CHPC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 10 mai 2005
¿ | 0905 |
La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)) |
M. Gaston Jorré (sous-commissaire principal de la concurrence, Direction générale des fusions, Bureau de la concurrence) |
¿ | 0910 |
La présidente |
Mme Bev Oda (Durham, PCC) |
¿ | 0915 |
M. Gaston Jorré |
Mme Bev Oda |
M. Richard Taylor (sous-commissaire de la concurrence, Direction générale des affaires civiles, Bureau de la concurrence) |
Mme Bev Oda |
M. Richard Taylor |
Mme Bev Oda |
M. Richard Taylor |
Mme Bev Oda |
¿ | 0920 |
M. Gaston Jorré |
Mme Bev Oda |
M. Gaston Jorré |
Mme Bev Oda |
M. Gaston Jorré |
La présidente |
M. Maka Kotto (Saint-Lambert, BQ) |
M. Gaston Jorré |
¿ | 0925 |
M. Maka Kotto |
M. Gaston Jorré |
M. Maka Kotto |
M. Gaston Jorré |
M. Maka Kotto |
M. Gaston Jorré |
M. Maka Kotto |
¿ | 0930 |
M. Gaston Jorré |
M. Maka Kotto |
M. Gaston Jorré |
M. Maka Kotto |
La présidente |
M. Mario Silva (Davenport, Lib.) |
M. Gaston Jorré |
M. Mario Silva |
M. Gaston Jorré |
M. Mario Silva |
M. Gaston Jorré |
M. Mario Silva |
M. Gaston Jorré |
M. Richard Taylor |
¿ | 0935 |
M. Mario Silva |
La présidente |
M. Gary Schellenberger (Perth—Wellington, PCC) |
M. Gaston Jorré |
M. Gary Schellenberger |
¿ | 0940 |
Mme Bev Oda |
La présidente |
Mme Bev Oda |
M. Gaston Jorré |
Mme Bev Oda |
M. Gaston Jorré |
Mme Bev Oda |
M. Gaston Jorré |
Mme Bev Oda |
M. Gaston Jorré |
La présidente |
Mme Bev Oda |
M. Gaston Jorré |
La présidente |
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ) |
¿ | 0945 |
M. Gaston Jorré |
M. Marc Lemay |
M. Gaston Jorré |
M. Marc Lemay |
M. Gaston Jorré |
M. Marc Lemay |
M. Richard Taylor |
M. Marc Lemay |
M. Richard Taylor |
M. Gaston Jorré |
M. Marc Lemay |
M. Gaston Jorré |
M. Marc Lemay |
La présidente |
M. Richard Taylor |
¿ | 0950 |
La présidente |
M. Richard Taylor |
La présidente |
M. Gaston Jorré |
La présidente |
M. Gaston Jorré |
M. Richard Taylor |
M. Gaston Jorré |
La présidente |
M. Richard Taylor |
La présidente |
M. Richard Taylor |
La présidente |
¿ | 0955 |
M. Len Farber (directeur général, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances) |
La présidente |
M. Len Farber |
À | 1000 |
À | 1005 |
À | 1010 |
La présidente |
M. Gary Schellenberger |
M. Len Farber |
À | 1015 |
M. Gary Schellenberger |
M. Edward Short (agent principal de la politique de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances) |
M. Gary Schellenberger |
M. Edward Short |
M. Len Farber |
M. Gary Schellenberger |
M. Edward Short |
M. Gary Schellenberger |
La présidente |
M. Maka Kotto |
À | 1020 |
M. Len Farber |
M. Maka Kotto |
M. Len Farber |
M. Maka Kotto |
À | 1025 |
M. Len Farber |
La présidente |
M. Marc Lemay |
M. Edward Short |
M. Marc Lemay |
La présidente |
L'hon. Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.) |
À | 1030 |
M. Len Farber |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Len Farber |
La présidente |
M. Len Farber |
À | 1035 |
M. Edward Short |
À | 1040 |
M. Len Farber |
L'hon. Sarmite Bulte |
M. Len Farber |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 10 mai 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0905)
[Traduction]
La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)): La séance du Comité permanent du patrimoine canadien est ouverte.
Il est rare, à ce comité-ci, que si peu de députés soient présents, mais la situation est un peu inhabituelle ces jours-ci, à la Chambre.
Je suis heureuse de souhaiter la bienvenue à Gaston Jorré, sous-commissaire principal de la concurrence, Direction générale des fusions, ainsi qu'à Richard Taylor, sous-commissaire de la concurrence, Direction générale des affaires civiles.
Monsieur Jorré, c'est vous qui commencez? À vous, donc. Merci beaucoup.
M. Gaston Jorré (sous-commissaire principal de la concurrence, Direction générale des fusions, Bureau de la concurrence): Oui, j'ai une brève déclaration à faire, dont des copies ont été distribuées aux membres du comité, je crois bien.
Merci, madame la présidente.
[Français]
Madame la présidente, mesdames et messieurs, membres du comité, comme vous l'avez déjà entendu, je suis accompagné par M. Richard Taylor, sous-commissaire de la Direction générale des affaires civiles.
Nous sommes heureux d'avoir cette occasion de participer à votre étude sur l'industrie canadienne de la cinématographie.
[Traduction]
Le Bureau de la concurrence reconnaît que les gouvernements doivent obtenir un équilibre entre une variété d'intérêts et de préoccupations lorsqu'il s'agit d'établir de nouvelles politiques et de nouveaux programmes ou d'évaluer l'efficacité de ce qui est déjà en place. Même si d'importantes considérations culturelles ne relèvent pas de notre mandat, le Bureau doit faire en sorte que les Canadiennes et les Canadiens puissent profiter de marchés concurrentiels dans tous les secteurs de l'économie, incluant l'industrie cinématographique.
J'aimerais brièvement vous décrire nos rôles et nos responsabilités ainsi que vous donner un aperçu de la façon dont le Bureau a traité dans le passé des questions concernant cette industrie.
[Français]
Nous sommes un organisme de mise en application indépendant. Dirigé par la commissaire de la concurrence du Canada, Sheridan Scott, nous mettons en application et administrons la Loi sur la concurrence, une loi économique d'application générale qui régit la conduite de la plupart des entreprises au Canada.
Le bureau agit essentiellement en tant qu'arbitre à l'intérieur du marché. Chaque année, nous recevons des milliers de plaintes de consommateurs, de consommatrices et d'entreprises alléguant des agissements anticoncurrentiels. Nous enquêtons et, lorsque nécessaire, nous portons l'affaire devant le Tribunal de la concurrence ou une autre cour. Nous examinons également les fusions. Je reviendrai sur ce sujet.
Nous faisons également la promotion de la concurrence. Dans ce dernier rôle, au cours des dernières années, le bureau a comparu devant un certain nombre de comités parlementaires qui étudiaient des questions culturelles.
[Traduction]
Vous pouvez trouver plus de renseignements concernant la structure et le mandat du Bureau à l'annexe de ma déclaration écrite. Je ne prendrai pas la peine de vous la lire.
En 2002, l'ancien commissaire de la concurrence a comparu à deux reprises devant ce comité lorsqu'il examinait la politique sur la radiodiffusion. En 2003, il s'est également présenté devant le Comité permanent de l'industrie pour témoigner sur la question du contrôle des entreprises de télécommunications par des sociétés étrangères. J'ai moi-même comparu, à titre de commissaire intérimaire de la concurrence, devant le Comité permanent des transports et des communications du Sénat, en 2003, dans le cadre de son examen continu de la situation dans les secteurs canadiens des médias.
Lors de nos interventions devant ces comités, nous avons souligné que le secteur culturel nous intéresse seulement du point de vue de la concurrence sur les marchés clés. Toutefois, comme je l'ai déjà mentionné, nous reconnaissons que le gouvernement et ce comité peuvent avoir à l'esprit d'autres intérêts, incluant des objectifs culturels. Dans ce contexte, je décrirai maintenant la façon dont nous mettons en application la loi et notre cadre analytique pour déterminer s'il y a préjudice à la concurrence. Je vous citerai donc quelques exemples concernant l'industrie cinématographique.
Passons donc au cadre analytique.
[Français]
Nous utilisons une méthode bien définie et fondée sur les faits, pour faire notre travail de mise en application. Notre analyse visant à déterminer si les marchés sont ou seront vraisemblablement concurrentiels s'applique à toutes les industries et à toutes les catégories de transactions et de pratiques commerciales.
Généralement notre méthode d'analyse comporte deux volets. Premièrement, nous définissons les marchés d'un produit et les marchés géographiques pertinents. Deuxièmement, nous analysons si ceux qui oeuvrent dans ce marché ont la capacité d'augmenter ou de contrôler sensiblement les prix pendant une période prolongée.
Bien que les critères juridiques définis par la loi varient selon la nature des agissements examinés, dans tous les cas, nous examinons un certain nombre de facteurs afin de satisfaire aux critères de la loi et au fardeau de la preuve qui nous encadrent.
Dans le cadre de nos enquêtes, nous parlons avec les plaignants, les acteurs du marché et les concurrents des entreprises ciblées. Au besoin, nous nous servons de citations à comparaître ou de mandats de perquisition, afin de recueillir les éléments de preuve nécessaires. Nous pouvons aussi engager des spécialistes de l'industrie ou des économistes indépendants afin de connaître leur point de vue.
[Traduction]
Nous avons recours à divers outils pour aider les parties à se conformer à la loi et pour remédier aux agissements anticoncurrentiels. Nous pouvons ainsi faire appel à la simple sensibilisation ou à la persuasion—au moyen d'exposés, de lettres d'avertissement et de visites d'enquête—ou intenter des procédures devant une cour de justice ou le Tribunal de la concurrence ou, encore, tenter d'obtenir un consentement des parties.
Permettez-moi d'illustrer la mise en application de la Loi sur la concurrence au moyen de deux affaires récentes dans l'industrie cinématographique. La première concerne une affaire civile susceptible de faire l'objet d'une examen du tribunal et la seconde, une fusion. Je commencerai par l'affaire civile examinée par le Bureau en vertu de l'article de la Loi sur la concurrence portant sur le refus de vendre.
En 2000, le Bureau a commencé une enquête approfondie sur l'industrie de la distribution et de la diffusion des films canadiens. Il avait reçu des plaintes selon lesquelles les principaux distributeurs, ainsi que deux diffuseurs canadiens, Famous Players Inc. et Cineplex Odeon Corporation, s'étaient livrés à des pratiques qui empêchaient d'autres diffuseurs d'avoir accès à des films ayant une valeur commerciale.
Le Bureau a utilisé ses pouvoirs d'enquête pour obtenir des éléments de preuve sous forme de documents et de réponses écrites auprès de 40 diffuseurs et distributeurs. Nous n'avons eu aucune difficulté à obtenir les documents demandés auprès des entreprises appartenant à des sociétés étrangères. Le Bureau a aussi obtenu des éléments de preuve grâce à des entrevues et à des analyses économiques et juridiques.
En décembre 2002, après avoir examiné soigneusement la nombreuse documentation fournie par les distributeurs et en considérant les nombreux films distribués pendant une période de cinq ans, le Bureau, n'ayant trouvé aucune infraction à la Loi sur la concurrence, a discontinué l'enquête.
Passons maintenant à une fusion récente. Permettez-moi d'abord d'expliquer comment nous examinons les projets de fusion. Il s'agit pour nous de déterminer si la fusion entraînerait un empêchement ou une diminution sensible de la concurrence sur les marchés pertinents. Pour ce faire, nous considérons un certain nombre de facteurs tels que le marché pertinent du produit, le marché géographique pertinent, les parts de marché des parties à la fusion, la concentration du marché, les obstacles à l'entrée, l'importance de la concurrence qui continuerait de s'exercer sur le marché ainsi que la concurrence étrangère. Nous examinons également l'innovation et d'autres facteurs.
Si le Bureau juge que la transaction est anticoncurrentielle, la commissaire peut demander aux parties de réorganiser la transaction ou obtenir des mesures correctives au moyen d'un consentement, en vue de résoudre des problèmes de concurrence. Les consentements négociés par la commissaire et les parties sont déposés au Tribunal de la concurrence. Je précise que, lorsqu'il y a des problèmes, c'est à cette méthode-là de résolution des différends que nous avons habituellement recours. Ce n'est que dans un petit nombre de cas que nous devons en recourir au tribunal même. Lorsque les négociations ne permettent pas de trouver une solution aux problèmes, nous n'hésitons pas à présenter une demande au Tribunal de la concurrence.
Passons maintenant au cas précis qui nous intéresse.
¿ (0910)
[Français]
Précisons qu'en mars 2002, Onex a acquis le contrôle de Loews Cineplex et de Cineplex Odeon, des sociétés qui avaient été placées sous la protection de la loi sur la faillite au Canada et aux États-Unis. Il s'agit d'un bon exemple de fusion incluant une composante favorable à la concurrence, puisqu'elle permettait à une entreprise en difficulté de demeurer sur le marché et de contribuer à la concurrence.
Toutefois, alors qu'il examinait le projet de restructuration, le bureau a découvert l'existence d'une fusion antérieure entre Galaxy Entertainment, contrôlée par Onex, et Famous Players. Famous Players était le plus grand diffuseur au Canada, et Galaxy possédait douze salles réparties dans cinq provinces.
Aux termes de la loi, le bureau est habilité à examiner les fusions à l'intérieur d'une période de trois ans suivant la transaction. Nous avons donc ouvert une enquête.
La préoccupation, en termes de concurrence, était que Famous Players détenait des actifs dans Galaxy et avait conclu des accords accessoires avec cette entreprise, ce qui soulevait certains problèmes à l'égard de la proposition d'Onex visant à acquérir Loews Cineplex.
Ces problèmes ont été réglés lorsque Famous Players a accepté de se dessaisir de ses intérêts dans Galaxy et de résilier les accords accessoires.
Ainsi, Cineplex a pu continuer, après sa restructuration, à livrer concurrence sur le marché canadien, tandis que le plus grand diffuseur au Canada, Famous Players, est demeuré un concurrent indépendant, exempt de tout lien intersociétés avec Cineplex.
[Traduction]
Madame la présidente, j'ai parlé aujourd'hui du rôle du Bureau de la concurrence et de nos récentes expériences concernant l'industrie cinématographique au Canada, en particulier dans le domaine de la distribution et de la diffusion de cette industrie. Nous apprécions grandement l'intérêt que les Canadiennes, les Canadiens ainsi que ce comité portent au développement d'un secteur culturel diversifié et concurrentiel. Même si notre rôle à cet effet se limite à faire en sorte que les marchés demeurent ouverts et concurrentiels, nous croyons que de tels marchés par eux-mêmes sont nécessaires pour atteindre nos grands objectifs culturels.
M. Taylor et moi répondrons maintenant avec plaisir à vos questions.
La présidente: Merci beaucoup.
Qui veut commencer à poser des questions?
Madame Oda.
Mme Bev Oda (Durham, PCC): Merci.
Merci beaucoup d'être venu faire votre exposé aujourd'hui devant le comité.
Ma question porte plutôt sur des principes philosophiques. Vous avez établi la distinction entre le rôle du Bureau de la concurrence et, par exemple, le CRTC ou d'autres organismes de régie. Dans votre travail, les facteurs qui vous servent de repères sont-ils déterminés par les critères commerciaux du marché ou par autre chose?
Je sais qu'au CRTC il y a ce qu'on appelle le principe de la diversité, pour s'assurer qu'il y ait diversité des options et des possibilités, non seulement pour les spectateurs, mais aussi pour les producteurs de films.
Une autre façon d'envisager la concurrence, pour qu'elle soit réelle et vigoureuse, serait de se demander combien de personnes ou combien d'intervenants au pays sont dans les faits les véritables décideurs, les décideurs critiques, pour faire en sorte que nous ayons une bonne gamme de choses produites, et non seulement produites mais aussi présentées au pays. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
¿ (0915)
M. Gaston Jorré: Le rôle fondamental que nous confère la loi est celui de promouvoir la concurrence, et l'accent est mis sur la concurrence économique. Y a-t-il concurrence dans les marchés concernés de l'activité que l'on examine, quelle qu'elle soit?
De par la nature même de cette interrogation, nous ne sommes pas portés à regarder où se trouvent les sièges sociaux. L'attitude est neutre relativement à ces questions. Il s'agit de savoir si les clients bénéficient des effets de la concurrence en matière de prix, de qualité et ainsi de suite.
Mme Bev Oda: Si, par exemple, nous n'avions qu'un seul radiodiffuseur national, la Société Radio-Canada. Je ne sais pas si vous avez un rôle à jouer au cas hypothétique où la SRC se servirait d'une seule entreprise de production indépendante pour obtenir sa programmation, ce qui pousserait les autres entreprises de production à déclarer qu'elles n'ont pas accès au marché de la SRC et que la concurrence est injuste puisqu'elles ne peuvent pas y placer leurs produits.
M. Richard Taylor (sous-commissaire de la concurrence, Direction générale des affaires civiles, Bureau de la concurrence): Cela dépendrait beaucoup des raisons pour lesquelles la SRC se sert uniquement d'une entreprise de production indépendante. Si cette entreprise de production indépendante a une position dominante en matière de production et qu'elle déclare à la SRC « Je suis prête à vous approvisionner, mais vous ne devez avoir recours à aucune autre société », cela nous amène à ce dont je m'occupe, un abus du pouvoir de domination. Il s'agit d'une transaction d'exclusivité.
Si la SRC a recours à une seule entreprise de production parce qu'elle est la plus économique ou la plus compétente, que les deux sociétés entretiennent une relation de longue date et qu'aucune pression n'est exercée sur la SRC pour qu'elle n'ait recours qu'à cette unique entreprise de production, eh bien l'acheteur d'un produit a le droit de choisir le fournisseur qui lui plaît, qu'il s'agisse de General Motors choisissant Magna pour l'approvisionner en pièces ou de toute autre situation semblable. C'est uniquement lorsque le vendeur d'un produit exerce des pressions sur l'acheteur en lui disant de faire affaire avec lui à l'exclusion de toute autre entreprise qu'il peut y avoir un problème du point de vue de la concurrence.
Mme Bev Oda: Vous venez de dire quelque chose qui pique ma curiosité. C'est lorsque le vendeur du produit fait pression sur l'acheteur.
M. Richard Taylor: Oui. C'est ce qu'on appelle « exclusivité » à l'article 77 de la loi.
Mme Bev Oda: Mais pour qu'il y ait une concurrence rigoureuse, c'est-à-dire, à mon sens, un marché totalement ouvert, ne faut-il pas ajouter un autre critère, à savoir l'obligation de s'assurer qu'il y a suffisamment d'acheteurs au Canada pour ce produit?
M. Richard Taylor: Si quelqu'un parvient à une position de dominance ou à une taille sur le marché qui fait de lui un acheteur important grâce à la vente d'un bon produit ou à sa force face à la concurrence, ou bien, comme dans le cas de la SRC, grâce à une position unique dans le contexte canadien sans recourir à une conduite anticoncurrentielle, nous n'intervenons pas.
La loi ne sanctionne pas l'existence d'un monopole, pas plus à l'achat qu'à la vente.
Là où la loi intervient, c'est quand un gros acheteur ou un gros vendeur en situation dominante ou prépondérante sur le marché se livre à des agissements anticoncurrentiels pour exclure des rivaux et maintenir sa position. C'est l'article 79, sur l'abus de position dominante.
Mme Bev Oda: Est-ce que la propriété nationale, qu'il s'agisse d'une société canadienne ou d'une société étrangère, intervient dans votre analyse du marché?
¿ (0920)
M. Gaston Jorré: Non, nous ne considérons que l'effet sur la concurrence.
Le Bureau a deux rôles différents. Il y a le rôle d'application de la loi, qui n'intervient que lorsque certaines dispositions spécifiques le déclenchent. Il y a aussi un rôle de défense des intérêts, et c'est à ce titre que nous avons préconisé des changements pour promouvoir la concurrence. Par exemple, nous avons préconisé la déréglementation des entreprises de télécommunications. En matière d'application de la loi, une disposition spécifique doit s'appliquer avant que nous ne puissions intervenir.
Mme Bev Oda: Dans un discours que la commissaire Sheridan Scott a prononcé en décembre dernier devant l'IIC, elle a dit qu'il fallait renforcer la méthode d'analyse du marché, que le Bureau de la concurrence avait une structure analytique bien définie et que le CRTC devait s'en servir pour prendre ses décisions.
Or, vous venez de dire que vous ne tenez pas compte de la propriété d'une société. Pensez-vous que le CRTC serait en mesure de s'acquitter du mandat que lui confère la Loi sur la radiodiffusion s'il utilisait le cadre du Bureau de la concurrence?
M. Gaston Jorré: Je ne me souviens pas de l'intégralité de ce discours, mais je crois que la commissaire parlait d'une partie spécifique de l'analyse du CRTC à laquelle notre expertise pourrait s'appliquer, à savoir l'analyse des effets de la concurrence sur le marché.
Je ne pense pas que ses propos concernaient l'ensemble du mandat et des décisions du CRTC. Elle faisait référence à une analyse concurrentielle, c'est-à-dire un élément parmi tous ceux que le CRTC prend en considération.
Mme Bev Oda: Il y était également question de son étude des fusions. La compétence du Bureau de la concurrence recoupe celle du CRTC en ce qui concerne les fusions. C'est ce qu'elle a indiqué. Elle a dit également que dans l'étude des fusions, le Bureau met à juste titre l'accent sur la possibilité des effets prévisibles sur la concurrence. Or, je considère que si le Bureau de la concurrence fait une analyse, le Conseil devrait également en faire une pour tenir compte de son mandat concernant les questions de diversité et de culture.
M. Gaston Jorré: Oui, le mandat du CRTC englobe des considérations plus larges. Je ne pense pas que l'argument de la commissaire ait porté sur autre chose que les considérations de concurrence.
La présidente: Merci.
Monsieur Kotto.
[Français]
M. Maka Kotto (Saint-Lambert, BQ): Merci, madame la présidente.
Bonjour et bienvenue. Je suis désolé d'être légèrement en retard. J'ai néanmoins saisi l'essentiel de vos propos.
Si je comprends bien, votre mandat se limite strictement à l'aspect administratif, c'est-à-dire l'application de la loi dans le contexte du marché. Pour ma part, je suis préoccupé par la souveraineté culturelle. La réflexion que nous avons entamée touche l'industrie du cinéma.
Dans votre façon de considérer ce qui se passe dans le domaine de l'exploitation cinématographique, faites-vous une différence entre fusion et convergence et fusion et concentration?
M. Gaston Jorré: Nous appliquons notre loi, qui comporte des dispositions particulières. Lorsque nous analysons une fusion, le fait qu'il y ait une certaine convergence entre différents médias est un facteur que l'on doit nécessairement prendre en compte. Par exemple, lorsqu'en vertu d'une transaction, une même entité devient propriétaire de médias écrits et de médias de radiodiffusion, nous devons entre autres considérer s'il s'agit de marchés particuliers. Ainsi, dans le cas de la publicité, on doit se demander si cette dernière est dans le même marché que la radio, la télévision et la presse écrite ou dans un marché séparé.
La convergence a une incidence sur les questions que nous devons nous poser lorsque nous appliquons notre loi. Je ne suis pas sûr d'avoir vraiment répondu à votre question.
¿ (0925)
M. Maka Kotto: Je lis entre les lignes, mais il reste que je tentais de savoir, en vous posant cette question, si vous appliquiez la loi au pied de la lettre. Je me demandais si vous n'aviez pas une certaine vision politique qui rejoint ma préoccupation, c'est-à-dire la souveraineté culturelle.
Je vous ai entendu plusieurs fois parler d'ouverture du marché. Devrions-nous comprendre qu'il s'agit en fait de libéralisation du marché?
M. Gaston Jorré: En général, nous aspirons à ce qu'il y ait le plus de concurrence possible. Comme champions de la concurrence, cela va de soi. Cependant, la loi comporte des tests. Nous appliquons ces derniers, et le résultat, dans la loi, est dicté par les tests.
M. Maka Kotto: Le Canada dans son ensemble est confronté à l'hégémonie américaine en matière de cinéma — le temps d'écran est d'environ 96 p. 100 au Canada et de 94 p. 100 au Québec —, et le cinéma autochtone n'a que peu de chance d'exister dans un tel contexte. Cette situation vous préoccupe-t-elle? Avez-vous l'intention de faire des recommandations à ce sujet?
Je ne sais pas s'il est de votre mandat d'alerter Patrimoine canadien ou d'autres entités gouvernementales concernant cette question délicate. Celle-ci aura des répercussions sur le projet de Convention sur la diversité culturelle, dont vous avez peut-être entendu parler. L'objectif de cette entreprise est de sauvegarder cette diversité. Il reste qu'au Canada, nous faisons face à une hégémonie, et cela me préoccupe énormément.
M. Gaston Jorré: Les questions culturelles en soi ne font pas partie de notre mandat. Évidemment, le fait d'assurer la concurrence a des répercussions. Toutefois, notre mandat ne porte pas sur la politique ou la culture. C'est la responsabilité d'autres agences et ministères.
Cela dit, je crois que peu importe le domaine, il est souhaitable de promouvoir la concurrence.
M. Maka Kotto: Est-ce que vous admettez qu'il y a une carence dans votre mandat, compte tenu que vous régissez la concurrence sur le marché?
M. Gaston Jorré: Le gouvernement et le Parlement ont créé d'autres entités qui se chargent de la politique culturelle. Cela relève du ministère du Patrimoine canadien et d'autres organismes.
M. Maka Kotto: Quand on parle des règles du commerce, on a tendance à penser à la concurrence. C'est ce qui m'a amené à vous demander si l'ouverture du marché à laquelle vous faisiez allusion impliquait que vous étiez favorable à la libéralisation de ce même marché. Les deux choses sont liées, à mon avis.
Les politiques de préférence nationale, par exemple les quotas, existent pour la musique depuis 35 ans. Nous avons pu protéger la musique autochtone en faisant en sorte qu'elle soit diffusée sur les ondes. De telles dispositions n'existent cependant pas pour le cinéma. Lorsqu'on parle de concurrence et qu'on fait allusion à votre organisme, on a tendance à penser qu'il a ou devrait avoir un rôle à jouer dans ce domaine.
Or, si ce n'est pas le cas, ne s'agit-il pas là d'une carence de votre mandat?
¿ (0930)
M. Gaston Jorré: Notre mandat est très spécifique: il consiste à promouvoir la concurrence. Or, le gouvernement a choisi d'autres façons de traiter de politique culturelle.
M. Maka Kotto: Je ne parlais pas de politique culturelle, mais strictement de l'incidence qu'a votre rôle sur cette politique dans différentes sphères.
J'aimerais que vous parliez des réseaux radiophoniques, des transactions ou d'autres sujets du genre, mais ce n'est pas le sujet à l'ordre du jour. Si aucune vision ne sous-tend votre action, au point de vue idéologique, vous êtes libre d'opter soit pour le fédéralisme, soit pour la protection de l'identité nationale.
M. Gaston Jorré: Nous sommes quand même liés par certaines dispositions. En cas de fusion, la loi contient un test très spécifique. Selon l'article 92 de la Loi sur la concurrence, il faut déterminer si cette transaction se traduira ou non par une réduction sensible de la concurrence.
Nous devons mettre cela en application. Le Parlement a adopté ce test politique sur la concurrence. Il en va de même pour les autres dispositions, que ce soit pour l'abus de dominance ou autre chose.
M. Maka Kotto: D'accord, je vous remercie.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Silva.
M. Mario Silva (Davenport, Lib.): Merci.
Tout d'abord, je vous remercie d'être des nôtres ce matin.
J'aimerais me renseigner sur vos procédures de plainte. Vous avez signalé que vous recevez des milliers de plaintes et qu'en 2002, à l'occasion d'une enquête sur la distribution des films, vous en aviez reçu de nombreuses.
J'aimerais savoir ce que représentaient ces plaintes en pourcentage du total des plaintes que vous recevez.
M. Gaston Jorré: Avant d'en venir à la réponse concernant les plaintes sur le cinéma, que je vais confier à Richard, vous devez savoir que nous assumons plusieurs rôles, notamment en matière de publicité trompeuse. Les plaintes portent donc sur toutes sortes de sujets.
Je n'ai pas les chiffres concernant l'ensemble des plaintes, et je ne me souviens pas si nous les avons publiées. En tout cas, le total est très important. Je n'en connais pas la répartition, mais je pense qu'une bonne partie des plaintes aboutissent à la Direction générale des pratiques loyales des affaires, qui s'occupe de publicité trompeuse, et c'est ce service qui veille à la transparence du marché.
Vous avez ensuite posé une question sur le pourcentage de ces plaintes, et je n'ai pas vraiment compris le...
M. Mario Silva: Quel est le pourcentage de plaintes concernant les films par rapport au total des plaintes reçues par le Bureau?
M. Gaston Jorré: C'est une petite proportion du total.
M. Mario Silva: Mais vous ne connaissez pas ce pourcentage? Est-ce 5 p. 100, 2 p. 100?
M. Gaston Jorré: C'est très peu par rapport au total.
M. Mario Silva: Et quand vous recevez ces plaintes, selon quelles lignes directrices est-ce que vous les analysez?
M. Gaston Jorré: Le plus simple est d'établir des hypothèses sur le domaine de la plainte. S'agit-il d'un concurrent qui s'est plaint d'un abus de position dominante? S'agit-il d'un particulier qui se plaint de ce qu'il estime être de la publicité trompeuse? Ce n'est pas la même chose.
De façon générale, on commence par s'entretenir avec l'auteur de la plainte pour déterminer si la question qu'il aborde relève de la loi. Dans l'affirmative—et cela dépend essentiellement de la nature de la plainte—nous pouvons convoquer la partie mise en cause ou les concurrents. Tout dépend du domaine considéré.
Par exemple, s'il est question de publicité trompeuse, la première chose à faire est de considérer l'annonce en question et de la comparer aux autres. Richard pourra vous en dire plus sur la procédure suivie en cas d'abus de position dominante.
M. Richard Taylor: Certainement.
Pour en revenir à votre question précédente, la Direction générale des affaires civiles reçoit environ 600 plaintes par an. Cela peut aller de 450 à 650. D'après nos règles, nous prenons contact dans tous les cas avec le plaignant dans un délai de 24 heures. Souvent, la plainte ne relève pas de la Loi sur la concurrence. Il peut s'agir de la politique fiscale ou d'un domaine relevant de la compétence provinciale, auquel cas notre action est immédiate. Mais la majorité des plaintes posent des questions qui peuvent relever d'un problème de concurrence dont traitent les articles de la loi que ma direction générale est chargée d'appliquer.
La première étape consiste donc à réunir toute l'information auprès du plaignant. Après ça, nous vérifions nos dossiers, car nous avons déjà fait des analyses approfondies dans de nombreux domaines. Nous vérifiions nos dossiers et nous consultons les sources publiques d'information sur les intervenants. Nous essayons de corroborer les allégations en consultant les autres intervenants sur le marché. Nous nous entretenons avec la société à qui l'infraction est imputée.
Finalement, nous avons à décider si nous sommes fondés à croire qu'il y a eu contravention à la loi, si la plainte est fondée et s'il convient d'approfondir la question; ensuite, nous passons à ce que nous appelons une enquête, et nous pouvons exiger la production de documents et citer les personnes impliquées à comparaître.
Voilà essentiellement la procédure suivie.
¿ (0935)
M. Mario Silva: Ainsi les questions de bonus, d'incitatifs fiscaux et de subventions octroyées par diverses instances gouvernementales canadiennes ne relèvent pas de votre domaine de compétence. Si la ville A ou la province A souhaite s'approprier la production d'une autre province ou d'une autre ville, accorde un avantage indu à une production pour l'attirer, vous ne pouvez rien y faire?
Une voix : Non.
M. Mario Silva : C'est quelque chose qui ne relève absolument pas de vous.
Bien. Merci.
La présidente: Monsieur Schellenberger.
M. Gary Schellenberger (Perth—Wellington, PCC): Merci.
J'ai juste une ou deux remarques. Comme vous l'avez indiqué, on vous soumet chaque année des milliers de plaintes en matière de concurrence. Je suis persuadé que 90 p. 100 de ces plaintes ont trait au prix de l'essence. Je le comprends.
Permettez-moi seulement de faire une hypothèse. Imaginons que nous ayons, comme à l'heure actuelle, deux grands distributeurs et que l'un deux se retrouve en difficulté ou recherche la protection de la Loi sur les faillites tandis que l'autre s'efforce de se rendre maître du domaine en question. Je sais que nous avons beaucoup de distributeurs de moindre importance.
Quelle serait la décision probable dans ce cas particulier? Empêcheriez-vous le distributeur d'avoir le monopole de tous les cinémas, auquel cas beaucoup de théâtres se retrouveraient... devraient faire faillite et devraient fermer?
M. Gaston Jorré: Quand une société fait faillite, quand il y a « déconfiture de l'entreprise » , comme on dit, cela ajoute un élément supplémentaire à l'analyse d'une fusion ou d'une acquisition. Quand une société est en déconfiture, on procède à l'analyse habituelle de l'effet de la fusion, mais on doit se poser une question supplémentaire : si, sans l'acquisition ou la fusion, l'entreprises est condamnée à la faillite, au bout du compte, quel serait le meilleur cas de figure en matière de concurrence? Cela change un peu la donne, dans la mesure où il y a parfois d'autres acheteurs potentiels mais où il existe aussi des situations où c'est cela ou l'échec. Dans ces cas-là, on doit se demander : « En cas d'échec, quelqu'un va-t-il ramasser les morceaux et relancer l'affaire? »
Le problème est épineux. On y a fait face, par exemple, pour Air Canada et Canadian. Vous vous souviendrez que, en fin de compte, on a autorisé la transaction, mais en l'assortissant d'une série de conditions, y compris la libération de certains créneaux d'atterrissage dans les aéroports ayant une capacité restreinte, la libération d'espace aux portes d'embarquement, ainsi que certaines restrictions imposées à Air Canada—l'ensemble de ces mesures visant à faciliter l'entrée en scène de nouveaux acteurs.
C'est donc un élément à rajouter à l'équation. Le résultat final dépend des circonstances et des particularités du cas. Mais c'est, effectivement, une complication de plus.
M. Gary Schellenberger: Indubitablement. J'ai pleinement conscience du problème vu que, au sortir d'une série d'entretiens, il est manifeste que, si nous voulons voir des films qui autrement ne seraient pas projetés, il nous faut autant d'écrans que possible dans les cinémas. La fermeture de toute une série de ces écrans constituerait forcément un gros problème.
Il s'agissait juste d'une question hypothétique et je vous remercie de votre réponse.
¿ (0940)
Mme Bev Oda: Reste-t-il du temps?
La présidente: Oui, il vous reste un peu de temps, madame Oda : trois minutes.
Mme Bev Oda: J'aimerais rester sur le même sujet, si vous me le permettez. Vous avez indiqué être en faveur de la concurrence.
M. Gaston Jorré: Oui, notre mandat fait de nous, entre autres choses, les défenseurs de la concurrence. C'est ainsi que nous définissait l'ancien commissaire : comme le défenseur et le champion de la concurrence.
Mme Bev Oda: Et cependant vous décrivez votre organisme comme un organisme de mise en application indépendant.
M. Gaston Jorré: Oui.
Mme Bev Oda: Cela étant, votre mandat à cet égard ne devrait-il pas émaner directement de la loi plutôt que d'en être distinct?
M. Gaston Jorré: Il est prévu dans la loi, qui nous donne, par exemple, le droit d'intervenir auprès de différents conseils et tribunaux afin de défendre la concurrence. Avec la permission du conseil concerné, nous avons également le droit de comparaître devant des organismes provinciaux.
Mme Bev Oda: Donc, quand vous vous dites en faveur de la concurrence, vous agissez en fait dans le cadre de la loi qui régit le Bureau; c'est parce que cette loi est en faveur de la concurrence que vous l'êtes.
Si donc le comité ou le gouvernement estimait que la concurrence était une bonne chose mais que, disons, il conviendrait d'avoir une surveillance en matière de participation canadienne à un marché concurrentiel, il devrait se pencher sur la loi qui vous gouverne.
M. Gaston Jorré: Ou sur d'autres instruments législatifs. Le gouvernement a toute une série d'autres instruments en matière de politique culturelle. Si le gouvernement et le Parlement le souhaitent, ils peuvent effectuer des changements en utilisant les instruments spécifiquement axés sur la politique culturelle.
La présidente: Le temps qui vous était alloué est écoulé, madame Oda.
Mme Bev Oda: J'ai un dilemme : dans un marché libre et ouvert, où le gouvernement estime que la concurrence est généralement une bonne chose, comme en attestent ses mesures législatives, l'efficacité d'instruments allant à contre-courant de la tendance générale du marché est problématique. Quand un élément canadien ne trouve pas son rôle ou sa place dans un marché libre et ouvert, que faire, quand le Bureau de la concurrence déclare qu'il a un mandat et qu'il fait ce qu'il est censé faire? Vous comprenez ce que j'essaye de dire?
M. Gaston Jorré: Permettez-moi de souligner la multiplicité des politiques et des objectifs gouvernementaux. Ils sont étayés par toute une série d'instruments; ainsi existe-il dans la Loi sur Investissement Canada des règles qui touchent la politique culturelle; ils s'appliquent en concomitance avec la loi qui nous régit.
La présidente: Merci.
Monsieur Lemay.
[Français]
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ): Ma question s'adresse à M. Jorré. En passant, j'ai bien apprécié ce que vous avez dit.
Je pense comprendre où vous vous situez par rapport à la Loi sur la concurrence et à l'importance de l'ouverture des marchés, de la libéralisation des marchés. Je suis avocat dans mes temps libres, et l'article 77 de la Loi sur la concurrence me préoccupe. Cet article, selon moi, est assez vaste pour vous confier plusieurs mandats. Toutefois, j'imagine que vous ne devez pas le regarder à toutes les semaines. Selon moi, il s'applique peu à l'industrie.
Pour vous situer, notre champ d'investigation est l'industrie du cinéma au Canada. Notre objectif est qu'il se fasse plus de cinéma au Canada — peut-être davantage par le biais de la coproduction —, que le cinéma au Canada soit plus vu, etc. Un des moyens a notre disposition est, bien évidemment, la télévision. Nous souhaitons que la télévision soit proactive sur le plan de l'industrie du cinéma.
Je vais finir par arriver à ma question. Je voulais vous laisser le temps de trouver l'article 77. J'essaie de voir comment on peut empêcher, par le biais de l'article 77, une entreprise de... On a parlé de convergence, de fusion et de regroupement. La situation du Québec est particulière. Nous voulons protéger notre culture à tout prix. Par conséquent, comment peut-on empêcher cela en vertu de l'article 77 de la Loi sur la concurrence? Il faut une plainte. Il faut que des citoyens se plaignent, si je comprends bien, pour qu'il y ait une enquête comme celle que vous avez faite dans le cas du dossier d'Onex.
Est-ce que je comprends bien?
¿ (0945)
M. Gaston Jorré: Les plaintes ne sont pas la seule façon d'entreprendre l'étude des causes. Cela peut être déclenché par une fusion ou par une notification obligatoire pour les grandes fusions. Cela peut commencer par un phénomène qui a été porté à notre attention sans forcément qu'il y ait de plainte. Cela dit, je ne suis pas sûr de comprendre quel est le lien entre l'article 77 et la promotion des industries culturelles.
M. Marc Lemay: En fait, il s'agit non pas de la promotion des industries culturelles, mais de leur défense. En effet, l'article 77 contient la notion d'exclusivité et de limitation du marché. Je me pose des questions. Vous intervenez après la transaction.
M. Gaston Jorré: Oui, c'est dans la nature des choses, compte tenu de ces dispositions.
M. Marc Lemay: Si on veut loger une plainte conformément à cet article, il faut la rédiger en respectant le contenu de l'article 77 de la Loi sur la concurrence. C'est ce que je comprends.
M. Gaston Jorré: C'est le domaine de Richard.
M. Marc Lemay: Je sais que c'est davantage le domaine de M. Taylor, mais vous pouvez parler en anglais.
M. Richard Taylor: Vous avez raison. Nous appliquons la loi. Il y a beaucoup d'articles, et chacun comporte des exigences relativement à ce que nous devons démontrer pour obtenir une condamnation.
M. Marc Lemay: Cependant, la condamnation n'est pas toujours l'objectif. L'objectif peut être aussi la réorganisation de l'entreprise. Est-ce que je me trompe?
M. Richard Taylor: Oui.
M. Gaston Jorré: Le remède typique actuel prévu par ces dispositions — les dispositions civiles autres que les fusions — est de changer le comportement. Comme vous le savez, le Parlement étudie présentement le projet de loi C-19, qui prévoit de nouvelles amendes.
M. Marc Lemay: Avez-vous bien parlé du projet de loi C-19?
M. Gaston Jorré: Oui. Mais cela ne changerait pas les dispositions. Cela ajouterait simplement des amendes aux remèdes prévus dans le domaine des dispositions civiles, en plus de l'ordonnance de ne plus faire la chose.
M. Marc Lemay: Merci.
[Traduction]
La présidente: Comme mes collègues n'ont plus de question, je vais peut-être vous en poser une ou deux.
La première a trait à l'étude que vous avez entreprise en 2000. Quand vous discontinuez une enquête, est-ce que vous publiez vos constatations et est-ce que vous expliquez vos raisons pour y mettre fin?
M. Richard Taylor: En général, il y a une annonce sous forme de communiqué de presse ou de bulletin. Nous y énumérons généralement certaines des raisons pour lesquelles, selon nous, la plainte n'était pas fondée. Ce sont des renseignements qui figurent également dans notre rapport annuel, que nous sommes tenus de présenter au Parlement.
¿ (0950)
La présidente: Existe-t-il des modalités permettant de critiquer vos raisons pour discontinuer une enquête?
M. Richard Taylor: Le ministre de l'Industrie peut nous ordonner de revoir une question aux termes des dispositions spécifiques de la Loi sur la concurrence.
La présidente: Autre question, sur les fusions, cette fois-ci. Les sociétés sont-elles tenues de vous informer? Par exemple, c'est seulement quand vous vous penchiez sur une autre fusion que vous avez constaté que Famous Players avait fusionné avec Galaxy. Je vois mal comment les actifs combinés de ces sociétés étaient inférieurs à 70 millions de dollars.
M. Gaston Jorré: Les règles rendant un avis obligatoire dépendent de deux facteurs : un critère ayant trait au montant de la transaction, et un à la taille des deux parties, les deux critères devant être satisfaits. Le critère ayant trait au montant de la transaction fixe celle-ci à 50 millions de dollars. Il était autrefois de 35 millions de dollars. Cela s'applique à ce dont on se porte acquéreur et cela se mesure de différentes façons. Nous devons être avisés au-delà de ces deux seuils. La taille des parties est de 400 millions de dollars.
La présidente: Troisièmement, vous avez dit avoir le droit d'intervenir auprès des conseils ou des commissions en matière de concurrence. Avez-vous eu l'occasion de le faire pour le CRTC, par exemple?
M. Gaston Jorré: Dans le domaine des télécommunications— Richard.
M. Richard Taylor: Il est souvent arrivé dans le passé en matière de déréglementation du marché de l'interurbain, comme c'est le cas maintenant, on annonce la tenue d'une audience pour examiner la déréglementation des marchés locaux. Nous avons souvent comparu devant le CRTC au sujet de questions de politique de télécommunications.
M. Gaston Jorré: Il nous est aussi arrivé de témoigner devant des conseils provinciaux.
La présidente: Une dernière question.
Est-ce une infraction de refuser de fournir un produit compte tenu de l'exclusivité?
M. Richard Taylor: Cette question est visée par l'article 75, qui comporte certaines conditions. Cela dépend en grande partie de la question de savoir si les conditions énumérées dans cet article sont respectées.
Je vais vous donner quelques exemples. Il faut que la personne à qui on refuse un produit subisse des conséquences néfastes ou ne puisse pas poursuivre ses activités à cause de ce refus et ne puisse pas obtenir le produit ailleurs sur le marché. À cause d'une concurrence insuffisante, la personne visée doit subir des conséquences graves et la concurrence aussi. Ce sont certains des facteurs à examiner. Un refus comme tel n'est pas illégal.
Par exemple, je voudrais bien obtenir une concession de Toyota à Nepean. Je pourrais donc aller voir Toyota et dire : j'aimerais devenir concessionnaire de Toyota à Nepean parce que Toyota vend beaucoup d'automobiles et que je pourrais faire beaucoup d'argent. Ce ne serait pas illégal aux yeux de la loi. Toyota a le droit de fournir des automobiles à n'importe qui. La loi ne limite nullement ce droit, seulement dans les conditions que j'ai mentionnées.
La présidente: Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris ces conditions. Si un distributeur américain refuse de distribuer son produit au Canada parce qu'il n'est pas d'accord avec un règlement quelconque, pouvez-vous considérer que c'est de l'exclusivité et que cela constitue une infraction?
M. Richard Taylor: Il faudrait que je sois au courant de toutes les circonstances entourant cette décision, mais si ce fournisseur avait décidé de boycotter le Canada pour appliquer certaines pratiques anticoncurrentielles en disant : je refuse de fournir mon produit au Canada tant que je n'aurai pas la totalité de vos écrans, cela serait anticoncurrentiel. Par ailleurs, si ce même fournisseur décidait de ne pas faire affaire au Canada à cause de règlements ou de politiques du gouvernement, ce ne serait probablement pas une question de concurrence. Du moins, c'est ce que je pense.
La présidente: Merci.
D'autres membres du comité ont-ils des questions?
Dans ce cas, messieurs Jorré et Taylor, nous vous remercions de votre contribution et de votre exposé.
J'invite M. Farber à s'avancer.
Monsieur Farber et monsieur Short, bon nombre de témoins nous ont parlé des crédits d'impôt pendant nos audiences. La politique relative aux crédits d'impôt est un aspect important du succès de la production cinématographique au Canada et c'est pourquoi nous vous avons invités à témoigner ce matin.
Avez-vous un exposé ou des observations quelconques à nous faire?
¿ (0955)
M. Len Farber (directeur général, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances): Oui, madame la présidente. Je vais d'abord dire quelques mots pour faire l'historique des incitatifs fiscaux visant l'industrie cinématographique du Canada.
Je vous présente d'abord mon collègue, M. Ed Short, qui est agent principal de la politique de l'impôt à la Direction de la politique de l'impôt du ministère des Finances et qui s'occupe depuis déjà longtemps de la politique relative à l'industrie cinématographique.
Je suis heureux d'être avec vous ce matin, madame la présidente. Je suis particulièrement ravi de passer après les gens de la politique de la concurrence. C'est très bien de pouvoir passer des questions complexes aux questions bien terre à terre de la politique fiscale.
La politique fiscale relativement à l'industrie cinématographique a évolué au cours d'une très longue période. Au début des années 1970, il n'y avait pas grand-chose comme industrie cinématographique au Canada. Il y avait très peu de compagnies cinématographiques à participation étendue. Il y avait quelques petites compagnies de production éparpillées dans le pays, mais elles ne faisaient pas grand-chose.
En 1974, le gouvernement a instauré un abri fiscal ou programme de déduction pour amortissement qui visait essentiellement à permettre aux producteurs cinématographiques canadiens d'attirer des investisseurs. Ces investisseurs pouvaient amortir le coût d'acquisition du film ou de ce qu'on appelait à l'époque la production portant visa de façon courante. Autrement dit, le montant qu'ils payaient pour le film était déductible et leur servait d'abri fiscal pour compenser d'autres revenus non connexes.
Seulement une portion...
La présidente: Un instant, monsieur Farber. Ce n'est peut-être pas le cas de tous les autres membres du comité, mais je ne m'y connais pas tellement dans le domaine des politiques fiscales et de l'amortissement des coûts. Pouvez-vous nous expliquer tout cela de façon très simple?
M. Len Farber: La déduction pour amortissement est seulement un terme fiscal qui désigne la dépréciation. Si vous payez 100 $ pour acheter un film, vous pouvez déduire ce montant comme dépense sur votre déclaration d'impôt pour réduire d'autres revenus non connexes. C'est comme investir dans un REER ou dans tout autre instrument qui constitue une dépense déductible.
C'est ce qui fait un abri fiscal. Cela vous permet de mettre d'autres revenus non connexes à l'abri, par opposition aux dépenses qui sont normalement subies pour gagner un revenu. Les dépenses produisent un revenu, ce qui vous donne un revenu net et donc un revenu imposable.
Voilà donc comment fonctionne un abri fiscal et cela intéresse tout particulièrement les gros investisseurs, bien sûr, dans la mesure où ils ont un revenu imposable très élevé vu que leurs dépenses courantes visent en principe à produire un revenu plus tard. Ces abris fiscaux permettent de faire des déductions dans l'espoir d'obtenir un revenu plus tard.
Cependant, seulement une partie du coût de cet incitatif fournissait un avantage aux producteurs cinématographiques parce que, si l'on veut obtenir un financement de divers investisseurs, il faut offrir quelque chose à divers types d'investisseurs dans le cadre de cet abri fiscal.
Le producteur doit obtenir de l'argent de l'investisseur qui veut obtenir quelque chose en retour. Le promoteur qui vend l'abri fiscal veut aussi obtenir une partie des fonds qu'il obtiendra et cet argent doit plus tard être utilisé pour la production d'un film.
Au milieu des années 80, je pense, le ministère du Patrimoine canadien a chargé la firme de comptables agréés Ernst & Young d'entreprendre une étude à ce sujet. Si je me rappelle bien, cette étude avait établi que les avantages d'un tel abri fiscal étaient divisés en trois, soit un tiers pour les investisseurs, un tiers pour les promoteurs et un tiers pour les producteurs du film, ce qui était nettement une façon tout à fait inefficace d'appuyer la production cinématographique.
Les gouvernements se sont toujours intéressés aux abris fiscaux, pour bon nombre des raisons que je viens de donner, et, au moment de la réforme fiscale de 1985-1986, le gouvernement a commencé à limiter le recours aux abris fiscaux. C'est à ce moment-là que l'on a commencé à éliminer les abris fiscaux pour la recherche et le développement et que l'on a instauré certaines autres mesures pour les investissements spéculatifs afin de garantir que les investisseurs obtiendraient des avantages fiscaux uniquement pour les montants qu'ils étaient prêts à risquer. Autrement dit, s'ils empruntaient du producteur ou du promoteur qui offrait un tel genre d'investissement, et s'ils n'avaient aucun recours pour rembourser ce prêt, ils n'auraient pas droit à l'abri fiscal. On a donc commencé à limiter le recours aux abris fiscaux à compter du milieu des années 80.
Le gouvernement fédéral a annoncé un changement de politique dans son budget de 1995 à l'égard des incitatifs pour les producteurs canadiens de films et de vidéos. Le nouvel incitatif pour ces produits culturels était un crédit d'impôt remboursable calculé en fonction des dépenses de main-d'oeuvre admissibles des compagnies de production admissibles. Ce nouveau mécanisme de crédit permettait d'obtenir un crédit d'impôt pleinement remboursable jusqu'à concurrence de 12 p. 100 du coût admissible de deux compagnies canadiennes pour ce qu'on appelait les productions cinématographiques ou vidéo canadiennes portant visa
Une production cinématographique ou vidéo canadienne portant visa était une production qui respectait certains critères établis par le ministère du Patrimoine canadien et qui portait sur le nombre d'acteurs et de producteurs canadiens, les droits de propriété, les droits d'auteur, etc. Tous ces critères établis par le ministère du Patrimoine canadien faisaient partie du règlement de la Loi de l'impôt sur le revenu et devaient être certifiés par le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens, ou BCPAC.
À (1000)
La nouvelle définition de productions admissibles était en fait essentiellement la même que celle des productions qui donnaient droit aux abris fiscaux dont je parlais tout à l'heure.
Le crédit lui-même se calcule comme 25 p. 100 des coûts de main-d'oeuvre admissibles qui, au moment de la création de la mesure, ne pouvaient pas dépasser 48 p. 100 du coût du film ou de la production vidéo. Quand on fait les calculs, cela revient à un crédit de 12 p. 100, ce qui revient donc à 25 p. 100 de la moitié du coût du film, en gros. Dans le budget de 2003, le ministre des Finances de l'époque a annoncé le relèvement de ce plafond de 48 à 60 p. 100. De même, le crédit maximal est passé à 15 p. 100.
Comme je l'ai dit il y a quelques instants, le ministre du Patrimoine canadien est chargé d'attester qu'un film respecte donc les règles concernant le contenu canadien. Cela vise, comme je l'ai dit, le contenu culturel, le degré de propriété, le nombre d'acteurs canadiens et ainsi de suite, selon un système de points. Les films à contenu canadien doivent obtenir au moins six points sur dix, je crois, pour être considérés comme une production canadienne.
Dans ce contexte, il faut admettre que la quasi-totalité des provinces ont des mesures d'encouragement semblables pour ce genre de production canadienne. Dernièrement, l'Ontario et la Colombie-Britannique ont fait passer le taux de leur crédit pour les films à contenu canadien de 20 à 30 p. 100, tandis que le Québec offre jusqu'à 39 p. 100 pour les films de langue française.
On constatera que les encouragements à la production au Canada, pris collectivement, sont assez généreux et cela tient au contenu canadien et au fait que cela profite aux travailleurs canadiens. Il s'agit ici d'emplois assez hautement rémunérés, d'emplois importants, et il ne fait pas de doute que de ses balbutiements en 1974 à ce qu'elle est aujourd'hui, l'industrie a énormément évolué. Il y a beaucoup de grandes sociétés ouvertes dans le secteur de la production cinématographique. Il y en a beaucoup de plus petites qui produisent des films régionaux et je ne sais quoi et c'est devenu un secteur très important qui emploie un grand nombre de Canadiens et qui représente un excellent bassin de compétences, à tel point que quantité de grandes maisons de production américaines tournent un grand nombre de films au Canada.
Je suis certain que la présidente et les membres du comité savent pour l'avoir lu ou en avoir entendu parler quelles sont les difficultés de l'emploi dans certaines régions à cause de l'incertitude qui plane au sujet de la poursuite de l'activité de ces maisons de production au Canada.
Cela a essentiellement à voir avec le crédit étranger, qui est une autre mesure d'encouragement industriel applicable aux services de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne qui est offerte pour les films qui n'ont pas un degré suffisant de propriété canadienne ou de contenu culturel canadien pour avoir droit au crédit pour contenu canadien.
Le crédit étranger a été instauré sous forme de crédit remboursable de 11 p. 100 des salaires versés à des résidents canadiens pour des services exécutés au Canada. Le pourcentage a été porté à 16 p. 100 dans le budget de 2003. Les règlements concernant le crédit étranger dépendent en général de la possibilité pour le genre cinématographique, la composition du film ou la production d'être attesté par le ministre du Patrimoine canadien comme production agréée. Encore une fois, il existe une sorte de mécanisme d'attestation pour avoir droit au crédit étranger. Qu'il suffise de dire qu'un film donné ne peut pas avoir droit aux deux genres de crédits; vous appartenez à une catégorie ou à l'autre.
Encore une fois, en ce qui concerne ce crédit remboursable pour les services cinématographiques, la quasi-totalité des provinces ont des encouragements semblables qui varient entre 11 et 18 p. 100 et vont jusqu'à 20 p. 100 dans le cas du Québec. Tout compte fait, l'ensemble des crédits fédéraux et provinciaux à la création cinématographique au Canada a pris de l'expansion au fil des années.
À (1005)
C'est une source de financement important qui a été inestimable pour l'industrie, à en juger d'après sa croissance au fil des ans. On espère qu'avec le temps, le secteur sera autosuffisant. Au fur et à mesure de sa croissance et de sa prospérité, le bassin de gens talentueux se développera, les studios de production seront construits partout au pays et sa survie sera assurée, sans aide.
C'était un bref survol des diverses mesures incitatives. Il y a d'autres formes directes de mesures incitatives gouvernementales, soit des subventions, qu'il s'agisse d'octrois à CBC, à Téléfilm Canada ou au Fonds canadien de télévision, qui appuient la conception de séries télévisées et d'autres productions. Il y a une foule de dépenses directes associées à l'essor du secteur canadien de la cinématographie.
Mon collègue Ed Short et moi-même sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
À (1010)
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Schellenberger.
M. Gary Schellenberger: C'était intéressant d'entendre tous ces chiffres et d'apprendre comment fonctionnent les choses. Dans beaucoup de nos séances, on a parlé de crédits d'impôt et d'abris fiscaux et de la façon dont cela aide l'industrie cinématographique. C'était bon d'avoir aujourd'hui des explications à ce sujet.
Est-ce qu'un abri fiscal pourrait être créé pour que davantage d'argent soit consacré à la production de films? Je sais que l'argent ne se rend pas toujours à destination. C'est l'une des plaintes que formulent fréquemment les producteurs. Quand ils prévoient réaliser un film, il leur faut d'abord s'adresser à une banque pour obtenir de l'argent. Ils reçoivent beaucoup d'argent du gouvernement, ou d'autres sources, qui ne sert qu'à compenser pour les frais d'intérêt sur les capitaux inutilisés. Un producteur nous a déclaré que les banques offraient des taux de 2 p. 100 à 2,5 p. 100 supérieurs au taux préférentiel. Mon taux hypothécaire est inférieur de .75 p. 100 au taux préférentiel. C'est étonnant. Ils obtiennent des prêts dont l'intérêt est supérieur de 2,5 p. 100 au taux préférentiel et les banques savent qu'elles font de l'argent. En effet, une bonne part des crédits d'impôt se retrouvent entre les mains des banques.
Y a-t-il moyen d'accorder les fonds un peu plus tôt dans le programme, afin que les producteurs ne soient pas forcés d'emprunter autant?
M. Len Farber: Il nous serait très difficile de répondre directement à cette question puisque nous n'avons pas la responsabilité de l'administration du programme. Cela relève en effet de l'Agence du revenu du Canada et du bureau de certification de Patrimoine canadien.
Ce que je peux vous dire, toutefois, d'après ce que nous savons, c'est que l'Agence du revenu du Canada une fois qu'elle dispose de toute l'information essaie de traiter le dossier en 90 jours. C'est un délai assez raisonnable. Mais rappelons qu'il faut que l'Agence ait en main toute l'information. Nous avons reçu des plaintes de bon nombre de producteurs selon lesquels ils n'avaient pas accès aux crédits comme vous l'aviez décrit, et que cela leur coûtait cher. Nous avons toutefois appris, en posant les questions nécessaires, que toute l'information n'avait pas été fournie, que les demandes et les papiers à remplir et à envoyer au Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens n'avaient pas été remplis en bonne et due forme. Quand toute l'information est là, nous dit-on, le dossier peut être traité assez rapidement.
En outre, les sociétés de production qui ont des antécédents, qui existent depuis quelque temps et qui sont connues tant de l'Agence que du Bureau de certification peuvent avoir un service plus rapide. Quand on sait avec qui on traite, on n'a pas à mettre les points sur les i et on peut traiter plus rapidement un dossier. Dans la mesure où les maisons de production gagnent en expérience, ayant été dans le secteur du cinéma depuis des années, le délai de 90 jours peut être raccourci. Mais pour les nouvelles entreprises, ou celles qui sont constituées le temps d'un film, qui n'ont pas d'antécédents, il faut comprendre que les divers ministères feront de leur mieux pour vérifier que les sociétés auxquelles sont accordés ces crédits parfois importants sont légitimes et font ce qu'elles prétendent faire. De ce point de vue là, je pense que tout fonctionne raisonnablement bien.
J'aimerais dire aussi qu'avec le temps, les institutions financières ont appris à connaître le secteur du cinéma. Étant donné le bilan du secteur depuis le début des années 70, on peut comprendre certaines réticences des institutions financières. Mais à mesure qu'elles ont gagné en expérience, à mesure que les produits se sont améliorés, sont devenus très commercialisables et rentables... Je pense que les réticences des banques ne sont plus ce qu'elles étaient. Il est clair que certaines institutions financières participent très activement au développement du secteur du cinéma et ont beaucoup contribué à la production de films canadiens.
À (1015)
M. Gary Schellenberger: Il y a une chose dont nous avons parlé. Vous avez expliqué qu'en Ontario et en Colombie-Britannique, et en Saskatchewan aussi, je pense, on avait augmenté les crédits d'impôt et que cela avait eu un effet positif. Je sais que d'après les sociétés de production et les producteurs auxquels nous avons parlé, ces crédits d'impôt ont été utiles. Je sais qu'on a peut-être abusé des crédits d'impôt, ou que c'était le cas il y a quelques années et que depuis, des restrictions ont été imposées. Ai-je bien compris? Y a-t-il moyen de protéger ce régime? Pourrait-on augmenter les crédits d'impôt, même d'un faible pourcentage, pour encourager le secteur de la cinématographie?
M. Edward Short (agent principal de la politique de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances): En fait, au sujet du crédit d'impôt, il n'y a pas eu d'abus. Le problème se trouve plutôt du côté des abris fiscaux.
Je suis désolé, j'ai oublié la deuxième partie de votre question.
M. Gary Schellenberger: Vous avez presque répondu à ma question. Il y a une différence entre les crédits d'impôt et les abris fiscaux?
M. Edward Short: Oui.
M. Len Farber: Oui, comme mon collègue vient de le dire, il n'y a pas eu beaucoup d'abus du régime du crédit d'impôt, simplement parce qu'il s'appliquait directement aux sociétés de production. Les promoteurs et les investisseurs ne sont pas mêlés à ce système, et n'essaient pas de le corrompre. Dans les premières années, on a resserré les règles s'appliquant aux abris fiscaux sans toutefois les éliminer, en essayant d'avoir le plus de contrôles possible.
Manifestement, il ne faut jamais sous-estimer l'ingéniosité des fiscalistes. Dès qu'on resserrait les règles, quelqu'un trouvait le moyen de les contourner. La différence entre un programme d'abri fiscal qui, en gros, donne à d'autres les déductions dont ne peut profiter une société de production, puisque ces recettes nous viennent plus tard, et un crédit d'impôt fondé sur les dépenses de main-d'oeuvre... Ce sont des dépenses tout à fait contrôlables, vérifiables. Les travailleurs reçoivent des feuillets T4 et nous connaissons exactement les sommes versées, ou comment sont optimisées les ressources. Elles sont versées directement aux travailleurs.
Il s'agit donc d'un régime auquel on peut avoir accès, pour recevoir des fonds presque immédiatement, du moins depuis que c'est remboursable.
M. Gary Schellenberger: J'ai encore une courte question, si vous permettez.
Vous dites que pour un film canadien, les critères sont de six points sur dix, compte tenu des acteurs et de tout le reste. Est-ce que le distributeur canadien fait partie de ces critères pour qu'un film canadien puisse avoir accès à ces mesures?
M. Edward Short: Non, le producteur doit faire partie d'une société de production qui s'occupe principalement de produire des films canadiens ou des productions vidéo canadiennes, donc un distributeur n'y serait pas généralement admissible. Il existe certaines maisons de production auxquelles sont affiliés des distributeurs, mais dans l'ensemble, la production est considérée comme une activité distincte de la distribution. Donc les distributeurs ne reçoivent pas... C'est ce qu'on appelle le crédit d'impôt à la production vidéo ou à la production cinématographique canadienne, parce qu'il s'agit d'un incitatif à la production cinématographique.
M. Gary Schellenberger: Très bien, je vous remercie.
La présidente: M. Kotto ou M. Lemay.
[Français]
M. Maka Kotto: Merci, madame la présidente. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt votre exposé, mais je vais vous poser une question générale, probablement philosophique; disons légèrement philosophique.
Dans un monde de plus en plus dominé par le darwinisme culturel sous la houlette de Hollywood, un monde où nous ne sommes plus à l'abri de l'homogénéisation, de la standardisation culturelle, donc un monde enclin à détruire la « biodiversité culturelle », quelle est, selon l'expérience que vous avez dans votre domaine, la meilleure politique fiscale qui devrait être mise en branle pour soutenir, promouvoir et diffuser le cinéma national, afin de se réapproprier un semblant de souveraineté culturelle dans ce domaine, étant donné que nous ne faisons pas le poids à côté du mastodonte qui dépense, pour deux films, des budgets qui correspondent au budget disponible pour la production cinématographique au Canada?
C'est très général, mais c'est une question philosophique.
À (1020)
[Traduction]
M. Len Farber: Tout d'abord, comme je ne m'y connais pas beaucoup sur cette question, je pourrais en parler davantage d'après mon expérience personnelle.
Même si je considère que le crédit d'impôt, conjugué à un processus d'attestation en ce qui concerne le contenu culturel, correspond à ce que le gouvernement peut élaborer de mieux comme programme pour appuyer le genre de produits culturels dont vous parlez, au bout du compte, cela n'aura pas d'incidence sur le plan économique. Si un film n'attire pas les gens au cinéma ou n'est pas distribué pour la télévision, il ne fera pas d'argent. Il faut trouver un processus quelconque qui permet aux produits d'obtenir le plus grand auditoire possible.
Je crois que les acteurs, les réalisateurs et les producteurs y parviennent, ceux qui possèdent une connaissance particulière du marché canadien, de l'histoire canadienne et de ce que veut voir le marché canadien et ce pour quoi il est prêt à payer. Mais au bout du compte, tout dépend des auditoires. La politique gouvernementale n'a pas vraiment d'influence à cet égard.
[Français]
M. Maka Kotto: Le gouvernement peut néanmoins développer des visions pour résister, pour protéger son identité nationale. Le cinéma, on le sait, véhicule une imagerie qui atteint directement la psyché collective et, donc, qui articule les comportements, qui définit les valeurs et qui nous mènerait probablement à perdre ou à renforcer notre identité. Le politique est également là pour cela.
[Traduction]
M. Len Farber: Je suis d'accord avec vous. La production cinématographique à contenu canadien, c'est-à-dire des films originaux de qualité à contenu canadien, bénéficie de l'aide gouvernementale à l'exclusion des autres. À ce titre, d'après ce que je crois comprendre, il s'agit d'un produit culturel qui est par conséquent exclu des modalités de l'ALENA parce qu'il s'agit de culture canadienne.
Dans ce contexte, je crois que cela est utile parce que l'on prévoit d'importants critères en matière de contenu canadien pour promouvoir la production de films canadiens. Cela s'ajoute à d'autres critères qui ne relèvent pas du système d'imposition, par exemple les critères du CRTC en ce qui concerne le contenu canadien des émissions de télévision et le pourcentage du produit qui doit être un produit national.
Je crois que l'ensemble de tous ces éléments contribue à promouvoir les films et les séries télévisées à contenu canadien au point où l'industrie, d'après ce que je crois comprendre, se débrouille assez bien au Canada et de cette façon le produit culturel canadien est protégé.
[Français]
M. Maka Kotto: Je vais poser une question de manière hasardeuse, car je ne sais pas si cela relève de votre mandat au ministère des Finances.
Compte tenu de la fuite des talents vers l'argent et la gloire, de l'autre côté de la frontière, avez-vous envisagé des politiques fiscales pour retenir les talents d'ici, surtout du côté du Canada anglais? On parle souvent de pauvreté dans ces milieux, de carences matérielles. Donc, quand les talents se retrouvent en marge, ils sont plus enclins à traverser parce qu'ils n'arrivent pas à survivre et qu'ils sont étouffés par une fiscalité qui les attrape quand ils réussissent à avoir un contrat au bout de cinq ans, après avoir galéré durant quatre ans. Avez-vous eu une réflexion ou des propositions pour retenir ces talents ici?
À (1025)
[Traduction]
M. Len Farber: Encore une fois, je crois que cette question ne relève pas directement de notre sphère de compétence. Je vais peut-être me répéter, mais je crois que les crédits cinématographiques pour le contenu canadien et la production de services—comme je l'ai dit plus tôt, il y a de nombreux studios américains qui tournent des films ici au Canada, et qui font beaucoup de tournages ici au Canada. La seule façon dont ils peuvent avoir accès aux crédits d'impôt, parce que c'est un incitatif industriel, c'est d'engager de la main-d'oeuvre canadienne. Grâce à ces deux éléments conjugués, nous avons développé une très importante réserve de talents. Les grandes maisons de production américaines tournent des films ici au Canada à mon avis parce qu'elles sont convaincues que le talent se trouve ici, tant au niveau de la production qu'au niveau des acteurs, et qu'elles sont en mesure de tourner de très bons produits ici dans des studios ultramodernes qui ont été construits à Toronto et en Colombie-Britannique, de même que dans d'autres régions du pays.
Je pense que c'est la combinaison de tous ces éléments qui assure sans aucun doute un gagne-pain à cette réserve de talents et fait en sorte qu'il y a suffisamment de travail pour tout le monde. Et dans la mesure où cette tendance se poursuit, je crois que nous aurons un milieu très dynamique grâce auquel on pourra continuer à tourner des films ici.
La présidente: Merci.
Monsieur Lemay.
Désolée, j'essaie tout simplement de voir ce qui se passe ici.
[Français]
M. Marc Lemay: Il y a un vote sur l'ajournement. Il faudra être à la Chambre des communes dans 30 minutes. C'est ce qu'on vient de nous dire.
J'aimerais poser une question très importante. L'article 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu traite des renseignements, de la communication de renseignements personnels, c'est-à-dire qui sont ou ont été les administrateurs d'un organisme, etc. On sait qu'il existe un projet d'amender cet article 241. On a demandé une modification à cet article de la loi. Êtes-vous au courant de cela? Si oui, à quel stade ce projet d'amendement est-il rendu?
[Traduction]
M. Edward Short: L'amendement dont vous parlez se trouve dans un avant-projet de loi qui a été rendu public pour consultation. Il n'a pas encore été déposé à la Chambre des communes.
L'amendement, en particulier, découle d'une recommandation formulée par un comité. Je ne me rappelle pas du comité dont il s'agit, mais c'était le résultat d'un examen qui portait sur le crédit d'impôt pour les films canadiens ou la production vidéo, et en particulier les critères culturels. Cela remonte à environ quatre ans. Donc cet amendement met en oeuvre les recommandations du comité.
Je ne me rappelle pas précisément s'il y a un amendement qui propose que les renseignements personnels concernant les réalisateurs fassent partie de la liste des renseignements qui pourraient être publiés, mais je pense bien qu'il proposait que l'on publie à l'intention du public une liste des films qui ont reçu une attestation et des sociétés qui ont produit ces films, ou qui ont demandé l'attestation.
M. Marc Lemay: Très bien.
La présidente: Madame Bulte.
L'hon. Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Bonjour, monsieur Farber. C'est toujours agréable de vous rencontrer. J'ai un certain nombre de questions à vous poser.
Permettez-moi de commencer par les abris fiscaux. Je comprends quel était le problème. D'après ce que je crois comprendre—et corrigez-moi si je me trompe—, les abris fiscaux avaient tendance à profiter davantage aux productions industrielles qu'à nos propres productions nationales. Envisage-t-on d'établir un autre abri fiscal qui se rapporterait uniquement aux productions canadiennes et permettrait d'apaiser les préoccupations de l'intermédiaire et de l'investisseur. C'est une question.
En ce qui concerne les crédits d'impôt, bien sûr des gens m'ont dit qu'il faudrait en élargir la portée pour que les autres coûts liés à la production cinématographique et pas seulement les coûts de main-d'oeuvre y soient admissibles. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
J'ai trouvé très intéressant de vous entendre dire que le délai de remboursement des crédits d'impôt est d'environ 90 jours. J'ai des commettants qui m'ont dit qu'ils sont privés de centaines de milliers de dollars pendant qu'ils attendent le remboursement des crédits d'impôt. Ce sont des gens qui font partie depuis longtemps de l'industrie cinématographique. L'une des propositions que nous avons entendues à Winnipeg aussi—et je pense que c'est une mesure que la province envisage peut-être—consistait à verser une avance sur les crédits d'impôt pour contribuer au financement provisoire. Pouvons-nous faire quelque chose à cet égard?
J'ai une question concernant les coproductions. Dans les cas de coproduction où il existe un traité, peuvent-ils se prévaloir du crédit d'impôt du Canada? J'ai assisté récemment à une réunion du Barreau du Haut-Canada, où on a parlé de la façon dont l'Allemagne essaie de faire la distinction entre le droit d'auteur simple et le droit d'auteur équitable. Avons-nous envisagé une mesure semblable? Je suppose que cela concerne davantage les coproductions.
Monsieur Farber, vous avez aussi indiqué à quel point il est important d'atteindre un auditoire. Au cours de nos audiences, nous avons entre autres parlé de la façon de trouver de nouveaux moyens d'atteindre ces auditoires, qu'il s'agisse de DVD ou de cette nouvelle notion de cinéma informatique. Y a-t-il des mesures que nous pourrions prendre dans le cadre de la politique fiscale pour encourager peut-être ce genre de chose?
J'ai été ravie que vous parliez du FCT, puisque comme nous le savons, sa suppression est prévue pour mars de l'année prochaine, à moins qu'il soit renouvelé. Que pense votre ministère de maintenir ce fonds après sa date d'expiration prévue?
À (1030)
M. Len Farber: C'est une question à sept parties.
L'hon. Sarmite Bulte: J'écoutais et je prenais des notes.
M. Len Farber: J'ai essayé de prendre des notes.
La présidente: Je croyais qu'il s'agissait de sept questions comportant chacune plusieurs parties.
M. Len Farber: Madame la présidente, j'essaie d'être aimable. Je sais qu'elle n'a droit qu'à une question, donc si cette question compte sept parties...
J'essaierai de les énumérer de mon mieux. Si j'oublie des choses, mon collègue pourra m'aider.
En ce qui concerne les abris fiscaux, je crois que votre impression selon laquelle il ne profitait qu'aux productions cinématographiques étrangères est sans doute attribuable au fait qu'il s'agit du dernier abri fiscal qui était disponible. Les crédits d'impôt pour les films canadiens ont été créés avant que des crédits d'impôt soient accordés aux productions cinématographiques étrangères. Donc les dernières protestations ont peut-être été les plus bruyantes, pour ce qui est des abris qui sont toujours disponibles.
C'est vraiment dans ce secteur, pendant que nous tâchions d'adopter des règles plus rigoureuses en matière d'abris fiscaux, qu'ils ont continué à trouver de nouveaux mécanismes concernant les abris fiscaux. Vous avez peut-être entendu parler de la notion d'abri fiscal pour les copies et la publicité, dont on a fait la promotion Il ne s'agissait pas d'un investissement dans un film proprement dit, mais dans certains des aspects qui entourent la publicité—les copies et les annonces et ainsi de suite. Je ne crois pas que qui que ce soit en particulier en ait vraiment abusé.
La politique est très claire à ce sujet : Chaque fois que vous avez un mécanisme qui s'apparente à un abri fiscal, vous prenez essentiellement des déductions qui n'ont pas tellement de valeur pour la compagnie ou le contribuable et les donnez à quelqu'un d'autre qui peut s'en servir à même d'autres sources de revenu. Comme j'ai tâché de l'indiquer plus tôt, c'est une façon très inefficace de s'en servir. Je crois que le mécanisme de crédit d'impôt profite directement au producteur—appuie directement son travail. C'est pourquoi je considère qu'il est très important.
Votre deuxième question porte sur la possibilité d'en étendre l'admissibilité à des coûts autres que les coûts de main-d'oeuvre. Il ne fait aucun doute qu'au fil des ans les films à contenu canadien et les productions de service étrangères ont fait des représentations pour élargir l'admissibilité. Comme je l'ai dit plus tôt, dans ce secteur, l'un des aspects très importants pour le gouvernement est de s'assurer que l'argent est utilisé aux fins prévues et que nous faisons la promotion du Canada dans ce contexte. Accorder des crédits d'impôt pour le coût de main-d'oeuvre directe est la façon la plus discernable de procéder.
Il existe d'autres questions qui se rattachent à une production mais ces autres aspects sont-ils à proprement parler canadiens, par exemple? Si l'on en étendait la portée aux services aériens...car il faut qu'ils se rendent jusqu'ici. À moins qu'ils voyagent avec Air Canada, et je ne suis pas sûr qui va vérifier la chose, je ne suis pas sûr que ce soit des dépenses canadiennes. Les repas... il y a une foule d'autres choses que certains voudraient que l'on inclue.
Pour ce qui est des films à contenu canadien, le gouvernement a préféré augmenter le pourcentage de main-d'oeuvre admissible. Au lieu de s'en tenir à 48 p. 100, il a opté pour 60 p.100 et a augmenté le crédit. Il s'agissait donc d'un soutien direct. Lorsque nous parlons de services cinématographiques étrangers, la seule façon d'assurer un incitatif de type industriel pour la main-d'oeuvre canadienne est de s'en tenir à l'élément main-d'oeuvre. Je crois qu'il serait difficile d'élargir cette base, et le gouvernement a été réticent à le faire.
En ce qui concerne le financement provisoire et la possibilité d'obtenir un remboursement de leurs crédits dans un délai plus rapide, j'ai entendu des cas semblables à celui que vous avez décrit. Comme je l'ai dit, lorsque nous avons examiné les rares cas qui ont été soumis à notre attention, nous avons constaté qu'ils n'avaient pas présenté tous les renseignements voulus. Il est très facile pour certains de dire qu'ils attendent leurs crédits et qu'ils n'ont pas reçu leur remboursement, mais je crois que les ministères doivent faire preuve de prudence et obtenir tous les renseignements. Ces crédits valent beaucoup d'argent et nous tenons à nous assurer qu'ils sont versés à des productions en bonne et due forme.
Le délai que j'ai indiqué plus tôt fonctionne raisonnablement bien d'après ce que je crois comprendre. Dans la mesure où ils connaissent leurs antécédents, comme je l'ai dit plus tôt, je crois qu'ils constateront qu'ils n'ont pas besoin d'autant d'information parce qu'ils savent qui sont les intervenants et à qui l'argent est versé, donc leur cas n'est pas aussi compliqué.
À (1035)
Les coproductions...
M. Edward Short: Je voudrais ajouter quelque chose à ce sujet, Len. Il y a quelques années, on avait proposé et adopté une modification à la loi qui permet à l'Agence du revenu du Canada de faire un remboursement sans avoir effectué une vérification complète des dépenses reliées au film. Le ministre du Revenu peut faire un tel remboursement s'il le désire et, d'habitude, c'est ce qu'il fait si la compagnie de production a un bon dossier et s'il s'agit d'un film pour lequel le visa a déjà été émis. D'habitude, il faut plus d'un an pour faire un long métrage et si la compagnie en est à la deuxième ou à la troisième année, l'Agence du revenu n'a pas besoin d'attendre pour faire le remboursement sur réception de la déclaration d'impôt. Elle peut le faire tout de suite et attendre à plus tard pour le suivi.
En ce qui a trait aux coproductions, celles qui ont été approuvées par Téléfilm sont admissibles à titre de productions cinématographiques ou vidéo canadiennes. Tant que la compagnie de production satisfait aux critères de propriété canadienne, les coproductions sont admissibles.
Je pourrais peut-être parler tout de suite des droits d'auteur. Le ministère du Patrimoine canadien est en train de consulter l'industrie au sujet de l'opportunité de modifier la règle actuelle relative aux droits d'auteur. Selon la règle actuelle, que l'industrie avait réclamée en 1995, le producteur canadien doit détenir les droits d'auteur pendant 25 ans. On a depuis demandé ce que cela signifie au juste.
Lorsqu'il s'agit d'un film, les droits d'auteur ou la propriété du film signifient d'habitude tous les droits reliés aux gains économiques produits par le film. Il faut déterminer si le droit d'auteur est simplement un droit d'auteur sur papier alors que d'autres que les producteurs peuvent exploiter le film, ou si le droit d'auteur signifie aussi le droit d'exploiter le film. Le ministère du Patrimoine s'efforce maintenant de décider quelle doit être la politique au juste. Même pour le ministère, la situation varie d'un cas à l'autre. Il ne sait pas vraiment quelle est la solution. Doit-on permettre aux producteurs de conclure les ententes qu'ils veulent ou bien doit-on s'assurer, par exemple, qu'un distributeur américain ne prendra pas toutes les recettes produites par un film et que le producteur canadien devra se contenter d'un bout de papier. C'est une chose que le ministère est en train d'examiner.
À (1040)
M. Len Farber: Nous ne pouvons pas vraiment dire grand-chose à ce sujet. Cette question relève d'un autre service au ministère. Ce n'est pas vraiment une question reliée à l'impôt. Comme vous le savez, la dernière fois que le fonds devait arriver à expiration, on a décidé de le financer encore pendant quelques années, je pense que c'était pour deux ans. On discutera certainement de tout cela de nouveau à la fin de cette période, comme on l'a toujours fait.
Vous avez aussi posé une question au sujet du cinéma informatique, mais je dois reconnaître que je ne connais rien à ce sujet.
L'hon. Sarmite Bulte: Nous avons constaté que très peu de gens sont au courant de ce qu'on prétend être quelque chose d'extraordinaire.
Très rapidement, au sujet du rajustement à la baisse dont on parle pour Téléfilm, c'est-à-dire de la récupération des crédits d'impôt, y a-t-il quelque chose que nous pouvons faire pour y mettre fin ou cela est-il relié à une ligne directrice du Conseil du Trésor?
M. Len Farber: Ce rajustement à la baisse touche divers secteurs.
Je voudrais parler un peu du régime fiscal. Selon la Loi de l'impôt, nous accordons des déductions ou des crédits pour l'argent qu'un contribuable a risqué. Cela signifie que, dans les cas où il y a des crédits tant à l'échelon fédéral qu'à l'échelon provincial, si un contribuable reçoit un crédit provincial, le coût d'immobilisation du film est rajusté à la baisse d'autant vu que le producteur a déjà reçu l'argent. Par exemple, si un film coûte 100 $ et que vous ayez reçu un crédit provincial de 20 $, le coût du film à ce moment-là est de 80 $. Vous avez payé 80 $ et le crédit fédéral sera calculé sur le montant net que vous risquez.
Je pense que bon nombre d'autres programmes de subvention fonctionnent de la même façon. Si vous recevez une subvention de Téléfilm, c'est de l'argent que vous ne risquez pas vous-même. Si le film vous coûte 100 $ et que vous receviez 50 $ de Téléfilm, vous payez en réalité 50 $ et les incitatifs gouvernementaux seront calculés en fonction de votre coût net. Si les calculs n'étaient pas faits de cette façon, on en arriverait très vite au point où tous les incitatifs combinés représenteraient plus que le coût du film.
La présidente: C'est tout?
Une voix : Oui.
La présidente : Je sais que tout le monde voudrait que nous ayons encore quelques minutes, mais malheureusement, la Chambre nous réclame.
Merci beaucoup, messieurs Farber et Short.
La séance est levée.