CHPC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 25 octobre 2005
Á | 1110 |
La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)) |
M. Martin Villemure (président, Corporation du Camp Spirit Lake) |
Á | 1115 |
La présidente |
M. Martin Villemure |
La présidente |
M. Andrew Hladyshevsky (président, Ukrainian Canadian Foundation of Taras Shevchenko) |
Á | 1120 |
M. Lubomyr Luciuk (directeur de la recherche, Ukrainian Canadian Civil Liberties Association) |
La présidente |
Á | 1125 |
M. Lubomyr Luciuk |
La présidente |
M. Paul Grod (premier vice-président, Congrès ukrainien canadien) |
Á | 1130 |
La présidente |
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River—Marquette, PCC) |
M. Andrew Hladyshevsky |
Á | 1135 |
Á | 1140 |
La présidente |
M. Inky Mark |
M. Lubomyr Luciuk |
M. Inky Mark |
La présidente |
M. Roger Clavet (Louis-Hébert) |
Á | 1145 |
M. Lubomyr Luciuk |
M. Paul Grod |
M. Roger Clavet |
M. Martin Villemure |
M. Roger Clavet |
Á | 1150 |
M. Martin Villemure |
M. Roger Clavet |
M. Martin Villemure |
M. Roger Clavet |
La présidente |
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD) |
La présidente |
Mme Libby Davies |
Á | 1155 |
M. Andrew Hladyshevsky |
La présidente |
M. Mario Silva (Davenport, Lib.) |
 | 1200 |
M. Lubomyr Luciuk |
M. Paul Grod |
 | 1205 |
La présidente |
La présidente |
M. Sid Chow Tan (président, Association of Chinese Canadians for Equality and Solidarity) |
La présidente |
Mme Avvy Yao-Yao Go (directrice, Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic) |
 | 1215 |
M. Yew Lee (membre, Redress Committee, Conseil national des canadiens chinois) |
 | 1220 |
 | 1225 |
 | 1230 |
La présidente |
M. Sid Chow Tan |
 | 1235 |
 | 1240 |
La présidente |
M. Ping Tan (coprésident-directeur général) |
 | 1245 |
 | 1250 |
La présidente |
M. Inky Mark |
 | 1255 |
M. Ping Tan |
M. Inky Mark |
La présidente |
M. Roger Clavet |
La présidente |
M. Ping Tan |
Mme Avvy Yao-Yao Go |
· | 1300 |
La présidente |
Mme Libby Davies |
Mme Avvy Yao-Yao Go |
La présidente |
Mme Yasmin Ratansi (Don Valley-Est, Lib.) |
Mme Avvy Yao-Yao Go |
· | 1305 |
Mme Yasmin Ratansi |
Mme Yasmin Ratansi |
M. Yew Lee |
La présidente |
Mme Yasmin Ratansi |
La présidente |
Mme Bev Oda (Durham, PCC) |
M. Yew Lee |
Mme Bev Oda |
La présidente |
M. Ping Tan |
La présidente |
· | 1310 |
M. Roger Clavet |
La présidente |
M. Mario Silva |
La présidente |
M. Scott Simms (Bonavista—Gander—Grand Falls—Windsor, Lib.) |
M. Ping Tan |
M. Scott Simms |
M. Ping Tan |
M. Scott Simms |
M. Sid Chow Tan |
Mme Avvy Yao-Yao Go |
M. Scott Simms |
Mme Avvy Yao-Yao Go |
M. Scott Simms |
M. Ping Tan |
La présidente |
M. Ping Tan |
· | 1315 |
M. Scott Simms |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 25 octobre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
Á (1110)
[Traduction]
La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)): La séance est ouverte. Le Comité permanent du patrimoine canadien est heureux de tenir cette réunion.
Mesdames et messieurs, nous avons pris un léger retard à cause d'un comité qui nous a précédés dans cette même salle, et qui s'est montré très enthousiaste face à son travail. Mais, comme vous le savez, nous sommes ici pour étudier deux projets de loi d'initiative parlementaire qui sont très étroitement liés l'un à l'autre.
J'invite donc à venir prendre place les porte-parole des organisations désireuses de nous entretenir au sujet du projet de loi C-331, Loi sur l'indemnisation des Canadiens d'origine ukrainienne, qui a été déposé par M. Mark. Toutes mes excuses de vous avoir fait attendre.
Je tiens à préciser, pour que tout le monde soit bien au courant, que nous avons, la semaine dernière, entendu le ministre et M. Mark au sujet des deux projets de loi, en l'absence de Mme Oda. Je suis heureuse de constater que M. Mark s'est aujourd'hui inscrit en tant que membre du comité.
Je vous cède maintenant la parole afin que vous puissiez soumettre au comité les remarques liminaires que vous voulez faire en la matière. Qui va ouvrir le bal?
Martin Villemure, vous avez la parole, monsieur.
[Français]
M. Martin Villemure (président, Corporation du Camp Spirit Lake): Merci. Monsieur le président, membres du comité, invités présents, peut-être que notre exemple servira à mettre la table pour le projet de loi puisque nous parlerons d'un camp de détention qui existait en Abitibi, dans les années 1915 à 1917.
C'est avec grand plaisir que la Corporation du Camp Spirit Lake vous soumet un mémoire dans le cadre du projet de loi C-331, Loi sur l’indemnisation des Canadiens d’origine ukrainienne. La Corporation du Camp Spirit Lake a comme mission de conserver, de protéger et d'interpréter un site historique, soit un camp de détention de la Première Guerre mondiale, Spirit Lake, 1915-1917.
Aussi, la Corporation du Camp Spirit Lake s'est donnée comme autre mandat de mettre en valeur le patrimoine culturel historique et naturel de La Ferme. Spirit Lake fut le deuxième camp de détention en importance au Canada. Entre 1915 et 1917, près de 1 200 prisonniers y ont séjourné, 200 militaires et une cinquantaine de civils. Les prisonniers du camp étaient en majorité des Ukrainiens d'origine galicienne et ruthène. Ils représentaient près de 90 p. 100 des détenus. Toutefois un petit nombre d'Allemands, donc une centaine, et une vingtaine de Bulgares et de Turcs ont vécu dans l'enceinte du camp abitibien clôturée en fils barbelés.
De plus, le gouvernement canadien permettait aux familles d'accompagner les prisonniers. Une soixantaine d'épouses avec leurs enfants, qui étaient une centaine, se sont prévalus de ce droit à Spirit Lake. Ces familles se sont installées à 1,6 kilomètre du camp de détention dans un village construit par les militaires. Les familles ukrainiennes ont même nommé le village « Lilienville » en l'honneur d'un préposé aux billets du Canadien national qui les avait soutenues durant cette épreuve.
Une autre particularité du camp de détention est la construction d'infrastructures pour l'établissement d'une ferme expérimentale du gouvernement fédéral. Le gouvernement voulait vérifier la pertinence de pratiquer l'agriculture dans la nordicité.
Ces remarques préliminaires sur Spirit Lake, un camp de travail de 1915 à 1917, viennent marquer la spécificité de Spirit Lake et servent à souligner notre volonté de faire adopter le projet de loi C-331, Loi sur l’indemnisation des Canadiens d’origine ukrainienne, en incluant au programme de commémoration l'installation d'un centre d'interprétation à Spirit Lake, en vertu de l'importance de ce site à l'échelle canadienne. Nous croyons qu'un centre d'interprétation vivant, en parallèle avec celui de Banff, en Alberta, avec un conseil d'administration actif, vient matérialiser d'une manière significative le souvenir du camp et participe encore davantage à l'éducation du public, particulièrement du public québécois et de l'Est du Canada en vertu de sa situation géographique.
Depuis 1997, de nombreux bénévoles se sont succédé pour travailler à mettre en place tous les éléments nécessaires à la réalisation d'un site d'interprétation. Ils ont toujours eu à l'esprit qu'il était impératif de raconter cette histoire trop méconnue, de le faire de manière appropriée, de rappeler et de reconnaître l'injustice vécue par des civils en contexte de guerre ainsi que d'éduquer le public en les renseignant sur le fonctionnement des camps et en faisant la promotion de la tolérance. Ces thèmes sont d'ailleurs à la base de notre concept d'interprétation muséologique.
Suite à un premier projet de 1999 à 2004, nous arrivons avec une nouvelle étude de faisabilité qui implanterait le projet de mise en valeur à l'intérieur de l'église paroissiale Saint-Viateur, de La Ferme, où était établi le camp Spirit Lake. Une porte s'est ouverte à la corporation lorsque la fabrique Sacré-Coeur de La Ferme a offert à la corporation la possibilité de réaliser le projet dans leur église. Ce projet de construction serait unique en son genre. Il permettrait l'harmonisation de deux activités à même un bâtiment. Cette proposition se veut une solution idéale pour assurer des espaces à la corporation, mais elle se veut également une façon de partager les coûts liés à l'immeuble. L'évêché d'Amos a même donné un avis favorable pour que le projet de Centre d'interprétation Spirit Lake, camp de détention en Abitibi, 1915-1917, puisse être implanté à l'intérieur de l'église.
Donc, en plus d'éviter les coûts de construction d'un bâtiment, l'installation de l'exposition dans l'église paroissiale implique un lieu qui commande tout le respect et le recueillement que l'on doit à la commémoration de tels événements, et témoigne du partenariat que la corporation entretient avec la communauté locale de La Ferme.
Afin d'apaiser vos inquiétudes, c'est dans l'intérêt même de la corporation que le Centre d'interprétation historique Spirit Lake, camp de détention en Abitibi, 1915-1917, puisse atteindre une rentabilité économique et qu'il y ait des retombées dans le milieu.
La Corporation du Camp Spirit Lake désire que son projet soit innovateur dans ses activités de financement non seulement pour sa viabilité économique, mais aussi pour le développement de projets futurs.
Nous ne voulons donc pas être vulnérables et dépendants des organismes gouvernementaux dans notre fonctionnement. Toutefois, la Corporation Camp Spirit Lake devra faire appel aux gouvernements provincial et fédéral, ainsi qu'à des partenaires financiers du milieu, pour la phase initiale du projet, qui est la construction d'une mezzanine à l'intérieur de l'église pour accueillir une exposition muséologique, et d'un ascenseur pour assurer l'accessibilité universelle à cette exposition.
Nous sommes prêts à mettre à la disposition du comité un exemplaire de notre étude de faisabilité, qui a permis d'établir le concept d'interprétation et l'analyse financière du projet.
Notre présence au comité n'est pas étrangère à la collaboration que nous avons toujours entretenue avec la communauté ukrainienne. Depuis 1999, la corporation et les représentants de la communauté ukrainienne ici présents travaillent sur un projet commun, soit la commémoration de l'internement de civils d'origine ukrainienne au Camp de détention de Spirit Lake entre 1915 et 1917.
D'ailleurs, pour indiquer le lieu du camp une plaque commémorative trilingue a été installée et une statue rappelant la présence de femmes et d'enfants au camp a été érigée à proximité de l'église de La Ferme.
Ainsi, considérant l'importance de soutenir des initiatives de commémoration et de sensibilisation afin que l'épisode des camps de concentration ne se reproduise jamais au Canada; considérant l'importance du Camp Spirit Lake à l'échelle du Canada; considérant les travaux déjà effectués par la Corporation du Camp Spirit Lake, qui possède une étude de faisabilité, un partenariat dans le milieu et en tenant pour acquis que la mise en oeuvre du projet peut débuter sitôt le budget accordé; considérant le soutien manifesté par la communauté ukrainienne; considérant l'aide ponctuelle demandée, nous souhaitons sincèrement l'adoption du projet de loi C-331, et qu'il soit adopté à la convenance du gouvernement du Canada et de la communauté ukrainienne du Canada par ses représentants, tout en considérant d'inclure notre projet de Centre d'interprétation historique Spirit Lake, camp de détention en Abitibi, 1915-1917.
Á (1115)
La présidente: Merci beaucoup.
Avant d'écouter nos autres témoins, je dois souligner que seuls les documents qui sont disponibles dans les deux langues officielles peuvent être distribués aux membres du Comité.
Je demande donc aux personnes qui les ont distribués de reprendre les documents unilingues, s'il vous plaît.
Merci beaucoup.
M. Martin Villemure: Merci.
La présidente: Je dis cela pour éviter que M. Clavet ne soulève la question.
Monsieur Clavet d'abord, ensuite M. Mark.
[Traduction]
Les membres du comité voudraient peut-être entendre tout le monde avant que nous ne passions aux questions et commentaires, d'accord?
Monsieur Hladyshevsky.
M. Andrew Hladyshevsky (président, Ukrainian Canadian Foundation of Taras Shevchenko): C'était presque parfait, madame la présidente.
Merci beaucoup, mesdames et messieurs les membres du comité.
Cette journée est d'une très grande importance historique pour plus d'un million de Canadiens d'origine ukrainienne. C'est une journée remarquable pour nous. C'est le genre de journée où vous regardez ce qui se passe en ayant peur de vous étouffer, car vous ne savez pas très bien quel genre d'émotions vont vous envahir sur le coup. Merci de nous avoir invités à venir comparaître devant vous.
Je m'appelle Andrew Hladyshevsky et je suis président de l'Ukrainian Canadian Foundation of Taras Shevchenko. Pour faire plus court, je parlerai dorénavant de la Shevchenko Foundation.
J'aimerais aujourd'hui, au nom de notre communauté, vous présenter Lubomyr Luciuk, universitaire de renom et expert sur la question des premières opérations nationales d'internement du Canada entre 1914 et 1920. M. Luciuk est professeur au Collège royal militaire, à Kingston, en Ontario, et il va vous entretenir du contexte historique du projet de loi C-331, des raisons pour lesquelles cela revêt tant d'importance pour les Canadiens, surtout ceux qui appartiennent à la communauté ukrainienne canadienne.
Va également prendre la parole devant vous le premier vice-président du Congrès ukrainien canadien, M. Paul Grod, qui est, entre autres, président d'un important comité sur la justice qui travaille pour notre communauté. Je signale en passant qu'il a dirigé la délégation du CUC en Ukraine lors des élections contestées qui y ont été tenues l'an dernier, et qu'il est un grand défenseur juridique qui intervient souvent au nom de la communauté ukrainienne canadienne.
Je tiens à remercier tout particulièrement M. Villemure pour son excellent exposé et pour le rôle joué par la Corporation du Camp Spirit Lake — en des temps très difficiles — auprès de notre communauté et pour l'attention que la corporation a accordée à ce dossier.
J'aimerais maintenant, sans plus tarder, céder la parole à M. Luciuk.
Á (1120)
M. Lubomyr Luciuk (directeur de la recherche, Ukrainian Canadian Civil Liberties Association): Merci, Andrew, madame la présidente, mesdames et messieurs.
Il y a quelques mois, je suis monté sur une colline, la colline 70, tout juste au-delà de la crête de Vimy, et de là mon regard s'est porté sur la ville française de Lens où, il y a 88 ans, le 22 août 1917, la vaillance au combat d'un soldat canadien, le caporal Filip Konowal, a été reconnue avec la décoration militaire la plus prisée de tout l'empire britannique, la Croix de Victoria. Vous avez devant vous un petit livret trilingue qui décrit ses activités.
Or, alors que Konowal et des milliers d'autres Canadiens ukrainiens combattaient parmi les rangs du Corps expéditionnaire canadien, des milliers de leurs concitoyens canadiens ukrainiens et d'autres Européens, qui avaient été attirés au Canada, séduits par des promesses de liberté et de terres presque gratuites, se faisaient traiter de sujets de pays ennemi et conduire dans des camps de concentration canadiens.
Ils ont été contraints de faire de durs travaux au profit de leurs geôliers. Le peu de richesses qu'avaient certains d'entre leur ont été confisquées et une partie de cet argent est encore aujourd'hui détenu par le Trésor fédéral. Ces personnes se sont vues imposer des restrictions quant à leurs libertés de mouvement, d'association et d'expression, et en 1917, elles ont même été privées de leur droit de vote.
Tout ce qui leur a été infligé était le fait non pas de leurs actes mais seulement de qui elles étaient, de leur pays d'origine. Il n'y a rien d'étonnant, donc, à ce que plusieurs décennies plus tard l'on continuait de dire des Canadiens Ukrainiens qu'ils vivaient « dans la crainte des clôtures de barbelés ».
L'un des innocents appréhendés dans le cadre de ces premières opérations nationales d'internement du Canada a été Mary Manko, une gamine de six ans née à Montréal, qui allait être transportée en train avec sa famille jusqu'au Camp de détention de Spirit Lake dans le nord du Québec, en Abitibi. Et c'est là qu'elle allait voir périr inutilement sa soeur Nellie, âgée de deux ans et demi, qui était née au Canada.
Mary a aujourd'hui 97 ans. Elle est la dernière survivante connue des premières opérations nationales d'internement du Canada. Même si son âge avancé et son état de santé l'ont empêchée d'être ici avec nous aujourd'hui, il nous faut nous rappeler que c'est Mary Manko Haskett qui nous a chargés, alors qu'elle en était encore capable, de ne jamais oublier ce qu'elle-même et tous les autres prisonniers de ces camps ont subi. Il importe de souligner qu'elle n'a pas demandé d'excuses, ni un quelconque dédommagement; elle a simplement demandé que l'on préserve leur mémoire.
Avant de quitter l'Europe, je me suis également rendu à Essex Farm, où John McCrae a écrit son poème, In Flanders Fields, Au champ d'honneur. Vous vous rappelez les vers de la version adaptée par Jean Pariseau,
... à vous de porter l'oriflamme |
Acceptez le défi, sinon |
Les coquelicots se faneront |
Notre communauté a accepté le défi. Il y a bien des années de cela, nous avons commencé à redécouvrir ce que des hommes, des femmes et des enfants comme Mary avaient enduré, et qui avait été appelé une « honte nationale » par un éditorialiste décrivant notre privation de nos droits dans le plus ancien journal du Canada, le Kingston's Daily British Whig — une honte nationale qui allait devoir tôt ou tard être rachetée.
Le premier pas vers une telle réconciliation a été fait à Regina, le 24 août 2005, avec la signature d'une entente en principe entre le gouvernement du Canada et la communauté ukrainienne canadienne.
Aujourd'hui, deux mois plus tard, nous sommes venus ici pour manifester le soutien collectif de notre communauté à l'égard du projet de loi C-331 d'Inky Mark, Loi sur l'indemnisation des Canadiens d'origine ukrainienne.
Merci, monsieur Mark.
L'adoption de ce projet de loi sera la reconnaissance officielle d'une injustice historique, ce que nous recherchons depuis longtemps. Son adoption donnera une impulsion à nos négociations en cours avec le gouvernement du Canada.
Nous plaçons donc devant vous aujourd'hui un document renfermant des propositions visant à assurer que ce qui demeure un épisode méconnu de l'histoire canadienne ne sombre pas dans l'oubli.
La présidente: Monsieur Luciuk, je m'excuse de vous interrompre à nouveau, mais seuls peuvent être distribués aux membres du comité des documents qui existent dans les deux langues officielles, alors il me faut demander à la personne qui a distribué ces documents de bien vouloir les reprendre. Je m'en excuse sincèrement, mais notre politique veut que ce comité-ci, et d'ailleurs tous les comités, fonctionnent dans les deux langues officielles. Tous les députés doivent pouvoir disposer de la documentation fournie dans la langue de leur choix, et cela n'est pas possible en l'espèce.
Á (1125)
M. Lubomyr Luciuk: Merci, madame la présidente. Nous les ramasserons. Toutes nos excuses. Nous n'avons eu qu'un préavis d'une semaine pour nous préparer. Lorsque tous ces documents originaux ont été soumis, ils l'ont été en anglais. Je pense qu'il y a un certain contenu en langue française, mais c'est très limité.
Quoi qu'il en soit, nous avons devant le Parlement — devant le ministre du Patrimoine canadien — des propositions quant à la façon de veiller à ce que cet épisode peu connu de l'histoire du Canada soit gardé en mémoire et à ce que l'on en tire les leçons qu'il peut nous apprendre. En faisant revivre cette histoire, nous ferons peut-être notre part pour assurer qu'aucune autre minorité canadienne ethnique, religieuse ou raciale n'ait jamais à vivre ce qu'ont enduré les Ukrainiens pendant cette première opération nationale d'internement de notre pays.
Enfin, notre présence ici est également le signal que nous ne nous permettrons plus jamais de vivre dans la crainte de clôtures de barbelés.
Thank you. Merci.
La présidente: Merci.
La parole est maintenant à M. Grod.
M. Paul Grod (premier vice-président, Congrès ukrainien canadien): Merci.
Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité.
Je m'appelle Paul Grod et je représente le Congrès ukrainien canadien, organisation nationale cadre pour la communauté ukrainienne canadienne. Je suis ici aujourd'hui aux côtés de mes collègues M. Lubomyr Luciuk, représentant l'Ukrainian Canadian Civil Liberties Association, et M. Andrew Hladyshevsky, représentant l'Ukrainian Canadian Foundation of Taras Shevchenko, pour vous exposer la position commune unie de la communauté ukrainienne canadienne à l'égard du projet de loi C-331, Loi sur l'indemnisation des Canadiens d'origine ukrainienne, et d'une entente connexe avec le gouvernement du Canada.
Nous vous remercions du temps que vous nous avez accordé pour nous permettre de nous entretenir avec le comité.
Permettez-moi de commencer par remercier les députés d'avoir adopté le projet de loi C-331 à l'unanimité à la Chambre.
Je tiens également, au nom de la communauté ukrainienne canadienne unie, à remercier le premier ministre du Canada, le Très Honorable Paul Martin, d'avoir fait ce qu'aucun autre premier ministre canadien n'a fait depuis la fin des premières opérations nationales d'internement du Canada il y a 85 ans. Le premier ministre a reconnu cette période sombre de l'histoire du Canada et promis de veiller à l'établissement d'initiatives commémoratives et éducatives appropriées.
Merci à Inky Mark de son courage et de sa persévérance en déposant ce projet de loi et en le défendant au cours des huit dernières années.
Je veux également saluer le travail acharné du Président de la Chambre, M. Peter Milliken, qui s'est appliqué pendant deux décennies à faire reconnaître les premières opérations nationales d'internement du Canada.
Merci aussi à M. Walt Lastewka et à M. Borys Wrzesnewskyj, tous deux députés, pour leurs efforts continus en vue d'obtenir du gouvernement qu'il appuie le projet de loi, pour leur travail qui a débouché sur la reconnaissance par le premier ministre l'été dernier de ces événements du passé, et pour un accord cet principe garantissant 2,5 millions de dollars à titre de financement initial de la première phase d'une série d'initiatives commémoratives et éducatives qui seront gérées par la communauté ukrainienne canadienne.
Nous devons également des remerciements au ministre d'État chargé du Multiculturalisme, Raymon Chan; au ministre du Patrimoine canadien, Mme Liza Frulla; et à un directeur administratif régional du Patrimoine canadien, M. Bill Balan, qui a très habilement et très rapidement négocié l'entente préliminaire avec la communauté ukrainienne canadienne.
Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, d'avoir fait en sorte que l'on parle de cet important projet de loi.
Si nous sommes ici aujourd'hui, et si le temps que vous consacrez aujourd'hui à ce projet de loi est si important, c'est que cette initiative fait partie du processus de guérison. Elle fait partie d'un acquiescement et d'une reconnaissance qui sont très importants pour plus d'un million de Canadiens ukrainiens et pour les dizaines de millions de Canadiens qui ne savent que très peu de choses, voire rien du temps, au sujet de l'une des plus grandes tragédies dans l'histoire du Canada.
Suite à la reconnaissance des premières opérations nationales d'internement du Canada par le premier ministre du Canada, le Très Honorable Paul Martin, à Regina, le 24 août de cette année, j'ai été surpris d'apprendre que très peu de Canadiens étaient même au courant de cet événement tragique.
Comme l'a expliqué mon collègue M. Luciuk un peu plus tôt, ces premières opérations nationales d'internement du Canada sont une période de l'histoire qui doit être reconnue et commémorée et qui ne doit jamais être oubliée. Nos concitoyens doivent être renseignés au sujet de cette sombre période de l'histoire du Canada afin qu'ils réfléchissent à la souffrance qu'a vécue un groupe de personnes pendant une période de conflit international et, ce qui est plus important encore, afin que ce genre de souffrance ne se répète jamais.
En dépit des déclarations faites l'été dernier dans une salle communautaire de Regina, en Saskatchewan, le projet de loi C-331 constitue un élément important de ce geste de reconnaissance, étant donné qu'il est un élément permanent du dossier du gouvernement ainsi que du dossier public.
Le règlement que demande la communauté ukrainienne canadienne comporte trois principaux éléments. Il est important que le comité les comprennent bien.
Il y a, tout d'abord, le projet de loi C-331, Loi sur l'indemnisation des Canadiens d'origine ukrainienne.
Le deuxième élément est une entente finale négociée avec le gouvernement du Canada, en vue du versement de 10 millions de dollars supplémentaires, ce afin de créer un fonds de dotation qui sera géré et administré par la communauté ukrainienne canadienne dans le but de commémorer, de reconnaître et d'expliquer comme il se doit la première opération nationale d'internement du Canada.
Le troisième élément est une proclamation au Parlement par le gouvernement, appuyée par tous ses députés, reconnaissant ce tragique épisode dans l'histoire du Canada.
Les Canadiens ont exprimé leur appui massif en faveur des annonces faites par le gouvernement du Canada et attendent de tous les partis représentés à la Chambre des communes qu'ils appuient unanimement l'adoption du projet de loi C-331 comme s'inscrivant dans la reconnaissance, l'explication et la commémoration de la première opération nationale d'internement du Canada.
Un aspect essentiel de cette commémoration sera la capacité de la communauté ukrainienne canadienne de faire appel à la communauté énergique de bénévoles du Canada, comprenant universitaires, professionnels, artisans, artistes et autres, afin d'utiliser au mieux le financement destiné à des initiatives éducatives et de commémoration.
Á (1130)
En tant que communauté, nous croyons que tout financement en vue d'initiatives éducatives et de commémoration consenti par le gouvernement du Canada doit être confié à la communauté ukrainienne canadienne pour que ce soit celle-ci qui assure l'exécution de ces initiatives. Mon collègue, M. Andrew Hladyshevsky, de l'Ukrainian Canadian Foundation of Taras Shevchenko, va traiter de façon plus détaillée de cette approche.
Le projet de loi C-331 a été élaboré par Inky Mark en consultation avec la communauté ukrainienne canadienne. Celle-ci appuie le projet de loi mais recommanderait qu'y soient apportés les changements suivants.
Premièrement, nous recommandons que toute référence à cette période d'histoire parle nommément des premières opérations nationales d'internement du Canada, de 1914 à 1920, ce pour indiquer que c'était plus qu'une simple loi de mesures de guerre, car cela s'est poursuivi pendant deux années encore après la fin de la Première Guerre mondiale.
Deuxièmement, s'il était envisagé de rebaptiser la loi, nous recommanderions que le mot « indemnisation » soit remplacé par « réconciliation », étant donné qu'il s'agit ici plus que d'un projet de loi à but commémoratif.
Troisièmement, le projet de loi devrait stipuler que tout fonds négocié devrait être versé à l'Ukrainian Canadian Foundation of Taras Shevchenko, qui coordonnera, en consultation avec le Congrès ukrainien canadien et l'Ukrainian Canadian Civil Liberties Association, la mise en oeuvre de toute une gamme de projets à but éducatif ou commémoratif.
Voilà donc quelles sont les propositions du Congrès ukrainien canadien et de ses organisations partenaires, l'Ukrainian Canadian Civil Liberties Association et l'Ukrainian Canadian Foundation of Taras Shevchenko.
Nous vous remercions de votre temps et envisageons avec plaisir vos questions et commentaires.
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Mark, c'est vous qui allez commencer.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River—Marquette, PCC): Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier tous les témoins d'être venus ici aujourd'hui.
M. Andrew Hladyshevsky: Si vous me le permettez, j'aimerais faire quelques commentaires au sujet de la prestation de programmes par des tiers. Je serai bref.
On m'a demandé de faire quelques remarques de conclusion au sujet du rôle joué par la Shevchenko Foundation dans l'élaboration du projet de loi C-331. En vérité, ce travail, entamé par de nombreux parlementaires à quelques pieds seulement d'ici, a demandé quatre ou cinq décennies. Je suis en fait ici grâce à vos prédécesseurs, car la Fondation a en fait été imaginée en 1956 au cinquième Congrès ukrainien canadien, tenu à Winnipeg, et c'est là qu'il a été décidé de créer une fondation qui agirait pour le compte de la communauté ukrainienne canadienne. C'est ainsi qu'il a été décidé, au nom du poète officiel de l'Ukraine, Taras Shevchenko, que des fonds soient recueillis à cette fin.
En 1961, une statue a été dévoilée par le premier ministre d'alors, le Très Honorable John Diefenbaker, sur l'esplanade de l'Assemblée législative du Manitoba. Peu après, le sénateur John Hnatyshyn, père de feu Ramon Hnatyshyn, ancien gouverneur général, et Nicholas Mandziuk, député fédéral de Marquette, avaient déposé au Parlement un projet de loi visant l'incorporation de l'Ukrainian Canadian Foundation of Taras Shevchenko. Le projet de loi a fait l'objet de sa première lecture en 1962, mais lorsque le gouvernement est tombé, le projet de loi est mort au Feuilleton. Il a cependant été présenté à nouveau devant le nouveau Parlement en 1963.
Le 22 juillet 1963, la Shevchenko Foundation a été créée par vos prédécesseurs et c'est ainsi qu'est née une organisation tout à fait nouvelle et visionnaire. Au cours des 42 années écoulées depuis sa création, la Shevchenko Foundation a veillé à la réalisation de centaines de projets, financés à 100 p. 100 par la communauté ukrainienne canadienne grâce à la générosité de plusieurs milliers de donateurs, dont beaucoup nous ont depuis quittés.
L'objet de la fondation est la préservation de la culture et de l'histoire des Canadiens d'origine ukrainienne, et son centre d'intérêt est canadien. Cela fait 42 ans que cette fondation est un porte-étendard au service de l'intégrité, de la transparence et de l'excellence financière, combinant une vaste équipe de bénévoles et le recours à des services professionnels, dont d'importants cabinets d'experts-conseils en matière d'investissement, pour l'aider dans l'administration de ses ressources financières. C'est une fondation qui est chérie par la communauté ukrainienne canadienne et j'ai le privilège d'en être le président bénévole et de siéger à son conseil d'administration depuis dix ans. La torche qu'on m'a passée me tient très à coeur et j'entends la transmettre à mon tour aux générations qui me suivront, afin qu'elles puissent accomplir la vision culturelle de la communauté ainsi que du Parlement fédéral, qui avait reconnu sa vision dans sa création.
Comme cela a déjà été dit, l'objectif de la communauté en ce qui concerne le projet de loi C-331 est de participer à des négociations avec le gouvernement fédéral en vue de l'élaboration d'un ensemble de propositions d'indemnisation, de commémoration et d'éducation — nous sommes ici pour des raisons de commémoration et d'éducation — axées sur la communauté et devant déboucher sur la signature d'une entente finale avec la communauté ukrainienne.
L'élément critique dans cette initiative est la prestation de programmes par des tiers. La communauté a choisi la Shevchenko Foundation pour assurer cette prestation par des tiers, et elle y tient. Elle craint que si un programme générique était administré par des fonctionnaires de Patrimoine canadien, alors, sauf tout le respect que l'on vous doit, cette approche serait inutilement complexe, bureaucratique, coûteuse et se solderait en bout de ligne par l'exécution par les fonctionnaires du Ministère d'un programme mal adapté aux besoins de notre communauté. Cela ne satisferait pas la communauté ukrainienne canadienne et n'amènerait vraisemblablement pas de règlement final dans ce dossier.
Pour être précis, nous allons négocier cette entente avec le gouvernement fédéral. Est-il possible de réaliser les objectifs de la communauté à l'intérieur du concept du programme d'ensemble annoncé dans le budget fédéral? La réponse est oui. La communauté préparera cet ensemble d'initiatives pour veiller à ce que son patrimoine et sa détermination soient commémorés pour les générations futures.
Le gouvernement du Canada reconnaît-il la prestation par des tiers dans le cadre d'autres mécanismes? Nous sommes au courant de nombreux cas où le gouvernement offre en fait la prestation par des tiers pour d'autres programmes. Par exemple, en vertu de la Loi sur langues officielles, il y a plusieurs entités qui assurent un travail de prestation par des tiers en vue de l'application de la loi. Mon travail avec la Fondation canadienne des relations raciales m'a livré l'exemple de prestation de programmes par des tiers s'agissant des centres d'amitié autochtones, qui sont encadrés par l'Association nationale des centres d'amitié.
Á (1135)
Lorsque j'étais président de l'Orchestre symphonique d'Edmonton, j'ai également été amené à traiter avec des responsables de nombreux programmes ,sous l'égide de Patrimoine canadien, dans le cadre desquels des fonds de dotation sont confiés à des organismes culturels tiers. Ce sont eux qui encadrent le travail concret de prestation, mais ils assurent également reddition de comptes et transparence et ils livrent dans une certaine mesure au gouvernement fédéral un produit fini. Nous avons systématiquement travaillé ouvertement avec toutes les parties intéressées en vue de garantir reconnaissance et réparation, et la prestation de programmes par des tiers doit être mentionnée dans le projet de loi et en faire partie intégrante.
La Shevchenko Foundation est une organisation qui continue de compter sur plusieurs milliers de donateurs et plusieurs centaines de bénévoles, et mes collègues et moi-même ici présents aujourd'hui ne saurions trop insister sur la position de la communauté à ce sujet. Cette position, nous l'avons également communiquée à nombre d'autres intervenants comme étant le chemin à suivre pour obtenir réparation et réconciliation auprès du gouvernement fédéral.
En conclusion, mes collègues et moi-même honorons la mémoire de nos ancêtres internés. Je suis originaire d'Edmonton et il y a une chanson de l'Ouest canadien qui est très populaire parmi notre communauté. Je traduis:
Va au cimetière, mon fils, là où les croix ont été renversées. Nos noms ont peut-être été effacés par les pluies, mais notre mémoire demeure. |
M. Luciuk, M. Grod et moi-même n'avons pas oublié les hommes, les femmes et les enfants qui sont morts dans ces camps et les dizaines de milliers de personnes qui ont été privées de leurs droits par un gouvernement en qui elles avaient confiance, par un pays qu'elles aimaient et par un pays auquel elles ont donné leur vie. C'est en leur nom que nous sommes ici aujourd'hui et c'est au nom de Dieu que nous demandons ce dernier, ce tout dernier élément de justice. Que Dieu ait leur âme et qu'ils dorment en paix.
Merci beaucoup de votre attention.
Á (1140)
La présidente: Merci beaucoup à vous tous.
Monsieur Mark, c'est maintenant à votre tour.
M. Inky Mark: Merci, madame la présidente.
Je remercie à nouveau nos témoins d'être ici.
Il n'y a aucun doute que la communauté ukrainienne a attendu très, très longtemps. J'ignore si elle a jamais imaginé que cette initiative en arriverait un jour à ce stade à la Chambre des communes.
Permettez que je commence par dire que ce sont sans doute les circonstances qui ont amené cela, car comme je l'ai dit lors de mes interventions, nous sommes en situation de gouvernement minoritaire. Tout le monde s'entend pour dire que ce projet se fait depuis trop longtemps attendre et qu'il importe de le réaliser. Je tiens à remercier publiquement le premier ministre de ce qu'il a fait l'été dernier, en reconnaissant les souffrances passées de la communauté ukrainienne.
Je dis cela car j'ai pris le temps de rencontrer l'ancien premier ministre, M. Chrétien, et je lui ai posé la même question. S'occuperait-il de l'internement des Ukrainiens ainsi que de la question de la taxe d'entrée imposée aux Chinois? Je n'ai pas eu de réponse de lui là-dessus. Cela est donc tout à son honneur que le premier ministre Martin ait eu le courage de faire ce qu'il a fait. C'est là la première étape.
Mon souci, à ce stade-ci, est celui d'un législateur. Comme vous le savez, cela fait une semaine que je négocie avec le gouvernement quant à la façon de faire adopter ce projet de loi. C'est sans doute là la vraie grosse question. Comment obtenir que ce projet de loi soit renvoyé par le comité ici réuni au Parlement pour que l'on en discute, le mette aux voix et l'envoie au Sénat pour approbation? En effet, ce qui joue contre nous, c'est le temps. Nous savons tous la possibilité d'élections au printemps, ce qui n'est pas très loin.
Pour être clair, donc, vous avez étudié les propositions négociées avec le gouvernement et moi-même, et j'ai déclaré publiquement que vous seriez d'accord. Je suppose que c'est là la première question. Êtes-vous en faveur, en principe, des amendements au projet de loi que vous avez vus?
M. Lubomyr Luciuk: Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, nous avons été en contact avec Inky Mark au fil des ans et tout récemment encore et avons examiné les amendements dont lui-même et les membres de ce comité et du gouvernement ont discuté. Nous avons fait quelques recommandations à leur sujet, mais je pense qu'aucune d'entre elles ne changerait quelque chose à la teneur des discussions qu'Inky a eues avec le gouvernement. Nous préférerions que soient retenues les formulations dont nous avons fait état ici aujourd'hui, mais si nous ne pouvons pas les obtenir, alors nous serions tout à fait favorables aux amendements qu'Inky a négociés.
M. Inky Mark: Merci beaucoup.
Si j'ai posé la question c'est qu'il est si facile de voir un projet de loi rejeter, même s'il est adopté ici à l'étape du comité, car il a déjà été question, lors du débat de deuxième lecture, de la possibilité que ce soit considéré comme un projet de loi de finances, et d'après le règlement, le Président de la Chambre pourrait déclarer le projet de loi irrecevable à la troisième lecture. Cette option lui est toujours ouverte. Alors faisons en sorte que ce projet de loi ne soit pas une mesure financière et qu'il soit adopté par le comité.
C'est tout ce que j'avais à dire. Merci.
La présidente: Merci, monsieur Mark.
Je pense qu'étant donné le consensus qui est manifestement en train de s'établir au sujet de ce projet de loi, s'il y avait des éléments qui en faisaient une mesure financière, nous pourrions compter sur le gouvernement pour déposer une recommandation royale de telle sorte que le projet de loi soit recevable et ne soit donc pas exposé à la colère du Président de la Chambre.
Mr. Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet (Louis-Hébert): Merci, madame la présidente.
Je voudrais également rappeler aux participants que le Bloc québécois appuie le principe de ce projet de loi, parce qu'il nous paraît anormal qu'une injustice commise il y a plusieurs années — 90 ans dans ce cas-ci — reste impunie. Cela doit être corrigé et mon vice-président et tous les membres du Bloc québécois appuient le principe général du projet de loi. Il fallait le rappeler.
Je voulais savoir, dans les commentaires entendus — et j'ai été très touché par ce que M. Luciuk a dit de Mary, qui est encore vivante:
[Traduction]
« Elle n'a pas demandé d'excuses. »
[Français]
Elle n'a pas demandé d'excuses.
Elle a demandé qu'on garde son souvenir et qu'on y pense constamment, parce qu'elle incarne tous ceux et celles qui ont vécu des injustices effrayantes.
Ma question s'adresse à tous les gens faisant partie de la représentation ukrainienne. Y a-t-il unanimité? Est-ce que tout le monde s'entend, peu importe si on parle au Congrès des Ukrainiens canadiens —
[Traduction]
ou à l'Ukrainian Canadian Foundation of Taras Shevchenko,
[Français]
à tous les points de vue par rapport à ce projet de loi? Y a-t-il un consensus?
Je voulais vous entendre à ce sujet.
Á (1145)
[Traduction]
M. Lubomyr Luciuk: Merci, monsieur Clavet.
Je vais peut-être répondre au nom de mes collègues. Nous reconnaissons, et ce depuis longtemps, l'appui très positif que le Bloc Québécois a accordé à tout ce dossier ainsi qu'à ce projet de loi en particulier, et nous sommes très reconnaissants envers votre parti, le Nouveau Parti démocratique et le Parti conservateur, ainsi qu'envers plusieurs membres du Parti libéral du Canada, qui se sont ralliés derrière nous. Assurons-nous donc de remercier tout le monde.
Oui, la réponse est simple. Mary Marko Haskett, lorsqu'elle était encore en mesure de le faire, avait dit très clairement qu'elle estimait que des excuses n'étaient pas requises. Elle demandait non pas de l'argent mais la préservation de son souvenir. Elle n'a jamais demandé d'indemnisation; elle n'y voyait pas la solution. C'est la position que maintient notre communauté depuis près de 20 ans.
Malheureusement, le document que nous avons présenté au comité ne peut pas être accepté dans sa forme actuelle. Nous nous en excusons, mais nous n'avons disposé que de peu de temps pour préparer tout cela. Mais vous verrez, si vous pouvez examiner le document de façon non officielle, que nous avons toujours demandé la reconnaissance, et non pas des excuses, et une indemnisation sous une forme autre qu'un dédommagement.
En suivant l'exemple de Mary, je pense que nous avons adopté la bonne position sur le plan moral. Il n'est pas question ici d'enrichissement de la communauté, d'enrichissement d'un particulier ou d'un quelconque groupe de la communauté. Il s'est établi en la matière au fil du temps un vaste consensus. Il n'y a aucune dissidence à cet égard au sein de notre communauté.
Merci.
M. Paul Grod: Permettez que j'ajoute rapidement quelque chose là-dessus. La position de notre communauté a en fait été exprimée dans l'accord en principe signé l'été dernier à Regina, en Saskatchewan. Cet accord en principe, qui a été signé par les trois organisations et les trois partis que vous avez devant vous, dit très clairement que:
Le gouvernement du Canada et la communauté ukrainienne du Canada ont élaboré cette entente de principe, fondée dans un premier temps sur le principe selon lequel aucune indemnisation ni aucune excuse ne seront offertes, pour définir leur vision commune d'un programme visant à reconnaître et à commémorer l'expérience passée des Ukrainiens au Canada pendant les premières opérations nationales d'internement et à renseigner les Canadiens à ce sujet tout en soulignant la contribution de la communauté ukrainienne du Canada à l'édification du pays. |
Le texte que je viens de vous lire est tiré de l'entente qui a été signée et qui a pour titre « Reconnaître notre passé pour bâtir notre avenir: entente de principe entre le gouvernement du Canada et la communauté ukrainienne du Canada. »
Pour répondre à votre question, donc, cela exprime bien la position unanime de la communauté.
[Français]
M. Roger Clavet: Pour continuer dans le même sens, ce n'est pas parce que nous appliquons les principes de la Loi sur les langues officielles pour la traduction des rapports que nous avons nécessairement un coeur bilingue. La justice est universelle et vous pouvez être assuré que le message, qu'il soit exprimé en ukrainien, en anglais ou en français, nous parviendra.
Monsieur Villemure, Spirit Lake est une expérience extraordinaire. Il y a cette étude de faisabilité dont vous parliez, mais il y a eu des fouilles archéologiques. A-t-on découvert des choses qu'on ne savait pas? Que pouvez-vous nous dire sur l'importance du camp Spirit Lake par rapport à toute cette question? Y a-t-il des éléments que vous aimeriez partager avec les membres de ce comité?
M. Martin Villemure: Les fouilles se sont déroulées en 1998-1999 sur la partie du camp et la partie du village du camp. Spirit Lake était l'un des deux seuls camps au Canada, je crois, ayant la possibilité d'avoir les familles aussi près des camps.
Les fouilles ont révélé plusieurs objets, notamment sur le plan des hôpitaux situés sur les camps, sur la quotidienneté du camp, ce qui nous permet dans une future exposition de nous servir de ces objets pour montrer davantage le fonctionnement des camps, la vie quotidienne.
M. Roger Clavet: Combien d'argent demandez-vous à ce moment-ci au fédéral? Quel serait l'ordre de grandeur du financement de la part du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial et du secteur privé?
Á (1150)
M. Martin Villemure: Selon notre étude de faisabilité, l'ensemble de la mise en oeuvre de notre projet se chiffre à un total d'environ 511 000 $. La contribution des promoteurs, donc la nôtre, se chiffre actuellement à 65 000 $ par nos approches du milieu, et nous serions prêts à aller jusqu'à 100 000 $. Or, une proportion d'un tiers du gouvernement fédéral, un tiers du gouvernement provincial et un tiers du secteur privé serait pour nous quelque chose de très apprécié. Une considération plus importante viendrait nous appuyer dans la faisabilité de ce projet.
M. Roger Clavet: Comment les gens réagissent-ils lorsqu'ils visitent le camp pour et découvre qu'il y a moins de 100 ans, au Canada et sur le territoire du Québec, des choses de ce genre ont été commises? Quelle est généralement la réaction? Dit-on qu'il s'agit d'un beau moment de l'histoire? Je ne crois pas, n'est-ce pas?
M. Martin Villemure: Lorsqu'on réalise cela, c'est certain que cela fait un choc. Or, personne ne le réalise actuellement ou très peu, puisque la plaque parle d'elle-même. C'est la même chose pour la statue. Toutefois, très peu de choses sont faites pour commémorer cela et pour que cela se rende au public. La démarche auprès du public est un aspect plus difficile. D'avoir un centre d'interprétation permettrait d'augmenter cette capacité de toucher le public et d'aller le rejoindre.
À ce sujet, le camp Spirit Lake fait aussi partie du document L'Abitibi-Témiscamingue, les lieux de la mémoire, un guide portant sur le patrimoine de notre région. Il y a aussi l'ensemble des activités qu'un conseil d'administration peut faire. La une de notre hebdomadaire local traite de Spirit Lake. Je l'ai ici si vous voulez le consulter. Toutefois, ce sont par les activités de notre conseil d'administration qu'on peut sensibiliser davantage la population. C'est ce qu'on espérerait faire aussi afin de toucher le plus de gens et que cette commémoration touche l'ensemble de la population.
M. Roger Clavet: Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Clavet.
Madame Davies, vous avez la parole.
[Traduction]
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais tout d'abord remercier très sincèrement les témoins d'être venus ici aujourd'hui.
Comme vous l'avez souligné, les membres du NPD ont appuyé ce projet de loi, et ce très fermement. Je pense que ce que vous avez dit est très symbolique et très important: votre communauté a accepté le défi. Je trouve tout à fait remarquable que votre détermination ait résisté pendant toutes ces décennies. Il est très important que nous aussi nous acceptions le défi et que nous maintenions le cap jusqu'à l'approbation finale du projet de loi. Nous en sommes à un important carrefour.
J'ai trois questions. En vérité, les deux premières visent simplement à vérifier que j'ai bien compris ce qui se passe, car je ne suis pas membre régulière du comité. Je ne suis pas au courant des amendements dont M. Mark a parlé et j'ignore s'ils sont à ce stade-ci disponibles.
La présidente: Madame Davies, ils ont été déposés auprès du greffier et nous les ferons distribuer aux membres.
Mme Libby Davies: Très bien. Il y a donc des amendements de M. Mark. Vous aussi avez déposé trois amendements, et j'aimerais savoir s'ils ont été intégrés aux amendements de M. Mark, de telle sorte que tous les éléments soient là.
Deuxièmement, en ce qui concerne ce qui a été livré au ministre, est-ce que toutes les propositions dont vous avez parlé s'inscrivent dans ce que décrit le projet de loi? Je tiens simplement à m'assurer que nous ne sommes pas ici engagés sur des pistes différentes et que votre proposition correspond bel et bien à celle contenue dans le projet de loi, car j'estime que cela est très important. Cela inclut-il également Spirit Lake? Cela ne m'a pas paru très clair. Quelqu'un pourrait-il me donner une réponse?
Ma principale question de fond est la suivante: si vous regardez le paragraphe 3(2) du projet de loi de M. Mark, il y est question de l'indemnisation et de la production de matériel didactique
destiné à faire mieux comprendre le préjudice causé par l'intolérance et la discrimination d'ordre ethnique, racial ou religieux, ainsi que le rôle important que joue la Charte canadienne des droits et libertés pour protéger les Canadiens contre toute autre injustice semblable. |
J'aimerais m'attarder là-dessus car ce que nous faisons ici, en offrant indemnisation et reconnaissance, est très important eu égard à l'histoire et aux événements passés.
Ce qui se passera à l'avenir est tout aussi important. Je sais que l'une de nos préoccupations au sein du NPD, en cette ère caractérisée par une supersensibilisation à l'aspect sécurité, est l'augmentation du profilage racial et le ciblage de diverses communautés. C'est pourquoi je serais très intéressée d'entendre vos observations. Je remercie M. Mark pour son travail, car il s'agit d'un très important aspect de l'éducation, pas seulement par rapport au passé mais également par rapport à ce que nous vivons et à ce qui est en train de se passer aujourd'hui. Comment vous voyez-vous vous inscrire là-dedans, s'agissant du débat ou du matériel didactique?
Je sais que je vous pose là une grosse question, mais j'estime qu'elle est très pertinente dans le contexte de ce qui est en train de se passer aujourd'hui.
Á (1155)
M. Andrew Hladyshevsky: Permettez-moi de répondre. Il y a trois parties dans votre question. M. Grod pourra peut-être parler des aspects en rapport avec certains amendements spécifiques et M. Luciuk traitera peut-être du cas de Spirit Lake, mais j'aimerais pour ma part répondre au sujet de la dernière partie de votre question, concernant la Charte des droits.
Tout grand pays qui s'est doté d'une Charte des droits reconnaît la dignité de l'individu et le fait que l'individu possède des droits supérieurs à ceux de l'État, des droits qui ne peuvent être transgressés et qui ne doivent jamais être amoindris — et ce bien que nous ayons dans notre Constitution une clause de dérogation. Le sang versé par ces gens, ces hommes, femmes et enfants, représente un épisode tragique de l'histoire canadienne. Et c'est important; ce n'est pas l'histoire ukrainienne, c'est l'histoire canadienne. Ce sang versé par eux, et par d'autres groupes — dont certains comparaîtront devant vous tout à l'heure — a jeté les fondements de la Charte des droits. C'est extrêmement important, vu ce que l'on entend communément dans les médias écrits et audiovisuels et vu la perception des Canadiens voulant que la Chaarte représente en quelque sorte une gêne dans les cas où elle donne un plus grand poids aux minorités qu'à la majorité.
L'histoire des Canadiens d'origine ukrainienne est un cas d'école, un outil pédagogique illustrant la façon dont une grande nation a opprimé ses citoyens par des mécanismes soit disant légaux — ce qui est légal n'est pas forcément moral — sans que les victimes puissent se défendre car le pays n'était pas encore doté d'un code de conduite sous forme de Charte qui puisse les protéger. C'est donc un outil pédagogique que l'on peut utiliser dans le contexte moderne de façon à célébrer la Charte des droits aujourd'hui.
C'est également une façon de toucher les jeunes d'aujourd'hui. La semaine dernière, en accord avec le ministère de l'Éducation de l'Alberta, j'ai parlé à des étudiants. Une chose que les enseignants m'ont dite, c'est que cela serait beaucoup plus facile à organiser si l'État reconnaissait au moins la réalité de l'événement. Ils disaient que l'on ne cesse de leur demander de changer leurs programmes d'enseignement pour donner l'impression que nous sommes une collectivité impliquée, mais qu'aucun gouvernement n'a officiellement reconnu les faits. En l'occurrence, la justice différée est une justice refusée, lorsqu'il s'agit de rapatrier notre histoire canadienne.
À ce propos — et je céderai ensuite la parole à mes deux collègues — la Charte des droits est un élément important à souligner dans tout ce processus éducatif. Il ne s'agit pas seulement, en quelque sorte, de s'incliner devant l'une des communautés, vu tous les besoins de guérison qui existent au Canada. Mais cette communauté a servi le pays au cours de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. Qui plus est, le professeur Walter Tarnopolsky est parfois qualifié de père de la Charte canadienne des droits et libertés, et il se trouve qu'il est d'origine ukrainienne.
Donc, la communauté mettra l'accent sur le fait que cet épisode tragique représente une expérience pédagogique qui démontre ce que doit faire un grand pays, soit adopter une Charte des droits, et ensuite traduire les paroles en acte et appliquer cette Charte, de telle façon que dorénavant tout nouvel arrivant dans ce pays ne puisse plus être traité de cette manière.
Nous sommes une société accueillante et nous invitons de nouveau aujourd'hui des gens du monde entier à s'établir chez nous et à devenir des Canadiens. Mais si les actes ne sont pas conformes aux paroles, alors toute cette souffrance vécue par la communauté ukrainienne et d'autres aura été pour rien.
La présidente: Je demanderais à vos collègues de peut-être écourter... Nous disposons d'un temps limité. Nous avons une autre délégation complète à entendre, comme vous le savez.
Peut-être M. Silva voudra-t-il poser une question ou inviter un commentaire et vous pourriez intégrer votre propos dans cette réponse.
Merci.
M. Mario Silva (Davenport, Lib.): Merci, madame la présidente.
Tout d'abord, je veux remercier les témoins qui comparaissent devant notre comité. C'est effectivement un premier pas très important vers la conclusion d'un très triste chapitre de l'histoire du Canada.
Vous avez raison, nous parlons bien là de l'histoire canadienne. Cet épisode s'inscrit totalement dans ce que le pays a vécu au cours d'une période très sombre. La seule façon de dépasser cela aujourd'hui, bien entendu, c'est de reconnaître les faits et tout faire pour que cela ne se reproduise plus jamais. Ce n'est possible que par l'éducation.
Je vous félicite des efforts que vous déployez en ce sens. Il s'agit d'avancer le plus vite possible. Vous avez proposé une série de mesures éducatives.
J'ai toujours trouvé l'enseignement de l'histoire très difficile dans ce pays. Nous sommes un pays qui est un exemple lumineux pour le monde, et pourtant il se connaît très peu lui-même, sa population et son histoire. C'est peut-être dû au fait que nous sommes une fédération où il n'existe pas de ministère national de l'éducation et pas de normes d'enseignement nationales. Peut-être est-ce dû au fait que nous n'utilisons pas pleinement nos institutions, qu'il s'agisse de la SRC ou de l'Office national du film pour expliquer notre histoire et faire connaître ce passé aux gens. Ce qui est arrivé aux Canadiens d'origine ukrainienne, aux Canadiens d'origine chinoise et italienne a été un triste chapitre.
Un autre projet de loi d'initiative parlementaire sera déposé ultérieurement pour réparer les torts faits aux Canadiens d'origine italienne. Tout cela est très important et doit être fait. Cela n'a que trop longtemps tardé.
J'aimerais simplement avoir vos points de vue sur la façon de mieux instruire notre population, et surtout nos jeunes.
 (1200)
M. Lubomyr Luciuk: Si je puis répondre, très rapidement, aux diverses questions posées par M. Silva, Mme Davies et M. Clavet, il me semble que l'un des enjeux essentiels, c'est bien l'éducation et la commémoration.
Je rappelle à tout le monde ici que la Loi sur les mesures de guerre a été invoquée en 1914 contre les Ukrainiens et d'autres européens, puis de nouveau pendant la Seconde Guerre mondiale contre nos compatriotes d'origine japonaise, puis de nouveau en 1970 contre les Québécois. Ce n'est donc pas seulement un problème national mais, en ce sens, c'est un problème multiculturel. Rappeler aux gens cet épisode déplorable de l'histoire canadienne survenu au cours de la Première Guerre mondiale conduit à évoquer aussi les occurrences ultérieures et rappelle la nécessité de rester vigilant en période de crise nationale et internationale et de s'opposer à ceux qui voudraient restreindre de quelque manière que ce soit nos libertés civiles et nos droits fondamentaux.
Je remercie Mme Davies d'avoir abordé ce point.
Donc, rappeler le passé, c'est aussi en tirer les leçons et assurer la sécurité de notre avenir collectif.
Les amendements dont nous avons fait état aujourd'hui sont à peu près conformes à ce que M. Mark a négocié ces derniers jours. Je ne pense pas que vous trouviez de divergences notables entre ce que nous avons demandé et ce qu'il a négocié avec le gouvernement mais, comme nous le disons, s'il faut choisir entre l'adoption de ce projet de loi et obtenir satisfaction sur toute la ligne, nous nous en remettons au jugement de M. Mark.
Notre proposition figure dans ces amendements. Nous tâcherons de les faire traduire et distribuer ultérieurement, mais lorsque vous les verrez, vous verrez que la proposition est à peu près conforme à ce que M. Mark a présenté.
Enfin, j'aimerais peut-être souligner que nous avons eu des rapports très positifs avec la communauté franco-canadienne de l'Abitibi, autour d'Amos et Spirit Lake, ces dernières années. On a parlé de la statue que nous y avons érigée et de la plaque que nous avons posée. Nous considérons l'adoption de cette loi et la négociation du règlement final avec le gouvernement du Canada comme une occasion de fournir du financement à nos partenaires du Québec. Nous y voyons donc également une initiative de construction nationale.
Merci.
M. Paul Grod: Si je puis répondre spécifiquement à la question de savoir comment nous entendons mener cette initiative commémorative et éducative, nos communautés y ont longuement réfléchi. Cela fait pas mal d'années qu'elles mènent cette action à titre bénévole, avec des fonds communautaires.
La raison pour laquelle vous ne voyez pas de liste de ce que nous allons entreprendre... Je pense qu'il est impossible d'identifier chacune de ces actions dans un texte de loi, ou une proposition. Ce que nous visons, c'est cette dotation, qui nous permettra au fil des ans... Et pour mettre les choses en perspective, il existe beaucoup de Spirit Lake. Il y avait 24 camps. Nous avons pris contact avec un certain nombre d'organisations communautaires locales, notamment à Fernie, en Colombie-Britannique, où une société historique locale cherche à reconsacrer le cimetière et à y mener des initiatives commémoratives et éducatives. Voilà le genre de choses qui intéresse de très près notre communauté.
À l'échelle nationale, nous pouvons identifier différentes façons de commémorer et éduquer de façon appropriée, et de travailler avec les collectivités locales et les autorités provinciales afin de réaliser un certain nombre de ces initiatives éducatives et commémoratives.
 (1205)
La présidente: Merci beaucoup.
Avec l'indulgence des membres du comité, je propose de passer à la délégation suivante.
Je vous remercie infiniment d'être venus ce matin. Je sais que cela a été pour vous une lutte longue et difficile. Nous avons tous conscience de participer à un moment historique et la collaboration et la bonne volonté de tout un chacun, y compris des fonctionnaires du Ministère, sont réellement un exemple de fonctionnement du Parlement que nous aimerions voir plus souvent.
Si cela peut vous rassurer sur le sort du projet de loi, je crois que votre plus gros problème, monsieur Mark, pour faire adopter cela le plus vite possible — nous avons tous conscience qu'il faut faire vite et nous ne voulons pas reporter cela à une autre législature — c'est que tout le monde va maintenant vouloir prendre la parole à son sujet. Vous devrez vous concerter avec nous tous pour éviter que les discours soient si nombreux que le projet de loi ne passera pas. En parlant avec les députés, vous pourrez peut-être les remercier de leur appui et leur demander de ne pas accaparer le temps de la Chambre en demandant à intervenir sur le projet de loi. Je transmets le même message à la prochaine délégation. Le Parlement et tous les partis sont clairement désireux de faire en sorte que ces mesures soient adoptées sans tarder.
Merci beaucoup, et merci à tous de votre grand labeur au fil des décennies.
Nous prenons quelques minutes pour aller chercher une tasse de café fraîche ou tout ce que vous voudrez, pendant que le prochain groupe de témoins prend place.
 (1205)
 (1210)
La présidente: Je demande à tout le monde de prendre place à la table afin que nous puissions poursuivre. Nous avons déjà un peu de retard.
J'ai le plaisir d'accueillir notre deuxième groupe de témoins. Nous traitons du projet de loi C-333, Loi de reconnaissance et de réparation à l'égard de Canadiens d'origine chinoise. Je pense que ce titre pourrait être modifié par consensus.
Qui va prendre la parole en premier?
Monsieur Tan.
M. Sid Chow Tan (président, Association of Chinese Canadians for Equality and Solidarity): Madame la présidente, j'aimerais m'effacer devant Avvy Yao-Yao Go. Nous avons choisi d'intervenir dans un certain ordre.
La présidente: Merci beaucoup.
Mme Avvy Yao-Yao Go (directrice, Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic): Merci.
Étant la seule femme à comparaître devant votre comité aujourd'hui, je vous remercie de m'autoriser à être la première à parler.
Je me nomme Avvy Go et je suis directrice de la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic. Je suis accompagnée de mes collègues, M. Yew Lee, du Conseil national des Canadiens chinois, ainsi que de M. Sid Tan, de l'Association of Chinese Canadians for Equality and Solidarity.
Je remercie le Comité permanent du patrimoine canadien de son invitation à intervenir au sujet du projet de loi C-333, et remercier particulièrement M. Inky Mark de l'avoir introduit.
Comme vous le savez, on a fait venir des Chinois au Canada pour construire le chemin de fer du Canadien Pacifique. Entre 1881 et 1885, on a fait venir de Chine plus de 10 000 manoeuvres chinois, dont plus de la moitié travaillaient à la construction du chemin de fer. La ligne du CPR a été achevée le 7 novembre 1885, reliant le pays d'une côte à l'autre.
Cette année marque le 120e anniversaire de cette date historique. Mais dès le dernier crampon enfoncé, le gouvernement canadien a jugé les Chinois indésirables et a imposé une taxe d'entrée de 50 $ à tous les immigrants chinois désireux de s'établir au Canada. Ce chiffre a été porté à 100 $ en 1900 et à 500 $ en 1903. Cette taxe est restée en vigueur jusqu'en 1923. Au total, plus de 23 millions de dollars ont été perçus auprès de la communauté sino-canadienne.
La taxe d'entrée a été remplacée par une mesure d'exclusion encore plus raciste, ce que l'on a appelé la Loi d'exclusion des Chinois de 1923 qui fermait pratiquement les portes du Canada à tous les immigrants chinois. Cette loi n'a été abrogée qu'en 1947 et, dans cet intervalle de 24 années, moins de 50 Chinois ont été admis au Canada. Aucun autre groupe racial n'a fait l'objet de telles mesures racistes.
Nous félicitons le comité permanent de se pencher sur un épisode qui a marqué si profondément les Canadiens d'origine chinoise. Le projet de loi C-333 représente un premier pas notable vers la réconciliation du gouvernement canadien avec la collectivité sino-canadienne de façon à surmonter les injustices qui nous ont été infligées pendant plus de six décennies.
Cependant, le projet de loi, tel qu'il est libellé, ne constitue pas une réparation à l'égard de ceux qui ont été directement touchés par 62 années de racisme légal. Il ne fait aucun doute que la taxe d'entrée et la loi d'exclusion ont eu un effet dévastateur sur la collectivité sino-canadienne dans son entier. Pour cette raison, une réparation sous la forme de la reconnaissance de la contribution de cette communauté est importante.
Toutefois, l'effet le plus néfaste de la taxe d'entrée et de la loi d'exclusion s'est exercé sur les familles individuelles qui ont été directement touchées par ces mesures racistes. Elles ont subi des années de séparation familiale, de misère économique et de discrimination en tant que citoyens de second rang, tout cela parce que le gouvernement canadien ne voulait pas voir dans ce pays des gens d'ascendance chinoise. Les pionniers sino-canadiens qui sont venus construire la nation ont été contraints de mener une vie de célibat, bien qu'étant mariés, pendant que leurs femmes et leurs enfants restaient cantonnés en Chine, obligés de se débrouiller pour survivre en période de guerre et de famine.
Le fait que les assujettis à cette taxe qui ont survécu et leurs familles réclament une réparation individuelle est démontré par les années de lutte pour la justice, avec l'aide de groupes tels que le Conseil national des Canadiens chinois. Leur quête de justice a culminé en un recours collectif intenté par notre clinique juridique en leur nom en décembre 2000. Bien que le juge qui a entendu la cause ait tranché qu'il n'y avait pas de motif légal de poursuivre le recours collectif, il a indiqué dans son jugement que le Parlement devrait indemniser les Canadiens d'origine chinoise qui ont payé la taxe d'entrée ou ont subi les conséquences des lois successives relatives à l'immigration chinoise.
Face au refus du gouvernement canadien de même ouvrir un dialogue sur la question, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le racisme, M. Doudou Diène, a soulevé cette importante question au cours de sa visite au Canada en septembre 2003. Dans son rapport, il recommandait spécifiquement au gouvernement canadien d'entamer des consultations avec les membres de la communauté chinoise du Canada afin d'examiner les possibilités d'indemnisation des descendants des personnes ayant payé la taxe d'entrée, ou les membres des familles qui ont souffert de cette mesure. Jusqu'à présent, le gouvernement canadien n'a même pas répondu aux recommandations précises du Rapporteur spécial des Nations Unies.
 (1215)
Le projet de loi C-333, tel qu'il est proposé, ne remplit pas l'objectif visé par la réparation, et ce pour deux raisons. Premièrement, il invite le ministre du Patrimoine canadien à négocier un ensemble de mesures de réconciliation avec un organisme particulier qui s'est toujours opposé à une indemnisation directe des payeurs de la taxe d'entrée et de leurs familles. Le choix de cet interlocuteur, de préférence à des groupes représentant les payeurs de la taxe et membres de la famille eux-mêmes, ainsi que ceux qui appuient leur quête de justice, représentent une gifle pour tous ceux que le projet est censé honorer et reconnaître.
Aussi, nous recommandons au comité de modifier l'article 4 du projet de loi comme suit:
4(1) Le ministre du Patrimoine canadien, de concert avec le ministre des Finances, négociera avec les payeurs de la taxe d'entrée et leurs représentants désignés une indemnité suffisante en réparation de l'imposition de la taxe d'entrée aux immigrants chinois, qui sera soumise à l'approbation du Parlement. |
Deuxièmement, le projet de loi assimile la création d'établissements éducatifs et la réalisation d'autres projets éducatifs à la réparation. Si des initiatives éducatives servant à sensibiliser la population à l'histoire des Canadiens d'origine chinoise et à leur contribution à ce pays sont certes louables et méritent d'être financées, ces projets ne réparent pas les décennies de souffrance que les payeurs de la taxe d'entrée et leur famille ont enduré. C'est même une insulte pour ces personnes que de reconnaître leur contribution et leur souffrance et en même temps leur refuser la justice sous forme de restitution.
Nous exhortons par conséquent le comité à amender le paragraphe 4(2) en ajoutant la disposition suivante:
(c) à l'indemnisation des payeurs de la taxe d'entrée, de leurs familles et de leurs descendants directs pour les décennies de souffrance subie en raison de la taxe d'entrée et de la Loi d'exclusion des Chinois de 1923. |
Tant que le gouvernement du Canada continuera de ne pas régler la question de la taxe d'entrée et de la législation d'exclusion des Chinois, notre société continuera de porter le fardeau de son passé raciste. Nous ne pouvons pas avancer en tant que société véritablement juste et équitable tant que notre gouvernement n'aura pas le courage d'assumer son obligation en remboursant sa dette historique, à caractère raciste.
Je cède maintenant la parole à M. Yew Lee.
M. Yew Lee (membre, Redress Committee, Conseil national des canadiens chinois): Madame la présidente, membres du comité, je me nomme Yew Lee. Je représente ici le Conseil national des Canadiens chinois. Nous sommes le Conseil.
Je veux commencer par remercier Inky Mark et Bev Oda d'avoir introduit ce projet de loi. Ce dont il est question ici, c'est de construire la famille canadienne, et c'est très important. Je veux remercier aussi Libby Davies et le chef de son parti, ainsi que Roger Clavet, pour leur soutien sans faille à notre position. Vous vous êtes montrés très sensibles et avez été d'un grand soutien.
Avant de commencer, j'aimerais dire un mot au sujet de la construction de la famille canadienne. Juste avant de partir, Andrew Hladyshevsky a employé le mot « violence », qui peut de prime abord sembler excessif. J'assimile cette problématique à la violence familiale: vous avez un gouvernement qui a systématiquement maltraité des membres de la famille, et cela laisse des séquelles. Le gouvernement voudrait présenter des excuses collectives, comme un père qui se présenterait à la table familiale et prétendrait obtenir le pardon de tous les enfants de la famille, en même temps. Eh bien, c'est bien joli pour lui, et je suis sûr que ce serait plus confortable pour lui si cela se passait ainsi, mais la vie n'est pas aussi simple. Ceux d'entre nous qui avons des familles le savons bien. Non, si du mal a été fait, si le père s'est comporté pendant des années comme un ivrogne, il ne peut pas se présenter tout simplement à la table et tout se faire pardonner à la fois.
Donc, les points de vue divergent. Tout le monde n'est pas toujours d'accord sur la façon de régler les problèmes et j'espère que le comité admet que c'est ainsi que va la vie.
Le Conseil national des Canadiens chinois est une organisation nationale sans but lucratif oeuvrant pour la justice sociale, l'égalité et la participation civique de tous les Canadiens. Il a été formé en 1980. Nous avons 27 sections locales à travers le Canada. Le CNCC a été mandaté par plus de 4 000 payeurs de la taxe d'entrée, au début des années 80, pour demander réparation au gouvernement fédéral.
Notre travail tourne principalement autour des questions de justice sociale. Nous ne nous occupons pas du tout de questions internationales, uniquement nationales. Nous ne nous intéressons pas au commerce avec la Chine.
Je ne m'attarderai pas sur le passé, car Avvy en a largement traité et vous lirez tout cela dans son mémoire. Nous souscrivons également aux amendements au projet de loi C-333 proposé par la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic.
Il importe que le gouvernement parle avec les victimes et les familles touchées. Jusqu'à présent, elles semblent avoir été exclues de l'équation. C'est important. Depuis 1984, les 4 000 familles que nous représentons nous disent à l'unanimité vouloir une indemnisation, une indemnisation individuelle et familiale. Nous avons toujours honnêtement et franchement défendu cette position, et c'est la position invariablement exprimée par le CNCC au fil des ans.
La défaillance du projet de loi C-333: eh bien, il est bien intentionné mais fondamentalement vicié. Tout d'abord, il désigne une seule organisation, le National Congress of Chinese Canadians, pour négocier une entente sur les mesures réparatoires. Il ignore notre organisation. Cela nous laisse perplexes. Je ne me suis joint à ce mouvement qu'il y a cinq ans environ et je connais très peu de choses sur l'histoire des différentes associations et les rapports entre elles.
 (1220)
Je vous renvoie à un article de Jan Wong dans le Globe and Mail qui parle de l'influence exercée par la Chine; il est du 6 août 2005. Je l'ai trouvé assez parlant, surtout lorsqu'on parle d'une affaire interne, d'une affaire nationale, qui intéresse les membres de la famille canadienne. Ce n'est pas du tout une question de commerce ou de politique internationale.
Avvy Go a fait état des précédents et du jugement du juge Cumming. Il est très rare qu'un juge de la Cour suprême de l'Ontario, dans ses attendus de jugement, dise carrément au Parlement qu'il devrait offrir des réparations aux Sino-Canadiens qui ont payé la taxe d'entrée ou ont été pénalisés par les diverses lois relatives à l'immigration chinoise. En substance, il dit que ce n'est pas une affaire juridique, mais une question à régler par les intéressés eux-mêmes, les membres de la famille, les parlementaires. Je crois que les Libéraux ont éludé la question.
Vous avez la prise de position de Doudou Diène, des Nations Unies, qui a recommandé d'accorder des indemnités financières et de régler le problème du déménagement forcé des Noirs d'Africville en Nouvelle-Écosse.
Nous voyons aussi un petit pays comme la Nouvelle-Zélande qui a présenté des excuses. Son premier ministre l'a fait le jour du Nouvel An chinois de 2002. Des consultations poussées ont eu lieu avec les familles et les organisations représentatives, et donc avec les personnes touchées.
J'ai sillonné l'Ontario avec le film In the Shadow of Gold Mountain. Je vous invite à le regarder si vous voulez connaître l'histoire chinoise. Il a été produit par l'Office national du film et vous ouvrira véritablement les yeux.
Les vieux viennent me voir et me demandent où en sont les choses au sujet de la taxe d'entrée imposée aux Chinois. Eh bien, le problème est que le gouvernement a probablement ouvert des pourparlers avec des organisations de coordination, mais sans s'adresser aux personnes touchées, qui décèdent les unes après les autres, des gens comme ma mère. Elle était une jeune mère de famille et elle a aujourd'hui 94 ans. Elle était la jeune épouse d'un payeur de la taxe d'entrée, mon père.
Je signale en passant que mon grand-père vivait et travaillait à Ottawa à la fin des années 1800. Il faisait des traductions pour le gouvernement dans ce bâtiment même et il est décédé ici, à Ottawa, en 1916. Je le dis car je me sens des liens non seulement avec le pays mais avec cette ville.
Notre organisation, le Conseil — à ne pas confondre avec le Congrès — a rencontré M. Paul Martin le 25 mars 2003. C'était très intéressant, car il connaissait très bien ce dossier. Il comprenait que ce problème concerne un groupe bien précis de gens.
Ce n'est pas toute la communauté chinoise qui est concernée, mais quelques victimes bien précises. Il y a eu des vagues et des vagues d'immigration chinoise au Canada, mais ce problème concerne ceux qui ont dû payer la taxe. Si un train déverse des substances toxiques dans un quartier donné, vous parlez avec les habitants de ce quartier, pas avec toute la ville.
Nous avons été très émus par sa connaissance du dossier et son désir de parvenir à un règlement. D'ailleurs, il a parlé de son père, Paul Martin senior, qui a introduit la première Loi sur la citoyenneté. Mon père, ma mère et moi-même sommes devenus citoyens sous le régime de cette Loi et il a fait de la solution du problème de la taxe d'entrée imposée aux Chinois une étape importante de l'édification du pays.
Le règlement de cette question est une affaire très personnelle pour moi et les familles que nous représentons. Il s'agit de réconcilier la famille canadienne. Il s'agit d'asseoir le respect entre membres de la famille. Cela n'a rien à voir avec les liens commerciaux avec un autre pays et il serait honteux de relier les deux.
Les quelques payeurs de la taxe survivants et leurs épouses approchent de leur 100e anniversaire. Ils vivent dans des foyers de personnes âgées, comme ma mère, qui a 94 ans et a besoin de soins chaque jour.
 (1225)
Je veux souligner que ces constructeurs du Canada détiennent un pouvoir très précieux. Ils sont en mesure d'offrir un présent au Canada. Ils détiennent le pouvoir du pardon. Vu leur âge, le temps est très compté pendant lequel le gouvernement du Canada pourra présenter des excuses, proposer un règlement et offrir réparation à la poignée de survivants qui subsistent. C'est une occasion qui n'existera bientôt plus et, lorsque ce moment sera venu, l'histoire retiendra qui était alors au pouvoir et ce qui a été fait.
Il est temps que le gouvernement du Canada agisse de façon décisive et respectueuse pour enfin régler ce problème et payer sa dette à ce groupe de pionniers chinois et enfin accueillir ces Sino-Canadiens dans la famille canadienne.
Je vous remercie.
Je cède la parole à mon collègue, Sid Tan.
 (1230)
La présidente: Monsieur Tan.
M. Sid Chow Tan: L'Association of Chinese Canadians for Equality and Solidarity Society salue la Première nation Anishinabe d'Ottawa dont le territoire traditionnel englobe ce lieu où nous sommes réunis.
ACCESS est un groupe sans but lucratif de promotion des droits de la personne et de la justice sociale et qui exploite une chaîne de télévision communautaire. Nous avons succédé à la Vancouver Association of Chinese Canadians, qui avait été établie pour combattre le racisme et la discrimination, défendre les droits des citoyens et des immigrants au Canada et obtenir des réparations par suite de l'imposition d'une taxe d'entrée et de l'adoption d'une loi d'exclusion des Chinois. Nous avons recueilli plus de 1 300 signatures, un point mentionné par Yew Lee.
Madame la présidente et membres du Comité permanent du patrimoine canadien, nous remercions le comité de nous donner l'occasion de présenter des observations sur le projet de loi d'initiative parlementaire C-333, la bien mal nommée Loi de reconnaissance et de réparation à l'égard des Canadiens d'origine chinoise. Cet intitulé est mal choisi parce que les réparations mentionnées sont inacceptables pour de nombreux Lo Wah Kiu — comme on appelait les vieux Chinois d'outre-mer — qui ont dû payer la taxe d'entrée, ainsi que pour leurs conjoints et descendants. Toutefois, le projet de loi C-333 pourrait constituer un premier pas vers une réparation juste et honorable. Soit il faut en changer le titre soit il faut le modifier pour offrir une reconnaissance et une restitution directe, dans la mesure du possible, aux payeurs de la taxe d'entrée survivants, à leurs conjoints et à leurs successions.
Tous les Canadiens peuvent être inspirés par la lutte héroïque des Lo Wah Kiu pour leurs droits de citoyenneté, après 62 ans d'oppression causée par une loi raciste. Je voudrais, pour la gouverne du parlementaire, donner lecture de la déclaration d'un homme de 98 ans qui a payé la taxe d'entrée, Quan Song Now, également connu sous le nom de Charlie Quan. À ma connaissance, il est l'un de quatre survivants parmi ceux qui ont payé la taxe et je crois les connaître tous, ayant travaillé sur cette affaire pendant plus de deux décennies. La déclaration manuscrite de Charlie Quan, ainsi que l'enregistrement sonore de cette déclaration, ont été faits après la confirmation de ma participation à cette réunion. Il m'a demandé de vous lire sa déclaration. Il est un véritable champion de la cause, l'un des Lo Wah Kiu les plus prestigieux. Sa déclaration est adressée au premier ministre Paul Martin, à qui j'en ai envoyé un exemplaire par la poste.
Mes salutations au premier ministre Paul Martin. Je m'appelle Quan Song Now. Je suis arrivé au Canada en 1923. J'avais alors dû payer la taxe d'entrée de 500 $. Cette taxe d'entrée de 500 $ est injuste. Comme elle ne s'appliquait pas aux gens venant d'autres régions du monde, elle était discriminatoire. J'espère que le gouvernement remboursera cette taxe d'une manière équitable à tous ceux qui ont dû la payer ou aux membres de leur famille. Voilà ma requête sincère. J'espère que vous accepterez ma proposition. |
Quan Song Now, également nommé Charlie Quan, 20 octobre 2005, Vancouver, Colombie-Britannique. |
Je voudrais aussi mentionner, pour la gouverne des parlementaires, la récente traversée du Canada en moto effectuée en faveur des réparations par Gim Wong, qui est âgé de 83 ans. Il a pris la route à Victoria, en Colombie-Britannique, le 3 juin 2005. Retraité, ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale dans l'Aviation royale canadienne, Gim Wong, de Burnaby, en Colombie-Britannique, et son fils Jeffrey sont arrivés à Ottawa le 1er juillet 2005, jour de la Fête du Canada. Gim et Jeffrey sont des descendants de puissants Lo Wah Kiu. Le père et la mère de Gim avaient payé la taxe d'entrée. Il a fait cette traversée pour revendiquer ce que tout Canadien ne peut que souhaiter: des excuses et le remboursement de cette taxe injuste à sa valeur actuelle.
Il y a 15 ans, j'ai parlé à ma grand-mère paternelle Chow Wong Nooy, de ma participation à la campagne en faveur de réparations à l'égard des Chinois. Sa première réaction a consisté à me dire d'éviter de m'opposer au gouvernement. Elle craignait que les autorités viennent chez nous, me ligotent, m'emmènent et me jettent dans la rivière. Je mentionne cela parce que sa crainte du gouvernement canadien et de ses lois a réellement fait du tort à notre famille. Les lois d'exclusion l'ont séparée de son mari, Chow Gim (Norman) Tan, mon grand-père, qui avait payé la taxe d'entrée. Ils ont été séparés pendant plus d'un quart de siècle. Ma grand-mère maternelle Wong Mun Sang a également payé la taxe et subi la même séparation. La revendication de la justice émane de plusieurs générations de Lo Wah Kiu.
La race humaine se distingue par les idées et le langage. Nous serons tous jugés par notre famille, par nos voisins et par l'histoire. Je soutiens que, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-333 utilise des mots trompeurs et n'est qu'un simulacre de justice. Ne prévoyant aucune reconnaissance, aucune restitution individuelle directe, cette prétendue mesure de réparation ne fait qu'ajouter à l'humiliation des immigrants survivants qui ont payé la taxe d'entrée, comme Charlie Quan, 98 ans, de Vancouver et James Wing, 93 ans, de Montréal.
 (1235)
À titre de Canadien qui souhaite contribuer à son pays, où la liberté d'expression et de pensée est un droit garanti par la Charte, je crains que ce projet de loi ne devienne la Loi sur l'humiliation des Canadiens d'origine chinoise.
Pour les Lo Wah Kiu, le 1er juillet 1923, alors fête du Dominion et aujourd'hui Fête du Canada, était la journée de l'humiliation, car c'est ce jour-là que la loi d'exclusion des Chinois a été adoptée.
ACCESS est très inquiète de voir que le projet de loi C-333 prévoit que le gouvernement du Canada négocie une entente sur les mesures de réparation avec le National Congress of Chinese Canadians. Les réparations consécutives à la taxe d'entrée et l'exclusion des Chinois sont une question de droits humains et de justice sociale, alors que le National Congress of Chinese Canadians a été formé pour faire l'apologie de la République populaire de Chine et de son comportement déplorable en matière de droits de la personne, particulièrement le massacre de la place Tiananmen le 4 juin 1989.
L'histoire nous jugera. En 1992, l'honorable Raymond Chan, actuel ministre du Multiculturalisme et alors défenseur des droits de la personne, ridiculisait souvent les dirigeants et les activités du National Congress of Chinese Canadians. Je demande aux membres du comité permanent de s'interroger sur l'opportunité de négocier une entente sur les droits de la personne avec le National Congress of Chinese Canadians.
Une réparation juste et honorable perdra beaucoup de son sens si plus aucun survivant, parmi ceux qui ont payé la taxe d'entrée, n'est là pour l'accepter. Et la réparation n'aura aucun sens si ces survivants, leurs conjoints et leurs descendants ne reçoivent pas une reconnaissance et une restitution individuelle directe. Des personnes et des familles ont payé la taxe et ont souffert les rigueurs de la séparation. Elles devraient, dans la mesure du possible, être au centre de toute réparation juste et honorable.
Je remercie ceux qui m'ont encouragé à assister à cette réunion, et en particulier Victor Wong, du Conseil national des Canadiens chinois, ainsi que les membres de son Comité national de réparation. Je remercie en outre Avvy Go, de la Metro Toronton Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, pour ses conseils.
ACCESS souscrit aux amendements au projet de loi C-333 proposés par la Metro Toronton Chinese and Southeast Asian Legal Clinic. ACCESS et la B.C. Coalition of Head Tax Payers, Spouses and Decendants, que je coordonne, fait sien l'énoncé de position de l'Ontario Coalition of Head Tax Payers and Families. Cet énoncé demande des excuses au gouvernement du Canada pour l'injustice causée aux Canadiens d'origine chinoise par suite de l'imposition d'une taxe d'entrée et de la loi d'exclusion; une réparation directe pour ceux qui ont payé la taxe d'entrée, leurs veuves et leurs familles, qui serait négociée entre le gouvernement du Canada et ceux qui ont été directement touchés par ces lois racistes; une réparation collective sous forme d'éducation et d'autres programmes sociaux, qui serait définie en consultation avec l'ensemble de la communauté des Canadiens d'origine chinoise.
Mon grand-père, qui a quitté le domicile familial à l'âge de 10 ans parce qu'on allait vendre sa soeur pour cause de pauvreté, a débarqué au Canada. Il est parti à l'âge de 10 ans pour s'occuper des vaches d'un homme riche. Il n'est jamais allé à l'école, mais il m'a enseigné beaucoup de choses, et en particulier mes droits. Il a vécu plus de la moitié de sa vie dans ce pays en étant privé de droits.
Il dit que toute réparation doit remplir trois conditions, soit satisfaire l'esprit, le coeur et l'âme. Nous ne pouvons obtenir de décision de justice à cet égard, et donc notre esprit ne sera pas en repos. Nous vous demandons un règlement politique afin que nos coeurs soient pleins. Mais surtout, nous demandons une réparation juste et honorable afin de mettre du baume sur l'âme de tous ceux, nos ancêtres, qui ont construit ce grand pays et marqué de leur fil distinctif le tissu national.
Des réparations immédiates. Ce n'est que justice.
Merci de votre attention.
 (1240)
La présidente: Merci, monsieur Tan.
Nous allons passer à l'autre M. Tan.
M. Ping Tan (coprésident-directeur général): Merci, madame la présidente et membres du comité. Je suis très heureux de comparaître devant vous aujourd'hui.
Avant de commencer, avec votre permission, j'aimerais présenter mes co-administrateurs du National Congress of Chinese Canadians, qui se joignent à moi aujourd'hui pour appuyer le projet de loi. Ils viennent de Montréal, Toronto et Ottawa. Parmi eux se trouve notre coprésident pour la région Québec, M. Jack Lee, qui est titulaire de l'Ordre du Canada et très respecté dans la communauté chinoise de Montréal; Mme Debbie Lin, qui est la secrétaire générale du Congrès et membre du Conseil d'administration national. Certains d'entre eux sont également des descendants des payeurs de la taxe d'entrée dont nous parlons aujourd'hui.
Madame la présidente, je m'appelle Ping Tan. Je suis le coprésident exécutif du National Congress of Chinese Canadians. Je comparais devant vous aujourd'hui au nom du National Congress of Chinese Canadians afin d'exprimer notre approbation du projet de loi C-333, Loi de reconnaissance et de réparation à l'égard des Canadiens d'origine chinoise, qui a été introduit par notre bon ami M. Inky Mark, député de Dauphin—Swan River—Marquette, au Manitoba, et qui a été ultérieurement déposé à la Chambre par Mme Bev Oda, députée de Durham.
Aujourd'hui est un moment historique dans la longue quête d'une solution juste et raisonnable à la taxe d'entrée et à la loi d'exclusion qui a frappé les Chinois. C'est un jour qui marquera l'histoire des Sino-Canadiens comme le début de la réparation des injustices subies par les Canadiens d'origine chinoise.
Tout d'abord, j'aimerais exprimer nos remerciements sincères à M. Mark pour son dévouement à cette cause et les efforts qu'il a inlassablement déployés à la recherche d'un règlement, au Parlement et en consultation avec nos collectivités dans tout le pays.
Vous avez entendu les témoins précédents parler du National Congress of Chinese Canadians et je me fais un plaisir de vous apporter quelques renseignements d'ordre général sur cette organisation. Le National Congress of Chinese Canadians a l'appui de la majorité des associations sino-canadiennes du pays, dont certaines très anciennes, implantées dans le pays depuis plus d'un siècle. Elles comprennent les Chinese Freemasons of Canada et la Chinese Benevolent Association of Victoria and Vancouver, toutes deux âgées de plus d'un siècle. Nous avons l'appui des combattants chinois de la Seconde Guerre mondiale qui ont combattu pour le Canada pendant la guerre, alors même qu'ils n'avaient pas le droit de vote. Nous avons l'appui de la Confederation of the Toronto Chinese Canadian Organizations, qui compte plus de 60 associations membres, ainsi que de nombreuses autres associations anciennement établies à Victoria, Vancouver, Edmonton, Calgary, Winnipeg, Montréal, Toronto et Halifax. Nombre de leurs membres sont des descendants de payeurs de la taxe d'entrée.
Je parle avec beaucoup d'émotion et de sentiment de la taxe d'entrée et de la loi d'exclusion des Chinois, qui ont opéré comme une forme de discrimination légale à l'encontre des Chinois pendant plus de 60 ans. L'injustice et les blessures ont marqué au coeur les personnes touchées et laissé des séquelles durables dans toute la collectivité sino-canadienne. Même aujourd'hui encore, leur seule évocation est douloureuse pour beaucoup.
 (1245)
Les communautés sino-canadiennes de tout le Canada se sont pendant très longtemps interrogées sur la meilleure façon de régler ces problèmes manifestes. Aussi, en 1991, il y a une quinzaine d'années, reconnaissant la nécessité de convoquer une réunion spéciale pour en traiter, a été tenue à Toronto, au mois de mai de cette année, la National Conference of Chinese Canadians pour débattre, entre autres, de la question fondamentale des modalités des réparations que nous allions demander au gouvernement fédéral. Plus de 500 délégués, représentant plus de 280 associations d'une côte à l'autre, ont assisté à la conférence. C'était le congrès le plus vaste et le plus représentatif jamais tenu dans l'histoire des Canadiens d'origine chinoise de ce pays.
Après deux jours de délibérations publiques, les délégués ont résolu de rejeter l'indemnisation individuelle. Ce n'était pas sans raison. Nombre des délégués étaient des descendants de Chinois eux-mêmes assujettis à la taxe. Parmi eux figuraient des anciens combattants. Ils nous ont dit, lors d'une réunion, qu'il ne faudrait jamais demander une indemnisation individuelle au gouvernement. Par conséquent, les délégués à la conférence ont adopté un ensemble de résolutions prévoyant, premièrement, la reconnaissance des torts passés commis par le gouvernement et, deuxièmement, la création d'une fondation raisonnablement dotée ayant pour mission de promouvoir l'harmonie raciale par l'éducation et la reconnaissance de la contribution des Sino-Canadiens à la société canadienne.
Madame la présidente et membres du comité, c'était en 1991, il y a une quinzaine d'années. Les délégués à la conférence ont également résolu de fonder le National Congress of Chinese Canadians à titre d'organe national mandaté pour rechercher un règlement raisonnable de ces deux questions. Le Congrès a donc été officiellement inauguré à Vancouver en 1992 comme porte-parole des Sino-Canadiens de tout le pays.
Au cours de ces 15 années, le National Congress of Chinese Canadians est vigoureusement intervenu auprès du gouvernement fédéral en vue d'obtenir un tel règlement, mais je regrette de le dire, sans aucun succès jusqu'à présent. Il était par conséquent extrêmement important que M. Inky Mark dépose son projet de loi d'initiative parlementaire afin d'entamer le processus de guérison. Nous rappelons que le projet de loi a été adopté en première lecture avec l'appui de tous les partis de la Chambre, et nous voici donc aujourd'hui.
Madame la présidente et membres du comité, nous approuvons le projet de loi car il est fondé sur les principes qui traduisent le consensus de la vaste majorité des Sino-Canadiens de tout le pays. Cela représente plus d'un million de personnes. Cette position n'a pas été adoptée à la légère, mais après de longs débats entre nous, sur de nombreuses années, et cette position, adoptée en 1991 a été reconfirmée depuis lors de chacune de nos assemblées générales annuelles.
Nous sommes persuadés que le règlement de cette injustice et de ces torts historiques doit être équitable et raisonnable; par-dessus tout, il doit être constructif et tourné vers l'avenir. Nous croyons aussi que le gouvernement fédéral a pour devoir et rôle d'aider la communauté sino-canadienne à renforcer sa capacité à construire une société forte et unie.
 (1250)
Conformément aux consensus arrêté en 1991, le National Congress of Chinese Canadians a donné son approbation de principe au plan présenté par le gouvernement fédéral dans son budget de février 2005 prévoyant l'attribution de 20 millions de dollars au programme de restitution sous la forme de reconnaissance, commémoration et éducation, ce que nous appelons le programme RCE. Je me dois de faire savoir aux membres du comité que nous négocions avec le gouvernement fédéral les modalités du programme RCE et que, jusqu'à présent, les progrès vers un accord sont bons.
J'aimerais saisir cette occasion pour remercier l'honorable Raymond Chan, ministre d'État du Multiculturalisme, pour avoir mis en marche ce processus de guérison.
Nous prévoyons de tenir une conférence nationale à Vancouver en novembre. Nous y inviterons des délégués représentatifs, de tout le pays, qui approuvent le principe du programme RCE afin de discuter des étapes ultérieures de la création d'une fondation ainsi que des critères du programme éducatif que la collectivité voudra mettre sur pied et réaliser.
Madame la présidente et membres du comité, je veux remercier M. Mark et Mme Oda de leur contribution à un règlement juste et raisonnable de ces questions. Je remercie tous les membres d'appuyer le projet de loi.
Je presse le Parlement d'adopter le projet de loi sans délai. En le faisant collectivement, le Parlement fera preuve d'une sagesse et d'une clairvoyance qui feront du Canada l'envie du monde, un modèle de société véritablement multiculturelle où les citoyens de toutes origines ethniques peuvent vivre au coude à coude dans l'égalité et la dignité.
Merci beaucoup.
Je serai ravi de répondre à vos questions.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup.
Je signale aux membres que la séance devrait prendre fin dans six minutes, selon l'horaire. Le comité accepte-t-il de prolonger quelque peu, peut-être jusqu'à 13 h 15?
Des voix: D'accord.
La présidente: Bien. Si vous le permettez, je vais tâcher de limiter tout le monde à des tours de questions peut-être un peu moins long que la normale.
Thank you.
Monsieur Mark.
M. Inky Mark: Merci, madame la présidente.
Je remercie encore nos témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
Il ne fait aucun doute que nous avons conscience que c'était l'un des épisodes les plus regrettables de l'histoire canadienne. Que cette discrimination ait été légale ne la justifie pas pour autant, et c'est pourquoi nous sommes ici pour réparer cette injustice.
Les membres du comité ont entendu aujourd'hui deux points de vue.
Permettez-moi de dire d'abord que je suis le petit-fils d'un homme qui a payé la taxe d'entrée et travaillé sur le chemin de fer. Sachez que mon père est arrivée en 1922 et a payé lui aussi la taxe d'entrée.
Comme vous êtes nombreux à le savoir, nous travaillons sur le projet de loi C-333 depuis de nombreuses années. Je dois vous dire également qu'à un moment donné, il y a quatre ans environ, tant le Conseil que le Congrès ont collaboré sur ce projet de loi. De fait, si vous vérifiez le Hansard, le texte du projet de loi, au moment de son introduction, englobait le Conseil national.
Mais, encore une fois, comme vous le savez, des désaccords peuvent survenir et ici, les deux points de désaccord intéressent toujours l'indemnisation individuelle et les excuses. Il s'est avéré que ces deux exigences n'étaient pas vendables. Cela ne se ferait pas. Vous pouviez demander à qui vous vouliez, il était clair que cela ne se ferait pas. Ce serait peut-être la bonne chose à faire — je ne prends pas parti à ce sujet — mais les faits qu'il faut prendre en compte sont le processus législatif et le fonctionnement du Parlement. Ce que demande le Conseil ne se fera pas.
C'est pourquoi la mention du Conseil national a été enlevée. Il y a eu une deuxième équipe, avec un projet de loi de Bev, et la mention du seul Congrès national. Ces dernières années, le seul négociateur a été le Congrès national qui, comme Ping Tan l'a indiqué, a toujours représenté la collectivité chinoise de ce pays, et ce depuis de nombreuses années, depuis sa création.
Je n'ai qu'une question. Comme M. Tan le sait, j'ai négocié avec le gouvernement dans le courant de la semaine dernière pour essayer d'aplanir les choses et de donner à ce projet de loi une forme adaptable. La question que je lui pose est la suivante: Approuve-t-il en principe ces amendements, dont il a pris connaissance?
 (1255)
M. Ping Tan: Je vous remercie, monsieur Mark.
Oui, nous sommes en faveur du projet de loi tel qu'amendé. Juste une remarque: j'aurais préféré que l'expression « profonde tristesse » soit remplacée par « profonds regrets ». Ce serait ma préférence. Mais je pense que les deux, « profonde tristesse » et « profonds regrets », donnent acte de l'effet historique de l'injustice dont nous parlons. « Profonds regrets » aurait ma préférence ainsi que celle du Congrès national.
M. Inky Mark: Merci.
[Français]
La présidente: Monsieur Clavet.
M. Roger Clavet: Merci, madame la présidente.
Il s'agit d'un sujet excessivement délicat, difficile, mais qui me tient beaucoup à coeur, d'ailleurs comme à tous ceux qui sont ici.
Ce qui me chagrine le plus dans cette histoire, c'est que même si tout le monde souscrit au principe, nous, les parlementaires, sommes un peu divisés. Du côté des représentants de la communauté chinoise, on ne s'entend pas non plus: il n'y a pas unanimité.
Nous sommes donc en train de parler de gens qui meurent, petit à petit, qui ne seront plus là. Il y a des gens âgés de 96 ans qui parcourent le pays en moto pour nous raviver la mémoire et nous rappeler l'injustice qui a été commise. Et présentement, nous sommes en train de nous diviser, les Chinois, tout comme les Canadiens et les Québécois. Il n'y a même pas unanimité entre les associations pour exprimer le minimum, soit une excuse.
Nous analysons des amendements qui diluent considérablement la portée du projet de loi, parce qu'il semble qu'on ne puisse plus s'excuser, en politique. Essayons de nous mettre dans la peau de ces hommes et de ces femmes que j'ai vus dans des films comme Cold Mountain, The Shadow of Gold Mountain ou bien Gold Indifference, Are we there? C'est incroyable!
Je pense que j'aimerais entendre des représentants de la communauté chinoise témoigner avec leur amour, leur coeur.
Pourquoi n'arrivons-nous pas à nous entendre sur le principe même d'une excuse? « Excuse » a une connotation juridique et peut-être aussi — on peut jouer sur les mots — pouvons-nous parler de deep sorrow, de deep regrets. Mais the bottom line, c'est qu'il y a des gens qui ont été des victimes.
Je veux les entendre s'exprimer individuellement à ce sujet et parler avec leur coeur; pas avec la tête, avec le coeur.
Merci.
[Traduction]
La présidente: Très brièvement, s'il vous plaît.
M. Ping Tan: Oui, c'est une bonne remarque. Nous demandons au gouvernement de faire une proclamation à la Chambre reconnaissant cette injustice, publiquement à la Chambre. Cela contribuerait largement à panser les blessures.
Il ne fait aucun doute, comme je l'ai dit dans mon exposé, que la douleur est réelle. Mais il faut se tourner vers l'avenir, on ne peut continuer... Aussi triste que soit ce passé, il faut regarder l'avenir et tourner la page et travailler ensemble sur la base des droits de la personne, de notre Charte des droits. Faisons-le vraiment, sur un pied d'égalité, et que tout le monde au Canada puisse vivre dans la dignité et l'égalité. Voilà ce que nous visons.
Mme Avvy Yao-Yao Go: Je tiens à rappeler au comité que lorsque la taxe d'entrée et la loi d'exclusion ont été adoptées, c'était parfaitement légal au Canada. Il était parfaitement légal de faire cela au Canada. Certes, nous savons aujourd'hui que, tout en étant légal, c'était moralement condamnable. Je dirais que la même chose se reproduit aujourd'hui.
Étant juriste moi-même, je comprends que les avocats soient très inquiets et disent que si le gouvernement nous présente des excuses, il va devoir payer beaucoup d'argent, que cela fera office de précédent. Encore une fois, ce qui est légal et ce qui est moral sont deux choses différentes. Mais le fait est que la question de la réparation pour les Canadiens chinois est la seule où il existe encore des survivants. Comme vous l'avez mentionné, il existe encore des payeurs de la taxe d'entrée en vie aujourd'hui. Cela fait 50 ou 60 ans qu'ils attendent que justice soit faite. Le problème avec notre gouvernement n'est pas seulement que... D'un point de vue juridique, il se sent obligé de refuser les excuses, mais je pense aussi que c'est parce que notre gouvernement n'est pas vraiment prêt à reconnaître ou à assumer la pleine responsabilité des erreurs qu'il a commises dans le passé. Il pense qu'en occultant le problème on pourra tourner la page, mais ce ne sera pas le cas.
Les payeurs de la taxe, même après leur disparition, laisseront derrière eux leurs enfants et leurs veuves qui vont continuer à poser encore et toujours la même question: « Pourquoi notre gouvernement ne nous a-t-il jamais présenté d'excuses? »
· (1300)
La présidente: Madame Davies.
Mme Libby Davies: Merci beaucoup.
Je vais concentrer mon propos sur la situation actuelle, car nous avons entendu aujourd'hui de fortes paroles et des positions très tranchées. Mais je n'ai rien contre cela. Je pense que l'on peut parfaitement admettre qu'il y ait des divergences au sein de la communauté sino-canadienne. Il n'y a aucune raison d'escompter l'unanimité. La question qui se pose est donc de savoir ce que nous faisons maintenant?
Monsieur Lee, vous avez parlé du respect pour la famille canadienne et du respect pour les individus. Je pense qu'il faut aussi avoir du respect pour le processus. Je dois donc dire que je suis très inquiète face à ce qui semble être une sorte de ruée pour faire adopter cela, en court-circuitant en fait le processus.
Les associations représentant les Canadiens ukrainiens nous ont dit qu'ils approuvaient les amendements, qu'il y a consensus chez eux. Ce n'est manifestement pas le cas pour vous et je n'aime pas voir une partie de la collectivité dressée contre une autre. On se retrouve ainsi avec le plus petit dénominateur commun. Je vais donc tenter de présenter quelques amendements le moment voulu afin d'élargir de nouveau le champ, afin que nul ne se sente exclu, car je trouverais cela réellement regrettable.
Notre idéal ici est de parvenir à un règlement juste et équitable, qui soit acceptable par tous. Je suis simplement curieuse de savoir si vous avez participé à la négociation de ces amendements. Les connaissez-vous? Il y a six amendements qui, en gros, alignent ce projet de loi sur l'autre, c'est-à-dire qu'il se trouve réellement amputé. Avez-vous été partie à ce processus?
Mme Avvy Yao-Yao Go: Nous n'avons été partie à aucun processus et nous ne savons pas quels amendements ont été apportés au projet de loi. De fait, j'ai l'impression que l'on nous invite ici et nous laisse parler, mais en même temps nous sommes continuellement exclus. Cela transforme presque tout le processus du comité en farce, je suis désolée de le dire.
La présidente: Merci, madame Davies.
Madame Ratansi.
Mme Yasmin Ratansi (Don Valley-Est, Lib.): Merci.
Merci d'être venus. Je sais que lorsque la guerre éclate, elle engendre réellement des problèmes pour l'humanité. Nous, les êtres humains, ne tirons pas les leçons de l'histoire. Aussi, la Loi sur les mesures de guerre invoquée par le premier ministre Borden a fait sentir ses effets et nous en entendons encore parler aujourd'hui. Aujourd'hui, nous avons une « loi sur les mesures de sécurité » et les attestations de sécurité dont certains font actuellement l'objet.
J'aime votre démarche consistant à dire que, oui, des erreurs ont été commises, mais il faut avancer et voici ce que nous aimerions voir. J'essaie d'adopter une approche équilibrée de ce que vous recherchez. Vous demandez des excuses, vous demandez une campagne d'éducation afin de perpétuer dans la mémoire collective ces incidents et d'éviter de répéter ces erreurs.
Le projet de loi C-333, selon ma lecture, couvre presque tout cela, sauf qu'il n'y est pas question de réparations pécuniaires. Nous craignons que si l'on inscrivait des réparations pécuniaires, il serait rejeté. Voilà donc la question que je pose à vous tous: souhaitez-vous voir adopter ce projet de loi? Dans la négative, pourquoi pas? Et dans l'affirmative, en quoi serez-vous satisfaits? Voilà mes premières questions.
Deuxièmement, j'ai perçu beaucoup d'anxiété concernant le fait que le National Congress of Chinese Canadians a été attaqué par les trois autres organisations ici. Or, le Congrès semble représentatif à l'échelle nationale d'un groupe très divers. J'aimerais donc savoir ce que vous reprochez à l'organisation et en quoi vous-même êtes représentatif?
Mme Avvy Yao-Yao Go: Premièrement, je rappelle que la Loi d'exclusion des Chinois et la taxe d'entrée ont été introduites en temps de paix. Ce n'était pas par suite d'une quelconque Loi sur les mesures de guerre. Cette loi a été adoptée expressément pour empêcher les Chinois de venir au Canada, et ce en temps de paix. Le Canada n'était nullement menacé par la Chine à ce moment-là.
Deuxièmement, j'ai déjà proposé certains amendements au projet de loi. Vous pouvez vous reporter à mon mémoire pour en voir le texte: l'un porte sur l'organisation qui va négocier avec le gouvernement et le deuxième sur le type de réparations à apporter. Ce sont là les positions que nous adoptons et notre clinique représente effectivement des veuves et descendants de payeurs de la taxe dans un recours collectif. Voilà donc qui nous représentons.
· (1305)
Mme Yasmin Ratansi: Quelqu'un d'autre veut-il répondre? Vous-même êtes une association torontoise et l'autre est nationale. La taxe d'entrée a été imposée en vertu de la Loi sur les mesures de guerre, de toute façon.
Une voix: Non.
Mme Yasmin Ratansi: Excusez-moi, je fais erreur. Désolée.
M. Yew Lee: Le Conseil national des Canadiens chinois est une organisation nationale. Nous avons des sections dans tout le Canada. Nous sommes antérieurs à d'autres fédérations — nous existons depuis 1980 — et nous avons parmi nos membres 4 000 payeurs de la taxe et leurs familles qui disent que le minimum est un remboursement, un remboursement symbolique de cet argent, parce qu'il a causé tant de souffrances. Cinq cent dollars à l'époque suffisaient pour acheter deux maisons à Montréal. Ce n'est pas seulement... Une femme comme ma mère aurait utilisé cet argent pour payer des soins.
Ceux que nous représentons ne sont pas riches. Moi-même, je travaille dans le domaine des droits de la personne, offrant des consultations communautaires. Si vous ne faites pas confiance aux dirigeants, parlez aux gens de la base. J'ai travaillé pour la GRC. Les dirigeants au Nunavut voulaient leur propre force de police. Lorsque nous avons parlé avec la population, les gens nous ont dit pas encore. Dans un processus de consultation, les gens vous diront la vérité. Parlez aux familles. Joignez-les. Utilisez pour cela la presse ethnique. Je pense que la clé est là, et vous verrez qu'ils donneront la même réponse que nous. Ils vous diront la vérité.
Je dois dire que je suis perplexe de voir le gouvernement négocier avec le Congrès, qui épouse des points de vue très contestables et qui laissent perplexes, sur le Tibet, le Falun Gong et les droits de l'homme en Chine. Vérifiez vous-même sur Google. Vous verrez.
La présidente: Madame Oda, vous avez droit à une question rapide, puis ce sera le tour de M. Simms.
Désolée, mais —
Mme Yasmin Ratansi: Pas de réponses?
Non, je ne veux pas demander. J'espérais simplement que M. Tan pourrait répondre.
La présidente: Peut-être le pourra-t-il en répondant à Mme Oda.
Mme Bev Oda (Durham, PCC): Effectivement.
Je sais, et vous savez, que M. Mark a travaillé de nombreuses années là-dessus. J'ai utilisé son travail, ayant été tirée au sort pour être la première à déposer un projet de loi d'initiative parlementaire, pour appuyer ce projet, etc.
Cela fait des décennies que nous travaillons là-dessus et M. Lee a fait remarquer que les Libéraux refusaient d'aborder le sujet. Mais il y a maintenant cette occasion. Êtes-vous prêt à la laisser passer, si vous pensez qu'il n'y a pas eu assez de consultations, pour en avoir davantage, avoir plus de discussions, prendre le temps de voir si vous ne pouvez pas parvenir à une position commune de la communauté?
Je vous rappelle qu'il s'agit là d'un projet de loi d'initiative parlementaire. C'est le fait d'une personne... M. Mark a travaillé là-dessus de nombreuses années, tout comme moi. C'est un projet de loi d'initiative parlementaire, et non pas un projet de loi gouvernemental. Nous avons ici une occasion. J'aimerais votre avis. Quelle instruction nous donnez-vous, à nous qui avons présenté cette mesure — M. Mark, qui a travaillé de nombreuses années et moi — de faire à ce stade? Nous avons là une occasion.
M. Yew Lee: Vous pourriez commencer par ne pas exclure. Au lieu de traiter avec une seule organisation, faites participer les autres. Le reste est assez élémentaire. Vous avez fait état de plus de consultation. Vous ne pouvez pas vous tromper, c'est bien de cela qu'il s'agit: la démocratie. Parlez aux gens. Parlez aux familles concernées. Ne laissez pas une poignée de dirigeants imposer cela.
Mme Bev Oda: Monsieur Lee, je vous rappelle que nous avons ici une occasion. Je ne sais pas si le même groupe de députés sera encore là dans un, deux ou trois mois. Nous avons une occasion. C'est ce que je dis, et si vous voulez plus de consultation, dites-le-nous.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup.
M. Ping Tan: Madame la présidente, pourrais-je ajouter quelques mots pour répondre aux questions?
La présidente: Permettez-moi de laisser M. Simms poser sa question, car je sais que les membres sont déjà en retard pour d'autres réunions. Si M. Simms peut poser sa question, vous pourrez peut-être dire un mot de conclusion.
Auparavant, monsieur Simms, au cas où certains membres devraient partir d'urgence, permettez-moi de vous rappeler que nous espérons commencer mardi l'étude article par article des deux projets de loi. Vous aurez en main les amendements présentés jusqu'à présent.
Je demanderais à Mme Davies et à tous ceux qui projettent de déposer des amendements de les remettre au rédacteur juridique le plus tôt possible afin que les membres...
· (1310)
M. Roger Clavet: Quelle est la date limite pour les amendements?
La présidente: Si les membres ont un amendement valide, je les accepterai jusqu'à mardi matin, le début de l'étude article par article, mais il est évidemment avantageux pour vous que les membres puissent les avoir d'avance. Si vous pouvez les remettre au rédacteur juridique afin que les membres les aient en main pendant la fin de semaine, ce serait utile. Mais, personnellement, je ne vais pas imposer la guillotine.
J'aimerais également — je suppose qu'il y a ici quelques fonctionnaires — qu'ils prennent connaissance des positions exprimées par les deux délégation aujourd'hui et, si le gouvernement est opposé aux amendements proposés, qu'ils nous disent pourquoi.
Je vous remercie.
M. Mario Silva: Madame la présidente, pour dire juste un mot avant la fin de la réunion, je sais que nous avons une question, mais j'aimerais m'assurer que pour la réunion suivante, le jeudi, portant sur la SRC, M. Smith, qui est le Vice-président des ressources humaines, comparaîtra bien devant le comité. Cela a été expressément demandé par le comité. Je vous demande de répondre à ce voeu et de veiller à ce qu'il soit convoqué pour la prochaine réunion du comité, jeudi prochain.
La présidente: Cela convient-il aux membres du comité? C'est notre séance de trois heures sur la SRC. Il me semble que la présence du vice-président chargé des ressources humaines est indispensable si nous allons traiter des problèmes de relations de travail.
D'accord.
Monsieur Simms.
M. Scott Simms (Bonavista—Gander—Grand Falls—Windsor, Lib.): Merci, madame la présidente. J'ai juste un petit éclaircissement à demander.
Cela s'adresse à M. Tan, du National Congress of Chinese Canadians. Vous avez indiqué, et rectifiez si je me trompe... Cette question ne s'adresse pas à vous, mais vous pourrez répondre aussi et je viens à vous dans un instant. Vous avez dit que lors des consultations avec le Congrès et d'autres groupes, une vaste majorité a dit non à des réparations relatives à la taxe d'entrée. Est-ce exact?
M. Ping Tan: Pas d'indemnisation individuelle.
M. Scott Simms: Oui, mes excuses, non à l'indemnisation individuelle. Et la communauté chinoise, dans ce contexte, a indiqué, à ce que vous estimez être une majorité écrasante, qu'elle ne souhaitait pas une indemnisation individuelle. Je vous demande une réponse courte.
M. Ping Tan: Absolument.
M. Scott Simms: D'accord.
Et M. Tan, qui représentez ACCESS, je suppose que vous n'êtes pas d'accord avec cela. Pouvez-vous nous dire pourquoi le Congrès, à ce sujet, ne représente pas la majorité écrasante de l'opinion?
M. Sid Chow Tan: Il a peut-être la majorité écrasante, mais la justice n'est pas un concours de popularité. Lorsqu'il s'agit de justice, il faut représenter ceux qui ont souffert de l'injustice. S'il s'agissait d'un concours de popularité, il y a de bonnes chances que les Chinois au Canada n'auraient toujours pas le droit de vote.
Mme Avvy Yao-Yao Go: Il n'y a jamais eu de sondage d'opinion au sein de la communauté sino-canadienne. Une majorité écrasante des membres du Congrès sont peut-être opposés à l'indemnisation individuelle, mais nul ne peut dire ce que pense le million de Canadiens chinois à ce sujet.
Mais je peux vous dire que la question est débattue depuis 20 ans. Il en est question chaque jour dans les journaux chinois. Le fait qu'on en parle et qu'on en débat dans les médias écrits et audiovisuels chinois année après année montre bien que c'est un enjeu fondamental pour la communauté sino-canadienne — mais il n'y a pas de consensus.
M. Scott Simms: J'admets ce que vous dites au sujet d'un sondage. Mais ce que je recherche, ce n'est pas seulement une majorité simple.
Mme Avvy Yao-Yao Go: Nul ne peut prétendre connaître le voeu de la majorité. Je ne représente pas ici la totalité de la communauté, et je crois que nul ne peut le prétendre, en réalité.
M. Scott Simms: Monsieur Tan, voulez-vous répondre?
M. Ping Tan: Oui.
La présidente: Et ce sera le dernier, je le crains.
M. Ping Tan: M. Simms, en 1994, le professeur David Lai de l'Université de Victoria, en Colombie-Britannique, a effectué une enquête dans la province, avec le concours de l'université, auprès des payeurs de la taxe eux-mêmes et de leurs descendants, leur demandant s'ils étaient en faveur d'une indemnisation individuelle, et la majorité a répondu non. Le sondage a été effectué par le professeur David Lai, de l'Université de Victoria, en 1994, et il est disponible. Voilà ma réponse.
Je veux répondre à Mme Ratansi. En 1985, plus de 80 000 personnes avaient déjà payé la taxe. C'était il y a plus de 100 ans. C'est tout un groupe, un groupe bien précis, qui était ciblé. Il est donc naturel que la communauté, le groupe, prenne position collectivement sur la question. Je suis sensible à l'opinion des individus qui ont été victimes, mais nous parlons ici d'un groupe. C'est pourquoi nous abordons la problématique ici: c'est tout un groupe qui était visé. Je pense que nous devons faire les choses sur cette base. Aussi, à une majorité écrasante, oui, le groupe s'est prononcé contre l'indemnisation individuelle.
· (1315)
M. Scott Simms: Merci.
La présidente: Merci beaucoup.
Je remercie nos témoins, au nom du comité, pour tout le temps et l'attention qu'ils ont accordés à ce sujet au fil de nombreuses décennies. Merci.
La séance est levée.