LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des langues officielles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 14 juin 2005
¿ | 0905 |
Le président (M. Pablo Rodriguez (Honoré-Mercier, Lib.)) |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
M. Jean-Paul Perreault (président, Impératif français) |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Guy Lauzon (Stormont—Dundas—South Glengarry, PCC) |
M. Jean-Paul Perreault |
¿ | 0935 |
M. Guy Lauzon |
M. Jean-Paul Perreault |
M. Guy Lauzon |
M. Jean-Paul Perreault |
M. Guy Lauzon |
M. Jean-Paul Perreault |
Le président |
M. Luc Bouvier (professeur, Impératif français) |
Le président |
M. Guy André (Berthier—Maskinongé, BQ) |
¿ | 0940 |
M. Jean-Paul Perreault |
M. Guy André |
M. Jean-Paul Perreault |
Le président |
M. Marc Godbout (Ottawa—Orléans, Lib.) |
¿ | 0945 |
M. Jean-Paul Perreault |
M. Marc Godbout |
M. Jean-Paul Perreault |
¿ | 0950 |
Le président |
M. Jean-Paul Perreault |
Le président |
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, PCC) |
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les Patriotes, BQ) |
Le président |
M. Stéphane Bergeron |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
M. Jean-Paul Perreault |
M. Maurice Vellacott |
M. Jean-Paul Perreault |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
¿ | 0955 |
L'hon. Raymond Simard (Saint Boniface, Lib.) |
M. Jean-Paul Perreault |
M. Luc Bouvier |
À | 1000 |
Le président |
M. Stéphane Bergeron |
À | 1005 |
M. Jean-Paul Perreault |
Le président |
Le président |
M. Pierre Foucher (professeur de droit, Université de Moncton) |
À | 1015 |
À | 1020 |
Le président |
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester—Musquodoboit Valley, PCC) |
À | 1025 |
M. Pierre Foucher |
M. Bill Casey |
M. Pierre Foucher |
M. Bill Casey |
Le président |
M. Guy André |
M. Pierre Foucher |
À | 1030 |
M. Stéphane Bergeron |
M. Pierre Foucher |
M. Guy André |
M. Pierre Foucher |
Le président |
M. Marc Godbout |
M. Pierre Foucher |
Le président |
M. Pierre Foucher |
À | 1035 |
M. Marc Godbout |
M. Pierre Foucher |
M. Marc Godbout |
Le président |
M. Marc Godbout |
M. Pierre Foucher |
M. Marc Godbout |
M. Pierre Foucher |
M. Marc Godbout |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
M. Pierre Foucher |
À | 1040 |
M. Maurice Vellacott |
M. Pierre Foucher |
M. Maurice Vellacott |
M. Pierre Foucher |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
L'hon. Raymond Simard |
M. Pierre Foucher |
À | 1045 |
L'hon. Raymond Simard |
M. Pierre Foucher |
L'hon. Raymond Simard |
M. Pierre Foucher |
L'hon. Raymond Simard |
M. Pierre Foucher |
Le président |
M. Stéphane Bergeron |
M. Pierre Foucher |
M. Stéphane Bergeron |
M. Pierre Foucher |
À | 1050 |
M. Stéphane Bergeron |
M. Pierre Foucher |
Le président |
M. Stéphane Bergeron |
Le président |
M. Stéphane Bergeron |
Le président |
M. Pierre Foucher |
Le président |
CANADA
Comité permanent des langues officielles |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 14 juin 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0905)
[Français]
Le président (M. Pablo Rodriguez (Honoré-Mercier, Lib.)): Bonjour à tous. Nous allons débuter dès maintenant.
Comme vous avez pu le constater à l'ordre du jour, la séance d'aujourd'hui est divisée en deux. Nous entendrons en premier lieu M. Perreault d'Impératif français. Monsieur Perreault, vous pourrez nous présenter ceux qui vous accompagnent.
Pendant la deuxième partie, qui commencera vers 10 heures, nous entendrons M. Foucher, qui est professeur de droit.
Sans plus tarder, nous allons commencer. D'autres se joindront à nous plus tard. Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue et de vous remercier d'avoir accepté de venir nous rencontrer.
Monsieur Perreault, je vous donne quelques minutes pour votre présentation. Nous aurons ensuite une courte période de questions et commentaires des membres du comité.
¿ (0920)
Vous pouvez sauter des parties de votre texte, sans forcément parler plus vite, parce que vous feriez souffrir les traducteurs. Vous pourriez nous livrer tout de suite votre conclusion pour nous permettre de passer aux échanges.
¿ (0925)
M. Jean-Paul Perreault (président, Impératif français): Impératif français affirme donc qu'en exigeant le bilinguisme des milliers de travailleurs québécois et en obligeant les fonctionnaires francophones à utiliser l'anglais comme langue de travail au Québec, le gouvernement fédéral est en porte-à-faux avec l'objectif de la Charte de la langue française, qui est de faire du français la langue de travail sur le territoire québécois.
Le gouvernement fédéral intervient également au Québec en vertu de la version actuelle de la partie VII. Par exemple, il vient de conclure avec le gouvernement du Québec une entente de 11,5 millions de dollars sur cinq ans afin d'accroître l'accessibilité des services en santé aux anglophones. Cette entente a été dénoncée par Impératif français, parce qu'elle a pour conséquence d'imposer le bilinguisme aux travailleurs d'Info-Santé en contravention avec leur droit de travailler en français au Québec.
Mentionnons enfin qu'en vertu de la partie VII de la loi, le commissariat publie des études sur la mise en oeuvre de cette partie de la loi. La plus récente, publiée en mai, porte sur les sociétés d'aide au développement des collectivités et a adressé 18 recommandations à leur ministère responsable dans le but de s'assurer que 20 d'entre elles situées au Québec rehaussent leur niveau d'affichage bilingue et de services directs en anglais à la population.
Les SADC sont des organisations sans but lucratif avec lesquelles le gouvernement fédéral a conclu une entente de service. Cette dernière information donne une idée du champ d'action fédéral dans le domaine des langues au Québec.
Il convient également de rappeler que le gouvernement fédéral pratique au Québec la symétrie dans l'affichage alors que la Charte de la langue française prévoit l'asymétrie, une pratique qui a d'ailleurs été avalisée par la Cour suprême.
Impératif français est très inquiet des conséquences de l'adoption du projet de loi S-3 au Québec. Si les articles 41, 42 et 43 deviennent justiciables, selon l'annexe proposée par la ministre dans ses amendements, le projet de loi S-3 s'appliquerait, dans un premier temps, à une trentaine d'agences fédérales qui oeuvrent dans le domaine du développement économique, culturel, juridique, en immigration, recherche et développement et tourisme. Tous ces ministères et organismes distribuent des millions de dollars en paiements de transfert.
Bien concrètement, si le projet de loi S-3 était adopté, cela permettrait aux représentants anglophones du Québec de recourir aux tribunaux afin d'obliger le gouvernement fédéral à rouvrir l'entente sur l'immigration pour favoriser l'immigration anglophone au Québec, tel qu'il a été demandé par le Quebec Community Groups Network devant votre comité, lors de sa dernière parution, et ce, dans le but d'assurer le développement de la communauté anglophone du Québec.
Si le projet de loi S-3 devient justiciable, un Brent Tyler ou autre pourrait-il réclamer des cours de justice l'ajout de clauses linguistiques élargies dans les ententes fédérales-provinciales sur les garderies, les villes, la santé et la formation de la main-d'oeuvre pour faire progresser davantage l'anglicisation du Québec?
Si le projet de loi S-3 devient justiciable, qu'est-ce qui empêchera le gouvernement fédéral de faire la promotion de l'anglais comme langue de travail dans les entreprises du Québec — sinon il va se retrouver en cour —, notamment dans celles qui font partie de son champ de compétence, comme les entreprises de communication et les banques?
La ministre du Patrimoine canadien, dans son témoignage, ne nous a offert aucune garantie contre les dérapages de ce type, si ce n'est sa crédibilité. Impératif français est désolé, mais il juge la garantie nettement insuffisante. Impératif français s'objecte avec énergie à ce que le projet de loi S-3, dans sa forme actuelle ou amendé tel qu'il est proposé, soit appliqué au Québec. Nous concluons que toute intervention fédérale en faveur de l'anglais au Québec accentue le déséquilibre des langues au Canada en faveur de l'anglais.
Pour Impératif français, la logique commande qu'on revoie l'ensemble de la politique linguistique en se basant sur la prémisse qu'au Canada, pour que les langues officielles atteignent l'égalité de statut et d'usage, il faut agir massivement en faveur du français partout sur le territoire, et non de l'anglais.
De plus, Impératif français évalue que la situation des communautés francophones du Canada est précaire et commande des actions immédiates et draconiennes.
Enfin, en ce qui a trait au Québec, Impératif français veut rappeler à ce comité qu'il y a 10 ans, la Chambre des communes a reconnu le caractère distinct du Québec dans une motion qui a été adoptée à la majorité. Cette motion trouve ici son application. Le gouvernement fédéral doit en venir à la conclusion qu'il doit appuyer le gouvernement du Québec dans son objectif de franciser la société québécoise en vue d'atteindre le sien, l'égalité de statut et d'usage du français, qui est de faire progresser les deux langues officielles vers l'égalité de statut et d'usage dans la société canadienne. De plus, il doit reconnaître les efforts législatifs, financiers et autres réalisés par le gouvernement du Québec pour soutenir les communautés anglophones au Québec et lui offrir une compensation sans condition pour l'ensemble de ses initiatives.
¿ (0930)
En effet, il serait injuste que le fédéral finance les initiatives mises en place dans les provinces anglaises pour soutenir les francophones du Canada sans compenser adéquatement le Québec pour la panoplie de services que la province a déjà financés pour sa minorité.
En conséquence, Impératif français recommande:
Que la Chambre des communes rejette le projet de loi S-3 dans sa forme actuelle, parce qu'il constitue un outil inadéquat pour les communautés francophones du Canada et périlleux pour le Québec.
Que le comité procède rapidement à une réévaluation globale de sa politique linguistique fédérale sur la base de l'asymétrie de la situation du français et de l'anglais dans la société canadienne, et propose des mesures en vue de soutenir les communautés francophones et acadienne et de faire progresser l'anglais et le français vers un statut d'égalité et d'usage.
Que le comité propose au gouvernement fédéral de reconnaître les efforts et les sommes consentis par le gouvernement du Québec à sa minorité anglophone, et lui offre une compensation sans condition à cet égard, c'est-à-dire un droit de retrait avec compensation.
Même si les communautés francophones tiennent au projet de loi S-3 — nous les comprenons de défendre ce droit bec et ongles —, et que le comité choisit de les appuyer, le comité devra également proposer, à notre avis, des amendements en vue de limiter la portée du projet de loi au Québec.
Il ne s'agit pas d'être contre le bilinguisme ou contre la communauté anglophone au Québec. Il s'agit de s'assurer de la viabilité du français en Amérique du Nord, au sein du Canada et au Québec.
J'ai terminé. Monsieur le président, s'il y a des questions, c'est avec plaisir que nous tenterons d'y répondre.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Perreault. Merci de votre présentation détaillée.
Je rappelle aux membres du comité que nous avions décidé la semaine dernière de faire des tours de cinq minutes, étant donné que la séance serait divisée en deux.
Vous avez donc cinq minutes, monsieur Lauzon.
M. Guy Lauzon (Stormont—Dundas—South Glengarry, PCC): Merci, monsieur le président. Bienvenue à M. Perreault et à ses adjoints.
Il y a beaucoup de choses sur lesquelles j'aimerais avoir une explication.
Vous avez dit dans votre discours: « Si le fédéral voulait assumer un rôle réel de chef de file pour soutenir les communautés, il n'aurait pas besoin d'une loi pour ce faire. Il agirait tout simplement. »
Pouvez-vous expliquer ce que vous voulez dire par cette phrase?
M. Jean-Paul Perreault: Si le gouvernement fédéral voulait vraiment intervenir — comme il le fait dans d'autres domaines — pour réparer les torts causés à la francophonie et auxquels il a contribué, il pourrait agir de façon responsable, reconnaître notamment que la langue officielle minoritaire sur l'ensemble du territoire canadien est la langue française et adopter des mesures responsables pour l'ensemble de la francophonie canadienne. Nulle part, dans la Loi sur les langues officielles, on ne reconnaît l'asymétrie de la situation linguistique au Canada.
Nulle part, dans le projet de loi S-3 tel qu'il est proposé, on ne reconnaît l'asymétrie de la situation linguistique au Canada. Cela veut dire que si le projet de loi S-3 est adopté, toute mesure, pourtant très nécessaire, pour les francophones hors Québec aura sa contrepartie — qui, elle, n'est pas nécessaire — au Québec, c'est-à-dire l'amplification des forces d'anglicisation sur le territoire du Québec.
Nous disons au gouvernement fédéral que s'il souhaite adopter le projet de loi S-3, il doit s'assurer de reconnaître d'abord l'asymétrie de la situation linguistique pour l'ensemble du territoire canadien, de telle sorte que le Québec sera exempté de l'application de cette loi. Quand le gouvernement fédéral veut intervenir dans certains domaines, il le fait. Il n'a pas toujours besoin de lois. Quand il veut intervenir auprès des municipalités ou auprès des garderies, il le fait.
On parle d'égalité de statut et d'usage. Il faudrait donc accorder les moyens financiers et les ressources nécessaires pour assurer cette égalité d'usage. Actuellement, certaines lois sont en vigueur; l'une, la Loi sur les langues officielles, l'est depuis plus de 30 ans. À ce que je sache, selon les statistiques dont on a fait état pendant la lecture du mémoire, la situation de la langue française ne s'est pas améliorée. Elle continue à se dégrader dans l'ensemble canadien, y compris au Québec. Regardez les statistiques sur la langue d'usage, le français langue d'usage, le français langue maternelle. On voit bien que les lois, bien que nécessaires, sont très insuffisantes pour venir en aide à l'ensemble de la francophonie canadienne et pour améliorer l'ensemble de la situation du français au sein de la société canadienne, et plus particulièrement hors Québec.
L'adoption de lois, tout en étant une chose, est loin d'être suffisante. Regardez depuis 30 ans l'aggravation, les tendances lourdes à l'affaiblissement, à la minorisation des francophones au sein de la société canadienne. Vous conviendrez avec nous qu'Impératif français ne peut pas croire que la solution réside uniquement dans l'adoption d'une loi. Il va falloir qu'il y ait une véritable volonté politique au sein de tout le gouvernement fédéral, dans toutes les agences et institutions fédérales. Il faut un leadership sérieux et qu'on reconnaisse véritablement que la langue officielle au sein de la société canadienne qui a besoin de ressources additionnelles n'est pas l'anglais, — ni même au Québec, monsieur — mais bien le français. C'est là, je pense, qu'on va devoir agir, que le gouvernement fédéral va devoir donner une orientation politique claire à l'ensemble de ses institutions.
¿ (0935)
M. Guy Lauzon: Vous avez parlé de torts causés à la langue française par le gouvernement. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire?
M. Jean-Paul Perreault: Vous avez entendu les statistiques que nous avons mentionnées. Ce sont des statistiques sur la situation de la langue française au sein de la société canadienne.
M. Guy Lauzon: Était-ce à cause du gouvernement?
M. Jean-Paul Perreault: Je vous ai parlé de la diminution de 55 p. 100 du poids relatif des francophones au sein de la société canadienne hors Québec en 50 ans et de 30 p. 100...
M. Guy Lauzon: Trouvez-vous que c'est la faute du gouvernement?
M. Jean-Paul Perreault: Je pense que le gouvernement fédéral a une responsabilité importante à cet égard. Ces statistiques nous sont fournies tous les cinq ans par Statistique Canada, une institution fédérale. Le gouvernement canadien existe depuis longtemps. Les statistiques sur la diminution du poids relatif des francophones et celles sur l'existence de l'assimilation des francophones au sein de la société canadienne existent depuis longtemps.
Quel gouvernement a la responsabilité d'agir dans ce domaine pour l'ensemble du territoire canadien, si ce n'est le gouvernement fédéral? A-t-il agi? A-t-il suffisamment agi pour contrer les tendances lourdes qui contribuent à la baisse relative des francophones et des Québécois au sein de la société canadienne? A-t-il suffisamment agi pour freiner les tendances à l'assimilation et à la disparition des communautés francophones hors Québec? Selon moi, monsieur, la réponse est claire: c'est non.
Nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour vous dire que le gouvernement a suffisamment agi dans ce domaine ni pour vous dire que le projet de loi S-3 sera la réponse à la disparition de ces tendances lourdes, absolument pas.
Le président: Par contre, il est important de nuancer: le fait que le gouvernement n'a pas assez agi ne signifie pas qu'il a causé du tort aux communautés francophones.
Par ailleurs, vos statistiques sur les jeunes immigrants me surprennent. J'avais l'impression qu'au Québec, les jeunes immigrants adoptaient de plus en plus le français comme langue d'usage. Je me cite en exemple: jusqu'à l'âge de huit ans, je ne parlais ni français ni anglais.
M. Luc Bouvier (professeur, Impératif français): Je suis heureux que vous ayez cette impression, mais je ne peux que vous répondre que ce sont les données. Je n'y peux rien. Il faudrait que vous demandiez à Statistique Canada si ses données sont fausses. Ce sont les données de 1971 à 2001: 55 p. 100 adoptent l'anglais et 45 p. 100, le français. À Montréal, c'est plutôt 65 p. 100 et 35 p. 100. Je n'y peux rien, ce sont les données.
Le président: Monsieur André.
M. Guy André (Berthier—Maskinongé, BQ): Bonjour, monsieur Perreault, madame Chartrand, monsieur Bouvier. Merci d'avoir accepté de nous rencontrer aujourd'hui.
Évidemment, le Bloc québécois est d'accord sur une grande partie de vos propos. Vous avez dit que reconnaître un statut d'usage et de développement des communautés francophones et anglophones, et reconnaître l'égalité de ces deux statuts à l'intérieur du projet de loi S-3 affaiblirait, par ricochet, l'ensemble de la francophonie canadienne. J'aimerais vous entendre davantage à ce sujet.
¿ (0940)
M. Jean-Paul Perreault: La prémisse n'est reconnue ni dans la Loi sur les langues officielles ni dans le projet de loi S-3. Nulle part on ne reconnaît l'asymétrie de la situation linguistique au sein de la fédération canadienne. Nulle part on ne reconnaît que la langue officielle canadienne qui a davantage besoin d'appui, de volonté politique et de ressources est la langue française. On propose ici une loi où on traite de façon symétrique une situation qui est pourtant très asymétrique. Cela permet au gouvernement canadien de contrer la volonté politique du gouvernement québécois de faire du français la langue d'usage et la langue commune de la diversité sur son territoire. Le gouvernement canadien fait alors la promotion de la langue anglaise canadienne et continentale majoritaire, dans le seul foyer francophone qui, lui, a besoin de mesures pour protéger sa langue, même sur son territoire.
Si vous allumez un téléviseur à Montréal, à Québec, à Chicoutimi, à Rimouski, à Trois-Rivières ou, à Sherbrooke, et si vous êtes câblé ou si vous captez par satellite, vous allez recevoir trois fois plus de stations de télévision de langue anglaise que de télévision de langue française. C'est particulièrement indécent et carrément inadmissible de voir que le gouvernement fédéral utilise les impôts des Québécois et des autres Canadiens pour faire progresser l'anglicisation au sein de la société québécoise qui, tant bien que mal, se débat pour tenter d'assurer la pérennité du fait français en Amérique du Nord, sur son territoire du moins.
Le projet de loi S-3, en rendant la loi justiciable, donnera des outils incroyables à des organismes dont je tairai le nom, et à des individus qui seront les premiers à s'en servir pour déstabiliser la francophonie canadienne, plus particulièrement sur le territoire du Québec. D'ailleurs, au moment où on se parle, on discute à l'UNESCO pour protéger la diversité culturelle mondiale contre l'anglicisation ou, si vous préférez, contre l'américanisation. La lutte que mène la francophonie canadienne et la lutte que mène le Québec pour protéger son identité et sa spécificité au sein de l'Amérique du Nord et de la société canadienne se situent carrément dans le cadre des discussions qui ont cours à l'UNESCO. Le projet de loi S-3, dans sa partie qui affecterait le Québec, va tout à fait à l'encontre des efforts et de la réflexion qui ont cours actuellement à l'UNESCO.
M. Guy André: Croyez-vous que le Québec devrait se soustraire à l'application de cette loi?
M. Jean-Paul Perreault: Je peux vous dire que si le projet de loi est adopté tel quel, il devra bien sûr s'en soustraire. Il faudrait que le gouvernement fédéral exclue le Québec de l'application du projet de loi S-3. Le Québec n'est pas isolé. Il compte 23 p. 100 de la population canadienne. Les statistiques, incluant celles sur le Québec, indiquent qu'il y a eu une baisse de 21 p. 100 en moins de 50 ans du poids relatif des francophones au sein de la société canadienne, dont le principal foyer est le Québec. Pensez-vous que l'application du projet de loi S-3 au Québec ralentira cette tendance? Voyons, ce n'est pas sérieux! En lisant le projet de loi S-3 et même la Loi sur les langues officielles dans sa forme actuelle, on constate qu'on n'y reconnaît nulle part l'asymétrie de la situation.
Le président: Merci, monsieur André. C'est tout le temps dont vous disposiez.
Monsieur Godbout.
M. Marc Godbout (Ottawa—Orléans, Lib.): Monsieur Perreault, bonjour. On se retrouve après quelques années, dans des circonstances différentes.
J'aimerais revenir au commentaire de M. Lauzon. Vous dites que si le fédéral veut agir, il n'a pas besoin d'une loi pour le faire. Nous sommes évidemment une assemblée législative et nous devons donc nous préoccuper des lois. On pourrait faire un parallèle. Si le gouvernement du Québec avait voulu agir sur le plan de la langue française, il n'aurait pas eu besoin de la Loi 101. Si tous les droits de la personne avaient été respectés, on n'aurait pas eu besoin d'une charte des droits. Je trouve un peu curieux que vous reprochiez, entre autres, aux communautés francophones hors Québec de chercher une garantie pour faire en sorte que le gouvernement fédéral ait l'obligation d'agir et de mettre en oeuvre la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Comme on ne sait pas quel parti politique formera le gouvernement dans 50 ans, il est normal qu'on ait une loi visant à améliorer les garanties législatives, sinon constitutionnelles, des communautés francophones à l'extérieur du Québec. Je pensais que vous appuieriez cette démarche au lieu de dire, avec une certaine naïveté, qu'un gouvernement n'a pas besoin de loi pour agir. Cela me surprend un peu.
¿ (0945)
M. Jean-Paul Perreault: Monsieur Godbout, ce n'est pas tout à fait ce que nous avons dit. Nous avons dit que, dans sa forme actuelle, le projet de loi était inacceptable. Nous avons également, dans le mémoire, clairement établi l'importance de contribuer davantage, de stopper la tendance actuelle et même de créer des situations de croissance pour les communautés francophones hors Québec. Je pense que nos propos étaient très clairs à ce sujet. Nous avons dit que, dans sa forme actuelle, dans son pendant québécois, le projet de loi S-3 est pour nous carrément inacceptable.
Dieu sait à quel point Impératif français est très conscient de la situation fragile, précaire de ces communautés. Nous reconnaissons le tort incroyable que l'on a causé historiquement aux francophones hors Québec. Impératif français tient aussi ce discours. Il demande même au gouvernement fédéral d'adopter des mesures de réparation à l'endroit des communautés francophones. Impératif français ajoute à ce sujet que, dans le contexte canadien et nord-américain, le projet de loi S-3, dans son application québécoise, ne favorisera pas l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais. Le français étant la langue officielle minoritaire, il a besoin de l'appui du fédéral même au Québec. Dans l'ensemble canadien, le Québec est minoritaire. Cette loi donnerait des ressources additionnelles à la langue anglaise au Québec, qui est la langue majoritaire dans l'ensemble canadien.
M. Marc Godbout: Je trouve que votre dernier paragraphe est un peu plus conciliant. Vous y dites que s'il faut adopter le projet de loi S-3, il faudra « proposer des amendements en vue de limiter la portée du projet de loi au Québec ».
Monsieur Perreault, quels amendements proposeriez-vous au projet de loi S-3 pour atténuer vos inquiétudes quant aux éléments asymétriques? Que proposeriez-vous au comité pour améliorer le projet de loi S-3?
M. Jean-Paul Perreault: N'ayant pas beaucoup d'expérience dans la rédaction des textes de loi, je vais laisser ce travail à ceux qui ont les compétences nécessaires pour le faire.
Je dois néanmoins vous dire que ma première réaction est de vous demander d'exclure le Québec de l'application du projet de loi S-3 dans sa forme actuelle. Ce projet de loi est nécessaire, mais insuffisant, monsieur Godbout. On passera encore des années devant les tribunaux. C'est une mesure nécessaire, mais nettement insuffisante. Elle ne pourra jamais remplacer la volonté politique qui est absente au sein du gouvernement fédéral.
Je pense que le discours devra suivre le texte de loi et que les politiciens devront s'exprimer très clairement à l'endroit de la protection et de la promotion d'un patrimoine canadien important qui est celui de la francophonie, surtout hors Québec.
Pour ce qui est du Québec, nous demandons son exclusion du projet de loi dans sa forme actuelle. Si, toutefois, le comité voulait recommander au gouvernement fédéral d'aller de l'avant avec ce projet de loi, je pense qu'il faudrait qu'il soit très clair dans les textes qu'on reconnaît l'asymétrie de la situation linguistique et que les mesures seraient prises surtout à l'extérieur du Québec. Si on adopte des mesures pour protéger la francophonie canadienne, cela ne doit pas être fait pour favoriser l'anglicisation ou la dominance actuelle de l'anglais au sein de la société québécoise. Regardez les transferts linguistiques, le nombre de chaînes de télévision, les trois universités de langue anglaise, et on pourrait continuer l'énumération. Il ne faudrait sûrement pas verser de l'argent pour accroître la dominance de la langue anglaise dans les transferts linguistiques et au sein de la société québécoise.
Si le gouvernement fédéral veut agir de façon responsable à l'endroit de la langue française, il doit agir sur l'ensemble de son territoire, incluant le Québec. Le Québec est une société francophone minoritaire au sein de la fédération canadienne et minoritaire au sein de l'Amérique du Nord. Ce n'est pas sans raison que l'UNESCO réfléchit, d'ailleurs...
¿ (0950)
Le président: Merci, monsieur Perreault. Je dois vous interrompre.
M. Jean-Paul Perreault: Parfait.
[Traduction]
Le président: Nous allons maintenant faire un deuxième tour de cinq minutes pour chaque intervenant.
Monsieur Vellacott, à vous.
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, PCC): J'ai une question. À la page 4 et à d'autres endroits, vous ne mâchez vraiment pas vos mots quant aux mesures qui devraient...
[Français]
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les Patriotes, BQ): J'invoque le Règlement, monsieur le président.
Je m'excuse, monsieur Vellacott. Je suis désolé.
Étant donné qu'il ne reste que 10 minutes, pourrait-on limiter les interventions du deuxième tour à deux minutes chacune?
Le président: Si vous le voulez. Cependant, comme M. Godin n'est pas là, il n'y a que trois questions.
M. Stéphane Bergeron: D'accord.
Le président: Nous déborderons donc de quatre minutes, peut-être.
[Traduction]
M. Maurice Vellacott: Vous parlez de mesures draconiennes, véritablement extrêmes, pour promouvoir le français partout au Canada, y compris au Québec. Que voulez-vous dire par là? Ce sont des propos forts.
[Français]
M. Jean-Paul Perreault: Je ne vois pas en quoi vous pouvez trouver très forts des propos qui invitent le gouvernement canadien à intervenir en faveur de la francophonie, en faveur de la langue française sur son territoire. Les statistiques dont nous vous avons parlé au début de la présentation sont plutôt claires. Dans l'ensemble canadien...
[Traduction]
M. Maurice Vellacott: Vous dites partout au Canada.
[Français]
M. Jean-Paul Perreault: Dans l'ensemble canadien, incluant le Québec. Au Québec, la communauté anglophone représente 8,3 p. 100 de la population, s'agissant de la langue maternelle. Par contre, s'agissant de la langue d'usage, elle passe à 11 p. 100 environ.
Au Québec, la communauté qui attire le plus de locuteurs qui choisissent une autre langue que leur langue maternelle est encore la communauté anglophone. Au-delà du nombre, la communauté anglophone n'est pas à proprement parler une minorité. Elle fait partie de la vaste majorité anglo-saxonne d'Amérique du Nord et elle bénéficie de l'ensemble des ressources de l'anglophonie de l'Amérique du Nord. Si vous isolez la situation québécoise dans votre analyse, vous commettez un impair, une erreur très grave. La société québécoise en Amérique du Nord fait partie de l'Amérique du Nord et, jusqu'à preuve du contraire, 95 p. 100 de la population en Amérique du Nord est anglophone.
La communauté anglophone de Montréal, du Québec, a des ressources incroyables. Dans ce sens, lorsqu'on demande au gouvernement fédéral de venir en aide également à la francophonie sur le territoire du Québec, cela repose sur des réalités démographiques, linguistiques et culturelles qui doivent être prises en considération. Je ne vois rien de très fort dans cela. C'est tout à fait normal.
Les francophones du Canada et du Québec sont passés de 29 p. 100 en 1951 à 23 p. 100 en 2001. C'est une baisse de 6 p. 100 en moins de 50 ans. La population francophone au sein du Canada représente à peu près 23 p. 100 de la population. Si les propos sont forts, c'est que la situation est dramatique.
Nous ne sommes pas ici pour nous conter des histoires. S'il veut agir dans le sens de la réflexion de l'UNESCO, le gouvernement fédéral va devoir prendre ses responsabilités, faire preuve de leadership et agir de façon responsable à l'endroit de l'ensemble de la francophonie, incluant la francophonie sur le territoire du Québec.
Vous pouvez être certain que l'égalité de statut et d'usage ne peut passer que par le renforcement du caractère français du Québec. Ce n'est sûrement pas en bilinguisant davantage ou en anglicisant la société québécoise qu'on va renforcer la situation de la langue française au Canada, croyez-moi. On ne fera qu'importer au Québec une situation qui ne cesse d'être dramatique hors Québec.
M. Maurice Vellacott: Merci.
Le président: Il faut tenir compte également du contexte global, c'est-à-dire du phénomène de mondialisation, qui fait en sorte que l'anglais prédomine partout. Vous faisiez allusion à l'Amérique du Nord. Je me permettrai d'ajouter le Mexique. Les Mexicains se sentent aussi très menacés par l'anglais, ce qui est tout à fait normal.
Je ne compare pas cette situation à celle du Québec. Ce n'est pas ce que je veux dire. Je veux dire que le contexte mondial actuel fait en sorte que l'anglais domine dans bien des pays. Cela inquiète surtout les voisins des Américains, c'est-à-dire nous et le Mexique.
Monsieur Simard.
¿ (0955)
L'hon. Raymond Simard (Saint Boniface, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Bienvenue, messieurs et madame.
Vous nous avez donné beaucoup de statistiques. Je viens de la province du Manitoba, où les francophones représentent 5 p. 10 de la population. Les francophones de l'Ouest canadien ne sont pas des statistiques; ce sont des personnes qui vivent dans des communautés très dynamiques. Je ne sais pas si vous êtes déjà venu au Manitoba français, mais ce serait intéressant que vous veniez. On vous y invite.
Je vois cela comme un atout pour vous, et non comme une menace. Au Manitoba français, il y a 45 000 francophones, mais il y a en fait 110 000 personnes qui parlent français. En Colombie-Britannique, il y a 85 000 francophones, mais il y a 207 000 personnes qui parlent français grâce aux programmes d'immersion, etc. Nous avons présentement 360 000 personnes inscrites dans les écoles d'immersion au Canada. Ce sont des statistiques qui peuvent aussi appuyer la cause de la francophonie.
J'aimerais savoir si Impératif français considère la francophonie hors Québec comme un atout. On est tous en Amérique du Nord, dans une mer de 300 millions d'anglophones. On compte 9 ou 10 millions de personnes qui parlent le français au Canada. On ajoute peut-être 25 à 30 p. 100 de francophones à la francophonie du Québec. Est-ce que vous voyez cela comme un atout? Si oui, le projet de loi S-3 est important pour nous. Pour les francophones hors Québec, il est essentiel d'avoir un projet de loi qui puisse rendre justiciable la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Nous pouvons ajouter quelque chose à votre objectif, à votre mandat. C'est cela, la question. Je vois cela comme un atout, et non comme une menace. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
M. Jean-Paul Perreault: Monsieur Simard, nous pensons exactement comme vous. N'ayez aucun doute à ce sujet. On ne peut pas s'appeler Impératif français et ne pas appuyer les efforts faits par les francophones partout dans le monde, incluant ceux qui sont au Manitoba, au Nouveau-Brunswick, en Alberta ou en Ontario.
Pour nous, et je le dis bien, le projet de loi S-3 est nécessaire pour les francophones hors Québec. Toutefois, il est inacceptable, dans sa forme actuelle, pour la francophonie du Québec, qui est l'autre partie importante de la francophonie, parce qu'il ne reconnaît pas l'asymétrie de la situation linguistique sur l'ensemble du territoire canadien.
Nous sommes malheureusement trop souvent placés dans une situation où les francophones hors Québec et les Québécois sont mis en opposition, pour ne pas dire en confrontation. Entre vous et moi, je trouve cela dommageable. Le projet de loi S-3 crée même cette dynamique improductive entre francophones. Oui, il est nécessaire aux communautés francophones hors Québec, mais il est insuffisant. Plusieurs lois ont été adoptées, mais les statistiques sur l'assimilation linguistique et l'érosion du français demeurent drôlement inquiétantes. Nous disons donc oui au projet de loi S-3, mais il est nettement insuffisant. Il ne remplacera jamais la volonté politique.
Vous conviendrez avec nous que le Québec est une société minoritaire dans l'ensemble canadien, et dans l'ensemble nord-américain également. Vous conviendrez avec nous qu'il n'y a pas de contrepartie à cela, parce que le projet de loi S-3 et la Loi sur les langues officielles reposent d'une certaine façon sur un mythe. Le mythe sur lequel reposent ce projet de loi et cette loi est le mythe de l'égalité. La situation n'est pas égale. On ne reconnaît pas l'asymétrie. Si on reconnaissait l'asymétrie, on n'agirait pas de cette façon. J'ai l'impression que le gouvernement fédéral, s'il était responsable, agirait surtout en mettant toutes ses ressources dans la protection de la langue française et de la francophonie, celle qui est véritablement en difficulté dans l'ensemble canadien, comme le confirment les statistiques de Statistique Canada. Ce n'est pas nous qui les inventons. Cela inclut le Québec.
M. Luc Bouvier: J'aimerais ajouter une précision. Actuellement, il y a une chose qui inquiète Impératif français quand il observe ce qui a été fait avec la Loi sur les langues officielles. L'un des éléments clés de la loi est l'offre de services en français. Alors qu'on parle sur le plan technique, dans la réalité, dans l'application, il y a une énorme inégalité, et cette inégalité est en faveur de l'anglais. Il n'y a pas une seule province anglaise au Canada où il y a 60 p. 100 de postes bilingues pour 8,3 p. 100 de francophones. On l'a vu au Nouveau-Brunswick, en Ontario, etc. Il faudrait multiplier par cinq ou six le nombre de postes bilingues. Cela veut donc dire qu'on applique la Loi sur les langues officielles de façon inégale, de façon à angliciser le Québec, et non pas de façon à assurer le service aux francophones hors Québec.
Impératif français veut l'inverse. Il veut, au contraire, que le projet de loi S-3 et la Loi sur les langues officielles soient favorables aux francophones et que les francophones hors Québec aient droit au même pourcentage de services bilingues.
Allez voir les études de la commissaire aux langues officielles. Ce n'est pas le cas. Ils ont des problèmes. Les gens n'ont pas de services. Finalement, les gens hors Québec sont tellement fatigués de devoir faire des plaintes qu'ils n'en font plus, et on a l'impression que tout va bien.
À (1000)
Le président: Merci.
Une dernière intervention de M. Bergeron.
M. Stéphane Bergeron: Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui et de nous faire part de vos observations sur le projet de loi S-3.
Je pense qu'on se doit de faire un petit exercice de realpolitik, si vous me permettez l'expression. Il est à peu près sûr que ce comité et la Chambre des communes adopteront le projet de loi S-3 en dépit du fait que vous demandez que cela ne soit pas fait. Jusqu'à présent, nous avons fait plusieurs tentatives pour obtenir ce que vous semblez vouloir aussi. Mon collègue a présenté un amendement excluant le Québec de l'application de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Cela ne semble pas recevoir l'assentiment des collègues. On est un peu allergique ici à l'idée qu'il puisse y avoir un traitement particulier pour une province puisque, dans la mythologie canadienne, toutes les provinces sont égales les unes par rapport aux autres. Il ne peut donc pas y avoir de différence.
Mes collègues du Parti conservateur ont essayé d'introduire la notion de respect des compétences provinciales. Cela provoque également une crise d'urticaire chez certains de nos collègues, puisque la sacro-sainte Constitution prévoit un partage des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Selon les bonzes du gouvernement fédéral, les lois fédérales doivent respecter la loi fondamentale du pays et donc respecter le partage des compétences.
Vous avez souligné un élément important, à savoir que la Loi sur les langues officielles vise à assurer l'égalité de statut du français et de l'anglais. Or, le professeur André Braën, de l'Université d'Ottawa, que nous avons rencontré la semaine dernière, disait que, selon lui, la Loi sur les langues officielles était là pour protéger bien davantage les communautés francophones et acadiennes. Or, ce n'est pas ce que dit la loi. Le libellé même de la loi vise à assurer l'égalité de statut des deux langues.
Le professeur Michel Doucet, de l'Université de Moncton, a introduit une notion intéressante qui est reconnue par les tribunaux mais qui n'est pas reconnue par la loi actuelle. Il nous suggérait, pour ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain, d'introduire dans la loi la notion de réalité linguistique et de faire en sorte que nous tenions compte de la réalité linguistique, un peu comme le font les tribunaux depuis un certain nombre d'années.
Je vais reprendre la question de M. Godbout et vous demander comment vous réagiriez si nous introduisions dans la Loi sur les langues officielles l'idée de tenir compte de la réalité linguistique. À défaut de pouvoir exclure le Québec et tenir compte des juridictions des provinces et des territoires, comment réagiriez-vous à l'idée de tenir compte de la réalité linguistique?
À (1005)
M. Jean-Paul Perreault: Il faudrait qu'il soit très clairement indiqué qu'on puisse vraiment en tenir compte et que cela ait un effet véritable quand viendra le temps d'interpréter la loi. Reconnaître l'asymétrie sur le plan linguistique au profit de la réalité ne pourrait que favoriser la situation de la langue française. Dans l'ensemble du pays, la langue qui nécessite davantage de ressources n'est pas l'anglais mais le français.
Je serais favorable à cette reconnaissance de l'asymétrie de la situation linguistique si cela faisait en sorte que le gouvernement fédéral alloue davantage de ressources, incluant au Québec, à la promotion et à la défense de la langue, qui est en difficulté, à la production culturelle et à la culture en général, qui a davantage besoin de ressources, au système éducatif et enfin, aux services de santé. S'il était question que les ministères et les gouvernements fournissent un appui supplémentaire vraiment substantiel en ce sens, je serais d'accord, mais encore faudrait-il voir le libellé. Si ce dernier fait en sorte qu'on se retrouve continuellement en cour, 20 ans et 4 recensements vont passer encore une fois. À l'heure actuelle, des tendances lourdes se font sentir. Nous sommes passés de 100 p. 100 à 20 p. 100.
Je peux comprendre qu'on tienne à cela quand c'est tout ce qu'il reste. Cependant, il faut beaucoup plus que de simples mesures justiciables: il faut une volonté politique. Il faudrait qu'en vertu de la loi, on nous assure qu'il existe une véritable volonté politique doublée de ressources et qu'on cesse de faire reposer la réalité linguistique canadienne sur une fausseté, à savoir que les deux langues sont égales. Elles ne sont pas en situation d'égalité. Je ne parle pas d'égalité de statut, mais de réalité. Une de ces deux réalités a davantage besoin de ressources et de lois que l'autre, et doit être priorisée dans le cadre des orientations gouvernementales. L'autre est d'autant plus favorisée par le contexte à la fois mondial, nord-américain et canadien qu'elle est nettement majoritaire.
C'est là que la prémisse est fausse. En fait, elle l'est à un point tel que la Loi sur les langues officielles n'a rien réglé. Pour vous en rendre compte, vous n'avez qu'à regarder les statistiques publiées depuis l'adoption de cette loi. Les tendances lourdes, pour ce qui est de la diminution du poids relatif des francophones hors Québec, ne cessent de sévir. En outre, la francophonie canadienne sur l'ensemble du territoire diminue continuellement. Il en va de même pour ce qui est de l'importance du Québec au sein de la fédération canadienne. En fait, cela repose sur une prémisse voulant qu'on fasse en parallèle la promotion de la langue nord-américaine majoritaire qu'est l'anglais au sein même de la francophonie. On anglicise nos jeunes.
Pour ce qui est de la proportion de jeunes, le Plan Dion veut la faire passer à 80 p. 100. Il faut dire que 50 p. 100 des jeunes québécois sont bilingues et qu'ils représentent pourtant 25 p. 100 de la population canadienne. Où, dans la société canadienne, pensez-vous que le Plan Dion va surtout s'appliquer pour ce qui est de la bilinguisation ou de l'anglicisation des jeunes? Déjà, à l'heure actuelle, 50 p. 100 des jeunes du Québec sont anglicisés, alors qu'ils représentent 25 p. 100 de la population canadienne.
Le président: C'est tout le temps dont nous disposions. Par respect pour notre prochain témoin, nous devons nous arrêter ici. Merci, monsieur Perreault, monsieur Bouvier et madame Chartrand.
Nous allons faire une courte pause d'une minute environ. Nous poursuivrons ensuite avec notre deuxième témoin.
À (1005)
À (1010)
Le président: Je vous demanderais de prendre place, s'il vous plaît. Nous allons poursuivre nos travaux.
Pour cette deuxième partie de notre rencontre, nous avons le plaisir de recevoir M. Pierre Foucher, qui est professeur de droit.
Bienvenue, monsieur Foucher. Merci d'être avec nous.
Nous allons commencer par une courte présentation. Ensuite, nous passerons à la période d'échanges, de questions et de discussions avec les membres du comité.
Je vous cède la parole.
M. Pierre Foucher (professeur de droit, Université de Moncton): Merci, monsieur le président.
Bonjour, messieurs. Merci de votre invitation.
Évidemment, l'avantage de témoigner plus tard dans le processus est de pouvoir profiter des réflexions des témoins qui m'ont précédé et de connaître vos préoccupations. Le désavantage est que cela pourrait être un peu répétitif.
Je vais quand même me lancer en vous faisant une brève mise en contexte historique. Je dirai quelques mots sur le projet de loi S-3, sur ce qu'il ne fait pas, selon moi, et sur ce qu'il fait. Ensuite, je répondrai à vos questions.
En 1969, comme vous le savez, le Parlement canadien adopte Loi sur les langues officielles. C'est un embryon. C'est imparfait, mais il fallait bien commencer quelque part. Dans les années 1970 et 1980, les questions linguistiques prennent de l'ampleur. Finalement, en 1982, la Constitution est modifiée pour adopter des droits linguistiques dans la Charte, dans le domaine fédéral et au Nouveau-Brunswick.
La Charte innove sous plusieurs aspects. Elle prévoit la possibilité, pour le Parlement et les provinces, de favoriser la progression vers l'égalité linguistique. Elle transcrit aussi l'égalité linguistique comme un principe constitutionnel. Un témoin précédent a parlé d'un mythe. Je dirais plutôt que c'est un principe juridique qu'on n'a jamais atteint. Mais on progresse toujours vers l'égalité.
Évidemment, après la Charte, l'ancienne loi fédérale devenait trop mince. On l'a donc actualisée. L'une des innovations de la nouvelle loi est la partie VII et le fameux article 41.
Les tribunaux, quand ils ont interprété cet ensemble de droits linguistiques, ont indiqué que ces droits avaient un but: le maintien et l'épanouissement des communautés. C'est ainsi qu'il faut les interpréter. C'est ainsi qu'il faut interpréter la partie VII comme elle est actuellement et comme elle pourrait être modifiée.
Le législateur a voulu créer un recours judiciaire à la Cour fédérale pour la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles, mais il n'a pas cru bon d'inclure la partie VII dans l'arsenal des recours judiciaires. Il y a eu un autre oubli: le législateur n'a pas déclaré que des règlements permettraient au gouvernement de préciser les modalités de l'obligation de la partie VII. On sait qu'en matière de service au public, il y a un règlement très détaillé, et même confus par moments, qui dit comment le gouvernement va concrètement assurer son obligation de service. Il n'y a rien de tel pour la partie VII.
Évidemment, la partie VII a généré beaucoup d'espoir chez les communautés francophones de l'extérieur du Québec. C'est comme pour l'article 23 de la Charte. Il est intéressant de regarder le cheminement parallèle. Tout à l'heure, on a parlé des droits scolaires et des procès. Regardez ce qui est arrivé dans le cas de l'article 23. Cela a été la même chose pour la partie VII. Quelle a été la première attitude des communautés? Elles se sont assises et ont négocié avec les provinces. Elles ont essayé de voir le chemin qu'elles pourraient faire sur le plan politique. Quand elles ont vu que cela ne fonctionnait pas à leur goût, elles sont allées devant les tribunaux. Pour la partie VII, cela a été un peu la même chose. La première étape en a été une de pressions politiques. Quand on a vu que les pressions politiques ne faisaient pas avancer les choses assez vite, on est allé devant les tribunaux. C'est là, bien sûr, que la Cour d'appel fédérale a jugé récemment que l'article 41 de la loi était seulement déclaratoire. Cette cause se retrouve maintenant devant la Cour suprême.
Voilà le contexte dans lequel le sénateur Gauthier a essayé d'intervenir. Il a voulu remédier aux faiblesses, aux défauts ou aux omissions de la partie VII.
Le projet de loi S-3, dans sa forme initiale, est très clair. Il fait trois choses.
Premièrement, il crée une véritable obligation, et non pas une déclaration de politique générale. C'est peut-être superflu, parce que la loi ne parle pas pour ne rien dire. Il se peut bien que l'article 41 dans sa forme actuelle soit déjà exécutoire. C'est la Cour suprême qui le dira.
Deuxièmement, le projet de loi S-3 fait de la place au pouvoir réglementaire. C'est par règlement du gouverneur en conseil que pourraient se concrétiser les détails pratiques, par exemple l'évaluation de l'impact des programmes, les consultations et la prise en compte des résultats. On pourrait aussi déterminer les obligations du Bureau du Conseil privé et du ministre responsable des langues officielles, les mécanismes d'imputabilité, les rapports, etc. Tout cela pourrait se faire par règlement.
À (1015)
Troisièmement, le projet de loi S-3 ouvre clairement la voie à un recours judiciaire fondé sur la Loi sur les langues officielles. Les préoccupations exprimées depuis le début de vos audiences et les divers amendements qui circulent en conséquence nous éloignent de ce but et semblent diluer tellement le projet de loi qu'il en devient méconnaissable.
En réponse aux principales préoccupations, je vous dirai immédiatement ce que le projet de loi S-3 ne fait pas, selon moi. Il ne permet pas au fédéral de contrevenir aux lois provinciales. Il ne signifie pas que le gouvernement fédéral va outrepasser la Constitution canadienne ni qu'il va créer de nouveaux droits linguistiques là où il n'y en a pas. Il ne rend pas les provinces et le fédéral responsables de l'atteinte de résultats concrets. Il ne signifie pas que le fédéral pourrait se retrouver responsable en dommages et intérêts s'il ne parvenait pas à enrayer l'assimilation.
Par contre, voici ce que le projet de loi S-3 peut faire, selon moi. Si une institution fédérale ne tient pas compte de l'impact d'un programme, d'une politique ou d'une décision sur les communautés, la cour pourra la rappeler à ses devoirs.Si une institution fédérale élabore un programme ou une politique ou prend des décisions qui nuisent carrément au développement des communautés, la cour pourra la rappeler à ses devoirs. L'institution devra se justifier devant un tribunal, comme pour n'importe quelle décision administrative qui ne respecterait pas l'objet de la loi.
Le droit administratif est une autre matière que j'enseigne. En droit administratif, on apprend à nos étudiants qu'un gouvernement ne peut pas transgresser l'objet de la loi lorsqu'il exerce sa discrétion. Ce n'est pas un concept nouveau et révolutionnaire, et on ne doit pas avoir peur d'un concept comme celui-là.
Si une institution fédérale instaure de nouveaux programmes ou de nouvelles initiatives, elle devra prévoir une adaptation de ces programmes aux communautés linguistiques. Si elle ne le fait pas, elle devra s'en expliquer. Si une institution fédérale prend des décisions qui affecteront les communautés, elle devra les consulter, refléter leurs avis dans ses décisions ou, dans le cas contraire, expliquer pourquoi elle ne le fait pas. L'institution fédérale devra prendre des mesures qui contribueront à la vitalité des communautés et, si elle ne fait rien, elle devra s'en expliquer. Si le gouvernement fédéral a tellement peur des procès et des tribunaux, il veillera à respecter ses obligations.
Finalement, si une communauté veut des services provinciaux ou municipaux, ou si des associations veulent de l'aide et que la province est prête à coopérer, le gouvernement fédéral peut intervenir et inciter les provinces à offrir ces services ou cette aide en leur donnant une aide financière.
Pour conclure, je citerai le premier des conseils que le sage Hippocrate donnait à ses élèves de médecine: « Avant tout, ne pas nuire ». Nous devons travailler dans le sens d'un progrès et non d'un recul.
Je m'arrêterai ici. Je suis certain que pendant la période de questions, j'aurai l'occasion de préciser ma pensée sur ces différents éléments. Merci beaucoup.
À (1020)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Foucher.
[Traduction]
Nous commencerons par M. Casey.
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester—Musquodoboit Valley, PCC): Merci beaucoup.
Je suis heureux d'être présent aujourd'hui. Avant de poser des questions, je voudrais commencer par décrire ma circonscription. Je voudrais aussi remercier l'Université de Moncton de l'aide apportée à un projet lancé dans ma circonscription.
Ma circonscription se trouve juste à l'intérieur de la Nouvelle-Écosse et juste de l'autre côté de la frontière avec le Nouveau-Brunswick. La circonscription est anglophone à 100 p. 100 ou presque maintenant. Il fut un temps où elle était francophone à 100 p. 100. Il y a quelques années, nous avons découvert l'emplacement exact d'un village francophone appelé Bourgeoisville qui avait été établi dans les années 1650 et qui a été brûlé dans les années 1750, lorsque les Acadiens ont franchi la frontière et se sont installés de votre côté, du côté de Fort Beauséjour. Une bonne part des descendants des premiers habitants de l'endroit, ceux du village de Bourgeoisville, vivent encore dans ma circonscription. On y trouve des Bourgeois, des Cormiers, des LeBlancs et des Langilles.
Il existe un intérêt très vif pour le patrimoine francophone et pour la langue française, dans ma circonscription, pourtant anglophone à 100 p. 100. Le seul impact de la politique du gouvernement fédéral est que 20 p. 100 des employés de l'établissement correctionnel de Springhill doivent être francophones. Il n'existe aucune mesure encourageant les gens à acquérir certaines habilités en français ou à s'instruire sur l'histoire francophone et notre patrimoine. Il existe un intérêt très vif pour ce patrimoine qui est naturellement le nôtre. Je ne sais pas quelle est la proportion exacte mais j'imagine que de 20 à 30 p. 100 des habitants de ma circonscription ont des racines remontant au village acadien d'origine de Bourgeoisville.
À mon sens, le projet de loi a recours au bâton plutôt qu'à la carotte, si vous me permettez d'utiliser cette comparaison. Il n'existe aucun encouragement pour des gens comme ceux de ma circonscription ou d'autres habitants de la Nouvelle-Écosse, qui voudraient remonter à leurs origines et devenir bilingues. Il me semble que le projet de loi comporte uniquement des règles pour contraindre les gens à faire certaines choses, plutôt que de les encourager à approfondir un intérêt qu'ils pourraient avoir. J'ai l'impression que le gouvernement fédéral devrait jouer un plus grand rôle dans ces cas.
En faisant des recherches sur le village acadien en question, nous avons trouvé une photographie aérienne montrant les fondations de 30 maisons ayant été brûlées en 1650. L'Université de Moncton a pu obtenir une liste de tous les habitants du village de Bourgeoisville, le curé ayant noté leurs noms quand leurs maisons ont été brûlées.
Les anglophones de ma circonscription ont fait une collecte de fonds afin d'ériger un monument en pierre où sont gravés tous les noms des francophones contraints à quitter leurs foyers et à franchir la frontière pour aller à Fort Beauséjour, à cette époque. L'Université de Moncton nous a beaucoup aidés à convaincre le ministère du Patrimoine et le gouvernement du Canada d'acheter le terrain en question, l'an dernier. Nous espérons que s'effectuera un jour le travail de restauration voulu, afin qu'il existe un reflet de cet événement marquant de notre histoire.
Pour en revenir à ma question, ne pensez-vous pas que le gouvernement du Canada devrait jouer un rôle dans une circonscription comme la mienne, entièrement anglophone, où existe, cependant, un intérêt pour des services bilingues et une histoire bilingue? Il ne suffit pas de déterminer simplement combien d'emplois doivent être bilingues.
À (1025)
M. Pierre Foucher: Je ne voudrais pas m'engager si loin. Je voudrais seulement revenir à votre analogie de la carotte et du bâton. À mon sens, la partie VII est en fait la carotte. Elle est là précisément pour encourager le gouvernement à parrainer, à promouvoir, etc. Quant au bâton, il servirait contre le gouvernement fédéral s'il ne respectait pas ses obligations.
Quant à savoir quelles interventions sont requises dans les diverses circonstances, dans votre circonscription, cela pourrait être un projet qui intéresserait le gouvernement fédéral et qui stimulerait le développement en question. Mais je ne connais pas les détails. Ce dont nous parlons, c'est du cadre dans lequel le gouvernement fédéral pourrait oeuvrer. Dans ce cadre, le gouvernement fédéral serait en mesure d'encourager, de promouvoir et de stimuler; s'il ne le faisait pas, le bâton des procès entrerait en jeu.
M. Bill Casey: Il me semble toujours que le gouvernement fédéral n'a pas les carottes qu'il devrait avoir quand existe un intérêt véritable, comme celui suscité dans ma circonscription par la découverte de l'emplacement exact de ce village acadien. Les fouilles archéologiques effectuées ont mis au jour des artéfacts intéressants. Malgré l'intérêt ainsi suscité, il n'existe aucun service pour aller plus loin que l'intérêt.
L'Université de Moncton se trouve juste à côté de ma circonscription. Je me demande si elle pourrait jouer un rôle dans ma circonscription.
M. Pierre Foucher: Je suppose que c'est à l'université qu'il conviendrait de le demander.
M. Bill Casey: Effectivement.
[Français]
Le président: Merci.
Monsieur André.
M. Guy André: Bonjour, monsieur Foucher. Vous avez affirmé que si une province souhaitait qu'il y ait davantage de services dans les municipalités ou d'autres institutions, elle pourrait s'entendre avec le fédéral pour obtenir plus de services dans les champs de compétence des provinces.
Vous savez qu'au Québec, notre préoccupation — et nous l'avons soulevée à quelques reprises — porte sur les alinéas 43(1)d) et 43(1)f) de la Loi sur les langues officielles. On y dit que le gouvernement pourrait intervenir dans des champs de compétence qui appartiennent strictement au Québec, soit auprès d'institutions municipales, d'organisations syndicales et ainsi de suite. Cela nous inquiète.
Selon vous, le gouvernement pourrait-il s'ingérer dans les champs de compétence du Québec en vertu du projet de loi S-3? Y a-t-il un danger qu'il puisse le faire et que nous soyons obligés encore une fois d'aller devant les tribunaux pour débattre de ces questions et ce, malgré les causes Casimir et Gosselin? Pour nous, il ne faut pas permettre qu'il y ait davantage d'anglicisation au Québec. Il faut protéger la langue et les minorités. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
M. Pierre Foucher: Merci de votre question. En réalité, je l'attendais.
D'abord, il faudrait qu'il soit bien clair dans votre esprit que le gouvernement fédéral ne peut pas encourager des associations, des entreprises, etc. à violer la Constitution canadienne ou à porter atteinte à la Loi 101. Je ne peux pas concevoir que le gouvernement fédéral puisse encourager une entreprise à faire de l'affichage extérieur en anglais en sachant que c'est illégal. Il faut s'enlever cette idée de la tête. Cela ne peut pas se faire et cela ne se fera pas.
Maintenant, si des communautés anglophones de Gaspésie, des Cantons-de-l'Est ou de la Côte-Nord éprouvaient des difficultés et avaient besoin de l'aide du gouvernement fédéral, et que le gouvernement provincial n'y voyait pas d'objection majeure, je crois que le gouvernement fédéral pourrait les aider sans problème.
Ensuite, comme vous le savez, en droit, l'utilisation du pouvoir de dépenser n'est pas une ingérence dans les compétences des provinces. Cela a une influence, mais ce n'est pas une ingérence. Le pouvoir de dépenser est exercé présentement dans le cadre d'accords fédéraux-provinciaux. Il faut donc le consentement de la province pour signer des ententes. Il faut être deux pour danser le tango, comme on dit en bon français. Si une province ne veut pas danser...
À (1030)
M. Stéphane Bergeron: Le tango se danse parfois seul.
M. Pierre Foucher: Cela ne se fera pas.
Je ne suis pas préoccupé ou inquiet. Je serais inquiet ou préoccupé par une disposition qui empêcherait le fédéral de recourir à son pouvoir de dépenser, parce que pour les communautés francophones à l'extérieur du Québec, le pouvoir de dépenser, outre les garanties constitutionnelles, est un levier important pour la promotion et le développement des communautés. Étant donné la jurisprudence que nous avons à l'heure actuelle, les tribunaux sont maintenant conscients de l'asymétrie et l'intégreraient dans leur interprétation jurisprudentielle s'il y avait des procès ou des litiges.
M. Guy André: Vous dites que les tribunaux reconnaissent l'asymétrie des besoins en matière linguistique. Selon vous, pourquoi le fédéral hésite-t-il à inclure dans ce projet de loi une disposition visant à reconnaître les différences de statut des langues française et anglaise au Canada? Pourquoi ne veut-il pas reconnaître cette asymétrie et l'inclure dans le projet de loi S-3? Pourquoi craint-il de le faire ou hésite-t-il à le faire?
M. Pierre Foucher: C'est une question qu'il faudrait lui poser. Je vais vous dire pourquoi je trouve que cela ne devrait pas être fait.
À mon avis, commencer à mettre dans les lois des clauses qui excluent une province ou une autre au lieu de les mettre dans les ententes ou de le faire par décret, par règlement, etc. serait un précédent qui pourrait se répandre facilement. Par exemple, est-ce que l'Alberta ou la Colombie-Britannique pourrait demander d'être exemptée de ses obligations en matière d'éducation en langue française à l'extérieur du Québec? Je pense qu'il s'agit d'un précédent qu'il ne faut pas créer. Il faut faire confiance aux tribunaux, qui sont présentement sur la bonne voie. On a un pouvoir judiciaire qui nous sert bien. Le préjudice serait plus grand que le bénéfice.
Le président: Merci.
Monsieur Godbout.
M. Marc Godbout: Maître Foucher, bienvenue. J'ai toujours beaucoup de plaisir à vous entendre sur des questions juridiques.
Me Doucet nous a recommandé de nous concentrer sur l'article 77 et de nous assurer du caractère pleinement justiciable de l'ensemble de la partie VII plutôt que d'examiner les amendements proposés. Est-ce que c'est également votre avis?
M. Pierre Foucher: Si une chose devait émerger des travaux de ce comité relatifs au projet de loi S-3, ce serait celle-là. Ce serait la priorité.
Le président: Vous voulez parlez de l'inclusion du paragraphe 77(1) proposé dans la loi?
M. Pierre Foucher: Je veux parler de la possibilité d'un recours une fois que le Commissariat aux langues officielles a fait son travail, entendu des plaintes et produit son rapport. Il y a un doute à l'heure actuelle sur la question de savoir si la partie VII de la loi est justiciable ou non et sur la façon de la mettre en application si elle est justiciable. Ce n'est pas clair. Cette question est à l'heure actuelle devant la Cour suprême. D'abord, est-il possible de faire des poursuites en vertu de la partie VII de la loi? Si oui, quelle est la procédure? Ce n'est pas la procédure de la Loi sur les langues officielles; c'est une autre procédure, prévue dans la Loi sur les cours fédérales. Je ne veux pas entrer dans les détails techniques.
Il faut clarifier cela. Il faut étendre le champ des recours prévus à l'article 77 de la Loi sur les langues officielles pour y inclure la partie VII de la loi. Cela donnerait des outils aux communautés pour obliger le gouvernement fédéral à prendre ses responsabilités.
À (1035)
M. Marc Godbout: Les amendements proposés concernent en grande partie le processus plutôt que l'obligation de résultat. Êtes-vous d'avis que ces amendements risqueraient d'amoindrir l'actuelle Loi sur les langues officielles, ou qu'il serait préférable d'avoir au minimum une obligation de processus plutôt que rien du tout?
M. Pierre Foucher: Je suis d'accord que cela amoindrit. Je vous avais dit qu'il y aurait des répétitions. Dès que j'ai vu les amendements, je me suis gratté la tête et j'ai froncé les sourcils.
Premièrement, il y a beaucoup d'échappatoires, beaucoup de clauses du genre « s'il le juge », « s'il l'estime nécessaire », etc. Deuxièmement, comme je l'ai expliqué, les processus, les détails techniques doivent être prévus par règlement du gouverneur en conseil. Cela ne se fait pas dans une loi. La loi est là pour les principes et pour les obligations. Les détails doivent se trouver dans les règlements. La loi est là pour établir un principe, une obligation.
En ce qui a trait à la question de savoir si c'est une obligation de moyen ou de résultat, que ce soit dans le texte de l'actuel article 41 de la loi ou dans celui proposé par le sénateur Gauthier à l'origine, je ne pense pas que ce soit une obligation de résultat. Je l'ai dit dans ma présentation et je le répète: on ne va pas tenir le gouvernement fédéral responsable si l'assimilation continue.
La loi peut faire un certain nombre de choses, mais elle ne peut pas tout faire. La loi dit qu'il faut des écoles françaises, mais elle ne les anime pas, ne les rend pas vivantes, ne fait pas leur francité. La Loi sur les langues officielles peut dire que le gouvernement fédéral encourage, favorise, fait la promotion, mais aucune loi ne peut garantir ce qui se passe dans la société.
Certains disent que le paragraphe 41(1) proposé impose une obligation de résultat, etc. Je pense que c'est une crainte non fondée. C'est une obligation de moyen, une obligation d'action, comme l'a dit la commissaire aux langues officielles. C'est une très belle expression. C'est une obligation pour le gouvernement de faire des choses, et il sera tenu responsable s'il ne fait rien.
M. Marc Godbout: Je ne sais pas s'il me reste du temps.
Le président: Il vous reste 50 secondes.
M. Marc Godbout: Vous me corrigerez si me trompe, mais il faut à mon avis faire la distinction entre processus, moyens et résultat, surtout lorsqu'on parle d'un processus de consultation. Vous semblez dire que ce n'est pas une obligation de résultat, mais on pourrait s'assurer que les moyens ont été utilisés sans qu'il y ait pour autant une obligation de résultat.
M. Pierre Foucher: Pour poursuivre votre analogie, je dirai que les processus ne doivent pas être inclus dans la loi.
M. Marc Godbout: Mais c'est le cas pour les moyens, n'est-ce pas?
M. Pierre Foucher: Il y a en effet une obligation de prendre des moyens et de faire certaines choses, mais non d'avoir atteint des résultats à un moment donné.
M. Marc Godbout: Merci. C'est très clair.
Le président: Merci.
[Traduction]
Nous pouvons passer au deuxième tour.
M. Vellacott.
M. Maurice Vellacott: Merci beaucoup, Pierre, d'être ici aujourd'hui.
D'après ce que vous avez dit dans votre exposé et dans vos remarques par la suite, il semblerait que vous soyez en désaccord avec certains des amendements. En fait, ils viennent de notre ministre, Mme Frulla. Quelles seraient donc vos suggestions? Auriez-vous des amendements concrets, spécifiques, à suggérer au lieu de ceux envisagés?
M. Pierre Foucher: Quand j'ai vu le projet de loi S-3, au départ, il me convenait très bien. Rien dans les discussions que j'ai entendues depuis ne m'a amené à changer d'idée. Il est possible de répondre à ces préoccupations légitimes sans modifier le projet de loi S-3 dans sa mouture d'origine.
À (1040)
M. Maurice Vellacott: Étiez-vous là lorsque le témoin précédent a pris la parole ce matin? L'avez-vous écouté?
M. Pierre Foucher: Oui.
M. Maurice Vellacott: En écoutant les réflexions de cet intervenant sur le projet de loi S-3, ainsi que les commentaires généraux, avez-vous relevé des points sur lesquels vos idées concordaient, pour l'essentiel? Dans quels cas n'étiez-vous pas d'accord avec lui sur les réflexions qu'il faisait?
M. Pierre Foucher: Tout d'abord, en matière de statistique, il ne s'agit pas d'être d'accord ou pas. Je n'ai pas fait de recherche de mon côté, si bien que j'accepte ces statistiques pour ce qu'elles sont. Elles n'allaient pas plus loin que 2001. Il a omis de dire qu'il existait à présent des écoles françaises dans tout le pays, ainsi que des conseils scolaires français. Il y a également de nouvelles façons d'assurer les services du gouvernement fédéral. Avec le temps, je suis convaincu que le système établi donnera des résultats.
Il a parlé du mythe de l'égalité des langues. Pour moi, ce n'est pas un mythe, c'est un principe juridique. L'égalité, comme nous le savons tous, est une notion toute relative. Il faut l'adapter aux circonstances, au groupe qui est désavantagé par rapport à la majorité. C'est ainsi que les tribunaux ont interprété la notion. C'est un autre point sur lequel je ne suis pas d'accord avec votre autre témoin.
[Français]
M. Maurice Vellacott: Merci.
Le président: Thank you, Mr. Vellacott.
On poursuit avec M. Simard.
L'hon. Raymond Simard: Merci beaucoup, monsieur le président. Bienvenue, monsieur Foucher.
Je reviens sur la question de l'obligation de processus. Vous avez sûrement deviné que cela faisait partie des préoccupations du gouvernement. Il me semble qu'elle pourrait être un outil très puissant pour les communautés. On pourrait mettre en oeuvre un processus de consultation très clair, précis et rigoureux qui, en fait, serait justiciable. Il faudrait définir les consultations. Vous connaissez peut-être mieux que moi cette question. Dans le cas des Haida et des Taku, il semblerait que la Cour suprême du Canada ait jugé que le processus de consultation devait être à la fois très élaboré et très rigoureux.
Les consultations auprès des communautés donneraient lieu à des recommandations. Dans le cas où le gouvernement ne répondrait pas à ces recommandations, qui seraient justiciables, les communautés disposeraient alors d'un outil très puissant. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
M. Pierre Foucher: D'abord, les amendements disent qu'il consulte s'il l'estime nécessaire. C'est déjà un problème puisqu'il estimera souvent que ce n'est pas nécessaire; il ne le fera donc pas parce que c'est trop compliqué, que cela coûte trop cher et que cela prend trop de temps.
À (1045)
L'hon. Raymond Simard: Supposons qu'il n'y ait pas cet amendement.
M. Pierre Foucher: Même en le supposant, comme je l'ai dit plus tôt, une loi ne doit pas décrire de processus: elle doit établir des principes. Les processus, c'est de la plomberie, de la cuisine, et cela relève des règlements. Ce n'est pas le rôle d'une loi que d'entrer dans ces détails.
Troisièmement, je ne crois pas que la consultation soit suffisante pour atteindre l'objectif de la partie VII actuelle. L'esprit, l'objectif, le but de la partie VII est d'atteindre le deuxième des objets de la Loi sur les langues officielles, qui est de favoriser la progression vers l'égalité et le développement des communautés; cela va d'ailleurs tout à fait dans le sens de la jurisprudence.
Seulement consulter et tenir compte des résultats me semble diluer cet objectif. Bien sûr, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant. Je crois que l'esprit de la partie VII va plus loin. Il touche les plans de développement que les 31 ministères ont élaborés, par exemple sous l'égide de Patrimoine canadien. C'est ça, la partie VII: que fait-on de concret pour les communautés? Quand on développe des programmes, comme le programme de fibre optique dans l'ensemble du Canada, est-ce qu'on ne fait que plaquer un programme sur l'ensemble du pays ou si on tient compte de la réalité des communautés minoritaires francophones et de l'avantage qu'elles pourraient retirer de la fibre optique et d'Internet? Est-ce qu'on en tient compte? A-t-on prévu cela dans cette politique? C'est plus que de la consultation.
Je crois que c'est l'esprit de la partie VII actuelle. Tout ce que le sénateur Gauthier a voulu faire, c'est le clarifier et permettre aux communautés de prendre des recours si le gouvernement fédéral ne respecte pas cette obligation.
En ce qui a trait aux processus, je trouve louable qu'il y ait des consultations obligatoires mais, encore une fois, si c'est à sa place, soit dans les règlements.
L'hon. Raymond Simard: Vous êtes conscient que c'est la quatrième fois qu'un tel projet de loi est déposé au Parlement, et que c'est la première fois qu'un tel projet se rend au comité. Je suis tout à fait d'accord avec vous: nous visons le progrès et non le recul. Nous visons tous le même objectif.
Vous avez certainement suivi les derniers cas. Je crois que l'un de ceux-là est mort au Sénat. Il y a quand même des réalités politiques. L'objectif est donc que le projet de loi S-3 devienne une loi d'ici l'automne, si c'est possible. Avez-vous des recommandations à nous faire?
M. Pierre Foucher: Ma première recommandation est que le projet de loi S-3 reste tel quel. Si ce n'est pas possible, c'est l'article 77.
L'hon. Raymond Simard: Il n'y a pas d'autres options, selon vous?
M. Pierre Foucher: En troisième lieu, il y aurait peut-être des bonifications, des amendements à apporter, mais cela se trouve vraiment loin dans mes priorités.
Le président: Merci, monsieur Simard.
La dernière intervention sera celle de M. Bergeron.
M. Stéphane Bergeron: Merci, monsieur le président.
J'aimerais nous imposer un exercice de realpolitik, un peu comme je l'ai fait tout à l'heure avec l'intervenant précédent.
On risque fort d'adopter le projet de loi S-3. On risque fort de l'adopter avec certaines modifications.
Vous avez énoncé plus tôt un certain nombre de principes qui touchaient aux préoccupations des collègues autour de cette table. Quoi que vous puissiez en penser, ces préoccupations demeurent. En effet, lorsque vous dites, par exemple, que le projet de loi S-3 ne permet pas au gouvernement fédéral d'empiéter sur les champs de compétence des provinces, j'aimerais pouvoir m'en remettre à cet argument d'autorité qui m'apparaît tout à fait valable et légitime. Mais d'autres arguments d'autorité, tout aussi valables et légitimes, qui nous ont été exprimés disaient que le projet de loi S-3 pourrait en effet permettre au gouvernement fédéral, par son pouvoir de dépenser, d'intervenir dans des champs de compétence des provinces.
Vous avez utilisé tout à l'heure un adage. Je vais en utiliser un à mon tour: « Chat échaudé craint l'eau froide. »
Il va sans dire que, sur la base des expériences passées, nous souhaitons nous prémunir contre ces intrusions, plus ou moins bienvenues, du gouvernement fédéral par son pouvoir de dépenser.
Or, dans la partie VII de la Loi sur les langues officielles, on va bien au-delà. On outrepasse les seules institutions fédérales. On empiète sur des champs qui ne relèvent pas, mais pas du tout, du gouvernement fédéral ni même des institutions fédérales.
On parle d'encourager, par exemple, les entreprises, les organisations patronales et syndicales, les organismes bénévoles et autres à fournir leurs services en français et en anglais. On ne parle pas d'affichage, mais de parler l'autre langue officielle sur les lieux de travail et ainsi de suite. Cela va carrément à l'encontre de la Charte de la langue française du Québec.
Vous avez reconnu qu'il est entendu que les tribunaux tiennent compte de la réalité linguistique, et vous semblez dire qu'il n'est pas souhaitable d'exclure une province, ce sur quoi plusieurs intervenants sont aussi d'accord. S'il n'est pas souhaitable, selon vous, d'inclure dans la loi l'obligation de tenir compte des compétences provinciales, comment réagissez-vous à la suggestion de votre collègue de l'Université de Moncton: introduire dans la loi un principe déjà adopté ou du moins appliqué par les tribunaux, c'est-à-dire la prise en compte de la réalité linguistique?
M. Pierre Foucher: C'est une idée. Encore une fois, c'est ce qui codifie la jurisprudence, et qui pourrait, en effet, permettre à un tribunal confronté à un problème de tenir compte de cette exhortation, tout comme il tient compte des objectifs d'une loi lorsque le législateur s'exprime en les définissant.
M. Stéphane Bergeron: Je vous remercie.
M. Pierre Foucher: Je tiens toutefois à corriger ce que vous dites. Le gouvernement fédéral ne pourrait pas aller à l'encontre d'une entreprise assujettie à la francisation. Il ne pourrait pas encourager une entreprise à adopter l'anglais comme langue de travail si celle-ci est régie par un certificat de francisation en vertu de la Loi 101.
Je sais que « chat échaudé craint l'eau froide » et que c'est une très grande crainte et une très grande préoccupation. Cependant, des principes constitutionnels et des principes juridiques s'appliquent. Un de ces principes, c'est que le législateur provincial, qui est souverain dans son champ de compétence, peut faire appliquer ses lois, et que le législateur fédéral ne peut y contrevenir; les alinéas 43(1)d) et 43(1)f) de la Loi sur les langues officielles qui vous posent des problèmes doivent donc déjà être appliqués en tenant compte de la législation provinciale.
À (1050)
M. Stéphane Bergeron: Indépendamment de la souveraineté législative des gouvernements provinciaux, il est souvent arrivé que le gouvernement fédéral intervienne, avec l'argent des contribuables, pour contrevenir aux lois provinciales.
On n'a qu'à penser à la Loi sur les consultations populaires du Québec, lors du référendum de 1995. Une commission se penche actuellement là-dessus, puisque le gouvernement fédéral a utilisé massivement l'argent des contribuables, dont ceux du Québec, pour contrevenir aux dispositions de la Loi sur les consultations populaires du Québec.
Comme je vous le disais, « chat échaudé craint l'eau froide ». Si on arrivait à une solution — tenir compte de la réalité linguistique, par exemple — qui rassurerait les chats échaudés qui craignent l'eau froide et qui ne contreviendrait pas aux principes juridiques que vous avez évoqués, je crois qu'on aurait alors satisfait tout le monde.
M. Pierre Foucher: C'est fort possible.
Le président: Est-ce qu'un chat échaudé ne craindrait pas plutôt l'eau chaude?
M. Stéphane Bergeron: Non. Il craint l'eau froide parce qu'il a peur qu'elle soit chaude.
Le président: Vous en êtes sûr?
M. Stéphane Bergeron: Oui. Il ne sait pas, quand il la voit venir, si elle est chaude ou froide.
Le président: Pourriez-vous vérifier cela, monsieur?
Merci d'avoir pris le temps de partager votre point de vue avec nous. J'ai trouvé votre témoignage particulièrement clair. Je vous en remercie.
M. Pierre Foucher: Merci beaucoup.
Le président: Merci à chacun de vous. Nous allons nous revoir après-demain.
La séance est levée.