CHPC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 22 mars 2005
¿ | 0910 |
La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)) |
M. Douglas Frith (président, Association canadienne des distributeurs de films) |
La présidente |
Mme Susan Peacock (Vice-présidente, Association canadienne des distributeurs de films) |
¿ | 0915 |
M. Douglas Frith |
¿ | 0920 |
La présidente |
Mme Susan Peacock |
La présidente |
¿ | 0925 |
Mme Bev Oda (Durham, PCC) |
Mme Susan Peacock |
Mme Bev Oda |
Mme Susan Peacock |
Mme Bev Oda |
Mme Susan Peacock |
M. Douglas Frith |
Mme Bev Oda |
M. Douglas Frith |
¿ | 0930 |
Mme Bev Oda |
Mme Susan Peacock |
Mme Bev Oda |
Mme Susan Peacock |
Mme Bev Oda |
Mme Susan Peacock |
Mme Bev Oda |
Mme Susan Peacock |
M. Douglas Frith |
Mme Bev Oda |
La présidente |
M. Maka Kotto (Saint-Lambert, BQ) |
¿ | 0935 |
Mme Susan Peacock |
M. Maka Kotto |
Mme Susan Peacock |
M. Maka Kotto |
Mme Susan Peacock |
¿ | 0940 |
M. Maka Kotto |
Mme Susan Peacock |
M. Maka Kotto |
Mme Susan Peacock |
M. Douglas Frith |
Mme Susan Peacock |
La présidente |
M. Charlie Angus (Timmins—Baie James, NPD) |
Mme Susan Peacock |
¿ | 0945 |
M. Charlie Angus |
Mme Susan Peacock |
M. Douglas Frith |
M. Charlie Angus |
Mme Susan Peacock |
M. Charlie Angus |
Mme Susan Peacock |
M. Douglas Frith |
M. Charlie Angus |
Mme Susan Peacock |
M. Charlie Angus |
M. Douglas Frith |
La présidente |
M. Charlie Angus |
M. Douglas Frith |
¿ | 0950 |
Mme Susan Peacock |
M. Charlie Angus |
La présidente |
M. Mario Silva (Davenport, Lib.) |
M. Douglas Frith |
Mme Susan Peacock |
M. Douglas Frith |
¿ | 0955 |
La présidente |
M. Douglas Frith |
La présidente |
M. Mario Silva |
M. Douglas Frith |
La présidente |
M. Mario Silva |
La présidente |
L'hon. Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.) |
M. Douglas Frith |
L'hon. Sarmite Bulte |
À | 1000 |
Mme Susan Peacock |
L'hon. Sarmite Bulte |
Mme Susan Peacock |
M. Douglas Frith |
Mme Susan Peacock |
M. Douglas Frith |
Mme Susan Peacock |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Douglas Frith |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Douglas Frith |
La présidente |
M. Douglas Frith |
La présidente |
À | 1005 |
M. Douglas Frith |
La présidente |
Mme Adina Leboe (directrice générale, Associations des propriétaires de cinémas du Canada) |
À | 1010 |
À | 1015 |
À | 1020 |
La présidente |
M. Gary Schellenberger (Perth—Wellington, PCC) |
Mme Adina Leboe |
M. Gary Schellenberger |
À | 1025 |
Mme Adina Leboe |
M. Douglas Frith |
La présidente |
Mme Adina Leboe |
À | 1030 |
La présidente |
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ) |
Mme Adina Leboe |
M. Marc Lemay |
Mme Adina Leboe |
À | 1035 |
M. Marc Lemay |
Mme Adina Leboe |
M. Marc Lemay |
Mme Adina Leboe |
M. Marc Lemay |
Mme Adina Leboe |
M. Marc Lemay |
La présidente |
M. Scott Simms (Bonavista—Gander—Grand Falls—Windsor, Lib.) |
À | 1040 |
Mme Adina Leboe |
À | 1045 |
M. Scott Simms |
Mme Adina Leboe |
M. Scott Simms |
Mme Adina Leboe |
M. Scott Simms |
La présidente |
M. David Smith (Pontiac, Lib.) |
Mme Adina Leboe |
À | 1050 |
La présidente |
Mme Adina Leboe |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 22 mars 2005
[Enregistrement électronique]
¿ (0910)
[Traduction]
La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)): La séance est ouverte.
Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Rebienvenue, monsieur Frith, à un endroit que vous connaissez très bien. Que souhaitez-vous nous dire aujourd'hui?
M. Douglas Frith (président, Association canadienne des distributeurs de films): D'abord, madame la présidente, je tiens à vous remercier de nous donner ce matin l'occasion de participer aux délibérations du comité, et je salue en passant tous les autres membres du comité.
Je m'appelle Douglas Frith. Je suis président de l'Association canadienne des distributeurs de films. Je suis accompagné ce matin de Susan Peacock, vice-présidente de l'Association. Nous représentons les sept grands studios de Hollywood, c'est-à-dire toute la gamme allant de Disney jusqu'à Warner Brothers. J'ai dit « sept », mais ce nombre va bientôt passer à six, car je crois savoir que Sony est sur le point d'acquérir MGM.
Je vais demander à Susan de commencer, en faisant certaines observations au sujet du document que nous vous avons soumis. Pour ma part, je voudrais parler spécifiquement du financement des films, quand nous en serons là, pour donner au comité un aperçu général de la situation à l'étranger et au Canada en ce qui concerne les programmes de crédits d'impôt et leur incidence sur le niveau de production à l'échelle nationale.
La présidente: Merci beaucoup.
Madame Peacock.
Mme Susan Peacock (Vice-présidente, Association canadienne des distributeurs de films): Merci.
Comme Doug vient de vous le dire, nos membres sont les sept grands studios mentionnés, et ce sont des compagnies internationales. Aucune de ces compagnies n'est canadienne—du moins, pas en ce moment, si bien qu'elles ne profitent pas de la plupart des programmes d'encouragement à l'intention de l'industrie cinématographique. Nous sommes très heureux. Nous sommes très heureux que vous nous ayez invités à comparaître malgré tout, et nous espérons pouvoir vous apporter un éclairage quelque peu différent sur la question, par rapport à ce que d'autres vont peut-être vous dire.
En 2000, à l'issue de l'examen de sa politique relative à l'industrie cinématographique, le gouvernement a fait état de quatre objectifs et, dans notre mémoire écrit, nous en avons abordé trois, soit développer et retenir des créateurs de talent; favoriser la qualité et la diversité du cinéma canadien; et accroître le nombre de spectateurs au Canada et à l'étranger. Par rapport à ces trois objectifs, celui consistant à accroître le nombre de spectateurs est certainement le plus important. La qualité et la diversité du cinéma canadien et la présence ou non au Canada de créateurs de talent sont des questions plutôt subjectives, si bien qu'à notre avis il est préférable de laisser le soin aux spectateurs de faire cette évaluation.
Il reste que certains indicateurs statistiques démontrent qu'il y a eu des progrès, notamment en ce qui concerne le marché canadien du cinéma en salle. Le nombre de films canadiens sortis en salle au Canada, les recettes générées par les films canadiens sortis en salle au Canada, et la part des revenus des entrées générées par les films canadiens ont tous augmenté depuis 2000. Ainsi l'objectif consistant à atteindre 5 p. 100 des entrées au Canada semble réalisable, puisque les films canadiens ont généré 4,6 p. 100 des entrées canadiennes en 2004.
Cependant, 74 p. 100 de l'augmentation de cette part des entrées venaient des films québécois. Je m'empresse d'ajouter qu'il ne s'agit pas nécessairement de films en langue française—la majorité le sont, mais pas tous—mais il reste que les cinéastes québécois semblent avoir des capacités particulières.
En même temps, la sortie en salle n'est qu'un des moyens qu'a un long métrage d'atteindre son public. Les longs métrages sont aussi disponibles en vidéo domestique—c'est-à-dire par l'entremise de la vente et de la location de DVD et de cassettes vidéo — et dans les divers créneaux télévisuels : vidéo à la demande, télévision à la carte, télévision payante, chaînes thématiques, et chaîne conventionnelle et donc gratuite. Il est probable qu'une bonne partie des spectateurs de films canadiens profitent d'au moins l'une des possibilités qui existent de les voir à la maison, mais il existe malheureusement peu ou pas de données sur la consommation de longs métrages canadiens dans ces différents segments de marchés, et nous n'avons pas réussi non plus à trouver des données sur les publics étrangers des longs métrages canadiens.
J'aimerais consacrer ce qui reste de notre temps de parole à présenter les recommandations que vous trouverez dans notre mémoire écrit, dont la première concerne la piraterie.
Le crime organisé constitue la plus grande menace pour l'industrie cinématographique, c'est-à-dire l'industrie canadienne et toutes les industries dans le monde entier. La contrefaçon des films est une activité plus rentable que le trafic de l'héroïne, et les condamnations ne sont assorties que de peines minimes. Il s'agit d'une entreprise mondiale qui ne constitue une menace que pour l'industrie cinématographique, puisque cette activité permet, à faible risque, de blanchir de l'argent et de réunir des fonds permettant de financer d'autres activités criminelles.
Autrefois un pirate typique était un petit voyou qui faisait des copies, de mauvaises copies, une à la fois à partir d'une vidéocassette dans son garage ou son sous-sol, mais les pirates modernes sont de grandes entreprises internationales. Ils se servent de la technologie numérique de pointe et produisent des copies qui sont aussi bonnes que la meilleure copie qu'ils peuvent obtenir.
La contrefaçon de films commence dans les salles de cinéma le soir de la première ou lors de projections préalables, et souvent ces salles de cinéma se trouvent à Montréal. La raison en est que c'est souvent à Montréal qu'une version en langue française du film en question devient disponible pour la première fois.
Une équipe de quatre personnes achète des billets de cinéma, et c'est gentil de leur part, nous sommes très contents de toucher les recettes correspondant au prix de leurs quatre billets. Mais à partir de là, mon histoire devient de plus en plus triste. Une personne s'assoit de chaque côté du troisième membre de l'équipe, qui est muni d'un caméscope. Les personnes assises à côté de lui sont là pour qu'il soit plus difficile de voir ce qu'il fait. Ils ne veulent pas que quelqu'un comme moi, par exemple, vienne s'asseoir à côté de lui. Le quatrième membre de l'équipe s'assoit devant lui pour empêcher qu'un autre spectateur se lève et gâche la prise de vue.
Les salles de cinéma munies de fiches de branchement audio pour les malentendants sont particulièrement attirantes, puisque celui qui a le caméscope peut se brancher directement pour avoir la trame audio et en obtenir ainsi une copie parfaite.
Quelques jours après, cette première copie est déjà en train d'être reproduite, le plus souvent en Asie, et moins d'une semaine ou deux après la première, de fausses copies sont envoyées à un point de distribution central, souvent en Angleterre, à partir duquel elles sont distribuées dans le monde entier.
Les créateurs et les investisseurs, à la fois privés et publics, ne reçoivent aucun revenu de la diffusion de films piratés, et en même temps, la piraterie réduit leurs chances de toucher des revenus provenant de sources légitimes.
Nous recommandons par conséquent que le gouvernement agisse en vue de légiférer et de faire appliquer des mesures de protection adéquate contre la piraterie dans l'industrie cinématographique, et ce en ratifiant le Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur, y compris en ce qui concerne l'interdiction du trafic d'appareils et d'informations utilisés pour déjouer les mesures technologiques de protection; et en modifiant la Loi sur le droit d'auteur pour y incorporer des dispositions sur la responsabilité des fournisseurs d'accès à Internet (FAI), y compris le partage de fichiers de pair à pair. Ce qui est ironique, c'est que les pirates dont je viens de vous parler sont également très troublés par le partage des fichiers de pair à pair, car même eux peuvent difficilement être concurrentiels lorsqu'un film est disponible gratuitement. Nous recommandons par conséquent que le Code criminel soit modifié pour criminaliser l'enregistrement vidéo non autorisé dans les salles de cinéma, et que la loi soit rigoureusement appliquée de manière à combattre la piraterie. Il est très difficile d'attirer l'attention des policiers quand il s'agit de réprimer de telles activités.
¿ (0915)
M. Douglas Frith: Merci, Susan.
Nous vous invitons à poser des questions, si vous le souhaitez, sur toute la question de la piraterie. Ce problème n'existait pas il y a un an. Sur les dix films piratés les plus populaires en Amérique du Nord, sept sont filmés illicitement à l'aide d'un caméscope à New York, et trois le sont à Montréal. Il y a un an, on ignorait complètement que de telles activités se déroulaient. Mais à présent, le problème de la piraterie ne fait que s'aggraver.
S'agissant du financement des films, je voudrais mentionner, en guise de préambule, que le ministère des Finances, et notamment Len Farber, a toujours beaucoup soutenu nos efforts en vue de maintenir un bon bassin de Canadiens talentueux qui participent à la protection de longs métrages en particulier, mais aussi de tous les types de produits télévisuels et cinématographiques.
Il y a longtemps, le gouvernement avait ce que l'on appelait à l'époque un mécanisme de financement rattaché à un abri fiscal, mécanisme qui était éliminé en 1997. En 1997, donc, le gouvernement a mis un terme à ce mécanisme de financement correspondant à un abri fiscal, mécanisme qui encourageait à la fois la production étrangère et la production canadienne, puisque ce financement correspondait à un apport de financement de l'ordre de 8 p. 100 ou 9 p. 100 qui réduisait d'autant les frais de production du film. Quand ce type de financement a été éliminé, le gouvernement a mis sur pied un système de crédits d'impôt, qui a connu un franc succès depuis 1997. Quand nous avons négocié le programme de crédits d'impôt en 1997, la valeur du dollar canadien était d'environ 72 ¢ ou 73 ¢. Par la suite, au fur et à mesure que la valeur du dollar canadien baissait, je pense que notre dollar était à 62 ¢ ou 63 ¢ en 1999 ou 2000—l'incitation financière devenait de plus en plus considérable. Le programme de crédits d'impôt a été conçu en fonction d'un dollar canadien à 72 ¢ à 73 ¢, de sorte que les producteurs étrangers avaient une forte incitation à venir tourner leurs films au Canada, puisque l'avantage financier était encore plus intéressant que les 8 ou 9 p. 100 dont ils pouvaient réduire d'office leurs dépenses.
Sur le graphique préparé par Susan pour les besoins de notre mémoire, vous verrez que la production au Canada s'est stabilisée en l'an 2000 et est restée inchangée jusqu'au moment de la crise du SRAS, où elle a baissée. La remontée du dollar canadien pour atteindre 83 ¢ ou 84 ¢ a évidemment eu une incidence majeure sur la production étrangère entreprise au Canada. Je dois dire que nous possédons un bassin de talents au Canada absolument extraordinaire. À l'exception du réalisateur, du producteur et du principal acteur, il n'est pas nécessaire d'importer au Canada aucun autre membre de l'équipe pour produire un film ici, que ce soit un film canadien ou étranger.
À mesure que la valeur du dollar augmentait…comme vous le savez, il y a deux ans le gouvernement fédéral a annoncé dans son budget la bonification du crédit d'impôt fédéral de 50 p. 100. Cette mesure a eu pour résultat de stabiliser grandement la production entreprise au Canada. Deuxièmement, au cours des trois ou quatre derniers mois, l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique—et depuis deux semaines, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse aussi—ont décidé d'offrir une somme au moins équivalente au moment du crédit d'impôt fédéral—et même plus intéressante à certains égards, afin de stimuler la production au Canada. À mon sens, tout cela est d'un bon augure pour les niveaux de production de 2005. Depuis que le gouvernement de l'Ontario a pris cette initiative, tout le monde a décidé de suivre son exemple.
Toutefois, il y a un domaine où le gouvernement fédéral pourrait, s'il le désirait, faire plus, et c'est par rapport à ce que j'appellerais la valeur temporelle des crédits qu'il donne. Quand on présente une demande de crédit d'impôt, il faut souvent attendre 18 mois avant de pouvoir récupérer son argent. Si le comité était d'accord, il y aurait lieu d'entamer des négociations avec les représentants du secteur de la production tant étrangère que canadienne, pour voir s'il ne serait pas possible d'accélérer le paiement du crédit d'impôt ou de verser certaines sommes dès le départ, puisque vous allez finir par payer ces montants de toute façon. C'est ce que les producteurs de Hollywood appellent la valeur « temporelle » de l'argent. Cela peut constituer un vif encouragement pour les producteurs américains, qui peuvent justement obtenir immédiatement des crédits. Le problème en est un de liquidités, en réalité, et je pense qu'il y aurait lieu d'examiner la situation de plus près pour voir si nous ne pourrions pas trouver une solution qui favorise encore davantage la production étrangère et la production nationale au Canada. S'il y a une question que le comité devrait peut-être approfondir, à mon avis, ce serait celle de la valeur temporelle de l'argent, en tant que concept.
Je suis à votre disposition pour répondre à d'autres questions concernant le financement des films, madame la présidente, étant donné que c'est le critère le plus important dans la décision de faire son tournage au Canada ou non.
L'autre élément qu'on doit avoir à l'esprit en examinant la question de la production, c'est que dans ce secteur d'activité, tout se fait par ordinateur ou par des comptables. Ils appuient sur un bouton pour déterminer où ils voudraient tourner leurs films, à condition qu'il y ait un bassin de talents suffisants et nous savons que cela ne pose pas problème au Canada. Voilà ce qu'ils font. Ils regardent la situation dans d'autres administrations—dans l'État de New York, en Louisiane, par exemple—et c'est justement pour cette raison que l'Ontario et les autres provinces ont décidé de bonifier leur crédit. Croyez-le ou non, le Canada a été le premier à opter pour un programme de crédits d'impôt, et à présent des centaines d'autres administration du monde suivent son exemple.
¿ (0920)
Merci.
La présidente: Merci.
Mme Susan Peacock: Notre troisième recommandation concerne également le financement—c'est-à-dire le financement non seulement de la production, mais de la distribution de longs métrages, et ce en vue d'éliminer ce qui pourrait constituer un obstacle à l'obtention de crédits de sources privées. Cela concerne le rôle des distributeurs de films.
Les distributeurs ne se contentent pas de frapper à diverses portes pour essayer de vendre leurs films. Ils achètent les droits directement au producteur, et ce faisant doivent généralement verser une avance ou donner une garantie. De plus, ils supportent le coût des copies du film et de la publicité et s'appuient sur leur expertise pour faire un marketing optimal du film. Dans ce sens, les distributeurs jouent donc un rôle important pour ce qui est de favoriser la qualité et la diversité des films canadiens et d'accroître le nombre de spectateurs au Canada et à l'étranger.
J'espère que vous avez pu prendre connaissance du rapport annuel de l'ACDF, qui est sorti en février. Cette dernière assure d'excellents services et fournit toutes sortes de statistiques et d'analyses intéressantes au sujet de l'industrie du film et de la télévision. Selon ce rapport, le pourcentage de financement assuré par les distributeurs canadiens et non canadiens de films diffusés en salle et certifiés par le BCPAC est passé de 40 p. 100 à 20 p. 100 au cours des cinq dernières années, alors que le pourcentage de financement provenant de sources publiques est passé de 30 p. 100 à 60 p. 100.
Cet état de choses s'explique, du moins en partie, par la présence d'une politique prévoyant qu'un film qui est canadien à tous autres égards n'est pas admissible à la plupart des programmes d'incitation canadiens si les droits de distribution au Canada sont détenus par une compagnie étrangères. Par conséquent, les producteurs de films canadiens sont obligés de choisir entre les mesures d'incitation offertes par le gouvernement et un plus grand choix de distributeurs. Nous recommandons que le gouvernement réexamine ces politiques qui découragent l'accès au financement de la part de distributeurs sous contrôle étranger.
Et notre dernière recommandation—celle qui me tient à coeur qui est sans doute la plus banale—porte sur la collecte et la publication de données. En faisant notre recherche, il nous a été impossible de trouver des données qui nous auraient aidés à évaluer bon nombre des objectifs que le gouvernement s'est fixés, y compris des statistiques sur le budget moyen des productions, le budget moyen de marketing, le nombre d'emplois créés par la production de longs métrages, le nombre de spectateurs à l'étranger, et le nombre de spectateurs canadiens des longs métrages disponibles grâce à la vidéo domestique ou diffusés à la télévision. Notre dernière recommandation est donc que les organismes de financement et peut-être Statistique Canada soient tenus de publier des données annuelles et actualisées correspondant directement aux quatre objectifs. Il est difficile d'évaluer l'efficacité des programmes en vigueur quand les renseignements qui nous permettraient de le faire sont difficiles, voire impossibles à obtenir.
Voilà qui termine nos remarques liminaires, et nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
La présidente: Merci beaucoup, madame Peacock.
Je tiens à vous remercier tous les deux d'avoir attiré notre attention sur un certain nombre de questions qui, me semble-t-il, n'ont pas été soulevées jusqu'ici dans le cadre de notre étude. Je m'intéresse tout particulièrement, et je sais qu'il en va de même pour Mme Oda, à votre dernière recommandation, et je sais que nous voudrons obtenir d'autres informations de votre part sur le genre de données qui est actuellement disponible.
Madame Oda, vous avez droit à un traitement préférentiel puisque vous devez nous quitter à 10 heures.
¿ (0925)
Mme Bev Oda (Durham, PCC): Madame la présidente, votre gentillesse est toujours très appréciée.
Merci infiniment de votre présence aujourd'hui. Je sais que votre organisme—et non seulement votre organisme, mais vous-même avec énormément d'expérience dans ce domaine puisque vous suivez l'industrie depuis longtemps; c'est donc un privilège de pouvoir bénéficier de votre expertise.
S'agissant de mesures, je voudrais faire le lien avec le problème de la piraterie. Dans votre mémoire, vous dites qu'il vous est impossible de suivre et d'évaluer l'ampleur du problème, et j'aimerais donc savoir si vous êtes au courant d'une compagnie qui s'appelle BigChampagne Online Media Measurement?
Mme Susan Peacock: Il me semble avoir déjà entendu ce nom, mais je ne sais vraiment pas grand-chose sur cette compagnie.
Mme Bev Oda: Je voudrais vous parler d'un article sur la piraterie. Dans cet article, on dit qu'Eric Garland, de la compagnie BigChampagne, a trouvé un moyen de mesurer l'ampleur de ce phénomène, et il fait une mise en garde à l'intention de l'industrie cinématographique, indiquant que cette dernière, comme l'industrie de la musique, va se heurter à un problème de taille.
Mme Susan Peacock: Est-ce que cela concerne le partage des fichiers de pair à pair?
Mme Bev Oda: Oui.
Voici ma question : est-ce ce qu'il fait vous semble réaliste? Il semble avoir la possibilité de mesurer ce phénomène. Il dit ici—et cet article est paru le 18 mars—qu'à l'échelle mondiale, le film The Aviator a été téléchargé plus de 523 000 fois à l'aide d'un réseau d'homologues, si bien qu'il semble pouvoir effectuer des mesures.
Mme Susan Peacock: Oui. Comme vous le savez, notre organisme constitue le bureau régional canadien de la Motion Picture Association, et cette dernière compte un certain nombre d'experts techniques qui, à partir des États-Unis surtout, mais aussi d'autres régions du monde, surveillent le trafic de produits de pair à pair. Ce genre de trafic est mesurable. Mais quand il s'agit de contrefaçon, ce que nous savons tourne autour de nos efforts d'empêchement. Par exemple, nous savons combien de copies nous avons réussi à saisir, combien il y a eu de descentes de police, et combien de mandats de perquisition ont été exécutés. Mais nous ne savons pas ce qui a échappé au contrôle des autorités. Donc, vous avez raison : il est possible de suivre le trafic de poste à poste, et les chiffres sont tout à fait étonnants.
BitTorrent est l'une des compagnies de logiciels qui facilite le partage des fichiers de pair à pair. Au Royaume-Uni, 60 p. 100 de tout le trafic sur Internet est attribuable à cette dernière—et je dis bien de tout le trafic sur Internet; c'est absolument faramineux. Et là, il ne s'agit pas uniquement de films, bien entendu; nous parlons aussi de musique, de logiciels commerciaux, de jeux, de toutes sortes de choses—tout ce qui peut être numérisé, en fin de compte.
M. Douglas Frith: Il faut également se rendre compte que 80 p. 100 de ce trafic de pair à pair est illégal. C'est criminel. Voilà pourquoi nous affirmons que le Canada doit absolument procéder à l'application du traité de l'OMPI. Parce qu'en ce qui concerne le partage de fichiers de pair à pair, il faut instaurer un régime d'avis et de retrait—pas un régime d'avis et d'avis, mais d'avis et de retrait. Nous sommes le seul pays membre de l'OCDE qui n'applique pas une telle loi. L'Union européenne en a une, comme c'est le cas également pour le Japon, l'Australie, et la Nouvelle-Zélande. L'absence du Canada parmi les membres du groupe ne peut pas ne pas être remarquée.
Donc, nous avons les mains liées. Nous avons engagé d'ex-membres de la GRC, qui continuent à travailler pour nous jour après jour, et nous engageons des ex-membres de la GRC pour surveiller Internet. Il s'agit de convaincre les citoyens de nous donner un coup de main…
Mme Bev Oda: Oui, je comprends. Mon temps de parole est limité, toutefois, et je voudrais aborder plusieurs questions différentes avec vous. Mais je suis tout à fait d'accord pour dire qu'on aurait dû ratifier rapidement le traité de l'OMPI. J'espère que cela va se faire très bientôt.
Je veux m'assurer de bien comprendre l'ampleur de ce problème. J'ai lu des articles selon lesquels la valeur de ce trafic atteint à présent 3 milliards de dollars US…autrement dit, la situation commence à ressembler drôlement à celle de l'industrie de la musique. Pourriez-vous me dire s'il est question dans votre secteur d'avoir recours à certaines technologies pour réprimer cette activité? L'industrie de la musique a dû s'adapter et adopter de nouveaux systèmes tels que ITunes, etc. Faites-vous quelque chose de semblable dans votre industrie?
M. Douglas Frith: Je peux vous faire une réponse partielle : oui, nous faisons quelque chose. Nous travaillons avec les fabricants. Il est clair qu'il existe des technologies qui peuvent nous aider à combattre la piraterie. Ce qui est difficile, c'est de mettre tout le monde autour d'une table et de s'entendre sur les mesures à prendre.
Ceci dit, notre secteur devra absolument s'attaquer au problème de la tarification, à mon avis. L'industrie de la musique s'est trouvée complètement déconnectée de son client à un moment donné, et les primes n'étaient pas appropriées. Maintenant qu'ils ont baissé leurs prix, la situation de l'industrie de la musique s'est stabilisée. Il n'y a pas de raison de croire que l'impact sera différent sur notre industrie, par rapport à celle de la musique. J'espère que nous pourrons tirer les bons enseignements de l'expérience de l'industrie de la musique et nous assurer d'établir des prix appropriés. À mon avis, cela va aider.
¿ (0930)
Mme Bev Oda: À mon avis, l'un des principaux facteurs qui va inciter l'industrie à agir sera les éventuelles pertes qu'elle risque de subir.
Mme Susan Peacock: En ce qui concerne les propriétaires de droits, l'impact de la technologie n'est pas toujours négatif, puisque c'est grâce à la technologie qu'il sera justement plus facile d'acheter exactement ce que vous voulez. Si vous voulez écouter un morceau de musique, regarder un film ou lire un livre une fois, le prix que vous aurez à payer sera très faible. Quand j'achète un livre à l'aéroport pour pouvoir le lire à bord de l'avion, je dois payer 15 $, alors qu'en réalité, je ne veux le lire qu'une seule fois. Mais pour faciliter ce genre d'activité, vous avez besoin de mesures de protection technologique et d'information sur la gestion des droits, alors que tout cela peut faire l'objet de piratage. Le piratage constitue une activité fort lucrative. Et l'une des dispositions du traité de l'OMPI vise justement à protéger ces technologies.
Mme Bev Oda: Je vous pose une question rapide, et j'aimerais une réponse brève : mais ce sera laquelle? Voilà mon problème.
Par rapport à votre affirmation selon laquelle la situation de l'industrie serait plus favorable si l'appui accordé aux distributeurs non canadiens n'était pas limité, le tableau que vous nous avez présenté est fort intéressant. Je trouve inquiétant qu'en ce qui concerne le soutien accordé à l'industrie, les tendances sont tout à fait contraires, l'une de l'autre. Le financement public est en hausse alors que le financement privé semble être en baisse. Vous dites qu'il ne faut pas exclure ou éliminer des projets qui relèvent de distributeurs étrangers, simplement parce qu'ils ne sont pas Canadiens.
Quelles assurances ou quelles informations pouvez-vous nous donner pour nous convaincre que si ce critère devait changer, il y aurait des investissements ou que l'appui accordé aux films canadiens augmenterait, grâce à ce petit changement de critère?
Mme Susan Peacock: Absolument aucune. Les compagnies prendraient leurs décisions en fonction de chaque film, sans s'engager à accorder tant d'argent ou à tourner tant de films; par conséquent, nous ne sommes pas en mesure de quantifier la différence que cela pourrait faire. De toute façon, cela ne coûte rien de tenter l'expérience pour voir s'il y a des résultats.
Pour moi, l'idée n'est pas tellement d'accorder un avantage aux distributeurs non canadiens. À mes yeux, ce sera plutôt un avantage pour les producteurs canadiens, puisqu'ils auront un éventail de choix plus large, sans être pénalisés du fait de ne pas avoir accès aux programmes d'encouragement du gouvernement.
Mme Bev Oda: Un tel changement n'aurait-il pas pour résultat de permettre aux distributeurs d'accéder à quelque chose à laquelle ils n'ont jamais eu accès jusqu'à présent ou de leur donner certaines possibilités qui, avant qu'un changement intervienne, auraient plutôt été favorables aux distributeurs canadiens? N'est-il pas vrai que cela influera sur l'industrie canadienne de la distribution de films?
Mme Susan Peacock: En ce qui les concerne, cela va créer de la concurrence, oui.
Mme Bev Oda: Pour les grands projets.
Mme Susan Peacock: Pour tout ce qui peut sembler intéressant à une compagnie individuelle.
M. Douglas Frith: Madame Oda, il y a vraiment lieu de revoir la situation actuelle. Rappelez-vous que les compagnies que nous représentons sont sans doute les plus expertes du monde entier pour ce qui est de commercialiser et de distribuer les films. Et elles pourraient sans doute faire mieux. Par contre, pour un film comme My Big Fat Greek Wedding, en l'absence de Tom Hanks, on peut vraiment se demander quel succès il aurait eu.
Mme Bev Oda: Merci.
La présidente: Merci.
Monsieur Kotto.
[Français]
M. Maka Kotto (Saint-Lambert, BQ): Merci, madame la présidente.
Madame Peacock, bonjour. Monsieur Frith, bonjour. Merci d'être venus.
Je vais vous entraîner sur un autre terrain, afin d'obtenir un éclairage sur les objectifs poursuivis par les sociétés que vous représentez. Ces objectifs sont-ils essentiellement axés sur la logique mercantile, ou y a-t-il en plus un souci culturel, puisqu'on a affaire, en matière de distribution, au terreau humain populaire? C'est ma première question.
¿ (0935)
[Traduction]
Mme Susan Peacock: Nous sommes une association commerciale qui représente les sept grands studios, et nous avons comme mission d'assurer des services à nos membres.
Je suppose que si nous sommes là, Doug et moi, c'est en partie parce que ces questions nous intéressent à titre personnel. Nos membres n'ont pas peur de la concurrence en ce qui concerne la production ou la distribution des films. L'étude actuellement en cours ne concerne que très indirectement nos membres mais, si j'ai bien compris votre question, la culture vient pour nous au deuxième rang après le commerce en ce qui concerne les besoins et les intérêts de nos membres et de notre association commerciale.
[Français]
M. Maka Kotto: D'accord. Vous êtes néanmoins sensibles aux enjeux culturels identitaires.
Je me fais l'avocat du diable. Je sais que beaucoup d'argent est engagé dans la production et dans la distribution. Vous êtes néanmoins conscients des enjeux identitaires et culturels, si on considère que ces deux paramètres constituent la psyché collective de chaque société.
On voit, par exemple, que Hollywood contrôle près de 96 p. 100 du parc de salles. Il reste peu de place pour le cinéma authentiquement francophone canadien. Ces préoccupations peuvent-elles souvent être mises sur la table, ou sont-elles systématiquement évacuées?
[Traduction]
Mme Susan Peacock: Non.
Par contre, chaque long métrage canadien certifié par le BCPAC ou financé par Téléfilm Canada sort dans les salles canadiennes—chacun d'entre eux—surtout depuis une dizaine d'années. En revanche, seulement un film américain sur 100 sort en salle. Le marché est beaucoup plus concurrentiel là-bas. Sur tous les films faits par nos membres, seulement un sur 10 atteint le seuil de rentabilité grâce aux revenus des entrées en Amérique du Nord; quatre sur 10 atteignent le seuil de rentabilité grâce aux revenus générés par toutes les formes de distribution dans le monde entier.
L'image qui est parfois présentée de la situation au Canada laisse supposer que les producteurs canadiens ont plus de mal parce qu'on les empêche de projeter leurs films dans les salles. Mais je ne crois pas que les producteurs et distributeurs canadiens aient récemment formulé une telle plainte; à mon avis, ils sont conscients du fait que chacun de leurs films sort en salle au Canada.
En tant que consommatrice, j'aimerais qu'un plus grand nombre de ces films canadiens-français, qui semblent être très appréciés au Québec, soient disponibles—peut-être avec des sous-titres—à Toronto, où je vais au cinéma. C'est une idée intéressante qui pourrait peut-être encourager l'industrie cinématographique canadienne, étant donné le succès que connaissent les cinéastes québécois.
[Français]
M. Maka Kotto: J'ai deux petites questions.
Premièrement, pourrions-nous avoir une idée du pourcentage de films d'auteurs versus le cinéma de divertissement?
Deuxièmement, la politique cinématographique canadienne vise énormément d'objectifs importants pour sa population, parce qu'il y a un souci de protection. Toutefois, il y a peu de place dans le réseau de distribution. Je sais que le mot « protection » fait sursauter, mais en Angleterre, par exemple, le gouvernement pige dans les fonds publics pour investir dans un nouveau réseau numérique.
Êtes-vous au courant de cela? Si oui, qu'est-ce que vous en pensez? Serait-ce un exemple à suivre pour le Canada?
[Traduction]
Mme Susan Peacock: Je ne suis pas au courant de ce modèle anglais et je ne peux donc pas me prononcer là-dessus.
Mais votre question comportait de nombreux éléments. Vous avez commencé par parler des films indépendants. Voulez-vous dire, des films canadiens indépendants?
¿ (0940)
[Français]
M. Maka Kotto: Oui, je parle des films canadiens d'auteurs qui n'ont pas nécessairement pour objectif de divertir, mais de faire réfléchir ou d'amener les gens à se retrouver, « identitairement » parlant.
[Traduction]
Mme Susan Peacock: Vous voulez dire les films d'inspiration plutôt artistique?
[Français]
M. Maka Kotto: On peut le dire, oui.
[Traduction]
Mme Susan Peacock: Oui, je pense qu'il y a un marché pour des films de ce genre.
J'ai trouvé intéressant de constater que, parmi les films proposés pour un Oscar cette année, il n'y avait aucun film grand spectacle, à part peut-être The Passion of the Christ, et qu'il y avait davantage de films qui racontaient l'histoire d'adultes, où les personnages et les dialogues sont plus importants que les effets spéciaux. Ces films à effets spéciaux ou films d'action s'appuient sur un modèle commercial qui donne de très bons résultats dans le monde entier. On n'a pas besoin d'être Américains ou de connaître l'anglais pour apprécier ou aimer ce genre de films, surtout si vous êtes un garçon âgé de 21 ans. Les films qui ont beaucoup de dialogue sont généralement à caractère davantage culturel. Il y a des exceptions. Le film My Big Fat Greek Wedding était excellent; il concernait une minorité culturelle, mais en même temps, il interpellait toutes les minorités culturelles en faisant ressortir certaines vérités universelles concernant la situation de celui qui fait partie d'une minorité culturelle—en l'occurrence, la ville où se déroulait l'action était censée être Chicago, alors qu'il s'agissait de Toronto en réalité.
Vous vous demandiez si la politique canadienne est peut-être trop ambitieuse. Je ne pense pas que ce soit le cas. Je sais qu'il peut être difficile d'établir des repères appropriés, mais j'estime que 5 p. 100 des entrées n'est pas trop ambitieux. Et c'est un objectif que nous sommes sur le point d'atteindre.
Parfois je me dis que certains éléments de la politique sont contradictoires. Pour moi, la politique cinématographique canadienne veut être tout pour tout le monde tout le temps, et s'appuie peut-être sur une vision culturelle élitiste qui rejette les films de titres populaires. Les Boys est un excellent exemple de cela au Canada français; ce n'est pas un film de grand art, mais il a suscité une réaction chez les gens et a généré plus de revenus dans les salles de cinéma que le Titanic à Québec.
M. Douglas Frith: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, madame la présidente, s'agissant de l'industrie cinématographique dans son ensemble—et Susan vous a déjà donné des statistiques à ce sujet—le fait est que pour la plupart des films, les entrées ne sont pas suffisantes pour permettre d'atteindre le seuil de rentabilité. Il n'existe pas de méthode toute faite qui garantit le succès; si on savait exactement ce qu'il faut pour qu'un film soit un succès, on n'aurait pas tous ces mauvais films, même si le point de départ est toujours un bon scénario. Si vous n'avez pas un bon scénario, le film sera un échec. Donc, il vous faut un bon scénario, et il vous faut du capital-risque. Ensuite, vous tournez votre film, et vous ne savez toujours pas si vous avez créé quelque chose de valable tant qu'un public n'aura pas eu l'occasion de voir votre film dans l'obscurité d'une salle de cinéma. C'est là que vous saurez si votre film est un succès ou non.
Si j'était membre du comité, je dirais là où il y aurait lieu au Canada de faire plus d'effort, ce serait pour former plus de scénaristes. Nous parlons toujours de réalisateurs, de producteurs et de financement des films. Mais on ne prête pas autant d'attention aux mesures qui encourageraient la formation de scénaristes, et c'est là qu'il faut commencer. Si vous regardez la situation en Nouvelle-Zélande et en Australie, qui ont produit beaucoup de succès cinématographiques, les gouvernements ont déployé des efforts tout à fait particuliers en vue de former et d'encourager les scénaristes.
Mme Susan Peacock: Il y a quelques années, nous avons accompagné deux hauts fonctionnaires du ministère du Patrimoine canadien à Los Angeles. Nous avons rencontré séparément les responsables de chacun des studios en leur demandant leurs conseils. À l'époque, il était question d'un apport supplémentaire de crédits de l'ordre de 50 millions de dollars par an, et on se demandait comment cet argent devrait être utilisé de façon à favoriser l'essor de l'industrie cinématographique canadienne. Eh bien, sans qu'on leur ai dit quoi que ce soit à ce sujet, ils ont tous insisté sur la nécessité d'investir cet argent dans l'élaboration et la rédaction de scénarios.
La présidente: Monsieur Angus, suivi de M. Silva.
M. Charlie Angus (Timmins—Baie James, NPD): Merci beaucoup.
Les recommandations que vous nous avez faites ce matin m'ont beaucoup intéressé. Elles étaient plutôt énergiques pour ce qui est de s'attaquer aux pirates qui produisent des copies illicites de films présentant de grandes vedettes comme Tom Cruise, mais elles l'étaient beaucoup moins relativement aux mesures qui permettraient d'appuyer l'industrie cinématographique canadienne. Pour moi, c'est ça la question fondamentale. Je sais qu'il y a un problème de contrefaçon, mais ce qui n'intéresse, moi, c'est de savoir quelles mesures nous prenons pour garantir que nos films sortiront en salle. Je voudrais me concentrer pour le moment sur la situation au Canada anglais, parce que ce qui arrive à mon avis—et ce n'est pas une critique de l'industrie cinématographique québécoise—c'est que nous n'arrêtons pas de dire que le Québec connaît beaucoup de succès, sans nous rappeler que les films canadiens ne sortent pas en salle au Canada. Or vous n'avez pas présenté de recommandations claires à ce sujet.
Mme Susan Peacock: Monsieur Angus, sans vouloir vous contredire, tous sortent en salle au Canada.
¿ (0945)
M. Charlie Angus: Oui. Je vous ai entendu dire ça. Vous dites que tous les films canadiens sortent en salle. Mais connaissez-vous le pourcentage de films qui sont présentés dans plus de 10 salles?
Mme Susan Peacock: Je ne peux pas vous donner de chiffres sur le nombre de salles. Je ne crois pas que tous les films sortent dans les salles de toutes les villes du Canada, mais je sais qu'ils sortent tous en salle à Vancouver, à Montréal, et à Toronto.
M. Douglas Frith: Ils suivent le circuit mis sur pied par le Groupe du Festival international du film de Toronto, si bien que ces films sortent en salle dans toutes les petites localités du Canada.
M. Charlie Angus: Nous souhaitons élaborer des recommandations sur l'industrie cinématographique canadienne. Il est clair que vous souhaiteriez que le gouvernement fédéral prenne des mesures pour combattre la piraterie et la contrefaçon de films, mais appuieriez-vous l'action du gouvernement fédéral s'il s'agissait d'exiger que 7 p. 100 ou 10 p. 100 de l'espace publicitaire dans les salles de cinéma canadiennes soit réservé aux productions canadiennes, ou aux bandes-annonces sur les DVD, afin d'attirer l'attention du public sur les films canadiens? On fait des films au Canada, évidemment, mais la plupart des Canadiens ne savent pas qu'ils existent. À votre avis, une recommandation de ce genre contribuerait-elle à renforcer le marché des DVD?
Mme Susan Peacock: Je ne sais pas dans quelle mesure ce serait intéressant de mettre sur pied un programme de marketing spécial visant les films canadiens. Il y a quelques années, l'un des grands magasins de vidéos a eu l'idée de consacrer une section du magasin aux longs métrages canadiens. Ils ont décidé en fin de compte que ce n'était pas une idée bien intéressante. Le fait est que les gens ne cherchent pas nécessairement un film canadien, américain ou italien; ils veulent simplement trouver un bon film.
Il n'y aurait pas de mal à faire cela, évidemment; et si vous me demandez si nous serions opposés à ce qu'on fasse plus de publicité sur les films canadiens, la réponse est évidemment non.
M. Charlie Angus: Je parle surtout des bandes-annonces. Bien sûr, si Jumbo Film décide de créer une section canadienne, il est clair que la plupart des Canadiens vont tout simplement l'éviter.
Mme Susan Peacock: Pourquoi dites-vous cela?
M. Douglas Frith: Oui, pourquoi?
M. Charlie Angus: Parce qu'ils ne connaissent pas les films canadiens. Ils ne les voient pas au cinéma. Quand je vais chez Jumbo Video, eh bien, les films canadiens se trouvent dans la section des films étrangers. Quand je vais au cinéma et que je vois une bande-annonce pour un film canadien, je me dis que cela m'intéresserait de voir ce film-là, puisqu'on vient de me montrer la bande-annonce. La publicité… Je ne parle pas nécessairement d'espace publicitaire dans les salles de cinéma pour le film ou les films proprement dits, mais quand les Canadiens voient la bande-annonce d'un film, ils vont évidemment avoir envie de le voir; je me demande donc ce que vous pensez de l'idée de réserver un certain pourcentage de l'espace publicitaire aux bandes-annonces de DVD, de vidéos et de films qui sont des productions canadiennes.
Mme Susan Peacock: Le propriétaire d'un long métrage se sert de la bande-annonce dans un DVD ou vidéocassette pour faire la promotion de films dont il est le distributeur. À mon avis, une mesure consistant à forcer Alliance Releasing, par exemple, à réserver tant d'espace publicitaire pour le film d'un concurrent pour faire de la publicité sur le film de ce concurrent, dans la bande-annonce d'un futur film Miramax, susciterait certainement des controverses, et serait drôlement difficile à administrer.
M. Charlie Angus: Vous croyez que ce serait trop problématique, pour des films qui sortent en salle au Canada?
M. Douglas Frith: Madame la présidente, cela soulève une question importante qui est en rapport avec l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. La dernière fois que le comité a examiné la situation de l'industrie cinématographique, il était question de prévoir des contingents. Mais le fait est que la distribution relève de la responsabilité des provinces aux termes de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Je me souviens d'avoir attiré l'attention du ministre du Patrimoine canadien de l'époque sur cette réalité. Vous pourrez en parler tant que vous voudrez, mais vous n'avez pas le droit légal d'imposer une telle chose.
Ceci dit…
La présidente: Est-ce que ce serait la bonne catégorie?
M. Charlie Angus: Oui. Pour en revenir à ma question, je sais qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, mais j'aimerais vous parler de l'industrie de la musique. Si nous étions en 1970, vous étiez producteur de radio et je vous parlais de l'opportunité du contenu canadien, vous me diriez : Eh bien, les gens sont ravis d'entendre des chansons canadiennes quand ils achètent des disques, mais ce serait vraiment dommage d'exiger que les producteurs garantissent un certain pourcentage de contenu canadien.
Eh bien, c'est justement ça que nous avons fait. Et nous avons à présent une industrie phonographique phénoménale, de même qu'une industrie musicale tout aussi phénoménale, et nos produits sont exportés dans le monde entier.
La question que je vous pose est donc celle-ci : ne pourrions-nous pas travailler ensemble pour faire la même chose pour l'industrie cinématographique au Canada?
M. Douglas Frith: Madame la présidente, j'explique simplement que si vous lisez le rapport qui a été rédigé et remis au comité, et quand on voit que les grands studios ont été empêchés d'aider l'industrie cinématographique canadienne…pour moi ce genre de mesure aurait peut-être convenu il y a 25 ou 30 ans mais elle est tout à fait dépassée maintenant. L'industrie a pris beaucoup de maturité depuis. Alliance Atlantis constitue maintenant le plus important distributeur de films au Canada, et c'est une entreprise canadienne.
À mon avis, il faut vraiment examiner de près toute la question de la propriété, de la propriété étrangère et de la participation étrangère. Personne n'a empêché Warner Bros. ou EMI de développer des talents canadiens dans l'industrie musicale, mais quant à la possibilité de faire la même chose dans le secteur cinématographique…je ne vois pas pourquoi ce serait nécessaire. Si le bilan de rentabilité est positif, nous serons de la partie.
¿ (0950)
Mme Susan Peacock: Il y a de bons enseignements à tirer de l'expérience de l'industrie de la musique. Si vous comparez les critères en matière de contenu canadien pour les enregistrements de musique, vous comprendrez que les exigences sont toutes autres dans l'industrie cinématographiques; c'est un secteur très différent.
Je voudrais citer l'exemple du film Four Weddings and a Funeral. La plupart des gens qui ont vu le film vous auraient dit qu'à cause de l'aspect visuel, de la sensibilité particulière du film, etc., c'était un film anglais. Mais à mon avis, ce n'était pas un film anglais. Ce film a été produit par une compagnie qui s'appelle Polygram avec des crédits de sources hollandaises.
Mais si vous êtes inquiet—et cela rejoint la question de M. Kotto tout à l'heure sur l'élément culturel. Quand une compagnie est motivée uniquement par le profit, cela ne veut pas dire qu'elle veut évacuer la composante culturelle. Ce serait d'offrir aux Canadiens, aux Australiens ou aux Japonais des produits qui ne correspondent pas à leurs goûts.
Mais il y a effectivement une leçon à tirer de l'expérience de l'industrie de la musique, et l'élimination de cet obstacle à l'accroissement du financement privé au Canada en serait un bon exemple. Si l'industrie canadienne de la musique a connu autant de succès, c'est en grande partie grâce aux efforts de compagnies discographiques internationales.
M. Charlie Angus: Et si nous éliminons cet obstacle, sera-t-il possible d'obtenir…
La présidente: Monsieur Angus, je suis désolée, mais votre temps est écoulé.
Je voudrais donner l'occasion à M. Silva de poser une question, puisque nous avons d'autres témoins à entendre à compter de 10 heures.
M. Mario Silva (Davenport, Lib.): Merci beaucoup.
Je suis comme les autres. Évidemment, la situation de l'industrie cinématographique nous intéresse et nous préoccupe, et nous souhaitons que cette dernière puisse se développer le plus possible. Vous avez dit qu'aux États-Unis, ils ont un système de crédits d'impôt qui permettent d'obtenir du capital immédiatement. Est-ce que vous demandez au gouvernement fédéral d'envisager également d'offrir un capital de financement initial? Comment ça marche aux États-Unis? Je ne suis pas sûr de comprendre.
M. Douglas Frith: En fait, il y a une province au Canada qui fait la même chose. La province de l'Alberta n'a pas de crédit d'impôt, mais elle offre des encouragements très intéressants aux producteurs de films pour qu'ils aillent tourner en Alberta. Elle accorde un capital de financement initial, et ce système repose sur le concept de la valeur temporelle de l'argent. Certains États américains font la même chose.
Quand on avait un système de financement qui correspondait à l'abri fiscal, on n'était pas obligé d'attendre 18 mois pour toucher son argent. C'est cela qui a contribué à favoriser l'essor de l'industrie canadienne.
J'aimerais faire une autre observation. S'il n'y avait pas de productions étrangères, nous n'aurions pas au Canada ce bassin de talents, et c'est la raison pour laquelle le gouvernement fédéral a toujours voulu offrir des encouragements pour que des films étrangers soient tournés ici. En réalité, nous représentons 55 p. 100 de toutes les productions entreprises au Canada; ça, c'est pour les équipes de tournage à Toronto, Vancouver, et Montréal. S'il n'y avait pas eu des mesures d'encouragement, nous ne posséderions pas maintenant ce genre d'infrastructure. Notre apport est considérable en ce qui concerne la création d'un bassin de talents au Canada.
Mme Susan Peacock: Pour vous donner une illustration du problème, si un producteur sait qu'il va finir par toucher telle somme grâce au crédit d'impôt, mais qu'il doit emprunter l'argent entre-temps, il voudra calculer les intérêts qu'il devra payer à la banque, si bien que la valeur nette du crédit sera moindre. S'il était en mesure de commencer à toucher cet argent…peut-être pas tout immédiatement, mais s'il y avait un système d'avances lui permettant de recevoir une certaine somme au fur et à mesure de la production, justement au moment où il en a besoin, l'investissement du gouvernement serait optimisé, puisque le producteur aurait plus d'argent à consacrer à sa production ayant des frais de financement moins élevés.
L'une des critiques formulées à propos du programme d'abris fiscaux était que trop d'argent passait entre les mains d'intermédiaires et de parasites. Ce n'est pas du tout ainsi que je qualifierais le travail des banques, mais l'une des raisons pour lesquelles on a retenu l'idée d'un crédit d'impôt, c'était parce que ce système devait permettre de gonfler un peu le budget de production, et si les versements pouvaient se faire plutôt et les intérêts à payer étaient moindres, il y aurait le même effet.
M. Douglas Frith: Monsieur Silva, si je pouvais énumérer mes desiderata, et je ne suis pas sûr que le ministère des Finances…à ce que ce dernier élimine systématiquement les mesures de financement reposant sur un abri fiscal. Quand tout avait enfin été éliminé—je crois que c'était en l'an 2000—un certain nombre de films étaient en cours de production le soir à minuit quand cette motion de voies et de moyens a été adoptée, et nous avons donc dû nous assurer que tous les films en cours de production seraient exempts.
Mais si je devais vous dire quelle serait pour moi la solution idéale, eh bien, ce serait un programme hybride. Vingt-cinq pour cent du financement d'une production cinématographique prendrait la forme d'un abri fiscal reposant sur des règles beaucoup plus rigoureuses pour éviter les abus, et on pourrait même limiter les sommes que toucheraient les intermédiaires—là je parle des comptables et des avocats—et 75 p. 100 du financement prendrait la forme d'un crédit d'impôt. Voilà qui ferait du Canada l'un des pays du monde les plus intéressants pour les producteurs de films.
Voilà mon rêve. Je ne suis pas convaincu que M. Farber sera aussi enthousiaste.
¿ (0955)
La présidente: Est-ce que ce serait encore nécessaire ou même souhaitable, si le montant du crédit d'impôt pouvait être versé progressivement, au moment où le producteur doit engager des dépenses?
M. Douglas Frith: Ce serait certainement très intéressant comme solution, madame la présidente. La valeur temporelle de l'argent est un facteur extrêmement important, notamment pour les producteurs étrangers. Il en va de même pour les producteurs canadiens. Ils sont tout aussi frustrés.
La situation s'est tout de même améliorée. Je ne prétends pas qu'il n'y a pas eu d'amélioration en ce qui concerne le délai d'exécution des paiements, mais cela pourrait toujours être mieux.
La présidente: Merci.
Monsieur Silva, il vous reste quelques minutes.
M. Mario Silva: Oui, madame la présidente, je voulais parler des dernières questions que vous avez traitées. En fait, j'avais une question à propos des bandes-annonces, mais puisque Charlie a déjà posé cette question, je vais passer à mon autre question, qui concerne l'élaboration de scénarios.
Vous avez dit qu'il faut encourager cette activité. Comment faut-il faire exactement? Vous avez parlé de la Nouvelle-Zélande. Qu'ont-ils fait là-bas pour stimuler la croissance de ce secteur?
M. Douglas Frith: Nous avons pour le moment l'embryon d'un tel programme. Je siège au conseil d'administration du Centre canadien du film. C'est en réalité l'école de Norm Jewison. On l'appelle surtout l'école de Norm Jewison, plutôt que le Centre canadien du film, et nous avons des programmes de formation de scénaristes en internat. Mais comme je siège au conseil, je sais aussi que c'est un secteur où nous aimerions élargir nos activités et nous comptons demander l'aide de plusieurs paliers de gouvernement à cette fin.
Pour l'instant, le Centre canadien du film obtient 80 p. 100 de son budget de sources privées, et seulement 20 p. 100 du gouvernement. Nous venons de terminer une campagne de collecte de fonds, mais c'est sûr que c'est un domaine où… S'agissant de la formation de scénaristes, nous avons déjà une base, et des programmes équivalents sont offerts au Québec par l'INIS et dans l'ouest du Canada par le Screen Institute. Je serais favorable à l'idée d'obtenir des crédits du gouvernement fédéral pour nous permettre d'intensifier nos efforts dans le domaine de l'éducation et de la formation.
Mais pour ce qui est de la formation de scénaristes et de l'élaboration de scénarios en général, nous pourrions certainement suivre le modèle néo-zélandais. Ils ont investi beaucoup d'argent dans ce domaine afin de stimuler l'élaboration de scénarios.
La présidente: Avez-vous terminé, monsieur Silva?
M. Mario Silva: Oui, j'ai terminé, mais j'aimerais avoir plus de temps pour poser d'autres questions.
La présidente: Maintenant j'aimerais—car j'ai été très généreuse—passer de l'autre côté de la table et donner quelques minutes à Mme Bulte. Elle a une question qu'elle tient absolument à poser.
L'hon. Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente. Je m'excuse d'être arrivée en retard, mais j'ai assisté à la cérémonie de remise des prix Génie hier soir et j'étais assise à côté d'une dame qui travaille chez Warner Brothers qui vous admire tous les deux. Nous parlions de notre étude sur l'industrie canadienne de la cinématographie et elle m'a dit quelque chose de très intéressant que vous pourrez, je l'espère, clarifier un peu.
Chaque fois qu'on parle de l'industrie cinématographique, on a tendance à mentionner le fait que 95 p. 100 des salles—et je m'excuse d'avance si je vous demande de reprendre des explications que vous auriez déjà pu fournir—sont contrôlées par vos clients ou par des distributeurs étrangers. On parle de 95 p. 100 des salles, et vous savez que nous ne contrôlons que 5 p. 100 de nos salles. C'est une statistique que j'ai souvent lue dans les documents de Patrimoine canadien au fil des ans, et c'est la statistique qu'on cite toujours.
Elle m'a dit quelque chose de très intéressant hier soir, à savoir que Warner Brothers ne peut distribuer des films canadiens au Canada; cette dernière ne peut les distribuer qu'à l'extérieur du Canada. Pourquoi?
M. Douglas Frith: C'est ce que prévoit la loi. C'est justement ce qu'on disait dans notre mémoire—qu'il s'agit d'un obstacle qu'il faut envisager d'éliminer. Je pense que cette règle remonte à une trentaine d'années.
S'agissant de la distribution aux salles à l'heure actuelle, le fait est que 50 p. 100 des salles de cinéma appartiennent à une compagnie canadienne. Elles appartiennent à des gens comme Gerry Schwartz où elles font partie du réseau de Cineplex Odeon. Ce sont des compagnies canadiennes. Et là je vous parle des salles de cinéma. La majorité des salles canadiennes appartiennent à présent à un Canadien, soit Gerry Schwartz. D'après ce que j'ai pu comprendre, Paramount a mis en vente le réseau de Famous Players, et encore une fois, d'après ce qu'on m'a dit, l'éventuel acheteur serait également Canadien. Donc, le fait de savoir à qui appartiennent les salles de cinéma n'est pas le seul facteur; la décision de tourner un film à tel endroit, plutôt qu'à un autre demeure une décision commerciale.
Je vous assure qu'ils ne font pas preuve de plus de générosité à l'égard des films américains qu'ils ne le font pour les films canadiens. S'ils ne vendent pas suffisamment de popcorn dans les salles de cinéma le week-end où un film américain se rend en salle, il ne sera plus à l'affiche le mardi suivant. Peu importe que ce soit un film canadien, hollandais, allemand ou américain. C'est purement une décision commerciale.
L'hon. Sarmite Bulte: Dans ce cas, monsieur Frith, aidez-moi à comprendre ces chiffres qui sont constamment cités.
J'ai toujours présumé, à tort, de toute évidence… Je n'ai jamais posé la question. Ce n'est qu'hier soir que j'ai su pour la première fois que Warner Bros. n'a pas le droit de distribuer nos films canadiens. Vous dites que c'est ce que prévoit la loi. De quelle loi s'agit-il au juste?
À (1000)
Mme Susan Peacock: C'est ce que prévoit la loi. C'est la politique du BCPAC. C'est prévu dans le règlement—en fait, le mot « règlement » n'est peut-être pas le bon terme, strictement parlant—du BCPAC, et chez Téléfilm. Je ne sais pas s'il en va de même pour le FTC, mais je crois que oui. Cela remonte à l'époque où on estimait tout simplement qu'il fallait protéger les distributeurs canadiens. Le discours à l'époque était que les distributeurs canadiens seraient d'abord motivés par le patriotisme, et seulement en deuxième lieu par l'appât du gain. Évidemment, ce n'est pas vrai. Eux aussi doivent assurer la viabilité de leur entreprise.
Cette statistique de 95 p. 100 me rend absolument folle depuis une vingtaine d'années. Premièrement, ce chiffre fluctue. Il fluctue entre 3 p. 100 et 5 p. 100, selon la situation, et c'est souvent présenté comme un pourcentage du temps de projection. Je pense que vous avez parlé du pourcentage des salles de cinéma, mais c'est un chiffre entièrement fictif. Personne ne rassemble de telles données. Personne n'a jamais fait la collecte de ces données. C'est un mythe qui est à l'origine de toutes les discussions sur la politique cinématographique canadienne, et on le répète sans cesse. De temps à autre on l'entend dans un discours de la ministre du Patrimoine canadien, le Globe and Mail ensuite publie ses statistiques, le personne du personnel du Patrimoine canadien lit ça dans le Globe and Mail, l'inclut dans un autre discours, et ainsi de suite.
L'hon. Sarmite Bulte: Oui, je le sais. Je l'ai déjà vu dans mes discours.
Mme Susan Peacock: Mais si vous voulez parler de bonnes statistiques, l'Association des propriétaires de cinémas du Canada dont les responsables seront vos prochains témoins, fait un excellent travail depuis plusieurs années—et même depuis plus longtemps—pour ce qui est de mettre à la disposition du public des statistiques annuelles très fiables. En janvier, on peut obtenir les chiffres pour l'année précédente. Elle peut vous donner toutes les informations ou ventilations qui vous intéressent, et ce à un prix raisonnable. Je crois que vous avez dit tout à l'heure que 95 p. 100 des salles de cinéma ou du temps de projection sont contrôlées par nos membres. Regardez les chiffres concernant Alliance Releasing. Ils sont aussi importants que ceux qui intéressent les trois plus importants studios que nous représentons, du point de vue du nombre de films, des entrées…
M. Douglas Frith: Au fil des ans, la situation a radicalement changé, si bien qu'Alliance Atlantis fait à présent exactement ce que font les gros méchants studios américains. C'est une société intégrée verticalement, qui veut faire de l'argent—quelle surprise!
Mme Susan Peacock: Et elle assure la distribution de films étrangers. Mais elle ne s'impose absolument pas…
M. Douglas Frith: Elle fait une bonne partie de son argent grâce à nos films.
Mme Susan Peacock: Un contingent de films canadiens, par pur patriotisme.
L'hon. Sarmite Bulte: Pour moi, ce qu'elle m'a dit hier soir était une véritable révélation.
J'ai une autre petite question. Vous avez parlé du Centre canadien du film, et hier soir j'ai vu Tina VanderHeyden, qui est responsable du développement. Vous avez dit que 20 p. 100 de leur financement vient de…de programmes fédéraux?
M. Douglas Frith: Non, son financement est principalement de source fédérale.
L'hon. Sarmite Bulte: En vertu de quel programme au juste?
M. Douglas Frith: Il s'agit du programme national de formation, et c'est une école fantastique.
La présidente: Merci beaucoup.
Depuis tout à l'heure, j'ai à l'esprit ma rencontre de la semaine dernière avec Flora MacDonald, qui était assise à la même table que moi. Je me demande pourquoi?
J'aimerais vous remercier de votre présence. J'aurais aimé que nous ayons plus de temps pour susciter une réflexion de votre part sur ce que nous devrions faire pour être à même de passer de 5 p. 100 à 10 p. 100?
M. Douglas Frith: Oui, sur la question de la distribution, et si je peux me permettre d'insister une dernière fois sur une grande priorité, il faut absolument que le Canada mette en oeuvre le traité de l'OMPI. Notre absence parmi les pays de l'OCDE ou des pays développés qui ont déjà ratifié le traité se fait drôlement remarquer.
La présidente: Merci.
À (1005)
M. Douglas Frith: Merci.
La présidente: Nous attendons la réponse de la ministre au rapport du comité d'ici une semaine. Il va peut-être vous apprendre des choses intéressantes.
Merci beaucoup à vous deux.
Je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association des propriétaires de cinémas du Canada. Adina Leboe en est la directrice générale.
Merci de votre présence parmi nous ce matin. Notre temps est un peu limité, comme vous le constatez, et nous avons beaucoup de questions à poser.
Mme Adina Leboe (directrice générale, Associations des propriétaires de cinémas du Canada): Bonjour à tout le monde. Merci infiniment de nous avoir invités à comparaître ce matin.
L'Association des propriétaires de cinémas du Canada est celle qui représente les présentateurs canadiens de films en salle. Ce sont les propriétaires et exploitants des salles de cinémas, y compris les chaînes nationales, telles que Famous Players, Cineplex Galaxy, et AMC; les chaînes régionales, y compris Landmark Cinemas of Canada dans l'Ouest, Empire Theatres dans l'Est, et Alliance Atlantis Cinemas; de même que des réseaux régionaux comme Ciné Enterprise, May Cinemas, Rainbow Cinemas et Magic Lantern Cinemas, Criterion, Harris Road, Ontario Theatres Inc.; ainsi que des propriétaires de salles de cinéma indépendant s, comme Cinema Pine, Stinson Theatres, entre autres.
Nous sommes les détaillants dans ce secteur d'activité. En termes économiques, le secteur des longs métrages est composé des fabricants, des producteurs, des grossistes, des distributeurs, et des présentateurs de films. Nous somme en réalité les plus proches des clients qui paient leur entrée au cinéma et nous sommes donc extrêmement sensibles aux réalités du marché de la présentation de films en salle, aux produits qui intéressent les clients et qu'ils voudront ou non acheter. Nous ne faisons pas partie du secteur qui bénéficie de subventions gouvernementales, et les membres de notre association ne cherchent pas non plus à obtenir des subventions. Nos membres sont des hommes et des femmes d'affaires qui privilégient une optique économique. Sinon nos membres ne continueraient pas à oeuvrer dans ce secteur et ne seraient pas en mesure de contribuer à soutenir les films canadiens. Nous espérons que cette perspective unique et le fruit de notre réflexion aideront le comité à atteindre ses objectifs.
Je voudrais commencer par préciser que les présentateurs de films en salle appuient entièrement les initiatives prises par le gouvernement pour multiplier les auditoires de films canadiens, de façon à ce que ces derniers représentent 5 p. 100 des entrées canadiennes d'ici la fin de 2006, et que cette croissance se poursuive dans les années subséquentes. Nous cautionnons les initiatives prises par le gouvernement par l'entremise de Téléfilm and d'autres organismes consistant à offrir une récompense financière aux producteurs qui font des films que les spectateurs ont envie de voir et pour lesquels ils sont prêts à payer. Nous favorisons également les objectifs consistant à développer des créateurs de talents, à favoriser la qualité des films canadiens, et à préserver et diffuser notre collections de films canadiens.
Nous sommes convaincus que les auditoires se multiplieront si les films sont conçus, produits et commercialisés en tenant compte des intérêts de leur public.
À l'avenir, les présentateurs de films en salle souhaitent qu'on mette davantage l'accent sur des histoires qui vont susciter l'intérêt des spectateurs. Dans un premier temps, il faut évidemment de bonnes histoires et de bons scénarios, et l'une des possibilités qui nous intéressent consisterait à élargir la gamme de produits disponibles au Canada anglais. Croyez-le ou non, il y a huit ou 10 ans, les films québécois ne représentaient que 1 p. 100 de ceux présentés dans le marché du Québec, comme c'est le cas actuellement pour les films de langue anglaise. Ce qui est arrivé, c'est qu'il y a une ouverture sur la vie, les valeurs et les expériences de la population québécoise. C'est alors que les scénarios ont commencé à traduire le mode de vie et les valeurs culturelles du public québécois, dans des films comme Les Boys 1, Les Boys 2, et Les Boys 3, qui présentaient l'histoire d'hommes qui se réveillent à 3 heures du matin pour jouer au hockey avec leurs amis étant donné que c'est la seule heure à laquelle ils peuvent avoir accès à une patinoire, et pour parler de leur vie amoureuse et de leur vie en général. Il y a eu aussi des films comme Laura Cadieux, l'histoire de vraies femmes qui se rencontrent chez un médecin qui leur propose des régimes tous les vendredis matins pour parler de leurs amours et de leur vie en général. Il y a eu aussi Elvis Gratton. Plus récemment, il y a eu Séraphin, qui était fondé sur une série télévisuelle qui passait au Québec vers la fin des années 50; La grande séduction, une comédie sur les efforts des résidents d'une petite localité pour trouver un nouveau médecin; et enfin Camping sauvage.
Les créateurs québécois ont osé affirmer leur identité et ont compris ce qui intéressait leur public, ce qui leur a permis de créer toutes sortes de produits cinématographiques s'adressant à différents segments de leur public. Voilà justement ce dont on parle ici. Les familles correspondent à un segment du public. Les jeunes âgés de 18 à 25 ans, qui vont fréquemment au cinéma, en sont un autre; et il y a aussi les baby-boomers, qui s'intéressent davantage aux films d'inspiration artistique. Ils ont donc élargi la gamme des produits qu'ils offraient au public québécois. Non seulement il y avait des films d'auteurs, mais il y avait aussi des comédies, des comédies romantiques, des films de science fiction, des films policiers, des films à suspense, et des films évoquant une certaine époque; tous ont été créés par suite de ce nouvel élan de créativité.
Si vous examinez notre mémoire, vous verrez qu'à l'heure actuelle, les films québécois représentent régulièrement entre 18 p. 100 et 20 p. 100 des films présentés sur le marché québécois, et ce en 2003 et 2004. En raison de l'élargissement de leur gamme de produits, produits qui traduisent le mode de vie et les valeurs du peuple québécois, ces produits intéressent beaucoup le public du marché particulier où ils ont été créés.
À (1010)
Si vous examinez notre mémoire, encore une fois vous verrez que cette tendance commence à se manifester aussi au Canada anglais. À la page 5, vous verrez que nous avons présenté la liste des 10 plus grands succès qui reflètent cet élargissement de la gamme des produits offerts au public. Cette tendance commence à peine à se manifester au Canada anglais. Mais c'est une tendance que nous souhaitons de plus en plus apparente et que nous encourageons.
Le marché des films d'auteurs, comme l'un des messieurs disait tout à l'heure, représente un tout petit créneau, puisque seulement 3 p. 100 des spectateurs de films vont voir les films d'auteurs. C'est en élargissant le marché, en l'ouvrant davantage, et en offrant différents produits aux différents segments du marché que nous réussirons à intéresser davantage de Canadiens aux films canadiens.
Pour revenir sur mon deuxième point, je disais que le point de départ est nécessairement une histoire intéressante. Comme vous l'expliquaient Doug et Susan, l'élaboration de scénarios représente l'aspect R et D de tout le processus de confection d'un film. À notre avis, le temps et l'argent consacrés à cette partie du processus est insuffisant, alors qu'il s'agit en réalité de l'armature de notre industrie. Une approche plus approfondie et simplifiée, et un accent accru sur cet aspect du processus sont nécessaires pour créer des succès et éliminer les scénarios qui reposent sur une bonne idée mais ne peuvent pas facilement se transformer en produits cinématographiques pouvant être présentés par les salles de cinéma.
Les Canadiens ont des histoires très intéressantes et sont des conteurs de talent unique. Nos histoires reflètent notre vie. Nous lisons ces histoires dans les journaux. Nous les entendons en parlant avec des amis et des membres de notre famille. Nous vivons nous-mêmes ces situations dans notre vie de tous les jours. Toutes ces sources peuvent être exploitées. La rédaction et le remaniement de scénarios, les études de marché, et surtout plus d'études de marché sont autant d'éléments qui nous permettront de trouver un marché pour un produit cinématographique particulier.
Aux États-Unis, par exemple, plus de 500 films sont produits chaque année, alors que seulement 200 sont présentés dans les salles de cinéma. Ceux qui sont présentés en salle au Canada sont au nombre de 125 chaque année. C'est la même chose dans les compagnies pharmaceutiques, étant donné que tous les médicaments qui sont mis au point ne vont pas forcément être commercialisés. Notre secteur d'activité n'est guère différent des autres à cet égard.
Une autre question clé sur laquelle nous insistons est celle du marketing et de la promotion, puisqu'à notre avis il faut des budgets de publicité suffisamment importants pour rejoindre les marchés cibles. Cela ne sert à rien de créer un produit formidable dont tout le monde ignore l'existence. Il faut bien comprendre que la demande qui existe pour un film particulier est tributaire du degré de publicité qui est faite, des échos positifs que peuvent en avoir eu les spectateurs, et de l'accueil positif réservé à un film par les citoyens au moment où ils prennent la décision d'aller au cinéma. Ce n'est pas la capacité de produire des copies ou de les présenter en salle qui va déterminer en fin de compte le nombre de salle où un film sera projeté.
L'expérience de celui qui va au cinéma de nos jours en est une de prémarketing et de prévente. C'est-à-dire que les gens ont déjà choisi ce qu'ils ont envie de voir avant d'arriver au cinéma. À présent les gens ont un grand choix de possibilités, y compris d'autres activités qui se déroulent en dehors de la maison. Au lieu de regarder un film, ils peuvent assister à un concert, aller au théâtre, aller voir un match de base-ball ou un match de basketball. Ils peuvent faire toutes sortes de choses à la maison : regarder un film à la télévision, jouer à des jeux sur l'ordinateur, faire du jardinage, ou ne rien faire du tout. Ce sont les consommateurs qui décident de leur emploi du temps et de ce à quoi ils veulent consacrer leur argent, en fonction de ce qui les intéresse.
À l'heure actuelle, les gens n'attendent plus d'être au cinéma pour décider du film qu'ils ont envie de voir. Même si la décision d'aller au cinéma peut être prévue à l'avance ou prise à la dernière minute, il reste que les consommateurs choisissent les films pour lesquels ils sont prêts à payer leur entrée au cinéma en fonction de ce qu'ils savent des films en question et de ce qu'on leur a dit à ce sujet. Ce n'était pas toujours le cas. Dans les années 40, avant l'avènement de la télévision, et même au début des années 50, la salle de cinéma du coin jouait un peu le rôle du salon. Les gens quittaient leur maison après le dîner pour se réunir au cinéma pour voir les informations ou regarder des films ou des dessins animés. Je peux vous assurer que ce n'est plus du tout le cas. Et si nous agissons comme si cette réalité était toujours pertinente, nous allons très mal servir notre industrie. Les temps ont changé.
Comme nous l'expliquions tout à l'heure, il faut absolument récompenser les producteurs et créateurs qui réussissent à produire et à commercialiser des films pour lesquels les spectateurs sont prêts à payer afin d'assurer le succès à long terme de ce secteur d'activité. Nous félicitons d'ailleurs les responsables de Téléfilm et du Fonds du long métrage du Canada des initiatives qu'ils ont prises dans ce sens. Nous souhaitons également que les écrivains et scénaristes soient récompensés lorsqu'ils conçoivent des films qui trouvent un auditoire.
À (1015)
Il conviendrait peut-être aussi de prendre des initiatives, qu'elles passent par un crédit d'impôt ou par un autre véhicule, pour encourager des investissements dans les films canadiens. Nous n'approuvons pas l'idée d'abuser du régime fiscal; par contre, nous sommes d'avis qu'il conviendrait peut-être d'envisager d'établir des mécanismes fiscaux qui encourageront un comportement axé sur les besoins du marché et qui récompenseront ceux qui font des films en tenant compte des intérêts de leur public et réussissent à en faire un succès commercial.
En ce qui concerne l'avenir, les technologies numériques vont bientôt transformer l'expérience du cinéphile. La transition à la technologie numérique dans les salles de cinéma exigera, pour que ce soit viable sur le plan économique, la compatibilité de logiciels concurrentiels, l'interopérabilité d'équipement et de logiciels concurrentiels, et la possibilité de mettre à niveau à la fois l'équipement et les logiciels. Sinon, un présentateur pourrait avoir besoin d'équipement et de logiciels différents pour projeter chacun des films produits par les studios individuels. C'est justement cela qui s'est produit lors de la transition à l'audionumérique dans les années 90, puisque les propriétaires de salles et présentateurs de films en salle ont dû acheter trois systèmes audio différents pour être à même de projeter les différents films produits par les studios.
Vous comprendrez certainement, étant donné que le matériel numérique requis coûte 125 000 $ US par salle de cinéma, que ce n'est tout simplement pas possible. Il faut que tout marche ensemble, selon le fabricant et le système, en ce qui concerne les logiciels, l'interopérabilité des équipements, etc. Sinon, les présentateurs de films en salle pourraient constater, chaque fois qu'il y a un nouveau progrès technologique, que le matériel numérique fort coûteux qu'ils ont déjà acheté est, une fois de plus, dépassé.
Le problème du piratage nous aura également fait comprendre que la technologie numérique est une épée à double tranchant—vous avez entendu les explications de Doug et de Susan à ce sujet. Grâce à l'imagerie numérique et à Internet, le piratage est à présent très répandu. Pour régler le problème du piratage, il faudra immédiatement apporter des modifications au Code criminel et à la Loi sur le droit d'auteur afin de protéger les titulaires de droits de propriété intellectuelle. Voilà qui est essentiel à la santé économique de l'industrie cinématographique canadienne et de ses créateurs. Nous recevons chaque semaine au moins deux ou trois appels de la part de Canadiens qui nous disent : « Vous êtes la seule personne à qui je peux m'adresser. J'arrive du marché aux puces où je viens de voir mon film. Ils sont en train de le vendre. Ils me l'ont pris ».
Et cela n'arrive pas qu'aux Américains; le même problème touche les créateurs canadiens, ce qui détourne de l'argent de l'industrie canadienne.
L'absence de lois de ce genre—de lois rigoureuses et musclées déclarant que ces activités sont illégales et constituent un acte criminel, crée un préjudice économique pour ceux qui oeuvrent dans l'industrie. Et c'est cette activité qui est l'une des principales raisons du retard accusé pour la transition à la technologie numérique dans les salles de cinéma. Ils n'arrivent pas à contrôler la situation maintenant, alors que nous utilisons encore les films. Nous sommes donc très réticents à aller de l'avant et à faire quelque chose qui pourrait ouvrir une boîte de Pandore.
En terminant, j'aimerais simplement ajouter que d'autres témoins vous recommanderont peut-être d'établir des contingents ou de réserver un certain temps de projection aux films canadiens. Je vous invite à vous reporter à notre mémoire pour une explication plus détaillée à ce sujet, mais je répète qu'il n'est pas possible de forcer les gens par voie législative à aller voir certains films. Les consommateurs choisissent ce qu'ils veulent voir et ce qui les intéresse en fonction de ce qu'ils savent des différents produits qui sont disponibles dans le marché.
Avant de conclure, j'aimerais saisir l'occasion de vous inviter tous à vous joindre à d'autres intervenants de l'industrie cinématographique à ShowCanada cette année.
Show Canada est le congrès annuel de l'industrie cinématographique. Il se tiendra cette année les 27 et 28 avril à Halifax. Il s'agit du congrès annuel des présentateurs de films en salle, des distributeurs, et des producteurs. Les responsables d'organismes gouvernementaux tant fédéraux que provinciaux y assistent. Il permet de mettre en vedette des produits cinématographiques dont les propriétaires cherchent des possibilités de présentation en salle, et de discuter d'enjeux importants pour l'industrie, à la fois en public et à huis clos. Nous espérons que vous pourrez vous joindre à nous et voir l'industrie en action.
Merci infiniment de m'avoir reçue ce matin. Je suis prête à répondre à vos questions.
À (1020)
La présidente: Merci beaucoup, madame Leboe.
M. Schellenberger est notre premier intervenant.
M. Gary Schellenberger (Perth—Wellington, PCC): Merci beaucoup.
Je n'ai qu'une question à poser. ShowCanada se tiendra à Halifax. À quelle date?
Mme Adina Leboe: Les 27 et 28 avril. J'ai déjà envoyé des brochures au bureau du comité. Je peux toujours les renvoyer.
Nous serons au World Trade and Convention Centre. Nous serons au Delta Halifax ainsi qu'au casino, et il s'agit d'un regroupement. Nous sommes environ 600, et vous pourrez voir l'industrie en action. Je sais que certains d'entre vous ne sont pas au courant, mais c'est vraiment l'occasion de voir comment fonctionne l'industrie.
M. Gary Schellenberger: Merci.
Encore une fois, il est ressorti très clairement des discussions de ce matin que le piratage est un problème très répandu. Nous avons justement étudié la question du droit d'auteur durant la dernière session en vue de régler certains problèmes de piratage et d'harmoniser notre Loi sur le droit d'auteur avec les dispositions du traité de l'OMPI. Mais il est certain que le gouvernement a vraiment tardé à agir dans ce domaine. Nous avons signé la traité de l'OMPI en 1996 ou 1997, et nous voilà en 2005, et le traité n'a toujours pas été ratifié. C'est une honte, à mon avis. Comme l'a dit notre présidente, nous attendons la réponse du ministère au rapport que nous avons soumis. Nous espérons que nos efforts auront réussi à faire avancer ce dossier, afin que le traité de l'OMPI soit ratifié.
Nous parlons des films. Depuis l'avènement de la télévision et depuis que je participe beaucoup aux activités sportives, je vais de moins en moins au cinéma. Ma femme regarde beaucoup de films à la télévision. On dirait que chaque fois que je regarde un film, il est violent ou encore je vois un coroner en train de faire son travail, et je n'aime pas regarder des images de ce genre. J'aime les émissions humoristiques et les films qui reflètent de bonnes valeurs familiales. Certains des films qu'on regarde nous font vivre des émotions fortes. Ce n'est donc pas étonnant que nous conduisions aussi vite. Certains des grands films d'action montrent des voitures qui sautent par-dessus la voie ferrée pour arriver 100 pieds plus loin sur la route.
J'aimerais qu'on arrive à réorienter un peu l'industrie. J'aimerais voir plus de comédies. J'aimais beaucoup l'émission de Red Skelton à la télévision. J'ai grandi avec des comiques comme Abbott et Costello, et ce genre de choses. Je sais que je montre mon âge, mais voilà le genre de produits qui m'intéressent.
En ce qui concerne l'industrie cinématographique, j'ai compris quelque chose. Mon bureau à Stratford, en Ontario, se trouve en face du cinéma. Je pense que ce cinéma compte cinq salles différentes. Ils avaient l'habitude de baisser le prix du billet à 2 $ le mardi. Chaque mardi où l'entrée au cinéma ne coûtait que 2 $, on n'arrivait jamais à trouver une place de stationnement. Les autres jours, cela ne pose pas problème. Donc, les prix constituent nécessairement un facteur important.
Je suppose que je fais plus de commentaires qu'autre chose ce matin, mais je sais que je voulais poser une question aux témoins précédents au sujet des abris fiscaux. Je sais que le système d'abris fiscaux qui était en place auparavant a fait l'objet de certains abus, mais je me demande s'il y aurait moyen de réintroduire un programme d'abris fiscaux qui serait assorti de certaines mesures de protection. Ce serait une façon d'essayer d'accroître le financement privé et de réduire le financement public accordé pour les différents projets, et encore une fois, les producteurs en profiteraient.
Que pensez-vous de l'idée de réinstaurer un système d'abris fiscaux afin que les gens puissent plus rapidement avoir accès aux crédits, et quelles mesures de protection vous sembleraient nécessaires à ce moment-là?
À (1025)
Mme Adina Leboe: Je suis d'accord pour dire que le gouvernement ne peut pas tout faire, parce que l'argent est limité. Et le gouvernement ne devrait pas non plus avoir à tout faire. Les citoyens canadiens qui veulent investir devraient investir leur argent dans différents projets.
Je sais que certains ont abusé de la DPA, mais s'il y a des mesures de protection suffisantes, il n'y a pas de mal à produire un film comme Meatballs. Il n'y aurait pas eu de mal à faire un film comme My Big Fat Greek Wedding. C'est une histoire foncièrement canadienne. Cela reflète l'expérience multiculturelle en racontant l'histoire d'une fille du Manitoba. C'est notre histoire. Nous aurions aimé pouvoir la présenter comme notre histoire. Ce film a généré des recettes brutes d'un demi-milliard de dollars. Qu'aurions-nous pu faire avec un demi-milliard de dollars dans nos poches pour financer les films canadiens? Il faut absolument un autre mécanisme qui permettra de canaliser des crédits vers l'industrie cinématographique canadienne, grâce aux succès remportés par des films canadiens commerciaux. Alors je suis d'accord avec vous.
Je suis sûre que Doug voudrait…
M. Douglas Frith: Je voulais simplement ajouter que vous avez parfaitement raison : ce type de financement à l'aide d'abris fiscaux a été abusé, et jusqu'à un certain point, le gouvernement avait de bonnes raisons d'éliminer ce programme. Beaucoup d'argent a fini entre les mains d'intermédiaires, de comptables et d'avocats. Et par rapport à votre objectif, qui consiste à créer un programme industriel, il est clair qu'un crédit d'impôt est plus efficace parce qu'il permet d'optimiser l'investissement.
Ceci dit, quand il y a eu la motion de voies et de moyens…en plus, à minuit, madame la présidente. Vous savez comment ça marche? Personne n'était au courant auparavant, mais cette motion visait toutes les productions, qu'elles aient reçu ou non le feu vert, que les principaux travaux de prise de vue aient commencé ou soient bien entamés, ou que le film soit ou non à l'étape de la post-production; à minuit, tous étaient touchés. Nous avons donc dû nous assurer que chacun de ces différents produits ne subirait aucun préjudice, et nous avons donc resserré les règles de sorte que tous les films visés par la motion adoptée à minuit puissent être finis en fonction des règles resserrées.
Et on peut ramener les règles resserrées de l'époque. Personnellement, je serais favorable à un système hybride en vertu duquel 25 p. 100 du financement prendrait la forme d'un abri fiscal, alors que 75 p. 100 du financement prendrait la forme d'un crédit d'impôt. Ainsi on pourrait régler le problème de la valeur temporelle de l'argent, on aurait des règles resserrées, et on serait sûr que l'argent que pourrait toucher un intermédiaire serait limité. Ce serait un gros avantage pour les secteurs de production tant canadien qu'étranger.
La présidente: Merci.
Nous passons maintenant à M. Lemay.
Mme Adina Leboe: Me permettriez-vous de faire un autre petit commentaire au sujet du piratage? Je sais que l'ACDF examine actuellement la question du droit d'auteur. Pour nous qui sommes présentateurs de films en salle, c'est surtout le Code criminel qui est en cause. Dans les salles de cinéma, les gens se munissent de matériel qui n'est pas illégal. La seule loi qu'on peut invoquer—et elle n'est pas musclée du tout—est celle qui concerne la violation du droit de propriété. C'est-à-dire qu'une activité est illégale s'il y a un panneau portant une représentation d'une activité entourée d'un cercle rouge. Cela vous permet de dire à l'intéressé que l'activité est illégale. Même à ce moment-là, vous n'avez pas le droit de lui prendre son caméscope; vous devez vous contenter de le faire sortir. Il est difficile de faire venir la police. En l'absence d'une loi en bonne et due forme, ou d'une disposition du Code criminel qui indiquerait clairement que cette activité correspond à du vol, nous dans les salles de cinéma ne pouvons pas faire ce que nous devons faire.
Quant à la possibilité de faire venir la police à la salle de cinéma pour un problème de violation du droit d'auteur, disons qu'il ne faut même pas l'envisager. La police ne viendra pas. Elle ne viendra pas pour un problème de fraude et elle ne viendra pas pour un problème de violation du droit d'auteur. Les policiers nous disent qu'ils sont occupés et qu'ils ont autre chose à faire.
La disposition relative à la violation du droit de propriété n'est pas musclée, mais au moins s'il est question d'actes de violence, on peut intéresser un peu plus la police. Mais ce n'est pas suffisant, et nous préférons donc qu'on passe par le Code criminel. Nous souhaitons qu'une loi soit adoptée interdisant le vol d'images audiovisuelles, et nous ne sommes pas les seuls à le vouloir. À l'avenir, tous les titulaires de droits de propriété intellectuelle seront logés à la même enseigne.
À (1030)
[Français]
La présidente: Merci.
Monsieur Lemay.
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ): J'ai quelques remarques à faire. Je suis quand même avocat dans mes temps libres et je suis allé au cinéma à plusieurs reprises. Or, je ne suis pas certain que vous accepteriez que j'entre dans un cinéma avec mon sac de maïs soufflé, mon gros Pepsi et mes tablettes de chocolat. Par ailleurs, vous laissez entrer quelqu'un dans vos salles alors que vous savez qu'il va faire du piratage. Cela me pose un problème.
J'ai beau être membre d'un comité et être d'accord qu'il doit y avoir une législation, vous admettrez quand même avec moi que si vous avez le contrôle sur ce qui se boit et ce qui se vend dans vos salles de cinéma, il est difficile de croire que vous ne pouvez pas arrêter quelqu'un qui vient vous voler.
Mme Adina Leboe: Ce n'est pas apparent. Ces appareils sont très petits maintenant. Ils peuvent donc être camouflés dans une voiture dans un stationnement. Ce ne sont pas de gros caméscopes que l'on peut voir. Si on voit quelqu'un avec un tel appareil, on lui dit que cela n'est pas permis, mais ce sont de petits appareils, comme les téléphones cellulaires. Alors, nous ne savons pas que des personnes entrent dans des salles de cinéma avec de tels appareils.
M. Marc Lemay: Nous pouvons faire une recommandation au niveau du Code criminel. C'est important et essentiel.
J'écoute depuis environ une heure et demie, et j'ai des questions à poser. Premièrement, trouvez-vous, comme moi, que le Canada anglais cherche sa voie en cinéma, alors que le Canada français ou le Québec—parce que c'est lui qui m'intéresse—l'a trouvée? Comment se fait-il que le Canada anglais cherche encore sa voie, alors qu'on lui donne tous les moyens?
Si le scénario n'est pas bon, le film sera un navet, même si Julia Roberts ou Tom Hanks ou n'importe qui y joue le rôle principal. Ma deuxième question est donc la suivante: pourquoi une association comme la vôtre, tout comme celles que nous avons rencontrées avant vous, ne fait-elle pas de pressions pour que la création d'une école de scénarisation soit une priorité? C'est urgent au Canada anglais. Au Québec, ça existe déjà, de même qu'en France, en Italie et dans plusieurs endroits dans le monde.
Troisièmement, existe-t-il des relations entre les distributeurs et les propriétaires de salles? Je vais vous donner un exemple très précis. Mémoires affectivesa tenu l'affiche pendant une semaine parce qu'il n'atteignait pas un certain pourcentage de ventes. Inutile de vous dire que depuis hier soir—et depuis quelques semaines au Québec—, il revient en salle. N'y a-t-il pas moyen d'évaluer la situation et de garder un tel film en salle un peu plus longtemps, le temps d'en faire la promotion? Je vous pose la question parce que je n'ai pas la réponse.
Mme Adina Leboe: La réponse à votre première question est oui, mais il a fallu du temps au Québec pour trouver sa voie. Il y a dix ans, le Québec n'était pas plus avancé que le Canada anglais ne l'est en ce moment. Cela a été long, mais le Québec, à cause de sa culture et de sa langue différente, filtre sa consommation de culture américaine. Les Québécois ont une distance par rapport à la culture américaine et se voient plus clairement. C'est la raison pour laquelle le Québec s'est trouvé le premier. Il ne faut pas oublier que les Québécois ont cherché un moyen de faire des scénarios pour leur propre auditoire. Ils ne faisaient pas que des films d'art, des films d'auteur, ils produisaient aussi des films pour la famille, pour les jeunes de 18 à 25 ans, et ils ont commencé à écrire pour tout le marché et pour l'ensemble de l'auditoire, pas seulement pour un créneau très étroit de 3 p. 100 de la population.
Le Canada anglais fait présentement du rattrapage, et si vous regardez à la page 5 de mon dossier, vous allez voir les 10 plus grands succès dans le marché anglais. On voit que cela commence tranquillement. Les Canadiens anglais sont sur la bonne voie, et si la politique de Téléfilm Canada et du gouvernement est maintenue, dans 10 ans, ils auront réussi tout aussi bien. Il faut comprendre qu'ils doivent avoir des produits pour tous les publics, pas seulement pour le public amateur des films d'art ou d'auteur, par exemple. C'est ce que l'on a fait dans le passé, mais à présent, il faut élargir notre vision pour avoir des idées et créer des scénarios.
Pour répondre à votre deuxième question, je dirai que non, on n'a pas assez d'écoles qui montrent à écrire de bons scénarios. On a des écoles où on met l'accent sur les films d'auteur, mais il y a tout un autre genre de scénarios, des techniques de télévision, des écrivains, des scénaristes de télévision qui ne font pas des films d'auteur, mais des feuilletons pour la télévision. La Writers Guild vous dira la même chose que moi. Il faut apprendre à la prochaine génération à ne pas se limiter aux films d'auteur, et qu'il y a toutes sortes de produits acceptables, et même nécessaires, dans le marché du cinéma.
À (1035)
M. Marc Lemay: La troisième question portait sur l'entente entre les distributeurs et...
Mme Adina Leboe: On travaille très étroitement avec les distributeurs. Vous pourrez entendre certains de mes collègues parler de ce sujet.
[Traduction]
Mes collègues et moi ferons un exposé à Toronto. Vous aurez l'occasion d'entendre les responsables de Cineplex Galaxie et de Famous Players. Dans l'Est, vous allez recevoir les représentants d'Empire, et dans l'Ouest, ceux de Landmark. Ce sont toutes des chaînes canadiennes. Au Québec, vous recevrez les représentants de l'association québécoise. Nous travaillons en étroite collaboration avec les distributeurs.
Si ce film dont vous parlez revient en salle, c'est à cause de la publicité accrue qu'on a faite. Encore une fois, quand quelqu'un va au cinéma, la décision de voir tel ou tel film est déjà prise. Plus vous faites parler du film avant que le consommateur ne prenne cette décision, plus il y aura de spectateurs pour ce film. Si les fonds investis au départ ont été insuffisants, toute publicité, quelle qu'elle soit, sera utile. Si la cérémonie de remise des prix Génie, ce qu'on dit dans les journées ou à la télévision, et toutes les activités promotionnelles et autres qui se déroulent au préalable permettent de sensibiliser les consommateurs à l'existence du film, à ce moment-là, il retourne en salle et bénéficie d'un public averti qu'il n'avait pas auparavant.
[Français]
M. Marc Lemay: À la page 13 de la version française de votre document, vous parlez d'un mémoire qui aurait été déposé le 20 mars 1998. Est-ce qu'on peut en avoir une copie?
Mme Adina Leboe: Oui, certainement. C'était la première politique sur l'industrie du film. Je pense que les dossiers de toutes les associations, de tous les participants sont disponibles pour vous.
M. Marc Lemay: Est-ce qu'on pourrait nous l'envoyer? Cela nous serait utile pour l'étude que nous sommes en train de faire.
Mme Adina Leboe: Oui, absolument. Cela ne pose aucun problème.
M. Marc Lemay: Merci.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Simms.
M. Scott Simms (Bonavista—Gander—Grand Falls—Windsor, Lib.): Merci, madame Leboe. Ce document est excellent—très informatif.
Je voudrais revenir sur les questions posées aux témoins précédents, notamment en ce qui a trait aux bandes-annonces, et ce genre de choses. Il m'arrive aussi souvent d'emmener mon fils de 10 ans au cinéma. En réalité, c'est seulement en sa compagnie que je vais au cinéma. Je constate que c'est surtout à cause des bandes-annonces et de ce qu'on appelle les avant-premières fugitives qu'il veut absolument aller voir certains films. Je me dis que sur six ou sept bandes-annonces, s'il était obligatoire d'en projeter une ou deux annonçant des films canadiens, cela aurait certainement beaucoup d'impact, à supposer que le scénario et la trame soient intéressants, parce que cela suscite l'intérêt du public et fait venir les cinéphiles qui vont acheter du popcorn et faire tout ce qui permet de soutenir ces films.
Qu'est-ce que vous en pensez? Et qu'avez-vous à nous dire au sujet du marketing qui est fait sur place, c'est-à-dire dans les salles de cinéma proprement dites? Je constate que la campagne de marketing menée dans les salles de cinéma proprement dites est massive, comparativement à ce qu'elle était autrefois. Je ne suis pas tellement en faveur de l'idée de coller une étiquette canadienne à nos films. Si je vois que le magasin de vidéos du coin a une section canadienne, cela ne m'impressionne pas. Quand je dépense 5 $, je veux qu'on m'offre un produit divertissant. Je ne vais pas faire preuve de patriotisme dans ce contexte—je ne veux offusquer personne en disant cela—mais je veux surtout qu'on me raconte une histoire intéressante. Je veux absolument voir un film comme Les Boys. J'ai toujours pensé que des films où l'on présente des personnages qui passent leur temps à jouer au hockey avec une tuque sur la tête et une bière de Labatt Bleue à la main devaient forcément bien se vendre, alors que ce n'est pas le cas. Enfin, parfois oui, et le film Les Boys l'a justement prouvé.
Mais pour revenir sur ce que je disais au départ, ne devrait-il pas être obligatoire de projeter des films comme Les Boys pour les avant-premières fugitives des salles de cinéma de langue anglaise?
À (1040)
Mme Adina Leboe: Ce que je peux vous dire, c'est qu'il n'est pas nécessaire que ce soit obligatoire. Cela nous ramène à la question du marketing et de la promotion. La plupart des bandes-annonces élaborées pour des films canadiens sont bel et bien projetées dans des salles de cinéma.
Le problème, c'est qu'on n'en fait pas; et si on n'en fait pas, c'est parce que les distributeurs n'ont pas prévu un budget suffisant pour inclure cette activité-là.
L'une des premières choses que font les Américains, c'est diffuser la bande-annonce. Mais des crédits pour le marketing à la promotion n'ont jamais été une priorité dans l'industrie cinématographique canadienne. Dans notre industrie, la grande priorité a surtout été de finir le film. Le marketing, la promotion, et la notoriété ont toujours été au deuxième rang—on en fait s'il reste suffisamment de temps et d'argent pour le faire.
L'un des problèmes est de faire accepter les bandes-annonces par les salles de cinéma. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut légiférer. Famous Players a produit une bande-annonce pour Red Green avec son agent, Michael Kennedy, qui est lui-même acteur comique, et elle a été projetée.
Mais il n'y en a pas normalement. Ce genre de chose n'existe pas, parce qu'on n'a pas jusqu'à présent mis tellement l'accent sur le marketing, la publicité et la promotion. Chez les grandes entreprises comme Alliance Atlantis, si, mais quand on descend la chaîne…
Une bonne partie de l'industrie québécoise comprend maintenant cette réalité et devant les succès remportés par Alliance Atlantis et les compagnies américaines, les gens se disent maintenant : D'accord, on a compris; c'est ça qu'il faut faire. Voyez-vous ce que je veux dire? Par exemple, il y a eu une bande-annonce pour Daniel and the Superdogs. Il a eu sa première à ShowCanada l'an dernier. Ça c'était intelligent! C'est comme ça qu'on fait parler d'un film, qu'on en fait la promotion, qu'on rehausse sa notoriété, et c'est justement dans ces activités-là qu'il faut investir.
Quant aux propriétaires de salles de cinéma canadiens, à mesure que vous parcourrez le pays, vous allez les rencontrer et entendre leurs vues sur la question. Vous serez surpris d'apprendre quelles bandes-annonces existent. Vous serez également surpris d'apprendre que ce genre de choses est inexistant. Nous n'avons pas accès à ce genre de matériel promotionnel qui nous permettrait de les aider. Par exemple, quand on fait un tournage, on a toujours besoin d'un attaché de presse pour prendre les photos de publicité. C'est absolument essentiel. Si vous n'avez pas de photos, on ne parlera pas de votre film à la une des journaux. Le nombre de films canadiens qui… Quand vous parlez aux journalistes, ils vont vous dire : « Nous en aurions parlé à la une de Star Week, mais il n'y avait pas de photos disponibles ».
Il manquait plusieurs milliers de dollars de promotion et de publicité, parce que le budget n'était pas assez important ou parce qu'on n'avait pas suffisamment insisté sur la publicité, la promotion et le marketing du produit, alors que tout cela doit commencer au moment même où vous rédigez le scénario. Cela commence au point de départ, quand vous commencez à tourner le film. C'est là que vous commencez à intensifier progressivement vos efforts de publicité en passant entre autres par les figurants, au moment où les gens commencent à sentir qu'ils sont parties prenantes. Vous avez besoin de la presse. Il faut monter progressivement cette publicité.
Ils auraient pu décider que le film My Big Fat Greek Wedding sortirait en salle dans les grandes villes. Ils n'ont pas voulu le faire. Ils l'ont d'abord projeté dans une communauté grecque après l'autre pendant deux ans en Amérique du Nord. Ce sont des décisions stratégiques de marketing et de distribution qu'il faut prendre et qui détermineront dans quelle mesure vous réussirez à accroître la notoriété de votre film sur le marché.
À (1045)
M. Scott Simms: Si elles étaient disponibles, votre association n'aurait pas de mal à envisager de…
Mme Adina Leboe: Si elles étaient disponibles et elles étaient préparées de façon à avoir un impact et dans le cadre d'un effort de marketing, les salles qui sont membres de l'association—et les responsables vous le diront eux-mêmes—seraient disposées à projeter toutes sortes de bandes-annonces.
M. Scott Simms: Et il y a la question des règlements, comme l'évoquaient M. Silva et M. Angus…
Mme Adina Leboe: Il n'est pas nécessaire d'adopter des règlements. Vous savez, nous avons tellement de salles de cinéma. Il nous faut les remplir. Il y a de la place pour tous les bons produits qui suscitent l'intérêt d'un public particulier.
M. Scott Simms: Je voudrais donner le temps qui me reste à M. Smith.
La présidente: D'accord. Il reste environ deux minutes.
M. David Smith (Pontiac, Lib.): Deux minutes, c'est parfait.
Je vais régulièrement au cinéma avec ma femme et mes enfants. Il nous arrive aussi de louer régulièrement des vidéos et des DVD. Quand nous sommes à la maison, nous voyons les publicités de Tim Horton, de Subway, etc. Quand on parle de l'aspect promotionnel d'un film, il y a une chose qui me semble bien importante; et il faut bien comprendre que je ne suis pas le genre de personne qui favorise les règlements. Mais quand je vais au cinéma, c'est pendant les cinq premières minutes que je décide quels films j'ai envie de voir. Ce n'est pas très difficile. Je regarde toutes les bandes-annonces. Après ça, je me dis : Très bien, j'ai envie de voir ce film-là. Donc, ces cinq ou 10 premières minutes de promotion—car il s'agit bien de promotion; c'est un message publicitaire, mais on peut aussi me montrer des Toyota, ou des voitures d'une marque ou de l'autre. En tant qu'association, ne croyez-vous pas qu'il y aurait peut-être lieu d'encourager davantage les gens à aller au cinéma?
Nous voyons énormément de films français, de productions québécoises, parce que nous les trouvons intéressants, et c'est vrai que les histoires qu'on nous raconte sont des fois intéressantes. Parfois c'est juste ma femme et moi qui allons au cinéma; à d'autres moments, nous sommes accompagnés des enfants.
Ne pensez-vous pas qu'il y aurait peut-être lieu d'encourager les gens qui produisent ces films en leur donnant l'occasion de communiquer leur message au public durant cette période préalable?
Mme Adina Leboe: À mon avis, quand des bandes-annonces existent, on les passe. Nous nous préparons maintenant pour ShowCanada. Nous allons voir tous les distributeurs canadiens pour essayer d'obtenir des extraits de films qui seront prochainement à l'affiche, parce que tous les présentateurs de films en salle seront là et cela va les intéresser. C'est difficile. Les distributeurs n'ont pas l'habitude de faire ça. Cela ne fait pas partie de leurs pratiques commerciales. Au fond vous dites qu'il faudrait peut-être les encourager à adopter de meilleures pratiques commerciales.
En tant que distributeur, vous assistez à un congrès où tous les présentateurs de films en salle vont être sur place et vous voulez forcément vous présenter sous l'éclairage le plus positif possible. Nous avons envie de voir vos films. Nous avons envie de voir vos prises de vues et nous avons envie de voir vos bandes-annonces. La situation commence à évoluer maintenant, mais je peux vous garantir que ce n'est pas normalement une initiative qu'on prend d'office.
Par contre, c'est bel et bien une initiative qu'on prend d'office aux États-Unis, puisque l'industrie cinématographique américaine met plus l'accent sur le marketing, la publicité et la promotion. Avant même d'en être à l'étape du montage, ils retiennent certaines prises de vues et ils préparent une bande-annonce qu'ils essaient de sortir le plus rapidement possible. Au Canada, on a parfois l'impression que les producteurs se disent que s'il reste de l'argent, ils verront bien ce qu'ils peuvent faire.
Or ils peuvent avoir accès à des crédits pour financer leur marketing par l'entremise de Téléfilm, et certains distributeurs y ont recours. Doug Frith parlait du Circuit cinématographique du Festival international du film de Toronto. Il faut aussi se rendre compte que les distributeurs manquent de personnel. Ce ne sont pas de grandes entreprises pouvant miser sur un appui financier important. Par conséquent, les films arrivent et ressortent des salles de cinéma, et ensuite ils essaient de voir où ils pourront le placer en succession.
Ensuite les produits cinématographiques canadiens sont repris pour le Circuit cinématographique, et là il a le temps de le projeter dans toutes les petites localités canadiennes où il existe une demande, où les gens ont envie de voir des films d'auteurs ou des films canadiens. C'est une sorte de branche de distribution secondaire qui a été créée au Canada. Il est excellent pour ce qui est de s'assurer que nos films sont projetés dans l'ensemble du Canada, pas juste dans les grandes villes. C'est le genre de chose qu'il faut encourager et appuyer.
À (1050)
La présidente: Merci beaucoup, madame Leboe. M. Lemay vous a demandé un complément d'information; peut-être pourriez-vous faire parvenir cette information au greffier pour qu'il puisse nous la distribuer à nous tous.
Mme Adina Leboe: Oui, absolument. Merci.
La présidente: Il nous reste donc cinq ou six minutes pour régler quelques questions administratives.
Comme Mme Oda n'est plus là, si tout le monde est d'accord, nous allons attendre jeudi pour examiner la motion concernant la vérificatrice générale. Nous recevons jeudi deux témoins, soit ACTRA et la Conférence canadienne des arts.
Très rapidement, je vous signale que notre greffier vient de me faire remarquer que quand nous serons à Montréal dans quelques semaines, il y aura une grande conférence sur le cinéma où l'on parlera beaucoup des nouvelles technologies, technologies que nous pourrons également découvrir grâce à l'aide de l'Office national du film.
J'aimerais vous distribuer ces documents. Regardez-les pour voir si vous souhaitez ou non que nous consacrions une partie de notre temps à Montréal… C'est dans quelques semaines seulement, et nous aurons donc le temps de réorganiser notre emploi du temps. Mais j'ai l'impression qu'il serait bien utile que nous assistions à certaines de ces séances, entre autres pour prendre contact avec des gens qui sont directement intéressés par toutes ces questions. Je vais vous faire distribuer cette information, et nous pourrons éventuellement en parler jeudi.
Voulez-vous examiner la renomination de M. Rabinovitch? Non. Nous allons informer ceux et celles qui ont besoin de le savoir.
Si personne d'autre n'a des questions à soulever, nous nous reverrons jeudi. Merci.
La séance est levée.