CHPC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 14 avril 2005
À | 1010 |
La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)) |
M. Tom Shoebridge (fondateur, Réseau d'ateliers cinématographiques canadiens) |
M. Max Berdowski (directeur général, Réseau d'ateliers cinématographiques canadiens) |
La présidente |
M. Max Berdowski |
À | 1015 |
La présidente |
M. Max Berdowski |
La présidente |
M. Gary Schellenberger (Perth—Wellington, PCC) |
M. Max Berdowski |
À | 1020 |
M. Gary Schellenberger |
M. Max Berdowski |
M. Gary Schellenberger |
M. Max Berdowski |
M. Gary Schellenberger |
La présidente |
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ) |
À | 1025 |
M. Max Berdowski |
M. Marc Lemay |
M. Max Berdowski |
M. Marc Lemay |
M. Max Berdowski |
M. Tom Shoebridge |
À | 1030 |
La présidente |
M. Mario Silva (Davenport, Lib.) |
M. Tom Shoebridge |
À | 1035 |
M. Max Berdowski |
M. Tom Shoebridge |
À | 1040 |
La présidente |
M. Gord Brown (Leeds—Grenville, PCC) |
M. Max Berdowski |
À | 1045 |
M. Tom Shoebridge |
M. Max Berdowski |
M. Tom Shoebridge |
La présidente |
L'hon. Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.) |
À | 1050 |
M. Tom Shoebridge |
À | 1055 |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Tom Shoebridge |
Hon. Sarmite Bulte |
M. Max Berdowski |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Max Berdowski |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Tom Shoebridge |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Max Berdowski |
La présidente |
M. Max Berdowski |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Max Berdowski |
L'hon. Sarmite Bulte |
Á | 1100 |
M. Max Berdowski |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Max Berdowski |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Max Berdowski |
La présidente |
La présidente |
M. Andrew Cardozo (membre, Canadian Opportunities Partnership) |
Á | 1115 |
Mme Hoda Elatawi (productrice, à titre personnel) |
Á | 1120 |
La présidente |
M. Paul de Silva (président, Canadian Diversity Producers Association) |
Á | 1125 |
Á | 1130 |
La présidente |
Á | 1135 |
Mme Hoda Elatawi |
M. Paul de Silva |
La présidente |
M. Merv Tweed (Brandon—Souris, PCC) |
M. Andrew Cardozo |
Á | 1140 |
M. Paul de Silva |
Mme Hoda Elatawi |
La présidente |
M. Marc Lemay |
Á | 1145 |
La présidente |
M. Andrew Cardozo |
Á | 1150 |
M. Marc Lemay |
Mme Hoda Elatawi |
M. Paul de Silva |
La présidente |
Á | 1155 |
M. Mario Silva |
M. Paul de Silva |
M. Mario Silva |
La présidente |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Andrew Cardozo |
 | 1200 |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Paul de Silva |
M. Mario Silva |
M. Paul de Silva |
La présidente |
M. Paul de Silva |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Paul de Silva |
 | 1205 |
La présidente |
L'hon. Sarmite Bulte |
La présidente |
L'hon. Sarmite Bulte |
La présidente |
L'hon. Sarmite Bulte |
La présidente |
L'hon. Sarmite Bulte |
La présidente |
M. Marc Lemay |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 14 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
À (1010)
[Traduction]
La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)): Bienvenue. Je m'excuse de vous avoir fait attendre. Notre comité essayait de résumer une semaine d'audiences très chargée à Winnipeg et à Toronto avant de poursuivre son étude sur la production de longs métrages au Canada. Nous vous remercions donc de votre patience et de votre présence parmi nous aujourd'hui.
Je vais maintenant vous céder la parole.
M. Tom Shoebridge (fondateur, Réseau d'ateliers cinématographiques canadiens): Merci beaucoup.
Je m'appelle Tom Shoebridge et je suis le fondateur du Réseau d'ateliers cinématographiques canadiens. Je suis accompagné aujourd'hui par Max Berdowski, notre directeur général.
Nous avons deux ou trois messages à transmettre au comité. Nous avons 25 ans d'expérience dans la formation des artisans du cinéma et de la télévision, et plus particulièrement du long métrage. Le Réseau d'ateliers cinématographiques canadiens est l'une des quatre écoles nationales de cinéma financées par Téléfilm. J'ai créé ce réseau pour répondre à un besoin au Canada. Nous étions réputés dans le monde pour nos documentaires et nos films d'animation, mais nos productions dramatiques éprouvaient des difficultés, et c'est pourquoi je me suis lancé dans cette aventure.
Depuis 25 ans, nous assistons à une sorte de miracle sur le plan culturel. Nous avons rencontré des gens animés par la passion de raconter des histoires canadiennes. Ils ont fait d'énormes sacrifices pour suivre une formation—que nous offrons—et se faire conseiller par des gens de l'industrie. D'autres témoins vont vous expliquer tout le chemin parcouru sur le plan financier, mais personne d'entre nous ne peut croire que nous avons vraiment... Depuis 1981, de nos débuts jusqu'à aujourd'hui, l'industrie a vraiment évolué de façon impressionnante. Nous devons réellement convaincre ceux qui ne comprennent pas qu'il faut continuer encore à appuyer, par des mesures financières et législatives, le développement de l'industrie. Le long métrage est essentiel et il s'apparente beaucoup au roman canadien. Il permet d'explorer notre culture et notre histoire plus en profondeur.
Quand j'étais à l'université à la fin des années 1950 et au début des années 1960, le roman canadien n'était pas pris au sérieux. On ne l'enseignait pas, on ne reconnaissait pas sa valeur et il n'y avait pas assez de romans canadiens pour qu'on s'y intéresse. Aujourd'hui, les romanciers canadiens figurent parmi les meilleurs au monde. Le Prix Pulitzer et d'autres grands prix littéraires leur sont décernés. Eh bien, tout cela n'est pas arrivé par hasard; c'est arrivé parce que les gouvernements—provinciaux et municipaux—et beaucoup de gens passionnés ont choisi d'investir et d'adopter des lois, ce qui rapporte énormément. Voilà exactement ce qui s'est produit.
Je pense que c'est le modèle dont nous devons nous inspirer. Il est très facile de se laisser distraire par les arguments complexes de l'industrie parce qu'il existe beaucoup d'entreprises très importantes. Nous ne fabriquons pas des saucisses; nous racontons des histoires émouvantes. Le Québec a montré au reste du Canada que c'était possible, autant financièrement que culturellement, et qu'il pouvait occuper une place importante. Nous, au Canada anglais, devons en tirer des leçons, et je pense que nous devons continuer de nous développer parce que notre voisin possède la plus grosse machine culturelle au monde.
Le Canada n'est pas le seul à avoir de la difficulté à produire des films, petits et grands. Tous les pays du monde ont du mal à le faire parce que les Américains ont tellement bien réussi à imposer leur culture. Voilà le milieu dans lequel nous évoluons.
Nous avons des recommandations à vous formuler et c'est mon collègue, Max Berdowski, qui va vous les expliquer.
M. Max Berdowski (directeur général, Réseau d'ateliers cinématographiques canadiens): Bonjour.
La présidente: J'aimerais d'abord dire pour votre gouverne et celle des membres du comité que votre mémoire n'a pas encore été traduit et qu'il ne peut donc pas être distribué aux députés. Ce que vous nous dites est tout nouveau pour nous.
M. Max Berdowski: D'accord.
Le résumé de notre mémoire a été traduit. Peut-on le distribuer?
À (1015)
La présidente: Oui.
M. Max Berdowski: Bien. Merci.
Bonjour madame la présidente, et bonjour mesdames et messieurs.
Nous demandons que la politique canadienne sur le long métrage tienne compte de tous les aspects de l'industrie du film, de la production à la distribution en passant par la commercialisation, pour en assurer la croissance continue. Compte tenu des progrès technologiques et autres, autant au Canada qu'à l'étranger, la politique à l'appui du film doit s'assurer que les longs métrages canadiens sont au premier plan à cet égard. C'est pourquoi nous formulons six recommandations.
Comme vous le savez, la révolution numérique dans la production de films, le tournage, le montage, l'entreposage et la diffusion entraînera d'autres changements en cinématographie. Le financement de la recherche dans ces domaines est essentiel pour l'avenir de la production au Canada. Nos cinéastes canadiens doivent être à la fine pointe des nouvelles innovations. Des ressources de formation permanentes sont nécessaires pour construire et maintenir l'infrastructure des industries du film et de la télévision. Le financement de la formation est crucial et devrait être accru pour répondre aux besoins en constante évolution.
Le cinéma informatique et le cinéma numérique, comme solution de rechange aux salles conventionnelles, doivent être implantés dans des localités viables de tout le pays pour faciliter et accroître la diffusion de nos longs métrages. La commercialisation des films canadiens doit recevoir plus d'appui étant donné qu'elle est essentielle pour élargir l'auditoire canadien.
Enfin, nous recommandons d'explorer de nouvelles formes de financement. D'autres sources de revenus, comme une taxe sur les billets de cinéma ou l'accès à une loterie, devraient être envisagées.
Merci de nous avoir donné l'occasion de participer à vos travaux. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
La présidente: Monsieur Schellenberger.
M. Gary Schellenberger (Perth—Wellington, PCC): Merci, et merci beaucoup d'être venus nous rencontrer ici ce matin.
Vous dites qu'il y a quatre centres de formation. Travaillent-ils tous selon les mêmes critères, ensemble, ou séparément?
Y a-t-il un programme commun à ces quatre écoles?
M. Max Berdowski: Patrimoine canadien, par l'entremise de Téléfilm, finance un programme national de formation. Il y a quatre écoles : le Centre canadien du film, l'Institut national des arts de l'écran, l'Institut national de l'image et du son, au Québec, et notre école, le Réseau d'ateliers cinématographiques canadiens.
Nous examinons les besoins de formation pour l'ensemble du secteur, mais nous élaborons nos programmes séparément. Nous nous rencontrons assez régulièrement pour nous tenir au courant de ce qui se passe, mais nous avons des approches essentiellement différentes.
Pour notre part, nous voulons nous assurer que la formation est accessible à un faible coût. Nous ciblons l'ensemble du pays de deux façons. D'abord, nous organisons une importante activité de formation l'été, les Rencontres estivales ciné-vidéo. Nous accueillons environ 250 personnes chaque année, à Ottawa, pour ces ateliers. Les animateurs sont des cinéastes, des producteurs, des réalisateurs et des scénaristes, qui viennent à Ottawa. Ce n'est pas un programme qui s'adresse aux gens d'Ottawa. C'est un programme national qui se déroule à Ottawa.
Nous allons aussi dans différents centres—Montréal, Toronto, Winnipeg et ailleurs—pour donner des ateliers de fin de semaine. C'est ce qui rend la formation accessible. Comme notre organisme est sans but lucratif, c'est peu coûteux. Nous nous intéressons aussi tout particulièrement aux communautés qui se distinguent de la majorité, à celles qui sont défavorisées ou qui viennent de régions défavorisées. Nous formons des gens de tous les coins du pays et nous accordons également des bourses pour rendre les cours plus abordables.
C'est nous qui formons le plus de gens parce que nous offrons des cours de niveau débutant et intermédiaire et des cours de perfectionnement pour ceux qui sont déjà dans l'industrie et envisagent un changement. Le Centre canadien du film de Toronto reçoit moins d'étudiants chaque année. Il offre un nombre de places limitées et un programme plus avancé. C'est plutôt une école de niveau supérieur qui s'adresse à ceux qui ont plus d'expérience et déjà des films à leur actif. C'est la dernière étape de leur formation.
Ces explications sont-elles suffisantes?
À (1020)
M. Gary Schellenberger: Oui. Donc, vous êtes en contact avec les autres centres au sujet de votre formation spécialisée. Les étudiants peuvent aller à Toronto pour des cours de niveau supérieur. Mais, pour apprendre à rédiger un scénario, par exemple, une personne qui débute dans le domaine pourrait suivre vos cours.
M. Max Berdowski: Tout à fait. Nous nous faisons un devoir d'offrir des cours de différents niveaux; nos cours de débutants sont très populaires, mais il est aussi possible de suivre des cours plus avancés. Nos étudiants n'en sont pas à la dernière étape de leur formation, mais nous les faisons progresser.
M. Gary Schellenberger: Quel pourcentage de vos activités sont financées par le gouvernement?
M. Max Berdowski: Environ 40 à 45 p. 100. Il y a des frais de scolarité et nous recevons aussi des fonds privés. Le secteur privé nous aide beaucoup. Il y a différents organismes du milieu qui nous appuient, comme le Fonds indépendant de production et le Harold Greenberg Fund. Le Fonds de rédaction de scénarios va nous aider parce qu'il reconnaît notre utilité. Beaucoup de nos diplômés vont lui demander de financer leurs projets. Pratiquement tous les diffuseurs nationaux contribuent. D'autres groupes participent, comme la Guilde des réalisateurs et celle des écrivains.
M. Gary Schellenberger: Merci.
La présidente: Merci.
Monsieur Lemay.
[Français]
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ): Merci, madame la présidente.
Merci d'être parmi nous ce matin. J'ai lu avec attention le résumé de votre mémoire. Il y a deux choses qui m'intéressent particulièrement.
D'abord, vous dites dans votre mémoire qu'il y a des ministères qui devraient être mis à contribution, comme le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences. Y a-t-il des démarches qui ont été faites auprès de ce ministère? Cela me paraît évident qu'il faudrait qu'il soit mis à contribution. C'était ma première question.
Ma deuxième question regroupe quelques sous-questions. Quels sont les taux d'employabilité? Vos diplômés — parce que j'imagine qu'ils sont diplômés — ont-ils un emploi après avoir terminé leurs études ou doivent-ils travailler pour une chaîne alimentaire comme McDonald? Y a-t-il des possibilités d'emploi? Je sais qu'au Québec, beaucoup d'entre eux sont recrutés par la télévision, pour les téléromans, par exemple. Ils font leurs premières armes surtout à la télévision. Je me demande si, dans les autres centres au Canada, ils ont des possibilités d'emploi après leurs études.
Finalement, vous parlez de nouvelles sources de financement qui doivent être explorées. Pouvez-vous nous dire quelles sont ces sources qu'on pourrait peut-être examiner?
Merci.
À (1025)
M. Max Berdowski: Si vous me le permettez, je vais répondre en anglais.
M. Marc Lemay: Oui. On a une très bonne interprète.
M. Max Berdowski: Merci.
[Traduction]
J'ai commencé à écouter l'interprétation un peu tard et j'ai donc manqué le tout début. Je n'étais pas sûr d'avoir compris. M'avez-vous demandé quels autres ministères nous appuient?
[Français]
M. Marc Lemay: Non. Je demandais si des démarches avaient été entreprises auprès d'autres ministères, comme RHDCC. Vous dites dans votre mémoire que des ministères comme RHDCC devraient être impliqués. Cela me paraissait important, mais je me demandais si vous aviez déjà fait des démarches en ce sens.
[Traduction]
M. Max Berdowski: Par exemple, le Réseau d'ateliers cinématographiques canadiens s'est occupé d'administrer un programme international de stages. Il a précédé RHDCC. C'était dans le cadre de Jeunesse Canada au travail... Il y avait différents volets mais, essentiellement, il fallait jumeler des employés potentiels de talent à des sociétés de productions internationales. Une société de Winnipeg, par exemple, a fait appel à nous pour que nous lui proposions d'anciens étudiants de talent répondant à ses besoins, ou que nous lui trouvions des candidats.
Des fonds étaient disponibles dans le cadre du programme Jeunesse Canada au travail. Je crois que cela fait partie de RHDCC, ou en faisait partie. Nous avons participé à des initiatives précises d'autres ministères que Patrimoine, mais c'est Patrimoine canadien, par l'entremise de Téléfilm, qui nous assure un financement permanent.
Nous sommes en train d'élaborer de nouvelles stratégies et de nouveaux projets, et nous comptons vraiment discuter avec RHDCC de quelques-uns d'entre eux que nous jugeons pertinents. Nous allons le faire bientôt. C'est évidemment tout à fait logique sur le plan de la création d'emplois, et c'est notre travail.
Pour ce qui est de votre deuxième question—et je sais que Tom a des idées là-dessus—nous remettons une attestation à la fin de la formation, mais nous ne sommes pas une école de métiers même si nous offrons des cours techniques. Depuis l'an dernier, nous donnons une formation HD et des ateliers de cinématographie et d'éclairage, mais c'est une petite partie de ce que nous faisons. La formation que nous proposons est surtout axée sur la direction de film, à l'intention des producteurs, scénaristes et réalisateurs.
La plupart du temps, ils n'ont pas d'emploi en vue. Bien souvent, ce sont eux qui vont concevoir ou qui conçoivent un projet. Ils viennent nous voir avec des éléments de film ou des scénarios et nous les présentons à des sociétés de production établies ou à des diffuseurs pour l'étape suivante de production; nous ne formons pas des preneurs de son qui vont travailler dans le domaine; on s'attache plus à l'aspect création et direction qu'au côté technique.
Tom, vous aviez un commentaire.
M. Tom Shoebridge: Dans le domaine des arts en général, il faut une certaine maturité et une certaine expérience pour établir sa carrière. C'est pourquoi nous offrons une formation continue, pour que les gens poursuivent leur apprentissage. Beaucoup de clients reviennent, ce que nous aimons et ce qui prouve que nous faisons du bon travail. Cela montre aussi que leur carrière progresse. Beaucoup de gens doivent travailler dans un autre domaine pour subvenir à leurs besoins, mais ils essaient de prendre de l'expérience avec ces cours. C'est un long processus.
Un de mes amis est un scénariste qui remporte beaucoup de succès; les grands journaux ont publié des articles sur son travail et sur ce qui l'a fait connaître. Comme il l'a dit : « J'ai réussi du jour au lendemain après 20 ans de travail. » Dans le domaine des arts, ce n'est pas rare. Les artistes sont tous des travailleurs autonomes puisqu'ils fonctionnent par contrat. Le combat est difficile mais important.
À (1030)
[Français]
La présidente: Je dois maintenant donner la parole à M. Silva.
[Traduction]
M. Mario Silva (Davenport, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je suis convaincu que les longs métrages et l'industrie du film sont importants pour l'identité canadienne. C'est un mode d'expression très puissant. Il n'y a aucun doute là-dessus. Comment faire évoluer et comment développer cette industrie, voilà les questions que nous nous posons maintenant.
J'aimerais avoir votre avis sur toute la question des contingents. Qu'en pensez-vous et croyez-vous que c'est utile ou non à l'industrie?
M. Tom Shoebridge: C'est une question difficile. Je ne sais pas ce que l'ALENA et d'autres accords commerciaux peuvent offrir comme système de contingentement. Sur le marché international, je crois qu'il y a certaines mesures qui peuvent être prises pour nous aider. Il faudrait trouver un moyen pour que les revenus des productions cinématographiques américaines diffusées au Canada, qui retournent presque entièrement aux États-Unis... Y a-t-il un moyen de financer les productions canadiennes?
Il est question d'une taxe sur les billets ou d'un tarif douanier sur les films américains depuis une trentaine d'années. On n'a jamais donné suite à ces mesures parce que le lobby culturel américain—comme vous le savez tous—est l'un des plus puissants au monde. Jack Valente est peut-être l'un des hommes les plus puissants au monde dans l'industrie américaine, et son domaine est la culture.
La culture aux États-Unis est une très grosse entreprise. On a donc affaire à des gens très influents. Le comité va-t-il recommander de soulever la colère des Américains? Comment générer de l'argent est une question très délicate. C'est toutefois important parce que nos écrans—et vous connaissez les chiffres—présentent moins de 2 p. 100 de films canadiens et, si on enlève les films québécois, c'est moins de 1 p. 100.
C'est criminel de se laisser envahir ainsi culturellement s'il y a seulement 1 p. 100 de films canadiens sur nos écrans. Il faut trouver un moyen de générer des revenus avec les films projetés 99 p. 100 du temps et de rendre le produit canadien plus attrayant pour les spectateurs canadiens et étrangers. C'est la raison pour laquelle nous formulons des propositions sur le plan de la promotion.
Les gens vont au cinéma ou louent des films parce qu'ils éprouvent un certain attrait pour un acteur ou une actrice, une histoire ou un style de film. Au cours de mes 30 ans d'enseignement, ce que j'ai trouvé le plus difficile, c'est de faire comprendre à des étudiants qui ne connaissent que les films américains que les Canadiens font du bon cinéma. Je ne devrais pas avoir à les motiver à raconter nos propres histoires.
Il faut trouver de l'argent pour faire la promotion des films canadiens et même miser sur le vedettariat pour que la population reconnaisse nos bons acteurs. Organiser des campagnes de publicité par toute une série de mesures est une façon de le faire. Il faut mieux faire connaître notre cinéma pour que les gens viennent voir nos films.
Les Québécois connaissent leurs vedettes; ils adorent leurs histoires et ils sont très nombreux à regarder leurs films, autant au petit écran qu'au grand écran. C'est un succès. Nous devons faire la même chose dans le reste du Canada.
À (1035)
M. Max Berdowski: Au sujet des contingents, on fait beaucoup de comparaisons avec l'industrie de la musique et la façon dont elle s'est développée, avec succès, après qu'on eut exigé, entre autres, qu'il y ait tant de chansons canadiennes qui tournent à chaque heure.
Et c'est assurément impressionnant. Je ne pense pas qu'on puisse appliquer ce système de contingents—à défaut d'un meilleur terme—pour réclamer qu'il y ait un certain pourcentage de films canadiens projetés sur nos écrans.
Les gens choisissent la musique de deux façons, du moins c'est ce qu'ils faisaient puisque c'est différent maintenant. Ils écoutent les disques qu'ils achètent et ils écoutent ce qui joue à la radio. Vous êtes dans votre voiture ou à la maison et vous entendez ce qui est diffusé à la radio; c'est ainsi que les goûts se développent et que les gens découvrent des artistes dont ils vont vouloir acheter les disques.
C'est différent pour le cinéma parce que, même si on présente plus de films canadiens, il faut tout de même inciter les gens à se déplacer pour aller voir ces films au cinéma; cela ne se fera pas tout seul.
C'est cet aspect promotionnel qui est si crucial, et c'est un autre domaine où nos voisins sont très puissants parce que le budget de publicité de leurs films dépasse le budget de production, qui est déjà important.
C'est pourquoi nous recommandons de privilégier et de financer davantage la promotion et la publicité, de trouver des moyens de subventionner les films canadiens au guichet. Peut-être que les billets des films canadiens devraient coûter moins cher que ceux des films américains.
Ce sont des mesures du genre qui vont contribuer à susciter de l'intérêt pour les films canadiens mais, en bout de ligne, les gens doivent décider d'aller voir un film canadien, et son contenu est important. C'est ici que la formation entre en ligne de compte, ainsi que le choix des histoires que les gens veulent se faire raconter d'une façon qui les intéresse. De plus, ils doivent savoir que les films existent, que la publicité... Il faut miser sur le vedettariat, comme on l'a dit. C'est à développer. Il faut faire en sorte que les gens veuillent voir ces films, et il y a des mesures à prendre en ce sens. La promotion est essentielle dans ce contexte.
M. Tom Shoebridge: Si je puis me permettre, nous devons concentrer nos efforts sur les cinémas électronique et numérique—j'imagine que vous connaissez tous ces termes. Si la plupart des Canadiens n'ont pas l'occasion de voir des longs métrages canadiens, c'est parce qu'ils ne sont pas diffusés dans les salles de cinéma locales. Les films canadiens ne sont pas diffusés dans les villes de 6 000, 10 000 ou même 25 000 habitants. L'excellent court métrage qui est présentement à l'affiche, Saint Ralph, que vous avez tous vu, j'en suis sûr... Je vous invite à aller le voir. Vous allez constater que nous sommes capables de produire de très bons films. Vous pouvez amener toute la famille, y compris les grands-parents. Il n'y a pas beaucoup de personnes qui vont avoir l'occasion de le voir. Ma famille, en Saskatchewan, ne le verra pas parce qu'il ne sera pas diffusé dans les salles de cinéma locales qui, elles, sont dominées par les produits américains.
Il faudrait envisager un système où chaque collectivité aurait accès à des cinémas qui diffuseraient uniquement des films numériques canadiens. Nous pourrions les diffuser très facilement par satellite. Ainsi, les petites collectivités, les centres communautaires, les écoles, les bibliothèques auraient tous accès, à peu de frais, aux films canadiens. C'est l'un des modèles qu'il faudrait envisager, car vous ne saurez pas si les films sont bons si vous ne les voyez pas.
Si vous n'avez accès qu'aux superproductions américaines, vous allez penser que c'est à cela que ressemble le cinéma. Faux. Ceux d'entre nous qui connaissent le cinéma international savent qu'il existe divers genres de films. Il faut les voir pour le savoir. C'est ce modèle—peu importe la façon dont il est financé ou administré—qu'il faut adopter, puisqu'il permettrait d'assurer la diffusion de courts métrages, de films animés, de documentaires, ainsi de suite, à un coût raisonnable. Il faut absolument avoir l'occasion de voir ce que nous produisons.
À (1040)
La présidente: Monsieur Brown.
M. Gord Brown (Leeds—Grenville, PCC): Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier les témoins d'être venus nous rencontrer. Comme vous le savez, nous faisons le tour du pays, et ce sont souvent les mêmes thèmes qui reviennent. Je suis content d'apprendre que vous êtes un adepte du cinéma électronique, car la distribution est évidemment l'un des facteurs qui nuit le plus au succès de l'industrie canadienne du cinéma. Quels sont les autres facteurs—et j'aimerais savoir ce que vous en pensez tous les deux—qui nuisent au succès de l'industrie? Quels changements ou quelles améliorations devrions-nous apporter à la politique pour aider l'industrie?
Ce sont des questions plutôt générales que je vous pose. Quant au cinéma électronique, je trouve l'idée fort intéressante, car il permettrait de favoriser la distribution, surtout dans les collectivités plus petites, comme celles qui se trouvent dans ma circonscription, qui, de manière générale, n'ont pas accès à un grand nombre de films canadiens.
M. Max Berdowski: Si vous parlez aux réalisateurs et aux producteurs canadiens qui, au cours des cinq à dix dernières années, ont produit un film... D'abord, ils investissent beaucoup d'argent dans celui-ci, sauf que personne ne le voit. Pourquoi? À cause de la façon dont le système de présentation, au Canada, est contrôlé par les distributeurs, et à cause aussi de la façon dont le temps de projection est attribué. Il est très difficile pour les films canadiens d'obtenir du temps de projection. Encore une fois, la commercialisation y est pour quelque chose. Au risque de me répéter, le tapage qui entoure le premier week-end de diffusion d'un film hollywoodien l'emporte sur tout le reste. Le premier week-end est très important. Or, si votre film doit sortir la même fin de semaine, vous ne figurerez même pas sur l'écran radar. Vous serez emporté par tout le tapage, et personne ne verra votre film.
Par ailleurs, le simple fait de dire que ces films doivent être diffusés n'incitera pas les gens à aller au cinéma. C'est la vieille histoire de l'oeuf et de la poule. Reste que le problème est difficile à régler, puisqu'il s'agit avant tout d'une décision d'affaires. Les propriétaires de cinémas vont dire : « Nous devons vendre plus de maïs soufflé. Ce film-ci va nous permettre de le faire, mais pas celui-là. » Ou encore : « Nous allons le projeter sur 10 écrans », et non pas « Nous allons le diffuser dans une salle de cinéma plus petite. » Voilà les arguments qui sont invoqués. En fait, vous pouvez réaliser le meilleur film qui soit, le diffuser, sauf qu'il ne sera pas nécessairement visionné à cause de facteurs indépendants de votre volonté.
La commercialisation est un aspect important du problème—cela englobe les investissements, les programmes qui permettent aux films canadiens de faire une percée, de bénéficier d'un soutien.
Tom, avez-vous quelque chose à ajouter avant que nous passions au deuxième point?
À (1045)
M. Tom Shoebridge: Non, allez-y.
M. Max Berdowski: Pour ce qui est de la politique générale, il est clair que, si l'on veut développer l'infrastructure, la maintenir, il faut investir dans la formation, ce que l'on fait déjà. Or, nous aimerions que le gouvernement consacre encore plus de fonds à ce domaine. Les modes de distribution évoluent, tout comme la technologie. C'est une constante. Rien n'est statique; tout change. Il y a différentes façons de faire les choses. Il faut aussi créer de nouveaux débouchés, des débouchés où le Canada peut jouer un rôle de chef de file .
Or, pour y arriver, il faut intensifier les efforts de recherche, et ensuite mettre l'accent sur la formation. Car, au bout du compte, si vous vous contentez uniquement de faire ce que vous savez, vous risquez de rester à la traîne.
Donc, pour ce qui est de la politique générale, nous aimerions que le gouvernement investisse davantage côté formation. Nous souhaiterions qu'il en fasse plus à ce chapitre.
M. Tom Shoebridge: C'est un produit. Cette forme d'art visuel ne repose sur aucune infrastructure physique. Elle s'appuie sur la créativité. Pour nous, la formation se situe au coeur des activités de recherche et de développement de l'industrie. La société Nortel, elle, dispose d'un laboratoire où des chercheurs s'affairent à explorer et repousser les frontières. L'industrie cinématographique et télévisuelle, elle, n'en a pas. Ses frontières, ce sont les gens. Nous devons amener ceux-ci à croire en cette industrie.
J'ai grandi à une époque où l'idée de devenir réalisateur était absolument inconcevable. On ne pouvait même pas y rêver. Je n'en connaissais aucun. Aujourd'hui, la situation est toute autre. Vos enfants y songent peut-être. Pour eux, c'est une possibilité.
Il faut mettre en place des programmes de formation, d'abord, pour les inspirer, et ensuite, pour leur donner l'occasion de voir s'ils peuvent ou veulent pratiquer ce métier. Enfin, il faut créer suffisamment de débouchés pour qu'ils puissent gagner leur vie et continuer de se perfectionner. Après avoir réalisé des courts métrages, ils vont produire des séries télévisées et, enfin, un long métrage, un projet très technique qui coûte des millions et des millions de dollars. Ces personnes doivent avoir accès à des marchés pour pouvoir travailler.
De nombreux cinéastes vivent pauvrement, parce qu'il faut beaucoup de temps pour mener à terme un projet. Pendant ce temps-là, l'argent ne rentre pas. Ils s'accrochent. Ils pourront s'épanouir et continuer de se perfectionner si nous arrivons à trouver de nouvelles avenues pour commercialiser leurs films.
Denis Arcand, qui est originaire du Québec, n'est pas un débutant. Il a 60 ans. Il a réalisé une série de longs métrages et connaît maintenant autant de succès que n'importe quel autre cinéaste dans le monde. Toutefois, cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. S'il n'avait pas travaillé, il n'aurait jamais réussi à faire ce qu'il a fait.
Il s'agit là d'un point très important. Le soutien doit venir de diverses sources. La formation est un sujet qui nous tient à coeur. Nous savons, par ailleurs, que nos diplômés doivent pouvoir travailler pour gagner leur vie.
La présidente: Madame Bulte.
Je m'excuse, mais le temps presse. Nous avons d'autres témoins, et j'aimerais accorder quelques minutes à Sam.
L'hon. Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci beaucoup d'être venus.
Monsieur Shoebridge, je tiens d'abord à vous féliciter de la vision dont vous avez fait preuve quand vous avez créé le Réseau d'ateliers cinématographiques canadiens, il y a de nombreuses années de cela.
J'ai trouvé fort intéressante l'analogie que vous avez établie avec le secteur de l'édition, un secteur qui, il y a bien des années, ne comptait pas de grands écrivains. Les choses ont beaucoup changé. Je voudrais poursuivre dans la même veine. Oui, ils sont en lice pour le prix Booker, mais nous avons créé notre propre prix Giller, ce qui incite les gens à lire les ouvrages une fois les prix décernés. Par ailleurs, certaines personnes m'ont dit que les cinéastes canadiens font des films dans le seul but de remporter des prix lors de festivals, qu'ils ne produisent pas des films vraiment commerciaux.
Quel est votre avis là-dessus? Quels enseignements pouvons-nous tirer de l'analogie que vous établissez avec le secteur de l'édition—qui a beaucoup évolué au cours des 20 à 30 dernières années? Puis-je avoir votre opinion là-dessus?
À (1050)
M. Tom Shoebridge: D'abord, le monde, aujourd'hui, est inondé en quelques secondes de produits visuels. Les grands studios américains sont, eux aussi, confrontés à un problème : le piratage des films et leur diffusion en Asie via Internet avant qu'ils ne soient vus en Amérique. Telle est la réalité que nous devons affronter.
Vous savez, il y a 25 ans, le monde de l'édition était bien différent. Tout se faisait lentement, de façon très méthodique. Aujourd'hui, les choses évoluent très rapidement, une situation avec laquelle nous devons composer.
C'est au niveau de l'écrit que l'analogie s'établit. Si nos écrivains sont meilleurs aujourd'hui, c'est parce qu'ils ont, premièrement, bénéficié d'une aide financière jusqu'à ce qu'ils aient appris à bien maîtriser leur art. Des programmes de soutien ont été mis sur pied à l'intention des éditeurs, des prix et des subventions ont été accordés aux écrivains pour qu'ils puissent se perfectionner. Deuxièmement, des marchés ont été créés. C'est quelque chose qui se perpétue indéfiniment. Margaret Atwood reçoit maintenant une avance de 1 million de dollars tout simplement parce qu'elle a une idée en tête.
Les cinéastes doivent faire la même chose. Le succès engendre le succès, et dans un monde où tout coûte très cher, le risque est encore plus grand. Il suffit d'un ordinateur et d'une imprimante pour écrire un livre. Une fois celui-ci terminé, vous avez un produit. Malgré la couverture en papier glacé, le contenu ne pourra être amélioré sans l'aide d'un éditeur. Vous pouvez produire un roman pour moins de 10 $ au moyen de votre imprimante.
Au Canada, vous devez dépenser au moins 1 million de dollars pour savoir si un long métrage va connaître ou non du succès. Vous ne savez pas s'il va en avoir. Ce n'est pas le scénario qui va vous le dire. Il y a de grands scénarios qui ont été écrits pour les cinémas hollywoodien et international qui n'ont jamais connu de succès. La seule façon dont vous pouvez savoir si un long métrage va connaître ou non du succès, c'est en le montrant à un auditoire. Cette initiative coûte, au bas mot, un million de dollars. La plupart des pays ressentent de la gêne quand vous parlez d'investir une somme pareille dans une idée.
Donc, réaliser un film coûte très cher. En contrepartie, les possibilités de revenus sont énormes. Prenons l'exemple de films à faible budget comme The Blair Witch Project,, qui a coûté 69 000 $ à réaliser, mais qui a généré des profits de 180 millions de dollars. Tout le monde rêve de vivre ce genre de chose. Toutefois, il faut pouvoir trouver un marché principal, et ensuite diffuser le film dans tous les marchés secondaires avant de pouvoir commencer à réaliser des profits. Il s'agit là de conditions économiques assez particulières.
Il est vrai que nous décernons des prix aux films canadiens, mais ces prix sont malheureusement ridicules. J'aime beaucoup le cinéma, et je me fais un devoir de voir tous les films qui passent. Je n'ai pas vu la plupart des films qui ont été mis en nomination. Comment puis-je m'intéresser à un prix quand je n'ai pas vu les concurrents? On revient ici au problème de l'oeuf et de la poule auquel Max a fait allusion plus tôt. Il faut créer un engouement pour les films canadiens. Toutefois, nous pouvons uniquement ressentir de l'engouement pour les films que nous avons vus.
Il faut mettre l'accent sur la distribution, l'énergie qui entoure la réalisation des films, notre culture, nos vedettes, nos histoires. Les gens, peut-être mes petits-enfants, verront ensuite dans ces films le genre de révolution qui s'est produite dans le secteur de l'édition.
À (1055)
L'hon. Sarmite Bulte: Je sais que le Festival international du film de Toronto a ce qu'on appelle le « Film Circuit », qui assure...
M. Tom Shoebridge: Avec beaucoup de succès.
Hon. Sarmite Bulte: ...la diffusion de films canadiens dans différentes collectivités en Ontario. Je sais qu'ils ont commencé en Ontario. Quand nous étions à Toronto, Jack Blum, qui représentait l'Office du film de Toronto, qui vient d'être créé, a parlé d'un projet qu'ils allaient lancer dans les écoles secondaires d'abord—avec le soutien, je pense, de l'ACPFT—pour amener les étudiants à s'intéresser aux films canadiens. J'ai eu l'occasion, à Humberside, de m'adresser à des étudiants de 11e année. Je leur ai demandé de me donner le nom d'un film canadien. Au lieu de me répondre, ils m'ont plutôt demandé où on pouvait voir un film canadien.
Croyez-vous que le gouvernement devrait appuyer les projets de ce genre?
M. Max Berdowski: Nous en parlons dans notre exposé. C'est ce que nous avons proposé. Nous appuyons l'idée... Il faut créer un intérêt...
L'hon. Sarmite Bulte: Oui, créer un auditoire.
M. Max Berdowski: Exactement. Pour ce qui est des programmes d'étude et des niveaux auxquels ils sont offerts, oui, nous pensons que le gouvernement devrait jouer un rôle à ce chapitre. Nous appuyons le concept.
L'hon. Sarmite Bulte: Le programme Un avenir en art, qui a été créé en 2001, met l'accent sur la présentation d'oeuvres. Le gouvernement, dans le cadre du programme, aide les entreprises sans but lucratif à monter des pièces canadiennes. Est-ce qu'on pourrait mettre sur pied un programme similaire pour l'industrie cinématographique?
M. Tom Shoebridge: Oui. C'est ce que je fais, d'ailleurs. Je vis à l'extérieur d'Ottawa, et je me charge de faire la promotion du cinéma canadien en diffusant des courts et des longs métrages. Les gens sont étonnés de voir à quel point ces films sont excellents. Ils n'avaient tout simplement pas eu l'occasion de les voir.
Si vous prenez les dix longs métrages canadiens qui figurent parmi les meilleurs et que vous les comparez à dix films produits à l'étranger, vous allez voir qu'ils sont aussi bons que les autres. Toutefois, une fois qu'on a visionné les dix films, on constate que la source commence à se tarir, parce que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour créer un ensemble d'oeuvres. C'est ce qui nous manque.
Je me souviens que, quand j'enseignais au collège et à l'école secondaire, il était impossible de mettre la main sur des films canadiens pour les diffuser en classe. On peut maintenant, depuis deux ans, obtenir une copie du film Goin' Down the Road; avant cela, c'était impossible. Comment voulez-vous enseigner le cinéma classique aux Canadiens si vous n'avez pas de films à diffuser?
Nous espérons que les fonds consacrés à la restauration de films canadiens vont nous permettre de mettre sur pied une cinémathèque importante accessible sur DVD, et aussi de commercialiser ces films, de les diffuser aux étudiants. Nous devons, pour développer le marché, trouver des moyens d'attirer les vrais amateurs de films. La plupart d'entre nous, et je pense que la plupart d'entre vous, visionnent les longs métrages à la maison. Encore une fois, c'est via les DVD, la diffusion par satellite ou la vidéo sur demande que vous allez voir les films canadiens.
Il faut faire quelque chose à ce chapitre.
L'hon. Sarmite Bulte: J'ai une brève question à poser. Est-ce que Téléfilm pourrait jouer un plus grand rôle dans le domaine de la distribution et de la diffusion de films?
M. Max Berdowski: Eh bien...
La présidente: Pouvez-vous nous donner une réponse assez brève? Nous aurons besoin de faire une cause avant d'entendre les autres témoins.
M. Max Berdowski: D'accord.
Comme vous le savez, Téléfilm s'occupe, en partie, de commercialisation.
L'hon. Sarmite Bulte: Je me demande si Téléfilm devrait jouer un rôle plus important—un rôle différent—de celui qu'il joue actuellement dans ce domaine.
M. Max Berdowski: D'abord, si l'on intensifiait les efforts déjà déployés, si l'on augmentait les ressources déjà disponibles, on pourrait accomplir bien des choses.
L'hon. Sarmite Bulte: Il me semble que, d'après ce que nous ont dit les témoins que nous avons rencontrés lors de nos déplacements, Téléfilm joue déjà un rôle incroyable. Nous n'accordons pas suffisamment d'importance au travail que fait l'organisme.
Á (1100)
M. Max Berdowski: C'est vrai.
L'hon. Sarmite Bulte: Pour moi, Téléfilm est presque aussi important que la SRC. C'est une institution nationale qui a un mandat vraiment incroyable à remplir. On pourrait l'assimiler à un joyau caché.
M. Max Berdowski: C'est un rouage essentiel de l'industrie cinématographique et télévisuelle canadienne. Il n'a rien à voir avec la façon dont l'industrie est dirigée aux États-Unis. Le cadre est très différent; les règles qui le régissent sont, elles aussi, très différentes de celles que l'on applique à l'échelle internationale, mais Téléfilm fait partie intégrante de l'industrie canadienne, de son évolution. Il joue un rôle très important.
L'hon. Sarmite Bulte: Est-ce que l'ONF a lui aussi un rôle à jouer?
M. Max Berdowski: L'ONF est aussi l'un des joyaux du Canada. Quand on parle des films canadiens à l'étranger, on songe non pas à Téléfilm, mais à l'Office national du film du Canada. Ce serait dommage si un jour l'Office n'était plus considéré comme un élément central de l'industrie. Or, l'Office évolue. Il change. Peu importe la façon dont il évolue, il doit continuer de faire partie de notre héritage en tant que pays, puisqu'il appuie l'industrie du film, les cinéastes. Nous devons faire en sorte qu'il continue de jouer un rôle actif et important.
La présidente: Nous allons terminer là-dessus.
Je tiens à vous remercier d'être venus nous rencontrer, et aussi de la contribution que vous apportez à la culture canadienne. Merci beaucoup.
Nous allons suspendre la séance pendant sept ou huit minutes, et ensuite reprendre nos travaux.
Á (1102)
Á (1113)
La présidente: Nous avons été fort occupés ce matin. Merci de votre patience.
Monsieur Cardozo, Madame Elatawi, merci d'être venus nous rencontrer.
M. Andrew Cardozo (membre, Canadian Opportunities Partnership): Merci, madame la présidente. Merci de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui.
Votre étude sur l'avenir de l'industrie du film est importante. À notre avis, l'industrie a un rôle important à jouer pour garantir que le film canadien est le reflet de la société canadienne, qu'il raconte des histoires d'ici et qu'il solidifie cette même industrie. Le Canadian Opportunities Partnership est un tout nouveau groupe de réflexion qui se penche sur les enjeux publics du XXIe siècle inhérents à notre société changeante ainsi qu'à la nature changeante de la culture canadienne.
Je suis accompagné aujourd'hui par Paul de Silva, producteur exécutif chez Jenfilms et coprésident de la Canadian Diversity Producers Association. M. de Silva a été vice-président de la programmation à Vision TV et producteur exécutif à la CBC. Hoda Elatawi est productrice principale de la division de radiodiffusion du General Assembly Production Centre, ou GAPC, qui est situé à Ottawa.
Aux fins de la présentation d'aujourd'hui, mes collègues se concentreront sur le rôle des organismes de financement tandis que je parlerai davantage du rôle du CRTC.
J'ai eu le plaisir d'être commissaire du CRTC pendant quelques années, de 1997 à 2003, et je sais assez bien ce que l'organisme peut faire. Aujourd'hui, presque tous les films, à la fois les longs et les courts métrages, finissent par être présentés à la télévision, alors le CRTC peut faire beaucoup pour promouvoir le film canadien, et c'est ce qu'il fait.
Vous connaissez très bien les chiffres qui témoignent de la diversité au Canada, alors je vais en reprendre quelques-uns seulement. Au recensement de 2001, les minorités visibles représentaient 11 p. 100 de la population canadienne, soit quatre millions de Canadiens. On s'attend à ce que ce nombre augmente considérablement; d'ici 12 ans, lorsque le Canada célébrera son 150e anniversaire, 20 p. 100 des Canadiens seront des membres des minorités visibles. Ces minorités représenteront environ la moitié de la population des grandes villes comme Vancouver et Toronto. Bien sûr, de grandes communautés ethnoculturelles européennes, établies depuis plusieurs générations, constituent aussi d'importants segments de la population dans toutes les régions du pays.
Or, ce n'est pas ce que nous voyons au cinéma et à la télévision, et c'est là le défi : faire en sorte que le film et la télévision au Canada ressemblent davantage à la réalité canadienne. Ne vous méprenez pas. Le produit canadien se vend, que ce soit Bollywood Hollywood ou Atanarjuat; le produit se vend ici et ailleurs.
Permettez-moi de vous parler un peu de ce que fait le CRTC à cet égard. Le CRTC exige que tous les diffuseurs présente un plan de sept ans sur la diversité culturelle au moment de l'obtention ou du renouvellement d'une licence, et il exige qu'ils présentent un rapport annuel témoignant des progrès réalisés sur le plan de la diversité culturelle. La prochaine étape, qui doit être clarifiée maintenant, est de savoir comment ces rapports annuels sont évalués et quel est le sort réservé aux diffuseurs qui ne font rien. Les plans sont donc en place et il reste à voir si les choses bougent au chapitre de la diversité.
Afin de promouvoir la diversité culturelle dans le long métrage, le conseil doit regarder de près les services de télévision à la carte et de vidéo sur demande ainsi que les autres services conventionnels et spécialisés qui présentent des longs métrages. Comme vous le savez peut-être, Wayne Clarkson, de Téléfilm, a déclaré récemment qu'il croyait que nos meilleures séries dramatiques émergeront des diverses cultures. Je crois que certains de nos chefs de file en sont bien conscients. Il faut faire en sorte que les politiques d'intérêt public et que le financement, surtout, iront dans le même sens. La diversité est essentielle car elle est le reflet de notre culture et de notre société, en plus d'être rentable sur le plan des affaires.
Hoda.
Á (1115)
Mme Hoda Elatawi (productrice, à titre personnel): Merci, Andrew.
Je suis productrice depuis un peu moins de 20 ans. J'ai commencé à produire des vidéos pour des entreprises et des organismes gouvernementaux dans les années 80. Ce n'est que depuis huit ou neuf ans que je produis pour la télévision, surtout des émissions d'information et des documentaires.
J'ai mentionné mon expérience auprès des organismes gouvernementaux parce que, comme je le disais plus tôt à Andrew, j'ai l'impression qu'à cette époque mon travail était davantage axé sur la diversité et les relations interculturelles qu'il ne l'est aujourd'hui, alors que je produis des émissions pour la télévision. Cette situation m'attriste un peu.
Nous connaissons les défis qui nous guettent. Nous savons qu'il n'y a pas assez de diversité culturelle, ethnique et raciale devant ou derrière la caméra. En tant que producteurs indépendants, nous savons que nous devons répondre aux exigences actuelles des diffuseurs et aux tendances, quelles qu'elles soient, peu importe qu'elles soient dictées par les dollars de la publicité, la programmation d'outre-frontière ou d'outre-mer ou les cotes d'écoute. Si nous ne pouvons répondre à ces exigences, il est impossible de faire des émissions.
Alors, comment pouvons-nous changer cela? Nous ne pouvons le faire seuls. Nous devons amener toutes les parties concernées à la table.
Les décideurs, à la fois les bailleurs de fonds et les diffuseurs, savent bien qu'il faut plus de diversité dans la programmation. Toutefois, jetez un coup d'oeil attentif sur ce que nous montre la télévision; regardez quel est le courant dominant de la télévision. Je n'ai pas l'impression que la diversité occupe une place suffisante. Regardez les décideurs, en particulier dans le domaine de la diffusion; s'il y avait plus de chefs de création de diverses origines, il y aurait plus de diversité dans notre programmation.
Andrew a donné quelques chiffres concernant les changements démographiques, en soulignant que la majorité de la population de Toronto ne sera pas de couleur blanche dans 10 ou 12 ans. Comment allons-nous répondre aux attentes de ces spectateurs? Dix ans, c'est comme un clin d'oeil et, dans la vie d'un producteur—qui semble parfois interminable—c'est aussi un clin d'oeil. Il nous faut parfois deux à cinq ans pour faire une émission, une émission grand public, alors combien d'années de plus faudra-t-il si nous voulons présenter une programmation diversifiée? Comment pouvons-nous nous faire entendre par les décideurs pour qu'ils nous permettent d'augmenter cette programmation?
Concernant les organismes de financement, que nous voulions également mentionner, nous pouvons regarder le fonds de production canadienne. Il y a des fonds spéciaux qui sont déjà réservés à d'autres types de programmation, que ce soit des productions en langue autochtone ou des productions en français à l'extérieur du Québec. Est-ce possible de créer des enveloppes destinées précisément à une programmation qui serait le reflet de la diversité? Pouvons-nous envisager pareille chose? En tant qu'interventants, pouvons-nous appuyer et revendiquer pareille chose?
Nous devons exercer des pressions. Nous devons créer la demande. Je crois que la demande existe, mais nous devons la renforcer en tant que groupe, en tant qu'intervenants. Je crois que les Canadiens veulent entendre les histoires nombreuses de la diversité. Nous sommes prêts à les entendre et nous devons commencer aujourd'hui. Nous aurions dû commencer hier.
C'est tout pour l'instant.
Merci.
Á (1120)
La présidente: Monsieur de Silva.
M. Paul de Silva (président, Canadian Diversity Producers Association): Oui, merci beaucoup.
J'aimerais remercier le comité de nous accueillir aujourd'hui, et Andrew en particulier qui a agi à titre de facilitateur. Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps, et je comprends que M. Lemay nous demande de parler lentement pour permettre aux interprètes de faire leur travail. J'ai tendance à parler rapidement, alors je vais essayer de m'en rappeler.
Je suis ici essentiellement à titre de coprésident de la CDPA, la Canadian Diversity Producers Association, qui a été créée récemment. Comme Andrew l'a mentionné, j'ai travaillé en tant que producteur et directeur de film et de télévision et je suis également consultant dans le domaine des arts et des médias. J'ai été vice-président de la programmation à Vision TV, que plusieurs d'entre vous connaissez sans doute. Vision TV a joué un rôle clé et novateur dans le développement des séries dramatiques canadiennes, plus particulièrement des séries multiculturelles, et a produit la première comédie de situation multiculturelle intitulée Lord Have Mercy, que vous connaissez peut-être, qui tourne autour d'une église évangélique noire et qui se situe dans un contexte multiculturel.
De plus, durant mon mandat à Vision TV, j'ai eu la chance d'être le premier commissaire pour la télévision, parce que nous avions, à cette époque, un film fait pour la télévision, qui est devenu par la suite un long métrage; il s'agit d'Atanarjuat. Le producteur m'a présenté le scénario original. Je tiens à le mentionner seulement parce que c'est alors que j'ai pris conscience des difficultés et de la complexité du financement des longs métrages canadiens, en particulier des films qui comportent une composante qui reflète la diversité culturelle.
Voilà donc un aperçu de mes antécédents. Mes commentaires porteront précisément sur le reflet de la diversité culturelle dans l'industrie du film et l'industrie de la télévision qui, comme Andrew l'a mentionné, sont étroitement liées. Comme vous l'avez probablement déjà entendu, le financement des longs métrages dépend beaucoup de l'industrie de la télévision aujourd'hui. Les deux industries vont donc de pair, et la question de la représentation, de la participation et du reflet des communautés multiculturelles est au coeur même de tout ce processus.
Cette question est évidemment très complexe et, à mon avis, elle comporte trois aspects particuliers. Je vais essayer de présenter les choses simplement. Il y a d'abord la précarité et l'appui inégal de l'industrie. Nous savons que le financement de la CBC/Radio-Canada, de Téléfilm, du FTC—le Fonds canadien de télévision—ainsi que de l'Office national du film est dans un état de crise constant, et ce sont là nos principales institutions de financement.
Deuxièmement, il y a le changement démocratique rapide dont Andrew a parlé, et nous connaissons tous les chiffres. Nous savons tous ce qui est en train de se produire, surtout dans les grandes villes du Canada, en particulier dans la ville où j'ai vécu pendant plus de 40 ans, c'est-à-dire Toronto. J'ai vécu à Vancouver et à Montréal également, lorsque je travaillais pour la CBC/Radio-Canada, et ce sont surtout les grandes villes qui connaissent cet énorme changement démographique.
Nous savons tous que l'être humain a tendance à résister au changement. Cela fait partie de notre constitution génétique. Les institutions en particulier éprouvent des difficultés à changer, et nous nous trouvons présentement devant la nécessité de changer. C'est là le deuxième facteur qui est en jeu ici.
Troisièmement, il y a des facteurs historiques, que nous connaissons tous, qui créent des obstacles systémiques au changement, et ce sont ces institutions qui jouent un rôle prépondérant dans les enjeux que Andrew et Hoda ont mentionnés et qui connaissent ces barrières systémiques. Après mes études universitaires, j'ai travaillé notamment comme enquêteur à la Commission des droits de la personne en Ontario, ce qui m'a sensibilisé à tout un éventail de problèmes en matière d'emploi ainsi qu'à la discrimination systémique. Il ne fait aucun doute qu'il y a certains facteurs historiques inhérents aux questions que nous traitons ici dans l'industrie du film et de la télévision. Il faudra se pencher sur ces questions également.
Dans le peu de temps que j'ai, j'aimerais condenser ma réflexion en trois points essentiels, de façon très générale, et je serai ravi de répondre ensuite à vos questions sur des programmes plus précis, à mesure que nous avançons. J'enseigne à la Toronto Film School et je vais vous présenter, comme à mes étudiants, les trois grands éléments qui me paraissent essentiels.
Á (1125)
Il y a d'abord l'engagement. Nous avons besoin d'obtenir un engagement au plus haut niveau de toutes les organisations, et cet engagement envers le changement, envers ces questions de représentation, comme Andrew et Hoda l'ont mentionné, ne fera qu'enrichir le système. Lorsque ces collectivités seront représentées, le système en sera enrichi, et il faut s'engager à opérer un changement significatif, en particulier dans les domaines de la formation et des ressources.
Deuxièmement, il y a la capacité, et je parle ici de ressources et d'objectifs précis qui doivent être surveillés de près et évalués de manière transparente.
J'ai eu la chance récemment de m'entretenir avec une dame pour laquelle j'ai beaucoup de respect et qui est l'un des décideurs de la CBC-Radio-Canada. Il s'agit de Debbie Bernstein, qui a travaillé longtemps à Téléfilm. À la société d'État, elle est chef des arts et des spectacles. Nous parlions de la programmation et elle m'a dit « Paul, ce qu'il faut pour avoir une programmation pour les communautés, ou pour quiconque, ce sont le budget et le temps d'antenne. Alors pensez à ces deux éléments essentiels. Si vous n'avez ni budget ni temps d'antenne, vous n'êtes pas dans le coup. »
Voilà donc l'aspect concernant la capacité. Nous avons besoin de cette capacité dans les communautés.
Vient enfin la cohérence. Malheureusement, notre expérience—et je peux en parler personnellement—a été de faire un pas en avant, puis trois pas en arrière, à cause de la précarité du financement dont j'ai parlé. Nous avons tendance à lancer des initiatives isolées. Elles fonctionnent très bien. Elles permettent de former des scénaristes et des directeurs qui poursuivent ensuite leur carrière, puis le financement disparaît. Ou bien l'organisation retire son engagement, ou bien l'organisation, dans le cas de la CBC/Radio-Canada, subit des compressions énormes, comme vous le savez...
J'ai participé à la production d'une série novatrice intitulée Inside Stories il y a environ 12 ans. Cette série favorisait une programmation dans toutes les régions du Canada et reflétait les intérêts régionaux ainsi que les intérêts multiculturels. Nous avons fait des films à Montréal, à Vancouver, à Regina, partout au pays. Cette série a permis de découvrir des gens comme Deepa Mehta, qui en était à sa première production dramatique, et Atom Egoyan. Arsinée Khanjian, une de nos plus grandes actrices, a tenu ses premiers rôles dramatiques dans cette série. Stefan Scaini, de la communauté italienne de Toronto, a fait ses débuts... C'était leur première chance de faire une série dramatique de qualité avec un bon budget. La série a produit des scénaristes comme Diana Braithwaite, et Shyam Selvadurai, de la communauté sri lankaise.
Malheureusement, cette initiative a été abandonnée et tous les gains acquis sont disparus. Oui, des progrès ont été réalisés et les gens ont poursuivi leur carrière. On leur a donné une chance, mais cette chance n'existe plus. Nous en sommes à reparler de courts métrages, avec des budgets à peine capables de concurrencer la programmation télévisuelle.
C'est de cette cohérence dont nous avons besoin. Le problème, c'est que nous devons toujours revenir à la case de départ.
Certes, il y a des signes positifs. Je ne dis pas qu'il n'y a rien de bon. Il y a beaucoup de bonnes choses, et Andrew a mentionné les commentaires faits par Wayne Clarkson, le nouveau dirigeant de Téléfilm, qui sont très encourageants. Je crois que Wayne a bien compris.
Comme je l'ai dit à Mme Bulte, aucune production canadienne ne serait réalisée sans Téléfilm. J'ai déjà mentionné que je donne un cours sur le financement du film et de la télévision à la Toronto Film School, et il est clair lorsqu'on parle du financement des films au Canada que, sans Téléfilm, aucune production dramatique canadienne ne parviendrait à l'écran. Ce serait impossible.
Á (1130)
L'un des deux autres organismes de financement—puisque c'est notre principal sujet aujourd'hui—est la CBC/Radio-Canada. Richard Stursberg, le nouveau dirigeant, qui était autrefois à Téléfilm et avec qui j'ai eu de nombreuses conservations, a fait de la production dramatique canadienne sa plus importante initiative. Dans un discours qu'il a prononcé récemment devant les cadres responsables de la diffusion, il a présenté des chiffres pour montrer dans quelle mesure la société d'État s'intéressait à la production dramatique canadienne. Je crois que c'est important, parce que la production dramatique canadienne doit, au bout du compte, refléter ce que nous sommes en tant que pays.
À l'ONF, Jacques Bensimon a bien compris les enjeux, et un engagement sérieux a été pris dans ce sens. Je dois aussi mentionner CHUM Television, qui a lancé une bonne initiative avec l'émission 13 Stories About Love, qui vise précisément à exprimer la diversité culturelle dans sa programmation. Il y a également des signes encourageants à la CTV. Certains progrès sont donc réalisés.
Le groupe de travail de l'ACR qui a présenté récemment sa décision au CRTC a fait des recommandations importantes. Je me réjouis du fait que le CRTC a insisté pour que des rapports précis et continus soient produits, pour que nous ne nous fions pas seulement aux pratiques exemplaires. Je crois que c'est important.
Essentiellement, et c'est-là ma dernière observation, toutes ces initiatives doivent être mesurées en regard des ressources. Les anecdotes ne suffisent plus. Il faut regarder l'ensemble du tableau, et ces activités doivent être maintenues de manière cohérente.
L'élément essentiel que j'aimerais que vous reteniez est le suivant : si vous, qui êtes en mesure d'influencer et de façonner la politique, vous exigez que cette diversité soit au coeur même des prises de décision qui touchent le film et la télévision, pour que les décideurs et les gens à la table soient des membres de ces communautés, alors les changements que nous souhaitons se produiront plus rapidement, et de façon plus cohérente et plus organisée.
Par ailleurs, il est essentiel de comprendre qu'il y a des gens dans le système qui ont déjà l'expérience pertinente, pour que nous cessions de parler seulement de formation. Autrement, les choses n'évolueront pas et les changements n'auront pas lieu comme il se doit. Il faut agir rapidement et de façon à créer un changement véritable et mesurable.
Je vous remercie de votre temps. Votre appui enthousiaste et continu est nécessaire, et je serais très heureux de répondre à toutes vos questions.
La présidente: Merci beaucoup.
Je ne veux pas empiéter sur le temps alloué aux autres membres du comité pour les questions, mais j'aimerais faire quelques commentaires et vous demander d'en tenir compte lorsque vous répondrez aux questions.
J'aimerais qu'on porte attention aux commentaires de Mme Elatawi. Il importe de reconnaître que la diversité est le courant dominant. Nous devons faire en sorte que les Canadiens voient que le courant dominant, c'est la diversité, sinon nous allons être aux prises avec d'importantes tensions sociales. Je crois qu'il est très important de le comprendre. Si vous avez des commentaires à ce sujet, j'aimerais les entendre.
J'aimerais maintenant passer à la période de questions. Si vous souhaitez ajouter des commentaires à ce sujet dans vos réponses, je vous invite à le faire.
Á (1135)
Mme Hoda Elatawi: Il n'y a rien à redire à ce sujet. Il y a deux réalités. Comment allons-nous les concilier? Vous avez absolument raison, madame la présidente, de dire que la diversité est le courant dominant, mais comment cette réalité va-t-elle être mieux reflétée dans notre télévision ?
Andrew a mentionné que le CRTC exigeait que les diffuseurs présentent un plan de diversité de sept ans. Mais qui le saurait, à part quelques-uns des diffuseurs dont Paul a parlé? Qui le saurait en regardant la télévision grand public aujourd'hui?
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Comment faire pour que cela se concrétise réellement?
M. Paul de Silva: Si je peux me permettre d'ajouter un bref commentaire, je suis très encouragé par vos propos, madame la présidente. Bien que l'on comprenne que la diversité fasse partie du courant dominant, l'essentiel est de savoir comment les décisions sont prises dans ces organisations qui jouent un rôle clé dans ce processus. Si les personnes qui sont de cet avis ne participent pas aux décisions, si elles ne sont pas là lorsque ces décisions sont prises, leurs intérêts ne sont pas représentés. Je crois que c'est là le problème auquel nous sommes confrontés à l'heure actuelle.
Toutefois, si l'on songe au groupe cible primaire, vous verrez que 60 p. 100 du public anglophone disponible pour la télévision se trouvent en Ontario. Ce chiffre m'a renversé. Soixante pour cent des téléspectateurs canadiens disponibles de langue anglaise se trouvent dans le sud-ouest de l'Ontario, et j'imagine que c'est vrai également pour les longs métrages.
Si on fait le décompte pour Toronto, c'est probablement environ 50 p. 100. Or, si 50 p. 100 du public disponible se trouvent à Toronto et que les minorités visibles, les groupes multiculturels, forment la moitié de ce public, c'est énorme. Toutefois, les décisions de financement sont encore prises en fonction du fait que le groupe cible primaire visé par bon nombre de nos produits culturels se trouve à l'extérieur de Toronto.
C'est une question très complexe et sans vouloir l'approfondir davantage, il s'agit d'un aspect important. Les choses vont bouger plus rapidement si ces communautés sont représentées là où les décisions sont prises.
La présidente: Merci beaucoup.
Merv.
M. Merv Tweed (Brandon—Souris, PCC): Merci beaucoup de votre présentation. Je crois que c'est là le défi que nous devons tous relever—comment faire pour que les diversités culturelles soient le courant dominant. Nous acceptons cette réalité, mais comment traduire cette réalité dans nos productions?
Vous dites dans votre lettre que vous voulez faire en sorte que les organismes n'écartent pas à leur insu les minorités visibles et vous parlez du rôle que joue le CRTC envers les radiodiffuseurs. En tant que législateur, ma question est de savoir s'il faut rendre la chose plus évidente aux gens qui participent aux prises de décisions ou si c'est davantage une question de sensibilisation. Doit-on allouer un financement spécial pour ce type de processus, ou est-ce que des discussions et des efforts de sensibilisation suffisent?
M. Andrew Cardozo: Je pourrais peut-être commencer à répondre à votre question, après quoi mes collègues prendront la relève. Comme au sein de tout autre gouvernement ou entreprise, si l'objectif n'est pas fixé, il ne se réalisera pas. Il faut donc examiner ce qu'on veut changer et discuter de la manière de le faire.
La réglementation est un des moyens. Donc, assurément, ce que fait le CRTC... Je ne parlerais pas vraiment de réglementation, mais il impose certaines exigences auxquelles doivent satisfaire les radiodiffuseurs et exige certains rapports et plans. En leur absence, je ne crois pas qu'il y aurait autant de changements que ce qu'on commence à voir.
Le seul domaine où la télévision a fort bien subi une transformation est celui des journalistes d'antenne, du côté anglophone seulement. La télévision francophone n'a pas beaucoup visé la diversité, même s'il existe plusieurs journalistes francophones plutôt compétents qui devraient être à l'antenne, mais qui ne le sont pas. Nous ne voyons pas suffisamment d'Autochtones d'antenne au bulletin de nouvelles. Par contre, du côté anglophone, on constate la présence de nombreux membres de minorités visibles et de quelques Autochtones.
C'est donc une de ces questions au sujet de laquelle l'industrie de la télévision, après examen, a découvert que, devinez quoi, il existe beaucoup de gens qui sont compétents. Les problèmes de compétence et de nombre sont donc de l'histoire ancienne. Il suffit de regarder autour de soi et de se dire qu'il faut s'efforcer d'avoir des émissions de nouvelles à l'image de la collectivité.
Ce dont il est question aujourd'hui, c'est la façon dont nos films reflètent la composition de notre société. Donc, effectivement, il faut donner un petit coup de pouce. Avec un peu de chance, d'ici dix ou quinze ans, il ne sera plus nécessaire d'en donner. Ce sera chose faite.
Á (1140)
M. Paul de Silva: Si je comprends bien l'essentiel de votre question, c'est de savoir comment nous allons y parvenir. Il faut à mon avis que l'initiative soit prise sur plusieurs fronts à la fois.
Par contre, ce serait négligent de ma part de ne pas dire qu'il y a beaucoup de frustration au sein des collectivités—comme l'a mentionné Hoda—, chez les producteurs, les auteurs et le personnel de création qui entendent parler de ce besoin de meilleure représentation depuis quelque 20 ans. Le premier forum national a été tenu, je crois, par le ministre du Multiculturalisme, Jim Fleming. Quand était-ce—il y a 25 ans? Le sentiment de frustration vient de ce que nous savons qu'en l'absence d'exigences très spéciales au sujet de la représentation des femmes, rien n'a été fait, tout comme en l'absence de règlements très concrets à l'intention de l'industrie canadienne de la musique. Il y a eu beaucoup de résistance, comme vous le savez; l'objectif n'a pas été atteint.
L'information et la sensibilisation sont importantes, mais j'estime qu'il faut imposer des genres très particuliers d'exigences, parce que le quotidien de ceux qui prennent les grandes décisions dans ce domaine est accaparé par la lutte pour la survie, en un certain sens. Ayant moi-même été dans cette situation de nombreuses fois, je sais qu'il faut gérer la crise. Si c'est une crise de financement, c'est la survie de votre organisme qui est en jeu. Ces sujets ont donc tendance à être mis en veilleuse à moins, par exemple, que votre comité ou un règlement ne l'exige. Autrement, ils ont tendance à disparaître de la liste des priorités.
À mon avis, le processus d'information publique et de sensibilisation est important, mais il importe tout autant d'avoir des lignes directrices plutôt claires, des objectifs bien définis. Si l'entreprise ne s'est pas fixé d'objectif, pas de cible, comment peut-elle savoir qu'elle réussit? Nous avons besoin de savoir que nous réussissons et la seule façon de le faire, c'est de mettre en place des moyens de mesurer le succès.
Mme Hoda Elatawi: Si je puis simplement renchérir, il faudrait aussi avoir des incitatifs, peut-être sous forme d'enveloppes de financement. Je crois que les deux vont de pair... Quand de pareils incitatifs sont mis en place, il y a effectivement changement, de même que sensibilisation, conscientisation et information publique. Je ne crois pas qu'il faille en viser juste un; il faut atteindre tous ces objectifs.
La présidente: Monsieur Lemay.
[Français]
M. Marc Lemay: Je trouve vos remarques infiniment intéressantes, et je vous remercie de les faire. Je vais procéder sans ordre prédéterminé.
J'ai tendance à faire des parallèles, et celui que je vais faire est peut-être boiteux. Présentement, au Canada, on a beaucoup de difficulté avec la diversité culturelle. Je suis très impliqué dans le domaine du sport, et je l'ai été pendant des années au niveau international. Au Canada, on parle encore de hockey et de baseball, alors que c'est le soccer, autrement dit le foot, qui est le plus populaire au monde. Pourtant, on en voit si peu!
Maintenant, je ramène tout cela à la diversité culturelle. Je vous ai écoutés avec la plus grande attention. Pour ma part, je viens d'une circonscription électorale située très loin au nord du Québec. On y trouve beaucoup d'Autochtones. Or, on voit très peu ces gens à la télévision, pour ne pas parler du cinéma. Un festival du film autochtone commence à s'organiser à Montréal. Ce n'est pas demain la veille qu'on en verra un au Canada. J'aimerais qu'on ait un festival du film, non pas des minorités culturelles, parce que c'est là un terme que je déteste, mais de la diversité culturelle. On a pu voir un film réalisé par un Inuit du Grand Nord. Ce dernier a remporté un prix à Cannes et ailleurs dans le monde. Bien des gens se sont étonnés du fait que les Inuits faisaient des films.
Cela m'amène à vous poser une question. Au Québec, nous remarquons les minorités visibles lorsqu'elles sont assimilées: nous n'allons pas vers elles lorsqu'elles se trouvent dans leur milieu. À Montréal, on voit très peu de films ou d'émissions sur les Vietnamiens ou les Chinois. Pourtant, les Vietnamiens parlent français. Le même phénomène s'applique aux gens des pays arabes, par exemple les Marocains et les Tunisiens. Ils sont très présents dans le domaine de la musique, précisément en ce qui concerne le world beat, mais on ne les voit pas à la télévision ou ailleurs.
Nous avons beaucoup de difficulté à approcher les gens des communautés culturelles. Au Québec, nous avons tenté un rapprochement avec les communautés grecque et italienne. On a fait le film Mambo Italiano. La semaine dernière, je suis allé à Toronto. Je n'y étais pas allé depuis quatre ans. De toute évidence, ce qu'on y voit dans la rue n'est pas ce qu'on voit à la télévision. C'est la même chose à Vancouver. À l'occasion des Jeux olympiques d'hiver de 2010 à Whistler, les gens n'en reviendront pas en arrivant. Il n'y a pas que des Blancs là-bas: en fait, il y a plus de Chinois et de Japonais. La deuxième langue parlée à Calgary est le Japonais, mais cela ne se remarque pas. De quelle façon pourrait-on s'y prendre pour que vous acceptiez d'examiner cette situation avec nous?
J'espère que ma question n'est pas trop embêtante. Nous nous penchons sur l'industrie du cinéma, et nous souhaitons voir davantage de films. J'aimerais que quelqu'un fasse un film sur Casablanca ou sur Tiananmen, par exemple. Récemment, on a eu l'occasion de voir un film sur les bouddhistes. On aimerait voir des films sur vos pays d'origine respectifs. J'imagine que vous n'êtes pas tous nés au Canada.
Si ma question était un peu longue, je m'en excuse.
Á (1145)
La présidente: Je vous remercie d'avoir soulevé une question très intéressante.
M. Andrew Cardozo: Je vais commencer. Beaucoup de gens maintenant, comme Paul et Hoda, ont une grande expérience du monde du cinéma, et beaucoup de personnes des minorités veulent travailler dans le courant dominant. Il semble que, d'un côté, on mette des barrières aux différences.
Je pense que le système et les organismes qui subventionnent les films ne comprennent pas que ces personnes sont canadiennes. Elles ne sont pas immigrantes, elles ne sont pas étrangères. Elles sont simplement canadiennes et elles veulent faire des films qui reflètent Toronto, Ottawa, Montréal, Montréal-Nord, etc. Le système ne reconnaît pas suffisamment que la population a changé et qu'elle n'est plus ce qu'elle était. Cela répond-il à votre question?
Á (1150)
M. Marc Lemay: Oui, merci.
[Traduction]
Mme Hoda Elatawi: Monsieur Lemay, pourrais-je faire valoir deux points au sujet de ce que vous avez dit?
Vous avez demandé, je crois, pourquoi il n'y a pas plus de festivals du film conçus particulièrement pour ces genres d'émissions ou de films multiculturels. Pour en revenir à ce que disait la présidente tout à l'heure, ce que nous voulons faire, ce n'est pas de créer des industries distinctes, mais de les intégrer à l'industrie grand public pour que les films soient vus par un grand public étant donné qu'ils reflètent les Canadiens. Nous ne souhaitons pas que s'établissent des industries distinctes; nous souhaitons plutôt les intégrer aux grands festivals du film pour qu'ils puissent se mesurer aux autres. Il faudrait que la porte leur soit ouverte.
Vous avez aussi demandé comment approcher les différentes communautés culturelles. On a essayé, et c'est difficile. À nouveau, je crois que si les portes de la principale industrie demeurent ouvertes, les membres de ces communautés viendront. Paul est là depuis longtemps, je suis là depuis longtemps et il y en a bien d'autres, mais il faut que les portes soient ouvertes, tant sur le plan du financement que sur le plan de la radiodiffusion et de la prise de décisions. Ils viendront. Ils ne demeureront pas... Ils viendront.
Je vous remercie d'avoir posé la question.
M. Paul de Silva: Je vous remercie.
[Français]
Je regrette de répondre en anglais.
[Traduction]
J'y travaille.
La question est très importante, et Andrew et Hoda y ont répondu.
Un des principaux points que je tiens à souligner, c'est qu'il semble y avoir un grand fossé en quelque sorte entre ce que nous entendons de la part des institutions, qui affirment avoir de la difficulté à trouver des gens ou à les persuader de venir à elles, et ce que nous entendons des collectivités avec lesquelles je travaille de près, surtout à Toronto, mais également partout au pays par l'intermédiaire de notre organisme Canadian Diversity Producers Association. Elles affirment que les portes, comme Hoda l'a dit, sont fermées. En fait, même si on frappe à leur porte très fréquemment, elles ne répondent pas ou réagissent de façon très minimale.
Le fossé—si je me fais bien comprendre—vient de l'absence d'une volonté véritable chez ces organismes de tendre la main et de chercher à inclure. D'une certaine façon, ce n'est pas simplement une question de tendre la main, mais de les avoir à portée de la main, de les attirer vers l'intérieur. Par contre, les personnes que nous connaissons grâce à nos contacts butent contre des obstacles et des difficultés quand elles vont présenter leurs projets. Soit que ce n'est pas le bon moment, soit qu'on estime que tous les engagements ont déjà été pris. Voilà un point à retenir.
J'ai aussi apporté ceci avec moi. Vous avez posé des questions au sujet d'un festival du film. Or, le cinquième festival annuel du film ReelWorld a débuté hier à Toronto. Il a été inauguré par le maire Miller, et j'étais présent. Le festival a de la difficulté, dirons-nous, à trouver des fonds, mais grâce à un groupe très engagé de gens, il fait un travail phénoménal.
Rien ne nous ferait plus plaisir que de vous accueillir à ces films. Le festival vient tout juste de commencer, et il s'agit du premier festival international qui célèbre l'excellence du multicuturalisme. Il représente un premier pas dans la bonne direction, mais il a besoin d'être alimenté et soutenu.
Je partagerai volontiers avec vous cette information après la réunion.
Je vous remercie d'avoir posé la question.
La présidente: Il ne nous reste que quelques minutes. Souhaitez-vous faire de brèves observations?
Á (1155)
M. Mario Silva: Tout d'abord, je tiens à remercier le témoin d'être venu nous décrire un point de vue vraiment intéressant sur la diversité canadienne. Comme l'a dit la présidente, c'est vrai qu'il faut voir la diversité comme faisant partie du tout. Je crois aussi qu'il faut commencer à comprendre que la diversité est ce qui fait notre force et ce qui fait vraiment la grandeur de notre pays. Le défi consiste à trouver un moyen de refléter cette réalité dans nos institutions et dans nos politiques culturelles, ainsi que dans nos films.
Pour ce qui est des obstacles institutionnels, je me rends compte que la situation est difficile parce que les institutions ne reflètent toujours pas la diversité du pays. Tant qu'elles seront réfractaires, il leur sera impossible d'élaborer de solides politiques qui reflètent la diversité.
Mes questions ne sont probablement pas différentes de celles des autres. Nous connaissons tous la réalité du Canada. Dans ma ville, à Toronto, la moitié de la population est née à l'étranger. Je m'inclus dans cette catégorie. Voilà la réalité de Toronto et de la RGT.
Il existe de fantastiques histoires de personnes qui ont fait une grande contribution au pays, maintenant et tout au long de l'histoire du Canada, mais on n'en entend jamais parler. C'est dommage. En tant que Canadiens, nous nous sommes fait voler en quelque sorte parce qu'on ne nous a pas fait connaître notre propre identité culturelle et les différentes composantes de la société qui font du Canada un pays si merveilleux.
Je peux peut-être vous raconter très rapidement l'histoire de Pedro da Silva. Pedro da Silva a été un des premiers facteurs au Canada. Le roi de France lui avait accordé une charte pour la livraison du courrier en Nouvelle-France. Postes Canada l'a reconnu, l'an dernier, en émettant un timbre à son image. C'est une merveilleuse histoire, mais nul ne la connaît, à moins peut-être d'être de souche portugaise. C'est à peu près tout.
M. Paul de Silva: Mon nom de famille est de Silva, et je n'en ai jamais entendu parler.
M. Mario Silva: Tous ces merveilleux récits au sujet de personnes qui ont enrichi l'histoire du pays ne sont tout simplement pas faits. C'est si malheureux. Il y en a des milliers comme ça au sein des différentes communautés, dans les collectivités autochtones.
Il y a des années, quand j'étais en Nouvelle-Zélande, je raffolais d'entendre les gens raconter des histoires au sujet des Maori, et la façon dont les Maori se sentaient et voyaient la question. Au Canada, nous avons une histoire autochtone si riche, les différentes nations, et pourtant, nous ne connaissons pas très bien leur histoire. C'est une histoire orale, mais nous devrions la répéter. Personne ne la raconte.
Nous sommes simplement engagés, essentiellement, dans un dialogue permanent. Toutefois, je crois que vous avez ajouté une dimension intéressante et très importante à notre discussion, dans le cadre de l'examen de notre politique cinématographique.
La présidente: Je vous remercie.
Madame Bulte.
L'hon. Sarmite Bulte: Je n'ai qu'une seule question que je vais poser très rapidement.
Monsieur de Silva, vous avez parlé de l'endroit où sont faits les produits culturels. J'ai trouvé cela fort intéressant, parce que Toronto est pénalisée quand des films y sont tournés. Simplement en pénalisant Toronto à cet égard, vous passez à côté du produit multiculturel. C'est là une question à laquelle il faut vraiment que nous réfléchissions.
Je ne suis pas contre le fait d'encourager la production partout au Canada, mais il ne faudrait pas pour autant pénaliser. Toronto mérite peut-être qu'on lui donne au moins une chance égale.
Monsieur Cardozo, allez-y.
M. Andrew Cardozo: Je suis d'accord avec vous. Je vais vous décrire rapidement une expérience que j'ai vécue. Quand j'étais au CRTC, il était question de la licence de la SRC. La commission tenait à ce que la société fasse deux choses : qu'elle diffuse des émissions régionales et qu'elle reflète la diversité culturelle. À un moment donné durant la rédaction, les deux points ont été insérés dans une même disposition, de sorte que la diversité culturelle était désormais assimilée aux émissions régionales plutôt qu'à Toronto. Je leur ai dit qu'on n'obtiendrait pas de diversité culturelle de cette façon, parce que la plus grande partie de la diversité se trouve à Toronto.
Il importe de se rappeler que Toronto attire des personnes venues de partout au pays. Les producteurs qui sont à Toronto ne sont pas tous originaires de cette ville. Ils viennent d'autres régions également s'installer ici parce que c'est la Mecque de la production. C'est important en termes de diversité. Cela va parfois à l'encontre du question de la production régionale. On ne peut pas monter les deux l'un contre l'autre.
J'aimerais faire valoir rapidement un point au sujet des incitatifs. Il y a quelques années, les prix Gémeaux incluaient le prix Canada consacré à la diversité. C'est un prix qui connaît beaucoup de succès. L'an dernier, nous avons reçu 30 nominations, ce qui était tout un record.
Vous pourriez peut-être envisager la possibilité d'offrir, dans le cadre du prix Génie, un genre analogue de prix consacré à la diversité. Le PDC a écrit récemment à l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision pour faire une recommandation en ce sens. La proposition engagera peut-être le versement d'un très faible montant par le gouvernement du Canada. Le programme du multiculturalisme, ou Patrimoine canadien, est celui qui a financé le prix Canada dans le cadre des prix Gémeaux. Si un prix analogue était créé pour la diversité, dans le cadre des Génies, ce serait un incitatif. Il servirait de vitrine pour certaines des excellentes productions du genre d'histoires dont parlait M. de Silva et que nous ne voyons pas assez souvent.
 (1200)
L'hon. Sarmite Bulte: Je trouve que c'est une excellente suggestion.
Monsieur de Silva, vous avez aussi parlé de l'engagement de Richard Stursberg dans la dramatique canadienne. Un des problèmes que cela me pose, c'est que nous avons déjà de merveilleuses émissions dramatiques canadiennes qui dorment sur les tablettes, mais qu'on ne les diffuse malheureusement pas. Les produire est une chose, mais les diffuser en est une autre. Plutôt que de diffuser des films américains au cinéma du samedi soir, pourquoi ne pas en profiter pour mettre en valeur ces petits bijoux canadiens?
M. Paul de Silva: Voilà une bonne question. Elle est complexe, puisqu'elle a à voir avec le financement de la SRC. Tous savent que, lorsque La soirée du hockey au Canada a été retirée de la programmation, ces films ont servi de bouche-trous. Comme La soirée du hockey au Canada était une importante source de revenu pour la SRC, revenus qu'elle réinvestissait dans des émissions canadiennes, elle estimait devoir maintenir le nombre de ses téléspectateurs. C'était là la réalité. Les Canadiens aiment regarder les dramatiques américaines.
J'estime toutefois que vous faites valoir un point important. Richard Stursberg a déclaré récemment, dans un discours, que c'est une question d'espace sur les tablettes, c'est une question de temps, d'émissions programmées aux heures de grande écoute. Il n'y en a pas suffisamment pour mettre en vedette la dramatique canadienne pour l'instant.
À un moment donné, vous pourrez discuter de la question avec M. Stursberg — pourquoi choisir des dramatiques américaines au détriment des dramatiques canadiennes? En ce qui concerne Toronto, je vous répondrai en vous citant le titre d'une émission de télévision, Curb Your Enthusiasm, c'est-à-dire de mettre un frein à votre enthousiasme. La situation avec laquelle nous composons est incroyable. J'ai récemment effectué beaucoup de recherche dans ce domaine. Il existe un mythe d'après lequel tout gravite autour de Toronto, que parce que le siège social de la SRC s'y trouve, Toronto est bien représentée. Or, c'est tout à fait le contraire. Si vous vous arrêtez à la représentation locale, à l'échelle du pays, à la SRC, aux nouvelles et à la programmation, Toronto est largement sous-représentée sur le plan des ressources. Le point qu'ont fait valoir Andrew et Mario, si je puis les appeler par leurs prénoms, ...
M. Mario Silva: Nous sommes voisins, mais nous n'avons pas de lien de parenté.
M. Paul de Silva: Nous ne sommes pas parents.
La présidente: C'est pourquoi je lui ai offert la première possibilité, de ce côté-ci de la table.
M. Paul de Silva: Je ne voudrais pas me permettre trop de familiarités, même si nous avons été voisins.
Le point qu'a fait valoir Mario est absolument essentiel. Si le principal centre du multiculturalisme au pays n'est pas représenté pour diverses raisons—la croyance, fausse, que Toronto est représentée alors qu'elle ne l'est pas—, alors nous avons vraiment besoin de changer radicalement notre façon de penser dans ce domaine.
L'hon. Sarmite Bulte: Je peux peut-être parler d'un des points que vous avez soulevés. Vous avez besoin de la capacité en ce qui concerne la SRC et de temps d'antenne, de même que l'assurance qu'ils sont là.
M. Paul de Silva: Pour être très honnête avec vous, nous avons besoin d'un canal canadien consacré à la dramatique canadienne qui reflète la diversité culturelle du pays. Il faut que la SRC soit tout pour tous. Et effectivement, concernant les heures de grande écoute, c'est-à-dire entre 19 ou 20 heures et 23 heures, il existe bien des décisions, mais on a essayé...
J'aimerais revenir au point qu'a soulevé M. Lemay au sujet du festival du film culturel qui commence à prendre racine. Je crois que la seule solution, à vrai dire, est un canal consacré essentiellement à la représentation de la diversité culturelle dans la dramatique, la dramatique canadienne — de la dramatique grand public, pour être plus précis — qui diffuserait ce qu'il y a de mieux au monde, représentant ainsi la diversité culturelle.
 (1205)
La présidente: Je vous remercie beaucoup.
Je suis désolée, mais il ne nous reste plus de temps. En fait, nous avons pris plus de temps que prévu. Je ne crois pas que qui que ce soit souhaite débattre maintenant de notre programme, mais vous pourriez peut-être l'examiner et voir si vous avez des commentaires à faire, particulièrement en ce qui concerne la comparution de la ministre. Pour l'instant, cette comparution est prévue pour le 12 mai. Il a été question d'aborder avec elle le budget et la réponse du gouvernement au rapport sur la radiodiffusion.
L'hon. Sarmite Bulte: À nouveau, j'espère simplement que les collègues en discuteront avec les absents.
J'estime qu'il sera très difficile de faire les deux à la fois. Le gouvernement a répondu au rapport du Comité permanent. À nouveau, j'estime qu'il est peut-être plus important d'aller de l'avant avec ce dossier. Nous avons déjà entendu les hauts fonctionnaires. J'ignore ce que pourra ajouter la ministre. Les ministres ont tendance à s'en remettre à leurs hauts fonctionnaires. J'aimerais avoir la possibilité d'interroger la ministre sur la réponse du gouvernement au Comité permanent, parce qu'elle fait déjà l'objet de toutes sortes de reportages qui ne sont forcément favorables.
La présidente: Sam, nous devons quand même réserver du temps pour examiner le budget des dépenses, parce que nous avons des motions à adopter, et ainsi de suite.
L'hon. Sarmite Bulte: Qu'avons-nous d'autre au programme?
La présidente: Nous avons des motions à adopter, à moins que vous ne préfériez que le comité ne...
L'hon. Sarmite Bulte: Non. Je me demandais simplement ce qu'il y a d'autre à faire.
La présidente: Je vais voir si Bev est en ville. J'ignore si elle est à l'extérieur.
L'hon. Sarmite Bulte: Non, c'est justement ce que j'essaie de dire. M. Tweed et M. Lemay devraient se parler.
La présidente: Peut-être que juste avant ou juste après la période des questions, les porte-parole des partis pourraient se réunir.
M. Marc Lemay: C'est malheureusement impossible dans mon cas. En réalité, je m'en vais dans le Nord.
La présidente: Pour tout le reste, vous pouvez nous faire confiance. Moi et le greffier ferons de notre mieux.
La séance est levée.
Je vous remercie tous vivement.