LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des langues officielles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 5 avril 2005
¿ | 0905 |
Le président (M. Pablo Rodriguez (Honoré-Mercier, Lib.)) |
Mme Andrée Lortie (membre, Réseau des cégeps et collèges francophones du Canada) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
Le président |
M. Guy Lauzon (Stormont—Dundas—South Glengarry, PCC) |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy Lauzon |
Mme Andrée Lortie |
¿ | 0920 |
M. Guy Lauzon |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy Lauzon |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy Lauzon |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy Lauzon |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy Lauzon |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy Lauzon |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy Lauzon |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy Lauzon |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy Lauzon |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy Lauzon |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy Lauzon |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy Lauzon |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy Lauzon |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy Lauzon |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy Lauzon |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy Lauzon |
Le président |
M. Guy André (Berthier—Maskinongé, BQ) |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy André |
Mme Andrée Lortie |
¿ | 0925 |
M. Guy André |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy André |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy André |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy André |
¿ | 0930 |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy André |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy André |
Mme Andrée Lortie |
Le président |
Mme Andrée Lortie |
Le président |
M. Peter Julian (Burnaby—New Westminster, NPD) |
Mme Andrée Lortie |
M. Peter Julian |
Mme Andrée Lortie |
M. Peter Julian |
Mme Andrée Lortie |
M. Peter Julian |
Mme Andrée Lortie |
¿ | 0935 |
M. Peter Julian |
Mme Andrée Lortie |
M. Peter Julian |
Mme Andrée Lortie |
M. Peter Julian |
Mme Andrée Lortie |
M. Peter Julian |
Mme Andrée Lortie |
M. Peter Julian |
¿ | 0940 |
Mme Andrée Lortie |
Le président |
L'hon. Raymond Simard (Saint Boniface, Lib.) |
Mme Andrée Lortie |
L'hon. Raymond Simard |
Mme Andrée Lortie |
L'hon. Raymond Simard |
M. Yvon Saint-Jules (membre, Réseau des cégeps et collèges francophones du Canada) |
L'hon. Raymond Simard |
¿ | 0945 |
M. Yvon Saint-Jules |
Mme Andrée Lortie |
M. Yvon Saint-Jules |
Mme Andrée Lortie |
L'hon. Raymond Simard |
Mme Andrée Lortie |
L'hon. Raymond Simard |
Mme Andrée Lortie |
L'hon. Raymond Simard |
Le président |
M. Andrew Scheer (Regina—Qu'Appelle, PCC) |
Mme Andrée Lortie |
¿ | 0950 |
M. Pierre Poilievre (Nepean—Carleton, PCC) |
Mme Andrée Lortie |
M. Pierre Poilievre |
Mme Andrée Lortie |
Le président |
M. Marc Godbout (Ottawa—Orléans, Lib.) |
Mme Andrée Lortie |
M. Marc Godbout |
¿ | 0955 |
Mme Andrée Lortie |
M. Marc Godbout |
Le président |
M. Marc Godbout |
Mme Andrée Lortie |
M. Marc Godbout |
Mme Andrée Lortie |
Le président |
M. Odina Desrochers (Lotbinière—Chutes-de-la-Chaudière, BQ) |
Mme Andrée Lortie |
M. Odina Desrochers |
Mme Andrée Lortie |
M. Odina Desrochers |
Mme Andrée Lortie |
M. Odina Desrochers |
Mme Andrée Lortie |
À | 1000 |
M. Odina Desrochers |
Mme Andrée Lortie |
M. Odina Desrochers |
Mme Andrée Lortie |
M. Odina Desrochers |
Le président |
M. Peter Julian |
Mme Andrée Lortie |
M. Peter Julian |
Mme Andrée Lortie |
M. Peter Julian |
Mme Andrée Lortie |
M. Peter Julian |
Mme Andrée Lortie |
M. Peter Julian |
Mme Andrée Lortie |
À | 1005 |
M. Peter Julian |
Mme Andrée Lortie |
M. Peter Julian |
Mme Andrée Lortie |
M. Peter Julian |
M. Yvon Saint-Jules |
Mme Andrée Lortie |
Le président |
M. Pierre Poilievre |
Le président |
M. Guy André |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy André |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy André |
À | 1010 |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy André |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy André |
Le président |
M. Guy André |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy André |
Mme Andrée Lortie |
M. Guy André |
Mme Andrée Lortie |
Le président |
Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.) |
Mme Andrée Lortie |
Mme Françoise Boivin |
Mme Andrée Lortie |
À | 1015 |
Mme Françoise Boivin |
Mme Andrée Lortie |
Mme Françoise Boivin |
Mme Andrée Lortie |
Mme Françoise Boivin |
Mme Andrée Lortie |
Mme Françoise Boivin |
Le président |
M. Peter Julian |
Mme Andrée Lortie |
À | 1020 |
M. Peter Julian |
M. Yvon Saint-Jules |
M. Peter Julian |
M. Yvon Saint-Jules |
Mme Andrée Lortie |
Le président |
CANADA
Comité permanent des langues officielles |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 5 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0905)
[Français]
Le président (M. Pablo Rodriguez (Honoré-Mercier, Lib.)): Bonjour à tous. Bienvenue à cette première réunion après notre semaine de relâche et de travail dans nos circonscriptions.
Le comité poursuit aujourd'hui son travail qui porte principalement sur la mise en place du Plan d'action pour les langues officielles. À cet égard, nous recevons aujourd'hui deux membres du Réseau des cégeps et collèges francophones du Canada, Mme Andrée Lortie et M. Yvon Saint-Jules. Ces gens nous accompagneront aujourd'hui jusqu'à 10 h 30. Ensuite, nous siégerons à huis clos pour discuter des changements à apporter à notre voyage.
Bienvenue à nos invités. Vous avez quelques commentaires d'introduction. Nous pourrons passer ensuite à une période de discussion.
Mme Andrée Lortie (membre, Réseau des cégeps et collèges francophones du Canada):
Merci beaucoup de nous recevoir aujourd'hui. Je suis très heureuse d'être ici pour vous parler d'un dossier qui me tient à coeur, le dossier collégial hors Québec.
J'aimerais vous parler rapidement de deux choses. Premièrement, j'aimerais vous dire un peu quelle est la situation du collégial au Canada. On connaît habituellement très bien ce qui se passe au niveau des conseils scolaires et des universités. Par ailleurs, pour ce qui est du collégial, c'est quand même une nouvelle créature. Elle a été créée, dans la plupart des cas, vers les années 1960. Comme vous le savez probablement, c'est une formation qui mène habituellement au marché du travail. On parle de programmes d'un an, deux ans, trois ans dans les secteurs de la santé, des médias, de la technologie et de l'administration qui sont offerts après le secondaire.
Je vous fais un peu un survol de ce qui se passe en français, parce qu'on connaît le système des cégeps, mais ce qui se passe habituellement à l'extérieur du Québec est un système de formation professionnelle menant directement au marché du travail. Très peu d'activités sont des activités de transfert à l'université.
Si je fais le tour du Canada, quatre provinces offrent présentement du collégial en français. Il y a l'Ontario, avec la Cité collégiale à Ottawa, le Collège Boréal dans le nord de l'Ontario et le Collège d'Alfred, qui offre une formation en agriculture. Il y a le Manitoba, avec le Collège universitaire Saint-Boniface, où il y a une composante de formation collégiale. Au Nouveau-Brunswick, il y a un système élaboré de collèges. On y trouve un collège avec de nombreux campus, que vous connaissez probablement.
Dans le reste du Canada, il se passe très peu de choses au niveau collégial. Je me dois de mentionner qu'en Nouvelle-Écosse, le Collège de l'Acadie a été fusionné avec l'Université Sainte-Anne. Alors, il y a là certaines activités collégiales. Il y en a très peu, mais il y en a quelques-unes.
Ailleurs, dans l'Ouest, c'est embryonnaire. Certaines activités, souvent des activités de formation professionnelle en collaboration avec Ressources humaines et Développement des compétences Canada, sont offertes dans les provinces de l'Ouest. Éducacentre fait des choses en Colombie-Britannique. En Alberta, il y a un programme collégial, avec NAIT, et certaines activités de formation professionnelle avec des organismes comme ÉDUK. La Saskatchewan offre certaines activités de formation aux adultes avec la Service fransaskois d'éducation aux adultes.
Pour ce qui est de Terre-Neuve et des territoires, il n'y a pour ainsi dire absolument rien qui s'y passe.
Je ne devrais pas oublier l'Île-du-Prince-Édouard, où il y a certaines activités en collaboration avec l'Université Sainte-Anne.
Tout cela pour vous dire qu'il y a quatre provinces où il y a des activités structurées de formation collégiale au Canada, à l'extérieur du Québec. Pour le reste, c'est très embryonnaire, ça commence.
Les défis sont absolument énormes. Vous savez que la plupart des provinces ont réussi à mettre en place des infrastructures au niveau des conseils scolaires. Il y a des choses qui se passent dans à peu près toutes les provinces à cet égard. Toutefois, quand ces étudiants ou les étudiants d'immersion — il y a quand même, avec Canadian Parents for French, un réseau d'écoles d'immersion assez élaboré partout au Canada — arrivent au postsecondaire, ils ont très peu d'occasions d'étudier en français, sinon aucune.
On voit quel est le taux d'assimilation. Vous n'avez qu'à regarder toutes les statistiques qui empirent et qui deviennent de plus en plus déprimantes, je pense, à chaque fois qu'on en reçoit de nouvelles. C'est sûr que nos francophones hors Québec ont peu d'occasions de poursuivre leur études en français après le secondaire. Quand ils arrivent au postsecondaire, au niveau collégial, presque partout, sauf dans les quatre provinces que j'ai mentionnées plus tôt, ils se doivent d'étudier en anglais. C'est le côté très noir de la chose.
Par contre, il y a un côté positif. Depuis un certain nombre d'années, grâce au gouvernement fédéral et à son leadership absolument incroyable dans le cadre d'ententes fédérales-provinciales, on voit que certaines choses commencent à se produire. Je vous dirais que depuis quelques années, environ 7 000 étudiants étudient au collégial à temps plein à l'extérieur Québec. De plus, il y a à peu près 20 000 étudiants dans toutes sortes d'activités de formation professionnelle. Je parle ici de programmes de six ou huit mois, d'activités d'éducation aux adultes un peu partout. Qu'il s'agisse des programmes pour devenir préposé en soins de santé à Éducacentre à Vancouver ou des programmes de secours ambulancier qui sont offerts en Nouvelle-Écosse, on commence tranquillement à développer le niveau collégial. Contrairement au niveau universitaire, c'est un niveau qui touche une grande proportion de la population.
¿ (0910)
Il y a beaucoup de gens, si vous regardez les chiffres du côté anglophone, qui choisissent de fréquenter un collège après leurs études secondaires. On est dans un milieu et dans une économie où, je pense, ne pas avoir de formation postsecondaire équivaut à être voué à occuper des emplois peu rémunérés ou au chômage.
Quels sont les défis du postsecondaire à l'extérieur du Québec? Il y en a de nombreux.
Premièrement, on parle de masse critique très petite éparpillée sur un territoire qui est absolument immense. L'Ontario et le Nouveau-Brunswick sont peut-être les deux provinces où il se fait le plus de choses. Or, même là — et je vous parle également comme présidente du plus gros collège à l'extérieur du Québec —, les défis sont incroyables, parce que nos étudiants nous viennent de partout en Ontario. Il y a, entre autres, des difficultés quant aux programmes qui doivent être lancés.
Au collégial, on trouve souvent des programmes spécialisés. Ce sont des programmes, par exemple, de production télévisuelle, de santé, de thérapie respiratoire. Ce sont des programmes qui sont quand même assez complexes. Les masses critiques ne sont pas là. Alors, si on veut démarrer des activités, peu importe la province où on se trouve, il faut décider de le faire. Il n'y a qu'une seule façon d'y arriver: on lance le programme, parce que si on attend qu'il y ait une demande, il n'y aura jamais d'offre, jamais, jamais, jamais.
Quand des provinces disent qu'elles vont attendre d'avoir une demande, rien n'est fait, rien ne se passe. Je vous donne un exemple. Quand on a créé la Cité collégiale, certains on a dit que cela ne marcherait jamais. Pourquoi? Parce que, selon eux, les Franco-Ontariens n'allaient jamais choisir d'étudier en français, par crainte de ne pas obtenir d'emploi, et le marché du travail en Ontario, on le sait, est principalement anglophone. Il y a donc eu toute cette discussion dans les années 1990. On a lancé la Cité collégiale, on a commencé avec 1 800 étudiants et on en compte maintenant 3 500. Alors, il ne faut vraiment pas attendre qu'il y ait une demande pour offrir un programme. Il faut l'offrir, faire du recrutement proactif.
Éducacentre dessert une petite communauté à Vancouver. Il n'y a pas beaucoup de francophones là-bas. La situation a été la même. Ils ont décidé de lancer des programmes en santé, des programmes pour former des préposés en soins de santé pour travailler dans des maisons pour les personnes âgées. Il y avait quand même pas mal de francophones en Colombie-Britannique qui avaient besoin de ce type de services. Ils ont décidé d'aller de l'avant, de lancer le programme, et ils se sont retrouvés avec une quinzaine d'étudiants qui venaient d'un peu partout en Colombie-Britannique et avec certains étudiants du Yukon qui voulaient étudier à distance. Il y a eu une première remise de diplômes à une cohorte d'étudiants qui ont réussi, avec la participation du ministre provincial de la Santé, un anglophone.
Je vous dirais que c'est un premier grand défi.
Le deuxième grand défi, évidemment, quand on parle de qualité, c'est le matériel didactique. Il n'existe pas en français. Il faut développer les programmes d'étude; ils n'existent pas en français. Il faut recruter du personnel, souvent bilingue parce que les stages sont souvent dans des milieux anglophones. C'est difficile également.
Alors, les défis sont de taille à tous ces niveaux. Quand on oeuvre dans un collège anglophone, on est capable de s'associer avec d'autres collèges. En Ontario, il y a un réseau de 24 collèges communautaires. En Saskatchewan et ailleurs, il y a beaucoup de collèges: NAIT, SAIT, Grant MacEwan College. Alors, les économies d'échelle sont faciles, parce qu'on peut s'associer et développer des programmes ensemble.
Du côté francophone, à l'extérieur du Québec, il faut favoriser des réseaux. Le Réseau des cégeps et des collèges, que je représente aujourd'hui, en est un qui regroupe toutes ces institutions qui donnent de la formation collégiale, de même que les cégeps du Québec, ce qui veut dire qu'on n'a pas à réinventer la roue en matière de programmes ni en matière de matériel didactique. C'est sûr que des adaptations sont nécessaires, mais il y a des choses qui peuvent être faites.
Quand j'examine la situation actuelle du collégial au Canada, je vous dirais que depuis 10 ans, je commence à voir, à l'extérieur du Québec, la formation d'îlots, d'une synergie qui est maintenant en place pour nous permettre d'avancer. Grâce aux collaborations qu'on a réussi à créer parce que le gouvernement fédéral subventionne le Réseau des cégeps et des collègues francophones du Canada, on a pu lancer pour la première fois un programme de secours ambulancier en Nouvelle-Écosse. C'est un programme qui était requis, un programme pour lequel il y avait une demande.
¿ (0915)
L'une des raisons pour lesquelles je voulais vous rencontrer aujourd'hui est que je voulais vous dire qu'on n'a pas d'entente fédérale-provinciale présentement en éducation. Vous savez certainement que les ententes existantes sont venues à échéance. La ministre a signé une entente pour l'année 2004-2005, mais pour les années à venir, absolument rien n'a été signé. Cela veut dire deux choses: il y a des plans d'action qui ont été soumis, il y a des communautés qui sont prêtes à faire des choses, mais il y a une instabilité terrible.
Quand on est un plus gros collège, on peut peut-être survivre à certaines choses, mais je peux vous dire que dans les petites communautés et dans les autres provinces, on risque, compte tenu de l'absence d'ententes, de perdre le fruit des efforts qui ont été faits jusqu'à aujourd'hui et les gains faits. Les provinces ont souvent besoin du gouvernement fédéral pour les inciter à agir. Le gouvernement fédéral a joué un rôle très grand dans le domaine de la dualité linguistique.
Vous ne pouvez pas sous-estimer votre rôle, il est majeur. Je veux vous demander aujourd'hui de jouer un rôle politique très fort pour vous assurer qu'il y ait de nouvelles ententes fédérales-provinciales en éducation, et tout particulièrement au niveau des collèges.
Je termine, monsieur le président, en disant une deuxième chose: on a besoin également de l'appui du gouvernement fédéral pour maintenir un réseau comme le Réseau des cégeps et des collèges du Canada. Cela ne fonctionne pas tout seul et c'est une des façons d'arriver à des résultats rapidement et à l'échange de ressources dont on a précieusement besoin.
Ce sont les deux points que je voulais soulever avec vous aujourd'hui. Je serai très heureuse de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, madame Lortie. On se dirige justement vers une séance de questions et réponses, d'échanges entre les membres du comité et vous deux.
Monsieur Lauzon.
M. Guy Lauzon (Stormont—Dundas—South Glengarry, PCC): Merci, monsieur le président.
Bienvenue à Mme Lortie et à M. Saint-Jules.
Vous avez parlé de l'entente entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Il y avait une entente depuis deux ans, qui n'a pas encore été renouvelée.
Mme Andrée Lortie: Il y a plusieurs niveaux d'ententes. Il y a les ententes qui passent par le Conseil des ministres de l'Éducation, qui sont des ententes globales qui touchent les conseils scolaires, le collégial et, dans certains cas, l'éducation universitaire.
M. Guy Lauzon: Je parle précisément des langues officielles et du ministère du Patrimoine canadien.
Mme Andrée Lortie: À cet égard, il n'y en a pas, mais il y a des ententes spéciales. Dans le cas, par exemple, des collèges en Ontario, il y a, en plus des ententes avec le Conseil des ministres de l'Éducation, certaines ententes spéciales qui, elles, datent de cinq ans, alors que les ententes-cadres sont habituellement récurrentes. Depuis la fin de l'année 2004, les attentes sont échues. C'est sûr qu'il y a eu prolongation dans certains cas, mais il n'y a pas d'ententes pour les prochaines années.
Au niveau collégial, on a fait des demandes, on a soumis des projets et on est en attente d'une négociation. On nous dit que cela se fera d'ici le mois de juin, mais je ne vous cache pas que les choses n'ont pas l'air d'avancer, car on a dit la même chose le printemps dernier.
¿ (0920)
M. Guy Lauzon: Pouvez-vous nous dire comment cela affecte les opérations d'un collège?
Mme Andrée Lortie: Je vais vous donner l'exemple de mon collège. Absolument aucun développement ne se fait présentement à la Cité collégiale. On commence l'année 2005-2006 et on ne lance absolument aucun nouveau programme d'étude. La raison pour laquelle on a créé une institution comme la Cité collégiale était qu'on voulait augmenter l'accès des francophones aux études postsecondaires. Rien ne se fait à cet égard. On ne peut pas faire de planification à long terme, car le plan d'action a été soumis, mais on ne sait pas s'il se réalisera. Cela a un impact à ce niveau également, de même que sur la qualité des programmes. On offre 70 programmes d'étude. On devrait probablement en offrir une quarantaine, si on se compare à un collège anglophone de la même grosseur. On le fait parce qu'on veut s'assurer d'offrir une gamme très large de programmes. On pense actuellement à réduire cette offre.
On a un campus à Hawkesbury. On se demande présentement si on va le fermer ou le laisser ouvert. C'est ce genre de situation que l'absence d'entente crée.
M. Guy Lauzon: Vous avez 3 500 étudiants?
Mme Andrée Lortie: Nous avons 3 500 étudiants à temps plein.
M. Guy Lauzon: Combien en avez-vous à Hawkesbury?
Mme Andrée Lortie: On en aurait à peu près 400.
M. Guy Lauzon: Et vous pensez que la Cité collégiale va cesser ses activités à cet endroit?
Mme Andrée Lortie: Oui, parce que 400, c'est beaucoup en formation professionnelle dans le secteur des métiers tels que la soudure, l'électricité, la mécanique automobile, etc. Alors, ce sont des programmes qui sont plus courts que les programmes offerts à Ottawa.
M. Guy Lauzon: Est-ce qu'il est possible que cela ne commence pas au mois de septembre?
Mme Andrée Lortie: Il est possible qu'on réduise l'offre de certains de nos programmes l'an prochain.
M. Guy Lauzon: Voulez-vous dire en septembre prochain?
Mme Andrée Lortie: Cela veut dire en septembre prochain. Vous avez raison.
M. Guy Lauzon: Vous n'avez pas de nouvelles du tout. Avez-vous communiqué avec le ministère du Patrimoine canadien?
Mme Andrée Lortie: On communique régulièrement avec les gens du ministère du Patrimoine canadien. On entend dire que les ententes sont en cours de négociation. On m'avait dit qu'on avait demandé aux provinces de s'entendre avant la fin mars.
M. Guy Lauzon: Cela devait être fini à la fin du mois de mars.
Mme Andrée Lortie: S'il n'y a pas d'entente via le Conseil des ministres de l'Éducation, on passera aux négociations bilatérales avec les provinces à compter du mois d'avril.
M. Guy Lauzon: Qu'arrivera-t-il s'il n'y a pas d'entente avant le mois de juin? Si vous signez l'entente en juin, est-ce que cela vous donnera assez de temps pour commencer?
Mme Andrée Lortie: Il faut qu'il y ait une entente d'ici le mois de juin.
M. Guy Lauzon: Que se passera-t-il si c'est après le mois de juin?
Mme Andrée Lortie: Cela deviendra de plus en plus problématique, de plus en plus difficile.
M. Guy Lauzon: Ça va...
Mme Andrée Lortie: J'ai reçu une lettre de Mary Anne Chambers, ministre de la Formation et des collèges et universités de l'Ontario, dans laquelle elle nous dit que le gouvernement provincial veut négocier une entente. Alors, nous ne sommes pas dans une province qui ne veut pas négocier une entente avec le fédéral.
M. Guy Lauzon: Il en résultera peut-être des coupures.
Mme Andrée Lortie: Oui, absolument.
M. Guy Lauzon: Est-ce qu'elles auront lieu dès le mois de septembre?
Mme Andrée Lortie: Absolument. On vient de faire le budget. J'irai au conseil d'administration le 26 avril avec une problématique de l'ordre de 3 millions de dollars.
M. Guy Lauzon: Quand avez-vous parlé pour la dernière fois aux personnes responsables au ministère du Patrimoine canadien?
Mme Andrée Lortie: Il y a environ deux semaines. Je leur parle régulièrement.
M. Guy Lauzon: Est-ce qu'ils vous ont donné une date?
Mme Andrée Lortie: Ils disent que ce sera d'ici à la fin du mois de juin.
M. Guy Lauzon: D'accord.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lauzon.
On poursuit avec M. André.
M. Guy André (Berthier—Maskinongé, BQ): Bonjour, madame Lortie.
Mme Andrée Lortie: Bonjour, monsieur André.
M. Guy André: Bonjour, monsieur Saint-Jules.
Vous avez fait une très belle présentation, madame Lortie. On voit tout le dynamisme que vous avez mis dans cette présentation. J'imagine que cela se reflète dans votre travail et dans votre volonté de faire en sorte que les choses fonctionnent.
Je vais vous entretenir un peu sur le Plan d'action pour les langues officielles, qu'on appelle aussi le plan Dion. On a trouvé que les objectifs de ce plan étaient imprécis en matière de responsabilité. Je voudrais vous entendre à ce sujet. Je voudrais connaître les effets de ce plan d'action sur les communautés francophones et les sur institutions collégiales hors Québec, ainsi que l'impact que ce plan a eu et aura sur certaines communautés francophones.
Comme vous l'avez indiqué, il y a eu de nouvelles ententes pour 2004-2005, ententes qui semblent être insuffisantes. C'est ce que vous semblez nous faire remarquer. Vous ne connaissez pas ce que réserve l'avenir à l'horizon 2006, 2007, 2008. J'ai l'impression qu'il doit être difficile de faire des projections à long terme lorsqu'on a un plan d'action qui nous impose des limites et que les ententes ne sont pas toujours respectées.
Mme Andrée Lortie: L'annonce du plan Dion a été faite à la Cité collégiale, à l'époque?
¿ (0925)
M. Guy André: Oui.
Mme Andrée Lortie: À ce moment-là, tout le monde se disait que c'était une initiative importante et pluriannuelle. Or, le sort des communautés hors Québec se joue souvent en fonction de plans annuels. Il y a une annonce pour l'année en cours, mais qu'en fait-on? Pour être capable de monter des projets d'éducation, on ne parle jamais en termes d'une année. Quand on lance un programme, c'est pour une durée d'un an, deux ans, trois ans. On doit donc connaître que sera notre sort pour une certaine période de temps.
La bonne nouvelle du plan Dion était, premièrement, que cela signifiait que le gouvernement fédéral s'engageait envers les communautés en situation minoritaire. La deuxième bonne nouvelle était qu'il s'agissait d'un plan pluriannuel. La troisième bonne nouvelle était qu'on nous donnait de l'argent pour faire quelque chose et qu'on reconnaissait les défis additionnels de la formation en français et de l'éducation en français en milieu minoritaire. C'étaient trois bonnes nouvelles. Il y avait beaucoup d'enthousiasme.
La difficulté, si on analyse ce qui se passe depuis quelques années, est qu'on ne semble pas, sauf peut-être en santé... Le Consortium national de formation en santé a été créé par le fédéral. C'est un consortium de 10 institutions postsecondaires, et l'entente est de cinq ans. Il se passe vraiment des choses intéressantes en santé. Pour le reste, cela ne semble pas venir. On dirait qu'il y a toujours une bonne raison.
Si on prend l'exemple de l'Ontario...
M. Guy André: Les ententes ne sont pas renouvelées.
Mme Andrée Lortie: Les ententes ne sont pas renouvelées. Elles sont arrivées à échéance en mars 2004. On s'est dit alors qu'on prendrait l'année pour se parler, mais rien ne s'est passé, pour toutes sortes de bonnes raisons. Or, 2005 commence — l'année fiscale 2005 commence le premier avril — et il n'y a pas encore d'entente. On s'est dit qu'on allait faire une prolongation. Dieu merci, cela nous a permis, pour répondre à la question de M. Lauzon, de sauver les meubles. Cela ne permet rien d'autre que cela.
M. Guy André: Cela ne vous permet pas de vous développer.
Mme Andrée Lortie: Cela ne nous permet ni de nous développer ni d'améliorer la qualité de la formation. Je suis très inquiète. Souvent, je mène la Cité collégiale comme je mènerais 23 collèges anglophones. Quand je fais cela, nous offrons trop de programmes. Voilà ce que ça donne. Un collège anglophone doit en offrir 40 ou 45, pas 70. Pourquoi en offrons-nous 70? Ce n'est pas parce que nous cherchons à avoir un déficit, mais parce que si nous n'offrons pas ces programmes en français, les francophones n'auront pas accès au niveau collégial. Des programmes en santé et en technologie, cela n'existe pas. Nous le faisons, mais quelles en sont les conséquences?
En ce moment, 48 p. 100 de nos cours sont donnés par des professeurs à temps plein. Ceux qui connaissent le système des cégeps savent que si j'étais dans la même situation, je me ferais crucifier. En Ontario, du côté du système anglophone, on parle de 62 p. 100. Ce n'est pas que je croie que des professeurs à temps plein ne sont pas adéquats pour la formation collégiale, c'est que nous ne pouvons pas nous permettre d'en avoir autant si nous voulons préserver la gamme de nos programmes. Le montant d'argent supplémentaire provient du fédéral, mais il n'est pas confirmé pour l'année qui vient. On m'a demandé ce qui se passait. Je prépare le budget comme si je n'avais pas cet argent. Notre conseil d'administration rejette catégoriquement la possibilité d'un déficit à la Cité collégiale. Au mois d'avril, je serai tenue de présenter au conseil un budget non déficitaire. Pour y arriver, tout en continuant d'offrir la gamme de programmes que nous offrons, la proportion des cours donnés par des professeurs à temps plein devra être maintenue à 48 p. 100.
Voilà pourquoi les gens du ministère du Patrimoine canadien me trouvent parfois hystérique.
M. Guy André: Il vous faudrait donc une bonification du budget pour assurer les services collégiaux dans les provinces où ils sont présentement offerts. Vous avez également des besoins ailleurs — comme en Colombie-Britannique — pour vous développer dans d'autres milieux.
¿ (0930)
Mme Andrée Lortie: Oui. Des communautés commencent à offrir des services en Colombie-Britannique, en Saskatchewan et en Alberta. Nous venons de signer une entente avec la Saskatchewan pour l'aider à développer des programmes en santé. Cela s'est fait grâce au CNFS, et non pas parce qu'il y aurait eu plus d'argent de la part de l'entité responsable des langues officielles.
M. Guy André: Cela s'est fait par des ententes avec d'autres...
Mme Andrée Lortie: C'est cela. On fait la même chose avec Éducacentre. Éducacentre, qui commence à faire des choses vraiment intéressantes, est une réussite. Les Jeux olympiques de Vancouver font en sorte qu'il y a de plus en plus de demandes de personnel bilingue. On commence à faire des choses. Dans quel domaine? Dans celui de la santé, parce qu'il y a des ententes avec le CNFS. Ce n'est pas grâce à des ententes fédérales-provinciales en éducation: elles ne se signent nulle part au Canada en ce moment, rien ne bouge.
Je ne devrais peut-être pas dire cela, mais quand on vit dans un milieu minoritaire et qu'on voit ce qui se passe au gouvernement fédéral, on a très peur qu'il y ait une élection, car cela signifierait qu'il ne se passerait rien pendant toute cette période. Encore une fois, on manquerait un cycle. Il faut signer les ententes avant la fin de juin. C'est crucial.
Je vous donne l'exemple de l'Ontario, mais j'ai parlé à mes collègues du Nouveau-Brunswick. C'est Yves Chouinard qui s'occupe du système des collèges au Nouveau-Brunswick. Qu'il s'agisse de l'Université Sainte-Anne ou du Collège de l'Acadie, je peux tous vous les nommer. Au Manitoba, c'est la même chose. Il faut que des ententes soient signées.
M. Guy André: Vous êtes très convaincante.
Mme Andrée Lortie: Il y a un autre élément très important. Le secteur collégial est l'enfant pauvre. Les conseils scolaires sont en place et ont encore besoin de ressources. Il reste que dans la plupart des provinces, il y a quand même une infrastructure. Même quand les provinces signent des ententes, le niveau collégial est souvent l'enfant oublié. Je dis au ministère du Patrimoine canadien de faire preuve de leadership. S'il y a un niveau collégial en français en Ontario, c'est qu'à une époque, le gouvernement fédéral a pris l'initiative et a parlé à l'Ontario, où il y avait des réticences. Le bébé, l'enfant pauvre qu'est le collégial et qui commence à se développer a besoin du leadership de Patrimoine canadien qui, lorsqu'il négocie, demande des comptes sur le contenu de l'entente pour le niveau collégial et sur le plan général. Si cela n'est pas fait, nous allons avoir des problèmes.
Le président: Merci.
Mme Andrée Lortie: C'est M. Bouchard qui, avec Mme Lynn McLeod,a signé l'entente qui a mené à la création de la Cité collégiale en Ontario.
Le président: Merci, madame Lortie.
On poursuit avec M. Julian.
M. Peter Julian (Burnaby—New Westminster, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci pour votre présentation.
En ce qui concerne le financement, vous attendez de voir si les ententes seront signées. Vous avez parlé de la fin juin, mais d'habitude, quelle est la date limite pour prendre des décisions concernant le financement des nouveaux programmes que vous mettez sur pied?
Mme Andrée Lortie: Normalement, c'est le jour où on présente le budget au conseil d'administration. Dans mon cas, c'est en avril.
À la suite d'une discussion que mon conseil et moi-même avons tenue, nous avons décidé, pour le premier trimestre, de ne pas prendre de décisions qui mèneraient à l'abolition de programmes ou des postes. Nous avons procédé à des réductions presque partout sur le plan opérationnel. J'ai rencontré mes syndicats au début de la semaine et je leur ai dit d'oublier le perfectionnement professionnel, les de frais de déplacement, et ainsi de suite. J'ai dressé ma liste, et ils m'ont bien aimée, alors. Je leur ai expliqué que si on ne procédait pas de cette façon, on devrait réduire du côté du personnel et des programmes. Ils ont accepté la situation.
Je leur ai ensuite fait part de deux choses: que le gouvernement ontarien devait publier son budget en mai, et que Bob Rae avait fait en Ontario un rapport très intéressant. Il y mentionnait à quel point les collèges et les universités étaient sous-financés. Nous attendons ce budget et nous attendons également l'entente fédérale-provinciale.
Je vais profiter d'un bref répit de trois mois, au cours duquel je serai en mesure de prévoir ce qui va se passer l'automne prochain.
M. Peter Julian: Pourrait-on dire que vous êtes déjà dans une situation exceptionnelle?
Mme Andrée Lortie: Oui.
M. Peter Julian: C'est une quasi-crise?
Mme Andrée Lortie: En effet.
M. Peter Julian: Et tous les programmes collégiaux du pays sont dans le même bateau?
Mme Andrée Lortie: Je dirais que dans certains cas, c'est pire encore, à cause du manque d'effectifs.
Je vais vous donner l'exemple d'Éducacentre, que je connais bien. L'actuelle directrice générale accomplit un travail absolument formidable depuis plusieurs années. Son conseil d'administration réduit de temps à autre son salaire à l'équivalent de trois jours par semaine. Pourquoi? Parce que le conseil n'a pas d'argent pour la garder et ne veut pas abolir de programmes.
La directrice accepte cette situation parce qu'elle croit en la cause. Pendant les périodes où l'organisme a un peu plus d'argent, on lui redonne un salaire équivalent à cinq jours par semaine. Or, ces gens veulent développer quelque chose qui va durer. Cette directrice est excellente, mais je crains constamment que l'organisme la perde. En effet, le jour viendra où elle en aura assez et s'en ira ailleurs.
Je n'ai pas parlé de la rétention en région. Pour garder nos professionnels francophones dans leurs communautés, il faut créer un environnement qui les incite à y rester. Autrement, ils déménagent à Montréal, à Ottawa ou peut-être à Toronto, vu que c'est là que se trouvent l'argent et les salaires. Ce n'est qu'en disposant de certaines ressources et en offrant plus fréquemment une permanence de plusieurs années qu'il sera possible de garder ces gens. La situation devient désastreuse quand aucune entente de ce genre ne nous permet de profiter de la stabilité pendant un certain temps. C'est ce qui peut nous permettre, par exemple, de payer le salaire de Paulette Bouffard à Vancouver pendant un certain temps.
¿ (0935)
M. Peter Julian: Il y a donc déjà une crise, mais si je comprends bien, en dollars indexés, le niveau de financement diminuait déjà depuis quelques années. Les ententes prévoyaient le même montant d'argent que celui injecté auparavant dans le système.
Mme Andrée Lortie: Oui.
M. Peter Julian: Est-ce que cela explique un peu le recul?
Vous avez parlé du Collège de l'Acadie. Pour ma part, je viens de la Colombie-Britannique, mais j'étais en Nouvelle-Écosse il y a quelques années. J'ai été très impressionné par le réseau collégial, qui correspondait aux besoins des petites communautés acadiennes de la province.
Ce collège manquait de financement, bien sûr. Est-ce que cela s'explique en partie par le fait qu'en dollars indexés, tout le réseau perdait de l'argent chaque année parce que le gouvernement fédéral n'injectait pas de nouveaux fonds, même pour maintenir le même niveau de service?
Mme Andrée Lortie: Vous avez raison sur ce plan. On oublie également que la plupart des provinces calculent leur financement à partir du nombre d'étudiants. Or, dans une communauté en situation minoritaire, la masse critique n'existe simplement pas. Le financement du provincial, dont la formule est la même pour tout le monde, est trop minime pour permettre aux communautés de survivre.
C'est exactement ce qui s'est passé au Collège de l'Acadie: on l'a amalgamé à l'Université Sainte-Anne. Je pense qu'il va éventuellement s'y produire des choses intéressantes. Il reste que le recteur de l'Université Sainte-Anne, André Roberge, m'a dit vouloir donner pour le moment la priorité au niveau universitaire. Le niveau collégial viendra en deuxième lieu, à cause de l'insuffisance des ressources.
Vous avez raison: il n'y a pas nécessairement eu d'indexation. Par conséquent, encore une fois, le niveau collégial, qui devrait pourtant desservir une plus grande part de la population, va passer en deuxième lieu, faute de financement, alors que l'Université Sainte-Anne, qui est une vieille institution, va pour sa part se développer.
M. Peter Julian: Vous avez parlé de la Colombie-Britannique. Je viens de cette province. La communauté francophone s'est élargie depuis plusieurs années. Les écoles d'immersion sont pleines à craquer. Dans ma circonscription, les parents font la queue pendant toute une fin de semaine pour y inscrire leurs enfants. Ils amènent leur sac de couchage simplement pour inscrire leurs enfants dans les écoles d'immersion.
On a des dizaines de milliers d'enfants dans les écoles d'immersion. On a un réseau scolaire qui a été créé par le gouvernement néo-démocrate. Pourtant, après avoir utilisé tous ces services, il n'y a absolument rien au niveau secondaire, sauf le petit programme Éducacentre, qui est bon, mais qui ne correspond pas du tout aux besoins. Les gens sont obligés de quitter la province s'ils veulent avoir une éducation en français.
Mme Andrée Lortie: Le Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada a fait une proposition sur le plan national pour examiner la question de l'immersion et pour savoir comment on peut attirer nos étudiants en immersion au niveau collégial dans les différentes provinces.
Présentement, cela ne se fait pas, mais cela devrait se faire. Il y a un besoin, une demande dans toutes les provinces. C'est un projet que l'on a soumis au ministère du Patrimoine canadien. On n'a pas encore de réponse à ce sujet.
M. Peter Julian: Est-ce que cela a été soumis l'année dernière?
Mme Andrée Lortie: Non, il y a environ deux mois. Canadian Parents for French nous appuie dans ce projet.
M. Peter Julian: Oui. La communauté francophone, évidemment, vous appuie aussi. C'est extrêmement important que ces réseaux existent. Le fait qu'on recule dans ce domaine me préoccupe beaucoup. Le manque de financement fait en sorte que le réseau actuel est en crise. En termes réels, puisque le financement ne correspond pas aux besoins, on est en train de perdre des programmes et l'autonomie de certaines...
¿ (0940)
Mme Andrée Lortie: D'abord, présentement, il y a une structure embryonnaire dans les provinces de l'Ouest. On commence à y faire des choses. Pour que cela se réalise, il faut un appui énorme pour les aider à démarrer.
Deuxièmement, dans les provinces comme le Nouveau-Brunswick et l'Ontario, il se passe des choses. On est en train de remettre en question ce qu'on a mis 15 ou 20 ans à développer. C'est dangereux, parce les provinces qui ont des programmes de formation collégiale aident les autres. Si ces provinces sont en crise... Cela ne peux pas se produire, parce qu'on se referme sur soi. On se dit qu'on va régler notre problème localement, avant même de voir ce qu'on peut faire ailleurs.
Le président: Merci beaucoup.
On poursuit avec M. Simard.
L'hon. Raymond Simard (Saint Boniface, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Bienvenue à nos invités. Je veux simplement faire une mise au point.
Premièrement, je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous parlez de l'importance du financement fédéral pour les collèges. Dans ma circonscription, il y a le Collège universitaire de Saint-Boniface. Je suis tout à fait au courant des défis qu'il rencontre.
La ministre du Patrimoine canadien était dans ma circonscription la fin de semaine dernière. Dimanche, nous avons eu une rencontre avec la communauté, en présence de la rectrice du Collège universitaire de Saint-Boniface. La ministre a annoncé à la radio de Radio-Canada que les ententes avançaient très bien et que la grande majorité des provinces étaient même épatées des ententes qui leur avaient été présentées.
La position du gouvernement était, à mon avis, de ne pas signer d'ententes bilatérales. C'est plus facile de signer une entente avec toutes les provinces. On nous dit que cela avance très bien, à tel point que cela pourrait être signé cette semaine ou la semaine prochaine. C'est une mise au point importante.
Pour confirmer ce que je viens de dire, dans le Free Press d'hier, le ministre de l'Éducation a indiqué qu'il était très satisfait de l'entente proposée et qu'il ne voyait pas de problèmes. Ce serait important de lire cela. C'était simplement une mise au point. Tout semble aller très bien de ce côté. On a eu le privilège de l'entendre chez nous la fin de semaine dernière.
Mme Andrée Lortie: Je suis très contente d'entendre que ça bouge. J'aimerais cependant réitérer une chose. Quand on parle d'ententes en éducation, pour les ministres des différentes provinces, cela veut dire des ententes avec les conseils scolaires. Si vous posez une question supplémentaire afin de savoir ce qui se passe au niveau collégial, vous allez vous apercevoir que ce sont des « pinottes », que presque rien ne se passe. Dans certains cas, ce n'est même pas là. C'est la question qu'il faut poser, parce que c'est le dossier « conseil scolaire. »
J'ai examiné le plan Dion et j'ai écouté la question de M. André. Je me suis dit qu'il y avait des montants additionnels. Cela veut dire que les conseils scolaires vont avoir leur argent. Comme il y a des sommes d'argent additionnelles, elles vont peut-être aller aux établissements du niveau collégial ou à l'université, qui soumet en Ontario pour la première fois.
Je me suis fait dire que Patrimoine Canadien avait fait des budgets pendant deux ans pour les ententes-cadres avec les conseils scolaires, mais qu'en 2004-2005, il n'y avait plus d'argent. Ils ont donc pris l'argent qui était alloué pour les langues officielles. Cela veut dire que personne n'a eu de sommes d'argent additionnelles, ni les conseils scolaires, ni les établissements au niveau collégial, ni les universités, le cas échéant. C'est donc de l'argent des langues officielles qui a été utilisé pour remplacer l'argent qui avait précédemment été prévu au budget par le ministère du Patrimoine canadien. Il n'y avait donc pas un cent de plus pour les communautés.
Il faut donc poser deux questions: qu'en est-il des augmentations réelles qui vont à l'éducation? Qu'y a-t-il pour le collégial? Je serais très intéressée à le savoir.
L'hon. Raymond Simard: Alors, il s'agirait de voir ce qu'il y a dans les ententes.
Mme Andrée Lortie: Je pense qu'il arrive souvent que ce ne soit pas là, et ce, pour deux raisons. Premièrement, parce que le collégial n'est pas organisé et qu'il ne jouit pas de la même infrastructure. Deuxièmement, parce qu'il arrive souvent que ce ne soit pas une priorité pour les provinces, qui ne sont pas rendues là.
L'hon. Raymond Simard: J'aimerais passer à mes questions.
Pour poursuivre dans la même veine que M. Julian, je vais parler de l'immersion. Puisque c'est ce que je connais le mieux, je vais parler de la situation à Saint-Boniface. Chez nous, 37 p 100 des jeunes étudiants sont issus des programmes d'immersion. Alors, cela fonctionne très bien.
Je voulais vous demander si la situation est la même ailleurs, mais je pense que vous avez répondu que ce n'est pas le cas, que c'est un marché que vous voulez aller chercher, mais vous n'avez pas beaucoup de succès ailleurs.
M. Yvon Saint-Jules (membre, Réseau des cégeps et collèges francophones du Canada):
L'immersion fonctionne très bien aux niveaux élémentaire et secondaire, mais dès qu'on arrive au niveau collégial, il n'y a plus rien. Les jeunes qui sortent de l'immersion, parce qu'il n'y a rien en français, vont du côté anglais. Ils voudraient peut-être poursuivre en français, mais il n'y a rien.
L'hon. Raymond Simard: Ce n'est pas le cas chez nous. Il y a une formule qui fonctionne bien. Si 37 p. 100 des étudiants au niveau collégial sont issus des programmes d'immersion....
¿ (0945)
M. Yvon Saint-Jules:
Oui, mais il y a 200 étudiants.
Mme Andrée Lortie: Oui, il y en a 200.
M. Yvon Saint-Jules: À l'École technique et professionnelle du Collège universitaire de Saint-Boniface, il y a à peu près 200 élèves inscrits dans huit programmes. C'est vrai qu'il y a une proportion d'étudiants issus des programmes d'immersion, mais il y a quand même seulement 200 élèves au niveau collégial. Il y a en 800 élèves au niveau universitaire.
Mme Andrée Lortie: Et votre potentiel est beaucoup plus grand. Comment faire pour aller les chercher tous? C'est le défi que nous avons. En fait, c'est la recherche qu'on veut faire. Cela aiderait à assurer la survie de vos programmes pour les francophones également. Certains programmes sont en difficulté.
L'hon. Raymond Simard: Sans doute. L'autre chose qu'il faut souligner, c'est qu'on a l'intention, dans le cadre du programme des langues officielles, d'investir de façon substantielle dans les programmes d'immersion. Alors, si on n'offre pas d'avenues après la douzième année, c'est de l'argent gaspillé. On est tous d'accord là-dessus.
J'ai une dernière question à vous poser. J'ai raté le début de votre présentation; vous en avez peut-être parlé. Encore une fois, l'inscription au collège a augmenté. Elle est passée de 700 à 1 200 étudiants au cours des six dernières années. Je parle de tout le collège, de l'universitaire et du professionnel. Alors, il y a quand même des gens qui s'inscrivent en français chez nous.
Je voudrais savoir, encore une fois, si c'est le cas chez vous. Les gens qui vont recevoir un diplôme, tant du collège que de l'université, se trouvent-ils tous des emplois et, en général, de bons emplois? Est-ce que c'est le cas?
Mme Andrée Lortie: C'est le cas. La Cité collégiale d'Ottawa a un des meilleurs taux de placement en Ontario. Pourquoi? Parce que les diplômés sont bilingues et que les employeurs les veulent et en ont besoin. Ils n'ont pas de difficulté à trouver des emplois. Alors, le placement est bon, et quand on offre un programme, ils y viennent.
On a lancé un programme de quatre ans en biotechnologie. Les baccalauréats appliqués dans les collèges en Ontario ne fonctionnent pas bien du côté anglophone. Je peux vous dire qu'en français, on a réussi à lancer un tel programme avec 35 étudiants; c'est du monde. Cela demande un niveau de préparation avancé. Les employeurs sont enchantés parce que ce sont des étudiants mobiles. Quand ils les ont, ils peuvent les utiliser un peu partout. Or, de plus en plus, nos compagnies travaillent à l'étranger.
L'hon. Raymond Simard: Alors, il s'agit de convaincre les jeunes que s'ils viennent chez nous, en effet, il y a une valeur ajoutée.
Mme Andrée Lortie: Absolument.
L'hon. Raymond Simard: Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Simard.
On passe à un deuxième tour de cinq minutes.
Monsieur Scheer.
[Traduction]
M. Andrew Scheer (Regina—Qu'Appelle, PCC): Je vous remercie d'être venus nous parler aujourd'hui. J'ai seulement quelques brèves questions au sujet de votre recommandation de créer un système de collèges francophones pancanadien. Pourriez-vous nous expliquer comment vous croyez que cela pourrait se faire, puisqu'il y a d'autres groupes qui nous ont suggéré quelque chose de semblable pour les écoles secondaires.
Un des obstacles que vous aurez à surmonter sera, bien entendu, le partage des pouvoirs, étant donné que les provinces en ont la responsabilité, et vous aurez de la difficulté à créer une norme nationale étant donné que nous avons dix provinces bien différentes. L'éducation publique dans les provinces n'est pas du tout la même au Québec, en Saskatchewan ou en Colombie-Britannique. Chaque province accorde un traitement différent à ses établissements postsecondaires, et j'aimerais savoir comment on pourrait avoir un conseil scolaire distinct pour les francophones.
Pourriez-vous m'expliquer comment cela pourrait se faire?
Mme Andrée Lortie: Je n'essaierai même pas de le faire, et je ne crois pas que le Réseau des cégeps et des collèges veuille se lancer dans des questions constitutionnelles. Il s'agit d'un obstacle que nous ne voulons même pas tenter de surmonter.
Lorsque nous parlons d'un réseau national, il s'agit de s'assurer que les provinces auront une infrastructure qui reconnaîtrait l'éducation du niveau postsecondaire, ou collégial, en français, avec un réseau créé par le truchement d'une association nationale qui regrouperait le Québec, dans notre cas, étant donné les multiples ressources didactiques que cette province pourrait partager avec le reste du pays.
Nous voulons nous assurer que dans chaque province—et toutes les provinces ne sont pas au même niveau—une éducation au niveau collégial sera offerte en français. Vous ne ferez pas la même chose à Terre-Neuve qu'en Ontario ou au Nouveau-Brunswick, mais il doit y avoir une évolution. Au niveau fédéral, Patrimoine canadien est bien placé pour s'assurer que dans chaque province il y aura un plan pour mettre au point un système d'éducation en français au niveau des collèges avec des subventions et un financement qui seraient accordés en fonction de la situation de la province et de la communauté francophone, puisque les besoins ne sont pas tous les mêmes. Ensuite, il faudra assurer un financement adéquat pour le Réseau des cégeps et les collèges communautaires, pour que nous puissions travailler ensemble et partager les programmes qui existent déjà et qui, bien entendu, devront être adaptés.
À l'heure actuelle, je travaille dans le domaine de la santé. Comme vous le savez, pour la santé, comme pour l'éducation, les normes et les réalités provinciales sont très différentes. Malgré ces normes, nous avons pu lancer des programmes de secours ambulancier en Nouvelle-Écosse, où les normes ne sont pas les mêmes que celles de l'Ontario, et nous avons lancé le programme de préposés en soins de santé en Colombie-Britannique qui n'a pas les mêmes normes, et nous allons le faire aussi en Saskatchewan.
Nous avons pris un programme de base que nous avons adapté. Il faut faire deux choses. Il faut dire qu'il y a un plan national pour développer des collèges, mais le plan ne sera pas le même pour chaque province. Ensuite, il faut financer un réseau afin de s'assurer que tout le monde va travailler ensemble, pour éviter de réinventer ce qui a déjà été inventé ailleurs, et pour éviter le double emploi.
¿ (0950)
[Français]
M. Pierre Poilievre (Nepean—Carleton, PCC): Merci. J'aimerais poser une question.
[Traduction]
Le gouvernement fédéral a dévoilé son plan d'action en 2003. Sous la rubrique éducation, il y avait un engagement de 381,5 millions de dollars sur cinq ans. Si vous prenez la page 27 du plan—je ne sais pas si vous l'avez, il n'est pas nécessaire de l'ouvrir—, le plan dit que le nouvel investissement permettra au gouvernement « d'élargir la gamme de programmes en langue française dans les collèges et universités francophones ou bilingues ». Jusqu'à ce jour, le Plan d'action pour les langues officielles a-t-il rendu possible une expansion de la gamme de programmes en langue française pour la communauté francophone?
Mme Andrée Lortie: Très peu. Presque rien. On a fait certaines choses. On ne peut pas dire qu'on n'a rien fait, parce qu'il y a eu un financement. En santé, vous avez raison, nous avons très bien réussi du côté de la santé.
[Français]
M. Pierre Poilievre: On parle d'éducation.
[Traduction]
Mme Andrée Lortie: Je crois avoir dit dans ma présentation que le Consortium national de formation en santé était un succès retentissant. C'est un domaine où, sur le plan national, à l'extérieur du Québec, sept universités et trois collèges se sont réunis en consortium et ont pu...
Ma réponse est trop longue, n'est-ce pas? Je dois faire preuve de discipline.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Poilievre.
On poursuit avec M. Godbout.
M. Marc Godbout (Ottawa—Orléans, Lib.): Monsieur le président, encore une fois, je suis obligé de saluer d'anciens collègues. Au fil de toutes mes vies, j'ai passé un peu partout en Ontario.
Madame Lortie, évidemment, vous nous avez parlé des ententes, de ce qui se faisait en santé. J'aimerais en savoir un petit peu plus long au sujet de Ressources humaines et Développement des compétences Canada parce que, puisque vous oeuvrez dans le domaine de la formation professionnelle, théoriquement, vous devriez avoir un lien assez serré avec Ressources humaines et Développement des compétences Canada.
Pouvez-vous me dire quels sont les succès que vous avez eus, quelles sont les problématiques auxquelles vous avez fait face?
Mme Andrée Lortie: Je vais répondre rapidement à votre question, monsieur Godbout. Le prochain dossier politique dont j'aimerais m'occuper est celui de la question de la formation professionnelle. En ce qui concerne les fonctionnaires, je pense que le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences ne fait pas partie du gouvernement canadien. Comme quelqu'un me l'a expliqué, la question des langues officielles ne relève pas d'eux; on doit aller au ministère du Patrimoine canadien. Santé Canada ne réagit pas de cette façon! Quand on parle à des gens comme Marcel Nouvet, à Santé Canada, il perçoit que c'est son dossier, qu'il faut qu'il fasse quelque chose pour les communautés en milieu minoritaire. À Ressources humaines et Développement des compétences Canada, ce n'est pas le cas. C'est tellement gros, tellement compliqué et il y a tellement de raisons et d'excuses pour ne rien faire...
Prenez seulement le cas de l'Ontario. Souvenez-vous de l'époque où on a modifié la loi pour que les achats ne soient plus faits en bloc, mais de façon individuelle. Ce n'est pas le cas au Québec, qui est privilégié de ce côté. On disait que l'individu avait de l'argent et qu'il devait acheter sa formation. On formait environ 400 francophones. Présentement, on en forme entre 17 et 20.
Alors, j'aimerais, à un moment donné, pouvoir vous reparler du dossier du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, parce que c'est peut-être le pire scandale qui existe.
M. Marc Godbout: Si vous aviez à faire une recommandation en ce qui concerne Ressources humaines et Développement des compétences Canada, auriez-vous tendance à dire qu'il faudrait des programmes et des critères spécifiques aux communautés francophones minoritaires?
¿ (0955)
Mme Andrée Lortie: Absolument. Il faudrait des critères, des programmes spécifiques qui visent les communautés en milieu minoritaire et qui tiennent compte de leurs défis. Quand on parle de programmes d'apprentissage — soudure, électricité, etc. — et quand on parle de programmes accélérés pour permettre aux gens de retourner sur le marché du travail, les défis sont aussi grands qu'au postsecondaire. Alors, oui, il faudrait des programmes très précis. Il faudrait cibler et ensuite rendre les gens comptables, leur dire quels sont les résultats à attendus.
Pourquoi les choses fonctionnent-elles bien en santé? Parce qu'on a fait un plan d'action et qu'on a dit qu'il fallait former plus de 5 000 travailleurs en santé dans un délai précis. On nous demande où nous en sommes dans les collèges et les universités, et je vous jure que nous regardons nos résultats et que nous aurons atteints nos objectifs, à la fin. Il faut faire la même chose à Ressources humaines et Développement des compétences Canada.
M. Marc Godbout: Si le président ne me regarde pas, cela doit vouloir dire que j'ai encore du temps.
Le président: Il vous reste 5 minutes, trente secondes.
M. Marc Godbout: Je m'améliore.
Vous avez évidemment une expertise assez pointue ici, dans la ville d'Ottawa. Trouvez-vous que le gouvernement fédéral, en matière d'achat de formation linguistique, exploite vos services au maximum?
Mme Andrée Lortie: Vous posez toutes les bonnes questions. Encore une fois, la réponse est non, malheureusement. Soit dit en passant, il y a de bonnes choses qui sont faites; je n'ai pas que des choses négatives à dire.
Les politiques, par exemple, font qu'on a recours à des entreprises qui ont des bureaux à l'échelle nationale. C'est bien évident que lorsqu'on est capable de donner de la formation linguistique mais qu'on est dans une ville, même si on dit qu'on va s'associer à nos collègues dans les autres provinces... Au Manitoba, ils sont capables de donner de la formation linguistique. Éducacentre, à Vancouver, peut faire la même chose; le Nouveau-Brunswick aussi. Si on pouvait créer des consortiums et faire des soumissions pour obtenir des contrats de formation linguistique au fédéral, ce serait intéressant, mais les règles du jeu empêchent cela; il faut être une compagnie privée.
M. Marc Godbout: Il faudra peut-être revenir là-dessus, monsieur le président. Votre collège est quand même une installation d'environ 120 millions de dollars qui n'est par exploitée parce qu'il n'a pas de satellite dans chacune des provinces. C'est une chose, en matière de formation linguistique, qui...
Mme Andrée Lortie: Cela nous permettrait d'avoir des revenus additionnels qui pourraient être réinvestis dans la formation. Cela permettrait aussi aux francophones des autres provinces de faire la même chose.
Le président: Merci, monsieur Godbout.
Monsieur Desrochers, c'est votre tour.
M. Odina Desrochers (Lotbinière—Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Merci, monsieur le président.
Bonjour, madame Lortie et monsieur Saint-Jules.
Madame Lortie, je comprends que M. Simard ait dit qu'on attendait de bonnes nouvelles, À ce sujet, monsieur le président, ce ne serait pas une mauvaise idée d'inviter Mme Liza Frulla à revenir comparaître devant nous. On va en parler dans nos travaux futurs. Cela tarde de partout, on attend toujours. Je comprends qu'il y a eu de belles déclarations dans la province du Manitoba, mais cela ne vous donne pas de l'argent pour fonctionner.
À votre connaissance, est-ce toujours le même scénario qui se répète dans vos rapports à cet égard avec le gouvernement fédéral? Je sais que vous devez faire de la planification. Lorsqu'on planifie, il faut de l'argent. Est-ce toujours le même scénario? Êtes-vous toujours obligés de courir après les montants d'argent qui vous sont promis?
Mme Andrée Lortie: Cela n'a pas été le cas pour la première entente spéciale. C'était une entente négociée où on nous avait permis de préparer un plan d'action. Il a été soumis, négocié. On n'a pas eu tout ce qu'on avait demandé, mais on a eu un bon montant d'argent. L'entente prévoyait 40 et quelques millions de dollars pour cinq ans pour tous les collègues en Ontario à l'époque: le Collège Boréal, le Collège des Grands Lacs et nous. Cela a été merveilleux. Nous avions un grand problème en termes de qualité de la formation et nous avons a pu dire quels résultats nous allions obtenir. Nous avons pu dire à Mme Copps, qui était la ministre responsable à la fin, quels résultats avaient été atteints. Cela a été une bonne expérience.
M. Odina Desrochers: Je reviens à votre problème actuel: le 31 mars 2005, il n'y aura plus d'argent qui entrera.
Mme Andrée Lortie: C'est un problème.
M. Odina Desrochers: Normalement, le gouvernement donne des enveloppes ou des subsides ou autre chose, mais dans votre cas, vous êtes vraiment confrontés à un manque à gagner.
Pourriez-vous me dire quel est votre manque à gagner?
Mme Andrée Lortie: Il est de 3,2 millions de dollars environ.
M. Odina Desrochers: Quelle est la contribution de l'Ontario?
Mme Andrée Lortie: J'ai un budget annuel qui se situe entre 48 millions de dollars et 50 millions de dollars. La contribution de l'Ontario couvre les opérations normales, comme s'il s'agissait d'un collège anglophone. Ce sont les coûts additionnels qui ne sont jamais couverts, et c'est ce dont on a besoin. Je vous dirais que la demande présente est pour un montant de 6 millions de dollars environ, soit environ le double de la demande précédente, parce qu'on a plus de programmes, plus d'étudiants. Quand je vous dis 3,2 millions de dollars, cela tient compte des coupures que nous avons déjà faites. Il va falloir refaire des choses qu'on a éliminées l'an passé parce qu'on n'avait pas d'argent.
À (1000)
M. Odina Desrochers: Pourriez-vous dire que vous avez fait des efforts de rationalisation, des coupures, par exemple en matière de frais de déplacement des employés? Si le gouvernement fédéral tarde à signer, cela pourrait-il mettre en cause la planification de votre session de l'automne 2005?
Mme Andrée Lortie: C'était la question de M. Lauzon; la réponse est oui. Ma crainte est justement que cela ait un impact sur la planification pour l'automne prochain. Qu'allons-nous faire des secteurs qui ont besoin de plus de ressources?
Je vous donne l'exemple des programmes de technologie. Vous savez de qui s'est passé un peu partout dans la région d'Ottawa dans le domaine de la technologie informatique et électronique, entre autres chez Nortel, etc. Cela veut dire que les chiffres ont baissé dans tous les collèges et dans toutes les universités; les programmes sont en difficulté. Dans un collège anglophone comme le Collège Algonquin, ils coupent les sections. Au lieu d'en avoir 10, ils décident qu'ils en auront quatre ou cinq. À la Cité collégiale, présentement, les programmes sont d'une durée de trois ans. Je vais devoir décider si je les garde ou si je les suspends en juillet. J'attends jusqu'à la dernière minute. C'est un secteur en difficulté.
L'année passée, j'ai décidé, parce qu'on avait une prolongation, de maintenir les programmes de deux et de trois ans en électronique et en informatique. Cette année, si on n'a pas les ressources, on devra les éliminer. Cela voudrait dire qu'on sortirait du marché de l'électronique et de l'informatique et qu'on dirait à nos étudiants de ne pas s'inscrire dans un collège de langue française, car ce sera suspendu. On leur dirait d'aller plutôt au Collège Algonquin, Or, ils sont tous bilingues.
M. Odina Desrochers: L'entente que vous voulez renouveler est de quelle durée? Êtes-vous obligée de revenir demander de l'argent chaque fois?
Mme Andrée Lortie: J'espère que ce sera une entente de cinq ans, mais comme cela traîne depuis deux ans, ils vont peut-être nous arriver avec une entente de trois ans ou de quatre ans. On aimerait avoir une entente de cinq ans. C'est ce qui permet de préparer un plan avec des résultats escomptés. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on me demande de rendre des comptes, mais qu'on nous donne le temps de mettre les choses en place. Dans un collège, on ne peut pas y arriver en un an ou deux ans. On aimerait avoir une entente de cinq ans.
M. Odina Desrochers: Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Desrochers.
On poursuit avec M. Julian.
M. Peter Julian: Merci beaucoup.
Je voulais juste revenir sur la situation au pays. Qu'est-il arrivé au Collège des Grands Lacs?
Mme Andrée Lortie: Il a été fermé parce qu'il ne fonctionnait pas. Présentement, en Ontario, le Collège Boréal a assumé une certaine responsabilité, mais il y a une discussion au niveau du ministère, en Ontario, pour voir ce qu'on va faire pour bien utiliser deux institutions, la Cité collégiale et le Collège Boréal, afin de desservir l'ensemble de la population de l'Ontario.
M. Peter Julian: Si je comprends bien, aucun programme n'est offert présentement dans le sud de l'Ontario.
Mme Andrée Lortie: Certains programmes sont offerts. Je dirais qu'environ 60 étudiants sont desservis.
M. Peter Julian: D'accord, mais simplement par les campus qui sont rattachés au Collège Boréal?
Mme Andrée Lortie: Oui.
M. Peter Julian: La fermeture du Collège des Grands-Lacs est-elle liée à cette perte de financement?
Mme Andrée Lortie: Honnêtement, je dirais que c'est lié à deux choses. Premièrement, le concept de collège sans murs pour les francophones n'a pas fonctionné, si on tient compte du double mandat des collèges: augmenter l'accès à la formation et appuyer la communauté dans son développement. C'est une chose.
Deuxièmement, les défis étaient énormes, parce que le secteur du sud et du sud-ouest de l'Ontario en est un où il y a beaucoup de dispersion des francophones. Il aurait peut-être fallu faire les choses différemment. Je pense qu'il y a des besoins réels, à cause des communautés ethnoculturelles, de l'immigration francophone. Or, on n'a peut-être pas pris l'approche de se demander comment on devait desservir les communautés multiculturelles qui veulent étudier en français. Cela n'a peut-être pas été très bien fait, parce qu'on apprenait et parce que les défis étaient plus grands que ceux du Collège Boréal et de la Cité collégiale, où il y avait déjà une infrastructure et où il y avait des conseils scolaires qui appuyaient fortement ces institutions, compte tenu de la communauté et des conseils qui étaient là depuis de nombreuses années.
Alors, je vous dirais que la situation dans le sud de l'Ontario en est une sur laquelle il faudra se pencher de nouveau afin de voir comment on peut desservir les communautés multiculturelles.
M. Peter Julian: Il faut dire que le défi est le même en Colombie-Britannique. Une grande part de l'augmentation de la population francophone est due à l'immigration en provenance de l'Afrique, de l'Asie et des pays francophones.
Mme Andrée Lortie: Un de nos défis, en ce qui concerne l'ensemble des collèges du Canada, consiste à trouver une façon d'attirer les communautés culturelles, de les accueillir de façon appropriée, de manière à ce qu'elles restent, et d'éviter le genre de fiasco qui a eu lieu lorsque la communauté vietnamienne s'est assimilée à la communauté anglophone parce qu'on n'avait pas bien fait les choses.
La Cité collégiale compte 3 500 étudiants, et 32 p. 100 d'entre eux viennent d'Afrique et d'autres pays étrangers. L'immigration de francophones qui préfèrent étudier en français est un phénomène qui existe bel et bien, mais il faut s'y attaquer.
À (1005)
M. Peter Julian: Au Nouveau-Brunswick, le réseau est en train de subir les mêmes problèmes qu'ailleurs au pays. Le manque de financement et d'engagement de la part du fédéral fait en sorte que les campus du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick endurent présentement la situation que vous décrivez.
Mme Andrée Lortie: Ils sont présentement en pleine restructuration.
M. Peter Julian: J'aimerais savoir quel est le potentiel en termes de nombre d'étudiants. Vous avez parlé de 7 000 étudiants à temps plein dans l'ensemble du pays. Cela inclut 3 500 étudiants qui fréquentent présentement La Cité collégiale et 20 000 autres qui sont soit en formation professionnelle soit à temps partiel.
Ce total inclut-il les 7 000 étudiants à temps plein?
Mme Andrée Lortie: Non, il ne les inclut pas. En fait, il s'agit de 27 000 étudiants.
M. Peter Julian: D'accord. Il y a donc 27 000 étudiants dans l'ensemble du pays. On compte un million de francophones au Québec. Il y a également des centaines de milliers de jeunes, plutôt anglophones, de même que des individus d'autres origines qui ont été formés en français dans des écoles d'immersion.
Quel serait le nombre possible d'étudiants si le réseau était bien financé partout au pays et que le fédéral prenait réellement un engagement à cet égard?
M. Yvon Saint-Jules: Du côté de l'immersion française, on compte 350 000 élèves inscrits à des programmes d'immersion. Ce nombre à lui seul représente un bassin qui permettrait d'alimenter les institutions francophones. Comme vous le mentionniez, environ un million de francophones se trouvent à l'extérieur du Québec, soit à peu près 500 000 en Ontario, entre 250 000 et 300 000 au Nouveau-Brunswick, et 200 000 dans le reste du pays. Il existe donc un bassin de population. À cela s'ajoute toute l'immigration francophone, de telle sorte qu'il y a à la fois un besoin et un bassin. Il est certain que le bassin est plus restreint que dans le cas des collèges anglophones, mais il y a néanmoins un potentiel qui n'est pas développé.
Mme Andrée Lortie: C'est une bonne question. Quand on parle de plan d'action par province, c'est le genre de question qui est posée. Ce fut le cas dans le cadre du Consortium national de formation en santé. Le fédéral a demandé combien de professionnels il était possible de former en plus d'assurer la rétention en région. C'est aussi le genre de question qui pourrait très bien être posée dans le contexte d'une entente sur le niveau collégial entre les provinces et le fédéral. On pourrait par exemple demander combien d'étudiants le Nouveau-Brunswick et le Manitoba sont en mesure de former d'ici cinq ans.
Pour le moment, on ne peut pas répondre à cette question. Il faudrait vraiment que toutes les provinces étudient la chose ensemble. Je pourrais répondre pour l'Ontario, mais pas pour les autres provinces. Il faut néanmoins poser la question dans le cadre d'ententes fédérales-provinciales. On parle ici des résultats qu'on veut atteindre. On veut pouvoir déterminer ce que donne l'investissement du fédéral.
Le président: Merci, madame Lortie. Merci beaucoup, monsieur Julian.
On entame maintenant le dernier tour.
[Traduction]
M. Poilievre et M. Scheer vont partager leur temps, n'est-ce pas?
[Français]
M. Pierre Poilievre: Nous n'avons pas de question.
Le président: Vous avez donc partagé votre non-question.
On poursuit avec M. André.
M. Guy André: Comme on le sait, le renouvellement des ententes Canada-communautés est arrivé à échéance le 31 mars 2004. Nous sommes en 2005. Comment expliquez-vous que dans le contexte actuel, ces ententes ne soient pas encore signées? Je ne pense pas que le gouvernement soit en déficit. Il y a un surplus budgétaire, le ministère et les structures sont prêts. Comment expliquez-vous une telle situation?
Mme Andrée Lortie: Je n'oserais même pas vous répondre.
M. Guy André: C'est difficile à comprendre. S'agit-il d'un manque de volonté politique? Pourtant, les grandes lignes et les orientations du plan d'action sont établies.
Mme Andrée Lortie: J'ai parfois tendance à nous en imputer le blâme et à me dire que nous n'avons peut-être pas crié assez fort pour dire à quel point il est important que les choses se concrétisent. Je me demande si nous avons bien transmis notre message. Je sais que des dossiers politiques sont à l'étude et que vous y êtes confrontés chaque jour. Les communautés représentent un petit nombre de personnes. Il y a eu, d'autre part, beaucoup de changements, des élections et de nouveaux ministres. En plus, la fonction publique...
M. Guy André: Il ne s'agit pas d'une nouvelle initiative. Ce n'est pas un nouveau projet. Il est question d'institutions collégiales qui sont établies dans l'ensemble du Canada et qui offrent des services à des étudiants. Ce n'est pas un nouveau projet.
À (1010)
Mme Andrée Lortie: Présentement, il faut qu'il y ait un leadership au niveau politique. Le leadership ne doit pas venir de la fonction publique. Il faut que les politiciens disent qu'il faut que cela se fasse parce que c'est important. Ils doivent demander ce qui se passe au sein du Réseau des cégeps et collèges francophones duCanada, demander ce qui se passe au sein du monde collégial. Ils doivent demander de combien d'argent nous disposons. C'est ce qui doit se produire. Je ne pourrais même pas vous dire pourquoi.
Il s'est fait de très bonnes choses et il faut maintenant passer à l'action. J'étais enchantée que vous acceptiez de me rencontrer, car je me suis dit que c'était une bonne occasion de vous sensibiliser à nos défis et de vous informer des bonnes choses qui se font à l'extérieur du Québec, au niveau national. Plusieurs communautés veulent faire des choses, mais doivent attendre pour les faire. Il y a des possibilités, mais on est incapable de bouger parce que, non seulement il n'y a pas assez d'argent, mais de plus, il n'y a pas d'engagement financier.
M. Guy André: Que vous disent les fonctionnaires que vous appelez et à qui vous dites que les ententes n'ont pas été renouvelées?
Mme Andrée Lortie: Ils nous disent que ça s'en vient. Quand on parle aux représentants provinciaux, on nous dit que c'est à cause du fédéral, et quand on parle aux représentants fédéraux, on nous dit que c'est à cause de la province. On joue au ping-pong.
M. Guy André: Me reste-t-il encore un instant?
Le président: Oui, il ne vous reste qu'un instant!
M. Guy André: Je sais que vous voulez développer le réseau collégial dans d'autres provinces, comme la Colombie-Britannique. Y a-t-il des provinces, actuellement, qui appuient moins cette idée?
Mme Andrée Lortie: Il s'agit des provinces où il se fait moins de choses, parce que c'est nouveau et que c'est une nouvelle idée. En ce qui a trait à l'Ouest, à l'exception du Manitoba, il faut parler de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, quoique cette dernière ait signé une entente, ce qui est positif. Dans le cas des deux autres provinces, ce n'est pas que les gens ne veulent pas, mais il s'agit d'une nouvelle réalité. Il faut pratiquement que la question émane de ceux qui sont préoccupés par le sort des langues officielles, c'est-à-dire les gens du fédéral.
M. Guy André: Les provinces ne veulent pas s'embarquer.
Mme Andrée Lortie: Il faut les pousser un petit peu dans le dos et offrir des incitatifs.
M. Guy André: En résumé, le fédéral doit assumer le leadership, pousser dans le dos des provinces et favoriser la concertation.
Mme Andrée Lortie: Il n'y a rien à Terre-Neuve. Il n'y a rien dans les Territoires du Nord-Ouest à cause de la petite taille de la population. Il y a aussi des petites communautés à l'Île-du-Prince-Édouard. Il est sûr que le Nouveau-Brunswick, l'Ontario, le Manitoba veulent faire des choses. Les plus petites provinces ont besoin de l'appui des provinces où des choses se passent.
Le président: Votre instant est terminé.
Madame Boivin, vous avez la parole.
Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.): Bonjour. Je ne vous parlerai pas de financement, car je suis déjà entièrement convaincue de la justesse de votre cause. Je ne peux comprendre comment vous réussissez à fonctionner. Je ne sais même pas comment vous avez fait depuis l'année passée, étant donné le niveau de votre financement.
J'aimerais vous poser des petites questions sur le Réseau des cégeps et collèges francophones duCanada.
Peut-on dire que cela s'étend aussi au réseau des collèges en général?Avez-vous l'impression d'être le parent pauvre du domaine de l'éducation, pris entre les commissions scolaires, le secondaire, le primaire et l'université? J'ai l'impression que vous travaillez encore très fort pour qu'on reconnaisse votre valeur. J'imagine que cela doit être encore pire quand on est francophone en situation minoritaire.
Mme Andrée Lortie: Le Réseau des cégeps et collèges francophones duCanada est effroyablement sous-financé. On a fait une demande d'à peu près 500 000 $ et on ne nous a donné que 250 000 $. D'autre part, les réseaux de conseils scolaires sont organisés; ils reçoivent donc un meilleur financement. En ce qui a trait aux universités, il s'agit de grosses institutions. Quand l'Université d'Ottawa participe à cela, les gens veulent que le dossier avance et ils sont capables de financer une infrastructure plus grosse.
Mme Françoise Boivin: On dirait que les provinces ne reconnaissent pas l'importance du collégial. Comment expliquez-vous cela?
Mme Andrée Lortie: Je l'explique de la façon suivante. On a des lois et il existe des obligations constitutionnelles depuis de nombreuses années. De plus, les conseils scolaires, dans certaines provinces, sont allés en cour et ont gagné. Il y a une réalité constitutionnelle.
La plupart du temps, les élus et les autres membres de l'élite ont fréquenté l'université. On se connaît, on a des liens, le réseautage est absolument incroyable et le lobbying se fait parfaitement. Les collèges ont été créés au Canada au cours des années 1960 dans à peu près toutes les provinces. C'est une nouvelle chose, une nouvelle créature, même chez les anglophones. Chez les francophones, ils ont été créés par la suite.
Il y a plus d'étudiants qui fréquentent le niveau collégial au Canada que le niveau universitaire, mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une nouvelle créature qui doit se faire connaître, qui doit se vendre et qui doit expliquer quelles sont ses valeurs ajoutées. Du côté francophone, le problème est encore plus grand.
Il y a donc une réalité constitutionnelle et un réseautage bien établi, et il y a, d'autre part, le « bébé » collégial.
À (1015)
Mme Françoise Boivin: La Cité collégiale est probablement le collège que je connais le mieux. Beaucoup de gens de mon comté de Gatineau la fréquentent et en sont fort heureux, d'ailleurs. Sur le plan pratique, quel pourcentage de votre clientèle provient du Québec? Quel pourcentage de la clientèle franco-ontarienne fréquente la Cité collégiale, et combien fréquentent le Collège Algonquin pour les programmes en anglais ou d'autres programmes?
Mme Andrée Lortie: Il y a toujours eu entre 30 p. 100 et 40 p. 100 de notre clientèle qui vient du Québec. Pourquoi? Parce que l'Outaouais est une région. Les gens n'iront pas étudier les médias à Jonquière, ils viendront à la Cité collégiale. Ils ne se déplaceront pas. Dieu merci, nous avons eu cela, ce qui nous a permis de lancer des programmes qu'on n'aurait jamais lancés autrement. Nos Franco-Ontariens n'étudiaient pas dans le secteur des médias.
Il y a dix ans, il n'y avait pas de Franco-Ontariens. Actuellement, on a une forte proportion de nos programmes qui réussissent à attirer des Franco-Ontariens.
En ce qui a trait à la proportion de francophones, je ne peux pas répondre. En ce moment, environ 800 Franco-Ontariens fréquentent le Collège Algonquin. Si on regarde les admissions à notre service central pour les collèges au niveau provincial, on constate qu'à peu près 48 p. 100 de francophones s'inscrivent en français et que 52 p. 100 d'entre eux s'inscrivent dans des collèges anglophones.
Mme Françoise Boivin: Est-ce une clientèle qui pourrait être chez vous?
Mme Andrée Lortie: Oh oui, elle pourrait être chez nous.
Mme Françoise Boivin: Pourquoi n'y est-elle pas?
Mme Andrée Lortie: Elle n'y est pas parce qu'il arrive souvent que nous n'offrons pas le programme souhaité. Environ 400 programmes sont offerts en anglais et à peu près 52 programmes sont offerts en français. Le choix n'est pas le même. C'est une première raison.
Deuxièmement, nous n'avons toujours pas mis sur pied les modalités de formation à distance ou de modes alternatifs de livraison. Nous n'arrivons donc pas à joindre nos petites communautés. Si je compare notre collège à un collège anglophone, nous touchons la clientèle qui vient du secondaire dans une assez bonne proportion. Nous ne touchons pas la population adulte, parce celle-ci n'est pas mobile. Il faut pouvoir s'installer dans la communauté, offrir des modes alternatifs de livraison, permettre des stages en milieu de travail, dans les hôpitaux par exemple. Nous n'avons pas encore développé les outils nécessaires pour attirer cette clientèle.
Mme Françoise Boivin: Il y a aussi tout le volet professionnel.
Le président: Ça passe tellement vite.
Monsieur Julian, votre intervention sera la dernière.
M. Peter Julian: Merci beaucoup, monsieur le président.
On sait que les francophones, en particulier à l'extérieur du Québec, gagnent moins que les anglophones. Cela est dû à plusieurs facteurs, mais surtout au fait que l'éducation n'est pas disponible. C'est une réalité qu'on connaît bien; on constate cet écart et le manque de financement pour un système d'éducation à l'extérieur du Québec, même si on sait que les francophones gagnent moins que les anglophones.
J'ai deux questions à vous poser. D'abord, à votre avis, y a-t-il un manque de volonté de la part du gouvernement fédéral? Ensuite, quand vous regardez le Plan d'action pour les langues officielles et l'ensemble des directives dans le cadre des langues officielles, envisagez-vous la possibilité que la population francophone de l'extérieur du Québec rattrape la population francophone du Québec sur le plan des salaires, de l'accès à l'éducation, etc.?
Mme Andrée Lortie: Ma réponse, lorsque j'ai vu le Plan d'action pour les langues officielles, aurait été oui. J'ai eu une vision. Je me suis dit qu'il y avait un engagement, une vision. C'était la première fois qu'on avait cela. C'était souhaitable et c'était une bonne nouvelle. Le problème est qu'il faut passer de la vision à la mise en oeuvre. En ce qui me concerne, la vision est là. Le Plan d'action pour les langues officielles est là. Il veut des choses importantes pour les communautés, et il faut se dire qu'on l'a. Il faut faire quelque chose.
Quant à savoir si les francophones peuvent rejoindre le niveau national sur le plan salarial, il faut tenir compte du fait que la communauté francophone est particulière. Cette communauté se tourne habituellement vers les secteurs mous et ne connaît pas beaucoup l'électronique, l'informatique. Les modèles n'existent pas. Les parents ne travaillent pas en biotechnologie, en électronique ou en informatique. Ils travaillent dans des secteurs plus mous, souvent dans des domaines reliés à l'éducation, à l'enfance, à des secteurs où on a tendance à moins bien rémunérer les travailleurs. On a beaucoup de travail à accomplir pour faire connaître les métiers aux francophones, pour leur faire connaître les secteurs techniques plus spécialisés et plus prometteurs d'avenir, où il y a des carrières et de l'argent, parce que les modèles sont inexistants. Ils existent beaucoup plus du côté anglophone.
J'espère que cela répond aux questions.
À (1020)
M. Peter Julian: Oui, mais cela n'y répond qu'en partie. On en revient à la question de la volonté. Comment expliquer l'écart entre le plan d'action, qui fait preuve de la vision dont vous parliez, et le fait que depuis plus d'un an maintenant, il n'y ait pas de garantie de financement pour le réseau collégial? De plus, il y a maintenant une situation de crise, une situation où on doit revoir les programmes qui seront offerts l'année prochaine. Comme vous l'avez fait remarquer, il est probable que partout au pays, chacun des réseaux, chacun des cégeps ou des collèges francophones est en train de revoir ses programmes, sans savoir s'ils auront du financement.
M. Yvon Saint-Jules: Nous avons eu l'impression, lors de l'annonce de la mise en place du plan Dion, que le problème, sur le plan politique, avait été réglé. On s'est dit que c'était un bon plan pour cinq ans et qu'on pouvait aller de l'avant. Cependant, toute la mise en application du plan est déficiente. Si toutes les intentions énoncées dans le plan Dion se réalisaient présentement, je pense que la situation s'en trouverait améliorée, mais ce n'est pas le cas, et ce, pour un paquet de raisons que je n'arrive pas toujours à comprendre.
M. Peter Julian: Moi non plus.
M. Yvon Saint-Jules: Le plan ne se transpose pas dans des actions concrètes. De l'argent a été annoncé, mais on le reporte d'année en année parce qu'il n'est pas dépensé et parce que les programmes ne sont pas utilisés.
Alors, c'est comme si les politiciens s'étaient dit qu'ils avaient réglé le problème en déposant un bon plan et qu'il appartenait désormais aux fonctionnaires ou une autre instance de s'arranger avec le reste pour le réaliser, tandis qu'eux allaient passer à d'autres préoccupations. On a alors passé à la préoccupation politique de la santé. Effectivement, il y a eu des actions sur le plan de la santé. Toutefois, je pense qu'il faut ramener l'éducation dans le giron politique, s'arranger pour que cela redevienne une priorité et qu'on traite le collégial d'une façon plus précise, parce que c'est le seul réseau qui, actuellement, n'a pas d'établissements formels dans toutes les provinces.
Mme Andrée Lortie: Je vous dirais une autre chose: les petites décisions qui sont prises nous affectent énormément. Quand la ministre Scherrer a écrit à M. Reid pour lui dire que dorénavant, dans le cadre des ententes, on allait augmenter le montant d'argent devant aller au Conseil des ministres de l'Éducation, cela a traumatisé le collégial, parce que ce dernier est inexistant dans bien des provinces et que les provinces ne s'en soucient pas. Alors, on a besoin d'un leadership de la part du fédéral au niveau collégial, pour indiquer ce qu'il faut y faire.
Cela a eu un impact sur toutes nos communautés. La réaction a été négative. Nous nous sommes demandé ce qui allait nous arriver, puisque nous n'étions plus présents.
Le président: Merci, madame Lortie.
Merci, monsieur Julian.
Cela met un terme à notre période de questions et de commentaires. Cette discussion a été, je pense, très intéressante pour chacun des membres du comité autour de la table. On va poursuivre cette discussion avec d'autres intervenants dans l'avenir, dont la ministre.
Je tiens à vous remercier, madame Lortie, monsieur Saint-Jules, de votre visite. C'était très aimable de votre part de partager vos opinions, vos commentaires et votre expertise avec nous.
[La séance se poursuit à huis clos]