LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des langues officielles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 21 avril 2005
¿ | 0910 |
Le président (M. Pablo Rodriguez (Honoré-Mercier, Lib.)) |
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD) |
Le président |
L'hon. Jean-Robert Gauthier (à titre personnel) |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
Le président |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
¿ | 0925 |
Le président |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
Le président |
M. Guy Lauzon (Stormont—Dundas—South Glengarry, PCC) |
¿ | 0930 |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
¿ | 0935 |
M. Guy Lauzon |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
Le président |
M. Guy André (Berthier—Maskinongé, BQ) |
¿ | 0940 |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
M. Guy André |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
¿ | 0945 |
M. Guy André |
Le président |
M. Yvon Godin |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
¿ | 0950 |
M. Yvon Godin |
Le président |
M. Marc Godbout (Ottawa—Orléans, Lib.) |
¿ | 0955 |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
M. Marc Godbout |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
À | 1000 |
M. Marc Godbout |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
M. Marc Godbout |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
M. Marc Godbout |
Le président |
M. Pierre Poilievre (Nepean—Carleton, PCC) |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
À | 1005 |
M. Pierre Poilievre |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
Le président |
Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.) |
À | 1010 |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
À | 1015 |
Le président |
M. Guy André |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
À | 1020 |
M. Guy André |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
Le président |
M. Yvon Godin |
À | 1025 |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
M. Yvon Godin |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
M. Yvon Godin |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
Le président |
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, PCC) |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
À | 1030 |
M. Maurice Vellacott |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
Le président |
M. Guy André |
À | 1035 |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
Le président |
M. Jean-Claude D'Amours (Madawaska—Restigouche, Lib.) |
À | 1040 |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
M. Jean-Claude D'Amours |
Le président |
M. Yvon Godin |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
À | 1045 |
M. Yvon Godin |
L'hon. Jean-Robert Gauthier |
Le président |
Le président |
M. Yvon Godin |
Le président |
Mme Françoise Boivin |
Le président |
M. Guy André |
Le président |
M. Yvon Godin |
Le président |
Mme Françoise Boivin |
Le président |
M. Yvon Godin |
À | 1055 |
Le président |
CANADA
Comité permanent des langues officielles |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 21 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0910)
[Français]
Le président (M. Pablo Rodriguez (Honoré-Mercier, Lib.)): Bonjour à tous. Bienvenue à cette réunion.
Tout d'abord, je tiens à m'excuser du changement de local de dernière minute. Ce changement ne relève pas de nous, mais plutôt d'un réaménagement qui a eu lieu hier soir, à la dernière minute. Cela explique peut-être le retard de certains de nos collègues.
Bienvenue à cette très importante rencontre. Nous avons aujourd'hui le plaisir et l'honneur de recevoir l'honorable Jean-Robert Gauthier afin de discuter du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles.
Comme d'habitude, nous donnerons la parole à M. Gauthier pour quelques instants, puis nous continuerons.
Monsieur Godin, allez-y.
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Je fais un rappel au Règlement, monsieur le président. Je veux simplement vous aviser que je vais déposer une motion durant l'audience ou lorsque nous en aurons fini avec le témoin. Cette motion suggère que le projet de loi S-3 soit une priorité. La semaine dernière, on nous a présenté une motion proposant de mettre de côté le projet de loi S-3 jusqu'à ce que nous finissions notre rapport. Je veux aviser le comité que je présente une motion visant à rouvrir le débat.
Le président: Nous pourrions faire ce que nous avons fait la dernière fois dans le cas de M. Lauzon, c'est-à-dire réserver pour cela 10 minutes à la fin de notre rencontre. Ça va? Merci.
Bienvenue parmi nous, monsieur Gauthier. Nous vous donnons la parole.
L'hon. Jean-Robert Gauthier (à titre personnel): Merci, monsieur le président.
D'abord, permettez-moi de vous dire que je suis très content d'être ici. Cela fait quelques années que je parcours les lieux du Parlement. J'ai passé ici 22 ans comme député et 10 ans comme sénateur. Je connais donc un petit peu la procédure et l'atmosphère.
Avant de commencer, je dois vous avouer que je suis sourd ou malentendant. Cela dépend de qui me parle. Si c'est un homme poilu, je ne comprends rien, car je ne suis pas capable de lire sur ses lèvres. Si c'est une belle femme, je comprends tout.
Vous voyez que j'ai un service de sténotypie en temps réel. Je vais vous montrer ce que cela donne. Cette dame, Marie-Claude Lavoie, est une sténotypiste professionnelle qui va mettre par écrit un énoncé oral qu'elle va entendre par l'interprétation en anglais ou en français. Elle va toujours l'interpréter dans une langue seulement parce qu'elle ne peut pas être bilingue. Son dictionnaire est soit français, soit anglais. Marie-Claude Lavoie est francophone. Elle va donc me donner le texte en français. Vous pouvez parler anglais: elle a l'interprétation, et moi, je comprends les deux langues. Vous voyez que c'est très commode.
Je trouve malheureux et injuste que la Chambre des communes oublie trois millions de Canadiens et de Canadiennes, qui n'ont pas accès aux débats du Parlement par voie de sous-titrage. La Chambre des communes devrait comprendre qu'il est essentiel pour les Canadiens et les Canadiennes d'avoir accès à tous les débats du Parlement. Par exemple, la période de questions est sous-titrée en anglais mais pas en français. Le reste des débats n'est aucunement sous-titré, ni en anglais ni en français. Par contre, on a la technologie aujourd'hui. On l'a au Sénat. On a mis cinq ans à la mettre au point. Depuis que je suis sourd, soit depuis 1997, on y a travaillé et on a maintenant une bonne technologie.
J'ai gagné hier avec Radio-Canada. Radio-Canada va sous-titrer toute sa programmation en français. En anglais, il n'y a pas de problème. Toute la programmation de CBC et Newsworld est sous-titrée, 24 heures sur 24, sept jours par semaine. Ce n'est pas le cas en français. Cela n'est pas correct dans un pays qui a deux langues officielles. C'est ma commandite. C'est à la mode aujourd'hui de faire des commandites. J'en ai donc fait une.
Revenons maintenant à nos oignons, soit le projet de loi S-3. J'ai présenté au Sénat un projet de loi modifiant la Loi sur les langues officielles (promotion du français et de l'anglais) à quatre reprises depuis 2001. Ces projets de loi ont été étudiés de façon assez exhaustive par des comités parlementaires, par le Sénat. Il y a environ un an, le projet de loi S-4 a été adopté à l'unanimité et a même été envoyé à la Chambre des communes, qui avait commencé à l'étudier à l'étape de la deuxième lecture. Malheureusement, ou heureusement, il y a eu une élection. Le projet de loi est mort au Feuilleton, comme on dit.
Je suis revenu à la charge au printemps 2004, après l'élection. À l'automne, le projet de loi S-3 a passé toutes les étapes de première, deuxième et troisième lectures et a été adopté par le Sénat. Ce n'est donc plus un projet de loi de Jean-Robert Gauthier, mais un projet de loi du Sénat qui est devant nous.
[Traduction]
Lorsqu'on rédige un projet de loi et qu'on essaie de le faire adopter au Parlement, il faut faire preuve de patience. Il faut que je vous dise qu'un seul de mes nombreux projets de loi a jamais été approuvé depuis 32 ans que je siège ici. C'était en 1994, le projet de loi C-207.
À l'époque, j'étais le président du Comité des comptes publics. Ce projet de loi que j'avais présenté permettait au vérificateur général de présenter plus d'un rapport annuel. Jusque-là, il ne pouvait en déposer qu'un seul. C'était un rapport épais comme cela, qui comportait plusieurs cahiers. Et il faisait la manchette ce jour-là. Les journalistes s'y intéressaient pendant au mieux un jour et demi. Personne de sensé ne pouvait digérer toute cette information. J'avais donc dit : « Cela ne va pas, pourquoi ne pas permettre au vérificateur général de présenter des rapports lorsqu'il le juge bon? » J'avais donc préparé un projet de loi d'initiative parlementaire que j'ai fait déposer à la Chambre des communes.
Mais cela n'avait pas été facile. Comme le dit le proverbe : « La patience est la mère de toutes les vertus. » Eh bien, j'ai été très vertueux mais, au bout du compte, mon projet de loi a fini par être adopté à la Chambre, puis au Sénat, de sorte qu'aujourd'hui, comme vous le savez, le vérificateur général peut déposer quatre rapports par an. Et c'est une excellente chose. Je pense qu'ainsi, nous avons obtenu une meilleure imputabilité. Enfin, c'est ce que je pense.
Voilà donc pourquoi j'ai déposé les projets de loi S-3, S-4, S-32 et S-11, quatre projets de loi donc mais qui s'inscrivent dans la même intention : donner aux Canadiens et aux Canadiennes une meilleure imputabilité dans le domaine des langues officielles. Qu'est-ce que je veux dire par là? Eh bien, les lois sont des objectifs. Les lois disent clairement où nous allons. Elles ne nous disent pas comment on va y arriver, mais elles disent pourquoi nous voulons aller dans ce sens. Lorsqu'un politicien s'en tient au pourquoi des choses, tout va bien, il est dans son domaine. Lorsqu'un politicien commence à parler du comment des choses, il sort de son domaine et il est donc incompétent, du moins c'est mon avis. Le comment est affaire de spécialistes. C'est l'affaire de la bureaucratie.
Je vais vous en donner un exemple. Nous décidons vous et moi d'aller à Montréal pour assister à un concert. Mais nous pouvons discuter ensemble jusqu'au jugement dernier de la meilleure façon de nous rendre à Montréal : en vélo, à pied, en voiture, en train, en avion. Mais tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas décidé du mode de transport que nous allons emprunter, nous ne parviendrons pas à notre but. C'est pour cette raison que nos lois ont deux parties : l'objectif, la loi adoptée par le Parlement, et le Règlement, qui nous dit comment nous rendre, et qui est également adopté par le Parlement, mais selon un processus tout à fait différent. La réglementation est un processus entièrement différent. C'est un processus compliqué, mais surtout complexe.
Je sais que certains d'entre vous me diraient : « Qu'entendez-vous par compliqué et complexe? » Eh bien ici encore, je pourrais vous donner un petit exemple de mon raisonnement à ce sujet.
¿ (0915)
[Français]
Un tas de roches, c'est compliqué. Quand on organise ces roches, on peut bâtir une cathédrale ou un beau bâtiment. Cela devient complexe. Pourquoi? Parce qu'il y a de l'ordre. Les règlements doivent ordonner les choses.
Je ne sais pas si vous allez souvent à des concerts, mais, quand le chef d'orchestre entre devant les musiciens, tout le monde est en train d'accorder son violon, son tambour ou son cornet. Au moment où le chef d'orchestre lève son bâton, tout le monde s'arrête. Alors, on a de l'ordre. On a quelque chose de plaisant à écouter, parce que quelqu'un a ordonné que les violons fassent telle chose, que les cors interviennent à tel moment. C'est vraiment simple à comprendre. J'aimerais que vous me posiez des questions sur les règlements, car c'est important.
La partie VII de la loi ne comporte pas de règlement. Elle n'en a jamais eu. C'est vrai que c'est nouveau. J'étais là en 1988, quand la partie VII a été ajoutée à la Loi sur les langues officielles. Avant, toute la loi était déclaratoire. En 1988, le gouvernement conservateur a proposé un bon projet d'amendement. À l'époque, j'étais le porte-parole en matière de langues officielles pour le Parti libéral. J'étais whip, j'étais leader parlementaire, j'ai tout fait. Nous avons réussi, mais nous nous sommes un peu embrouillés pour ce qui est de la partie VII.
Je vais vous dire pourquoi. En comité, j'avais demandé au ministre responsable du projet de loi sur les langues officielles ce que signifiait le fait que le gouvernement s'engageait à promouvoir, développer, protéger. Il m'avait répondu que cela créait des obligations pour le gouvernement. J'ai dit que c'était ce que je voulais. Cependant, le lendemain ou le surlendemain, le ministre de la Justice s'est présenté devant le même comité et a corrigé les choses. Il nous a dit que le langage était déclaratoire et qu'il ne créait pas d'obligations pour le gouvernement. Je n'étais pas de bonne humeur.
Depuis ce moment, j'essaie de changer la loi pour la rendre exécutoire, lui donner des dents, afin que les gens puissent aller devant les tribunaux si le gouvernement ne suit pas la loi comme il devrait le faire. Il appartient aux tribunaux d'interpréter les lois.
S'il y avait un règlement administratif ou d'application, on aurait des jalons, des paramètres connus de tous dont on pourrait se servir pour dire que telle ou telle chose n'est pas correcte, que les minorités n'ont pas été consultées quand on a décidé de couper des emplois à tel endroit, que la communauté francophone ou anglophone n'a pas été consultée. Cela vaut pour les deux communautés. Je parle de toutes les communautés de langue officielle vivant en milieu minoritaire. Il y a une distinction à faire
Combien de temps M. le président m'a-t-il donné? Dix minutes?
¿ (0920)
Le président: Vous pouvez continuer un peu.
Vous êtes à peine à huit minutes.
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Je vais revenir à mon projet de loi.
[Traduction]
Le projet de loi S-3 concerne les institutions fédérales. Je tiens à ce que cela soit bien clair.
[Français]
Ce ne sont que les institutions fédérales qui sont touchées par cette question.
Patrimoine canadien a le mandat, de par la loi, de coordonner la mise en oeuvre des programmes qui affectent les communautés de langue officielle. Le Conseil du Trésor a aussi son mot à dire.
[Traduction]
Il y a le Bureau du commissaire aux langues officielles.
[Français]
Il y a un bureau au Conseil du Trésor qui s'occupe des langues officielles. Il fait partie de la structure administrative.
Le plan d'action, que vous connaissez, a été adopté il y a deux ans, en mars 2003. Il établit un cadre d'imputabilité. Il y a tout un chapitre sur l'imputabilité et l'obligation du gouvernement. On pourrait me demander pourquoi je me plains, alors qu'il y a un plan d'action qui contient des dispositions sur l'imputabilité. Cependant, ce n'est pas comme un règlement qui découlerait d'une loi qui aurait des dents.
D'abord, le plan d'action n'a pas été mis en oeuvre, puisque je n'ai pas vu de grands changements depuis deux ans. Il y a certainement de la bonne volonté, mais c'est lent. Il s'agit d'un plan de cinq ans. Il est renouvelable, remarquez bien. Il s'agit de 750 millions de dollars. Moi, je vis ici au quotidien. Je suis un Franco-Ontarien, je suis né et j'ai fait mes études ici, à Ottawa. Je dois vous dire que je n'ai pas vu grand-chose depuis mars 2003, et cela me déçoit.
S'il y avait un règlement d'application découlant d'une loi, ce serait beaucoup plus fort. Les fonctionnaires devraient en tenir compte. Il faudrait qu'ils se mettent à la page et qu'ils fassent attention à ce règlement, qui ne serait pas discrétionnaire, contrairement à la loi qui, elle, est discrétionnaire. Je m'explique. Si je vous emmerde un peu, dites-le. Je fais de la politique depuis des années. Pour moi, c'est clair. Une politique est discrétionnaire. Elle établit l'objectif. Dans le cas d'une loi, c'est absolument différent. On a des juges pour interpréter les lois, tandis qu'un règlement est non discrétionnaire. Il découle habituellement d'une loi, ce qui est beaucoup plus fort qu'un simple plan d'action qui dit qu'on va mettre en oeuvre un plan d'imputabilité, selon moi. Vous pourriez peut-être consulter d'autres experts à cet égard.
En tout cas, un règlement qui découle d'une loi est fort. Or, il n'y en a pas pour la partie VII. Il y en a pour d'autres parties de la même loi, par contre. Il n'est pas facile pour un minoritaire de se faire dire, à l'article 41: « Le gouvernement fédéral s'engage à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement ». Moi, lorsque je m'engage, je tiens parole.
On m'a dit que c'était déclaratoire, que c'était des voeux, qu'on voudrait bien le faire mais qu'on n'a pas le leadership ni les moyens nécessaires. Alors, je leur ai dit de faire un règlement pour leur loi. On m'a répondu que cela allait augmenter la judiciarisation. Je ne sais pas si vous connaissez ce mot, mais il m'a souvent été lancé lorsque j'ai présenté mes projets de loi. Augmenter la judiciarisation signifie qu'on va aller en cour. J'ai dit qu'on n'était pas reconnus comme étant des gens qui ont abusé des cours et des tribunaux. Depuis 1982, depuis que la Charte a été adoptée, combien de fois les minorités sont-elles allées devant les tribunaux pour une question concernant l'égalité des langues officielles? Le savez-vous? Six fois. On y est allé plus de 800 fois à propos de l'article 15, qui porte sur l'égalité des Canadiens et des Canadiennes.
J'ai ici un document que j'ai fait préparer. Je vais vous donner les chiffres exacts. Ce n'est pas moi qui le dis. C'est M. John Laskin, dans Canadian Charter of Rights Annotated. Pour ce qui est du droit à l'égalité, à l'article 15, on est allé en cour 768 fois depuis 1982. Pour ce qui est des langues officielles du Canada, à l'article 16, on y est allé six fois. Pour ce qui est du droit à l'enseignement dans la langue de la minorité, à l'article 23, on y est allé 33 fois.
¿ (0925)
Ce ne sont pas les communautés qui ont abusé de la Charte. D'abord, elles n'en ont pas les moyens, car elles n'ont pas les goussets profonds. Aller en cour coûte cher. Deuxièmement, on aime mieux y aller avec le politique. C'est plus efficace, d'après moi. On perd moins de temps.
Si vous avez des questions à ce sujet, il me fera plaisir d'y répondre. J'ai lu toutes les interventions. Hier, j'ai encore relu celles de l'opposition. Je trouve que vous avez très bien fait cela, que vos inquiétudes et vos préoccupations sont honnêtes, mais il y a des réponses à ces questions.
Monsieur le président, si vous voulez, j'expliquerai brièvement ce qu'est le projet de loi S-3, puis on passera aux questions.
Le président: Brièvement, s'il vous plaît.
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Je vais vous parler des visées principales du projet de loi S-3. D'abord, il s'agit de préciser l'obligation des institutions fédérales vis-à-vis de la mise en oeuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles et de donner au gouvernement la possibilité d'adopter des règlements pour fixer les modalités d'exécution des obligations prévues à l'article 41.
Deuxièmement, le projet de loi vise à obliger le ministère du Patrimoine canadien à prendre les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre les engagements prévus à la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Troisièmement, on veut donner un droit de recours devant les tribunaux permettant de contester une violation à la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
En somme, monsieur le président, mon projet de loi donne du mordant à la Loi sur les langues officielles et rend exécutoire ce qui est déclaratoire. Les communautés de langue officielle se sentiraient beaucoup plus à l'aise d'avoir un instrument efficace qui permettrait à leurs membres de vivre pleinement dans un Canada où ils seraient égaux, pas plus mais pas moins que les autres.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Gauthier.
Nous allons passer au premier tour de questions et d'échanges avec notre invité.
Nous commençons par vous, monsieur Lauzon.
M. Guy Lauzon (Stormont—Dundas—South Glengarry, PCC): Merci, monsieur le président.
Bienvenue, sénateur Gauthier. C'est pour nous un plaisir et un honneur de vous avoir comme témoin aujourd'hui.
Pour commencer, je suis d'accord sur ce que vous pensez de notre plan d'action et du manque de progrès au cours des deux dernières années. Dans ma circonscription, on souffre de ce manque de progrès, car environ un tiers de la population est francophone et vit dans une communauté minoritaire. Nous avons beaucoup de défis à relever. Je serai très heureux lorsque nous verrons du progrès découlant du plan d'action.
Les gouvernements provinciaux se sont plaints du fait que l'article 41 empiétait sur leurs compétences. En en faisant une question réglable devant les tribunaux, on provoquera vraisemblablement la multiplication de ces objections, tout en ouvrant la voie à des procédures judiciaires visant à frapper de nullité l'article 41 et la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Cette préoccupation a été soulevée en comité en 2002 par Martin Cauchon, alors ministre de la Justice. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
¿ (0930)
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Oui. Premièrement, en matière de langues officielles, il est reconnu que le gouvernement fédéral a un droit d'ingérence pour protéger les minorités. Il est reconnu également que, dans le cas du Québec, on avait le droit d'adopter une Charte de la langue française. La Cour suprême a été claire et précise à ce sujet. Il y a donc une juridiction partagée entre le fédéral et le provincial. Personnellement, je pense qu'il n'y a pas eu beaucoup d'empiètement dans ce domaine sur le plan linguistique. S'il y a une chose qu'on a faite, c'est qu'on a respecté les provinces, anglaises en particulier, qui ont longtemps ignoré l'existence de leurs communautés francophones.
Je le sais, car j'étais dans le domaine scolaire au commencement, dans les années 1960. J'ai beaucoup de cicatrices dans le dos parce que je voulais faire élever mes enfants en français à l'école. L'école étant une extension de la famille, je me demandais pourquoi on ne parlerait pas français à l'école, si on parlait français à la maison. On avait des écoles bilingues, mais ces écoles étaient des écoles d'assimilation. Je n'en voulais pas. Il y avait trois matières en français: la religion, la géographie et le français. Tout le reste était en anglais. Je le sais, car je suis passé par ce système.
J'ai été élevé dans un orphelinat. Je ne pouvais pas aller à l'université. Je n'en avais pas les moyens. Il fallait que j'aille dans les high schools, où tout était en anglais. Il y avait deux classes dans la cave pour les francophones, avec des fenêtres de cave, évidemment. N'est-ce pas triste? Je suis passé à travers ça, mais je me disais qu'on allait en sortir. Je me demandais pourquoi j'étais traité ainsi alors que mes voisins avaient de belles écoles avec de beaux gymnases. Ce n'était pas juste.
Quand j'ai envoyé mes enfants à l'école à Gloucester, pas loin d'Ottawa, et que j'ai vu qu'ils n'avaient rien appris au bout de trois ou quatre mois, j'ai décidé d'aller voir ce qui se passait. C'était en 1960. Je suis allé voir la maîtresse et je lui ai demandé ce qui se passait. Elle m'a répondu qu'elle avait 35 élèves, dont 20 qui ne parlaient pas français et auxquels elle devait enseigner à parler français. Je lui ai dit que ce n'était pas une école de langues. Elle m'a répondu que oui. Je lui ai dit que je voulais que mon enfant apprenne à lire, à écrire et à compter. Elle m'a dit que ça viendrait. J'ai demandé qui prenait les décisions. Elle m'a répondu que c'étaient des conseillers scolaires. Dans ce temps-là, c'était une commission scolaire. J'ai demandé ce que ça mangeait en hiver. Elle m'a dit que les commissaires étaient élus tous les ans, au mois de novembre.
Je suis revenu à la maison et j'ai dit à ma femme que je me lançais en politique scolaire. Elle m'a dit que j'étais fou et que je n'y connaissais rien. Je lui ai répondu que ça s'apprenait. C'est ainsi que j'ai commencé à faire de l'action politique dans le domaine scolaire. J'ai été là pendant 12 ans. J'ai un peu changé le système. En 1972, on avait adopté un système homogène français, polyvalent, égal, pour les francophones en Ontario. Je ne peux pas parler pour les autres provinces, mais je peux parler pour la mienne.
J'étais fatigué. Tout était bénévole. À cette époque, les conseillers scolaires n'étaient pas payés. Après 12 ans de bénévolat, je me suis dit que j'avais fait ma part et que je rentrais chez moi. J'avais quatre enfants. Ils m'ont demandé pourquoi je n'allais pas en politique. Je leur ai répondu qu'ils étaient fous parce que je ne connaissais rien là-dedans. Ils m'ont dit que ça s'apprenait. C'est ainsi qu'on m'a organisé le portrait.
Je vous regarde et je suis certain que chacun de vous aurait une histoire semblable à raconter. Cela arrive parfois en politique. À un moment donné, le train passe. Si on n'embarque pas, le train va continuer. Mais quand on embarque dans le train, il faut savoir quand débarquer. N'oubliez pas cela: il est important de débarquer. Choisissez votre moment, sinon ça peut être très compliqué. Moi, j'ai été chanceux.
Je n'ai peut-être pas répondu à votre question, mais je répondais à l'esprit de votre question.
¿ (0935)
M. Guy Lauzon: Le projet de loi S-3 est-il compatible avec le partage des compétences constitutionnelles entre les deux niveaux de gouvernement?
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Oui, je le pense. Je ne suis pas un constitutionnaliste, mais, s'il y avait une hésitation sérieuse, comme celle dont le Bloc québécois a fait mention dans ses discours, je vous renverrais à l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1982. L'article 36 traite de la péréquation. En lisant le commencement de l'article, les députés du Bloc québécois ainsi que ceux qui s'inquiètent de la constitutionnalité auront une réponse. Je vais vous lire le paragraphe 36(1) en français:
Sous réserve des compétences législatives du Parlement et des législatures et de leur droit de les exercer, le Parlement et les législatures, ainsi que les gouvernements fédéral et provinciaux, s'engagent à [...] |
Cela doit être suffisant pour protéger les provinces. Nous donnons 35 milliards de dollars par année en péréquation. Elles ne chialent pas quand elles reçoivent ces 35 milliards de dollars. Insérez cela dans la loi, si vous le voulez, si cela peut calmer ou satisfaire les gens. Cela ne me dérangera pas. C'est déjà dans la Constitution.
Le président: Merci, monsieur Lauzon.
On poursuit avec M. André.
M. Guy André (Berthier—Maskinongé, BQ): Bonjour, monsieur Gauthier.
On ne fera pas un débat sur la péréquation. On va commencer par parler du projet de loi S-3.
Dans un premier temps, je vous remercie d'avoir accepté l'invitation du comité. Vous avez une bonne expertise concernant les droits des minorités anglophones et francophones au Canada. Vous avez partagé avec nous tout votre cheminement. Je trouve cela très intéressant. Je vous félicite car je pense que vous êtes une personne qui s'est beaucoup impliquée. Vous avez défendu des droits. On ne peut donc que vous admirer à cet égard. Lorsqu'on parle du sénateur Gauthier, on n'en dit que du bien.
J'ai une question concernant le projet de loi S-3. Monsieur Gauthier, selon l'article 43 proposé dans le projet de loi, le gouvernement fédéral doit prendre des mesures pour assurer la progression vers l'égalité des deux langues officielles au Canada. Nous avons dit à plusieurs reprises que la Loi sur les langues officielles devrait reconnaître la particularité des besoins. Les deux communautés linguistiques minoritaires dans ce pays ne jouissent pas des mêmes services. Lorsqu'on parle des minorités francophones hors Québec et des minorités anglophones, la réalité n'est pas toujours la même.
Selon nous, il est clair que les besoins des communautés francophones minoritaires ne sont pas les mêmes que ceux des minorités anglophones du Québec. Par exemple, les minorités anglophones au Québec ont des hôpitaux, des écoles. On a toute une politique ainsi que des lois, comme la Charte de la langue française, que vous avez mentionnée, c'est-à-dire la loi 101.
La situation des francophones hors Québec, dans certaines régions, demeure très alarmante et précaire. Comme vous le savez très bien, nous sommes une majorité au Québec, mais, à l'extérieur, nous devenons une minorité dans le vaste pays qu'est le Canada. À côté, il y a les États-Unis, où on parle majoritairement anglais. Nous devenons donc une minorité à l'intérieur d'une grande majorité. Nous devons donc toujours prendre des moyens pour assurer notre survie. Le Québec en a pris pendant plusieurs années pour protéger sa langue.
Vous êtes d'accord avec moi pour dire que, dans un continent où l'écrasante majorité parle anglais, c'est le français qui est menacé au Québec et au Canada. En conséquence, la Loi sur les langues officielles devrait être appliquée différemment au Québec et au Canada.
Le projet de loi S-3 devrait-il s'appliquer de façon égale à toutes les communautés minoritaires de langue officielle du Canada, ou est-ce qu'on devrait envisager de prendre des mesures adaptées à la diversité de ces communautés?
¿ (0940)
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Je vous remercie, monsieur André. C'est une bonne question.
Si je l'ai bien comprise, vous aimeriez que je vous entretienne de l'asymétrie. Il y a une grande distinction à faire entre Yvon Godin et Jean-Robert Gauthier. Yvon est acadien, et Gauthier est franco-canadien et vit en Ontario. Nous avons des choses en commun. Par contre, entre nous il y a de grandes différences d'accent, de langage, de culture, de façon de vivre. Il y a autant de différences entre un Québécois et un Franco-Albertain. Il y a des maturités culturelles différentes dans chaque région du pays. Nous envoyons nos artistes au Québec parce qu'ils réussissent à y percer. Je pense à Gabrielle Roy, qui venait du Manitoba, et à d'autres. Il y a des artistes, des peintres qui viennent de l'Acadie.
Personnellement, je crois que cela enrichit le Canada que d'avoir une variété de régions distinctes les unes des autres. À mes yeux, le Québec est distinct par sa langue, sa concentration francophone, son histoire. Depuis 400 ans, on parle français au Québec, en Ontario, en Acadie aussi. Selon moi, c'est important. Je suis fier d'être canadien-français. Je suis fier de mon histoire. Mais il faut la protéger. J'ai souvent comparé le Québec à une masse critique essentielle à la survie des francophones hors Québec. Souvent, les Québécois se désintéressent de la francophonie canadienne. Peu de Québécois savent qu'un million de Canadiens parlent français.
Au Québec, on s'étonne de nous entendre parler français. Combien de fois on m'a fait part de cet étonnement parce que j'avais une plaque d'immatriculation de l'Ontario. J'ai quatre enfants, ils parlent tous français et ils ont fait leurs études primaires, secondaires, postsecondaires et universitaires en français, et aux frais de l'État.
Il y a une distinction. Il y a une variété de développements culturels, linguistiques et économiques: cela s'appelle l'asymétrie.
M. Guy André: Pourquoi ne voit-on pas cette particularité dans le projet de loi S-3?
L'hon. Jean-Robert Gauthier: On connaît l'asymétrie Godin—Jean-Robert Gauthier. On se connaît depuis des années. On sait qu'on est différents, mais on a le même objectif. Je n'ai pas pensé à l'asymétrie parce que ce n'est pas une question qui me préoccupe. Je sais que c'est une réalité de la vie. Cependant, cela ne change absolument rien à mon parcours. Je n'ai pas l'accent du Lac-Saint-Jean ou de Sainte-Anne-des-Monts, en Gaspésie. Mon grand-père Gauthier venait de Sainte-Anne-des-Monts. Il me parlait comme ça: « Bouette ton croc avec des enchais, pis hale-toi ça à trois, quatre cents brasses. » Avez-vous compris? J'allais à la pêche avec lui. Un croc, c'est un hameçon. Bouetter veut dire empâter. Les enchais, ce sont des vers de mer. Il avait un langage particulier.
¿ (0945)
M. Guy André: Les gens de la Gaspésie n'ont pas le même langage que les gens de Montréal.
Le président: Nous aurons un deuxième tour.
Nous poursuivons avec M. Godin.
M. Yvon Godin: Merci, monsieur le président.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à l'honorable Jean-Robert Gauthier. Nous avons participé ensemble à beaucoup de réunions. La seule chose que je regrette, c'est que M. Gauthier ait décidé de scinder le Comité mixte des langues officielles et de créer le Comité des langues officielles du Sénat. Je trouvais que les sénateurs et les députés faisaient une belle équipe. Pour moi, c'est son seul côté négatif. Je pense que la Chambre des communes et la Chambre haute travaillent dans le même but: aider les minorités francophones et anglophones du Canada à faire des gains.
Il est important d'agir très vite en ce qui a trait au projet de loi S-3 parce que maintenant, comme le dit si souvent Mme Boivin, on a un gouvernement minoritaire et on peut faire avancer les choses. Il va donc falloir reprendre le projet de loi S-3 et le faire avancer plus vite. Ce projet de loi aurait dû être adopté quand il y avait un gouvernement libéral majoritaire, mais il ne l'a pas été. On a peut-être maintenant la chance de l'adopter.
Cela dit, M. André et le Bloc québécois ont des inquiétudes et ils les expliquent: ils ont peur que le fédéral aille dans un champ de compétence des provinces. Si on pouvait étudier le projet de loi S-3, on pourrait inviter des experts qui pourraient nous aider. C'est ce qu'on fait quand un projet de loi est soumis à un comité: on invite des experts, on étudie le projet de loi, on écoute ce que les experts ont à dire. Pouvez-vous nous suggérer des personnes à inviter au comité, monsieur Gauthier?
Les minorités anglophones ou francophones hors Québec ont fait des gains, mais ce n'est pas parce que le gouvernement leur a donné des choses. Nous avons fait ces gains en cour, même si la loi n'avait pas de mordant. Au Nouveau-Brunswick, des inspecteurs d'aliments de Shippagan avaient été transférés dans la région de Dieppe, et les municipalités francophones sont allées en cour. Si le gouvernement voulait vraiment appuyer les minorités, il n'irait pas en cour d'appel. C'est toujours une bataille, puis une autre. C'est pour cela qu'il est important d'avoir des lois. Comme vous l'avez dit, ce sont les juges qui interprètent la loi. J'apprécie ce que vous avez dit ici ce matin.
Cela dit, à l'article 43 de la Loi sur les langues officielles, on dit que le ministre du Patrimoine canadien prend des mesures
f) pour encourager les entreprises, les organisations patronales et syndicales, les organismes bénévoles et autres à fournir leurs services en français et en anglais et à favoriser la reconnaissance et l'usage de ces deux langues, et pour collaborer avec eux à ces fins; |
On s'inquiète peut-être de petits organismes bénévoles qui n'auraient pas d'argent. Est-ce que votre projet de loi forcerait un organisme qui s'établit à le faire dans les deux langues? Je me réfère aux articles 41, 42 et 43 de la loi, et à votre projet de loi S-3. Je sais qu'on va faire venir des experts. C'est le genre de questions qu'on pourrait leur poser. Je pense qu'on s'inquiète non seulement du côté des provinces, parce qu'on pourrait s'immiscer dans leurs champs de compétence, mais aussi du côté des organismes.
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Monsieur Godin, l'article 43 ne crée pas de droits additionnels. Il clarifie la situation. Le but est de mieux faire comprendre l'objectif aux agences et aux groupes que vous avez mentionnés. Comment va-t-on y arriver? Comment va-t-on remplir ces obligations, qui sont clairement énoncées aux articles 41 et 42 de la loi? L'article 43 est tout simplement une clarification. Il n'ajoute pas de droits. Il clarifie les droits.
Ensuite, vous avez mentionné les recours judiciaires, notamment celui des maires de la Péninsule acadienne contre l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Je m'étais un peu impliqué dans cette affaire, comme je me suis impliqué dans l'affaire des contraventions en Ontario. Les contraventions qui étaient dressées dans certains aéroports, à Mississauga notamment, étaient en anglais seulement. Je m'y étais opposé en invoquant le fait qu'un aéroport était un terrain fédéral et qu'en conséquence, la Loi sur les langues officielles devait y être appliquée. Nous sommes allés en cour pour régler cette question, et nous avons gagné. La province de l'Ontario n'a pas contesté le jugement de la cour; elle n'a pas fait appel de la décision.
Les exemples que je vous ai donnés — les contraventions en Ontario, les maires de la Péninsule acadienne — démontrent que, lorsqu'on est l'objet d'une certaine injustice... Je considère qu'il n'est ni juste ni équitable que le fédéral ne respecte pas les deux langues officielles dans mon pays. Je ne parle pas des provinces, des syndicats et des organismes qui ne sont pas de compétence fédérale. Je parle des institutions fédérales.
Si vous voulez savoir ce qu'est une institution fédérale, regardez l'article 3 de la Loi sur les langues officielles: il en donne une définition précise. La Chambre des communes, le Sénat et la Bibliothèque font partie de ces institutions. C'est moi qui ai insisté pour qu'ils en fassent partie. Ils ne le voulaient pas. En 1988, j'ai proposé un amendement pour que la loi s'applique non seulement à toutes les institutions fédérales, mais aussi au Sénat, à la Chambre des communes et à la Bibliothèque.
Je peux vous dire que cela n'a pas été facile, mais j'ai obtenu ce que je voulais. Aujourd'hui, je suis content, parce que je vais m'en servir pour faire la preuve, devant les tribunaux s'il le faut, que tous les Canadiens, qu'ils soient handicapés ou non, doivent bénéficier des mêmes services en français et en anglais. Je vais gagner, parce que notre cause est juste. Je parle de ma campagne pour convaincre Radio-Canada de sous-titrer toute sa programmation en français.
Il s'agit de convaincre Air Canada aussi. Expliquez-moi pourquoi un malentendant — homme ou femme — qui prend l'avion ne dispose d'aucune instruction en sous-titres sur les écrans des téléviseurs de l'appareil. Quand j'ai demandé aux responsables pourquoi ils ne mettaient pas les directives de sécurité en sous-titres, ils m'ont répondu que les sous-titres seraient trop petits.
Je suis allé à Edmonton l'année dernière. Pendant le vol, on a passé un film qui durait plus de trois heures. Toutes les annonces du film étaient sous-titrées. Quand il s'agissait de vendre du vin ou des serviettes sanitaires, toutes les informations étaient sous-titrées, mais pas celles concernant la sécurité.
J'ai écrit à M. Robert Milton. Il m'a répondu qu'il allait faire quelque chose. Ma demande est restée en suspens, parce que Air Canada était en restructuration. Elle est toujours en suspens, mais dès que je le pourrai, je vais forcer Air Canada à mettre des sous-titres lorsqu'il y a des annonces concernant la sécurité.
Je m'excuse. Vous m'avez poussé à dire tout cela, monsieur Godin.
¿ (0950)
M. Yvon Godin: Ce n'est pas fini.
Le président: Merci, monsieur Gauthier.
On poursuit avec M. Godbout.
M. Marc Godbout (Ottawa—Orléans, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous présente mes respects, sénateur Gauthier, parce que je crois que l'ensemble du Parlement vous doit respect, tout comme l'ensemble des communautés francophones et acadiennes ainsi que tous les Canadiens, pour votre passion et votre engagement envers le développement et l'épanouissement de nos communautés.
Sénateur Gauthier, certains trouvent que votre projet de loi en demande beaucoup. Pour ma part, je trouve vos demandes très modestes. Vous auriez pu demander qu'on enchâsse la Loi sur les langues officielles dans la Constitution, mais vous ne l'avez pas fait. Ce que vous nous avez soumis est certainement acceptable dans ses principes et dans ses applications.
Votre projet de loi contient environ 25 lignes. Encore là, je pense qu'on y trouve une grande marge de manoeuvre pour en arriver à la « justiciabilité » de la Loi sur les langues officielles qui vous intéresse. Une province — le Nouveau-Brunswick — a enchâssé une partie de cette loi. Je l'en félicite et je souhaite que l'Ontario en fasse autant un jour.
Certains ont dit qu'il faudrait être plus spécifique. Quels dossiers prioritaires du domaine fédéral devraient être justiciables?
¿ (0955)
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Je ne sais pas. Je suis à ma retraite et je ne m'occupe pas de prioriser. Dans le moment, ma priorité est d'essayer de faire adopter une réglementation qui clarifiera la loi pour les agences fédérales. Je veux un règlement d'application de l'article 41, partie VII de la Loi sur les langues officielles. Des institutions fédérales se fichent bien de la loi aujourd'hui, parce qu'il n'y a pas de moyen pour l'appliquer, parce qu'il n'y a pas de règlement d'application. J'aimerais qu'il y en ait un. Ça, c'est ma priorité.
Ensuite, tout ce que je demande, c'est l'égalité, pas plus mais pas moins. Si on donne quelque chose à un groupe, je veux qu'on le donne à tout le monde. Je ne comprends pas qu'il y ait encore au Canada, en 2005, de la discrimination à l'égard de certains groupes handicapés. Je pourrais vous en parler longtemps. Ce n'est pas l'objet de ma visite ce matin, mais si vous voulez savoir comment cela fonctionne lorsqu'on est handicapé physiquement, je peux vous en parler. Ce n'est pas facile. Ma priorité est de faire respecter mon droit à recevoir les services de façon active dans ma langue.
[Traduction]
Je parle l'anglais,
[Français]
mais je préfère parler français, parce que c'est ma langue maternelle. Il n'y a rien de mal à cela. ¿Habla Español? Sprechen Sie Deutsch? Il y a une différence. Les Canadiens ont une multitude de cultures. C'est riche, le Canada, mais une de mes priorités est le respect.
M. Marc Godbout: Somme toute, pour que ce soit clair pour tout le monde, il y a deux articles qui sont extrêmement importants dans votre projet de loi. Celui qui a trait au pouvoir de réglementation est le premier, puis il y a l'article 77 qui touche ce que j'appelle la « justiciabilité ». Certains l'appellent la « judiciarisation ». Pourriez-vous expliquer, pour que tout le monde en comprenne bien l'importance, le lien entre ces deux articles?
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Ma réponse simple en ce qui concerne le premier article, qui porte sur le règlement, est celle-ci: pas de règlement, pas d'interprétation facile et juste. Pour ce qui est du recours, selon moi, s'il n'y a pas de recours, il n'y a pas de justice. Si on ne peut pas aller en cour pour se défendre, il n'est pas possible d'avoir l'équité, d'obtenir justice. C'est pour cette raison qu'on a des tribunaux.
On dit à l'article 77 que nous sommes exclus, que la commissaire aux langues officielles ne peut pas nous appuyer, nous aider. C'est interdit par la loi. La partie VII est exclue de la judiciarisation, comme diraient certaines personnes. Je ne trouve pas cela correct. Alors, j'ai dit qu'on allait changer cela, qu'on allait mettre un règlement à la loi. Ainsi, les institutions ne pourront plus contourner la loi, car il y aura un règlement clair et précis qu'elles devront appliquer. De plus, on va donner aux personnes le droit d'aller devant les tribunaux pour faire interpréter la loi si le gouvernement, les agences ou les institutions fédérales manquent à leurs obligations.
Je veux faire cela de manière simple et claire. C'est urgent. On s'épuise, à la longue. J'ai 76 ans: je ne suis plus ici pour longtemps. Un jour, je vais changer de planète. Je sais que M... Non, je ne dirai rien. Il y en a d'autres qui me suivent, et je pense qu'ils vont faire autant d'efforts que j'en ai fait pour arriver à faire comprendre à la majorité qu'on a besoin de ces deux choses: un règlement d'application et le droit de recours. C'est tout.
À (1000)
M. Marc Godbout: Merci.
Si le projet de loi S-3 était adopté, le règlement pourrait-il faire en sorte que le plan d'action devienne justiciable en fonction des priorités qu'il établit?
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Le cadre d'imputabilité du plan d'action n'est pas justiciable.
M. Marc Godbout: Mais cela, oui.
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Oui, cela va l'être. Si vous adoptez un règlement lié à une loi, vous pouvez être sûr qu'on va vous suivre de près. Le plan d'action, quant à lui, est déclaratoire. Ce plan est très bon et je l'approuve à 100 p. 100. Comme je l'ai dit et répété, c'est un bon pas dans la bonne direction, excepté que ce chien n'a pas de dents. C'est un chien de poche, pas un chien de garde que vous avez là.
M. Marc Godbout: Je voulais simplement que tout le monde comprenne, monsieur le président.
Le président: Nous sommes maintenant au deuxième tour. Vous avez cinq minutes chacun.
Monsieur Poilievre.
M. Pierre Poilievre (Nepean—Carleton, PCC): Merci d'être venu, monsieur Gauthier, et merci de votre passion. Comme vous le savez, je n'ai pas appuyé votre projet de loi à la Chambre des communes. Cependant, je suis disposé à me laisser convaincre aujourd'hui et dans les prochains jours.
Le problème que me pose le projet de loi est que la partie VII est une partie de la loi qui est plus subjective. Je vais lire l'article 41:
Le gouvernement fédéral s'engage à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu'à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne. |
[Traduction]
Pour moi, tout cet article est extrêmement important, mais à mon avis, si on n'en a pas fait un article pouvant être contesté devant les tribunaux, c'est parce que c'est plus subjectif que cela. Par exemple, si je voulais me plaindre du fait que je ne peux pas recevoir de l'information sur l'impôt sur le revenu dans la langue officielle de mon choix, ce serait une plainte très objective, qui pourrait faire l'objet d'un jugement objectif. Mais, avec l'article 43, des termes comme « favoriser l'épanouissement des », « encourager et appuyer », « encourager... à mieux accepter », « encourager et aider », tout cela est très subjectif. C'est quoi « encourager »? C'est quoi « favoriser »? C'est quoi « encourager et aider »? Tous ces mots sont, à mon sens, très subjectifs. La question que je vous pose donc concerne la portée pratique de vos changements.
[Français]
Vous pourriez peut-être nous faire part de vos commentaires à ce sujet.
[Traduction]
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Vous me parliez en anglais et moi j'écoutais l'interprétation en français, mais je vais vous répondre en anglais. J'espère avoir bien compris votre question.
Si vous lisez l'article 36, et j'en ai déjà parlé, de cette même Charte des droits, lorsqu'on s'engage en anglais, on s'engage à faire quelque chose. Le texte de l'article 41 est relativement semblable à celui de l'article 36 de votre Constitution, article dans lequel le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux s'engagent à—écoutez bien ceci—« promouvoir l'égalité des chances de tous les Canadiens dans la recherche de leur bien-être », et à « fournir [...] à un niveau de qualité acceptable, les services publics essentiels ».
Tout cela est question d'égalité. Si, à partir de ce texte, le gouvernement peut dépenser 35 milliards de dollars par an, pourquoi ne pouvons-nous pas nous contenter d'utiliser les mêmes mots? Si vous voulez présenter un amendement et dire au début de la loi exactement ce qu'on trouve ici : sans modifier le pouvoir législatif du Parlement ou des assemblées législatives provinciales ou les droits de ceux-ci en ce qui concerne l'exercice du pouvoir législatif, etc. À mon avis, cela répondrait à votre argument. Il ne faudrait pas aller plus loin, tout s'y trouve. Il suffit simplement de l'y inscrire. Cela ne me dérange pas. Je ne l'ai pas dit parce que j'essayais d'être aussi simple que possible et de me limiter à un texte de loi court, un texte de loi aussi efficace et aussi efficient que possible dans son application, si vous comprenez ce que je veux dire en utilisant ces termes. Efficace parce qu'il permet d'aller là où on veut et efficient parce qu'il dit comment s'y rendre. Voilà les deux éléments.
Sous l'angle politique, les deux problèmes sont pour moi le pourquoi de la chose et le comment de la chose.
À (1005)
M. Pierre Poilievre: Je voudrais vous poser une autre question.
Je vous remercie beaucoup pour votre réponse et je vais la relire dans le compte rendu parce que cet amendement pourrait peut-être être utile.
Mais je voudrais vous lire maintenant ce que l'ancien ministre fédéral de la Justice Martin Cauchon disait devant le comité en avril 2002. Il a dit ceci :
À mon point de vue, si on ajoutait à l'article 41 des éléments qui rendraient exécutoire cette partie, on risquerait de mettre en péril l'outil important qu'est cet article. Je soumets très humblement qu'il s'ensuivrait des contestations judiciaires qui mettraient en péril l'article 41. Je pense que cet élément démontre à lui seul l'importance d'aborder l'article 41 dans son sens même, qui est celui d'une déclaration politique. Le législateur le voulait ainsi, comme il l'a dit de façon très éloquente. L'article 41 n'est pas soumis au recours judiciaire prévu dans la Loi sur les langues officielles. |
Qu'en pensez-vous?
[Français]
L'hon. Jean-Robert Gauthier: J'étais présent lorsque M. Cauchon a fait cette remarque. Le fait que les ministres de la Justice, inspirés par leurs conseillers juridiques, font ce genre de commentaires, ne date pas d'hier. L'attitude du ministère de la Justice à cet égard a toujours consisté à dire que le langage était à caractère déclaratoire. Vous avez raison.
[Traduction]
Vous avez raison, c'est un texte à caractère déclaratoire. C'est ce qu'ont dit les tribunaux. Mais ceux-ci ont également dit que c'était du ressort du Parlement. Dans le cas de la Péninsule acadienne, le juge—je pense que c'était John Richard—déclarait à la fin de son arrêt qu'il n'appartenait pas aux tribunaux de décider, que c'était au Parlement à prendre ses responsabilités et à préciser les choses en nous disant clairement ce qu'il voulait dire par le terme « s'engager ».
Et vous me demandez donc ce que j'entends par là. J'avais posé la question au ministre en 1988, et il m'avait répondu : « Monsieur Gauthier, cela impose des obligations au gouvernement. » Et je lui avais dit alors : « Merci beaucoup—je pensais bien que c'était cela la bonne réponse. »
Le lendemain, le ministre de la Justice est venu témoigner devant le comité, devant ce même comité, chargé d'examiner le projet de loi qui allait créer la seconde Loi sur les langues officielles en 1988, et il avait déclaré : « Aucun texte n'est déclaratoire. Juridiquement parlant, cela n'impose aucune obligation au gouvernement. »
Deux poids, deux mesures.
Moi, j'essaie d'éclaircir les choses. C'est pour cette raison que nous avons eu tant de mal. Les tribunaux hésitent—et je ne les en blâme pas—à donner à l'article 41 une interprétation qui soit autre que simplement déclaratoire. Ils n'ont pas le pouvoir de le faire. Mais s'il y avait des règles, s'il y avait un règlement d'application, s'il y avait un texte clairement compréhensible, les tribunaux n'auraient pas le choix, ils devraient donner une interprétation à l'effet que ce texte est exécutoire, obligatoire, que sais-je encore.
[Français]
Le président: Je vous remercie, messieurs Gauthier et Poilievre.
Je cède la parole à Mme Boivin.
Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.): Merci.
Pourriez-vous m'accorder trois petites secondes, s'il vous plaît? De nouveau, j'ai le plaisir d'accueillir une jeune personne qui s'intéresse à la politique, ce qui est bien compréhensible ces temps-ci.
Je salue donc Claudie Loranger, qui étudie à la polyvalente Le Carrefour, qui est située dans mon comté. J'espère qu'elle trouve tout ce débat intéressant.
Monsieur le sénateur, je vous salue bien bas. Comme je l'ai dit à la Chambre des communes la semaine dernière, je pense que je suis une membre typique d'une famille canadienne francophone. Mes parents viennent tous deux de la paroisse Saint-Charles. Par conséquent, au souper, il y avait les Franco-Ontariens et les Québécois — les trois jeunes qui grandissaient et qui ont toujours grandi au Québec — autour de la table. Nous n'avions aucune idée — je ne suis pas gênée de le dire ce matin — de ce que les minorités francophones pouvaient vivre dans le reste du Canada.
J'écoutais leurs histoires. Vous en avez raconté quelques-unes qui ressemblaient beaucoup à celles que j'entendais parfois au cours des fêtes de famille, à Noël, chez mes grands-parents. Nous les écoutions et nous pensions qu'elles sortaient des livres. Nous étions bien certains que cela ne se pouvait pas. En effet, lorsqu'on est francophone et, par conséquent, majoritaire au Québec, on ne peut pas s'imaginer jusqu'à quel point certains ont dû travailler pour obtenir des droits qui vont de soi, selon moi.
Beaucoup de mes opinions sur le sujet me viennent de là. Je trouve qu'il règne une hypocrisie institutionnalisée: c'en est incroyable. Je ne sais même pas comment qualifier la chose. Je l'appelle ainsi parce qu'on affirme avoir un plan d'action, mais tout le monde a tellement peur de le mettre en oeuvre.
La Loi sur les langues officielles existe, mais on a peur de la rendre exécutoire plutôt que déclaratoire. C'est comme si on voulait donner des droits, mais sur la pointe des pieds. Cela me fatigue énormément.
En tant que juriste, je suis d'accord avec vous quand vous dites que tous les ministres de la Justice vont brandir le gros épouvantail des poursuites judiciaires qui n'en finiront plus et qui vont nous submerger.
J'écoutais M. Poilievre, qui admet qu'il y a peut-être du langage subjectif. Je pourrais lui sortir 350 lois dans le temps de le dire. Je pourrais sortir cinq minutes et rapporter la Loi de l'impôt sur le revenu et plusieurs autres lois, et vous verriez le langage qui est utilisé. Tout d'abord, il s'agit d'un langage d'avocat. Nous l'avons toujours dit dans les facultés de droit. On dit que c'est fait par des avocats pour que les avocats aient du travail en quantité.
Je ne prétends pas que votre amendement va éliminer tout risque que l'on se retrouve devant les tribunaux. Toutefois, si on s'empêche d'agir à cause de cela, cela veut dire qu'on fait pitié, selon moi.
J'ajoute ceci. Le projet de loi S-3 est tellement important, selon moi, qu'on va devoir arrêter de s'écouter parler et trouver des mécanismes qui vont inciter des groupes à se sentir à l'aise.
La commissaire aux langues officielles ou des groupes minoritaires vont nous dire que nous nous sommes engagés à favoriser l'épanouissement. Je suis capable d'aller en cour et de plaider ce que signifie favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et appuyer leur développement.
On va le bâtir. Il ne faut pas s'arrêter à ces points-là. Dans ce contexte, l'inquiétude la plus grande a peut-être trait à ceux qui prétendront que cela empiète peut-être sur les compétences provinciales.
Je pense que vous avez bien répondu à cette question et j'en suis très contente, parce que, pour le Québec, cela pourrait être un peu inquiétant. On s'est toujours vanté — avec raison, je crois — de bien traiter la minorité anglophone. En tout cas, selon moi, on fait preuve de respect.
Monsieur le sénateur, le mot « respect » semble être le mot clé pour vous. Je suis peut-être innocente et naïve, et vous pourrez peut-être m'expliquer pourquoi ce matin, mais je ne comprends pas en quoi le fait d'apprendre et d'utiliser deux langues semble si problématique au Canada. Il ne faut pas juste dire qu'on accorde un droit, il faut aussi recommander qu'on utilise ces deux langues et se sentir bien à l'aise de le faire.
Pourquoi est-ce si compliqué? Pourquoi faut-il toujours se battre pour des choses qui, à la base, me semble-t-il, vont de soi? N'est-ce pas de l'hypocrisie institutionnalisée? Dans le fond, on dit qu'on accorde des droits, mais on ne veut pas vraiment les accorder. Je ne sais plus quoi penser de cela. Je pense aussi aux objections du Bloc québécois. Êtes-vous inquiet? Je ne suis pas sûre, monsieur le sénateur, que vous ayez répondu à la question de mon collègue M. André. Pensez-vous que si le Parlement adoptait votre projet de loi, la minorité anglophone se retrouverait dès le lendemain devant les tribunaux pour demander des droits accrus au Québec? Je pense que c'est là que se situe l'objection du Bloc québécois. C'est la vraie question. On va la poser clairement au lieu de finasser.
À (1010)
Croyez-vous que votre loi permettrait aux communautés anglophones de se ruer devant les tribunaux en réclamant des choses? Cela changerait l'ordre établi au Québec à l'heure actuelle.
Je sais que j'ai dit beaucoup de choses qui n'étaient peut-être pas très claires, mais je suis très frustrée par rapport à toute cette question. Selon moi, il y a un manque de volonté réelle.
Merci.
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Je vais faire deux petits commentaires, madame Boivin.
D'ailleurs, je suis très content de vous rencontrer. Je crois que c'est la première fois que je vous salue. J'ai lu votre discours attentivement et j'ai été très content d'apprendre que vos parents étaient de la paroisse Saint-Charles, dans Vanier. Je ne sais pas si vous avez connu le curé Barrette, qui avait tout le temps sa canne. Moi, je l'ai bien connu. J'ai reçu bien des coups de canne.
J'ai deux choses à dire. D'abord, vous êtes en train d'étudier le plan d'action que M. Dion a déposé en mars 2003. Pourquoi ne vous donne-t-on pas un cadre de mise en oeuvre, un calendrier? Cela fait deux ans déjà qu'il a été déposé. Ce serait très commode pour les minorités qu'il y ait un calendrier nous indiquant que les 750 millions de dollars vont être dépensés pour telle et telle chose, avec des engagements fermes. Si vous obteniez un calendrier d'application, on saurait où on va.
Deuxièmement, en ce qui concerne les recours judiciaires et le langage, la tradition des lois est qu'elles sont toujours objectives mais aussi discrétionnaires, comme je le disais tout à l'heure. Il s'agit d'un langage d'avocat. C'est pour cette raison qu'il y a des règlements pour les interpréter, et c'est pour cette raison que les avocats demandent de gros prix pour défendre une interprétation qui est celle de leur client.
Personnellement, lorsque j'ai commencé à regarder le libellé de l'article 41, par exemple, je le trouvais correct, excepté que, sans règlement, cela ne veut pas dire grand-chose. Alors, j'ai changé un peu la question. J'ai impliqué la commissaire aux langues officielles. J'ai mis des obligations un peu plus étroites pour le ministre du Patrimoine canadien. En fait, j'ai fait ce qu'un législateur doit faire, c'est-à-dire essayer de clarifier la question. Il ne s'agit pas donner d'autres droits, mais de clarifier. C'est tout ce que j'ai essayé de faire.
Vous pouvez consulter des experts dans le domaine, de l'Université d'Ottawa ou d'autres universités. J'en ai fait venir. Pour le projet de loi S-3, on a fait venir 32 témoins au Sénat. Il y a toute une expertise que vous devriez peut-être consulter, ou bien vous pourriez demander à un de vos recherchistes de faire un résumé de tout ça. Ce serait utile.
À (1015)
Le président: Merci, monsieur Gauthier. Excusez-moi, mais nous devons respecter le temps de chacun.
Nous poursuivons avec M. André.
M. Guy André: Monsieur Gauthier, vous m'excuserez, mais j'avais quelques dossiers à régler ailleurs ce matin. Cependant, je suis très attentif à ce que vous nous dites.
L'article 43 de la Loi sur les langues officielles, tel que modifié par le projet de loi S-3, énoncerait l'obligation pour Patrimoine canadien de faire progresser « vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne ». Par « société canadienne », on entend, comme la Loi sur les langues officielles le précise à l'article 43, les gouvernements provinciaux, les entreprises, les organisations patronales et syndicales, les organismes bénévoles, les organisations, les associations et autres. De toute évidence, c'est clairement de champs de compétence provinciale qu'il est question ici.
Le projet de loi S-3 est-il compatible avec le partage des compétences constitutionnelles entre les deux niveaux de gouvernement? Le projet de loi S-3 pourrait-il entrer en conflit avec une loi provinciale? Je pense notamment à la Charte de la langue française.
Le partage constitutionnel des compétences n'indique pas clairement à quel palier de gouvernement incombe la responsabilité de faire respecter la dualité linguistique au Canada. Ne croyez-vous pas que les modifications à l'article 43 de la partie VII de la Loi sur les langues officielles et l'instauration d'un droit de recours à l'égard de cette partie sont susceptibles de créer une autre querelle fédérale-provinciale?
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Je vais répéter ce que j'ai dit.
On reconnaît le fait que, selon le droit constitutionnel, le gouvernement canadien et ceux des provinces ont des compétences claires et précises, et qu'ils ont aussi des obligations sur le plan linguistique. Le fédéral est le protecteur des minorités et il doit prendre les mesures nécessaires pour protéger, développer et favoriser l'épanouissement de ces communautés.
Les modifications proposées au paragraphe 43(1) n'auront pas pour effet de modifier le type de cohabitation — si je peux employer ce terme — qui existe entre le régime des droits linguistiques au fédéral et le régime linguistique québécois. Cela ne changera absolument rien, parce que cela ne s'applique qu'aux institutions fédérales. À ce que je sache, un syndicat ou une province ne sont pas des institutions fédérales, du moins pour le moment. La liste est claire à cet égard.
Je suis conscient que l'on peut penser, comme vous l'avez dit plus tôt, que les modifications proposées au paragraphe 43(1) peuvent avoir une incidence sur les gens que vous avez mentionnés, l'organisme ou l'association. Toutefois, je ne pense pas que ce soit l'objet du projet de loi S-3.
À (1020)
M. Guy André: Ce projet de loi n'a peut-être pas été rédigé dans ce but, monsieur Gauthier, mais, afin de renforcer la Loi sur les langues officielles, il est question du droit de recours et de l'article 7. Dans le document qui porte sur l'historique de votre projet de loi, on peut lire ceci: « L’article 43 précise les moyens dont dispose la Ministre pour mettre en oeuvre l’engagement mentionné aux articles 41 et 42. » De plus, il est question, dans l'article 43, de champs de compétence syndicale, etc.
Voici la question que je me pose: même si là n'est pas l'intention du projet de loi S-3, pensez-vous qu'un juge, compte tenu de ce droit de recours, pourrait interpréter cela d'une manière différente?
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Je ne le pense pas. Un juge n'aurait ni l'autorité de le faire ni la compétence pour s'occuper de cela. Cela ne le regarde pas. Il ne s'agit pas d'une institution fédérale. Il n'a pas à entendre une cause qui n'a pas de rapport avec la loi.
D'après moi, les modifications proposées au paragraphe 43(1) ne font que clarifier les obligations des institutions fédérales. Comme je vous l'ai dit plus tôt, un syndicat n'est pas une institution fédérale. Cela n'impose pas d'obligations additionnelles à qui que ce soit, sauf que cela clarifie — à l'intention de Godin, Gauthier et autres — où l'on s'en va avec cela et comment l'on va s'y rendre.
En ce qui concerne le droit de recours, une loi sans recours n'est pas une loi qui accorde réellement des droits. Je veux qu'un recours soit permis pour que je puisse chauffer les pieds des ministères, des agences et des institutions qui ne sont pas suffisamment attentifs aux besoins des communautés.
Examinons la question de la Péninsule acadienne. L'Agence canadienne d'inspection des aliments a pris une décision sans consulter la minorité francophone. Ce n'était pas acceptable. On nous a dit que nous avions raison dans le fond et que notre cause était bonne, mais que la loi actuelle ne permettait pas de se prononcer là-dessus, parce que l'article est déclaratoire et qu'il faudrait le changer. Combien de fois nous a-t-on dit cela?
J'agis toujours de bonne foi. Je cherche à donner du mordant à la loi. Dorénavant, nous aurons un chien de garde qui va mordre quand cela sera nécessaire. Je ne vois pas comment un juge pourrait faire autrement que d'être attentif à la question des compétences.
Comme je vous l'ai dit plus tôt, les provinces et le fédéral, dans le domaine linguistique, ont des droits constitutionnels. Cela a été reconnu par la Cour suprême du Canada.
Le président: Je vous remercie. Nous poursuivons avec M. Godin.
M. Yvon Godin: Merci, monsieur le président. Je suis fier de venir d'une province où la minorité francophone est assez importante: il y a environ 250 000 Acadiens francophones dans une province de 720 000 personnes. C'est la seule province qui s'est déclarée officiellement bilingue au Canada, et la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick a été enchâssée dans la Constitution. C'est solide. On peut se défendre au moyen de cette loi qui a du mordant. Elle permet d'aller en cour pour se défendre. C'est ainsi présentement au Nouveau-Brunswick.
Nous discutons actuellement pour savoir si cela peut aller dans les juridictions provinciales, les syndicats et ainsi de suite. C'est à cette étape que les experts viennent et qu'on peut faire des amendements. C'est cela, un projet de loi. Il y a d'abord une ébauche, on la développe et on arrive à un produit fini. C'est comme aller dans le bois, couper une corde de bois, l'apporter à la scierie et en faire des deux sur quatre: ensuite, on construit une maison et on arrive à un produit fini. Il en va de même pour un projet de loi. Il y a d'abord une ébauche et on la développe. C'est cela, la législature. On arrive finalement à un produit fini. C'est cette voie que j'aimerais qu'on emprunte.
Le ministre de la Justice était inquiet parce qu'il déclarait que le fait de rendre l'article 41 exécutoire créerait trop de précédents judiciaires. C'est comme dire qu'on ne veut pas limiter la vitesse sur l'autoroute parce qu'il y aurait trop de contraventions et trop de poursuites judiciaires. C'est aussi insensé que cela. Un ministre qui refuse de donner du mordant à une loi pour éviter que les gens aillent en cour devrait donner sa démission et retourner chez lui, parce qu'il ne croit pas à la loi. Il travaille dans un Parlement pour créer des lois, et il refuse d'en créer de peur que les gens aillent en cour. Vous avez entendu cela, je crois. J'aimerais entendre vos commentaires sur ces propos.
À (1025)
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Je les ai souvent entendus. Vous étiez là d'ailleurs, quand les ministres nous disaient qu'on risquait d'augmenter la judiciarisation. Vous vous rappelez cette fameuse expression qui m'enrageait parce que ce n'était pas vrai? On disait qu'on n'avait pas les moyens, qu'on n'avait pas les goussets assez profonds. Les Acadiens sont-ils plus riches que les Québécois? Il y des limites à se faire dire qu'on va augmenter la judiciarisation. Je lisais des chiffres tout à l'heure. Nous sommes allés en cour six fois depuis 1982, soit depuis un peu plus de 20 ans. Ce n'est pas beaucoup.
M. Yvon Godin: Monsieur le président, je crois que le contraire va se produire. Si une loi claire existe, elle sera respectée. C'est lorsqu'une loi n'est pas claire qu'on va en cour, pour tenter de l'éclaircir. C'est le contraire de ce que disait le ministre. Êtes-vous d'accord avec moi?
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Oui. Vous avez l'avantage de vivre dans la seule province bilingue du Canada. L'Ontario et le Québec ne sont pas bilingues. Aucune des autres provinces ne l'est. C'est l'anglais qui prédomine. Il faut respecter les autres membres de la communauté francophone partout, en Alberta comme en Colombie-Britannique, en Saskatchewan comme au Manitoba. On n'est pas différents, on veut simplement les mêmes services. C'est tout. Si une loi nous donne les outils pour obtenir ces services des institutions du gouvernement fédéral, il n'y aura pas de problème. Pourquoi irait-on en cour? On n'aime pas aller en cour.
M. Yvon Godin: La semaine dernière, au Québec, on nous disait que lorsque les francophones ou les hauts fonctionnaires du Québec appelaient à Ottawa pour obtenir de l'information ou travailler avec des gens d'Ottawa, ils étaient obligés de parler anglais. Avec cette loi, la partie VII les protégerait et leur donnerait plus de munitions pour se défendre.
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Récemment, la Commission canadienne du tourisme, une agence fédérale, a annoncé qu'elle déménageait ses pénates à Vancouver. La loi dit que les employés de la commission ont le droit de travailler dans la langue officielle de leur choix. La moitié des employés de la Commission canadienne du tourisme sont francophones et ne pourront pas travailler dans leur langue à Vancouver. Je vous le dis tout de suite. Je n'ai encore entendu personne se plaindre mais, de grâce, posez des questions! Le droit des Canadiens et des Canadiennes à travailler dans la langue de leur choix est-il protégé à Vancouver? J'en doute.
Le président: Merci, monsieur Godin.
Nous avons le temps de faire un troisième tour. Chacun aura cinq minutes.
Monsieur Vellacott.
[Traduction]
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, PCC): Merci.
Vous aviez déjà parlé de cela, sénateur, et Mme Boivin y avait également fait allusion je crois. Ma question concerne simplement un conflit possible entre votre projet de loi et une loi provinciale. N'y a-t-il pas conflit, surtout avec la loi québécoise et avec la Charte de la langue française? Vous pourriez peut-être préciser pour nous quels sont les problèmes que vous escomptez, parce qu'à mon avis, il faut être honnêtes et réalistes et bien savoir ce qui pourrait nous attendre.
L'hon. Jean-Robert Gauthier: En fait, monsieur Vellacott, la Cour suprême a jugé très clairement en matière de compétence du gouvernement fédéral et des provinces en matière linguistique. La Charte de la langue française au Québec est un instrument légal, un instrument qui a été observé et respecté. Elle diffère de toute autre charte provinciale, mais elle est parfaitement conforme à en croire la Cour suprême du Canada. Je ne vois donc aucune difficulté à l'horizon.
Le projet de loi S-3 ne concerne rigoureusement rien d'autre que les institutions fédérales. Il ne touche pas aux provinces. Il ne touche pas aux syndicats. Il ne touche pas aux entités du secteur privé. Il concerne rigoureusement les obligations des institutions fédérales énumérées à la partie III de la loi et il les précise. Lisez la partie III, et vous verrez que tout est là, y compris, comme je l'ai déjà dit, le Parlement et toutes les autres institutions et agences. Je voudrais encore une fois abondamment préciser que nous ne parlons pas ici d'un autre ordre de gouvernement ni d'entités autres que fédérales.
À (1030)
M. Maurice Vellacott: Pour poursuivre un peu dans la même veine ou développer un peu plus avant le même thème, à votre avis ce projet de loi, le projet de loi S-3, est conforme à la Charte canadienne des droits et libertés et à l'article 27 qui précise que cette Charte doit être interprétée de manière à concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens. C'est donc un genre de disposition péremptoire. À votre avis, pourrait-il y avoir des problèmes par rapport à cet élément particulier de la Charte?
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Effectivement, cela respecte tout à fait l'article 27, cela respecte toutes les obligations constitutionnelles dont parle la Charte. Si vous ne me croyez pas, posez la question aux constitutionnalistes, ils vous diront tous la même chose. L'article 27 sur la patrimoine multiculturel est respecté à 100 p. 100. Dans son intégralité, le projet de loi S-3 découle d'une obligation inscrite à l'article 16, paragraphe trois, je crois, obligation qui dit que le gouvernement fédéral doit protéger et promouvoir les droits des groupes linguistiques minoritaires. Cela ne touche absolument pas l'aspect multiculturel de la chose, au contraire, cela vient l'enrichir.
[Français]
Le président: Nous poursuivons avec M. André
M. Guy André: Bonjour, monsieur Gauthier.
La Loi sur les langues officielles existe depuis 35 ans. Or, au comité et à la Chambre, les communautés francophones, entre autres par le biais des PALO, revendiquent une augmentation de budget. Les associations communautaires francophones hors Québec partagent un budget de 28 millions de dollars, je crois, avec les minorités anglophones. Leur budget n'a pas été augmenté pendant plusieurs années. J'ai appris de la ministre du Patrimoine canadien qu'elles avaient obtenu une augmentation de 10 p. 100. Il faut convenir que 10 p. 100 en 14 ans, ce n'est pas énorme.
Dans le cadre de nos travaux, nous avons reçu ici plusieurs représentants de la fonction publique. Des gens de la défense et d'autres secteurs d'activités ont comparu, et nous leur avons posé des questions sur l'état du bilinguisme dans la fonction publique. La défense est, je crois, le secteur au sujet duquel le Commissariat aux langues officielles a reçu le plus grand nombre de plaintes concernant le non-respect des langues officielles. Vous êtes aussi au courant du dossier d'Air Canada.
Comment voyez-vous que l'adoption d'un projet de loi comme S-3, qui respecte les champs de compétences du Québec, puisse influencer toute cette mécanique de non-respect du bilinguisme qui prévaut actuellement dans plusieurs institutions fédérales? Comme vous le savez, la situation est difficile à plusieurs endroits.
Croyez-vous que ce projet de loi puisse faire en sorte que certains besoins des communautés francophones soient davantage satisfaits? Il pourrait y avoir un grand nombre de recours parce que beaucoup de besoins ne sont pas respectés. Il y a 35 ans que la Loi sur les langues officielles existe et pourtant, le gouvernement au pouvoir semble ne pas avoir respecté plusieurs de ses engagements dans ce domaine.
La semaine dernière, par exemple, les ententes en matière d'éducation ont été signées, mais avec un an de retard.
À (1035)
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Monsieur André, c'est une question qui m'intéresse et que je connais bien. Cependant, c'est aussi un sujet très compliqué, et je ne veux pas mobiliser trop de temps du comité. Je peux quand même vous dire que depuis le début de l'année 1990, les communautés vivant en situation minoritaire — je parle bien sûr ici des communautés francophones hors Québec et des communautés anglophones au Québec — ont vu leurs budgets gelés ou réduits. Pourtant, on n'a même pas connu d'inflation depuis 15 ans! Tout à coup, devant tous ces besoins, il arrive qu'on devienne exaspéré, fatigué. Alors, certains s'assimilent, abandonnent ou réagissent en disant qu'ils s'en vont ailleurs.
Durant toute ma carrière, c'est ce que j'ai essayé d'empêcher. Je suis exogame. Je ne sais pas si vous savez ce que cela signifie. Dans mon cas, ma mère était écossaise-irlandaise et elle ne parlait pas français. Je suis né en Ontario, mais j'ai décidé dès mon jeune âge de me battre pour avoir le droit de parler les deux langues. Il y en a une que je parle peut-être un peu mieux que l'autre, mais je parle les deux et je les comprends bien. De temps en temps, grâce à un service de sténotypie, j'entends tout.
Les ententes avec les communautés n'ont pas encore été renouvelées, mais récemment, les ententes sur l'éducation ont été signées avec tous les ministres de l'Éducation des provinces. Cela va porter sur quatre ou cinq ans, je crois. Je ne connais pas très bien tout cet aspect de la question. Le Québec en profite plus que l'Ontario, du moins en ce qui concerne des programmes comme l'éducation. Dans ce domaine, le fédéral donne des millions de dollars à la province de Québec pour l'enseignement de l'anglais langue seconde et l'enseignement du français aux anglophones. Je crois qu'il s'agit de 80 millions de dollars par année. Nous, les francos, obtenons en Ontario environ la moitié de cette somme. Ce n'est pas une critique. C'est une bonne chose que le Québec réussisse là où les autres provinces n'auront pas réussi, c'est-à-dire qu'il arrive à donner à ses enfants la chance de se défendre dans un monde en évolution.
Aujourd'hui, parler plus d'une langue, voire trois ou quatre, est une bonne chose. Si j'étais plus jeune, j'apprendrais le chinois, parce qu'il y a dans le monde 1,1 milliard de Chinois. Si je voulais vendre une trappe à souris à un Chinois, j'aurais intérêt à apprendre sa langue. Il n'y a rien d'autre que de simplement communiquer. Selon moi, l'apprentissage linguistique, c'est bien.
Le président: Merci, monsieur André. Je dois vous interrompre pour respecter le temps alloué à tous et chacun. On poursuit avec M. D'Amours.
M. Jean-Claude D'Amours (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci, monsieur le sénateur, d'être présent. C'est vraiment un honneur pour moi.
Comme je vous l'ai expliqué lorsqu'on s'est rencontrés tout à l'heure, je viens du Nouveau-Brunswick. La réalité que je vivais, avant d'être ici au Parlement, était une réalité très francophone parce que la région d'où je viens est à très forte majorité francophone. Je n'étais donc absolument pas conscient des besoins des minorités du pays, qu'elles soient francophones ou anglophones.
J'ai beaucoup appris depuis que je suis ici, et je suis particulièrement heureux d'être membre de ce comité parce que cela m'a permis d'élargir mes horizons. C'est un honneur pour moi de vous rencontrer parce que c'est très stimulant de voir un homme convaincu au sujet des langues officielles, qui est prêt à continuer à se battre pour faire avancer ce dossier.
Monsieur le sénateur, ce projet de loi aurait pu avancer depuis plusieurs années. J'espère qu'il va avancer au cours des prochains mois afin de faire évoluer la cause des minorités et du bilinguisme au Canada. Pouvez-vous nous dire quelle serait, d'après vous, la situation actuelle si le projet de loi avait été adopté? Pouvez-vous nous parler des changements concrets qui se seraient produits, des droits que des groupes ou des individus auraient alors acquis?
À (1040)
L'hon. Jean-Robert Gauthier: J'ai un tas d'exemples à vous donner. Je vais vous donner un exemple récent. J'ai invité tous les étudiants et étudiantes du postsecondaire de partout au Canada à participer à un concours d'essai. Cette année, le thème était le multiculturalisme, l'an dernier, la mondialisation, et l'année d'avant, les minorités. Je reçois des essais de chacune des provinces du Canada. J'ai remarqué une chose: les francophones du Québec participent beaucoup plus et gagnent donc une grande partie des prix. Il y a quatre prix: 3 000 $, 2 000 $, 1 500 $ et 1 000 $. Pour la première fois depuis trois ans, c'est une Franco-Ontarienne qui a gagné. Ce n'était pas arrangé, je vous le jure. Les juges sont des universitaires: un Acadien, une personne de l'Ouest, une autre de l'Ontario. Ce concours nous fait vivre des expériences fantastiques. Le Droit, notre journal local, publie un de ces essais tous les mardis depuis trois semaines maintenant, et va publier le dernier mardi prochain. La gagnante est une jeune fille de Hawkesbury, en Ontario. J'étais très fier. Le deuxième prix revient à quelqu'un de l'Université de Montréal, le troisième à un étudiant du Cégep Limoilou au Québec, et le quatrième à un étudiant de l'Université Laval de Québec.
Si on invite les gens à participer à cette initiative, ils vont donner le meilleur d'eux-mêmes. D'après moi, c'est ce qu'il faut faire. Il faut animer, stimuler, encourager nos jeunes à atteindre l'excellence, à l'écrit ou à l'oral.
Je suis l'un de ceux qui ont toujours été impressionnés par des gens comme Lecavalier de Radio-Canada, qui a francisé le hockey, notre sport national. C'est M. Lecavalier qui a donné le nom de « gouret » à ce qu'on appelait le stick. On « shootait » dans le goal quand j'habitais la basse-ville. On « scorait » les buts. Aujourd'hui, on ne dit plus cela. On dit: « Il a lancé, il a compté ». C'est beaucoup mieux. Il y a toutes sortes d'exemples. Je pourrais vous en parler pendant une heure.
M. Jean-Claude D'Amours: Merci.
Le président: Merci, monsieur D'Amours. Monsieur Godin, c'est votre dernière intervention.
M. Yvon Godin: Merci, monsieur le président.
Chez nous, on ramassait la dust dans le corner avec la dustpan.
Pour terminer, je pourrais reprendre un peu ce que disait M. André et vous demander ce que le projet de loi S-3 pourrait faire en ce qui concerne les demandes. On a parlé de la Défense nationale et du fait qu'on avait su prouver que ce ministère ne respectait pas la Loi sur les langues officielles. Tous les ministères font présentement une étude.
S-3 pourrait-il contribuer à régler ce problème ou, comme vous le dites toujours, donner des dent à à la loi? Pourrait-il servir à forcer les gouvernements à agir? On parle du fédéral, et pourtant, c'est le gouvernement qui viole la loi. Quant à nous, il viole le principe de la loi ou le principe du bilinguisme qui prévaut au Canada. C'est pour cela qu'on parle des institutions fédérales.
Ce projet de loi pourrait-il aider les gens partout au Canada? Les anglophones comme les francophones devraient pouvoir bénéficier de services dans leur langue.
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Absolument. Je vais peut-être terminer là-dessus.
La responsabilité de S-3, c'est-à-dire la proposition d'amendement à la loi, repose sur les institutions fédérales. Celles-ci ne pourraient pas transférer leurs responsabilités aux provinces. Pour leur part, ces dernières ne pourraient pas faire l'objet de recours judiciaires. C'est du moins mon interprétation de S-3, et je l'ai écrite, cette loi. Il serait impossible de poursuivre une province. Il n'y aurait donc ni décalage ni transférabilité. Il faudrait que ces institutions prennent leurs obligations et les respectent. D'après moi, c'est l'essentiel de S-3.
Faites confiance aux minorités. Dotez-nous d'outils, donnez-nous ce qu'il faut pour faire valoir nos droits. Ne vous inquiétez pas: nous n'irons pas devant les tribunaux si le fédéral remplit ses obligations de manière claire et précise. Les choses se feront alors d'elles-mêmes. C'est une loi; c'est essentiellement de la justice. C'est tout ce que c'est.
À (1045)
M. Yvon Godin: Monsieur le président, j'aimerais poser une dernière question.
Monsieur Gauthier, je pense que cela va en quelque sorte conclure notre rencontre avec vous.
Comme vous le savez, une motion a été adoptée cette semaine; il s'agissait de mettre ce dossier de côté pour que nous puissions finir notre rapport. J'ai l'intention de présenter une nouvelle motion dès que nous aurons terminé.
En ce qui concerne S-3, recommandez-vous qu'on passe immédiatement à l'action, de façon à ce que le Parlement puisse l'adopter?
L'hon. Jean-Robert Gauthier: Comme vous le savez sans doute, monsieur Godin, j'essaie de faire adopter ce projet de loi depuis l'an 2000. Je suis revenu à la charge à quatre reprises. Il y a urgence dans la cabane.
Nous sommes en position minoritaire et, dans notre système démocratique, nous devons nous soumettre humblement à la majorité. J'espère néanmoins qu'il sera possible, dans le cadre de cette démocratie, de donner un peu de temps et d'énergie afin que ce projet de loi soit adopté. Vous proposerez sans doute des améliorations, et de fait, je souhaite que ce soit le cas.
Précisez que cela ne s'applique qu'aux institutions fédérales. Optez pour le préambule que vous souhaitez, changez la loi, mais n'oubliez pas qu'en définitive, nous voulons que tous les Canadiens d'expression française et anglaise vivant en situation minoritaire soient traités équitablement, avec toute la justice que nous permet cette démocratie moderne.
Je vous remercie infiniment.
Le président: Merci, monsieur Godin.
Merci beaucoup, monsieur Gauthier. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de vous joindre à nous et de nous avoir fait part de vos connaissances. Nous vous remercions tout particulièrement d'avoir partagé votre passion avec nous. Je pense que ce fut pour chaque membre du comité un moment très agréable. Merci encore une fois. Merci également à la dame qui vous accompagnait. Il arrive que nous parlions un peu rapidement, mais cela ne l'empêche pas de faire un travail extraordinaire.
Nous allons suspendre la réunion pour une minute ou deux, et nous reviendrons ensuite sur la question du voyage ainsi que sur une motion que nous avons reçue.
Merci.
À (1047)
À (1051)
Le président: On reprend la séance pendant quelques minutes encore. Tout d'abord, je tiens à vous informer que l'ordre de renvoi pour le voyage a été accepté. Plus rien ne nous empêche d'aller sur le terrain pour constater et analyser l'impact du plan d'action. C'est accepté et nous partirons donc au cours de la semaine du 9 mai.
Par ailleurs, vous avez reçu, fournie par notre recherchiste, la liste des témoins pour nos travaux qui porteront sur le projet de loi S-3. Si rien ne change, dans deux semaines, nous recevrons Ressources humaines et Développement des compétences Canada le mardi, et Industrie Canada le jeudi pour nos travaux portant sur le Plan d'action pour les langues officielles.
Cela dit, il y a une motion... Oui, monsieur Godin.
M. Yvon Godin: Sur la liste des témoins, j'aimerais faire ajouter les noms de M. Michel Doucet de l'Université de Moncton — celui qui plaide presque toutes les causes des francophones — ainsi que de M. Denis Duval de l'Université de Moncton à Edmundston. Ce sont eux qui ont mené la bataille pour les délimitations des circonscriptions électorales. Ces deux personnes pourraient nous éclairer sur le projet de loi.
Le président: Vous avez noté cela?
Madame Boivin.
Mme Françoise Boivin: Compte tenu de certaines préoccupations de mes collègues du Bloc par rapport à ce qui se passe au Québec — je ne dis pas qu'elles n'ont pas lieu d'être —, j'avais pensé au ministre Benoît Pelletier, puisqu'il est, entre autres, ministre québécois de la Francophonie canadienne. Je ne sais pas si c'est possible, car je ne connais pas bien le fonctionnement des comités. Je sais que certains comités de la Chambre ont pu le rencontrer, le Comité permanent des comptes publics entre autres. Je ne vois pas pourquoi on ne l'inviterait pas pour parler de ces préoccupations. C'est une suggestion que je fais au comité.
Le président: On va vérifier s'il est possible d'inviter un ministre provincial au comité. Je ne sais pas. Je vous suggère...
M. Guy André: On va vous faire parvenir nos suggestions.
Le président: C'est cela. Je vous suggère de me faire parvenir ces noms, sinon on va consacrer beaucoup de temps à les énumérer.
M. Yvon Godin: On va vous les envoyer.
Le président: Je vais demander à notre recherchiste de faire un travail préliminaire et de recueillir les noms. Ils vous seront soumis et par la suite, je vous demanderai de faire des ajouts. On pourra bâtir la liste finale à partir de cela.
Mme Françoise Boivin: On peut féliciter notre recherchiste, qui a fait un travail remarquable. Avez-vous regardé le document? Bravo, Marion.
Le président: Il est excellent, je dois l'avouer. C'est pour cela qu'on le paie ce prix-là.
Voici un dernier point. M. Godin a déposé une motion. Elle n'a pas été acheminée avec les 48 heures de préavis requises. Cette motion sera reportée à la réunion de mardi matin, à moins qu'il n'y ait consentement unanime autour de la table pour en discuter aujourd'hui.
M. Yvon Godin: Monsieur le président, on connaît la teneur de la motion. Je demande le consentement unanime. Après avoir entendu le témoignage de M. Gauthier, je pense qu'il nous demande une ouverture. Il nous suggère de proposer des amendements si on est inquiets. C'est cela, un projet de loi.
Je crois sincèrement, et je veux que vous me croyiez, que les études sont utiles. Quand on fait une étude, c'est parce qu'on veut en arriver à un projet de loi. On a devant nous un projet de loi, et on est prêts à le reporter pour en faire l'étude. Après l'étude, on voudra peut-être encore de ce projet de loi. Je demande à mes collègues de m'appuyer, d'être unanimes. Commençons cette étude. Cela ne nous empêchera pas de faire le voyage prévu. Monsieur Vellacott, plusieurs de nos collègues et moi-même sommes ici depuis huit ans, et on a parfois vu des séances se tenir le soir. On peut être très flexibles sur ce point.
Comme on le disait, un gouvernement minoritaire peut donner l'occasion de produire un bon projet de loi. Encore une fois, comme le sénateur le soulignait, on peut faire des amendements si on a des inquiétudes. On pourrait travailler à ce projet de loi. C'est pour cela que je demande à mes collègues de l'appuyer unanimement. Sinon, quand on reviendra, on s'occupera de l'amendement.
À (1055)
Le président: Merci, monsieur Godin. On n'a pas besoin d'en discuter. Je demande simplement s'il y a un consentement unanime ou non.
Des députés: Non.
Le président: Bien. La motion déposée sera débattue mardi à notre retour de la semaine de relâche. À moins que vous n'ayez d'autres points à soulever, on conclut là-dessus. Je vous remercie beaucoup. Bonne semaine dans vos comtés, et à mardi.
La séance est levée.