CHPC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 6 juin 2005
¿ | 0910 |
La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)) |
Mme Mary Sexton (Rink Rat Productions Inc., Association canadienne de production de films et de télévision) |
¿ | 0915 |
La présidente |
M. Bruce Barber (professeur, Département des arts médiatiques, Nova Scotia College of Arts and Design Fine & Media Arts) |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
Mme Deborah Carver (directrice générale, Développement et projets spéciaux, Nova Scotia College of Arts and Design Fine & Media Arts) |
¿ | 0935 |
M. Bruce Barber |
¿ | 0940 |
La présidente |
Mme Ann MacKenzie (directrice générale, Nova Scotia Film Development Corporation) |
¿ | 0945 |
¿ | 0950 |
¿ | 0955 |
À | 1000 |
À | 1005 |
La présidente |
Mme Ann MacKenzie |
La présidente |
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester—Musquodoboit Valley, PCC) |
À | 1010 |
Mme Ann MacKenzie |
M. Bill Casey |
Mme Ann MacKenzie |
M. Bill Casey |
Mme Mary Sexton |
M. Bill Casey |
Mme Ann MacKenzie |
M. Bill Casey |
Mme Mary Sexton |
M. Bill Casey |
Mme Mary Sexton |
À | 1015 |
M. Bill Casey |
Mme Mary Sexton |
M. Bill Casey |
Mme Mary Sexton |
M. Bill Casey |
Mme Mary Sexton |
M. Bill Casey |
Mme Ann MacKenzie |
Mme Mary Sexton |
Mme Ann MacKenzie |
Mme Mary Sexton |
M. Bill Casey |
Mme Mary Sexton |
M. Bill Casey |
Mme Mary Sexton |
M. Bill Casey |
Mme Mary Sexton |
M. Bill Casey |
M. Bruce Barber |
À | 1020 |
La présidente |
M. Bruce Barber |
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ) |
À | 1025 |
Mme Ann MacKenzie |
À | 1030 |
La présidente |
Mme Mary Sexton |
Mme Ann MacKenzie |
Mme Mary Sexton |
La présidente |
M. Charlie Angus (Timmins—Baie James, NPD) |
À | 1035 |
Mme Ann MacKenzie |
La présidente |
M. Mario Silva (Davenport, Lib.) |
À | 1040 |
Mme Ann MacKenzie |
M. Mario Silva |
Mme Ann MacKenzie |
M. Bruce Barber |
À | 1045 |
La présidente |
Mme Mary Sexton |
La présidente |
Mme Mary Sexton |
La présidente |
M. Bruce Barber |
La présidente |
M. Bruce Barber |
La présidente |
M. Bruce Barber |
Mme Mary Sexton |
La présidente |
La présidente |
Á | 1105 |
M. Nigel Bennett (président, ACTRA- Maritimes, Alliance des artistes canadiens du cinéma, de la télévision et de la radio) |
La présidente |
M. Nigel Bennett |
Á | 1110 |
La présidente |
M. Nigel Bennett |
La présidente |
M. Jarrod Baboushkin (agent d'affaires, Conseil régional de l'Atlantique, Guilde canadienne des réalisateurs) |
Á | 1115 |
M. John Houston (acteur, à titre personnel) |
Á | 1120 |
Á | 1125 |
La présidente |
M. Bill Casey |
Á | 1130 |
La présidente |
M. Charlie Angus |
La présidente |
M. Bill Casey |
M. Nigel Bennett |
M. Bill Casey |
M. Nigel Bennett |
M. Bill Casey |
M. Nigel Bennett |
M. Bill Casey |
M. Nigel Bennett |
La présidente |
M. John Houston |
M. Nigel Bennett |
M. Bill Casey |
Á | 1135 |
M. John Houston |
M. Nigel Bennett |
M. Bill Casey |
M. Nigel Bennett |
La présidente |
M. Charlie Angus |
Á | 1140 |
M. Nigel Bennett |
M. Charlie Angus |
M. John Houston |
Á | 1145 |
M. Nigel Bennett |
La présidente |
M. Mario Silva |
Á | 1150 |
M. Nigel Bennett |
M. John Houston |
Á | 1155 |
M. Nigel Bennett |
La présidente |
M. Nigel Bennett |
 | 1200 |
La présidente |
M. John Houston |
La présidente |
M. Marc Lemay |
M. Nigel Bennett |
 | 1205 |
La présidente |
M. Marc Lemay |
M. John Houston |
M. Marc Lemay |
M. Nigel Bennett |
La présidente |
 | 1210 |
M. John Houston |
M. Nigel Bennett |
La présidente |
M. Nigel Bennett |
La présidente |
M. John Houston |
La présidente |
M. John Houston |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
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l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 6 juin 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0910)
[Traduction]
La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent du patrimoine canadien qui étudie l'industrie canadienne de la cinématographie.
Notre premier témoin aujourd'hui, l'Association canadienne de production de film et télévision, est représenté par Mary Sexton, de Rink Rat Productions Inc., et Paul Pope de Pope Productions Inc.
Non? Il n'est pas ici.
Du Nova Scotia College of Art and Design, nous recevons le professeur Bruce Barber, du département des beaux-arts et des arts médiatiques, et Deborah Carver, directrice administrative du développement et des projets spéciaux.
Je crois que nous allons commencer avec Mary Sexton.
Mme Mary Sexton (Rink Rat Productions Inc., Association canadienne de production de films et de télévision): Je vous prie d'excuser mon collègue Paul Pope qui n'est pas en mesure d'être des nôtres. L'heureux homme commence à filmer dans une semaine, dans le cadre d'une dramatique historique de quatre heures, une première mini-série pour la CBC.
Je profite de l'occasion pour remercier le comité d'être venu dans l'Est, et pour l'initiative qu'il a prise d'étudier le cinéma canadien et l'industrie du long métrage. Vous avez entendu mes collègues de toutes les autres régions du Canada.
Sans producteurs, le long métrage n'existerait pas au Canada. Nous pilotons un projet dès ses débuts. Il s'agit normalement d'un scénario ou d'une idée. Nous menons le projet à terme. Nous constituons l'équipe de création, nous finançons le tournage, nous faisons le film et nous le commercialisons ensuite. Il aboutit parfois sur nos écrans de cinéma, parfois non. Nous accompagnons le film jusqu'à la toute fin, ce qui signifie que, sans producteurs, il n'y a pas de film.
Il n'y a pas vraiment de gens qui gagnent de l'argent avec un long métrage au Canada. Nos homologues du Canada français, heureusement pour eux, ont une industrie bien à eux. Ils ont su se créer des débouchés. Nous nous battons contre les superproductions de Hollywood. Mais comment être concurrentiel sur un marché où nous produisons des films à 8 millions de dollars alors que leurs films à eux coûtent 80 millions de dollars? Ce que nous dépensons pour tourner nos longs métrages, c'est ce qu'ils dépensent pour commercialiser les leurs.
Vous le savez, le Canada anglais reçoit deux tiers du financement et le Canada français un tiers. Ce n'est pas équitable du tout. Au Canada, nous n'avons pas dans toutes les provinces l'argent que reçoit le Canada français pour tourner ses longs métrages... Cela revient donc à une part de 25 p. 100 pour la production.
À Terre-Neuve, tourner un long métrage est un miracle, et le faire distribuer au Canada est encore plus un miracle. À Terre-Neuve, on nous verse 20 p. 100 de nos crédits d'impôt, mais ce qui finit par arriver la plupart du temps, c'est qu'on commence avec l'idée, on y travaille, et cinq ans plus tard, lorsque le film est enfin terminé et que tout le financement est assuré, il ne reste à peu près rien pour le producteur. Le producteur est oublié, mais c'est pourtant lui le pilote du projet, et c'est lui qui est responsable sur le plan financier.
J'ai moi-même tourné un long métrage avec Rosemary House. Nous y croyions tellement que nous avons essentiellement hypothéqué nos maisons pour financer ce long métrage. Nous voulions voir ce film sur nos écrans.
Je considère que la « distribution au Canada » est un oxymoron. Je ne crois pas qu'il existe de distribution au Canada anglais pour les longs métrages.
Je dois subventionner les longs métrages que je tourne grâce à la télévision. Je produis Canadian Idol, et si je produis Canadian Idol, c'est pour gagner de l'argent afin que mon entreprise reste en vie, et pour que je puisse travailler sur des projets auxquels je tiens. Il y a maintenant huit ans que je travaille à un long métrage qui porte sur le Ocean Ranger. J'ai lancé ce projet et je veux le mener à terme, mais c'est grâce à mon autre travail que je peux continuer de faire cela. Je n'ai pas dans mon entreprise l'infrastructure qui me permettrait de soutenir des projets et d'y travailler l'un après l'autre.
Ce que je recommande au comité, c'est d'examiner sérieusement la situation du long métrage au Canada anglais. Assurez-vous que le fonds s'engage au minimum pour cinq ans pour que nous puissions soutenir le long métrage du Canada anglais et augmenter le financement, de telle manière que nous puissions avoir au moins notre juste part lorsque nous tournons des longs métrages, et ainsi nous pourrons les commercialiser et faire des profits.
De même, je crois qu'il est très important que les éléments des secteurs public et privé travaillent de concert. Quand nous travaillons, il y a deux enveloppes différentes.
Je n'ai moi-même pas eu de succès avec mon long métrage, mais je suis arrivée à le terminer et je l'ai fait entrer dans les cinémas. Il n'était pas censé entrer dans les cinémas. On m'a dit qu'il n'allait pas entrer dans les cinémas, mais mon contrat pour le téléfilm disait entre autres qu'il devait être montré dans les cinémas. Nous l'avons donc fait entrer dans les cinémas, et c'est une chose pour laquelle nous avons dû nous battre corps et âme.
Nous l'avons montré à Terre-Neuve, et on a prolongé le visionnement d'une semaine; nous l'avons montré à Toronto, et le visionnement a été prolongé d'une semaine. Je crois que si nous avions eu de l'argent pour la commercialisation—il mettait en vedette Mary Walsh et quelques acteurs locaux—, si nous avions reçu un soutien financier quelconque pour la commercialisation, ce film aurait en réalité connu du succès.
Vous devez en fait vous interroger sur la manière dont nous pouvons collaborer pour tourner des longs métrages qui seront rentables. Il est très difficile de se battre contre les superproductions d'Hollywood. Il y a quatre à cinq fois plus de films qui vont au Canada anglais qu'au Québec, il est donc très difficile de comparer les longs métrages de langue anglaise et ceux de langue française.
J'ai écouté Denise Robert. Je travaille en ce moment à un long métrage avec elle. Ils ont expliqué comment ils avaient créé leur propre marché, comment ils se sont mis à sillonner tout le Québec il y a 10 ans pour créer leurs débouchés. Comment pourrais-je, moi à Terre-Neuve, m'attaquer à tout le pays pour faire en sorte qu'on voie mon film dans les lieux les plus éloignés? Pour commencer, je n'ai pas le temps—cela me prendrait une autre année de ma vie—et ensuite, je n'ai pas les ressources pour le faire.
Je crois que nous devons vraiment travailler ensemble pour investir les fonds voulus aux bons endroits, et créer les comités qui pourront travailler ensemble et faire en sorte que les Canadiens voient leur patrimoine à l'écran et montrer nos films aux Canadiens. Nous ne sommes pas obligés de voir seulement du cinéma américain. Nous devons faire en sorte que nos propres films aient le succès qu'ils méritent.
Enfin, je trouve malheureux que la ministre du Patrimoine ait dissous le Comité sur le long métrage. Oui, ce comité avait besoin d'un peu de restructuration, mais je ne crois pas que l'abolition du comité était vraiment la chose à faire. Nous avons collaboré avec ce comité consultatif, et il était très important de maintenir cette collaboration. Malheureusement, je crois que sa dissolution envoie le mauvais message à l'industrie.
Téléfilm, ce n'est que 30 p. 100 du financement d'un long métrage, et il est donc très malheureux qu'elle ait dissous ce comité maintenant. Nous devons travailler ensemble pour créer un autre comité qui conseillera le gouvernement en matière de longs métrages. De même, Téléfilm n'est qu'un morceau du casse-tête; sa part dans un long métrage est essentiellement de 30 p. 100, et il ne subventionne pas tous les longs métrages au pays. Nous devons aussi nous interroger sur le Conseil des Arts du Canada, Téléfilm... Tous ces éléments jouent un rôle extrêmement important dans la commercialisation des longs métrages.
Je crois que j'ai terminé pour le moment.
¿ (0915)
La présidente: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre Bruce Barber et Mme Deborah Carver.
M. Bruce Barber (professeur, Département des arts médiatiques, Nova Scotia College of Arts and Design Fine & Media Arts): Bonjour, madame la présidente.
Nous sommes heureux de présenter notre mémoire au Comité du patrimoine canadien. Bienvenue à Halifax. Nous avons réussi à vous trouver du beau temps, et j'espère que vous allez aimer votre séjour dans la région, si court soit-il.
Ma collègue et moi-même vous avons envoyé les mémoires qui font état de l'intérêt du Nova Scotia College of Art and Design pour la promotion de l'industrie du long métrage au Canada. Dans nos mémoires, nous disons que l'une des pierres angulaires de la production de longs métrages est l'éducation. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que l'histoire de la production de longs métrages au Canada n'a pas toujours été heureuse. Je cite cet essai de Jill McGreal qui est paru dans l'Oxford History of World Cinema, où elle parle de la croissance et de la décroissance de l'industrie du long métrage au Canada.
Certains d'entre vous sont au courant de cela. Mes étudiants trouvent l'histoire révélatrice. Par exemple, Trenton, en Nouvelle-Écosse, accueillait autrefois l'un des studios de production les plus prometteurs des débuts du cinéma. Dans les années 20, Shipman y tournait des films muets. Cependant, ses vedettes se sont mises à émigrer graduellement vers Hollywood—Mary Pickford, Fay Wray, Walter Pidgeon et Norma Shearer. Ils ont donné le ton à la migration vers le sud pour l'avenir, migration qui se poursuit toujours.
Si vous avez regardé la télévision hier soir, vous avez peut-être vu deux grandes productions canadiennes : Going Down the Road, qui parle beaucoup de migration, et cette production magnifique sur l'explosion de Halifax à la CBC. Ces deux productions canadiennes nous font bien comprendre que ce qui se fait au Canada est très bien.
Mais la croissance et la décroissance... L'un des problèmes persistants au Canada a été le manque d'éducation dans l'industrie cinématographique. Le NSCAD offre un enseignement en cinéma et en vidéo depuis la fin des années 60. En 1968, nous avons créé le premier cours de production vidéo des collèges d'arts du Canada. Au cours des trois dernières décennies, nous avons accueilli des douzaines de cinéastes et de professeurs, parmi lesquels certains des metteurs en scène et artistes les plus éminents du temps.
Je mentionnerais de nombreux noms de jeunes metteurs en scène importants, par exemple, Tom Fitzgerald, Andrea Dorfman et Steven Reynolds. Les anciens du NSCAD ont fondé des organisations de formation cinématographique ou de production ou ont travaillé au AFCOOP, la coopérative des cinéastes de l'Atlantique, au Centre for Outtakes, au Atlantic Film Festival, à CBC, et ont créé diverses entreprises de cinéma et de vidéo dans la région. Des douzaines d'anciens du NSCAD oeuvrent dans d'autres secteurs de l'industrie, souvent à titre de membres syndiqués des équipes de tournage local et international de longs métrages; ils sont directeurs de la photographie, ingénieurs du son, techniciens, décorateurs, constructeurs peintres ou modélistes.
Depuis près de trois décennies, le NSCAD faisait tout cela sans avoir d'école de cinéma ou de programme de premier ou de second cycle en cinéma. On peut en dire autant de l'industrie musicale locale, mais c'est une autre histoire. Depuis plusieurs années, il nous est apparu évident, à moi et à mes collègues, que si nous voulions qu'une industrie du cinéma et de la vidéo, ou comme je préfère l'appeler, une culture cinématographique, prospère et grandisse dans la région de l'Atlantique, comme cela a été le cas dans les années 20, il fallait former plus de monde dans les institutions du niveau tertiaire de Halifax, en Nouvelle-Écosse, et dans toute la région des Maritimes.
Avec l'encouragement de personnes comme Ann MacKenzie de la Nova Scotia Film Development Corporation, des animateurs de l'industrie cinématographique commerciale de la Nouvelle-Écosse, et le milieu des cinéastes indépendants, et je souligne que c'est un milieu très énergique, nous avons enfin créé en 2004 notre programme de premier cycle en cinéma, 20 ans après qu'il aurait dû l'être selon bon nombre d'entre nous. Cela s'est fait en réalité près d'une décennie après que plusieurs rapports et études eurent indiqué qu'il fallait des installations mieux équipées pour le cinéma et le vidéo en Nouvelle-Écosse.
Nous exportions nos talents et nous n'édifiions pas d'infrastructure. C'est l'important message que je veux vous transmettre pour vous rappeler que l'infrastructure et l'éducation sont capitales.
Depuis quelques années, nous avons pu compter sur un grand nombre de bienfaiteurs. Nous avons eu beaucoup de chance : Alliance Atlantis Communications Inc., un des plus grands distributeurs de cinéma et de télévision du Canada—sinon le plus grand—nous a fait don d'un bâtiment historique situé au pied de la citadelle de Halifax. Vous ne pouvez pas le voir d'ici mais l'Alliance Atlantis Academy occupe un espace de 25 000 pieds carrés, avec un plateau de tournage de 3 000 pieds carrés équipé de dispositifs de réverbération acoustique, de caméras 16 millimètres et de caméras vidéo numériques perfectionnées, des salles de montage d'enregistrement numérique et analogique, du matériel d'éclairage et d'autre matériel de plateau.
Nous avons jusqu'à présent eu deux promotions de diplômés titulaires du baccalauréat spécialisé en cinéma. Selon moi, c'est un franc succès. La dernière présentation de fin de semestre des étudiants, en avril, comprenait 31 films produits à tous les niveaux du programme, et certains d'entre eux ont été choisis pour être présentés dans des festivals du film un peu partout au pays. Cette année, nous avons aussi accepté une première inscription à notre programme d'études supérieures en cinéma. Cet étudiant produit actuellement des films et enseigne le cinéma d'animation au Yukon. Nous avons également deux autres étudiants aux études supérieures, un qui arrivera d'Inde et l'autre de Belfast, en Irlande du Nord, deux vidéastes et cinéastes temporels.
Selon moi, c'est un franc succès. Par ailleurs, il y a le programme des études interuniversitaires en cinéma, pour l'étude de l'histoire, de la théorie et de la critique de film. En 1997, l'Université NSCAD a participé à la création d'un programme interuniversitaire avec mineure en cinéma qui a produit son premier diplômé en 2001. Depuis, il y a eu plusieurs diplômés de ce programme, dont certains sont allés faire ensuite des études supérieures en cinéma ou sont actuellement en train de tourner des films ou d'écrire des critiques de film et de télévision.
Le programme offre actuellement 20 cours, des cours d'introduction aux cours avancés, donnés par 17 membres du personnel enseignant de quatre universités. Le succès du programme a encouragé l'Université NSCAD et l'a incitée à présenter en 2004 une demande au programme des chaires de recherche du Canada en vue d'obtenir la création d'une chaire de recherche en études contemporaines sur le cinéma et les médias ici même. Sa demande a été retenue et nous avons hâte d'accueillir Darrell Varga, qui viendra de l'Université Brock assumer son poste à l'Université NSCAD. Il sera également le président du Comité interuniversitaire d'études cinématographiques. La présidence du comité suit une rotation entre les quatre établissements participants. D'ici quelques années, nous aurons un programme d'études supérieures en cinéma comme corollaire de notre programme de maîtrise en production cinématographique.
Nos programmes d'enseignement de la production et d'études cinématographiques sont offerts depuis relativement peu de temps. Nous avons réussi à les créer avec des ressources limitées, mais ils sont tous deux nettement sous-financés et restent donc vulnérables aux fluctuations du financement institutionnel.
On a souvent reconnu que la production de longs métrages, la présentation et la distribution formaient un processus multidisciplinaire exigeant de gros capitaux caractérisé par une extrême division du travail. La réalisation de longs métrages a un appétit gargantuesque d'artistes, de techniciens et d'artisans de talent oeuvrant dans une foule de spécialités, des comédiens aux gardiens de zoo. Le Canada compte à l'heure actuelle 44 établissements offrant des programmes d'études en cinéma et en vidéo, dont neuf dans les Maritimes. Je signale que tous ces programmes sont vulnérables en raison du manque de financement. Certaines écoles ont un nom mais il arrive que seuls deux ou trois cours soient offerts, alors que d'autres écoles en offrent davantage. Assurément, NSCAD est l'une des écoles centrales, offrant un diplôme de premier cycle et un diplôme d'études supérieures et ses diplômés peuvent faire du long métrage, indépendant, et des films d'expérimentation, le cas échéant.
¿ (0925)
Ces 44 écoles offrent typiquement de la formation dans les spécialités de prestige (la mise en scène, la production, la scénarisation, la prise de vue et le montage) et dans les spécialités techniques (l'alimentation électrique pour la prise de vue, le son, le montage, la conception de décors, l'éclairage, la scénographie, la menuiserie, le maquillage et la coiffure). Certaines écoles incluent dans leurs programmes des cours d'interprétation pour le cinéma et la télévision ou offrent une formation spécialisée en animation numérique, avec effets spéciaux de maquillage et en prothèses, en sculptures de grandes dimensions, en conception de créatures imaginaires, en production d'armures, d'armes et de miniatures et en fabrication d'accessoires, montage d'étalages et réalisation de costumes. Dans certains cas, rien de tout cela n'est enseigné. Dans d'autres, c'est enseigné de façon limitée.
Les grandes écoles d'art comme l'Université NSCAD qui ont des programmes bien établis de beaux-arts et d'arts médiatiques, d'artisanat et de design offrent en général à leurs étudiants des connaissances dans beaucoup de ces domaines, mais la formation spécialisée pour des projets de films donnés est souvent offerte par l'industrie elle-même. Nous reconnaissons qu'une culture cinématographique dynamique établie dans une collectivité peut devenir un laboratoire de développement d'aptitudes précises que l'on peut acquérir pour ensuite devenir partie intégrante de l'industrie du cinéma et enfin être reprises par les établissements d'enseignement.
Avant de donner la parole à ma collègue Deborah, j'ajouterais qu'il y a un certain temps, avant de présenter mon mémoire, j'ai fait une recherche dans la banque de données de films sur Internet, IMDb, qui ne m'a pas rempli d'orgueil quant au nombre de résultats concernant les films canadiens. Par exemple, si l'on compare la Nouvelle-Zélande, qui est mon pays d'origine, et le Canada, on trouve sous « Nouvelle-Zélande » 855 titres. Si on remplace « Nouvelle-Zélande » par « Canada »—et je n'ai pas vérifié pour « Québec »—on ne trouve que 19 ou 20 titres.
Dans un autre site, filmmaking.net, on constate que la Nouvelle-Zélande a 18 écoles de cinéma et d'arts médiatiques, alors que le Canada en a 42, à vrai dire 44. La Nouvelle-Zélande représente le dixième de la population—compte tenu de quelque millions de moutons—mais il n'y a pas de quoi nous asseoir sur nos lauriers. En fait, la situation serait peut-être alarmante.
Optimistes comme pessimistes diront sûrement que nous avons peu de productions recensées sur Internet parce qu'elles sont absorbées dans l'infrastructure américaine. Nous sommes une unité d'exploitation américaine, essentiellement, pour l'industrie hollywoodienne du film. D'autres vous diront que Hollywood est géré par des Canadiens expatriés. Pas sûre.
Je donne maintenant la parole à ma collègue Deborah qui poursuivra. Je ferai ensuite des recommandations précises.
¿ (0930)
Mme Deborah Carver (directrice générale, Développement et projets spéciaux, Nova Scotia College of Arts and Design Fine & Media Arts): Je vous remercie, Bruce.
En guise d'entrée en matière, et après le professeur Barber, j'aimerais moi aussi préciser que le Nova Scotia College of Art and Design s'apprête à lancer un programme de deuxième cycle en cinéma, qui accueillera une classe au complet à partir de septembre 2006. Ce qu'il y a d'inhabituel dans ce nouveau programme, même par rapport à ce qui se passe ailleurs au Canada, c'est qu'il se concentre sur la production commerciale. Cela signifie qu'après deux ans d'études, l'étudiant qui l'aura suivi aura acquis les compétences nécessaires à la production de films qui pourront avoir une diffusion commerciale. Ainsi que le disait aussi Bruce, nous avons déjà obtenu l'appui de Communications Alliance Atlantis, qui nous a fait don d'un immeuble et a prêté son nom au programme.
Nous félicitons le gouvernement de sa politique à l'égard du long métrage, qui cherche à répondre aux besoins de cette industrie en soutenant l'élaboration, la production et la commercialisation. Cela dit, j'ai fait miennes les remarques très senties de Mary au sujet des améliorations à y apporter. Quoi qu'il en soit, la politique actuelle d'appui au long métrage tient également compte du perfectionnement professionnel. Cela permet aux films canadiens d'atteindre un public plus vaste.
Toutefois, cette même politique ne fournit de l'aide qu'au cas par cas, à un long métrage à la fois. Elle est donc tributaire de projets, et partant, a été quelque peu entravée lorsqu'il s'agissait de résoudre les problèmes soulevés par Mary. Elle cherche plutôt à accorder un complément d'argent aux sommes fournies par des bailleurs de fonds privés, des diffuseurs et des distributeurs. À notre avis, on pourrait étoffer davantage son volet formation, car l'industrie a en permanence besoin de jeunes professionnels doués afin d'assurer sa pérennité au Canada. Or, seul le gouvernement est en mesure d'assumer une telle fonction. Les autres bailleurs de fonds, distributeurs, diffuseurs et investisseurs se concentrent tout naturellement sur des projets qui leur paraissent avantageux plutôt que d'investir de façon systémique. Seul un gouvernement peut adopter une perspective à long terme. Par conséquent, nous encourageons votre comité à étudier les besoins de l'industrie en fait d'infrastructure de formation.
Nous appuyons le programme national de formation en cinéma et en vidéo dans sa forme actuelle. Vous n'ignorez sans doute pas qu'il s'articule avec un certain nombre d'écoles nationales de formation, et dans une moindre mesure, avec diverses coopératives régionales. On pourrait cependant rehausser de beaucoup cette forme d'aide, en l'élargissant aux universités, car ces dernières peuvent offrir une très bonne formation professionnelle de base. N'oublions pas que les universités sont des institutions inscrites dans la longue durée et qu'elles sont très accessibles. Elles ne coûtent pas non plus très cher et accordent beaucoup d'importance à l'interdisciplinarité. Elles sont résolument engagées dans la recherche et l'innovation, et elles comprennent les liens entre ces dernières et le développement économique.
De plus, les universités tiennent en général à protéger les droits de propriété intellectuelle des créateurs. Or, c'est justement un aspect important de la formation cinématographique.
Enfin, récemment, et surtout dans notre région, les universités sont de véritables locomotives d'immigration. Nous ne devons pas nous contenter de développer nos talents d'ici, mais aussi d'en attirer de nouveaux à demeurer au Canada, et les universités font très bien cela. En appuyant seulement les quatre écoles nationales de formation et les coopératives de média, le programme ne répond pas suffisamment aux besoins de formation des cinéastes canadiens, et le Canada pourrait en sortir appauvri.
Les programmes universitaires en cinéma attirent l'attention sur le côté artistique de l'industrie cinématographique, mais aussi sur le métier. Afin que nous disposions d'une politique nationale du cinéma complète, nous proposons donc de l'élargir, de manière à inclure les établissements d'enseignement postsecondaire, et à donner un appui direct aux étudiants, sous la forme de bourses et de stages. Ce genre d'initiative convient tout à fait de la part du gouvernement fédéral, sans qu'il y ait empiètement sur la compétence provinciale en éducation. La politique pourrait aussi soutenir les centres d'excellence universitaires là où on enseigne le cinéma.
¿ (0935)
Nous estimons également que le ministère du Patrimoine canadien veut s’arrimer à la stratégie d’innovation du Canada afin d’appuyer le développement du secteur de la cinématographie et d’en faire un pivot susceptible de renforcer cette stratégie même. En fait, le ministère du Patrimoine canadien devrait intégrer tout à fait le cinéma et la culture en général à la stratégie d’innovation, par le truchement du Programme des chaires de recherches du Canada et de la Fondation canadienne pour l’innovation, où les industries culturelles sont largement sous-représentées. Un appui systématique plus étoffé favorisera l’avènement d’une nouvelle génération de cinéastes canadiens doués et bien formés.
M. Bruce Barber: Je vous remercie, Deborah.
J’aimerais renforcer ce que j’ai déjà dit au moyen de cinq recommandations, auxquelles nous aimerions que le comité réfléchisse, pour soutenir les trois dernières recommandations de Deborah.
En premier lieu, il faut augmenter le soutien actuel au programme d’éducation en cinéma—y compris les études cinématographiques—et le arts médiatiques, pas nécessairement afin qu’on ouvre davantage d’écoles de cinéma ou qu’on lance d’autres programmes de cinéma, mais afin que les écoles et les programmes actuels reçoivent une aide financière constante, à la fois du gouvernement fédéral et des provinces, et afin que ces programmes qui mènent à des diplômes et des certificats demeurent forts et s’accroissent. Bon nombre de cinéastes n’ont pas fait leur apprentissage dans des écoles de cinéma. On a qu’à regarder l’histoire du cinéma pour se rendre compte que des gens comme Peter Greenaway, David Lynch ou Jane Campion, ou même Alfred Hitchcock, ou encore Fritz Lang, ont commencé par étudier les arts. Bon nombre d’entre eux ont d’ailleurs d’abord été peintres. Je pourrais vous en nommer une centaine de ces gens qui sont devenus des réalisateurs de cinéma éminents, et bon nombre d’entre eux ne sont pas passés par les écoles de formation cinématographique.
Cela dit, il faut toujours garder à l’esprit que la formation est un puissant catalyseur de la production. Étant donné que le cinéma est une activité en soi très multidisciplinaire, comportant une certaine répartition entre certains corps de métier, et que le long métrage en particulier crée la possibilité de tirer parti de centaine d’aptitudes et de compétences, bon nombre de ces programmes pourraient développer certaines de ces aptitudes sinon toutes.
À notre avis, le soutien financier au programme est probablement ce qu’un gouvernement, qu’il soit provincial, local ou fédéral, puisse faire de plus important. Il peut aussi le faire de diverses manières—ainsi que Deborah le proposait, en ciblant les sommes à l’éducation médiatique et cinématographique dans des centres d’excellence réputés. À l’heure actuelle, la plupart des subventions semblent aller à des institutions de l’Ontario dont je tairai le nom.
Nous recommandons qu’on augmente l’aide financière aux programmes d’apprentissage cinématographique dans les établissements de niveau tertiaire et les collègues communautaires de toute la région. Il est d’ailleurs malheureux que nos collèges communautaires ne soient pas représentés ici. Il devrait même y avoir au moins 30 ou 40 personnes de plus dans la salle. J’ignore pourquoi elles ne sont pas ici. Quoi qu’il en soit, j’ai assisté à des séances d’information semblables au Conseil des Arts du Canada et au Conseil de recherches en sciences humaines au fil des ans, et d’habitude il y avait de 50 à 60 personnes présentes, tout au moins ici à Halifax. Je ne comprends pas pourquoi les choses ne sont pas ainsi aujourd’hui.
En troisième lieu—et ici le gouvernement est vraiment le seul à pouvoir intervenir—, nous recommandons d’augmenter les possibilités de perfectionnement professionnel des deuxième et troisième cycles et à mi-carrière grâce à des investissements dans le développement. Le gouvernement peut y participer, mais j’ajoute que le secteur privé et les établissements le peuvent aussi.
En quatrième lieu, lorsqu’on demande de l’aide des programmes fédéraux, nous recommandons que le gouvernement accorde des encouragements fiscaux qui tiennent compte des programmes couronnés de succès et des résultats des centres d’excellence.
Notre dernière recommandation, qui n’est pas la moindre, est d’examiner le système de points d’appréciation de l’immigration—et je sais qu’il relève à la fois du fédéral et du provincial—afin de modifier les politiques canadiennes de sorte à attirer davantage de professionnels et d’artisans du film et de la télévision d’autres pays, et de reconnaître nos expatriés comme des cols d’or, comme on le fait en Australie et en Nouvelle-Zélande. J’entends par-là qu’il faut reconnaître qu’ils ne quittent pas le pays et aussi qu'ils reviennent.
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Norman Jewison est l'exemple parfait du col d'or. C'est un expatrié qui fait profiter le Canada, dans une large mesure, des fruits de son succès à l'étranger. Ça se fait ailleurs, c'est-à-dire qu'li y a d'autres pays qui essaient d'attirer et de cibler des groupes de personnes particuliers par le biais de leurs politiques d'immigration.
Pour ce qui est de notre politique d'immigration qui repose sur un système de points, on n'accorde pas beaucoup d'importance à l'industrie cinématographique ou aux compétences techniques. En effet, le système est plutôt axé sur le capital et la famille. C'est sans doute une bonne chose. Mais peut-être faudrait-il cibler les citoyens multinationaux talentueux, qui ont tendance à parcourir le monde, en vantant les mérites du Canada comme destination de choix.
Bien évidemment, il y a maintenant le problème des périmètres de sécurité, etc. qui se pose. Et on pourrait certainement débattre de la question pendant très longtemps. De toute façon, vous êtes sûrement au courant des inquiétudes soulevées par rapport à une politique d'immigration qui serait à ce prix. Mais il est tout de même important de se rappeler que ça se fait ailleurs. En effet, en Australie et en Nouvelle-Zélande, l'immigration a joué un rôle clé dans la croissance de l'industrie cinématographique.
Je m'en tiendrai à cela. Il ne me reste qu'à vous remercier de l'attention que vous avez consacrée à notre association.
Merci.
La présidente: Merci infiniment à vous deux.
Nous allons maintenant passer à notre prochain témoin, Mme Ann MacKenzie de la Nova Scotia Film Development Corporation.
Mme Ann MacKenzie (directrice générale, Nova Scotia Film Development Corporation): Merci beaucoup.
Je comparais aujourd'hui non seulement à titre de directrice générale de la Nova Scotia Film Development Corporation, mais également en ma qualité de présidente de l'organisme Atlantic Canada Film Partners, qui représente les trois autres organismes de financement de l'industrie cinématographique et télévisuelle du Canada atlantique, c'est-à-dire de Terre-Neuve-et-Labrador, du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard. Vous trouverez en annexe du mémoire que j'ai déposé des lettres d'appui émanant de chacune de ces organisations.
Dans notre mémoire, nous abordons et les longs métrages et les productions télévisuelles parce que, comme l'a dit Mary plus tôt, la plupart des cinéastes canadiens travaillent dans les deux secteurs, et ce, parce qu'ils y sont contraints.
Vous trouverez dans notre mémoire quatre grandes recommandations qui portent sur des points essentiels. Je vais les passer en revue, ou plutôt j'en ferai un survol pour ensuite traiter des points saillants de notre document très rapidement.
À notre avis, quatre dossiers méritent notre attention. Premièrement, il nous faut une politique cinématographique exhaustive et intégrée qui puisse guider la croissance culturelle, industrielle et économique et le développement du secteur. D'ailleurs, une telle politique existe pour beaucoup d'autres secteurs au Canada, mais pas pour l'industrie cinématographique ou télévisuelle. Il existe beaucoup de programmes, beaucoup de lois et beaucoup d'organismes, mais ils ne fonctionnent pas toujours de façon complémentaire. Ils ne visent pas toujours les mêmes objectifs et, des fois, on constate un certain dédoublement. C'est très inefficace.
La plus importante de nos recommandations reflète ce qu'on ne cesse de dire et dans le Canada atlantique et dans les provinces de l'Ouest : il faut que toutes les régions du Canada aient un accès égal au financement et aux programmes fédéraux. Ce n'est pas ce qui se passe actuellement.
La distribution, la commercialisation et la promotion de longs métrages sont embryonnaires. Si nous voulons améliorer le sort de l'industrie des longs métrages, il faudra corriger le tir.
Pour que nous puissions réaliser des films exportables, il est essentiel que beaucoup des programmes fédéraux permettent davantage de souplesse ou de souplesse créative.
Permettez-moi de vous dire quelques mots sur la Nova Scotia Film Development Corporation ainsi que sur les cinéastes néo-écossais, question de mieux situer le débat. Notre organisme est une société d'État provinciale. Nous offrons divers programmes qui visent à faire croître l'industrie cinématographique et télévisuelle. En effet, si on prend en compte l'aide directe et les crédits d'impôt, nous injectons, en contributions directes, de 15 à 20 millions de dollars dans l'industrie cinématographique néo-écossaise. Depuis sept ans déjà, la Nouvelle-Écosse est le quatrième centre de production à l'échelle du pays. Dans notre mémoire, nous parlons de six ans, mais en réalité il s'agit plutôt de sept ans. Nous venons tout juste de terminer de compiler les données pour l'année se terminant le 31 mars 2004 et nous avons à nouveau dépassé les 100 millions de dollars. Notre industrie cinématographique a une caractéristique intéressante : nous avons le plus haut pourcentage de productions cinématographiques créées par des cinéastes locaux. C'est un facteur très important parce que c'est ainsi qu'on peut raconter ses propres histoires. Ça permet également d'assurer que les recettes relatives à la propriété intellectuelle sont réinvesties dans la province. Les cinéastes néo-écossais créent systématiquement de 55 à 65 p. 100 de l'ensemble des productions et en sont propriétaires des droits.
Permettez-moi maintenant de lire quelques extraits de mon mémoire qui illustrent le travail qui se fait en Nouvelle-Écosse et le talent qui s'y retrouve. Ça permettra de mettre les choses en contexte. Rappelez-vous que la Nouvelle-Écosse, ce n'est qu'une partie du Canada atlantique. En effet, il y a des cinéastes à Terre-Neuve et dans les autres provinces de l'Atlantique qui sont tout aussi connus et talentueux.
Vous avez sans doute tous entendu parler de la série culte Trailer Park Boys, qui a remporté le Prix Gémeaux dans la catégorie meilleure comédie ou série en 2004. Les créateurs collaborent actuellement avec le réputé réalisateur Ivan Reitman sur un long métrage dont le tournage débutera le 27 juin.
La populaire série réalisée en animation image par image Poko a récemment été qualifiée d'émission pour enfants la plus populaire sur tous les réseaux au Canada, y compris les réseaux américains. Le producteur de cette émission, Michael Donovan, a également connu du succès à la remise des Prix Gémeaux de 2004 recevant le prix du meilleur programme ou série pour enfants avec Poko et six prix pour Shattered City: The Halifax Explosion. M. Donovan a également remporté un Oscar en 2002 comme réalisateur du film Bowling for Columbine de Michael Moore. Ces prix s'ajoutent à la liste des Prix Gémeaux qu'il a remportés pour des émissions populaires comme Codco, This Hour Has 22 Minutes, Made in Canada et bien d'autres.
Les producteurs Wayne Grigsby et David MacLeod de Big Motion Pictures, créent continuellement des émissions dramatiques de haute valeur et primées, notamment Blessed Stranger: After Flight 111, Trudeau, Sleep Murder, Sex Traffic et Trudeau: The Early Years. Wayne a été reconnu pour ses travaux en recevant le prestigieux prix Margaret Collier à la soirée des Gémeaux en 2004.
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Collideascope Digital Productions est producteur d'animation et interactif très réputé. Sa série originale, Olliver's Adventures, a remporté le Gémeaux du meilleur programme ou de la meilleure série animée en 2000. En février 2005, les cofondateurs de l'entreprise, Steven Comeau et Michael-Andreas Kuttner, ont reçu le prix de l'entrepreneur de l'année décerné par l'ACPFT pour leurs réalisations et modèles commerciaux innovateurs.
Le producteur de longs métrages Christopher Zimmer de Communications imX a créé de nombreux longs métrages acclamés comme Margaret's Museum, Love and Death on Long Island, New Waterford Girl et le récent film d'Edward Burns intitulé The River King, qui commencera sans doute sa tournée des festivals en septembre 2005. Le producteur-réalisateur local Paul Donovan a créé la série culte de science-fiction Lexx et a récemment filmé en haute définition un drame sur Rodrigo Borgia intitulé Le Conclave, qui devrait paraître dans les cinémas.
Lesley Ann Patten de Ziji Film and Television Production crée sans cesse des documentaires irrésistibles qui captent l'intérêt international. Elle a remporté de nombreux prix, y compris Words of My Perfect Teacher et Loyalties. Le cinéaste local Tom Fitzgerald a connu des succès au guichet et aux festivals avec ses oeuvres qui comprennent notamment The Hanging Garden, The Event, Wild Dogs et sa production actuelle, 3 Needles, devrait être diffusée en septembre 2005. C'est un film exceptionnel dans lequel on retrouve les stars Lucy Lu, Sandra Oh et Olympia Dukakis; j'ai eu l'occasion d'en voir l'épreuve. Tom est un véritable génie du cinéma.
La productrice Camelia Frieberg et le réalisateur Daniel MacIvor ont collaboré sur plusieurs longs métrages réussis, y compris Wilby Wonderful, qui a été projeté à l'occasion de plusieurs festivals et a reçu des prix partout dans le monde, et A Whole New Thing,leur long métrage le plus récent, qui a été présélectionné pour le Festival du film de Cannes de 2005.
Les producteurs de la Nouvelle-Écosse ont également connu du succès dans les marchés à créneau. Arcadia Entertainment et Eco-Nova Productions ont excellé dans des séries télévisuelles avec des thèmes sous-marins. La série Marine Machines d'Arcadia, sortie en janvier 2005 sur History Canada, a obtenu des cotes d'écoute qui ont doublé le nombre de téléspectateurs moyen du réseau, y compris le nombre de téléspectateurs des émissions américaines qu'il diffuse, et a obtenu la cote d'écoute la plus élevée sur les canaux internationaux de National Geographic lors de sa sortie en février.
La série de documentaires Sea Hunters et Oceans of Mystery d'Eco-Nova continuent d'être diffusée à la télévision et dans les musées de plus de 150 pays. Les séries télévisées sur la cuisine d'Ocean Entertainment comme Chef at Home, Chef at Large, The Food Hunter et The Inn Chef attirent de l'auditoire sur Food Network au Canada et aux États-Unis, et Life Network. De plus, Red Star Films et Road House Films continuent de faire connaître la Nouvelle-Écosse avec leurs documentaires sur les OVNI.
Ces réalisations ne représentent qu'un échantillon de cinéastes et de leurs travaux produits en Nouvelle-Écosse. Rien qu'en 2004, les cinéastes de la Nouvelle-Écosse ont été mis en nomination pour un total de 40 prix Gémeaux et en ont reçu 18.
Il faut que le reste du monde voie ces oeuvres parce qu'elles racontent qui sont les habitants de la Nouvelle-Écosse. Les cinéastes représentent des voix et des opinions qui doivent être entendues; non pas parce que nous provenons d'une région mais parce que nous avons quelque chose de valable à dire que les autres Canadiens reconnaîtront, apprécieront et auxquelles ils s'identifieront. Nos histoires contribuent à la mosaïque créative du pays et le monde est meilleur depuis qu'elles ont été entendues.
Si les importantes réalisations de cinéastes de la Nouvelle-Écosse sont le résultat direct de leur talent, ce n'est pas par hasard qu'en plus du gouvernement provincial qui offre un appui très important, des bureaux régionaux permanents de Téléfilm Canada, de Radio-Canada et de l'Office national du film du Canada se trouvent en Nouvelle-Écosse. Tout examen de la politique cinématographique actuelle et de la structure et de l'efficacité des mécanismes de soutien existants, directs et indirects, doit reconnaître l'importance de ces institutions dans une région comme la Nouvelle-Écosse.
Je vais maintenant vous parler brièvement de la politique cinématographique et de ses objectifs. Tout d'abord, je dirais que pour nous, le Fonds de financement des longs métrages est très important. C'est un fonds qui a beaucoup aidé l'industrie et qui l'aidera encore plus au fur et à mesure qu'on y apporte des améliorations. Si notre objectif est de former et de garder les créateurs talentueux, il faudra qu'on encourage le talent et qu'on s'intéresse au développement. Il faut que les jeunes cinéastes puissent avoir accès au programme plus facilement, programme qui doit être plus transparent et moins complexe, moins bureaucratique.
Au Canada, on accorde trop de nos ressources à un petit groupe sélect de réalisateurs réputés. Il faut maintenant que la nouvelle génération ait accès à ce financement. Après tout, les bons longs métrages ne sont au départ que des idées et un scénario. Il est important que les scénaristes et les réalisateurs aient accès aux fonds qui existent déjà et à ceux qui seront créés. Nous estimons d'autre part qu'il faudrait mettre l'accent sur la sensibilisation et créer un système pour les longs métrages documentaires et un fonds pour encourager les productions numériques.
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Pour ce qui est du rayonnement, il existe à l’extérieur du Québec d’importantes communautés de langue française. Il y en a, par exemple, en Nouvelle-Écosse. Les collectivités autochtones qui n’ont pas déjà par le passé eu accès à du financement fédéral se retrouvent dans la même situation. Il faut qu’on fasse quelque chose pour que toutes régions du Canada aient accès à ces fonds.
On constate depuis peu qu’il y a de plus en plus d’appétit pour les documentaires de longue durée, comme en témoigne le succès qu’ont connu Bowling for Columbine, Fahrenheit 9/11, The Corporation et Spellbound.Nous pensons donc qu’il faudrait établir des fonds consacrés à ce type de documentaires. Le public en raffole et le Canada crée depuis longtemps des documentaires prenant et primés. C’est pour nous l’occasion rêvée de briller.
À notre avis, c’est au niveau de la qualité et de la diversité des films canadiens qu’on pourra vraiment travailler. Pour ce faire, il faudra que du financement soit débloqué et que les budgets de production augmentent. Pour le moment, au Canada, il existe des fonds limités et beaucoup de demandeurs. Souvent, les réalisateurs doivent se tourner vers l’extérieur pour obtenir leur financement. Ils doivent faire des coproductions. Mais, en raison de la complexité du système d’administration des coproductions, au bout du compte une grande partie de l’argent recueilli grâce à la coproduction sert à payer les coûts juridiques et d’exploration au lieu d’accroître la valeur de production, c’est à dire l’objectif premier. Il est donc impératif que le système d’administration des coproductions soit simplifié, et au niveau du crédit d’impôt et au niveau de l’aide directe.
Nous estimons qu’il faut garantir et protéger l’accès régional. Les régions comme le Canada atlantique et les provinces de l’Ouest doivent bénéficier d’un accès équitable aux fonds du fédéral. En outre, il conviendrait d’obliger les organismes subventionnés par le fédéral à soutenir ces régions et à surveiller le respect de cette obligation. Bien souvent, les décisions prises au sein des organismes subventionnés par le fédéral comme Téléfilm Canada et le Fonds canadien de télévision causent de préjudices importants aux régions. En effet, Téléfilm Canada a récemment rendu une décision qui aura des répercussions négatives importantes sur le Festival du film de l'Atlantique, qui célèbre cette année son 50e non, désolé, son 25e anniversaire. Je suis un petit peu trop optimiste.
Ce 25e anniversaire est une date importante pour le festival. Téléfilm Canada a permis, ou plutôt demandé qu’on change les dates du nouveau festival du film de Montréal qui s’appelle Le Festival international du film de Montréal parce qu’il y avait conflit avec le Festival du nouveau cinéma de Montréal. Mais les nouvelles dates proposées par le festival entrent en conflit avec celles du Festival du film de l’Atlantique, et pourtant Téléfilm les a acceptées. Voilà qui illustre mes propos. Il ne fallait surtout pas que les dates du nouveau festival entrent en conflit avec celles d’un énième festival du film de Montréal, mais la concomitance du Festival de Montréal et de celui de l’Atlantique, ça ne dérange personne. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Les gens ne pourront aller qu’à un festival. Ça, ça veut dire que pour marquer son 25e anniversaire, le Festival du film de l’Atlantique va devoir concurrencer un autre festival, ce qui ne s’est jamais produit.
La composante relative à la sélection nécessaire pour assurer l’accès aux fonds des petits producteurs et cinéastes régionaux. Nous recommandons de monter et de maintenir des niveaux de financement appropriés pour la composante relative à la sélection. Tout effort visant à augmenter rapidement les parts réservées à la composante relative au rendement de son niveau actuel de 24 p. 100 jusqu’à l’objectif déclaré par Téléfilm de 75 p. 100 pourrait avoir un effet néfaste sur nos producteurs. Nous pensons qu’il faudra, dans le cadre de ces programmes, s’intéresser à nouveau au centre de recrutement pour les organisateurs.
Pour ce qui est d’acquérir de plus vastes auditoires au Canada et à l’étranger, nous ne sommes pas les seuls à constater qu’il existe un grave manque d’expertise au chapitre de la distribution, de la commercialisation et de la promotion au Canada. Il devrait s’agir de l’une des grandes priorités de l’industrie cinématographique canadienne. L’absence de distributeurs qualifiés disposant de ressources appropriées pour soutenir les films canadiens demeure une source constante de frustration pour les producteurs. Nous recommandons un examen approfondi des distributeurs canadiens et de leur rendement.
De plus, dans le cadre d’un effort visant à résoudre certains de ces enjeux, nous recommandons que les distributeurs non canadiens puissent distribuer des films canadiens. La distribution est une industrie concurrentielle; si un distributeur international américain ou d’un autre pays est prêt à engager des ressources en vue de mettre en marché un film canadien, ça devrait être permis.
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Les télédiffuseurs occupent une position privilégiée dans l'industrie et on devrait les inviter à contribuer à l'industrie d'une façon plus tangible qu'ils ne le font actuellement dans les secteurs de la commercialisation et de la promotion. Nous recommandons la création d'un fonds destiné à aider les producteurs à avoir accès aux marchés, à établir des rapports avec les radiodiffuseurs et les distributeurs et à se familiariser avec les secteurs grâce à des fréquentations de ces marchés.
L'un des secteurs négligés mais qui joue un rôle important dans l'industrie du long métrage est la projection. À l'heure actuelle, aucun incitatif à la projection de films canadiens n'est prévu à l'intention des exploitants; la plupart du temps, ils sont confrontés à une intimidation intense de la part des exploitants américains majeurs en vue de projeter des films américains dans les salles de cinéma au lieu des films canadiens. Étant donné que les exploitants sont des entreprises privées et qu'ils attirent un plus grand auditoire en présentant des films américains, ils trouvent peu d'avantages à projeter des films canadiens.
Il faudra trouver de nouvelles façons d'inciter les exploitants. L'imposition de quotas étant une solution controversée, il conviendra peut-être de prélever des droits qui seraient versés dans le but d'encourager le développement et la mise en marché de films canadiens.
Nous avons ensuite toute une rubrique consacrée à la préservation et à la dissémination de notre collection de films canadiens, mais je n'en parlerai pas.
Figurent ensuite des commentaires sur les mécanismes de soutien direct et indirect, à commencer par Téléfilm. Tout d'abord, le Fonds de financement des longs métrages canadiens est essentiel à la réussite de l'industrie et nécessaire pour amasser des fonds provenant du secteur privé et du gouvernement provincial. Nous sommes fortement en faveur du maintien ou de la hausse du niveau de financement actuel du Fonds de financement des longs métrages canadiens. Ce que nous conseillons, toutefois, c'est que Téléfilm intervienne moins dans les éléments créatifs de ses productions, en particulier à leur développement. Moins d'interférence dans le développement et les aspects créatifs d'un film permettra de l'aligner davantage sur le marché et favorisera son succès commercial. Un scénariste canadien peut raconter une histoire non canadienne néanmoins empreinte de sa perspective canadienne unique.
Nous ne pouvons souligner suffisamment l'importance du bureau régional de Téléfilm dans le Canada atlantique pour la poursuite du succès de notre industrie.
Nous recommandons également que Téléfilm participe davantage aux activités de mise en marché et de distribution des films. Il doit faire preuve de plus d'intransigeance en tenant les distributeurs responsables des plans de mise en marché et de leurs engagements relatifs aux sorties dans les salles de cinéma.
Nous désirons également exprimer notre appui pour les récents efforts de collaboration de Téléfilm avec d'autres organismes fédéraux et provinciaux, notamment en ce qui concerne le pavillon du Canada.
En ce qui concerne le Fonds canadien de télévision, nous reconnaissons qu'il s'agit d'une composante essentielle du système de diffusion canadien et doit recevoir un financement stable et à long terme. Il doit toutefois garantir aux producteurs de toutes les régions du pays un accès juste et équitable à ces fonds, ce qui n'est pas le cas.
Au cours des trois dernières années, depuis l'élimination de la prime régionale et l'établissement d'enveloppes des télédiffuseurs du FCT, l'accès de la Nouvelle-Écosse au fonds a considérablement diminué malgré le talent remarquable et l'expérience de nos producteurs, dont je viens de vous donner une idée. La part de la Nouvelle-Écosse du financement du FCT pendant cette période est passée de 8,7 p. 100 à 5,6 p. 100, soit de 5,8 millions à 3,8 millions, et le nombre de projets est passé de 16 à 11.
Comme les chiffres l'indiquent clairement, l'accès de la Nouvelle-Écosse à ces fonds a décliné alors qu'au cours de la même période, dans la région de Toronto, en Ontario, l'accès est passé de 39,7 p. 100 à 47,8 p. 100 et à Montréal, au Québec, de 12,6 à 17,2 p. 100. Nous sommes d'avis que les régions du pays ne reçoivent pas leur juste part des fonds du FCT. Ces résultats ne sont pas acceptables et nous recommandons que des mesures immédiates soient prises pour corriger la situation.
Nous proposons plusieurs solutions et peut-être en existe-t-il d'autres. D'abord, pour ce qui est des critères, actuellement à peine 10 p. 100 est accordé à la production régionale; nous recommandons que le facteur passe à 25 p. 100. En ce qui concerne les dramatiques de langue anglaise, nous recommandons que 50 p. 100 des réserves disponibles aillent à la production régionale et que soit rétablie la prime régionale de 5 p. 100 sous le volet de l'enveloppe de rendement du télédiffuseur et sous le volet des dramatiques de langue anglaise afin d'obtenir des suppléments de droit de diffusion pour les productions régionales.
Nous sommes d'avis qu'une cible globale pour la répartition des fonds entre les régions et l'Ontario et le Québec devrait être de 50 p. 100 pour l'Ontario et le Québec ensemble et 50 p. 100 pour l'ensemble des autres régions du pays.
Nous recommandons que le comité permanent étudie des façons d'administrer plus efficacement Téléfilm et le FCT et que tout dédoublement administratif soit éliminé.
À (1000)
Nous croyons que les fonds de 7,5 millions de dollars destinés aux longs métrages actuellement administrés par le Fonds canadien de télévision au moyen de son supplément de droits de diffusion devrait être administré par Téléfilm afin de simplifier le processus et de réduire les chinoiseries administratives, la confusion et le dédoublement.
Dans le cas de l'Office national du film, nous recommandons une meilleure collaboration entre l'ONF et les autres organismes de financement et les producteurs indépendants. La distribution étant ce qu'elle est au pays, nous estimons que l'ONF, grâce à son réseau de distribution, est tout désignée pour aider le long métrage canadien s'il travaille étroitement avec les producteurs indépendants. Selon nous, l'ONF devrait avoir pour mandat de collaborer avec les cinéastes canadiens pour leur offrir des conditions justes et équitables.
En ce qui concerne les crédits d'impôt et l'attestation du contenu canadien, nous appuyons vigoureusement le crédit d'impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne (CIPC). Nous recommandons toutefois que celui-ci accorde plus de latitude. La répartition actuelle des responsabilités pour le CIPC entre Téléfilm, le BCPAC et l'Agence du revenu du Canada est onéreuse et crée de la confusion pour les producteurs. Le processus doit être simplifié et clarifié. Que le volet création bénéficie de plus de souplesse pour que les producteurs puissent doser au mieux les éléments créatifs de manière à ce que le film soit alléchant pour les marchés mondiaux.
Nous recommandons qu'une seule et même entité s'occupe d'évaluer et d'attester le contenu canadien. Nous croyons qu'un système de vérification du contenu canadien plus souple devrait tenir compte du rôle de plus en plus important du marché international, des difficultés du financement et de la nature diversifiée et dynamique du Canada. Il devrait être souple et reconnaître que les Canadiens sont capables de définir eux-mêmes ce qui est canadien. Il devrait supprimer les considérations subjectives servant à définir ce qui est « canadien » et « spécifiquement canadien ». La qualité est implicite et non tributaire d'une série d'éléments distincts ou visibles dans un scénario ou un récit.
S'agissant du cadre réglementaire et du CRTC, nous sommes d'avis que le conseil devrait surveiller et mettre en application davantage les conditions des licences aux télédiffuseurs. Nous recommandons qu'il annule sa politique de 1999 sur les émissions prioritaires, largement responsable de l'effondrement actuel de l'industrie des dramatiques canadiennes.
Dans le cas de la Société Radio-Canada, nous recommandons un financement pluriannuel stable. Un radiodiffuseur public, la SRC, devrait appuyer davantage les dramatiques canadiennes et devrait jouer un rôle plus actif au chapitre de la mise en marché et de la promotion des dramatiques et longs métrages canadiens.
Les télédiffuseurs occupent une position privilégiée dans l'industrie télévisuelle et cinématographique canadienne et devraient rendre davantage de comptes. Ils devraient recevoir le mandat de mettre en ondes davantage d'oeuvres canadiennes et de prêter assistance à la promotion des projets cinématographiques et télévisuels. Dernièrement, nos clients ont fait l'objet de pressions par les télédiffuseurs afin de permettre aux télédiffuseurs de participer aux profits des projets, ce qui ne devrait pas être permis. Des mesures draconiennes devraient être prises pour protéger les intérêts des producteurs; elles pourraient s'inspirer de la loi chaudement accueillie au Royaume-Uni interdisant aux télédiffuseurs d'exploiter les postes de producteurs. Les télédiffuseurs canadiens ne devraient pas être considérés comme des entités visées aux fins du crédit d'impôt parce qu'il est difficile de déterminer la juste valeur marchande d'une licence et que parfois une participation financière est demandée sous forme de prime pour la licence. Nous jugeons que tous ces points devraient être examinés.
Pour conclure, nous recommandons fortement que le Comité permanent du patrimoine canadien élabore une politique nationale complète sur le film, la télévision et les nouveaux médias afin d'encadrer la croissance culturelle, industrielle et économique ainsi que le développement de l'industrie. La politique fédérale actuelle est un regroupement disparate de politiques et de lignes directrices qui ont été introduites de façon ponctuelle en réaction au changement de l'industrie. Au lieu d'être coordonnés, les lois, programmes, organismes et organes de réglementation sont inefficaces et complexes. Une politique globale pour l'industrie permettrait de s'assurer que tous les maillons de la chaîne fonctionnent de concert et se complètent les uns les autres. Pareille politique permettrait également de réduire les obstacles bureaucratiques et le dédoublement des efforts tout en augmentant et en consolidant l'obligation redditionnelle.
Nous recommandons également que les intérêts régionaux soient protégés dans tous les programmes subventionnés par le fédéral et que des incitatifs soient établis dans le but d'attirer l'investissement privé, d'encourager la prise de risques et de soutenir le talent et la passion.
Il faut également régler le cas de la distribution pour que nos longs métrages deviennent des succès majeurs au guichet. Tous les programmes devraient offrir la souplesse nécessaire pour créer des films attrayants à l'échelle nationale.
Je vous remercie beaucoup de l'occasion que vous m'avez donnée d'exposer notre point de vue.
Nous vous sommes reconnaissants de l'attention que vous porterez à nos idées et plus encore aux mesures que vous prendrez en conséquence.
Merci.
À (1005)
La présidente: Permettez-moi une observation. Je constate qu'il y a des lettres—essentiellement d'appui—venant d'autres sociétés de développement du cinéma de la région du Canada atlantique. Y a-t-il des divergences de vue sur les questions de fond?
Mme Ann MacKenzie: Non. Même si c'est moi qui ai préparé le document au nom de la Nova Scotia Film Development Corporation, tous les autres organismes de financement l'appuient parce que les problèmes sont les mêmes pour les cinéastes de toutes les provinces de l'Atlantique.
La présidente: Merci.
Monsieur Casey, vous êtes le premier.
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester—Musquodoboit Valley, PCC): Merci beaucoup.
Merci des documents très complets que vous avez remis. Je vous en suis très reconnaissant. Vous soulevez toutefois tant de questions que je ne sais trop par où commencer.
Dans le document de Mme MacKenzie, il est dit à la page 27, sous la rubrique Tournage des films au Canada, qu'un producteur canadien finance habituellement un film à l'aide des fonds provenant du Harold Greenberg Fund et (ou) du Conseil des Arts du Canada, d'un placement en actions de Téléfilm, d'une subvention du Fonds canadien de télévision, d'un placement en actions d'un organisme du gouvernement provincial, d'une prévente d'un distributeur canadien (fonds de Téléfilm par une autre voie), d'une prévente aux réseaux de télévision payante (dont une condition de la licence est d'acheter des films canadiens) ainsi que des crédits d'impôt du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux.
Ça me semble bien alambiqué. Comment pourrait-on faire autrement? Comment peut-on investir ici sans recourir à tout cela? Ce doit être la croix et la bannière.
À (1010)
Mme Ann MacKenzie: Ça l'est, et c'est pourquoi l'adoption d'une politique d'ensemble pour l'industrie—une vision et une politique unique, tous les programmes orientés dans le même sens—contribuerait largement à régler le problème.
M. Bill Casey: Vous voulez dire: s'il y avait une seule entité qui remplacerait tout cela?
Mme Ann MacKenzie: Au niveau fédéral, en tout cas, c'est chose possible. Une mesure simple à prendre serait la création d'une entité unique par l'attestation du contenu canadien des films. À l'heure actuelle, un producteur qui a un projet doit traiter avec Téléfilm, le BCPAC et l'ARC.
M. Bill Casey: Je ne me vois pas traiter avec tous ces services.
Mme Mary Sexton: Mais ils le font. Dans certains cas, cela prend cinq ans.
M. Bill Casey: Une seule administration fédérale, c'est déjà beaucoup.
Il y a une autre chose dont vous avez parlé et que j'ai essayé de noter : les placements en actions—qui sont obligatoires—ne sont pas accessibles partout de la même manière. Vous avez ensuite dit qu'il y a un petit groupe trié sur le volet qui parvient habituellement à obtenir les fonds dans ces régions. Ceux-ci vont donc à des acteurs plus expérimentés ou peut-être mieux connus dans une région plus petite. C'est très ciblé.
Mme Ann MacKenzie: Je parlais en fait d'un petit groupe de réalisateurs privilégiés de l'Ontario et du Québec, et non du reste du pays.
M. Bill Casey: Je viens de m'occuper d'un petit dossier de financement d'un musée en passant par le même ministère. Le Québec reçoit à lui seul 37 p. 100 de tous les fonds destinés aux musées—l'an dernier en tout cas—et la Nouvelle-Écosse en reçoit 3 p. 100. On m'a expliqué que le Québec a plus d'histoire nationale que le reste d'entre nous, ce que je conteste.
Je vais m'adresser à Mme Sexton quelques instants. Je suis curieux de savoir d'où vient le nom de Rink Rat Productions. Combien d'employés avez-vous?
Mme Mary Sexton: J'ai fait une petite série avec la CBC appelée Dooley Gardens qui mettait en vedette Mary Walsh. Je faisais de l'infiltration dans un aréna déguisé en mère de jeune hockeyeur. Je suis devenue un peu trop accro de patinoires—rink rat—et c'est donc le nom que j'ai donné à la compagnie après la série Dooley Gardens.
Nous avons actuellement quatre employés, essentiellement parce que j'assure la coproduction de Canadian Idol. Je travaille donc à cette émission et je parcours tout le pays pour établir la distribution, trouver les lieux de tournage, embaucher les équipes et sélectionner les artistes qui passeront à la télé. Cette entrée de fonds me permet de travailler aux projets qui m'intéressent. Actuellement, je prépare avec Mary Walsh une série intitulée Hatching, Matching and Dispatching. J'ai donc une nouvelle compagnie qui s'appelle 2M Innovative, Mary Walsh and Mary Sexton.
C'est de là que vient le nom de Rink Rat.
M. Bill Casey: Cela fait beaucoup d'anecdotes.
Pour votre dernier long métrage, pourriez-vous nous dire brièvement ce que la production vous a coûté et combien de recettes le film a produites? Aussi, d'où venait le financement?
Mme Mary Sexton: Le dernier long métrage que j'ai produit, c'était Violet, en 1998 et 1999. Cela a coûté 1,6 million et nous avons souscrit 100 000 $ de plus pour la mise en marché par l'intermédiaire de Téléfilm. C'était donc 1,7 million en tout et pour tout. C'est Alliance Atlantis qui a assuré la distribution. Le film n'a pas rapporté d'argent; chaque fois que nous faisons le calcul, le résultat est neutre.
J'ai produit ce film pour rien; littéralement rien. J'ai donné ma maison en garantie pour obtenir le financement. À l'époque à Terre-Neuve, il n'y avait pas beaucoup de productions. On a trouvé qu'il était préférable de faire la production en espérant en retirer quelque chose. Malheureusement, cela ne nous a pas rapporté un sou. Le gros de l'argent est allé aux banques, aux avocats et aux comptables.
Par contre, cela nous a convaincues que nous voulions faire du long métrage. C'est un miracle quand un long métrage finit par être projeté en salle. Nous avons beaucoup appris de cette expérience. Nous avons aussi appris que la distribution canadienne c'est une contradiction dans le terme. Nous avons sorti le film avec Alliance Atlantis et quand elle l'a sorti en vidéo, elle a omis le nom du producteur, du scénariste et du réalisateur de la pochette.
Je m'en suis rendu compte quand je suis allée à mon magasin de vidéo du quartier. Le monsieur m'a demandé si j'avais demandé à Violet. J'ai répondu que j'avais fait la production. Il m'a répondu: « Oh, c'est pour ça que votre nom n'est pas sur la couverture ». J'étais folle de rage cette fin de semaine-là et j'ai téléphoné à Alliance et je leur ai dit leurs quatre vérités. Ils m'ont dit qu'ils allaient réimprimer la pochette pour y mettre nos noms. Ils ont dû m'envoyer l'unique pochette sur laquelle nos noms figuraient. Ça n'a jamais été changé.
À (1015)
M. Bill Casey: Vous avez donc amassé 1,6 million en plus de fonds de commercialisation. D'où venait cette somme?
Mme Mary Sexton: Le 1,6 million venait de Téléfilm Canada, et de la Newfoundland and Labrador Film Development Corporation, du Newfoundland and Labrador Film Tax Credit et du Fonds canadien de télévision.
M. Bill Casey: Combien de temps a-t-il fallu pour monter ce financement?
Mme Mary Sexton: Il a fallu à peu près quatre ans pour monter le financement. Comme je l'ai dit, on a foncé. On a fini par signer un contrat avec le diable, Alliance Atlantis, parce que nous voulions que la production se fasse, et le gouvernement de Terre-Neuve y tenait beaucoup. Il y avait plus d'un an qu'il n'y avait pas eu de projet de film local et nous voulions aller de l'avant pour que les équipes puissent travailler. Beaucoup de pressions s'exerçaient sur nous pour que nous commencions le tournage; c'est ce que nous avons fait.
Avec le recul, je dirais que l'on n'aurait sans doute pas dû le faire. Nous aurions dû attendre et travailler le scénario et le plan de marketing un peu plus. On aurait sans doute eu un peu plus de temps d'antenne. Alliance Atlantis a refusé de le montrer en salle. Pourtant, elle nous l'avait promis. Nous l'avons donc montré à St. John's et il y a eu une prolongation. On l'a montré aux cinémas Carlton à nos propres frais pendant une semaine et il est resté à l'affiche une semaine de plus.
M. Bill Casey: S'agit-il des seules fois où le film est passé en salle?
Mme Mary Sexton: Je pense qu'il a aussi été montré en Angleterre. Quand le Conseil privé était là-bas, ils l'ont montré, mais c'est tout, la sous-projection.
Chaque fois que l'on demandait à Alliance : « Qu'arrive-t-il à notre film? L'avez-vous vendu à quelqu'un? », on nous répondait : « Non, il sèche sur une tablette ». Quand un distributeur a le film pour 20 ans, il ne fait aucun effort pour le diffuser, il devrait le redonner aux cinéastes pour qu'il tentent eux-mêmes de le mettre en marché.
M. Bill Casey: Qui est propriétaire d'Alliance Atlantis?
Mme Ann MacKenzie: Des actionnaires; elle est cotée en bourse.
Mme Mary Sexton: Oui. C'est Michael...
Mme Ann MacKenzie: Ses actions sont cotées en bourse.
Mme Mary Sexton: Oui. Mongrel, Alliance Atlantis, Lions Gate et Seville—il n'y a que quatre petites compagnies. Alliance Atlantis est la plus grosse. Je pense qu'en fait, nous, au Canada, nous subventionnons la distribution américaine.
M. Bill Casey: Qu'est-ce qu'elle en a retiré? Pourquoi a-t-elle accepté le projet?
Mme Mary Sexton: Elle a touché des fonds pour la mise en marché. Quand elle met la main sur des fonds de commercialisation de Téléfilm, c'est nous qui subventionnons les films américains dont elle assure la distribution.
M. Bill Casey: Elle a donc touché l'argent mais n'a pas cherché à vendre votre film?
Mme Mary Sexton: Elle n'a pas levé le petit doigt.
M. Bill Casey: Je n'en reviens pas.
Mme Mary Sexton: Et aucune explication en personne.
M. Bill Casey: Aucune explication.
M. Bruce Barber: Je voudrais seulement préciser une chose au sujet du commentateur qui a dit récemment que le paysage de la distribution cinématographique au Canada se contracte au fur et à mesure qu'Alliance Atlantis prend de l'expansion. C'est dans la nature des choses. Mais avec la disparition et l'absorption de concurrents comme Northstar et Cineplex par Alliance Atlantis ces deux dernières années et la fermeture de Behaviour Distribution, le nombre de compagnies de distribution de films canadiens disposant de suffisamment de moyens pour être considérées viables est passé essentiellement à un.
Par conséquent, l'isomorphisme entre Alliance Atlantis—et elle est l'un de nos bienfaiteurs et je ne veux donc pas être trop sévère à son endroit—et le cadre réglementaire du gouvernement s'approche à un dangereux degré d'intégralité qui menace de convertir l'Alliance en un monopole du secteur privé commandité par l'État. Cela a des implications profondes pour la production cinématographique, en ce sens que Téléfilm Canada et beaucoup d'organismes provinciaux de financement du cinéma exigent l'achat du droit d'auteur par un distributeur canadien pour que le producteur ait accès aux fonds de production.
Woody Allen voulait seulement que ses producteurs lui remettent un paquet d'argent. Il faut avoir atteint un certain degré de respect dans l'industrie avant de pouvoir dire de telles choses. Il y a quelques cas comme ceux-là au Canada, mais je n'en dirai pas plus.
Thom Fitzgerald, quand il a produit son premier long métrage, l'a fait avec une seule source de financement : la carte Visa de sa mère. Elle habitait aux États-Unis et elle lui a permis de tirer à découvert sur sa carte. Il a produit son film pendant sa dernière année à NSCAD. Voilà le genre de fonds de lancement que l'on peut obtenir sans avoir à passer par... La plupart de nos anciens élèves vous diront par quel cirque ils ont dû passer pour obtenir les sommes les plus dérisoires—et depuis quelques années je suis membre...
Un des organismes privés de financement, la Linda Joy Media Arts Society, fournit des capitaux de lancement de la première production de finissants du NSCAD et ces élèves vous diront que c'est un véritable champ de mines. Et comme l'éminent membre du comité, M. Casey, l'a dit, c'est une des principales difficultés du financement au Canada, que ce soit au niveau débutant, intermédiaire ou avancé de la production de longs métrages.
Il faut bien commencer quelque part mais il ne devrait pas y avoir une pléthore d'organismes de financement, aux niveaux local, provincial et fédéral, pour obtenir les capitaux minimums nécessaires à la production d'un long métrage.
Normalement—par le passé en tout cas—, dans les pays qui ont eu une industrie du cinéma vigoureuse à différentes périodes pendant l'après-guerre, comme l'Allemagne, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, le gouvernement n'a jamais dit « bas les pattes ». Il y a toujours un partenariat avec les compagnies de production et les compagnies de distribution, mais pas dans le sens où ils le feraient d'une manière qui mettrait en danger l'assiette fiscale d'où ils tirent leurs fonds. Il y a eu diverses façons pour le gouvernement de participer à la production, la distribution et l'exploitation au moyen de ses organismes, et il est important que l'État y réfléchisse sous le parrainage de Patrimoine canadien.
À (1020)
Si quelqu'un souhaite voir la comparaison entre l'industrie du cinéma mexicain et canadien, cela se trouve dans la Revue canadienne d'études cinématographiques, volume 10, numéro 2. Vous y trouverez également un essai magnifique de Brenda Longfellow, de l'Université York, intitulé The Red Violin, Commodity Fetishism, and Globalization. Le Violon rouge, comme vous le savez, est l'une de nos productions les plus réussies et a reçu huit candidatures pour un prix Génie—sur 10 possibles—y compris pour le meilleur film, le meilleur réalisateur, le meilleur scénario et la meilleure prise de vues. Il a été produit...
La présidente: Monsieur Barber, notre temps est limité; si vous le voulez bien... Le temps de parole de M. Casey est largement dépassé. J'ai été indulgente parce que vous êtes sur votre terrain, mais je dois vraiment donner la parole à M. Lemay.
M. Bruce Barber: Merci, madame la présidente.
Je voulais seulement dire que 75 p. 100 des fonds du Violon rouge, 15,4 millions, venaient de l'étranger.
Merci.
[Français]
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ): Bonjour. Je suggère que vous preniez les écouteurs, car je parle en français. Je viens du Québec.
J'ai plusieurs questions.
J'ai lu vos mémoires avec une très grande attention, parce que la région de l'Atlantique ressemble un peu, toutes proportions gardées, à la région du Québec. Cependant, oui, nous avons développé une cinématographie au Québec. Je vous dirais d'entrée de jeu que ce n'est pas en réduisant ou en réalignant les budgets qu'on augmentera le nombre de films ou de producteurs venant de l'Atlantique. Je pense qu'il faut augmenter les budgets. Vous devez insister pour qu'Ottawa, le centre, vous écoute un peu plus. Selon moi, il faut que vous criiez plus fort.
Je trouve qu'il se fait du cinéma extraordinaire dans votre région. Vous me permettrez de parler de l'Atlantique, donc de toutes les provinces, car je ne veux surtout pas insister sur l'une ou l'autre. Dans la région de l'Atlantique, il se fait du cinéma extraordinaire, du cinéma de grand talent, mais qu'on ne voit pas. Cela dit, on va passer aux vraies choses.
Je vais vous poser des questions, mais j'aimerais que vos réponses soient courtes. J'aurais aimé qu'on ait beaucoup plus de débats. On tenait pour acquis qu'on avait lu vos mémoires et qu'on arriverait avec des questions.
Comment va-t-on faire pour développer un cinéma canadien? Le cinéma québécois est développé, il est parti. Nous avons des producteurs de cinéma. Mme Denise Robert et plusieurs autres sont sur la bonne lancée. Comment va-t-on faire pour développer un cinéma véritablement canadien? J'adresse mes questions aux quatre personnes.
Je trouve que vous exportez beaucoup de talents. Je suis d'accord qu'on offre plus de formation — il y a 44 écoles, etc. —, mais vos talents ne restent pas ici, ils sortent. J'ai vu des éclairagistes, des techniciens de scène qui viennent de votre région, mais qui sont à Toronto, à Vancouver ou même à Montréal. Vous offrez une excellente formation, vous devez donc accepter que vos talents sortent. Le problème est qu'il faut les ramener. C'est la première chose.
Je répondrai à Mme MacKenzie d'être sans crainte et de ne pas penser que la concurrence du Festival des Films du Monde n'a pas créé de problèmes chez nous. Elle a créé toute une commotion. Je pense que vous devriez crier auprès de la ministre, car ce n'est pas normal que l'Atlantic Film Festival soit mis de côté. Je trouve cela déplorable. C'est un festival extraordinaire. Je pense qu'il a sa place et que vous devriez insister beaucoup plus pour dénoncer une telle attitude. En effet, bien souvent, les décisions prises au centre ont un effet domino qui fait tout tomber.
J'ai une dernière question. Vous avez parlé d'un système de points de l'immigration. J'aimerais qu'on développe un peu ce sujet pour que je comprenne mieux. M. Barber parle d'un « système de points de l’immigration, en vue de modifier la politique de façon à faire du Canada une destination de choix ».
À (1025)
Je n'ai vu nulle part comment c'était développé, comment cela pourrait se faire et surtout, comment cela pourrait ne pas nuire aux Canadiens et Canadiennes, Québécois et Québécoises que l'on forme dans nos écoles. Je trouve cela un peu ambigu.
Si je le peux, je poserai d'autres questions, mais ce sont celles que j'ai pour l'instant.
[Traduction]
Mme Ann MacKenzie: Je peux peut-être commencer par répondre brièvement à celles auxquelles je crois pouvoir répondre.
Comment allons-nous faire prendre de l'ampleur à cette industrie cinématographique à l'extérieur du Québec, l'industrie canadienne? Je pense qu'il y a des tas de choses qui doivent se produire de ce côté, et tout le monde en a touché un mot.
Je crois que vous avez parfaitement raison. On ne peut pas tout simplement réaménager les postes budgétaires. Les budgets doivent augmenter, mais l'argent frais qui va augmenter les budgets doit en fait être investi dans la production et non pas être absorbé par le contentieux et tous ces autres éléments qui gobent les fonds supplémentaires. C'est dans la production qu'il faut investir.
Il faut commencer par l'idée. Il faut affecter plus d'argent et plus de programmes aux scénarios, il faut les développer et former les scénaristes et les metteurs en scène, parce que c'est ce qui vient en premier. Oui, les producteurs doivent avoir ces idées et les traduire en film, mais si vous n'avez pas d'idée... Si l'idée est mauvaise, le film sera mauvais aussi. Donc je crois qu'il faut consacrer plus de temps à l'étape du développement au lieu de se précipiter dans la production alors qu'on n'est pas prêt à le faire.
Il faut peut-être investir plus d'argent dans un plus petit nombre de projets pour que nous puissions mieux les développer et pour que les projets qui prendront corps soient travaillés et retravaillés avec les scénaristes et les acteurs, et ainsi, ceux qui iront de l'avant auront de l'avenir.
Il faut s'occuper du système de distribution. Je répète qu'on peut tourner les films les plus fantastiques du monde—nous n'y sommes pas encore, mais cela pourrait se faire un jour—mais si vous n'avez pas de système de distribution en place, personne ne verra ces films.
Il faut trouver le moyen d'encourager les exploitants, qui sont du secteur privé pour la plupart. Ils ont besoin d'un incitatif quelconque pour montrer ces films canadiens.
J'imagine que si on haussait la barre pour les films canadiens, si c'était de meilleurs films et qu'on pourrait leur garantir un auditoire, cela nous aiderait, mais on continuerait à subir d'intenses pressions des grands studios américains. C'est donc une réalité dont il faut tenir compte.
Je ne peux pas parler du système de points. Bruce, je te laisse ça.
Vous avez parfaitement raison. Avec le festival du film, c'est ce que nous avons fait. Nous sommes allés jusqu'à la ministre, nous sommes allés voir les députés fédéraux, et nous avons fait en sorte que notre propre premier ministre provincial en a fait autant.
Une voix: [Note de la rédaction : inaudible].
Mme Ann Mackenzie: Oui, et dans toutes les provinces.
Rien ne s'est encore passé, mais même si on y parvient et que l'on fasse comprendre qu'on ne peut pas traiter les gens de cette façon ou qu'on ne peut pas traiter les collectivités de cette façon...
À (1030)
La présidente: Je dois être juste envers les membres du comité. M. Lemay a eu plus que sa part. Nos prochains témoins sont ici, et ils attendent.
Monsieur Angus et monsieur Silva, je vais vous accorder cinq minutes chacun.
Mme Mary Sexton: Puis-je ajouter quelque chose aussi?
Quand vous parlez du Canada anglais par rapport au Canada français, vous devez également savoir que nous avons nos propres crédits d'impôt au niveau provincial, et maintenant, Téléfilm ne cesse d'abaisser sa quote-part à nos projets. Donc cela n'aide en rien les producteurs. L'argent ne va pas à l'écran; on s'en sert essentiellement pour payer les avocats, les comptables, et assurer le préfinancement.
Mme Ann MacKenzie: Puis-je ajouter un mot à ce sujet?
Dans le même ordre d'idées, le crédit d'impôt fédéral, de la façon dont il est structuré, gruge les crédits d'impôts provinciaux. Nous haussons nos crédits d'impôt pour investir davantage dans la production des films, puis le crédit d'impôt fédéral les rogne. Donc, d'une certaine façon, les crédits d'impôt provinciaux subventionnent le crédit d'impôt fédéral, ce qui n'est pas du tout la façon dont on devrait faire les choses.
Mme Mary Sexton: Le crédit d'impôt a en fait été créé pour permettre au producteur de bâtir une infrastructure. Cela fait maintenant partie de la structure financière de tout projet. On ne peut plus se présenter avec un projet maintenant. Les crédits d'impôt doivent être à leur maximum au sein du projet. Donc on perd la deuxième fois aussi.
La présidente: Monsieur Angus.
M. Charlie Angus (Timmins—Baie James, NPD): Merci, madame la présidente.
C'est une discussion fascinante que nous avons eue ce matin mais très frustrante aussi, parce qu'on a parlé de tant de choses qu'il faudrait en fait des heures pour discuter de chaque point. Je vais donc devoir y aller très rapidement.
Je crois que votre recommandation à propos de l'échec de notre système, dans la mesure où il est axé sur des projets et s'oppose au développement systémique, est au coeur de ce qui nous occupe ici. Avec le temps qui m'est imparti, je ne pourrai pas parler de l'université et de la vue d'ensemble qui nous permettrait d'élaborer une stratégie d'innovation. Ce que cela me dit, c'est que nous parlons de quelque chose qui dépasse Patrimoine canadien; il faut faire appel aux autres ministères. En ce moment, nous discutons d'une petite pointe de la tarte et de la manière de la partager, et ça ne va aboutir à rien. Nous devrions peut-être en discuter de nouveau parce que c'est une chose dont nous n'avons pas entendu parler auparavant. Vous abordez un élément qu'on aurait pu aisément oublier dans notre étude, et je tiens à le mentionner.
Deuxièmement, madame MacKenzie, j'aimerais vous interroger à propos du rôle de la télévision, qui est également à mon avis axé sur les projets et non sur un système. J'ai l'impression que la télévision nous a lâchés. Nous avons entendu un exposé de Radio-Canada la semaine dernière, et j'ai été surpris de voir le rôle que Radio-Canada joue dans la présentation d'une idée, le développement d'une idée, dans la mise en place des bandes annonces à la télévision et dans la création d'une stratégie qui est telle que, dès qu'un film est terminé, on planifie le prochain.
Il a fallu que je demande—et bien sûr, on n'allait pas me répondre parce qu'ils ne parlaient que de leur domaine à eux—si l'échec du réseau anglais de Radio-Canada se situe au niveau du financement ou de la culture. Quoi qu'il en soit, il faut en discuter, parce que quoi que l'on fasse, qu'il s'agisse des premières à la télévision ou de la création d'un système de vedettariat, rien ne va se faire si CBC nous lâche. J'aimerais vos commentaires à ce sujet.
Deuxièmement, depuis 1999, les radiodiffuseurs privés ne nous ont pas seulement lâchés manifestement, ils se sont complètement retirés du jeu, et je crois que c'est une chose dont on pourrait au moins s'occuper au niveau fédéral. Donc, après s'être retirés complètement du développement de films canadiens depuis 1999, ces radiodiffuseurs privés disent qu'ils veulent leur part des profits en fin de parcours. J'aimerais qu'on en parle un peu plus pour que nous puissions faire quelque chose, parce que je trouve cela très surprenant.
Autre chose, vous ai-je bien compris lorsque vous avez dit que Alliance Atlantis contrôlait la distribution pendant 20 ans? L'autre chose qu'on voit, c'est l'échec du système de distribution au Canada. Je trouve choquant qu'on puisse faire attendre un projet pendant 20 ans. Je leur accorderais de deux à cinq ans maximum s'ils ne font rien.
Ce sont mes commentaires, et il me tarde d'entendre votre réponse.
À (1035)
Mme Ann MacKenzie: En ce qui concerne CBC, pour la commercialisation et la promotion des longs métrages et même parfois aussi pour les dramatiques télévisuelles, il est sûr qu'elle nous a lâchés. Elle ne s'intéresse nullement à cela parce qu'elle n'a aucune motivation en ce sens. Elle peut vendre de la publicité pendant la période où l'émission, peu importe laquelle, est présentée, mais elle n'a absolument aucun incitatif financier pour faire la promotion d'un long métrage à venir, donc elle ne fait rien.
Vous allez constater que certains autres radiodiffuseurs peuvent assurer la promotion croisée de certaines productions si l'une de leurs chaînes soeurs la présente, et j'ai commencé à voir cela. Mais pour la plupart, c'est de la publicité payée qu'ils veulent dans ces espaces. En réalité, personne n'a intérêt à faire la promotion des longs métrages canadiens, ce qui est terrible à mon avis parce que c'est un médium très visuel et un excellent créneau.
Pour ce qui est des radiodiffuseurs qui veulent leur part des profits à l'autre bout de la production, c'est absolument vrai. Ça s'est probablement fait ou on a essayé de le faire dans quatre ou cinq productions dans lesquelles nous avons investi l'an dernier. Étant donné que nous investissons pas mal d'argent en capitaux et en crédits d'impôt, nous pouvons en fait imposer notre loi au radiodiffuseur et lui dire non, si vous faites ça, nous débarquons. Les producteurs ne peuvent pas le faire. Leur position est telle que s'ils le font, le radiodiffuseur pourrait leur refuser toute commande à l'avenir. C'est un véritable abus de pouvoir, et on le constate chez quelques radiodiffuseurs à maintes et maintes reprises.
Le problème s'est posé au Royaume-Uni. Tout récemment, une loi a été votée une loi pour interdire cette façon de faire; il y a deux ou trois ans on a procédé à une complète restructuration. C'était une excellente chose à faire, et je crois que nous devrions y songer.
La présidente: Monsieur Angus, je vous accorderai du temps au prochain tour.
Monsieur Silva.
M. Mario Silva (Davenport, Lib.): Merci, madame la présidente.
Veuillez me reprendre si j'ai raté quelque chose, mais certains des arguments que nous avons entendus aujourd'hui sont semblables à ceux que nous avons entendus dans d'autres régions du pays. Les problèmes tournent essentiellement autour de la commercialisation et de l'accès à la distribution, du système fiscal, de la bureaucratie et toutes les chinoiseries administratives auxquelles il faut se plier pour qu'un film soit approuvé. Ce sont des thèmes quelque peu semblables qui ont été abordés partout où nous sommes allés, nous qui voulons mettre au point une politique cinématographique complète.
J'ai entendu certains éléments nouveaux aujourd'hui, et je voulais seulement savoir si j'avais raté quelque chose. Je ne savais pas qu'on avait décidé de dissoudre le Comité consultatif sur le long métrage. Je pense que vous avez très bien fait de parler d'immigration. Je dois vous féliciter pour cela parce que c'est une chose qu'on oublie parfois dans toute cette équation. Je suis très heureux de voir ce que fait la Nouvelle-Écosse avec les universités et les liens qu'a la province avec les secteurs privé et public. Je pense que c'est excellent. Puis il y a toute la question du crédit d'impôt qui peut être très compliquée.
Ce sont donc des choses dont j'ai entendu parler à maintes reprises. Je comprends la question de la voix régionale, mais elle me cause aussi parfois des difficultés. Je comprends ce que veulent les gens, le besoin qu'ils ont d'avoir une voix régionale et leur passion, et je suis tout à fait d'accord avec ça et la question de l'accès au financement et tout le reste. Mais lorsque le professeur Barber nous a parlé de la Nouvelle-Zélande, je me suis dit qu'on entend trop parler ici de ce besoin d'une voix pour le nord, d'une voix pour le sud, d'une voix pour l'est, d'une voix pour l'ouest, d'une voix pour Terre-Neuve, d'une voix pour la Nouvelle-Écosse, ce qui fait que j'entends rarement parler du besoin d'une voix pour le Canada.
Je me demande si nous ne nous jouons pas un tour en fragmentant cette tarte en tellement de petits morceaux qu'il n'y aura jamais place pour l'excellence au niveau national. Je ne dis pas que je suis nécessairement d'accord avec ça, mais c'est une chose avec laquelle je me débats tous les jours au comité, et j'espérais que vous m'aideriez à comprendre ou que vous me diriez que je me trompe totalement. Je suis prêt à entendre cela.
C'est encore une question que je n'ai pas encore tranchée. Vaut-il mieux financer toutes les régions également , ou devons-nous plutôt, en tant qu'institution nationale et en tant que gouvernement national, investir dans des projets plus concrets pour permettre à notre industrie de vraiment s'implanter dans le monde?
Le professeur Barber ou Ann pourrait peut-être fait un commentaire à ce sujet.
À (1040)
Mme Ann MacKenzie: J’aimerais brièvement ajouter une observation à ce sujet.
À mon avis, ce qu’il y a de beau au Canada, c’est que notre base culturelle est si diversifiée. Nous sommes une telle mosaïque culturelle, par opposition au creuset américain. Lorsqu’on s’installe aux États-Unis, on devient américain, et c’est ce qu’on est, tous deviennent un. En revanche, ici au Canada, nous célébrons les différences que représentent les diverses cultures, et chaque...
M. Mario Silva: J’en conviens, mais je parle du financement. Si on examine ce qui se passe aux États-Unis, par exemple, on constate qu' il y a New York et Los Angeles, et c’est à peu près tout.
Mme Ann MacKenzie: Oui mais si vous ne veillez pas à répartir l’aide financière de manière efficace entre les diverses voix du pays, vous n’entendrez qu’une d’entre elles. Or, ça ne correspond à pas à la réalité du Canada, ni à la réalité des Canadiens.
M. Bruce Barber: Pour poursuivre sur la lancée de mon excellente collègue, je dirais que nous devrions parler, non d’un seul « centre » d’excellence, mais de « centres » d’excellence. Ainsi par exemple, et j’ai vécu dans trois villes que je connais, il existe au moins quatre ou cinq endroits au Canada qui sont maintenant reconnus pour leurs établissements d’enseignement. Si l’on veut bâtir sur l’acquis de l’Office national du film, organisme établi il y a longtemps, fort et enraciné dans diverses régions du pays, et favorisant la production dans chacune d’entre elles, alors il faut l’appuyer et aussi le financer.
Bien entendu, sur le plan national et international, cela nous amène au problème de la mondialisation. Je n’aborderai pas cette question toutefois, parce qu’elle est trop vaste. Elle exigerait probablement plus de temps que celui dont nous disposons.
Vous avez parlé d’immigration? Je vous en remercie M. Lemay. Vous n’ignorez pas que le Canada a été bâti par des immigrants. Certains sont arrivés ici possédant certaines compétences; certains n’en avaient pas. Les pays qui reconnaissent le grand dynamisme que peut représenter l’immigration dans la vie sociale et culturelle d’un pays de la taille du Canada, reconnaissent aussi qu’ils doivent protéger, mais aussi aider ceux qui y vivent ou pas. À mon avis, le Canada a remarquablement reconnu le problème que représentait l’exode des compétences, particulièrement des compétences des régions sous-développées du pays—et j’utilise ce terme à dessin—au profit de régions plus développées.
Parce que l’Alberta dispose d'une impressionnante assiette fiscale provinciale, devrions-nous y installer un centre d’excellence? Eh bien, il y a en a déjà un, le Centre des arts de Banff, qui a d’ailleurs réussi des choses extraordinaires ces dernières années. J’y ai moi-même enseigné. Je sais aussi qu’il a dû lutter pour obtenir de l’aide financière, à la fois du gouvernement fédéral et provincial.
À l’heure actuelle, notre système d'immigration privilégie exclusivement les membres d’une famille et les gens riches. Dans le système de points, on trouve au dernier échelon ceux qui ont les compétences précises dont nous avons besoin pour construire les infrastructures d’industries très précises au Canada. Or, à mon avis, il n’est plus possible de répondre promptement à nos besoins, même compte tenu du grand nombre de centres de formation. Les pays qui ont réussi à le faire—nos partenaires du Commonwealth , par exemple-—ont modifié leur politique d’immigration pour accroître leurs chances de succès sur le marché mondial.
À (1045)
La présidente: Merci, monsieur Silva.
Je vais moi-même vous poser deux questions. Madame Sexton, vous pourrez y répondre par oui ou par non. Je veux tout simplement être sûre d’avoir bien compris.
Alliance atlantique a trouvé les sommes nécessaires pour faire la promotion de votre film puis ne l’a pas dépensé à cette fin et n'a pas eu à rendre de comptes?
Mme Mary Sexton: Non, elle n’a pas été forcée de rendre des comptes.
La présidente: Et elle n’a pas été obligée de rembourser l’argent?
Mme Mary Sexton: Non.
La présidente: Je vous remercie.
Monsieur Barber, je vais vous demander d'approfondir un peu la question du système d'immigration parce qu'il y a trois catégories d'immigrants, la plus importante étant les immigrants qui sont admis au Canada pour leurs compétences. Au lieu de s'en prendre à la catégorie famille ou à celle des investisseurs—ce qui me pose également certains problèmes—il serait plus utile que vous examiniez pour nous le système de points utilisé pour admettre les immigrants au Canada en raison de leurs compétences afin de voir si ces compétences correspondent effectivement à une possibilité de faire quelque chose pour la culture canadienne, le cinéma faisant bien entendu partie de cela.
Je vous serais reconnaissante de bien vouloir vous mettre en rapport ultérieurement avec le comité à ce sujet, parce que nous avons déjà dépassé d'un quart d'heure le temps qui nous est imparti.
M. Bruce Barber: Je le ferai avec plaisir et d'ici deux jours, je vous enverrai un courriel.
La présidente: Merci beaucoup.
M. Bruce Barber: Merci à vous.
La présidente: Encore une fois, nous vous prions de bien vouloir nous excuser pour avoir annuler votre première convocation. Je suis toutefois heureuse que nous ayons eu néanmoins la possibilité de vous entendre ici.
M. Bruce Barber: Nous comprenons fort bien. Nous voulons nous aussi vous remercier pour votre bonne attention...
Mme Mary Sexton: Comme je cherche à composer une équipe, c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai appris que je pourrais peut-être avoir des gens du NSCAD.
La présidente: Pour la gouverne des membres du comité, je vais maintenant annoncer une suspension de séance pour 10 minutes, avec mes excuses pour les témoins dont c'est maintenant le tour.
À (1047)
Á (1103)
La présidente: Bienvenue à tous et toutes. Le Comité permanent du patrimoine canadien reprend maintenant ses travaux sur l'industrie cinématographique au Canada.
Je voudrais pour commencer remercier nos témoins et leur présenter mes excuses pour avoir dû annuler leur comparution il y a quelques semaines de cela. Nous vous remercions énormément pour votre patience et aussi pour votre présence parmi nous aujourd'hui. Nous sommes heureux d'avoir pu réorganiser ces audiences.
Nous avons constaté que c'est la discussion qui est l'élément le plus utile de la réunion, de sorte que je vais vous demander de limiter au maximum vos exposés en vous concentrant surtout sur vos recommandations au comité. Nous vous remercions pour vos mémoires. Nous les avons lus attentivement et ils seront intégrés à notre rapport. Par contre, nous aimerions vraiment pouvoir consacrer autant de temps que possible à notre discussion avec vous.
Nous allons donc commencer par Nigel Bennett, le président de l'ACTRA.
Excusez-moi, mais je ne connais pas la personne qui vous accompagne.
Á (1105)
M. Nigel Bennett (président, ACTRA- Maritimes, Alliance des artistes canadiens du cinéma, de la télévision et de la radio): Il s'agit de Jeremy Akerman.
La présidente: Je vous remercie.
Nous avons déjà entendu l'ACTRA à quelques reprises, et nous préférerions que vous nous exposiez surtout les préoccupations propres à la région Atlantique ou encore que vous approfondissiez ce qui nous a déjà été présenté.
Merci beaucoup.
M. Nigel Bennett: D'abord, j'aimerais vous remercier d'avoir inscrit mon nom à l'endos du carton qui se trouve devant moi, au cas où j'oublierais qui je suis.
Je vais revenir sur quelques points qui ont été soulevés à la fin de votre discussion avec le dernier groupe de témoins. M. Angus a posé une question au sujet de l'appui que les réseaux de télévision réservent aux films canadiens. Je crois que le nombre de films canadiens diffusés par CBC en remplacement de l'émission Hockey Night in Canada pendant le récent lock-out de la Ligue nationale illustre bien l'absence de soutien que cette chaîne offre aux films canadiens. En effet, il me semble que CBC n'a mis en ondes aucun film canadien.
En deuxième lieu, pour répondre à M. Silva, à l'heure actuelle, 40 États américains offrent des incitatifs fiscaux pour encourager la production locale de films. Ainsi, il me semble que la tendance n'est pas à la centralisation de l'industrie cinématographique, mais bien à l'élargissement et à la mondialisation.
Au nom des 500 membres de notre alliance qui habitent les Maritimes, et au nom d'au moins 2 000 personnes qui vivent de l'industrie cinématographique dans notre région, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je vais commencer par vous donner un aperçu de la situation dans les Maritimes. Depuis dix ans, les incitatifs du gouvernement fédéral de même que le très généreux crédit d'impôt pour les longs métrages qu'accorde le gouvernement provincial, ont permis à notre industrie cinématographique de croître. En effet, notre secteur, qui était relativement modeste auparavant, a prospéré et génère maintenant des recettes de près de 100 millions de dollars par an tout en fournissant des emplois à près de 2 000 personnes. Nous pouvons compter sur une main-d'oeuvre qualifiée et chevronnée, sur un excellent bassin de jeunes talents qui ne cesse de croître, et sur un nombre grandissant de cinéastes locaux qui sont à la fois enthousiastes et compétents. En outre, nous jouissons d'une très bonne réputation auprès de cinéastes des autres régions du Canada qui veulent venir tourner leurs films dans les Maritimes.
Néanmoins, la situation n'est pas tout à fait reluisante. Tout comme les autres régions du Canada, nous avons trois préoccupations principales. En tête de liste figure la question d'un financement suffisant, stable et à long terme pour l'industrie cinématographique. Deuxièmement, nous sommes préoccupés par le processus auquel les producteurs doivent se soumettre pour obtenir un financement. Troisièmement, nous estimons que la distribution des films canadiens n'est pas satisfaisante et que, par conséquent, il n'y a pas assez de projections de nos longs métrages. Je vais aborder ces trois problèmes à tour de rôle.
D'abord, le financement est important. Il est même essentiel si nous voulons encourager l'industrie du long métrage au Canada et favoriser sa réussite. On ne peut pas faire un film sans argent. Or, bien que le gouvernement apporte actuellement sa contribution, ce n'est pas suffisant. Il nous faut un financement efficace, stable et à long terme. Le gouvernement doit s'engager à maintenir un financement suffisant, pas seulement dans l'immédiat mais également dans l'avenir. La production cinématographique coûte cher, et le budget moyen d'un long métrage canadien s'élève à environ 7 millions de dollars. Ce montant peut sembler exagéré, mais il suffit de le comparer au budget moyen d'un long métrage américain, qui s'établit à près de 60 millions de dollars, pour comprendre les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. En effet, étant donné ces chiffres, il n'est pas surprenant que nos films n'arrivent pas à soutenir la concurrence.
Comme le disait ma mère, on ne peut tirer de la farine d'un sac de son. Il s'agit ici d'un sac de son très généreux, et d'aucuns affirment que c'est le seul sac de son que nous pouvons nous permettre d'un point de vue financier. Mais, lorsqu'on établit un parallèle avec nos principaux concurrents de l'industrie cinématographique, il n'en demeure pas moins que ce n'est qu'un sac de son. Si l'on veut que nos histoires soient bien racontées, si l'on veut une culture qui soit enrichie par une industrie cinématographique dynamique et couronnée de succès, alors il nous faut de meilleurs moyens.
Le processus qui permet aux cinéastes d'avoir accès à des sources de financement doit être simplifié. La procédure qui régit actuellement les demandes de financement adressées à Téléfilm Canada est beaucoup trop longue et complexe. En outre, la lourdeur du processus a une conséquence dangereuse : Téléfilm se trouve souvent dans l'obligation de jouer le rôle de commission de censure. En effet, Téléfilm Canada accueille les demandes lorsqu'il estime que le contenu est suffisamment canadien, et cela ne s'applique pas seulement à l'équipe qui produit le film ou au lieu de tournage, mais également au contenu de l'oeuvre. En outre, Téléfilm Canada refuse les demandes de financement s'il estime que le projet n'est pas suffisamment canadien.
Le financement est souvent refusé en partie à cause de la langue du scénario ou de l'intrigue. Il est très déconcertant de constater que cette situation ressemble à celle qui existait en Grande-Bretagne sous Lord Chamberlain dans les années 60. À cette époque, les cinéastes et dramaturges britanniques devaient assainir leurs textes pour se conformer à un code moral non écrit afin que leurs oeuvres soient jouées. Le concept de financement indépendant du gouvernement a pour objet précisément d'éviter ce genre de contrainte. Il faut améliorer les directives de sorte que le financement repose seulement sur la valeur du projet, et non sur la langue du scénario ou sur le nombre de références visibles au Canada. Heureusement que personne n'a tenté de tourner le film Le Seigneur des Anneaux ici car ce film n'aurait pas satisfait aux exigences de financement.
Téléfilm Canada n'est plus seulement un organisme subventionnaire. En effet, Téléfilm Canada se prononce actuellement sur le type de contenu qu'il considère comme culturellement acceptable, alors qu'on n'a sans doute jamais voulu lui attribuer cette fonction. Il s'agit d'une tendance qu'il faut inverser.
Il conviendrait sans doute également de se pencher sur le concept de contenu canadien et de l'imposer non seulement aux cinéastes, mais aussi aux distributeurs de films et aux exploitants de salles de cinéma. Mais je reviendrai sur cette question dans un instant.
Notre principal problème réside dans le fait que presque personne ne voit nos films. Nous les produisons, nous racontons nos histoires, mais pour maintes raisons, le public ne les voit pas à l'écran.
Á (1110)
J'aimerais vous proposer de répondre à un petit sondage au sujet de notre marché. Parmi les membres de votre comité, qui a vu New Waterford Girl, Marion Bridge, The Hanging Garden, ou encore, The Event? Ce sont tous d'excellents longs métrages tournés dans les Maritimes. Qu'en est-il de Exotica, The Sweet Hereafter, Margaret's Museum ou Ararat? Si vous n'avez pas vu ces films, ne vous en faites pas. Ce n'est pas votre faute. La plupart des Canadiens ne les ont pas vus non plus.
La présidente: Je dois dire que très peu de députés ont le temps d'aller au cinéma.
M. Nigel Bennett: Nous sommes tous confrontés au même défi, et je suis certain que vous en avez entendu parler lors des séances que vous avez tenues dans tout le pays. La difficulté ne réside pas dans la production de nos longs métrages. En effet, là où le bât blesse, c'est que nos films ne sont pas projetés sur les écrans de cinéma au Canada. En moyenne, les budgets de mise en marché de films américains s'élèvent à environ 40 millions de dollars. Au Canada, nous disposons d'un budget moyen de 400 000 dollars par long métrage. Le succès de notre secteur repose uniquement sur les lois du marché, alors, dans de telles circonstances, comment pouvons-nous faire en sorte que nos films soient diffusés?
En outre, nous devons composer avec l'odieux chantage que mènent les distributeurs américains, qui affirment aux exploitants de salles de cinéma qu'ils ne pourront pas obtenir la prochaine super production américaine s'ils consacrent un de leurs écrans aux films canadiens.
En réalité, le fait que nos films soient projetés quelque part au Canada est presque un miracle en soi. Comment s'étonner du fait que nos salles de cinéma projettent presque seulement des films qui ne sont pas canadiens alors que les productions en anglais représentent à peine 1,6 p. 100 des recettes des salles de cinéma canadiennes. Ainsi, un film canadien intitulé Seven Times Lucky a fait ses débuts le 25 mars sur trois écrans au Canada. Au même moment, un merveilleux classique américain intitulé Guess Who? et mettant en vedette Ashton Kutcher était lancé, et projeté sur 229 écrans. Et je précise que mes propos au sujet de cette production étaient sarcastiques. Cette situation est intolérable. Si nous tenons réellement à maintenir une industrie cinématographique canadienne qui soit saine, alors il faut mettre un terme à ces pratiques.
Comment remédier à la situation? On pourrait imposer le concept de contenu canadien aux exploitants de salles de cinéma et aux distributeurs de films. On pourrait opter pour un système de quotas qui obligerait les exploitants de salles de cinéma à projeter un film canadien par semaine sur un écran au moins, ou encore qui fixerait un nombre minimal d'heures de diffusion hebdomadaire de films canadiens. Ce genre de mécanisme a produit de bons résultats dans d'autres pays, dont la Corée.
En outre, on pourrait imposer des frais supplémentaires de 50 ¢ pour chaque billet de cinéma vendu, ce qui générerait environ 70 millions de dollars de recettes. Ces montants pourraient constituer un fonds de mise en marché des longs métrages qui serait distinct de tout autre soutien à l'industrie cinématographique et auxquels les cinéastes pourraient avoir accès pour mieux commercialiser leurs produits. On pourrait également prélever une taxe de 5 p. 100 sur les recettes brutes des distributeurs de films non canadiens. Une telle mesure produirait des revenus de près de 100 millions de dollars par an, qui pourraient être réinvestis dans notre industrie.
Quoi que nous fassions, nous ne pouvons nous contenter du statu quo. Notre industrie cinématographique subit d'énormes pressions à cause d'un marché mondial toujours plus agressif. Les décisions ne sont pas faciles. Voulons-nous que notre industrie canadienne du film soit florissante ou non? Voulons-nous une culture riche et dynamique ou non? Voulons-nous pouvoir voir des films qui reflètent notre identité, nos espoirs, nos craintes, nos joies et nos aspirations? Si vous croyez que la réponse à l'une ou l'autre de ces questions est oui, alors vous devez agir dès maintenant.
Merci.
La présidente: Monsieur Baboushkin ou monsieur Houston? Lequel de vous deux va parler en premier?
M. Jarrod Baboushkin (agent d'affaires, Conseil régional de l'Atlantique, Guilde canadienne des réalisateurs): Tout d'abord, permettez-moi de vous saluer et de vous remercier infiniment d'avoir bien voulu modifier le calendrier de vos réunions, nous l'apprécions énormément.
J'occupe le poste d'agent d'affaires pour le conseil régional de l'Atlantique de la Guilde canadienne des réalisateurs. Je suis accompagné de John Houston, réalisateur, cinéaste et membre de notre Guilde depuis très longtemps.
Le bureau national de notre organisation vous a déjà fait parvenir un mémoire détaillé au sujet de l'industrie canadienne du long métrage. Par conséquent, notre exposé liminaire sera bref, nous allons nous contenter de quelques remarques afin de vous permettre de nous poser des questions sur le point de vue du Canada Atlantique.
La Guilde canadienne des réalisateurs estime qu'il est essentiel que le gouvernement continue d'appuyer la production de longs métrages et qu'il augmente le financement accordé à cette fin. En effet, il s'agit d'une excellente affectation des ressources publiques, car la production cinématographique permet de mettre en pratique de multiples objectifs de politique économique et culturelle, y compris la souveraineté culturelle, l'édification de notre nation grâce à la création d'une mythologie culturelle commune de même que la création de milliers d'emplois écologiques et bien rémunérés, notamment. Les objectifs principaux de la politique relative aux longs métrages,--c'est-à-dire développer et retenir des créateurs talentueux, favoriser la qualité et la diversité des longs métrages canadiens, attirer un vaste public au Canada comme à l'étranger et préserver notre patrimoine cinématographique,-- demeurent tous importants.
Les longs métrages sont les oeuvres audiovisuelles qui coûtent le plus cher à produire. Le contexte économique de la production cinématographique est tel que la plupart des pays qui souhaitent préserver un secteur national viable du film et de la télévision doivent fournir à ce secteur un appui continu sous forme de politique et de mécanismes de financement. Par conséquent, le Canada s'est doté d'une série de politiques publiques et de programmes interreliés. J'insiste sur le fait que ces dispositifs sont très précieux car les films constituent l'un des moyens de communication les plus puissants et les plus influents de notre époque. Ainsi, seules les mesures de soutien à un secteur vigoureux et dynamique du film et de la télévision permettront aux créateurs canadiens de partager leur point de vue artistique avec le public du Canada et du monde entier.
Comme nous l'avons dit dans le mémoire de notre organisation nationale déposé le 8 février 2005, les institutions et les programmes clés qui viennent en aide à la production télévisuelle et cinématographique au Canada doivent bénéficier d'un financement accru, stable et à long terme. Parmi ces programmes et institutions figurent Téléfilm Canada, le Fonds de financement des longs métrages, le Fonds canadien de télévision, l'Office national du film et la Société Radio-Canada. De même, les crédits d'impôt accordés à la production cinématographique apportent une contribution à la fois précieuse et nécessaire à la viabilité de notre industrie. En l'absence de tels programmes gouvernementaux de soutien continu, les oeuvres cinématographiques disparaîtraient des écrans de cinéma et de télévision du monde entier, et cette perte serait terrible.
Cela étant dit, je cède la parole à John Houston, qui va prononcer quelques remarques sur ces questions.
Á (1115)
M. John Houston (acteur, à titre personnel): Merci, Jarrod.
Je vous remercie de nous avoir invités tous à comparaître devant vous.
Madame Catterall, vous nous avez présenté vos excuses pour le retard. Je dois dire que, dans notre secteur, nous sommes très habitués aux retards, aux modifications d'horaire et autres changements de cette nature. À cet égard, l'une de nos tracasseries les plus importantes consistent dans l'attente, par les producteurs, de la réponse de Téléfilm Canada et d'autres organismes réglementaires.
Pour ce qui est de mon dernier projet, nous avons dû patienter deux mois et demi, mais, mercredi dernier, nous avons appris que tout était approuvé. Dès lors, nous avons dû accélérer le rythme, nous sommes passés d'une période d'attente où tout était en suspend à l'obligation de nous conformer à des contraintes de temps pour ce qui est de la préparation de notre film afin de terminer en un mois ce qui en exigerait normalement trois.
Je crois que tous les Canadiens auraient intérêt à prévoir le début du tournage d'un long métrage pour le mois de novembre, car il faut beaucoup de temps pour que le processus de financement soit complété. Par conséquent, les équipes doivent travailler d'arrache-pied si la production doit démarrer avant novembre. Ainsi, vous constaterez que, dans de nombreux films canadiens, les arbres viennent de perdre leurs feuilles. Je crois que souvent, le scénario du film se passe au printemps, mais, malheureusement, les producteurs n'arrivent pas à obtenir leur financement assez tôt.
Je vous ai cité cet exemple pour vous montrer à quel point nous sommes ravis d'avoir l'occasion de venir vous rencontrer. Les consultations jouent un rôle très important, et les consultations régionales sont particulièrement essentielles. Sans un tel exercice, nous risquons de vouloir centraliser les programmes, perdant ainsi une bonne partie des richesses qui constituent une identité du Canada. Pour cette raison, nous sommes particulièrement heureux de faire partie de vos consultations.
J'en viens à l'une de nos recommandations principales. Un conseil consultatif a été mis sur pied en vertu de la politique relative aux longs métrages, mais un problème de gouvernance se pose. En effet, il n'y a pas de représentants du milieu des créateurs qui siègent à ce conseil comme participants actifs à part entière. Dans de telles circonstances, nous ne voyons pas comment ce conseil peut produire de bons résultats. Il me semble que lorsque nous empruntons une route et que nous sommes confrontés à un obstacle infranchissable, alors nous devons nous arrêter et nous demander quelle erreur nous avons commise avant d'emprunter une autre voie. Si l'on veut que le secteur public travaille étroitement avec le secteur privé, alors les personnes qui connaissent le secteur sont les mieux placées pour fournir des conseils dans tous les domaines.
Pour faire écho aux propos de notre collègue Nigel Bennet, j'aimerais réitérer le fait qu'un financement stable, accru et à long terme joue un rôle important pour nos institutions culturelles primordiales. Ce financement stable doit s'échelonner sur un cycle plus long qu'un an voire même quatre ans, afin de gagner la confiance des personnes concernées avec le temps. Des scénaristes écrivent et élaborent des projets qui porteront fruit six ans plus tard. Parfois l'étape de développement s'étend sur 12 ans ou plus. Par conséquent, ces personnes doivent connaître le contexte qui s'applique à leur travail, et savoir qu'elles bénéficient d'un soutien réel.
Je vais aborder un autre enjeu clé. Il a été question de distribution et de projection de films, mais dans une certaine mesure, pourquoi créer une oeuvre si elle est susceptible d'être vue par très peu de gens? La plus grande frustration des cinéastes canadiens est de ne voir projeter leur oeuvres sur presqu'aucun écran canadien. Nous devons faire preuve de franchise à cet égard lorsque nous constatons que le milieu cinématographique du Canada anglais doit lutter pour que 5 p. 100 de nos produits soit diffusé dans des salles de cinéma canadiennes. Nous n'avons pas connu de succès sur ce front, et si les résultats semblent à peu près satisfaisants, c'est parce que l'on gonfle les chiffres en tenant compte des productions canadiennes françaises. Dans ce cas, les chiffres semblent indiquer que nous tirons notre épingle du jeu. Par conséquent, le temps est venu de modifier radicalement nos paradigmes, nos perceptions.
Soyons clairs. Les écrans de cinéma au Canada ne sont pas canadiens. Ce sont plutôt des écrans de cinéma américain. Nous devrions tout simplement accepter ce fait et les considérer comme tels, car ces écrans sont sous le contrôle des américains, des studios américains, des distributeurs américains et du personnel et des associés de ces groupes.
Ainsi, dans ce contexte, 5 p. 100 de nos produits équivaut à un progrès, ce que nous ne voulons pas critiquer. Tout progrès est important, mais notre objectif s'établit-il réellement à 5 p. 100? Il semble insensé, comme Canadiens, d'affirmer que notre objectif est de voir des oeuvres qui nous reflètent dans 5 p. 100 des cas seulement. Pensez-y, 5 p. 100. C'est un début, mais notre objectif doit être plus ambitieux. Si nous exigeons davantage de films canadiens, il sera très intéressant de constater que cela aura pour effet de renforcer notre sentiment d'unité.
Á (1120)
Dans cette industrie, nous voyons tous ces petits fiefs, tous ces petits groupes de personnes qui semblent s'occuper uniquement des intérêts des leurs. J'ai entendu plus tôt parler de radiodiffuseurs qui tentent d'obtenir une participation aux bénéfices et autres choses du genre. Chacun de ces petits groupes défend les intérêts des membres du groupe.
Ce qui nous fait défaut, pour ainsi dire, est un cri de ralliement. Je veux parler d'un cri de ralliement national et non pas régional. Si vous voulez que les régions soient parties prenantes, vous avez intérêt à les inclure. Il faut que les régions elles-mêmes se sentent incluses. S'il y avait un cri de ralliement national pour canadianiser le secteur du cinéma et de la télévision au Canada... Le cinéma et la télévision sont les outils les plus efficaces pour créer un sentiment d'identité nationale et pour toucher le coeur et l'esprit des Canadiens. Ainsi, si nous parvenons à faire cela, certaines choses changeront.
Le réseau CBC est si occupé à présenter des longs métrages américains et étrangers qu'il laisse filer une occasion rêvée de construire—ou devrais-je dire de reconstruire—les auditoires canadiens pour les oeuvres canadiennes. Et voilà le CRTC qui a devant lui des montagnes de preuves de la désolation qui règne dans le secteur des dramatiques télévisées depuis l'adoption de la malheureuse politique de 1999 sur la radiodiffusion. Si cette politique n'est pas immédiatement annulée, on dira d'elle qu'elle a sonné le glas de l'expression canadienne, gracieuseté de notre propre gouvernement.
J'en viens maintenant aux régions. Compte tenu de ce qu'a dit M. Silva, j'estime que ce n'est pas une bonne idée de nous comparer toujours à l'exemple américain, surtout lorsqu'il est question de production indépendante. Tous les cinéastes américains indépendants rêvent d'être Canadiens. Il est très difficile d'assurer la réussite des films indépendants. Sauf si vous avez le bonheur d'attirer l'attention d'un studio cinématographique ou d'être acheté par l'un des grands studios, vos films ne vont nulle part aux États-Unis. Notre système n'est peut-être pas parfait mais il est meilleur que ce qui existe là-bas.
Nous estimons qu'au Canada il faut se tourner vers les régions. Il faut souvent chercher à l'extérieur de Toronto et à l'extérieur de l'Ontario, mais pas exclusivement, pour trouver les films à grand succès. Bien entendu, le Québec le démontre depuis de nombreuses années. À l'extérieur du Québec, si vous songez aux films Atanarjuat—The Fast Runner, ce film a remporté un énorme succès. J'estime que ce serait une grave erreur de nous contenter de confier à quelques personnes dans un bunker à Toronto le soin de décider quelles émissions canadiennes seront bien reçues ou boudées par les auditoires.
Je suis de l'Arctique, même si j'habite ici, mais je connais très bien ceux qui ont réalisé le film Atanarjuat—il leur a fallu six ans d'efforts pour obtenir le feu vert pour sa diffusion. Au Canada, la majorité des gens se sont demandé qui pouvait bien vouloir passer trois heures assis à regarder un film sous-titré dans une langue autochtone quelconque, l'Inuktitut, en fin de compte? Cela n'intéressait personne; personne ne voudrait le regarder. Eh bien, c'est bien chanceux que les régions aient pu s'affirmer et diffuser ces films que le monde entier a pu apprécier. Atanarjuat joue maintenant dans 20 pays. Atanarjuat a remporté deux prix au festival du film de Cannes.
Ce bunker dont j'ai parlé n'existe peut-être pas. J'estime qu'il ne faut pas s'en remettre à une seule instance supérieure qui se prononcerait en définitive sur ce qui serait bien reçu ou boudé par l'auditoire canadien. Nous ne sommes pas en mesure de dire quel film fera recette. Je pense que personne n'est en mesure de le dire. Aux États-Unis, il y a un très grand nombre de films boudés par les cinéphiles pour chaque film à succès et nous n'entendons tout simplement pas parler de ces films-là. Les studios les enterrent sitôt qu'ils voient le jour. Ces films sont vite retirés des écrans. Parfois ils sont à l'écran pendant un cours laps de temps puis les studios les enterrent et injectent des sommes énormes dans quelque autre projet. Nous n'avons pas les ressources financières voulues pour jouer ce jeu-là. Si nous pouvons maintenir la vigueur des régions, si nous pouvons maintenir, comme l'a dit mon collègue des régions, si nous pouvions maintenir, comme l'a dit mon collègue Nigel Bennett il y a un instant, l'idée du financement de toute cette créativité, cela nous permettra de voir les résultats, de voir ce qui retient l'attention du monde entier... Nous n'avons pas de formule magique qui permette de dire quels films remporteront un grand succès mais nous pouvons peut-être créer un climat qui favorisera la création.
Á (1125)
Or, ce climat qui favorise la création n'existe plus—ce sera mon dernier commentaire, je l'espère, avant de répondre à vos questions—depuis la décision prise par le CRTC en 1999 car où est l'incubateur pour les longs métrages? C'est la production télévisuelle. Regardez la liste des réalisateurs et des producteurs de films. Nous sommes tous heureux de voir Paul Haggis recevoir un Oscar à titre de coauteur de Million Dollar Baby et ce genre de choses mais où Paul Haggis a-t-il pris du gallon? C'était à l'émission Due South et autres émissions du genre. Il a fait ses premières armes à des émissions et des séries dramatiques pour la télévision canadienne. Si l'on supprime les séries dramatiques à la télévision canadienne, d'où viendra ce talent, d'où viendront ceux qui seront en mesure de faire ces merveilleux longs métrages?
Je crois que la décision de 1999 a eu d'énormes conséquences, particulièrement dans les régions. Vous avez demandé une analyse régionale. Sans vous parler tout particulièrement de la région du Canada atlantique, je pourrais représenter des régions de façon générale et demander, quand les affectations diminuent, qu'arrive-t-il aux régions? La même chose se produit dans le milieu des affaires—dès que les ressources financières diminuent, ce sont les bureaux régionaux que l'on ferme.VisionTV avait à l'époque un représentant local et c'était le cas d'un grand nombre d'autres radiodiffuseurs que je pourrais mentionner. Dès que les ressources financières ont diminué, il été décidé que tout se ferait depuis Toronto. On a coupé les vivres aux régions.
Quant aux séries, soyons honnêtes; nous ne nous retrouverons jamais dans une situation où il y a un très petit nombre de séries canadiennes dont aucune n'est réalisée à Toronto. Au contraire, c'est la part des régions qui diminue et c'est ce que nous constatons à l'heure actuelle.
Nous aimerions bien travailler en partenariat si nous pouvions être représentés aux côtés de l'ACTRA et des autres groupes professionnels. C'est notre gagne-pain; nous comptons là-dessus. C'est ce que nous vivons tous les jours et les dirigeants de nos organisations devraient être membres de ce groupe consultatif. Je ne suis pas du tout contre cette consultation; je suis très heureux qu'elle ait lieu. Toutefois, il faudra que cela se fasse tous les jours, toutes les semaines, tous les mois en partenariat afin de canadianiser le cinéma et la télévision canadiens.
Merci.
La présidente: Merci.
Je vais accorder la préférence au député local et donner la parole en premier à M. Casey.
M. Bill Casey: Avons-nous une heure et demie^
Á (1130)
La présidente: Non.
M. Charlie Angus: Limitez-le à cinq minutes.
La présidente: Après M. Casey, je donnerai la parole à M. Angus et à M. Silva dont on a écourté l'intervention au tour précédent puis nous reviendrons à vous, monsieur Lemay.
M. Bill Casey: Merci.
Je remercie la présidente de sa générosité et les exposés m'ont plu.
En vous écoutant, je vous ai entendu énumérer un certain nombre de problèmes. Le premier, et là-dessus tout le monde s'entend, c'est qu'il faut un financement à long terme plus stable, mais si seulement 5 p. 100 de la production est vue par les gens, cela signifie que 95 p. 100 de la production n'est jamais vue. C'est là une statistique incroyable.
Je me demande ce que nous pourrions faire pour que les gens puissent voir ces films. Comme l'a dit M. Houston, cela doit être très frustrant, pour les artistes et les réalisateurs de constater que leurs productions ne sont jamais vues. Mary Sexton, qui a témoigné il y a un instant, a consacré près de 2 millions de dollars à la réalisation d'un film qui n'a été montré que pendant deux semaines, une fois à St. John's et une fois à Toronto.
Existe-t-il un modèle commercial qui pourrait être viable et qui mènerait à la présentation de ces films en salle? Y a-t-il moyen de montrer ces films à l'écran et, si nous parvenons à augmenter la proportion à 10 p. 100, serait-il possible d'obtenir davantage de financement?
M. Nigel Bennett: Je crois avoir parlé de l'idée de contingents dans les cinémas et si nous examinons ce qui se fait ailleurs dans le monde, nous constatons que la France verse environ 490 millions d'euros annuellement à la production cinématographique. C'est l'une des subventions les plus généreuses qui soit accordée où que ce soit dans le monde. En Australie, les films australiens comptent pour 9 p. 100 des films montrés à l'écran.
N'oubliez pas que la proportion n'est pas en réalité de 5 p. 100 à l'heure actuelle. C'est plutôt la cible que vise Téléfilm Canada. À l'heure actuelle, la proportion n'est que de 3,7 p. 100, ce qui inclut les films canadiens français et nous savons tous qu'il y a beaucoup plus d'intérêt et un auditoire beaucoup plus nombreux au Québec pour les films de langue française qu'il n'y en a pour les films de langue anglaise dans les autres régions du pays. Les films en langue anglaise faits au Canada ne représentent que 1,6 p. 100 des films montrés en salle de sorte qu'il nous reste encore beaucoup de chemin à faire avant d'atteindre l'objectif de 5 p. 100 fixé par Téléfilm Canada.
La Corée a un système de contingentement. Chaque cinéma doit faire passer des films coréens pendant 40 p. 100 de l'année. Cette politique a été mise en place il y a dix ans et le nombre de jours pendant lesquels des films en coréen sont montrés à l'écran est passé de 107 en 1993 à 147 dix ans plus tard et la part de marché est passée de 15,9 p. 100 en 1993 à 45,2 p. 100 en 2003.
Ainsi, un système de contingentement donne de bons résultats.
M. Bill Casey: Quels autres pays ont un système de contingentement?
M. Nigel Bennett: Ah, c'est une bonne question. Ce sont les seuls exemples que je connais pour l'instant.
M. Bill Casey: La France a-t-elle un tel système?
M. Nigel Bennett: La France a un système très généreux de subventions.
M. Bill Casey: Mais elle n'a pas...
M. Nigel Bennett: Elle n'a pas de contingent.
La présidente: Je crois que M. Houston veut ajouter quelque chose.
M. John Houston: Oui, j'aimerais ajouter à ce qui vient d'être dit qu'il faut parler de tout cela de façon très large puisque, quand nous disons que ces films sont vus... Nous comprenons bien ce que vous dites au sujet des écrans de cinéma mais ce n'est qu'un aspect du problème. Nous parlons d'écrans de cinéma et du petit écran aussi puisque de nombreux films y sont montrés et que c'est de plus en plus la meilleure vitrine qui soit pour les oeuvres canadiennes.
Je voulais revenir à la discussion que nous avons eue plus tôt au sujet du réseau CBC qui a laissé filer cette occasion. C'est en réalité une affaire de réglementation. Plus tôt, avant que nous nous approchions de la table, certains ont reproché aux radiodiffuseurs canadiens d'avoir fait des choix bien malheureux. On pourrait aussi reprocher au gouvernement canadien et au CRTC d'avoir fait de bien mauvais choix.
Or, chacun de ces groupes a des comptes à rendre à ses actionnaires et cherche à mettre en place des règles du jeu égales pour tous. Chacun fera tout ce qu'il peut pour assurer la réussite du groupe. S'ils constatent qu'ils peuvent faire tout ce qu'ils veulent, eh bien c'est exactement ce qu'ils feront. Si nous voulons que les dramatiques canadiennes soient montrées sur les écrans canadiens et si nous voulons avoir nos propres vedettes—c'est l'un des sujets dont nous avons parlé, le vedettariat canadien—où cela se fera-t-il? Cela se fera à la télévision et dans les oeuvres cinématographiques.
M. Nigel Bennett: Permettez-moi de souligner toute l'ironie du fait que le plus important distributeur de films américains au Canada est une société canadienne. Il s'agit d'Alliance Atlantis. Si vous regardez le début d'environ 90 p. 100 des films montrés dans les cinémas, vous verrez le nom d'Alliance Atlantis; c'est l'entreprise qui distribue les films. Il s'agit d'une entreprise, issue de la fusion de deux sociétés qui faisaient toutes deux de la production, qui s'est maintenant retirée de la production parce qu'elle juge que ce n'est pas rentable. Cette entreprise a un chiffre d'affaires annuel considérable qui lui provient de la distribution de films étrangers et c'est pour cela que nous avons lancé l'idée d'une taxe sur la distribution de films étrangers—ce serait une bonne façon d'obtenir les moyens de financer la production de nos propres oeuvres au Canada.
M. Bill Casey: Si j'ai bien compris, Mary Sexton nous a dit que Alliance Atlantis a reçu une subvention de 100 000 $ de Téléfilm Canada afin de distribuer son film, mais qu'il ne l'a pas fait. C'est quand même incroyable.
Je suis certain que vous avez adressé des mémoires à CBC Radio-Canada et à CTV, et que vous leur avez demandé pourquoi ils ne peuvent pas offrir davantage de programmes canadiens sans avoir des quotas ou des lois à ce sujet. Quelle est leur réponse?
Á (1135)
M. John Houston: Essentiellement, la Guilde canadienne des réalisateurs intervient au moment où l'on renouvelle les licences; Nigel pourrait vous expliquer ce qui se fait à l'ACTRA. Lorsque le CRTC se penche sur le renouvellement de leurs licences, on nous accorde la possibilité de présenter des instances. Nous avons constaté que c'est à ce moment-ci que nos interventions s'avèrent les plus utiles, parce que il faut qu'ils justifient leurs activités afin qu'on renouvelle leurs licences.
M. Nigel Bennett: Je suis actuellement en train de négocier avec CBC au nom de l'ACTRA. Nous sommes en train de renégocier le contrat entre l'ACTRA et CBC, et le manque des dramatiques canadiennes est l'une des principales pommes de discorde.
CBC dit ne pas avoir les moyens nécessaires, mais faire de son mieux. Elle a publié un communiqué de presse il y a quelques jours disant qu'elle allait augmenter le nombre d'heures de télévision consacrées aux dramatiques canadiennes de 50 p. 100. Actuellement, le nombre d'heures que CBC consacre aux dramatiques canadiennes se chiffre à 100 par an, alors d'ici trois ans, elle va ajouter 50 heures de plus; autrement dit, une heure de plus par semaine. D'après CBC, il s'agit d'un pas très positif dans la bonne direction. Eh bien, c'est effectivement un pas, mais je ne suis pas convaincu qu'il s'agisse d'un pas très positif.
Pour ce qui est des autres radiodiffuseurs, Global Television consacre actuellement 1 p. 100 de sa programmation au contenu canadien, tandis que le CTV atteint actuellement 7 p. 100. Cependant, l'objectif officiel est de 10 p. 100, alors ni les radiodiffuseurs publics ni les radiodiffuseurs privés s'approchent de ce niveau en ce moment.
M. Bill Casey: À quel niveau se chiffre CBC en ce moment?
M. Nigel Bennett: Eh bien... CBC a atteint à peu près 6 p. 100.
La présidente: Merci.
Monsieur Angus, vous avez la parole.
M. Charlie Angus: Merci.
Tout au long de ces audiences, nous nous sommes demandé ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour que son approche soit plus systémique en ce qui concerne la distribution, le partenariat avec la télévision, les crédits d'impôt, l'expression régionale et le financement stable. J'aimerais aborder avec vous deux—car je pense que vous pouvez tous les deux me donner une opinion d'expert—une chose qui a été mentionnée lors du dernier exposé mais dont nous n'avons pas eu le temps de parler, c'est-à-dire la grande question qui pèse sur ces audiences et que personne ne pose. Je vais la poser car elle est écrite ici et je ne vais pas m'attirer d'ennuis. La question que posent les producteurs dans ce mémoire du groupe d'Ann MacKenzie est la suivante : pourquoi le Canada n'a encore produit aucun The Crying Game, Quatre mariages et un enterrement ou Ferrovipathe. Pourquoi n'avons-nous produit aucun film à succès?
Je vais citer le producteur no 5 qui malheureusement n'est pas nommé. Il donne deux exemples. Le premier est celui de Brad Peyton qui a fait un très bon film mais qui a été obligé de redemander des subventions et de se présenter devant des jurys au Canada. Il a renoncé. Il est allé à Hollywood. Il a signé un contrat pour trois films avec Tom Hanks et Universal Pictures.
Le deuxième cas est celui de Michael Dowse, qui a produit le film intitulé Fubar, dont le Canada n'a tenu absolument aucun cas. À Los Angeles, on l'a adoré. Au festival Sundance on l'a adoré. Puis il l'a présenté au Festival du film de Toronto où on ne lui a même pas donné de gala. Sa conclusion : « Le Canada reste un ramassis de demandes et de sélections inutiles ».
Voici ce que dit ce producteur:
Nous ne produisons pas réellement de bons films. Et la situation ne s'améliore pas. Débarrassons-nous de nos illusions et tentons de changer ce terrible état de fait. |
Nous produisons des films de piètre qualité, à mon humble avis, pour trois raisons: |
1) Nous ne développons pas [...] Nous semblons croire, en tant qu'industrie, que nous nous améliorons au chapitre du développement parce que nous accordons plus de temps pour rédiger les scénarios [...] Cependant, un mauvais projet peut être développé pendant deux ans et rester un mauvais projet. |
2) L'industrie semble concentrer toute son énergie sur les mauvais éléments [...] |
En tant que cinéaste, au lieu de développer ou de produire des films, je consacre la plus grande partie de mon temps à remplir des demandes. Je demande sans cesse des subventions, de l'argent pour le développement, du financement par actions, etc. |
3) Le seuil de qualité est très faible. |
Combien de fois ai-je entendu « c'est très bon [...] pour un film canadien »? Comment pouvons-nous dire ça? Pourquoi la barre est-elle si basse? Comment pouvons-nous tolérer que l'Australie, dont la population représente les deux tiers de la nôtre, produise des films dix fois meilleurs que les nôtres? Ne pouvons-nous pas lever la barre et faire concurrence aux meilleurs du monde? Qu'est-ce qui ne marche pas chez nous? Et que dire de l'explosion de l'Amérique latine: Y tu Mama, City of God, Amores Perros, Central Station—ces quatre films sont dix fois meilleurs que tout ce que nous avons déjà produit ici. Ils n'ont même pas de Téléfilm ou de NSRDC ni aucune entité de la sorte. Ce sont des pays très pauvres, comme le Brésil et le Mexique, qui produisent ces chefs-d'oeuvre. Pourquoi ne pouvons-nous pas hausser la barre et produire des films comme ceux-là? |
C'est ce que dit un producteur canadien anonyme dans le dernier mémoire qui nous a été présenté. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, car nous devons déterminer si c'est une bonne appréciation de l'industrie cinématographique canadienne.
Á (1140)
M. Nigel Bennett: Oui, je pense que c'est exact. Il y a à cela de nombreuses raisons. L'une des principales étant notre voisin immédiat. Nous vivons à côté du plus grand producteur de films au monde—pour ce qui est de la quantité, mais pas nécessairement de la qualité. Chaque fois qu'un scénariste donne des signes de talent, il est recruté par un studio ou un producteur américain. Il y a de nombreux exemples de bons scénaristes canadiens qui ont connu le succès ici avec une série et dès que leur talent, leur capacité et leur potentiel est reconnu, ils sont recrutés par nos voisins du Sud.
Nous perdons constamment la crème de la crème. Nous perdons nos meilleurs cerveaux. L'une des raisons étant qu'il n'y a pas assez d'argent à investir dans la préproduction. Si vous me le permettez, j'aimerais vous citer quelques chiffres, le programme d'aide aux scénaristes de Téléfilm est plafonné à 150 000 $ par projet, ce qui inclut le scénario, les dépenses connexes, y compris les options et les acquisitions de droits, le lecteur-analyste de scénario, les frais de recherche, la préparation du budget, l'analyse du marché et les frais des producteurs.
La convention collective de la Writers Guild of Canada garantit une rémunération minimale de 47 286 $ pour la rédaction du scénario d'un long métrage. Il faut en moyenne trois ans pour écrire et développer le scénario d'un long métrage. Cela fait 15 762 $ par année. C'est inférieur au salaire minimum de 7,45 $ l'heure, ce qui donne 19 656 $ par année. Si nous sommes prêts à payer seulement 7,45 $ l'heure à nos scénaristes, est-ce si étonnant qu'ils aillent chercher du travail ailleurs?
Il y a aussi une culture défaitiste parmi nos producteurs. Ivan Reitman dit: « On forme le producteur canadien et on l'encourage à concentrer ses efforts à satisfaire une gamme de règles de contenu établies par une succession ininterrompue de politiciens et de bureaucrates: on oublie l'auditoire ».
Dans notre système, nous avons ainsi cultivé quelques producteurs qui sont très bons à remplir des demandes mais qui ne sont pas très bons pour le reste. Nous récoltons ce que nous avons semé avec nos politiques. Quelque chose doit changer. Vous avez absolument raison.
M. Charlie Angus: Merci.
M. John Houston: Là où je ne suis pas d'accord, c'est lorsqu'on mentionne l'explosion latino-américaine et quatre films qui seraient 10 fois meilleurs que n'importe quel film créé au Canada. Nous savons tous que ce n'est pas vrai. Le Canada a créé des films exceptionnels. Le Québec a produit des films magnifiques qui se comparent avantageusement à n'importe quel film fait ailleurs. Mais plutôt que d'ignorer ce genre de généralisation, il est important d'écouter et d'en tirer les leçons. Pour ce qui est de cette opinion que « nous ne développons pas », eh bien nous avons passé les six premiers mois de l'année à essayer d'obtenir l'approbation de Téléfilm Canada et de divers autres organismes. Tout à coup, alors que nous avions presque abandonné tout espoir, nous avons obtenu notre financement. Nous devons maintenant faire trois mois de préparation en un seul mois. Ou alors, nous devons changer notre horaire. Ce n'est pas une bonne façon d'élaborer un film.
En outre, il n'y a pas de coordination. Il y a moyen d'aider le développement d'un film. Il y a l'Institut national des arts de l'écran. Il semble serviable, mais il ne s'inscrit pas dans un système d'encouragement et de financement du développement à long terme de projets artistiques.
Deuxièmement, il est absolument vrai que nous dépensons toute notre énergie à obtenir du financement et à remplir des demandes. Il doit y avoir un moyen de faire disparaître ce cauchemar de bureaucratie et de paperasserie. Je suis un scénariste, un directeur et un producteur. Tous les jours je m'évertue à trouver quelques minutes pour faire quelque chose de créatif lorsque j'ai de l'énergie et de la matière grise. C'est une lutte constante pour trouver des moments créatifs. Ce n'est pas possible lorsqu'on est au téléphone en train de négocier, de plaider, de cajoler, de faire ce qu'on peut pour obtenir les fonds dont on a besoin.
Troisièmement, il y a la question du seuil de qualité trop bas. Il serait intéressant d'examiner le système américain. Les studios américains disent qu'il ont un rapport de un pour 1 700. Ce sont probablement de vieux chiffres, c'est quelque chose que j'ai lu il y a trois ou quatre ans. Ils disent que de tous les scénarios soumis à Paramount, MGM, ou aux autres, ils en produisent un sur 1 700. Nos chiffres sont loin d'être comparables. Alors lorsque vous dites que le seuil de qualité est trop bas il faudrait savoir combien de scénarios sont rédigés? On ne peut pas simplement dire, « Voilà, nous allons écrire un succès phénoménal ». Cela prend du temps. Le système américain semble bien fonctionner pour les Américains. Et s'il fallait rédiger 1 700 scénarios avant d'avoir un immense succès? Pensez-y. Nous sommes loin de produire une telle quantité.
Ces choses se façonnent par l'interaction avec les auditoires. Les films sont produits pour un auditoire cible. Puis on voit si on a répondu à l'attente de l'auditoire. Il y a des représentations d'essai. Aux États-Unis, il y a un processus rigoureux pour produire un succès. Au Canada, vous pourriez demander : quel auditoire? Cela fait partie d de la même conversation. S'il n'y a que 5 p. 100 des films qui seront vus, et s'ils ne sont pas présentés à la télévision, comment améliorer le produit à l'intention d'un auditoire, lorsqu'on a pas vraiment d'auditoire?
Voilà ce que je pense.
J'aimerais revenir à quelque chose que Nigel disait au sujet du nombre de dramatiques canadiennes présentées sur nos chaînes de télévision. C'est une question à part. Il faudrait éviter de mesurer cela simplement en temps d'antenne ou en durée. Un producteur dira qu'un certain pourcentage de sa programmation est constituée de dramatiques, mais tout le système a été vidé de sa substance en 1999 par cette malheureuse décision du CRTC. Pour que ce genre de réglementation ait de l'effet, il faut qu'on y accorde un certain pourcentage du budget.
Á (1145)
À défaut d'un budget, s'il s'agit simplement de compter le nombre d'heures ou de demi-heures, on aboutit avec des émissions réalité. Vous aurez beau dire nous avons cette petite heure dramatique, qui nous coûte 0,10 $ l'épisode à produire, et nous allons la compter comme notre dramatique—mais avec ça, on ne bâtit rien.
Alors, s'il vous plaît, si nous voulons essayer d'annuler la décision de 1999 du CRTC, faisons en sorte que ce soit une mesure musclée. Cela veut dire que le diffuseur ne pourra pas simplement se contenter de dire nous faisons x heures de ceci ou de cela, mais que ce soit plutôt un certain pourcentage des revenus d'exploitation.
Merci.
M. Nigel Bennett: J'aimerais ajouter, si vous me le permettez, que cela dépend des nombres. Ce ne sont pas tous les films mexicains, australiens, polonais ou lituaniens qui sont formidables; ces pays produisent également de véritables navets. Nous ne voyons que les bons films.
L'an dernier, le Canada a produit 44 films en anglais, selon Téléfilm. Les grands studios américains ont distribué 473 films dans les cinémas, mais il y en a 150 autres qui ont été produits sans être diffusés. Cela fait plus de 600 films, comparé à 44. C'est le même problème.
Sur un autre sujet, je peux vous dire que CBC/Radio-Canada a dépensé au total 0,1359 p. 100 de son budget en salaires aux membres de l'ACTRA.
La présidente: Monsieur Silva.
M. Mario Silva: Nous passons beaucoup de temps à nous comparer à d'autres pays, mais ces comparaisons ne sont pas toujours utiles; certains pays ne font pas face aux mêmes défis que nous, même pour la distribution, car ici, cela relève des provinces. La situation est donc différente ici. Mais je sais qu'il y a une question qui est souvent soulevée, celle de la distribution et de la commercialisation ainsi que l'absence de fonds pour ces activités. Il va sans dire qu'il est essentiel que les films soient présentés sur les écrans si on veut que les gens les voient, mais on ne peut pas attirer de spectateurs sans dépenser des sommes énormes pour la commercialisation, sans quoi ils ne sauront pas que le film existe. Je sais que ce sont les défis auxquels l'industrie fait face.
Nous avons déjà parlé de la réglementation de l'industrie cinématographique au Canada, ainsi que des politiques et systèmes que nous avons mis en place, que ce soit le régime fiscal ou les différents organismes subventionnaires... j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Il me semble que c'est une question qui inquiète.
Comment corrigeriez-vous la situation? Est-ce que vous confieriez toute la responsabilité à un organisme central? Devrait-il y avoir des organismes régionaux? J'essaie de trouver la solution pour que vous ne perdiez pas tout votre temps à remplir des demandes de subvention. Je connais les problèmes, mais c'est la solution que j'aimerais trouver.
Á (1150)
M. Nigel Bennett: Dans mon conseil, nous avons parlé de la régionalisation du financement comme un moyen d'aller de l'avant. Au lieu que Téléfilm ait un seul budget qu'il distribue bon gré mal gré dans l'ensemble du pays—ce qui veut dire, par la force des choses, que les grands centres de production sont favorisés au détriment des autres, tout simplement parce qu'ils ont plus de cinéastes—nous devrions peut-être songer à régionaliser le financement de manière à ce qu'un certain pourcentage des fonds de Téléfilm soient affectés à chaque région. Ainsi, les Maritimes recevraient un pourcentage garanti, et les cinéastes de la région sauraient qu'ils peuvent présenter une demande sans faire concurrence aux grands producteurs des autres régions. C'est une situation possible.
Je pense qu'il faut simplifier le processus. Je comprends le concept de la reddition de comptes puisqu'il s'agit de fonds publics, puisque c'est l'argent des contribuables que nous dépensons, et qu'il faut gérer avec prudence les finances publiques. Mais, pour ma part, je pense que Téléfilm est allé trop loin dans son zèle pour protéger le public et s'assurer que l'argent est bien dépensé. Il est allé au-delà de cela et s'est transformé en bureau de censure ou en arbitre du bon goût et en juge de ce qui doit et ne doit pas être vu. Je suis convaincu que ce n'est pas son rôle. Je pense qu'un scénario doit être jugé sur ses propres mérites, et pas sur le fait qu'on y trouve des gros mots toutes les deux pages ou qu'il n'y ait pas de drapeau canadien dans chaque scène. Nos histoires sont nos histoires; nous n'avons pas besoin de proclamer notre nationalité canadienne en affichant nos symboles, je suis Canadien parce que je suis Canadien, et ça devrait suffire.
M. John Houston: Nous sommes entièrement d'accord. En outre, c'est l'une des principales recommandations de la présentation nationale de la Guide canadienne des réalisateurs, selon laquelle lorsque nous parlons de contenu canadien... C'est l'un des vieux préjugés, que lorsque les gens parlent d'un film canadien, ils disent qu'il est « assez bon mais étant donné les circonstances », etc.
Ce qui a terni l'image du cinéma canadien c'est justement que nous essayons si fort de montrer que nous sommes Canadiens. D'une certaine façon, cette réglementation nous oblige à faire des films dans lesquels nous affichons notre canadianisme. En fait, c'est de propriété intellectuelle qu'il s'agit. Essentiellement, si un film est imaginé par un Canadien, produit par un Canadien, réalisé avec des acteurs canadiens, c'est un film canadien.
Nous parlons de pertinence et nous demandons si les films canadiens intéressent les Canadiens. Je suis sûr que vous serez tous d'accord pour reconnaître que les Canadiens s'intéressent à beaucoup de choses qui se passent à l'extérieur de nos frontières. Nous ne passons pas tout notre temps à réfléchir uniquement à ce qui se passe à l'intérieur du Canada. Si les cinéastes canadiens ont les mains liées, si on les empêche de tourner leur regard vers l'étranger, vers des choses qui se passent ailleurs qu'au Canada, s'il y a une espèce d'inquisition qui rejette des films sous prétexte qu'ils ne sont pas Canadiens, les autres Canadiens nous trouverons de moins en moins intéressants.
C'est la première chose, mais je n'ai pas terminé.
Nous pensons qu'il faudrait modifier Téléfilm Canada et tout le portefeuille du spectacle. C'est une bonne idée d'encourager les gens qui ont déjà eu du succès, mais lorsque nous disons des « gens », qu'est-ce que cela veut dire? Jusqu'à présent, nous avons aidé les producteurs. En gros, Téléfilm Canada aide les producteurs qui ont déjà eu un succès en leur donnant de l'argent et en leur disant allez-y, recommencez.
Le succès ne dépend pas seulement du producteur. C'est une collaboration. C'est une petite triade, en quelque sorte : il y a le scénariste, le directeur et le producteur. Ensemble, d'une manière ou d'une autre, ils ont produit un film à succès. Ce que nous aimerions c'est que ces éléments soient reconnus.
Nous avons essayé de mettre en place un système très américain. C'est vraiment le système américain dans lequel le producteur... En général, tous les créateurs doivent céder tous leurs droits au producteur. Ils doivent céder tous leurs droits d'auteur, tous leurs droits moraux à l'égard de la production.
Je suis un phénomène assez bizarre puisque je suis à la fois scénariste, directeur et producteur. Maintenant, je signe des contrats dans lesquels en tant que scénariste je cède tous mes droits, en tant que directeur je cède tous mes droits et en tant que producteur, je les récupère. C'est un peu étrange. Mais la plupart des artistes n'ont pas la chance d'être également producteur. Ils renoncent à tout et lorsqu'on y regarde de plus près, cela explique probablement bien des choses.
Si nous voulons revitaliser le cinéma au Canada, en tant qu'expression artistique, donnons du pouvoir aux artistes, pas seulement aux producteurs. Un producteur cherche peut-être un modèle financier, et il n'y a rien de mal à cela, mais si nous l'élargissons, il suscitera plus de passion.
Il y a de nombreux précédents en Europe. Le Canada se trouve dans une situation intéressante; il est, en quelque sorte, situé entre l'Amérique et l'Europe. En Europe, on a mis en place plusieurs mécanismes pour permettre aux scénaristes et aux directeurs de conserver une partie de leurs droits d'auteur.
Quel impact est-ce que cela aurait sur le plan de Téléfilm? Il y a un mécanisme—qui peut sembler lourd et bureaucratique—mais il y a un moyen de le faire fonctionner. Par exemple, s'il y avait une liste A, chaque fois qu'un producteur a un succès, on l'ajouterait à cette liste. Et on ferait de même pour le scénariste et le directeur. Ainsi, ils se retrouveraient tous sur la liste A.
Á (1155)
Quand vient le temps de donner de l'argent, il n'est pas nécessaire d'avoir la même équipe—ce serait trop restrictif—mais on pourrait dire à chaque producteur qui présente une demande de s'entourer de personnes de la liste A. Il suffirait alors au producteur de trouver un scénariste et un directeur de la liste A, peu importe qui ils sont, à la condition qu'ils soient Canadiens. Créez une équipe A et nous vous donnerons de l'argent. Ce serait une façon de reconnaître le talent et la passion créatifs et de revitaliser l'industrie.
M. Nigel Bennett: Permettez-moi d'ajouter quelques commentaires. Le problème avec les enveloppes basées sur le rendement est que cela mène à l'homogénéisation de l'industrie. C'est comme quelqu'un qui mange du steak-frites pour la première fois et qui trouve que c'est à son goût, et qui par la suite ne mange que ça, parce que c'est tellement bon. On finit par ne rien trouver de nouveau; on ne trouve jamais de nouvelles façons de faire.
La présidente: Je dirais que ce n'est pas tout à fait comme ça; je mange souvent du steak mais cela ne m'empêche pas de manger autre chose.
M. Nigel Bennett: Vous avez raison.
Si nous parlons de Téléfilm, il faudrait aussi parler du contenu canadien et des règles qui existent à ce sujet. Je pense qu'il serait sans doute utile de simplifier ces règles. Les règles sur le contenu canadien sont beaucoup plus simples pour l'industrie musicale, et il s'est avéré efficace de générer une demande artificielle. On a imposé aux stations de radio l'obligation de jouer un certain nombre de chansons canadiennes chaque heure, et cela a porté fruit. Grâce à cette exigence, on a pu développer une industrie musicale canadienne avec des chanteurs comme Céline Dion, Anne Murray et Shania Twain, qui sont maintenant des vedettes internationales. Toutes leurs chansons ne parle pas du drapeau canadien, des castors, ou d'autres stéréotypes.
 (1200)
La présidente: Je vais vous donner un peu de temps, monsieur Houston, pour que vous puissiez faire un commentaire, mais ensuite il va falloir que j'accorde un peu de temps à M. Lemay.
M. John Houston: Je serai bref cette fois. Pour la première fois, sur cette question du steak-frites, je me trouve en désaccord avec mon honorable collègue. D'après moi, une partie de la solution consiste en retirant l'enveloppe de rendement des mains du producteur. À partir du moment où vous faites participer les scénaristes, et à partir du moment où vous faites participer les directeurs... Vous n'avez qu'à regarder les résultats que cela donne sur le plan de leur carrière. Prenez l'exemple de n'importe quel scénariste ou directeur. Il y a une diversité; ils savent qu'ils ne seront pas obligés d'écrire les mêmes films 20 fois de suite, etc.; par contre, quand le producteur tient tout le pouvoir, c'est le marché qui dicte ce qu'on doit faire. Tout le monde veut produire un film qui offrira un retour sur l'investissement; il se peut donc que tout le monde essaie de faire le même film. Il a tendance à vouloir reprendre à maintes reprises la formule de n'importe quel film qui a connu un succès. Il faut qu'on fasse participer les artistes.
Merci.
La présidente: Je ne veux pas seulement le steak : je veux les champignons préparés comme il se doit, et la bonne sauce. Très bien. J'ai compris.
Monsieur Lemay.
[Français]
M. Marc Lemay: Étant un bon avocat, je ne pose jamais de question sans connaître la réponse. Je vais donc vous poser une question à laquelle j'ai la réponse.
Le pays qui se classe deuxième après les États-Unis en matière de production de films, c'est l'Inde. Or, à moins que quelqu'un m'apprenne ici un fait surprenant, je vous dirai qu'il y a bien longtemps qu'on a vu un film de ce pays sur nos écrans. En Inde, on impose des quotas. Le même phénomène s'applique à la Corée, qui impose elle aussi des quotas. J'en conclus donc que cette façon de faire n'est pas la solution. Cela s'est vérifié, je peux vous l'assurer. La France, l'Italie et l'Allemagne n'ont pas imposé de quotas. C'est la force d'un film qui fait en sorte qu'on va le voir. Cela m'amène à vous parler du star-système.
Je vais vous donner l'exemple du Québec, d'où je viens. On entend parler du cinéma du Québec. Nous avons un star-système, ce qui n'est pas le cas dans le reste du Canada. Je n'ai qu'une question à vous poser: comment va-t-on faire pour développer un star-système? Je connais M. Nigel Bennett. Je ne regarde pas souvent la télévision en anglais, mais je l'ai fait hier soir. J'ai constaté qu'il n'y avait aucune différence entre ABC, NBC, CTV, Global et autres. Entrevoyez-vous la possibilité de créer un star-système du côté anglophone? Nous sommes ici dans les provinces Atlantiques, et c'est sur cette question que j'aimerais entendre vos commentaires.
[Traduction]
M. Nigel Bennett: Vous avez absolument raison; le Québec a une vedettariat. J'ai travaillé avec une de vos étoiles, Roy Dupuis, qui a remporté un prix Génie récemment. Les prix Génie, qui récompensent l'excellence dans le cinéma canadien, sont largement dominés par les films québécois. Les films québécois damnent le pion aux films canadiens anglais. Tous les prix sont remportés par des acteurs canadiens-français, des producteurs canadiens-français, des actrices canadiennes-françaises. Ici, nous n'avons pas de vedettariat.
L'une des différences entre le Québec et le reste du Canada c'est que le Québec reconnaît la valeur de ses artistes. Je pense que le Québec comprend vraiment la valeur de l'artiste, le statut de l'artiste dans la société, ce qui fait défaut au Canada-anglais. Je pense que dans une large mesure le Canada-anglais considère encore les acteurs comme des gens sans foi ni loi, des gens à qui on ne peut pas faire confiance, à qui on ne peut pas accorder de cartes de crédit, qui n'ont pas le droit de s'acheter des maisons.
Cela doit changer. Si nous voulons un vedettariat, nous devons reconnaître le rôle central de l'acteur, de l'interprète. Je pense que cela pose un problème pour la plupart des producteurs du Canada-anglais. Reconnaître le rôle central de l'acteur, c'est lui donner du pouvoir. Je pense que les producteurs du Canada-anglais ont peur de ce pouvoir. Ils veulent pouvoir dire à l'acteur quoi faire; ils ne veulent pas que l'acteur leur dise quoi faire.
C'est ce qui arrive quand on a des vedettes. Il suffit de voir les séries américaines—Cheers, par exemple. Lorsque la vedette de Cheers a demandé des millions de dollars par épisode, il les a obtenus, tout simplement parce qu'on avait besoin de lui pour cette série. Je pense que les producteurs ont peur de donner aux acteurs ce genre de pouvoir, car les producteurs veulent réduire leur risque; c'est l'une de leurs principales fonctions. C'est pourquoi ils donnent tout le temps aux acteurs le même genre de rôles. C'est pourquoi ils utilisent constamment les mêmes acteurs, parce que ça réduit le risque. Lorsqu'un acteur atteint ce genre de statut, qu'il a ce pouvoir de vedette, il constitue un élément de risque que les producteurs préfèrent éviter.
C'est certainement un problème qui n'y ait pas de vedettariat au Canada-anglais; je souhaiterais qu'il y en ait.
 (1205)
[Français]
La présidente: Monsieur Lemay, souhaitez-vous poser une autre question?
M. Marc Lemay: Non, je vais écouter M. Houston.
M. John Houston: Il n'y a pas, ou très peu, de dramatiques à la télévision canadienne; il est impossible de créer un star-système s'il n'y a pas de moyens pour en créer.
M. Marc Lemay: Il n'y a pas de dramatiques à cause des lignes directrices du CRTC, de cette fameuse décision de 1999 qui vous rentre dedans. C'est exactement cela. Il faudrait donc la modifier.
Admettons qu'on recommande qu'elle le soit, comment va-t-on faire après? Êtes-vous prêts à faire des dramatiques? Des scénarios de dramatiques existent-ils actuellement? Je veux simplement savoir si on est prêt, advenant le cas où on réviserait cette décision.
[Traduction]
M. Nigel Bennett: Je pense que nous le sommes. Nous étions prêts auparavant et nous sommes prêts maintenant. Les scénaristes et les producteurs languissent dans le désert depuis six ans, depuis la décision du CRTC en 1999—qui a créé un vedettariat. Malheureusement, les vedettes sont Peter Mansbridge, Ron MacLean et Don Cherry, car le CRTC a insisté pour que les sports, les nouvelles et les émissions d'affaires publiques soient comptés dans le contenu canadien, ce qui a eu pour effet d'évincer les dramatiques.
La présidente: Ce sera la dernière question.
J'aimerais revenir à ce que M. Houston a dit à propos de l'importance de la concertation de tous les intervenants de l'industrie. Tout d'abord, selon la liste des membres du conseil consultatif, que je viens de consulter, nous avons trois réalisateurs, deux comédiens ou comédiennes et trois scénaristes. Ça, c'est de la représentation créatrice, dont on dit qu'elle n'existe pas. C'est ce qu'on m'a dit lors d'autres séances. Il y a quatre producteurs, dont certains, il me semble, sont probablement des créateurs, et en plus, il y a des exploitants, des diffuseurs et des distributeurs. Cela me semble une représentation raisonnable des participants à l'industrie. J'aimerais que vous commentiez les reproches d'un manque de présence créatrice au sein des commissions et organismes qui prennent les décisions en matière de cinéma.
Mais l'élément le plus important auquel je voulais revenir, et c'est Radio-Canada qui l'a soulevé, portait sur les raisons pour lesquelles les films francophones ont connu autant de succès. Cela découle, d'après Radio-Canada, d'une initiative qu'elle a prise il y a quelques années visant à regrouper tous les éléments de l'industrie afin d'établir un fonds important pour la production dramatique. Je n'ai pas très bien saisi s'il s'agissait de longs métrages seulement ou de dramatiques en général, mais on regroupe tous les éléments de l'industrie afin que cela se concrétise.
Monsieur Houston, dans votre exposé, vous avez parlé de l'importance de faire cela. Comment faire? Je ne sais pas si vous êtes au courant de ce qu'a fait Radio-Canada. J'ai demandé à Radio-Canada si, dans la création des films francophones, elle tenait compte des artistes francophones hors Québec, puisqu'il s'agit là d'un élément très important, à mon avis.
Cela constitue-t-il un modèle dont on pourrait s'inspirer afin d'apporter un succès semblable au cinéma anglophone?
 (1210)
M. John Houston: Je pense que oui, ou bien, peut-être vaut-il mieux dire oui et non; oui, dans le sens qu'on pourrait étudier le modèle québécois. J'aimerais avoir une meilleure connaissance des détails, mais je peux vous assurer que la Guilde canadienne des réalisateurs va étudier la question, et qu'on vous fera parvenir nos recommandations.
Cependant, il faut aussi tenir compte du fait que, dans un sens, le Québec a un avantage. Le Québec a un avantage linguistique, car il y a un public captif qui veut regarder des émissions en français. C'est merveilleux. Mais il y a aussi un autre groupe de téléspectateurs au Canada qui veulent surtout regarder des émissions en anglais, et là, nous sommes à la merci de nos voisins du Sud qui produisent énormément d'émissions et qui disposent de budgets immenses, etc. Vous savez déjà peut-être qu'aux États-Unis, lorsqu'ils calculent les recettes nationales, autrement dit, les recettes générées la première fin de semaine, la première journée, etc., ils tiennent compte des recette canadiennes. Pour une raison ou pour une autre, les recettes canadiennes font partie des recettes nationales des États-Unis. Cela vous démontre à quel point ils ont la mainmise sur le marché. Il s'agit d'un problème auquel le Canada anglais doit faire face, mais cela dit, nous pourrions sans doute tirer des leçons du Canada français.
M. Nigel Bennett: Si vous me permettez, le Québec a toujours eu une longueur d'avance sur le plan de la protection de ses propres écrans et son propre marché. En 1984, le Québec a introduit des mesures sévères afin de protéger ses propres écrans. Les mesures ont été adoptées, mais suite à des pressions exercées par le président Reagan sur notre premier ministre Brian Mulroney, le Canada a fait volte-face. Brian Mulroney est revenu sur sa position et a laissé tomber les mesures de protection.
Le Québec a certainement toujours compris la valeur de son industrie cinématographique, une industrie qu'il a toujours essayé de protéger, chose que nous ne faisons pas au Canada anglais.
La présidente: Ceci est la deuxième question qui a été soulevée à plusieurs reprises. Nous ne disposons pas de beaucoup de temps, mais je serais très reconnaissante si vous pourriez nous faire parvenir davantage de commentaires à ce sujet.
On a entrepris un effort considérable afin de pouvoir offrir aux petites collectivités québécoises la possibilité de voir des films, et nous sommes sur le point de pouvoir faire davantage puisque les capacités de projection Cinéma sont en train d'accroître dans les petites collectivités à travers la province. Je ne sais pas si une de vos deux organisations a pu se pencher sur le potentiel impressionnant offert par la projection numérique, une technologie qui est relativement bon marché, comme moyen d'offrir les films canadiens aux petites collectivités. Si vous avez étudié la question, ou si vous avez des idées à ce sujet, nous vous serions très reconnaissants de recevoir vos commentaires.
M. Nigel Bennett: Vous devez savoir que l'avenir est sur le point de changer; la façon dont nous faisons et projetons des films, tant au grand écran qu'au petit écran, est actuellement en pleine évolution et, d'ici 20 ans, elle aura changé de tout en tout.
La présidente: Monsieur Houston.
M. John Houston: Je ne voulais pas esquiver votre première question sur le conseil consultatif. Une des recommandations faites par la Guilde canadienne des réalisateurs était de faire en sorte que les nominations au conseil soient faites de façon plus ouvertes, expéditives et transparentes. Mais encore une fois, j'aimerais demander au conseil national de faire une étude plus détaillée sur la question et de rédiger des recommandations plus spécifiques.
La présidente: Ce serait très utile. Merci infiniment.
Je tiens à vous remercier tous d'être venus ici pour partager vos idées sur ces questions, et d'avoir consacré autant d'effort et de travail à vos mémoires.
M. John Houston: Merci beaucoup.
La présidente: La séance est levée.