TRAN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT
LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 12 mai 1999
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): La séance est ouverte. Merci beaucoup, mesdames et messieurs.
Nous accueillons aujourd'hui, pour contribuer à notre étude sur la compétitivité du système de transport aérien du Canada, Peggy Nash, adjointe au président du Syndicat des travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile. Nous savons tous que ce syndicat représente de nombreux groupes de l'industrie du transport aérien. Nous sommes très intéressés à l'entendre nous parler de la façon dont la concurrence pourrait être améliorée ou du moins dont nous pourrions supprimer certains obstacles qui empêchent les compagnies aériennes d'améliorer leur situation.
Nous allons donc vous inviter à nous faire un exposé. Les membres du comité vous poseront ensuite des questions. Je tiens à ce que vous vous sentiez très à l'aise. L'atmosphère de ce comité est très détendue. Il n'y a aucune prétention ici. Nous travaillons bien ensemble et nous voulons que vous ayez le sentiment de faire partie du groupe.
Mme Peggy Nash (adjointe au président, Travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile): Merci beaucoup, monsieur le président. J'apprécie cette occasion de comparaître devant le comité au nom des TCA.
Étant donné le peu de temps que nous avons eu pour préparer notre comparution, ce n'est pas une délégation très importante qui se trouve devant vous aujourd'hui; je vais devoir me débrouiller seule. Mais nous nous réjouissons de pouvoir vous présenter notre point de vue. Même si je suis seule devant vous, notre mémoire reflète les opinions de notre syndicat national, qui représente 215 000 membres répartis aux quatre coins du pays et dont 10 000 environ travaillent dans le secteur du transport aérien.
J'ai fait distribuer un mémoire écrit en anglais et en français. Vous serez soulagés d'apprendre que je n'ai pas l'intention de le lire, mais je vais vous le laisser. Je voudrais toutefois passer en revue ses principaux points et vous laisser ensuite du temps pour poser des questions.
Nos propos d'aujourd'hui porteront principalement sur deux questions clés, soit la situation des Lignes aériennes Canadien et leur viabilité ainsi que, plus brièvement, la situation de NAV CANADA.
Nous avons tous entendu dire, récemment, que les Lignes aériennes Canadien avaient enregistré des pertes considérables. Bien entendu, l'année dernière, leur bilan a été très décevant et s'est soldé par une perte de 137 millions de dollars. Au premier trimestre de cette année, il se chiffrait à 108 millions de dollars. En fait, ces chiffres sont quelque peu trompeurs. N'eut été un gain unique de placement, c'est plus de 130 millions de dollars que Canadien aurait perdus au cours du premier trimestre.
La situation de caisse de la société est assez limitée. En fait, elle en est à peu près au même point qu'au cours de l'automne 1996, lorsqu'elle a connu sa dernière grande crise financière. Nous ne croyons pas toutefois que la situation soit vraiment alarmante. Nous ne pensons pas qu'il y ait vraiment de quoi paniquer. Néanmoins, ce déclin financier progressif est alarmant et justifie l'intervention du gouvernement fédéral, ce dont je parlerai plus en détail dans quelques instants.
Bien entendu, il y a toujours des pertes cycliques dans le secteur du transport aérien. Le premier trimestre est toujours une période de ralentissement, mais les pertes que Canadien a enregistrées sont certainement consternantes. Lorsque je lis les articles publiés à ce sujet dans les journaux, j'ai une impression de déjà vu.
Comme je l'ai dit, au cours de l'automne 1996, les Lignes aériennes Canadien ont connu une crise et ont soutiré, pour la troisième fois, des concessions salariales de leurs employés pour améliorer leur solvabilité. À l'époque, nous avions fait valoir que cela ne réglerait pas leurs problèmes à long terme et, malheureusement, nous avions raison. Leur sauvetage n'a fait que prolonger cette concurrence désastreuse avec Air Canada et n'a fait que retarder une nouvelle crise.
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Nous avions alors demandé au gouvernement fédéral de jouer un
rôle plus constructif en reconnaissant certains des problèmes
fondamentaux de l'industrie canadienne du transport aérien. En
fait, le gouvernement fédéral a mis des bâtons dans les roues en
exhortant les employés des Lignes aériennes Canadien à faire des
concessions et, lorsque nos membres ont refusé, en appliquant une
disposition du Code canadien du travail et cela de façon sans
précédent, pour nous forcer à rouvrir notre convention collective
et à faire des concessions.
Malheureusement, nous avions raison. Le problème n'était pas imputable aux salaires et les réductions salariales n'allaient pas permettre de remédier aux pertes de l'entreprise. Si vous prenez la situation actuelle de l'industrie aérienne, si une compagnie ne peut pas gagner d'argent dans ce secteur, il y a lieu de se demander quand elle pourra le faire. L'économie se porte assez bien. Les gens voyagent de plus en plus, le tourisme se développe, les voyages d'affaires sont en progression, les taux d'intérêt baissent et le prix des carburants diminue. Air Canada a connu une grève éprouvante dont Canadien n'aurait pu que bénéficier. Canadien ne peut toujours pas être rentable. Il est clair que le problème n'est pas seulement attribuable à la masse salariale.
Personne ne peut prétendre de façon crédible que les Lignes aériennes Canadien ont des difficultés à cause des frais de main- d'oeuvre. En fait, leurs frais sont nettement inférieurs à ceux de leur principal concurrent, Air Canada, et nettement en dessous de ceux des lignes aériennes américaines. Leurs coûts de main-d'oeuvre par siège-mille ont baissé de 3 p. 100 l'année dernière, ce qui n'a pas empêché la compagnie de perdre 137 millions de dollars. Par conséquent, comme nous le disons dans notre mémoire, si les compressions salariales pouvaient remettre cette compagnie à flot, elle disposerait maintenant de puissants moyens financiers. Ce n'est donc évidemment pas le cas.
Certains ont laissé entendre que pour surmonter leurs difficultés financières, les Lignes aériennes Canadien devraient cibler le créneau des services simplifiés à bas prix et trouver des moyens de contourner les dispositions des conventions collectives en vigueur pour se tailler une place dans ce marché. Il est vrai que la concurrence de compagnies comme WestJet Airlines a fait du tort à Canadien, surtout dans ce que l'on appelle le triangle de l'Ouest où WestJet a certainement pris une part de son marché, mais ce n'est pas là que se situe le problème fondamental de la compagnie.
Le créneau des services simplifiés n'est pas la solution. Nous avons assisté à un va-et-vient de transporteurs de cette catégorie dans l'industrie canadienne. Nous ne pensons pas que la solution se trouve de ce côté-là.
En fait, Canadien a plutôt ciblé un marché à haut rendement, celui du voyageur d'affaires, ce qui semble logique. C'est sur ce plan que sa position de concurrence vis-à-vis d'Air Canada a continué à s'affaiblir. Une partie de la solution adoptée en 1996 pour réduire les frais généraux n'a fait qu'exacerber ce problème. Canadien a essayé de remplacer ses appareils, de réduire sa capacité dans l'Est ainsi que certains de ses services en vol, ce qui n'a fait qu'éroder davantage sa part du marché du voyage d'affaires.
L'industrie du transport aérien étant ce qu'elle est, comme le comité le sait certainement, elle dépend de ces lignes d'apport sur courtes distances pour alimenter les routes transcontinentales ou internationales. Il s'agit des routes les plus rentables sur lesquelles Canadien a obtenu de si bons résultats, surtout au niveau international.
• 1545
Par conséquent, la solution adoptée en 1996 qui consistait à
réduire les salaires, mais surtout à modifier certaines lignes
d'apport, n'a fait qu'exacerber le problème. Pour cette raison,
nous ne pensons pas que la solution réside dans des compressions.
Plus vous faites de compressions, plus vous érodez ces lignes
d'apport, ce qui se répercute sur vos lignes à haut rendement.
Comme nous l'avons déjà dit en 1996, la principale source de difficultés financières des Lignes aériennes Canadien est la concurrence destructrice que se livrent nos compagnies aériennes. Pendant plus de dix ans, nous avons expérimenté une déréglementation à l'américaine. D'une part, nous avons la situation désastreuse que nous constatons du côté de Canadien, mais les choses ne sont pas extraordinaires non plus du côté d'Air Canada. Le modèle de réseau en étoile adopté aux États-Unis ne donne pas de bons résultats chez nous et a engendré une concurrence d'oligopoles. Vous avez ces deux grands transporteurs qui s'affrontent l'un l'autre, non pas dans le contexte d'un libre marché, mais comme deux gamins qui essaient de s'évincer mutuellement du bac à sable. Ils réussissent seulement à se détruire. Par conséquent, à moins que le Canada ne renonce à ce genre de politique de concurrence destructrice, notre secteur du transport aérien continuera de souffrir.
Nous proposons trois stratégies pour rétablir la situation financière des Lignes aériennes Canadien, mais nous croyons que cela devrait se faire dans le contexte d'une réforme de la réglementation de ce secteur.
Le premier changement que nous voudrions voir concerne la propriété étrangère. Dans le contexte actuel au Canada, nous estimons qu'il faudrait éliminer les restrictions touchant la propriété étrangère. Ces dispositions étaient importantes à l'époque où le Canada croyait dans une politique vraiment interventionniste et où nous tentions activement de créer une infrastructure est-ouest dans une industrie du transport aérien qui nous appartenait. Tout cela a changé. On assiste à une déréglementation générale des règles visant l'investissement étranger et à une orientation de plus en plus nord-sud plutôt qu'est-ouest des lignes aériennes. Il n'est plus utile, selon nous, d'avoir la moindre restriction en ce qui concerne la propriété étrangère.
La deuxième stratégie que nous proposons, et il faudrait qu'elle soit entièrement reliée à la première, est d'assurer un certain niveau de contenu canadien. Autrement dit, les lignes aériennes qui desservent le Canada devraient offrir des emplois et des services au Canada. Vous ne pourriez pas avoir un transporteur établi aux États-Unis ou en Grande-Bretagne qui se contenterait de faire des escales au Canada. Il faudrait qu'il mette en place les services de réservations, les services d'aéroport, les services d'entretien, les genres d'emplois dont ce secteur a besoin. Nous faisons une comparaison avec l'industrie automobile qui appartient entièrement à des intérêts étrangers, mais qui est tenue d'assurer des emplois, des ressources et un contenu canadien dans notre pays. Cela a permis de créer chez nous l'une des industries automobiles les plus productives et les plus rentables au monde, qui appartient entièrement à des intérêts étrangers.
En troisième lieu, nous proposons que le gouvernement fédéral acquière une participation minoritaire dans les Lignes aériennes Canadien. Canadien a désespérément besoin d'argent et nous estimons que le gouvernement fédéral doit donner l'exemple au secteur privé en montrant qu'il fait confiance à cette société en y investissant 100 millions de dollars par an au cours des trois prochaines années. Canadien devrait fournir des capitaux équivalents par l'entremise de partenaires étrangers.
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Les Lignes aériennes Canadien ont désespérément besoin
d'investissement. Elles ont besoin de nouveaux appareils et de
nouvel équipement et cet investissement y contribuerait, surtout
sur le marché national. Pour ceux qui craignent que le gouvernement
investisse à fonds perdus, ce serait tout à fait logique étant
donné que, directement et par l'entremise de ses employés, Canadien
paye environ 500 millions de dollars en impôt chaque année. Une
très modeste partie de cet argent serait donc réinvestie dans la
société, non pas sous forme de cadeau, mais sous forme
d'investissement.
J'attire l'attention du comité sur le modèle de Bombardier, l'ancienne usine de Havilland à Downsview en Ontario. Le gouvernement provincial a fait un gros investissement dans cette usine au début des années 90. L'usine aurait pu faire faillite ou devoir se contenter d'une place mineure dans l'industrie des pièces d'aviation. Grâce à cette prise de participation et d'autres fonds privés, l'usine a été remise à flot. Aujourd'hui, c'est une installation extrêmement rentable qui emploie plus de 6 000 travailleurs et dont les produits sont vendus dans le monde entier. Le gouvernement peut donc faire là un très bon investissement pour le compte des citoyens.
Encore une fois, nous pensons que ces mesures ne seront efficaces que si l'on change la politique de concurrence irrationnelle qui régit actuellement le secteur du transport aérien. Nous avons besoin d'un système pour gérer la capacité de ce secteur et éliminer la concurrence destructrice qui lui fait du tort depuis une dizaine d'années.
S'il acquiert une participation dans les Lignes aériennes Canadien, le gouvernement fédéral sera incité à repenser son indéfectible loyauté envers la doctrine de la déréglementation. Encore une fois, nous ne croyons pas que des changements mineurs ou des compressions salariales remédieront à ce qui constitue, et je tiens à le souligner de nouveau, une crise structurelle profonde dans le secteur du transport aérien. Nous formulons ces propositions pour qu'on puisse agir avant que Canadien ne se retrouve plongée dans une nouvelle crise. Nous sommes prêts à examiner d'autres idées quant à la façon de s'en sortir, mais nous croyons que tout cela doit se situer dans le contexte d'un retour à la réglementation de l'industrie.
Pour conclure à propos de Canadien, il s'agit vraiment d'une entreprise solide. Elle compte plus de 16 000 employés. Elle offre un excellent service, une très bonne structure de route et elle pourrait très bien réussir dans un contexte différent en ce qui concerne la réglementation. Malheureusement, la situation actuelle est peu reluisante. Après le rôle négatif que le gouvernement a joué lors de la dernière crise en 1996, il ne peut pas rester impassible devant la nouvelle crise financière qui s'annonce. Il doit intervenir activement.
Pour ce qui est de NAV CANADA, nous tenons à dire qu'une partie de notre infrastructure nationale pour le contrôle de la circulation aérienne a été privatisée et déréglementée, ce qui a causé de nombreux problèmes. Ces mesures visaient à réduire le coût du contrôle de la circulation aérienne. Si vous examinez les livres de Canadien, ils montrent que les frais d'aéroport et d'aides à la navigation ont augmenté de 50 p. 100 l'année dernière, si bien que ces changements n'ont pas eu pour effet de réduire les coûts.
• 1555
En même temps, la compagnie cherche à réduire ses frais d'une
façon qui cause d'énormes problèmes sur le plan de la dotation et
en causera, éventuellement, sur celui de la sécurité. Les
contrôleurs de la circulation aérienne ont récemment rejeté à 95 p.
100 un projet d'entente. Ils sont extrêmement mécontents, non
seulement de leurs conditions de travail, mais également de la
façon dont le système est géré.
Il y a un manque extrême de personnel. Le centre de formation des contrôleurs de la circulation aérienne, à Cornwall, a fermé ses portes et pourtant, plusieurs contrôleurs approchent de l'âge de la retraite, si bien qu'il faudra recruter. Le personnel actuel travaille de longues heures et a, dans certains cas, des horaires de travail bizarres. NAV CANADA veut maintenant, dans le cadre de la nouvelle convention collective, augmenter les heures de travail et réduire les congés de maladie.
Il semble également que NAV CANADA s'apprête à faire des instances auprès de la classe politique à Ottawa pour supprimer le droit de grève des contrôleurs de la circulation aérienne, ce qui serait évidemment une grave erreur. NAV CANADA doit négocier une convention collective au lieu d'essayer d'imposer aux contrôleurs une convention collective dont ils ne veulent pas en leur supprimant leur droit de grève.
Le problème fondamental qui se pose du côté de NAV CANADA est qu'il s'agit d'un élément très important de notre infrastructure nationale en ce qui concerne la sécurité aérienne. La sécurité devrait être prioritaire plutôt que les compressions budgétaires. Pour atteindre les objectifs en matière de sécurité, NAV CANADA doit disposer d'un personnel compétent et bien formé.
Voilà qui termine mon exposé. Je suis prête à répondre aux questions des membres du comité. Merci.
Le président: Merci beaucoup pour cet excellent exposé. Il abordait vraiment les questions que nous essayons de résoudre.
Nous allons maintenant passer aux questions et les tours seront de cinq minutes. Est-ce d'accord?
Je dois mentionner que lorsque les membres du comité mettent cinq minutes à poser une question, il ne reste plus de temps pour la réponse. À la dernière réunion, j'ai prouvé que j'étais prêt à faire respecter cette règle. Cela vous laisse la possibilité de vous entendre avec le collègue qui vous suit pour poser les deux questions, si vous le désirez. À la fin, vous aurez tout le temps voulu pour faire un dernier commentaire.
Ma liste comporte les noms suivants: M. Bailey, M. Calder, Mme Desjarlais, M. Keyes, M. Asselin, M. Nault, M. Dromisky, M. Guimond.
Monsieur Bailey.
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Merci, monsieur le président.
Êtes-vous d'accord pour que je vous appelle Peggy?
Mme Peggy Nash: D'accord, Roy.
M. Roy Bailey: Il y a une raison à cela, monsieur le président. Dès que Mme Nash est arrivée et que j'ai vu qu'elle s'appelait Peggy, j'ai mentionné à Bev que c'était le thème d'une chanson. Mais elle ne la connaît pas parce qu'elle est trop jeune. Non, je ne vais pas la chanter.
Votre syndicat a-t-il participé à l'élaboration de l'accord qui réduisait le salaire des employés des Lignes aériennes Canadien en 1996-1997? N'a-t-il pas accepté une baisse de salaire pour rendre la compagnie plus rentable?
Mme Peggy Nash: Oui. Comme je l'ai dit, c'est arrivé uniquement lorsque le gouvernement fédéral nous a imposé une loi qui nous obligeait à rouvrir une convention collective que nos membres avaient signée avec les Lignes aériennes Canadien et à soumettre à un vote l'offre de la société. Nous n'avons pas négocié cette offre.
M. Roy Bailey: À l'heure actuelle, les salaires sont-ils les mêmes, pour les mêmes emplois, dans les deux principales compagnies aériennes du Canada?
Mme Peggy Nash: Non, ils sont nettement plus bas chez Canadien. À l'heure actuelle, les employés de Canadien—en tout cas nos membres—gagnent à peu près la même chose qu'il y a une dizaine d'années alors que je viens de participer à la négociation d'un nouvel accord avec Air Canada qui prévoit une importante hausse de rémunération. L'écart se creuse. Le niveau n'est absolument pas le même.
M. Roy Bailey: Merci.
J'ai la nette impression que ceux qui font de temps en temps des ventes de billets massives ont tendance à favoriser Air Canada plutôt que Canadien. Mes soupçons sont-ils justifiés?
Mme Peggy Nash: Désolée, mais je ne comprends pas votre question.
M. Roy Bailey: Par exemple, si vous voulez faire un voyage quelque part, de nombreuses agences vous dirigent automatiquement vers Air Canada plutôt que Canadien. Est-ce un soupçon non fondé ou est-il justifié? Canadien a-t-elle également cette impression?
Mme Peggy Nash: J'ignore ce qu'il en est. Je sais qu'il y a certains incitatifs, comme les points dont bénéficient surtout les voyageurs d'affaires. C'est dû en partie à la structure des routes et en partie aux lignes d'apport et je ne peux donc pas répondre à votre question.
M. Roy Bailey: Vous avez parlé d'investir 100 millions de dollars dans Canadien sur une période de trois ans. Je ne conteste pas la validité de cette proposition. Lorsque nous parlons de VIA Rail et du réseau routier... Une fois que le gouvernement commence à réinvestir dans le transport, même si c'est un investissement modeste, le réseau routier et le service de train de voyageurs VIA Rail représentent une certaine concurrence. C'est ce à quoi vous vous attendez en tant que compagnie aérienne, n'est-ce pas?
Le président: Excusez-moi. Avant que vous ne répondiez, s'agit-il bien de 100 millions par an sur trois ans?
M. Roy Bailey: C'est pour trois ans.
Le président: Ce n'est pas sur trois ans.
Mme Peggy Nash: Ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question, car je crois que le gouvernement a la responsabilité d'investir dans l'infrastructure nationale aussi bien matérielle comme les routes et les lignes aériennes, que dans les services sociaux. Cela fait partie de ses responsabilités.
Il ne s'agit dont pas là d'ouvrir les coffres du gouvernement en offrant à toute entreprise qui le désire de venir y puiser. Il s'agirait d'un investissement que le gouvernement devrait récupérer en réalisant peut-être un profit. Je citerai de nouveau l'exemple de Bombardier de Havilland qui s'est révélé être un investissement très rentable et très lucratif de la part du gouvernement ontarien.
Le président: Merci.
Monsieur Calder.
M. Murray Calder (Dufferin—Peel-Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Les Lignes aériennes Canadien ont, de toute évidence, beaucoup de difficultés, mais je crois qu'elles sont notamment dues à la présence d'AMR. Elle possède actuellement 33 p. 100 de Canadien et 25 p. 100 des droits de vote. AMR exerce également un contrôle opérationnel et financier sur Canadien par l'entremise d'ententes contractuelles.
Je m'interroge sur le fait qu'une entreprise américaine soutire de l'argent des Lignes aériennes Canadien. C'est une des raisons pour lesquelles Canadien a des problèmes. D'après ce que je peux voir, AMR la saigne à blanc.
J'ai obtenu quelques renseignements d'Internet et je peux voir que la situation de Canadien s'améliore sur le plan des recettes. Au cours des trois premiers mois de 1998 se terminant au 31 mars, ses recettes totales se chiffraient à 637,9 millions de dollars. En 1999, elles s'élevaient à 703,7 millions de dollars. Ce sont les dépenses qui augmentent. En 1998, elles étaient de 736,2 millions et, bien entendu, le déficit se situe actuellement à 62,3 millions de dollars. En 1999, même si le coût du carburant a diminué—les salaires ont légèrement augmenté mais pas beaucoup—les dépenses de Canadien se montent à 805,7 millions de dollars, ce qui vous donne évidemment un déficit de 102 millions.
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Une des rubriques les plus intéressantes se trouve au bas et
s'intitule «Autres». Cette rubrique a coûté 147,6 millions de
dollars à Canadien dans les trois premiers mois de 1998. Cette
année, au premier trimestre, cette rubrique a coûté 167,7 millions
de dollars. J'aimerais entendre vos commentaires, Peggy, car il
s'agit pour moi ici d'une entreprise dont la situation s'améliore
mais qui continue d'accuser des pertes.
Mme Peggy Nash: Oui, sa situation s'améliore. Elle n'est toujours pas lucrative, et c'est cela le problème. Le paradoxe, c'est que plus elle fait voler d'appareils, plus elle vend des places, moins elle est lucrative. Je vous le dis, ces gens-là réaliseraient des bénéfices s'ils restaient chez eux à ne rien faire, mais beaucoup de gens en pâtiraient.
Je ne suis pas d'accord avec vous à propos d'AMR. Pour moi, AMR a réussi à fournir à Canadien les capitaux dont elle avait, et a toujours, désespérément besoin, ce qui est toujours son problème aujourd'hui. Elle lui a aussi apporté son expertise en informatique, en commercialisation et systèmes. AMR offre une vaste gamme de services que Canadien paie au prix fort, je l'admets. Si vous examinez globalement l'investissement d'AMR, cela ne lui a pas rapporté. Elle a beaucoup investi, ce qui ne lui a toujours pas rapporté de bénéfices.
L'autre chose qu'AMR donne à Canadien grâce à son alliance Oneworld, c'est son système d'alimentation, qui est crucial. American n'a pas les routes aériennes transpacifiques de Canadien, si bien qu'elle rabat des clients de toute l'Amérique du Nord, en particulier vers l'aéroport de Vancouver, porte d'entrée capitale pour Canadien. Même si la compagnie paie au prix fort les services d'AMR, je pense que dans l'ensemble cette relation a été bénéfique pour Canadien.
M. Murray Calder: Vous conviendrez donc sans doute avec moi que pour sauver Canadien, il faut une intégration verticale plutôt qu'une intégration latérale?
Mme Peggy Nash: Eh bien, ce qu'il faut de toute évidence, c'est plus de capitaux. La compagnie n'a pas de capitaux et elle en a besoin. Mais nous voulons aussi des engagements en faveur d'emplois et de services au Canada. Nous ne voulons pas être uniquement un rayon du réseau en étoile d'American Airlines. Nous voulons conserver cette infrastructure au Canada. Nous voulons conserver le service aérien. Nous voulons conserver les emplois et les revenus fiscaux qui profitent au Canada.
Le président: Madame Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Si les Lignes aériennes Canadien n'ont pas réussi à prendre leur envol après ce qui s'est passé la dernière fois, et si l'on accepte qu'il s'agit là de la stratégie de gestion de la société, comment un investissement de 100 millions de dollars par année va-t-il améliorer la situation?
Mme Peggy Nash: Je ne dis pas seulement qu'il s'agit là de la stratégie de la direction. Comme vous, je pense que s'il s'agissait uniquement d'injecter encore davantage de capitaux dans la société Canadien, nous serions contre, tout comme en 1996 on a dit que si ne se contenterait que de couper les salaires, on ne ferait que donner à Canadien plus de temps pour continuer à faire ce qu'elle fait de travers. Le véritable problème, c'est la structure de l'industrie aérienne canadienne.
La déréglementation à l'américaine, censée libérer le marché, est impraticable au Canada. On a essentiellement deux grands transporteurs, un duopole d'entreprises qui s'esquintent mutuellement. Même Air Canada, qui a l'air d'avoir le dessus ici, n'est pas en très bon état non plus. Ses actions sont considérées comme des titres pourris. On laisse donc cet élément important de notre infrastructure se dégrader sans cesse.
Voici ce que nous disons: cessons de faire semblant que nous avons ici un marché libre. Ce n'est pas le cas. Faute de règles pour empêcher ces deux transporteurs de se livrer une concurrence destructrice, les mesures que Canadien pourra prendre ne parviendront pas à régler le problème. Les trois mesures dont j'ai parlé, par contre, elles, pourront remettre la société d'aplomb. Il faut donc s'attaquer au problème de fond.
Mme Bev Desjarlais: Comment l'ouverture du capital à des intérêts étrangers va-t-elle profiter aux citoyens de tout le pays et pas seulement à ceux de Vancouver, Montréal, Toronto et Winnipeg? Comme cela va-t-il profiter au reste du pays?
Mme Peggy Nash: Eh bien, la compagnie Canadien a besoin de capitaux et ne peut pas les trouver au Canada.
Mme Bev Desjarlais: Il y a quantité d'endroits où elle n'assure pas le service non plus. Pas plus qu'Air Canada d'ailleurs. De plus en plus de localités se sont vu retirer leurs liaisons. Elles ont disparu. On a donc l'impression que ces gros transporteurs ne desservent que les centres urbains et ne font que transporter les voyageurs vers l'étranger. Mais il n'y a pas suffisamment de concurrence et de prix abordables au pays, sauf dans les centres urbains. Comment une participation étrangère va-t- elle améliorer le service pour les citoyens du Canada?
Mme Peggy Nash: Je me souviens il y a 15 ans quand Air Canada se rendait—et Canadien... eh bien, elle ne s'appelait pas comme ça à l'époque—dans beaucoup plus de petites localités qu'aujourd'hui. Après la privatisation d'Air Canada, la déréglementation et quantité de changements dans l'industrie aérienne canadienne... Je pense à Transair, Wardair, EPA... Je pourrais vous énumérer tous les transporteurs qui sont disparus au cours des 15 ou 20 dernières années.
L'industrie s'est restructurée et il y a aujourd'hui de tout petits transporteurs qui rabattent les voyageurs des petites localités vers les grands transporteurs: Air Canada et Canadien.
En quoi les investissements étrangers profitent-ils aux Canadiens? Cela permet aux deux transporteurs de survivre. Si Canadien n'obtient pas de capitaux, la fin est proche. Je n'ai pas de boule de cristal, mais je peux vous dire que s'il n'y avait pas eu de rendement pendant le premier trimestre, la compagnie aurait perdu dans ce premier trimestre la totalité de ses pertes de l'an dernier. C'est inadmissible.
Elle a besoin d'argent. Kevin Benson l'ai dit publiquement. Si la compagnie ne peut pas trouver cet argent au Canada, elle va chercher ailleurs. Mais elle est plafonnée à 25 p. 100, seuil qu'elle a déjà atteint. Nous disons donc que le gouvernement fédéral devrait investir dans la compagnie et augmenter le degré de participation étrangère ou supprimer le plafond pour qu'elle obtienne les capitaux nécessaires à l'achat d'équipement. La plupart des appareils sont loués. Elle n'est même pas propriétaire de son matériel. Elle a désespérément besoin de moderniser sa flotte. Sans injection de capitaux, elle n'y arrivera pas et ne pourra assurer sa viabilité.
Le président: Monsieur Keyes.
M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.
Madame Nash, je vous remercie de votre exposé. Connaissez-vous bien l'industrie aérienne?
Mme Peggy Nash: Je suis une ancienne employée d'Air Canada—je ne sais pas si ça compte.
M. Stan Keyes: Non, mais à part cela—j'ignore ce que vous faisiez à Air Canada—est-ce que vous connaissez l'industrie proprement dite, son fonctionnement, les rouages de l'industrie aérienne.
Mme Peggy Nash: Oui, je la connais assez bien.
M. Stan Keyes: Entendu.
Vous avez parlé de certaines choses dans votre exposé. Si les Lignes aériennes Canadien n'ont pas réussi à dégager de bénéfices en 1998, avez-vous dit, compte tenu de la vigueur de l'économie et d'une grève qui a durement éprouvé son principal concurrent... Vous savez que la grève n'allait pas améliorer sensiblement les bénéfices de Canadien? Vous connaissez un peu l'industrie aérienne: vous savez donc que même s'il y a une grève à Air Canada, ce n'est pas cela qui allait aider Canadien.
Mme Peggy Nash: Est-ce que vous me posez une question?
M. Stan Keyes: Oui. Est-ce que vous le saviez?
Mme Peggy Nash: Eh bien, il fallait que les gens passent par un autre transporteur pendant la grève d'Air Canada.
M. Stan Keyes: Oui, mais pas forcément Canadien. Canadien vous dira qu'une grève, cela ne se prévoit pas. On ne va donc pas louer ou acheter des appareils au cas où votre concurrent tomberait en grève. La réalité, c'est que Canadien n'avait pas les appareils pour accepter le surplus de voyageurs perdus par Air Canada.
Mme Peggy Nash: Si vous examinez les conséquences de cette grève, cela illustre très bien ce dont je parle. Pour reconquérir sa part du marché, Air Canada a offert des soldes de places et sacrifié les prix partout au pays. Canadien a dû en faire autant. Cela nuit aux résultats des deux entreprises. C'est exactement ce dont je parle.
M. Stan Keyes: Mais j'essaie d'expliquer ce que vous avez dit à propos du fait que Canadien n'a pas pu dégager de bénéfices en 1998 malgré cette grève qui a fait mal à Air Canada. Cette grève n'a pas favorisé ses bénéfices.
Mme Peggy Nash: Pourquoi?
M. Stan Keyes: Peut-être après coup, pas pendant la grève parce que je vous l'ai dit, elle n'avait pas les appareils pour absorber le supplément de voyageurs.
Mme Peggy Nash: Mais j'imagine que leurs fauteuils vides ont dû se remplir pendant la grève.
M. Stan Keyes: Ils se sont remplis, mais cela ne représentait qu'un tout petit pourcentage de la clientèle qui s'offrait à elle pendant la grève d'Air Canada.
Est-ce que c'est la première fois que les TCA acceptent de discuter de participation étrangère pour une entreprise du secteur privé?
Mme Peggy Nash: Non.
M. Stan Keyes: Cela a déjà été fait? Dans quel cas?
Mme Peggy Nash: L'aérospatiale.
M. Stan Keyes: Pour augmenter le degré de participation étrangère? Je ne le savais pas.
Représentez-vous aussi les travailleurs d'Air Canada?
Mme Peggy Nash: Oui.
M. Stan Keyes: Et ceux de Canadien. Combien d'employés d'Air Canada représentez-vous? Beaucoup?
Mme Peggy Nash: Environ 4 500.
M. Stan Keyes: Environ 4 500? Vous savez sans doute que les deux sociétés ont examiné la possibilité de partager entre elles des routes aériennes, exactement comme vous le proposez. Le but était de trouver une solution lucrative pour les deux. C'est ce qu'elles essaient de faire maintenant.
Mais les pourparlers entre elles—rien ne m'indique qu'ils mènent quelque part. Il y a eu des pourparlers, mais j'ignore s'ils se poursuivent ou s'ils ont pris fin. Cela donne l'impression qu'Air Canada voudrait être le seul transporteur aérien au Canada sur les routes intérieures et qu'elle se tirerait beaucoup mieux d'affaire si Canadien n'existait pas.
Est-ce que les TCA accepteraient d'y participer? Puisque le syndicat compte des membres dans les deux sociétés, est-ce qu'il accepterait de coordonner les employés des deux sociétés, pour qu'ils s'adressent à la direction de l'autre bout? Si la direction essaie de faire quelque chose à un bout et si ça ne semble pas marcher, d'après ce que j'ai vu, alors on essaie à l'autre bout, avec les employés, qui veulent préserver l'emploi.
Au bout du compte, il y aura un emploi pour tout le monde. L'ensemble du personnel, à l'autre bout, dirait à la direction qu'il comprend que les deux entreprises font beaucoup d'efforts pour être lucratives, mais ni l'une ni l'autre n'y parvient trop bien—oui, Air Canada réussit mieux que Canadien—mais tous les employés au bout du compte veulent conserver leur emploi. Ils seraient donc prêts à demander ce qu'ils peuvent faire pour faciliter la coordination entre les deux entreprises.
Mme Peggy Nash: Nous avons eu ce genre de discussion avec les deux sociétés et...
M. Stan Keyes: Avec les employés des deux sociétés?
Mme Peggy Nash: Oui, surtout avec Canadien, parce que ce sont eux qui se sentent le plus vulnérables.
M. Stan Keyes: Je ne pense pas que ce soit l'impression qui est donnée.
Mme Peggy Nash: Mais Air Canada n'est pas dans la meilleure forme financière qui soit, et nous avons eu des discussions surtout avec la direction au niveau des lieux de travail, partout au pays. Mais lorsque l'on parle avec les compagnies—nous le faisons et elles nous écoutent—nous avons l'impression qu'au cours des dernières années elles ne semblent pas arriver à s'entendre entre elles. C'est pourquoi nous demandons à l'État de jouer un rôle. Si elles pouvaient s'entendre et se partager rationnellement les routes aériennes, cela pourrait avoir du sens. Mais nous attendons toujours, et les poules auront des dents le jour où ça se réglera. C'est ce qui nous préoccupe et c'est pourquoi nous prenons les devants.
Le président: Monsieur Asselin.
[Français]
M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): D'abord, je dois vous féliciter et vous remercier de votre exposé. Selon moi, ce que ce l'on vit aujourd'hui n'est que la pointe de l'iceberg. Lorsque le Parti libéral a pris le pouvoir en 1993, le premier ministre et le ministre des Finances n'avaient qu'un seul objectif: l'atteinte du déficit zéro. Cela s'est fait au détriment du transport aérien et de la sécurité des gens, et de tous les autres domaines.
• 1620
Vous parlez dans votre
document du gel salarial des contrôleurs
aériens et de la détérioration constante des conditions
de travail. Ce ne sont pas des choses rassurantes
pour les passagers.
Également, lorsque vous mentionnez
qu'on a du mal à attirer et retenir des
contrôleurs expérimentés, c'est drôlement inquiétant.
Vous nous parlez des compressions faites par NAV CANADA. On sait que ce sont eux qui ont fait la «job de bras» que le gouvernement libéral n'a pas été capable de faire et qu'il a confiée à NAV CANADA par l'entremise du Bureau de la sécurité des transports et du ministère des Transports. On demande à NAV CANADA de faire des coupures et, par la suite, on dit que ce n'est pas notre faute. Mais qui est responsable? C'est toujours le gouvernement fédéral qui est responsable des aéroports et du transport aérien.
Lorsque vous dites que les compressions ne se sont pas rendues jusqu'aux passagers, vous devez sûrement parler de la réductions des coûts des billets d'avion. Ce qui s'est rendu jusqu'aux passagers, c'est l'insécurité. Le coût du billet d'avion n'a jamais été réduit et l'insécurité des passagers a augmenté, ce qui fait qu'il y a un achalandage beaucoup moindre.
Également, vous souhaitez qu'on n'attende pas qu'un accident grave se produise. Il n'y a pas tellement longtemps, à Baie-Comeau, il y a eu un accident d'avion dans lequel sept personnes sont décédées. Le problème en était un de manque de contrôle aérien: on cherchait l'avion en arrière alors qu'il était en avant. À Gaspé, deux pilotes d'avion et deux passagers sont décédés dans l'écrasement d'un avion. Le problème était un manque de contrôle aérien et de communications.
Dans votre document, vous mentionnez qu'on va jusqu'à réduire le nombre de congés de maladie. Des heures épouvantables de travail pourraient amener certains contrôleurs aériens à commettre des erreurs. Vous espérez que le comité ou le ministre n'accordera pas à NAV CANADA la permission d'enlever à ses employés leur droit de grève; j'espère bien que non parce que ce ne serait pas démocratique. NAV CANADA devra prendre le temps de négocier de bonne foi avec les contrôleurs, pour ce qu'il en reste.
Je suis un peu surpris que dans la partie de votre document qui porte sur NAV CANADA, que j'ai relue deux fois, vous n'ayez pas parlé des coupures de personnel et de la fermeture d'installations. Cela a des conséquences extrêmes pour la sécurité des passagers et celle du personnel de bord. Je comprends mal que vous ne mentionniez pas la problématique des coupures faites par NAV CANADA dans le transport aérien.
Soyez certaine que ni Air Canada ni Canadian ne nous diront que cela affecte la sécurité du personnel et des passagers. On donne directement ou indirectement des ristournes à ces compagnies pour acheter leur silence. Comme centrale syndicale, vous devez faire part au gouvernement des problèmes que vous vivez à la suite de ces coupures et vous avez aujourd'hui une tribune pour vous exprimer.
Le président: Le seul problème que nous ayons, c'est que vous avez la tribune pour le faire, mais que le député ne vous a pas laissé assez de temps pour répondre.
À titre de président du comité, j'aurais dû juger hors d'ordre plusieurs commentaires faits par le député, mais j'aime être flexible. La question que voulait soulever mon collègue était peut-être que les compagnies ne sont pas compétitives à cause du mécontentement des employés ou de toutes sortes d'autres choses, et je lui ai permis de continuer en ce sens.
C'était un beau discours, mais je peux vous dire qu'un président neutre a de la difficulté à reconnaître le lien et la justesse des commentaires faits. Ce comité-ci n'est pas un forum où on peut vider ses rancunes, et j'invite les membres du comité à être constructifs. Nous avons beaucoup de travail à faire. Le fait de sortir les vieilles chicanes du passé ne nous servira à rien.
Je vais vous accorder deux minutes pour répondre, si vous le désirez.
[Traduction]
Mme Peggy Nash: Eh bien, je dirais que c'est une fausse compétitivité de voir NAV CANADA se concentrer obstinément sur la réduction des coûts au détriment de sa raison d'être, la sécurité, que ses compressions soient des réductions de personnel et de services ou sous forme de conditions de travail intolérables. Ce n'est avantageux ni pour les employés ni pour la population, et au bout du compte ce sont des fausses économies. Cela ne s'est pas traduit en économies pour les voyageurs. Encore une fois, si vous examinez les coûts des compagnies aériennes, comme je l'ai dit dans mon exposé, il en coûte 50 p. 100 plus cher à Canadien pour NAV CANADA. Il est donc évident que le système ne marche pas: il nuit à la concurrence et aussi à la société.
Le président: Monsieur Nault.
M. Robert D. Nault (Kenora—Rainy River, Lib.): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, madame Nash, je vous remercie beaucoup d'être venue. Il est tout à fait indiqué que les TCA, un syndicat qui a toujours fait preuve d'initiative, viennent nous parler de questions dont les syndicats ne parlaient pas beaucoup il y a 20 ans. C'est un changement qui fait plaisir.
Je voulais surtout vous parler de vos trois points. C'est l'essentiel de ce que vous proposez au comité. En ce qui concerne la suppression du plafond applicable à la participation d'intérêts étrangers dans les entreprises aériennes canadiennes, proposez-vous l'élimination complète du plafond ou songez-vous à quelque chose de semblable à ce qui a été fait lors de la privatisation du CN: une restriction de 10 p. 100 par actionnaire ou tranche d'actions? C'est une méthode tout à fait différente d'arriver au même résultat. De cette façon, il est impossible pour une grande compagnie aérienne d'acheter 50 ou 60 p. 100 de Canadien. C'est une façon d'autoriser la participation d'intérêts étrangers tout en injectant de nouveaux capitaux.
Pouvez-vous me préciser votre pensée. Votre réflexion est-elle allée jusque-là? Ou dois-je comprendre que vous êtes en faveur de l'élimination complète du plafond et on verra bien ce qui se passe.
Mme Peggy Nash: Pour le moment, nous ne faisons qu'explorer des idées. Nous en avons proposé quelques-unes, mais nous sommes ouverts à d'autres idées. L'idée de restriction appliquée à un actionnaire est un bon argument. Honnêtement, nous n'en avons pas beaucoup parlé. La seule restriction que nous réclamons porte sur ce que nous appelons le contenu.
M. Robert Nault: J'y arrive dans un instant.
Mme Peggy Nash: Nous n'avons pas songé à des restrictions, mais nous pourrons sûrement examiner la chose davantage. Ce n'est pas quelque chose que nous avons examiné puis rejeté.
M. Robert Nault: Nous savons que les TCA ont des économistes tout à fait compétents. Un des problèmes à propos d'engagements précis relatifs au contenu canadien, c'est que cela aura des conséquences sur les investissements ou le désir d'un investisseur étranger d'investir, s'il y a des restrictions sur ce qu'il peut ou ne peut pas faire dans la société. Aviez-vous analysé cela? Ce que vous dites essentiellement ici, c'est qu'y compris pour les réservations et la billetterie, il n'y aura pas de perte d'emploi. On ne pourra pas les délocaliser là où tout pourrait être fait centralement, je ne sais trop, quelque part comme au Mississippi ou au Texas.
Mme Peggy Nash: New Delhi.
M. Robert Nault: Le Canada fait tout, n'est-ce pas? On a beaucoup entendu parler de ça dernièrement. Ça a un impact sur ceux qui voudraient investir. Est-ce que les économistes des TCA ont fait des recherches là-dessus, pour voir quel genre d'impact cela aurait? L'industrie aérienne canadienne est très différente de l'industrie automobile. Le fait est que nous avons le Pacte de l'automobile—ceux qui étaient là à l'époque vous le confirmeront—et nous l'avons obtenu parce qu'ils voulaient avoir accès au marché canadien. C'est un marché intérieur en ce sens qu'il est différent du leur. Si l'on impose des règles sur le contenu, vous aurez peut-être plus de mal à attirer les investisseurs.
Je me demandais si vous aviez examiné cela et si vous aviez des suggestions à faire si l'on imposait des règles à un investisseur en ce qui concerne les emplois, où ils peuvent aller ou comment ils peuvent être créés.
Mme Peggy Nash: D'après nous, s'il est possible de faire de l'argent, il y aura des investisseurs. S'il semble que l'entreprise puisse être lucrative, même s'il y a des restrictions, quelqu'un voudra investir.
La réalité, c'est qu'il s'agit ici d'une compagnie aérienne d'excellente qualité, qui a d'excellentes routes aériennes et offre un service haut de gamme. Elle devrait pouvoir réaliser des bénéfices. Mais vu sa situation, la nature du marché actuellement et la nature de la concurrence, ce n'est pas possible. C'est sur le marché intérieur que Canadien perd de l'argent, pas sur le marché international; là, elle est lucrative.
Vous avez raison, elle serait encore plus lucrative si les réservations et la billetterie et la maintenance se faisaient dans les pays où les salaires sont bas, mais il est évident que cela n'est pas dans l'intérêt des Canadiens. Ce sont donc des exigences raisonnables à imposer à un investisseur. Si nous ouvrons quelque chose d'aussi important que l'industrie aérienne aux investissements étrangers, il faut l'engagement que les emplois et l'infrastructure et le service, pour ce qui est des localités desservies, seront conservés.
Quant à savoir comment cela se ferait exactement, cela devra faire l'objet de nombreuses discussions mais tout ce que je sais, c'est que si on veut y arriver, il est possible de concevoir des règles. Tant qu'une entreprise peut rapporter à un investisseur, il va investir.
Le président: Monsieur Dromisky.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Monsieur le président, je ne vais pas m'attarder à discuter des chiffres qui figurent dans ce document, parce que le temps nous manque. On peut trouver toutes sortes d'autres chiffres, en fonction de son point de vue et de qui on est.
Ce qu'on dit à propos des travailleurs ici m'inquiète. Tout d'abord, je crois savoir qu'en ce qui concerne les conditions d'emploi, celles-ci sont négociées entre le personnel et la direction. Cela n'a rien à voir avec le gouvernement fédéral. C'est bien le cas?
Mme Peggy Nash: Vous parlez de NAV CANADA. J'estime que la sécurité aérienne intéresse le gouvernement fédéral, et si nous soulevons le cas de NAV CANADA, ce n'est pas parce que le comité participe à la négociation collective mais à cause des conséquences que cela pourrait avoir pour la sécurité des voyageurs.
M. Stan Dromisky: D'accord, mais actuellement le syndicat n'a aucune preuve de ce que pourraient être ces ramifications, que la sécurité est compromise dans l'industrie de l'aviation canadienne.
Mme Peggy Nash: Beaucoup de contrôleurs aériens nous disent qu'ils sont épuisés, frustrés et inquiets du fonctionnement de NAV CANADA aujourd'hui. Sauf votre respect, c'est la raison pour laquelle nous en parlons devant le comité, et non parce que le comité participera directement aux négociations. Cela pourrait seulement influer sur la sécurité.
M. Stan Dromisky: J'arrive de Vancouver où j'ai participé à un atelier international. Nous parlons ici de facteurs d'origine humaine. Savez-vous que plus de 80 p. 100 des accidents chez nous sont imputables à un facteur d'origine humaine? Je veux parler d'erreurs de la part des pilotes. Par contraste, le nombre d'accidents dus à des facteurs d'ordre technique a été réduit considérablement au cours des 20 dernières années. Sur un million de vols, il se peut que deux ou trois accidents soient imputables à des problèmes d'ordre technique.
Je crois savoir—et je ne sais pas si c'est vrai—que si un employé de NAV CANADA est épuisé et qu'on lui demande de faire un autre quart de travail peu après—accepte-t-il de le faire pour être payé à temps double, à temps et demi, pour le supplément de revenu que cela représente, ou encore accepte-t-il de le faire par crainte d'être congédié s'il refuse? Je n'en sais rien. Je crois savoir que ces gens agissent de façon responsable et professionnelle. S'ils sont malades, épuisés ou trop fatigués pour prendre les bonnes décisions dont dépend la sécurité des avions et des passagers, alors ils diraient carrément qu'ils sont incapables de travailler pendant les huit prochaines heures et qu'ils doivent être remplacés.
Je ne sais pas si c'est vrai. Je vous pose la question: est-ce vrai? Les employés ont-ils le choix de dire pareille chose?
Mme Peggy Nash: Les employés ont le droit de refuser un travail s'ils croient que cela représenterait un danger pour eux ou pour quelqu'un d'autre. Cependant, ce qu'ils prétendent c'est qu'en raison d'une pénurie criante d'effectifs, les employés doivent effectuer des quarts de travail qu'ils ne feraient pas normalement, ce qui est cause de stress et d'épuisement professionnel. Il se peut que dans certains cas les employés disent: «Écoutez, je n'en peux plus»?, et ils en subissent alors les conséquences. Le message essentiel c'est qu'il y a de graves problèmes de pénurie d'effectifs dans le secteur de l'aviation civile et que cela doit nous préoccuper. C'est un service important. Il ne s'agit pas que des conditions de travail de ces employés...
M. Stan Dromisky: Non, je comprends cela.
Mme Peggy Nash: ...c'est une situation qui peut nettement avoir des conséquences pour un grand nombre de personnes.
Des voix: Vous et moi en particulier.
M. Stan Dromisky: Oui. C'est une question à laquelle j'attache la plus haute importance. Si la direction oblige les employés à assumer un fardeau supplémentaire lorsqu'ils sont épuisés, alors nous devons agir. C'est pour cette raison que j'ai posé la question. J'estime que l'employé doit avoir le droit de dire qu'il est trop fatigué, qu'il est épuisé, qu'il est malade, peu importe. Comprenez-vous?
Mme Peggy Nash: Oui. Cela confirme une tendance malheureuse qui se dessine. Il se peut que certains employés refusent de travailler certains quarts, mais il y en a probablement d'autres qui acceptent de le faire.
Le président: Avant d'accorder la parole à M. Guimond, j'aimerais dire—et je demanderais aux membres du comité de me corriger si je me trompe—que dans notre étude de la compétitivité des lignes aériennes, on ne s'attardera pas à la question de la sécurité aérienne. Sur le plan de la sécurité, les lignes aériennes canadiennes sont parmi les plus sûres au monde. S'il y a là un problème malgré l'excellent bilan de sécurité, les membres du comité devront m'expliquer comment nous pouvons aborder la question dans le cadre d'un rapport sur la compétitivité. Notre bilan de sécurité est l'un de nos atouts.
Je dis donc à ceux qui abordent des questions liées à la sécurité que je ne voudrais pas créer l'impression que les lignes aériennes canadiennes ne sont pas parmi les meilleures, car elles le sont. Sentez-vous bien libres de me corriger si je me trompe.
[Français]
Monsieur Guimond.
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Merci, monsieur le président et merci, madame Nash. Avant de poser une question à Mme Nash, monsieur le président, avec votre permission, j'aimerais faire un commentaire.
Il est vrai que les collègues sont libres de faire les commentaires qu'ils veulent ou de poser les questions qu'ils veulent. Quand on dépasse un certain stade, vous nous ramenez à l'ordre et vous remettez gentiment en question la pertinence de nos commentaires. Je voudrais vous dire, monsieur le président, que j'étais mal à l'aise en entendant les premières remarques de mon collègue Keyes. Il sait que je l'apprécie beaucoup. On des visions différentes sur certaines choses, mais on se rejoint. Il a demandé à Mme Nash de préciser ses compétences ou ses connaissances. Je pense qu'on n'a jamais demandé ici à nos témoins de dérouler leurs diplômes. Nous sommes en présence d'un témoin qui a pris le temps de réfléchir sur le sujet et de nous soumettre un rapport. J'ai des problèmes quant à son rapport et lui dirai les choses avec lesquelles je suis en désaccord. Je ne veux pas être complaisant envers elle, mais je n'ai pas aimé les commentaires de M. Keyes. On remarque une différence: quand ce sont des gens du côté patronal, les libéraux les questionnent d'une façon et quand ce sont des gens du côté syndical, ils les questionnent d'une autre façon. En tout cas, c'est juste une présomption.
Le président: En réponse à ce commentaire, en tant que président, j'ai permis les commentaires de M. Keyes et ceux de M. Guimond et je ne me sens pas du tout mal à l'aise. Vous pouvez continuer. Il vous reste trois minutes.
M. Michel Guimond: Madame Nash...
[Traduction]
M. Stan Keyes: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. J'aimerais préciser aux fins du compte rendu et pour éviter de mettre Mme Nash dans l'embarras, que son mémoire dit tout simplement qu'elle est adjointe au président du Syndicat des travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile. J'estime qu'il est tout à fait pertinent de lui demander si elle connaît de près le secteur de l'aviation civile étant donné certaines des affirmations qu'elle fait dans son rapport. Je voulais savoir quelles connaissances d'expert elle a du secteur de l'aviation civile afin que je puisse mieux évaluer les commentaires qu'elle fait dans le rapport. Quand d'autres témoins comparaissent devant nous, de Via Rail, par exemple, ils nous disent habituellement s'ils sont ingénieurs ou autre chose, de sorte que nous n'avons jamais à leur poser la question.
J'ai posé cette question, monsieur le président, car je n'ai en main aucun document qui me renseigne sur ce que fait Peggy Nash en sa qualité d'adjointe au président.
Le président: Si vous le permettez, on peut clarifier ce point. Êtes-vous une employée du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile ou avez-vous été élue à votre poste?
[Traduction]
Êtes-vous une employée du Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile ou occupez-vous un poste électif qui vous autorise à parler au nom des syndiqués? Je suis un ancien membre des TCA et un employé n'est pas autorisé à parler au nom des syndiqués comme l'est un dirigeant élu. Pouvons-nous connaître la réponse? Il me semble que c'était bien la question.
[Français]
Mme Peggy Nash: La question de M. Keyes ne m'a pas mise mal à l'aise. Je suis responsable des négociations entre les lignes aériennes et les membres des TCA, et je suis adjointe au président des TCA. Quand je suis en négociation ou devant un comité comme le vôtre, je représente le président de notre syndicat.
Le président: Très bien. On va recommencer. Vous avez cinq minutes.
M. Michel Guimond: Cela veut dire que dorénavant, on demandera à notre greffière de demander aux personnes qui témoignent devant nous de nous fournir leur description de tâches et l'organigramme.
Le président: À l'avenir, on va continuer comme dans le passé: c'est le président qui va présider.
M. Michel Guimond: Madame Nash, je veux continuer dans la foulée de M. Nault, qui vous a posé des questions sur vos trois recommandations. Plus spécifiquement, je voudrais parler de celle d'éliminer la restriction fédérale actuelle relative à la propriété étrangère.
Cela fait drôle pour un séparatiste ou un souverainiste comme moi de plaider la souveraineté du Canada et de vouloir le préserver contre l'empiétement des Américains, mais votre recommandation est aberrante. Elle n'a pas de bon sens. Vous ne savez pas combien cela me fait mal au coeur de parler ainsi, mais cela n'a pas de bon sens. C'est comme lorsque j'ai dénoncé le gouvernement lors de la privatisation de la Voie maritime. On donnait aux Américains la Voie maritime du Saint-Laurent qui a permis d'unir ce beau et grand pays. C'est un commentaire et j'aimerais vous entendre là-dessus.
Dans la deuxième partie de vos recommandations, vous dites qu'on pourrait obtenir des engagements clairs du milieu en termes de préservation d'emplois. Si American Airlines a investi dans Canadian, ce n'est pas pour les beaux yeux d'une personne ou pour faire lui plaisir, mais bien pour le retour sur l'investissement. Si on leur donne la possibilité d'acheter 100 p. 100 des actions, qu'ils font des coupures et que les réservations se fassent à partir de Dallas, on aura beau exprimer des voeux pieux... Je dois vous dire que votre mémoire me renverse et me déçoit. J'avais des entrevues téléphoniques à faire et je m'excuse d'avoir été obligé de quitter. En tout cas, j'aimerais vous entendre. J'aurai deux autres questions aux tours subséquents.
[Traduction]
Mme Peggy Nash: Je vais répondre d'abord à votre seconde question où vous demandiez pourquoi General Motors investit dans l'usine de Boisbriand située à l'extérieur de Montréal.
Elle le fait car elle veut vendre des voitures au Canada. Pourquoi n'adopterions-nous pas des règles qui diraient que si American Airlines ou British Airways, ou peu importe, investit ou veut tirer des revenus de l'aviation civile au Canada, elles doivent s'engager à créer des emplois et à offrir des services au Canada? S'il y a moyen de dégager des bénéfices, elles le feront. Vous avez raison, elles existent pour faire de l'argent et elles pourraient le faire. GM dégagerait davantage de bénéfices si elle n'avait pas à subir ces restrictions ou à satisfaire à ces exigences, mais elle ferait néanmoins de l'argent. Il m'apparaît raisonnable que nous imposions de telles restrictions. La société les acceptera si elle y trouve son compte.
• 1645
Quant à la propriété étrangère, je suis d'accord avec vous
lorsque vous dites que dans l'idéal, nous aurions une ligne
aérienne nationale que nous soutiendrions, que nous protégerions
grâce à certaines règles. Mais nous avons déjà eu cela; nous
l'appelions Air Canada. Nous l'avons privatisée. Nous avons accepté
la déréglementation à l'américaine et maintenant, si nous ne sommes
pas en situation de crise, nous avons néanmoins de graves
problèmes. Il est impossible de remettre le génie dans sa bouteille
pour dire que nous voulons maintenant recréer la situation qui
existait il y a 15 ans.
À ma connaissance, personne ne réclame cela. Le monde a changé. Nous ne disons pas au Canada que nos plus importantes liaisons sont dans l'axe est-ouest. Cela me plairait énormément, mais je n'entends parler que de l'axe nord-sud. Nous entendons parler de commerce hémisphérique et si c'est la vision que veut poursuivre ce gouvernement, alors je ne vois pas l'utilité d'imposer cette restriction au secteur de l'aviation civile sachant que cela pourrait sonner le glas d'un des principaux transporteurs et de 16 000 emplois. Je tiens davantage aux emplois qu'à la fidélité nationale.
Le président: D'accord. Ce sera trois minutes chacun pour ce second tour. M. Bailey, Mme Desjarlais et M. Nault.
Vous devez partir? Monsieur Guimond.
[Français]
M. Michel Guimond: J'avais dit tout à l'heure que j'aurais deux autres questions à l'autre tour.
Le président: On ne manquera pas de temps.
[Traduction]
Monsieur Bailey.
M. Robert Nault: Roy, puis-je poser une question avant de partir?
M. Roy Bailey: D'accord.
Le président: Madame Desjarlais, acceptez-vous de laisser passer M. Nault avant vous? Il doit partir.
Mme Bev Desjarlais: D'accord.
Le président: Merci.
M. Robert Nault: J'aimerais poser cette question avant de me rendre à ma prochaine séance de comité car elle touche à l'adhésion au syndicat.
Cette question m'apparaît importante. Je suis tout à fait d'accord avec ceux qui disent que la situation a changé. Je crois que les syndicats de ce pays, et particulièrement les TCA, sont au diapason de ce changement. Tout cela soulève la question de la propriété étrangère.
Seriez-vous en mesure de nous dire dans un délai plus ou moins court ce que pensent vos membres de toute la question de la propriété étrangère? Je n'y trouve rien à redire mais il m'apparaît important de déterminer s'il doit s'agir de propriété étrangère sans entraves ou encadrée de certains critères comme nous l'avons fait pour le CN. Je suis un ferme partisan de la limite de propriété de 10 p. 100 par investisseur. Je crois que cela nous évite d'être avalés par des intérêts étrangers tout en nous permettant de mieux gérer le dossier. A-t-on déjà demandé aux syndiqués ce qu'ils en pensent au juste ou sont-ils d'accord avec la position du président au nom de qui vous parlez manifestement?
Mme Peggy Nash: La position que nous vous exposons aujourd'hui est celle prise par les dirigeants de notre syndicat à Lignes aériennes Canadien International. Ils ont avalisé cette position. Nous n'avons pas eu l'occasion de rencontrer les membres de notre syndicat qui travaillent pour Canadien dans tout le pays. Nous le ferons dans les semaines qui viennent. Toutefois, notre position a été rendue publique et nous n'avons pas reçu de commentaires négatifs. Nous consulterons nos membres dans les semaines à venir.
M. Robert Nault: Même si dans le cadre d'entretiens privés votre président a tendance à dire que la participation des gouvernements est une bonne chose, quand vient le moment de négocier, il n'est pas du tout heureux que le gouvernement s'ingère dans la négociation. Pourquoi serait-il illogique et voudrait-il que le gouvernement prenne une participation de 100 millions de dollars dans la société aérienne? Si vous réussissez à convaincre deux ou trois autres investisseurs à acquérir une telle participation, pourquoi souhaiterions-nous que le gouvernement devienne actionnaire? Si vous réussissez à convaincre tous ces politiciens à s'en mêler, l'entreprise ne sera pas très bien gérée. Si nous mettons en place les règlements dont vous dites avoir besoin, ne croyez-vous pas que votre recommandation numéro trois serait inutile s'il se trouve d'autres investisseurs tout à fait prêts à investir?
Mme Peggy Nash: Je perçois la participation du gouvernement d'un tout autre angle. Le gouvernement a été associé à la crise qu'ont connue les Lignes aériennes Canadien en 1996 mais, à mon avis, de façon très néfaste puisqu'il a forcé le vote sur l'offre de la société quand nos membres avaient encore une convention collective. Il ne peut pas cette fois-ci jouer le rôle de simple spectateur. Si nous devons nous heurter à de nouveaux problèmes à l'avenir...
M. Robert Nault: Je vois les choses tout autrement.
Mme Peggy Nash: Je m'en doutais mais je tentais tout simplement de répondre à votre question.
M. Robert Nault: Pourquoi voudriez-vous répéter la même erreur en supposant...
Mme Peggy Nash: Nous ne voulons pas que vous nous imposiez l'offre de la société cette fois-ci. L'essentiel à retenir c'est qu'à l'heure actuelle Canadien se cherche des investisseurs. Si elle réussit à trouver tous les investissements dont elle a besoin, bravo, mais je crois qu'elle a du mal à trouver ce qu'il lui faut.
Je ne suis pas une proche conseillère financière de Kevin Benson de Canadien, mais j'ai l'impression que la société n'a pas réussi à trouver tous les investissements qu'elle souhaitait obtenir et nous craignons qu'elle ne cède à la tentation de devenir un transporteur à service minimum ou de modifier du tout au tout la nature de son service ce qui, à notre avis, ne réglerait pas du tout le problème tout en portant préjudice aux employés. Voilà pourquoi nous disons que si le gouvernement accepte de jouer un rôle il contribuera du même coup à éveiller l'intérêt des investisseurs privés. Si cela s'avère inutile, tant mieux.
Le président: Monsieur Bailey.
M. Roy Bailey: Merci.
Parmi les trois principes d'un plan de sauvetage, vous mentionnez la propriété étrangère et cela implique tout naturellement la propriété étrangère d'intérêts américains. Les investisseurs européens et asiatiques détiennent-ils actuellement des intérêts dans Canadien?
Mme Peggy Nash: Oui. Je ne connais pas tous les détails de leur participation, mais je sais qu'elle loue à bail des aéronefs à des propriétaires asiatiques. Je crois qu'elle a tenté d'obtenir des mises de fonds de diverses sources et qu'elle y a réussi dans une certaine mesure, mais la principale source d'investissement étranger ce sont les Américains.
M. Roy Bailey: Si nous faisons sauter le plafond... Et vous avez fait une comparaison très intéressante avec le secteur de l'automobile. Cela m'intéresse car au deuxième point vous dites que tous les transporteurs au Canada:
-
doivent être tenus de respecter des engagements clairs en termes de
juste part de contenu canadien (services de réservations et de
billetterie compris), en proportion du chiffre d'affaires réalisé
par chaque transporteur au Canada.
Vous parlez d'Air Canada, n'est-ce pas?
Mme Peggy Nash: Ce n'est pas en proportion du chiffre d'affaires de chaque transporteur mais plutôt en proportion du chiffre d'affaires de la compagnie de transport aérien au Canada. Vous pourriez choisir entre diverses structures en fonction du chiffre d'affaires ou encore du nombre de sièges-milles. Il existe diverses options. Il serait possible d'exiger que pour chaque dollar de revenu réalisé au Canada, ou encore de sièges-milles parcourus au Canada, il faudrait créer X nombre d'emplois. On pourrait aussi exiger qu'il y ait un certain nombre de bureaux de réservations au Canada, ou encore d'installations de maintenance. Il existe plusieurs options.
M. Roy Bailey: C'est ma dernière question, monsieur le président. Je sais que nous sommes pressés.
Quand les représentants de Canadien ont comparu...
Le président: Un instant, quand Air Canada et Canadien ont comparu, c'était une séance à huis clos. Ne l'oubliez pas.
M. Roy Bailey: D'accord, mais voici où je veux en venir. Croyez-vous que si nous acceptions davantage d'investissements étrangers au Canada, nous pourrions obtenir en contrepartie davantage de privilèges et de droits d'atterrissage dans certains pays étrangers qui nous imposent actuellement des restrictions à cet égard?
Mme Peggy Nash: L'attribution d'itinéraires fait l'objet de négociations actuellement. Cela n'a rien à voir avec la propriété. Cela se rapprocherait plutôt de la négociation d'alliances et d'accords de partage de dénomination que d'attribution d'itinéraires.
M. Roy Bailey: Merci.
Le président: Madame Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais: J'ai obtenu cette information non pas à la séance à huis clos que nous avons eue avec Air Canada mais lors d'une autre réunion que j'ai moi-même eue avec la société de sorte que je n'hésite pas à en parler.
Un porte-parole d'Air Canada a dit que ce serait de loin préférable qu'il n'y ait au Canada qu'une société de transport aérien plutôt que deux qui se font concurrence et que cela nous permettrait d'améliorer le service. J'aimerais savoir ce que vous en dites.
• 1655
Je me dois de réagir à votre affirmation selon laquelle les
emplois sont plus importants que la fidélité nationale. J'ai été
prise de court, je l'avoue, et je ne suis pas non plus une
souverainiste du Québec. Nous pourrions compter sur sa loyauté.
Tous les emplois n'ont pas la même valeur. Quand vous parlez d'emplois, vous semblez songer strictement à Canadien et j'aimerais savoir si vous pensez que tous ces emplois disparaîtraient s'il n'y avait qu'une compagnie aérienne ou si vous ne pensez pas plutôt que certains de ces emplois, sinon la totalité, se déplaceraient vers l'unique transporteur afin qu'il puisse assurer le service.
Vous avez aussi dit qu'il s'agit d'un problème intérieur. Ce ne sont pas les itinéraires internationaux qui font problème. Pour ma part, j'estime que nous n'obtenons pas au Canada le service sur lequel nous pouvions compter dans le passé et que les décisions que nous avons prises en matière de déréglementation et de propriété étrangère, entre autres choses, n'ont pas dans l'ensemble contribué à améliorer le service au Canada. C'est tout le contraire et les prix concurrentiels ne se sont pas améliorés d'après ce qu'on nous dit. Si c'est un problème purement canadien malgré tout ce que nous avons fait—et les solutions que nous proposons semblent aller dans le même sens—devons-nous nous attendre à une réduction de service? Il faudrait peut-être envisager une autre option.
Mme Peggy Nash: Je suis ravie que vous me posiez cette question. Permettez-moi de préciser mon commentaire sur la fidélité. Je ne voulais pas parler d'allégeance nationale mais bien de la propriété de la société. Nous parlons ici d'un secteur qui a été privatisé et si, dans le passé, il était perçu comme un élément stratégique d'édification de notre pays—c'est ainsi que je voyais les chemins de fer qui ont contribué à l'édification de la nation comme l'ont fait plus tard les sociétés de transport aérien—il semble maintenant que le gouvernement fédéral a décidé de ne plus utiliser cet outil.
Dans un tel contexte, si les deux sociétés sont privatisées, qu'importe la propriété tant que les deux sociétés sont tenues de respecter les mêmes règles? J'en reviens au secteur de l'automobile où nous avons des sociétés appartenant à part entière à des intérêts étrangers mais qui doivent se conformer aux règles du Pacte de l'automobile. Or, d'autres entreprises appartiennent techniquement à des intérêts canadiens, notamment le secteur des télécommunications, où l'on délocalise les emplois à tour de bras vers la Chine, le Mexique ou tout autre pays du monde. Voilà ce à quoi je pensais plutôt qu'à un manque de loyauté envers le Canada.
Quant à savoir si nous devrions avoir un seul transporteur, je songe à ce qui existait il y a plus de dix ans quand a eu lieu le débat sur la déréglementation de l'aviation civile et où l'on faisait valoir deux arguments: la réduction des coûts et l'accroissement de la concurrence. Je crois que c'est un double échec et nous pourrions nous retrouver avec un monopole. Est-ce la solution? Il existe divers scénarios. On pourrait avoir un transporteur qui desservirait la clientèle internationale et un autre qui desservirait le marché intérieur comme cela se fait en France, par exemple.
À l'heure actuelle, c'est la situation historique qui se maintient où nous avons deux transporteurs nationaux et un système réglementaire de laisser-faire pour ce qui est de la concurrence et cela détruit une société et ébranle sérieusement l'autre. Voilà pourquoi nous disons que si nous voulons continuer d'avoir deux transporteurs, ne serait-ce que par souci de concurrence, mettons en place des règles pour encadrer cette concurrence pour que les employés des transporteurs et les consommateurs n'aient pas à souffrir plus que ce n'est le cas aujourd'hui.
[Français]
Le président: Monsieur Guimond.
M. Michel Guimond: Les dernières remarques de ma collègue du NPD me surprennent. Je ne veux pas remettre en question sa fidélité à son beau pays, mais s'il y avait un mouvement visant à faire en sorte que le Canada devienne un 53e État américain, je suis persuadé qu'elle y militerait. De toute façon, on sera déjà souverains à ce moment-là.
• 1700
Encore une fois, madame Nash, je suis obligé
de...
[Traduction]
Une voix: Vous l'avez blessé, je pense.
Mme Bev Desjarlais: Ce n'est même pas ce que j'ai dit.
[Français]
M. Michel Guimond: Mon parti est très près des TCA et il n'y a pas de cachette: comme le NPD, on partage un peu le même lit de ce point de vue. Si je voulais être complaisant, je vous ferais de beaux commentaires sur votre mémoire et je vous encenserais.
Mon deuxième commentaire ira un peu dans le sens de mes premières questions. Je ne veux pas être complaisant mais je ne veux pas vous fâcher. Je ne veux pas qu'on pense que le Bloc québécois se chicane avec les TCA, mais je veux vous dire que je suis surpris et déçu que votre mémoire ne fasse pas état de la situation vécue à Air Canada, surtout, comme le président l'a fait remarquer avec justesse, qu'on fait présentement une étude sur la compétitivité du système de transport aérien canadien. Je vous dirais bien pourquoi NAV CANADA a des effets sur la compétitivité, mais je n'ai pas assez de temps.
Je vous ai dit que j'étais déçu que vous ne parliez pratiquement pas d'Air Canada. Considérez-vous que l'attribution des routes internationales par Transports Canada est juste ou injuste à l'endroit d'Air Canada? Vous allez peut-être même être obligée de parler en mal de Canadian.
Le président: En trente secondes.
[Traduction]
En 30 secondes.
Mme Peggy Nash: Posez-moi une question plus facile. D'abord, je tiens à dire que si nous mettons surtout l'accent sur les graves problèmes de Canadien, nous parlons aussi d'Air Canada puisque les deux transporteurs subissent les mêmes contraintes. Les lignes aériennes Canadien International ne sont qu'un meilleur exemple des effets destructeurs de la concurrence dans le secteur de l'aviation civile; les deux transporteurs en pâtissent mais Canadien est plus durement touchée.
Quant à la structure des itinéraires internationaux, je ne vais pas prendre position pour telle ou telle option. C'est une répartition historique entre les deux transporteurs. Canadien dégage des bénéfices sur les itinéraires internationaux. Malgré la crise en Asie, ces itinéraires ont été une importante source de revenus pour le transporteur. Voilà pourquoi je ne modifierais pas de façon radicale ces itinéraires tant qu'il n'y aura pas un retour à certains principes fondamentaux dans le secteur de l'aviation civile. Je suis convaincue qu'Air Canada voudrait que soit réexaminée la structure des routes internationales.
Le président: Monsieur Keyes.
M. Stan Keyes: Oui, certainement. Je suis ravi de vous l'entendre dire, madame Nash, car je crois que le gouvernement a les moyens de rétablir l'équilibre. Le gouvernement peut certainement rétablir l'équilibre entre les transporteurs. Si Canadien devait du jour au lendemain affronter directement la concurrence pour les vols vers Taipei, elle pourrait connaître des problèmes encore plus graves. Il faut donc trouver l'équilibre et c'est l'une des options.
J'aimerais revenir à ce que disait M. Nault, qui commentait votre affirmation selon laquelle il faudrait supprimer toute propriété étrangère. D'après la discussion de la dernière heure et demie, je crois comprendre qu'il serait impossible de chercher à éliminer totalement la propriété étrangère. Il faudrait qu'il y ait des restrictions, des pourcentages, etc. Bien entendu, vous seriez en faveur de la propriété étrangère pour les deux transporteurs ou pour n'importe quel transporteur aérien. N'est-ce pas?
Cela étant le cas, voyez-vous que vous avez deux compagnies aériennes à ce niveau, à l'heure actuelle, à 1 000 pieds du sol, qui ont des difficultés dues à leur situation concurrentielle?
• 1705
Vous autorisez des intérêts étrangers. Est-ce que cela ne les met
pas à 30 000 pieds du sol sans que le problème de la concurrence
soit réglé? Il s'agit simplement de savoir qui est propriétaire de
combien, mais cela n'a pas réglé le problème fondamental, ce qui
entrave en fait l'industrie aérienne dans notre pays. Tout ce que
vous faites, c'est augmenter le problème, et non pas l'attaquer à
la racine.
Mme Peggy Nash: En effet.
Chacune de ces mesures, en soi, ou même ces trois mesures ne vont pas régler le problème... ce n'est pas en rajoutant de l'argent, des intérêts étrangers, des engagements à offrir certains services au Canada, que l'on va régler le problème, qui relève de la nature de la concurrence entre Air Canada et les Lignes aériennes Canadien. Quelles que soient les sommes que ces compagnies doivent dépenser, et c'est ce que représenteraient ces investissements étrangers, elles continueraient à s'en servir pour essayer de se détruire mutuellement.
M. Stan Keyes: Exactement.
Mme Peggy Nash: Les enjeux seraient simplement plus importants. Ce qu'il nous faut comprendre, c'est la nature de cette tendance destructrice. Je parlais tout à l'heure de bac à sable, et c'est en fait comme deux enfants qui se disputent dans un bac à sable: tant que l'un ne s'en ira pas pleurer de son côté, ils n'arrêteront pas de se battre.
M. Stan Keyes: Pour être juste, je crois qu'il faut comprendre que c'est la règle dans le monde des affaires. Il faut que quelqu'un domine et soit en tête de file, satisfasse les actionnaires, etc. Mais évidemment il y a la question des dizaines de milliers de salariés.
Je voudrais simplement ajouter quelque chose à ce que disait M. Nault à propos de la participation minoritaire aux Lignes aériennes Canadien que pourrait prendre le gouvernement fédéral. J'irais un peu plus loin que M. Nault en disant que si l'on est investisseur, et je suppose que nous tous ici investissons, habituellement en actions d'une société ou d'une autre... Normalement, en parlant à mes amis d'investissements, j'évite les sociétés qui reçoivent soudain un apport de fonds du gouvernement, parce qu'on a l'impression qu'il s'agit de les repêcher. Donc, à titre d'investisseur, je dis: non merci, je ne me lance pas là- dedans.
L'idée de propriété étrangère m'intéresse, et je pense que nous devrions l'examiner et nous demander dans quelle proportion et combien un seul acheteur pourrait acquérir d'actions, etc., en acceptant tous les investisseurs étrangers que cela pourrait intéresser. Ma seule crainte serait d'avoir soudain le gouvernement fédéral qui viendrait mettre de l'argent et qui dirait finalement qu'il est propriétaire du tiers de la société.
Les deux choses qui m'inquiètent sont, d'une part, que je ne sais pas quel investisseur voudrait s'intéresser à une société qui semble se faire renflouer par le gouvernement; deuxièmement, une fois que le gouvernement contrôle le tiers de cette société, ce n'est plus la société qui dirige ses affaires, mais le gouvernement. Tout cela a changé au cours des cinq dernières années.
Mme Peggy Nash: En effet. Il y a seulement deux choses que je verrais différemment.
D'une part, dans ce cas-ci, il n'est pas question que le gouvernement dirige la compagnie aérienne. Il s'agit d'une participation au capital. Ce n'est pas du tout la même chose que nationaliser les compagnies aériennes. Il s'agit véritablement d'un investissement, d'une participation au capital d'une entreprise qui, nous l'espérons, n'est pas en train de couler.
Nous estimons que si l'État doit investir dans ces sociétés, il va vouloir que cela marche, et il sait que dans l'environnement actuel cela ne peut aller, si bien qu'il voudra changer certaines choses.
Là encore, je considère la situation de Bombardier. Vous savez, cette usine à Toronto aurait pu... Si cela avait continué, la société serait simplement devenue un fabricant de petites pièces dans l'industrie aérospatiale—elle avait de très gros problèmes de gestion, et cette usine aurait aujourd'hui fermé. Il n'y avait plus que 1 200 employés, et l'État a décidé d'investir, ce qui a encouragé un investisseur extérieur à s'intéresser à la société, et, aujourd'hui, c'est une usine qui fait d'énormes bénéfices, les livres de commandes sont pleins et, du point de vue du contribuable, cela aura été un investissement très rentable. Pour un investisseur privé, cela aurait été très difficile.
• 1710
Mon rôle n'est pas de vendre ou d'acheter des actions, mais si
cette société était dirigée convenablement, dans un environnement
approprié, un environnement plus sain pour les compagnies
aériennes... Il n'y a aucune raison que les Lignes aériennes
Canadien ne soient pas un excellent transporteur, un transporteur
très rentable.
Le président: Merci.
Au troisième tour, vous avez trois minutes. Monsieur Guimond, puis Mme Bailey et Mme Desjarlais.
[Français]
M. Michel Guimond: Madame Nash, vous n'avez pas répondu à ma question sur l'attribution des routes internationales. Je vais vous donner un petit élément de réponse. Étant donné le nombre de passagers nécessaire pour ouvrir une deuxième destination, Air Canada se plaint de ce que Canadian fait transiter ses passagers par Seattle ou par Los Angeles pour le marché lucratif de l'Asie. Supposons qu'il faille 300 000 passagers par année; des avions ont transité par les États-Unis et ont laissé de l'argent à Seattle et Los Angeles pour l'achat de carburant et de nourriture et des frais d'entretien, cela au détriment du Canada.
Transports Canada dit que le nombre de passagers n'est pas suffisant pour ouvrir une deuxième destination. En additionnant les gens qui partent du Canada et transitent par Seattle et Los Angeles, on aurait un nombre suffisant de passagers pour avoir une deuxième route vers le marché lucratif de l'Asie.
Vous n'avez pas répondu à ma question, mais, de toute façon, c'est votre choix.
Je vais poursuivre avec un autre exemple. La participation minoritaire au niveau d'un apport...
[Traduction]
Le président: Il a 30 secondes, c'est tout.
[Français]
M. Michel Guimond: D'accord, je vais revenir au quatrième tour.
Le président: Vous n'avez pas eu votre réponse.
M. Michel Guimond: Là-dessus? D'accord.
[Traduction]
Mme Peggy Nash: J'essayais d'écouter l'interprétation et de comprendre votre question. Vous demandez si, d'après le nombre de passagers qui passent par les États-Unis pour aller à l'étranger, il ne serait pas plus judicieux d'ouvrir d'autres lignes à partir du Canada vers des destinations asiatiques, lignes que pourrait assurer Air Canada? C'est votre question?
[Français]
M. Michel Guimond: C'est cela. J'aurais voulu vous entendre dire tout à l'heure que la politique d'attribution des routes internationales pratiquée par Transports Canada à l'heure actuelle est injuste. C'est le genre de réponse que j'aurais voulu entendre, mais vous ne voulez pas me la donner parce que si cela est injuste pour Air Canada, cela favorise Canadian.
[Traduction]
Mme Peggy Nash: Ma foi, je ne pense pas que ce soit justifié pour le moment. Je comprends ce que vous dites et je comprends qu'Air Canada souhaite désespérément obtenir accès à davantage de destinations asiatiques.
Là encore, tout ce que je puis dire, étant donné la situation actuelle des Lignes aériennes Canadien, c'est que je ne pense pas que ce soit le moment d'apporter ces changements. Je sais qu'Air Canada y tient beaucoup et que cela lui coûte cher... il y a des gens qui transitent non seulement par Seattle et Los Angeles; il y en a aussi qui passent par Chicago ou New York ou Detroit pour traverser le continent. Il est donc évident qu'il y a des voyageurs que les compagnies canadiennes perdent du fait de la structure internationale actuelle. Air Canada croit évidemment que c'est injuste, parce que la société veut desservir ces marchés.
Tout ce que je puis dire, c'est que si les Lignes aériennes Canadien devaient à ce moment-ci perdre une part des lignes asiatiques, qui sont parmi les rares lignes où elles font de l'argent, cela pourrait aussi poser de gros problèmes. Je ne pense pas que l'on puisse considérer les lignes asiatiques indépendamment des problèmes plus vastes que connaît l'industrie aérienne canadienne.
Le président: Monsieur Bailey.
M. Roy Bailey: J'aimerais faire quelques comparaisons, même si je sais qu'il n'y a pas beaucoup d'autres pays comme le Canada dans ce secteur.
• 1715
Vous avez mentionné, et c'est évident, que la plupart des
transporteurs étrangers... Vous atterrissez par exemple à Pearson,
et vous voyez toutes ces compagnies aériennes nationales, qu'il
s'agisse d'Air France, d'Air India, ou d'autres—il s'agit de
compagnies nationalisées. Ce n'est que sur le continent nord-
américain, entre le Canada et les États-Unis, qu'il n'y a pas de
compagnies aériennes nationalisées, n'est-ce pas? Est-il possible
que si une compagnie avait tous les vols internationaux et que
l'autre avait le marché intérieur, elles puissent l'une et l'autre
survivre?
Mme Peggy Nash: Non. C'est justement cela, et c'est une bonne question. Les lignes internationales sont toutes réglementées. Ce n'est pas un régime de libre concurrence.
M. Roy Bailey: D'accord.
Mme Peggy Nash: Lorsque c'est réglementé et contrôlé et que des compagnies comme Air Canada doivent faire une demande pour obtenir certaines lignes de navigation, les compagnies qui assurent le service sur ces lignes... Il y a beaucoup de choix et elles gagnent beaucoup d'argent, notamment les Lignes aériennes Canadien. Ce n'est qu'au Canada, du fait de notre déréglementation à l'américaine qui ne convient pas à notre géographie, que les compagnies perdent de l'argent, et en particulier les Lignes aériennes Canadien.
M. Roy Bailey: Air France, c'est seulement international. En France c'est...
Mme Peggy Nash: Air Inter.
M. Roy Bailey: Merci.
Le président: En France, il est possible d'avoir des vols internationaux à partir de Paris, mais au Canada, pour un vol international, il faut faire escale à Montréal. Ce n'est pas la même chose.
Mme Peggy Nash: Notre géographie est très différente.
Le président: Madame Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais: Je tiens à vous remercier des commentaires que vous avez faits à propos de NAV CAN et des coûts. Savez-vous quelles sont les différences entre, par exemple, les frais d'atterrissage et de navigation aux États-Unis et au Canada? Avez- vous ces chiffres?
Mme Peggy Nash: Je suis désolée, je ne les ai pas.
Mme Bev Desjarlais: Ce sera donc une question que je poserai à John une autre fois.
Je veux parler de la situation de NAV CAN et du facteur sécurité, parce que je crois que cela entre dans le facteur concurrence. C'est très bien d'espérer que tout le monde va savoir quand s'arrêter parce que l'on est trop fatigué et pas en état de piloter un avion, mais, si c'était le cas, il n'y aurait pas de conducteurs de camions qui conduiraient quand ils sont fatigués ni de particuliers comme nous qui rentreraient chez eux trop fatigués pour conduire; ce genre de problèmes ne se poseraient pas.
La réalité est que les gens se sentent poussés à essayer de travailler dans ces conditions. Et quand on me dit que c'est normal, j'essaie toujours de demander aux gens ce qu'ils penseraient si leur chirurgien devait les opérer après avoir travaillé 24 heures de suite sans dormir. C'est le genre de situations où on ne veut jamais se trouver. Il faut espérer que l'on n'oublie jamais cela quand on travaille.
Je crois que l'on parle énormément de sécurité, et j'aimerais que cela continue. Je pense qu'il est bien qu'on s'en préoccupe avant que cela ne devienne un gros problème. Je vous remercie donc de vos observations.
Le président: Cela conclut le troisième tour.
Quatrième tour, monsieur Guimond.
[Français]
M. Michel Guimond: Ma question portera sur la participation minoritaire dans Canadian pour laquelle le fédéral devrait investir 100 millions de dollars. Vous avez donné à M. Keyes l'exemple de...
Une voix: Mike.
M. Michel Guimond: Je ne contrôle pas la manière dont cela entre dans vos oreilles.
[Traduction]
Peut-être serait-il préférable que je pose ma question en anglais, mais, à titre de séparatiste, ce n'est pas facile pour moi.
[Français]
Sur la participation minoritaire de 100 millions de dollars, en réponse à la question de M. Keyes, vous avez donné l'exemple de De Havilland à Toronto; on aurait pu donner l'exemple de Canadair. C'est le contraire qui s'est produit: c'est le gouvernement fédéral qui a vendu ses entreprises au secteur privé. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Vous, vous demandez au gouvernement fédéral d'investir 100 millions de dollars de l'argent des contribuables.
• 1720
Je voudrais vous donner une petite image. Dans mon
comté, il y a la chute Montmorency qui est la plus
haute chute au Canada; elle a 30 mètres de plus
que celles du Niagara. Avec votre proposition, j'ai
l'impression d'être dans une petite chaloupe qui s'en va vers
la chute alors qu'on rame pour l'éviter.
Votre proposition est
complètement contraire aux politiques de ce
gouvernement et de celui qui l'a précédé. Ce
gouvernement a privatisé les aéroports, les ports,
le CN, NAV CANADA, VIA Rail; le gouvernement précédent
a privatisé Petro-Canada et Air Canada.
Pensez-vous sérieusement, madame Nash, que la mère de famille monoparentale qui a deux enfants et qui travaille comme vendeuse au salaire minimum dans une boutique de vêtements pour dames veut que ses impôts servent à éponger le déficit de Canadian? Pensez-vous que le contribuable moyen, normal, non syndiqué qui en arrache veut que ses impôts servent à financer un apport de 100 millions de dollars à la compagnie Canadian?
Le président: Je n'oserais pas vous empêcher de donner une réponse au comité bien que les trois minutes soient écoulées; je vous accorde le temps nécessaire pour donner une réponse et pour faire des commentaires de clôture.
[Traduction]
Mme Peggy Nash: Tout d'abord, j'aimerais savoir ce qui serait une meilleure solution, parce que je n'en ai pas encore trouvé. Je crois d'autre part qu'il y a des tas de gens qui gagnent très peu d'argent comme vendeurs ou serveurs dans un restaurant et qui aimeraient beaucoup avoir un emploi qui paie bien, que ce soit chez Canadair, Bombardier, Air Canada ou Lignes aériennes Canadien. Si notre pays ne décide pas que ces emplois sont précieux et utiles et méritent d'être préservés, ceux qui ont actuellement ces emplois ne les auront plus, et nos enfants ne les auront pas non plus.
Il ne s'agit donc pas simplement d'une question de Trésor public. Il s'agit aussi de l'intérêt de notre pays. Il nous faut des emplois qui paient bien, que ce soit dans le secteur secondaire, les compagnies aériennes ou le secteur tertiaire, et ils n'apparaissent pas par magie. L'État doit décider que c'est un élément important de notre économie et aider à le maintenir. C'est ce que nous proposons. Je ne pense pas que ces emplois puissent apparaître automatiquement.
Je dirais simplement que si quelqu'un estime que pour un secteur aussi important... et pas seulement important pour les 500 millions de dollars d'impôts que cela rapporte chaque année, mais également pour notre infrastructure nationale, car si le Canada est un pays où il fait tellement bon vivre, c'est parce qu'il a de bons services, comme ces services aériens qui permettent à ses citoyens de parcourir ces vastes distances. C'est important. Personne ne devrait sous-estimer les problèmes fondamentaux que nous rencontrons, et je sais que le comité ne les sous-estime pas, puisque vous tenez ces audiences.
Quelques petites retouches, comme on a fait en 1996 pour les Lignes aériennes Canadien, pour ce qui est des réductions de salaire, de petites retouches pour augmenter légèrement les investissements... cela ne règle pas le problème que nous constatons ici. Le problème est plus fondamental, et ce que nous proposons, ce n'est pas de défaire 20 années de politique de plusieurs gouvernements, mais plutôt de reconnaître où nous en sommes aujourd'hui et d'essayer d'améliorer le système au sein duquel nous nous trouvons afin que cela puisse mieux fonctionner maintenant par rapport à ce qu'on a connu au cours de la dernière décennie.
J'aimerais remercier le comité, non seulement pour avoir écouté mon exposé présenté au nom des TCA, mais aussi pour ses questions très intéressantes et le débat.
Le président: Nous aimerions vous remercier pour votre exposé et vos bonnes réponses. Si vous avez d'autres documents qui pourraient nous être utiles, je vous demanderais de les faire parvenir à notre greffière; chaque membre du comité y aura accès.
Merci. Et pour ceux que vous représentez—le directeur, le président, les membres—je ne crois pas qu'ils auraient pu mieux faire que vous. Vous avez fait un travail excellent. Merci.
La séance est levée.