuite, de soutenir l'extension de l'embargo des Nations unies sur les armes à l'ensemble du pays et de militer pour qu'il soit pleinement mis en œuvre.
Beaucoup d'armes ou de composants d'armes se retrouvent au Soudan de façon directe ou indirecte, notamment des armes qui ne sont pas des armes de guerre ou qui sont des armes à blanc , mais qui sont, par la suite, trafiquées et qui se retrouvent entre les mains des belligérants des deux côtés.
Nous pouvons vous transmettre le rapport qui détaille tous ces faits.
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C'est une excellente question.
Je dirais que ces États profitent des souffrances du peuple soudanais. Les Émirats arabes unis et beaucoup d'autres pays cherchent, par exemple, à obtenir l'accès au territoire, aux ressources et à un port de mer. Il y a le commerce de l'or qui est assez important dans la région. Cet or est une source majeure de financement pour des pays comme les Émirats arabes unis et la Russie qui conspirent à extraire l'or, à coloniser les Soudanais et à leur voler cette ressource.
C'est ainsi que je le formulerais. Pendant que des Soudanais meurent tous les jours et sont tués par les forces armées et les milices, les facilitateurs, dans leurs maisons de Dubaï ou d'Abu Dhabi, ne subissent aucune conséquence pour leur rôle. En fait, ils s'enrichissent en faisant sortir en contrebande des ressources naturelles et en obtenant les voies d'accès qui leur sont utiles.
Voilà pourquoi leur rôle est si pernicieux et pourquoi les initiatives que j'ai mentionnées auparavant sont si importantes. Il faut viser, par le biais de sanctions ou de poursuites à la Cour internationale de justice, les entités et les États qui bénéficient de ce conflit. Il faut les tenir responsables. Ils jouissent en ce moment d'une totale impunité.
Il ne s'agit pas de tenir responsables les combattants sur le terrain, mais plutôt ceux qui les appuient et les financent. Il est très clair que les belligérants ne seraient plus en mesure de poursuivre les combats sans l'aide des Émirats arabes unis, par exemple. Ce sont surtout les Émirats arabes unis, plus que tout autre pays, qui facilitent les hostilités. Cependant, comme vous l'avez dit, des pays tels que la Russie, la Chine, la Turquie, l'Iran et la Serbie ont également été identifiés comme les soutenant, quoique dans une moindre mesure, par des appuis politiques, une couverture diplomatique et, bien sûr, la fourniture d'armes lourdes et de drones. Les Émirats arabes unis sont de plus en plus impliqués dans ces agissements et doivent être dénoncés, sanctionnés et poursuivis en justice à cause de ces violations constantes. Si l’on ne le fait pas, la guerre continuera.
Ce sont les moteurs du conflit, donc ce sont les principales cibles à viser.
Si vous pouviez nous fournir des renseignements supplémentaires sur la façon dont, selon vous, ces autres pays pourraient être tenus responsables, nous vous en serions très reconnaissants.
Monsieur Diamond, vous avez abordé un autre sujet, à savoir le programme de réunion des familles que nous avons annoncé l'an dernier. À titre d'information, en février 2024, le Globe and Mail titrait : « e Canada se prépare à accueillir des milliers de Soudanais ». Cependant, très peu de Soudanais sont venus au Canada. C'est très déconcertant.
Avez-vous des recommandations à ce sujet, simplement pour veiller à ce que le Canada ouvre ses portes aux personnes qui fuient la situation au Soudan?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leurs déclarations saisissantes qui donnent à réfléchir.
Les informations que j'ai reçues sur la crise au Soudan suggèrent que la violence persistante qui sévit actuellement ainsi que les conséquences humanitaires qu'elle entraîne risquent de provoquer la pire crise humanitaire depuis le soi-disant « Grand Bond en avant » qui a eu lieu en Chine dans les années 1950. Vous avez évoqué un scénario de famine généralisée, qui pourrait frapper jusqu'à 12 ou 13 millions de personnes l'année prochaine. Pour donner un ordre de grandeur, ce nombre est largement supérieur au quintuple de la population totale de la bande de Gaza.
Je ne pense pas que les Canadiens soient très nombreux à connaître tous les aspects de cette crise. Il me semble que bien des Canadiens seraient profondément bouleversés de découvrir certains des faits dont vous nous avez fait part. Des dizaines de millions de personnes sont déjà touchées par cette grave famine et, au minimum, il s'agit d'une situation qui requiert que nous y accordions une attention sérieuse et que nous fassions preuve d'une grande détermination et d'une réaction énergique.
Selon mon interprétation de votre témoignage d'aujourd'hui, il me semble essentiel pour faire évoluer la situation que des mesures supplémentaires soient prises pour empêcher l'afflux d'armes vers le Soudan et, à cette fin, de dénoncer et de sanctionner tout pays ou acteur non étatique qui envoie des armes à l'un ou l'autre des camps. Brièvement, les deux témoins sont-ils d'accord avec cette proposition en principe?
Je vais maintenant creuser un peu plus la question. Il s'agit d'une guerre par procuration, à laquelle participent différents acteurs qui fournissent des armes aux belligérants et qui mènent un conflit au détriment du peuple soudanais. Un grand nombre de ces acteurs fomentent des conflits et génèrent de la violence dans d'autres régions du monde. Sans surprise, les gouvernements iranien et russe sont en cause, de même que les Émirats arabes unis, pays avec lequel nous entretenons, disons, des relations plus étroites qu'avec d'autres acteurs. De nombreuses allégations très sérieuses ont été formulées à l'encontre des Émirats arabes unis, selon lesquelles ils soutiendraient activement les RSF, qui se livrent à un génocide. Le New York Times a également publié une analyse détaillée suggérant que les Émirats arabes unis utilisent le Croissant-Rouge à des fins illicites pour tenter de camoufler leurs activités de trafic d'armes vers le Soudan. Selon ma compréhension du droit international, si ces informations sont exactes, les Émirats arabes unis se rendraient coupables non seulement de soutenir des auteurs de crimes de guerre, mais également de perpétrer eux-mêmes des crimes de guerre en utilisant le Croissant-Rouge à des fins détournées.
Monsieur Diamond, pouvez-vous nous parler des agissements des Émirats arabes unis et nous dire ce que nous pourrions faire pour exercer sur eux un maximum de pression dans le cadre d'une stratégie visant à empêcher l'afflux d'armes au Soudan?
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Merci, monsieur Brunelle‑Duceppe.
Il n'y a pas de recette miracle. Il est important que le Canada joue, aux Nations unies et sur la scène internationale, le rôle du champion des droits de la personne qu'il prétend être. Il doit donc mener le bal pour renouveler le mandat de la mission d'établissement des faits du Soudan. Il doit aussi faire pression pour que l'embargo des Nations unies sur les armes soit étendu à l'ensemble du pays. Surtout, les ressources et l'influence politique dont le Canada dispose doivent servir à faire parvenir l'aide à ceux qui en ont besoin. Seules une réponse internationale coordonnée et une pression inflexible sur les belligérants, qui bloquent et restreignent l'accès à une aide vitale en ce moment, peuvent éviter une famine massive, qui est en train, d'ailleurs, de s'installer, et alléger les souffrances de millions de personnes. Nous n'insisterons jamais assez sur le fait que, en ce moment, des millions de personnes sont en grande souffrance et risquent de devenir des victimes de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Le Canada doit donc peser de tout son poids auprès de tous ses partenaires sur la scène internationale pour que des solutions et des pressions robustes soient mises en place.
Je réitère mon point sur l'embargo sur les armes. Cet embargo existe, mais il est inefficace; il faut donc le rendre efficace. Dans la région, tous les alliés arment sciemment le Soudan, les parties belligérantes du Soudan. Il y a aussi la vente d'armes indirecte qui peut être faite à d'autres États, qui eux-mêmes procéderont ensuite à des transferts. Parfois, plusieurs États peuvent être impliqués dans ce genre d'affaire. Il est donc très important que le Canada veille à ce que les armes ou les pièces d'armement qu'il vend soient vendues à des pays qui, d'une façon ou d'une autre, ne transféreront pas d'armes ou de pièces d'armement, même non létales à priori, vers le Soudan.
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Je vous remercie beaucoup de ces précisions, madame Langlois.
Vous avez dit, entre autres, que le Canada devait faire pression sur l'ONU. En effet, ce conflit n'a pas commencé il y a deux semaines. Il existe depuis un bon moment déjà. On l'a vu venir. Il s'est mis en place et, depuis, il ne fait que s'accentuer et empirer. Au Soudan, on est en train de vivre une des pires famines de ce siècle. Ce n'est donc pas nouveau.
C'est un souverainiste québécois qui vous le dit, le Canada a un historique en matière de droits internationaux de la personne. On peut penser à Lester B. Pearson, ou encore à Brian Mulroney, qui s'est opposé à l'apartheid.
Ma question s'adresse aux deux témoins. Un de vous deux pourrait connaître la réponse. À votre connaissance, y a-t-il eu des représentations de la part de l'ambassadeur et représentant permanent du Canada auprès de l'ONU, Bob Rae, dans le dossier du conflit au Soudan? Avez-vous entendu quelque chose de la part de M. Rae?
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Alors, ce qu'on en sait présentement, c'est que l'ambassadeur du Canada auprès de l'ONU n'a entrepris aucune démarche concernant le conflit au Soudan. Je vous ai posé la question et vous m'avez répondu que vous n'en aviez pas entendu parler. Nous ferons peut-être des recherches de notre côté. Il y en a peut-être eu, mais pas à votre connaissance, et Amnistie internationale demande qu'on exerce une pression plus importante sur nos partenaires qui siègent à l'ONU.
Monsieur Diamond, en répondant à une question, plus tôt, vous avez dit qu'un des problèmes était lié aux délais de traitement des demandes des personnes qui veulent quitter le Soudan pour venir au Canada. Lorsque j'étais vice-président du Comité spécial sur l'Afghanistan, nous avions inclus dans notre rapport une recommandation selon laquelle Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, devrait avoir un mécanisme d'urgence permanent pour agir rapidement en cas de crise internationale, que ce soit un conflit armé ou une catastrophe naturelle. Dans le cas de l'Afghanistan, cela avait pris des mois, voire des années pour faire venir les gens.
Selon vous, ce mécanisme, qui n'est toujours pas en place et qui avait été promis par et , devrait-il voir le jour pour nous aider à répondre à ce genre de crise?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier M. Diamond et Mme Langlois pour le travail incroyable qu'eux et leurs organisations accomplissent au nom des gens du monde entier.
Les données montrent que seule la moitié environ du plan d'intervention humanitaire au Soudan pour 2024 est effectivement financée, avec 1,34 milliard de dollars américains de besoins de financement non satisfaits. À ce jour, la contribution du Canada à ce plan représente 1,6 % des engagements de financement, malgré notre part beaucoup plus importante de l'économie mondiale. Pensez-vous que le Canada doive augmenter ses engagements financiers envers ses partenaires humanitaires de confiance opérant au Soudan et encourager les autres donateurs à en faire de même? Pourriez-vous également commenter la façon dont les compressions du gouvernement dans le budget de l'aide internationale du Canada, alors que la violence, la faim et la souffrance augmentent dans le monde, affectent notre réputation en tant que leader international en matière de droits de la personne?
Commençons par M. Diamond.
On rapporte des violences sexuelles qui ont mis en évidence les répercussions disproportionnées du conflit sur les femmes et les filles, à la lumière des allégations continues de viols, de mariages forcés, d'esclavage sexuel et de traite, particulièrement à Khartoum, au Darfour et au Kordofan. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies a signalé que, comme de nombreux civils fuient ces zones de conflit, tant au Soudan que dans les pays voisins, les femmes sont de plus en plus vulnérables.
Comment les efforts internationaux peuvent-ils mieux remédier aux vulnérabilités particulières des femmes et des filles dans les zones de conflit au Soudan, et quelles mesures pourraient être prises pour prévenir la violence sexuelle dans les régions où les civils fuient les conflits?
Madame Langlois, si vous voulez débuter, allez‑y. Je serai heureux d'entendre ce que M. Diamond a à dire à ce sujet également.
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C'est une très grande question que vous posez.
La question des violences sexuelles à l'égard des femmes et des filles est un énorme problème que l'on retrouve partout dans le monde dans tous les conflits, et ce, depuis la nuit des temps.
Ce qu'on peut faire en ce moment, c'est offrir une aide humanitaire digne de ce nom aux femmes et aux filles victimes de violences sexuelles actuellement.
Encore une fois, je pense que le Canada peut s'engager sur ce plan et jouer un rôle de chef de file, non seulement dans la crise actuelle, mais de façon générale, afin d'aborder cette question qui fait partie des conflits. De plus, il faut mettre en place des mécanismes de surveillance. Bien sûr, s'ajoute à cela toute la question de la formation des belligérants des armées nationales connues et bien encadrées. Cependant, c'est un parcours de longue haleine.
Cela dit, le Canada peut jouer un rôle très important. Bien sûr, il faut que les personnes qui se rendent coupables de tels crimes soient poursuivies en justice et condamnées.
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C'est une excellente question.
C'est catastrophique. Reuters a également publié un rapport spécial à ce sujet. Comme nous l'avons mentionné, le Canada peut chercher à diriger les efforts déployés à l'ONU pour retirer le consentement de l'État. Souvent, les pays disent que le Soudan a le droit d'obstruer l'aide humanitaire et que nous avons besoin de son consentement, mais il n'y a pas de parti au pouvoir en ce moment. À l'heure actuelle, il n'y a aucun dirigeant légitime qui puisse ainsi trancher.
Il s'agit d'un problème d'envergure internationale qui exige que nous assumions notre responsabilité de protéger les civils dans les régions que vous avez mentionnées, et que nous éliminions les obstacles qui empêchent les camions de passer. Le Canada et la Chambre peuvent absolument exiger d'éliminer l'obligation du consentement de l'État, parce que ces populations meurent de faim. Il est insensé de permettre aux Forces armées soudanaises de continuer à bloquer cette aide. Il en va de même pour les Forces de soutien rapide, ou RSF.
Je tiens également à clarifier rapidement un élément, car il semble y avoir une certaine confusion dans la salle à ce sujet. Le Soudan est un pays immense. La raison pour laquelle on entend beaucoup parler du Darfour, c'est que la situation y est très différente. Les RSF contrôlent la majeure partie de la région. Dans le Darfour du Nord, il ne reste qu'une garnison des Forces armées soudanaises et des forces interarmées qui luttent contre le siège des RSF. J'ai parlé des atrocités commises par les RSF et du soutien qu'elles reçoivent des Émirats arabes unis. Le génocide et les massacres des Massalits, des Furs et des Zaghawas se poursuivent. L'ONU a constaté que 81 % des viols et des violences sexuelles étaient commis par les RSF.
Il faut comprendre le conflit. Il ne s'agit pas simplement de deux belligérants. Ils commettent différents types de crimes. Alors que les Forces armées soudanaises, comme je l'ai dit, bloquent l'aide, contribuent potentiellement à des morts par famine et commettent des frappes aériennes et des crimes de guerre, tuant des civils...
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins de comparaître aujourd'hui.
Nous avons beaucoup parlé des Émirats arabes unis, mais j'aimerais parler un peu de la Russie.
J'ai lu un rapport intitulé The Blood Gold Report. Il fait état du fait que la Russie, par l'entremise du groupe Wagner, a tiré 2,5 milliards de dollars américains du commerce de l'or africain depuis qu'elle a envahi l'Ukraine en février 2022. On peut y lire ceci:
Au Soudan, « la société russe » a la mainmise sur une grande raffinerie qui a permis au Groupe Wagner de devenir l'acheteur dominant d'or soudanais non transformé, et de nombreux avions de transport militaire russes ont été observés transportant de l'or transformé vers l'extérieur du pays.
Est‑ce que l'un de vous voudrait nous en parler et nous parler de l'influence que le groupe Wagner exerce au Soudan?
Monsieur Diamond, je vous vois hocher la tête. Allez‑y.
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Merci, monsieur le président.
Si mes collègues sont d'accord, j'aimerais m'éloigner un peu du sujet de ce conflit en particulier et de ses contours au Soudan et prendre une perspective plus large.
La discussion s'est ouverte sur la mention du fait que 12 millions de personnes risquent de mourir de faim, ce qui en fait la plus grande crise de réfugiés et la plus grande crise de famine de ce siècle, peut-être même de l'histoire. La situation mérite toute notre attention. La conversation internationale ne devrait-elle pas être davantage teintée de ce que nous voyons se produire dans cette crise au Soudan?
Je m'adresse à nos témoins d'Amnistie internationale et du Centre Raoul Wallenberg. Pouvez-vous essayer d'expliquer, de votre point de vue, pourquoi, malgré vos efforts de sensibilisation, vos recherches, vos recommandations stratégiques et vos appels aux gouvernements du monde entier, cette crise ne reçoit pas l'attention qu'elle mérite?
C'est une très bonne question. Encore une fois, il s'agit d'une question très large.
Malheureusement, le conflit au Soudan n'est pas la seule crise humanitaire qui ne reçoit pas l'attention qu'elle devrait recevoir.
La raison en est que le système international ne fonctionne plus. Les Nations unies ne fonctionnent plus, le Conseil de sécurité de l'ONU ne fonctionne plus, parce qu'il est trop politisé. Il l'a toujours été, mais il y a toujours eu un équilibre. Maintenant, les parties qui prennent les décisions, à l'Assemblée générale des Nations unies et au Conseil de sécurité des Nations unies, ne se soucient plus de l'équilibre du droit humanitaire, parce que cela ne fonctionne plus pour eux. Chaque État utilise son veto aussitôt que quelque chose ne fait pas son affaire. Vous pouvez penser à la Chine, vous pouvez penser à la Russie, mais vous pouvez penser également aux États-Unis.
Le système est brisé et c'est pour cette raison que tout devient politisé et que notre attention se dirige ailleurs. Pendant ce temps, les États qui sont au Conseil de sécurité alimentent des conflits partout au monde, pendant que nous avons le dos tourné, pendant que les projecteurs, les caméras, les médias ne sont pas braqués sur ces conflits.
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Je pense que c'est la question ultime, et c'est très pénible d'y penser.
Je veux simplement ajouter, concernant le groupe Wagner, que le Centre Raoul Wallenberg a présenté au gouvernement un document complet sur les sanctions, qui portait notamment sur le groupe Wagner. Malheureusement, le gouvernement n'y a pas répondu assez vite. Je tiens à recommander que ce genre de recommandations soit pris en compte plus vite, surtout lorsqu'il s'agit de sanctions à adopter, parce que bien souvent, les entreprises visées peuvent changer de mains, liquider leurs actifs et ainsi se soustraire à toute responsabilité.
Je tiens également à dire, concernant cet accord de paix, que par le passé, l'accord de paix conclu était bilatéral, de sorte que tout accord futur doit vraiment être global et inclure toutes les parties, y compris celles qui ont toujours été marginalisées et opprimées au Darfour; sinon, on continuera de susciter le ressentiment et d'alimenter une certaine négligence.
Pour ce qui est du manque d'attention, il n'y a rien qui l'explique vraiment, sauf un manquement au devoir de la part de quiconque détient un quelconque pouvoir ou une quelconque plateforme. Il y a aussi beaucoup de fausses informations qui circulent et on peine à trouver ne serait‑ce que de l'information de base sur le Soudan.
Il n'y a pas d'autre façon de l'expliquer que la négligence.
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Merci, monsieur le président.
Effectivement, je pense que tous les gens qui sont autour de la table, ainsi que les témoins qui sont parmi nous, aujourd'hui, partagent la même frustration, à savoir que ce conflit passe complètement sous le radar, malgré le fait que c'est présentement le conflit qui a le potentiel le plus meurtrier, ne serait-ce que du point de vue de la famine.
Nous venons d'avoir une discussion. Je viens d'entendre vos réponses, à savoir que l'ONU, soit l'Organisation des Nations unies, est brisée, que l'attention médiatique n'est pas là, qu'elle est dirigée vers le Proche‑Orient, vers l'Ukraine, vers la Russie.
Monsieur Diamond, connaît-on la position de l'Union africaine sur ce dossier présentement?
C'est un peu à cela que je voulais en venir; en effet, pendant ce temps, l'aide humanitaire ne se rend pas sur place.
Le Soudan était déjà probablement un des territoires où on enregistrait le plus haut taux de malnutrition infantile au monde avant le début du conflit: on parlait déjà d'environ 600 000 enfants.
Présentement, je dirais que les grands acteurs de la scène internationale sont en train de jouer à Risk avec le Soudan, si vous me permettez l'expression.
Tout ce que vous demandez — c'est le message que j'entends aujourd'hui —, c'est que ces acteurs doivent absolument faciliter l'entrée de l'aide humanitaire et décrètent un embargo sur les armes. Il pourrait alors y avoir un certain espoir.
Vous ai-je bien comprise?
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Je pense que vous venez de l'expliquer. Malheureusement, c'est en quelque sorte une motivation insidieuse. Je ne vois pas vraiment d'autre explication. Pour les Ukrainiens, il n'y a aucune exigence d'admissibilité ou de financement ni aucun plafond pendant toute la durée de la guerre. Il ne s'agit donc pas de savoir si oui ou non... C'est possible de s'en prévaloir, et cela crée un précédent. C'est tout ce que je dirai à ce sujet.
Je tiens également à dire, en ce qui concerne la façon dont le Canada peut exercer son leadership, qu'il est étrange que seulement quatre des entités liées au Soudan aient été sanctionnées. Comment est‑ce possible, quand on sait que les États-Unis ont sanctionné plus de 10 entités que le Canada n'a pas encore sanctionnées?
Le Canada joue également un rôle à la Cour internationale de Justice. Il y mène deux poursuites contre l'Afghanistan et l'Iran pour l'écrasement du vol PS752. C'est le genre d'efforts que le Canada... Il doit y avoir un État qui soumet l'affaire à la Cour internationale de Justice. Cela donnerait vraiment beaucoup de visibilité au conflit au Soudan et enclencherait un processus de responsabilisation à l'échelle internationale. Nous sommes prêts à travailler avec vous dans ce dossier.
Je veux simplement dire que le Canada est très bien placé, qu'il a de l'expérience dans ce domaine et que nous sommes prêts à travailler avec lui.
Je tiens à remercier les deux témoins, ainsi que ceux qui les ont précédés, pour leurs témoignages très alarmants, qui permettent de braquer les feux des projecteurs sur cette situation. Je pense que si les Canadiens en savaient plus à ce sujet, ils voudraient en faire plus.
Je sais que le Canada a déjà versé environ 300 millions de dollars en aide au Soudan et à la région environnante au cours des deux dernières années. Notre dernier budget prévoit encore 350 millions de dollars en aide humanitaire.
Comme il s'agit d'un comité des droits de la personne, qui ne se penche pas spécialement sur le développement ou d'autres recommandations qui ont pu être faites, j'ai remarqué dans votre déclaration préliminaire, madame Langlois, que vous avez parlé des violations des droits internationaux de la personne et du droit humanitaire, mais comme il s'agit d'un conflit interne, vous avez fait la distinction entre ce qui relève de la Convention de Genève et ce qui relève d'autres éléments du droit international.
Je me demande si vous et M. Diamond pourriez préciser quelles sont les violations des droits internationaux de la personne qui sont commises à l'heure actuelle et ce que le Canada peut faire pour y mettre fin.
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Je vous remercie de votre question.
Des civils sont pris à partie et ciblés de façon inconsidérée. Les deux parties au conflit se positionnent dans des zones civiles pour lancer leurs attaques. Ils mettent donc en danger les civils et, effectivement, des dizaines de milliers d'entre eux sont tués ou blessés.
On a parlé des violences sexuelles à l'égard des femmes et des filles, et il y a aussi le fait que l'aide humanitaire ne se rend pas, parce qu'on en bloque l'accès. On cible aussi des infrastructures d'eau ou d'électricité, ce qui affecte également les populations civiles. Tous ces méfaits sont condamnés par le droit international, qui s'applique aussi à un conflit comme celui du Soudan. Même si ce n'est pas un conflit entre deux États, que l'on qualifierait de conflit international, cela ne veut pas dire qu'il échappe aux conventions de Genève et au droit international.
Celui-ci s'applique tout de même au conflit qui a lieu à l'intérieur des frontières du Soudan entre les deux belligérants sur le territoire.
Nous avons entendu aujourd'hui des témoignages percutants sur les dizaines de millions de personnes déplacées, affamées ou déjà tuées au Soudan.
Nous devons en faire plus ici, au Canada. Nous devons tenir responsables de leurs actes tous ceux qui violent les droits de la personne, qu'ils soient sur le terrain au Soudan même ou qu'il s'agisse de facilitateurs étrangers. Nous avons entendu que le gouvernement du Canada tarde à imposer les sanctions nécessaires, il est donc essentiel de les resserrer et, ce faisant, de tenir aussi les facilitateurs étrangers responsables de leurs actes.
J'aimerais attirer votre attention sur un article récent du New York Times selon lequel sans admettre appuyer directement les FSR, le Sheikh Mohammed s'est dit redevable envers le chef du groupe paramilitaire, le lieutenant-général Mohamed Hamdan, qui a envoyé des troupes combattre aux côtés des Émirats arabes unis dans la guerre au Yémen. On peut voir la guerre au Soudan comme un prolongement de la guerre au Yémen, où l'Iran et les Émirats arabes unis se battent pour le pouvoir et le contrôle. D'après ce que j'ai lu, il semble que l'Iran aimerait bien mettre la main sur certaines ressources du Soudan, mais qu'il aimerait aussi y avoir une présence stratégique, et que les Émirats arabes unis ne veulent pas que l'Iran ait une présence stratégique là‑bas. Il y a d'autres relations établies dans le contexte du conflit au Yémen qui débordent de ses frontières.
Monsieur Diamond, très rapidement, parce que mon temps est limité, que pensez-vous de cette mise en contexte et de ce que veut l'Iran au Soudan en particulier?