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La séance est ouverte. C'est aujourd'hui la 24
e réunion du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.
Chers collègues, nous avons 13 questions à mettre aux voix à 17 h 30, alors nous allons devoir terminer la réunion à 17 h 15.
Je crois que notre dernier témoin est arrivé. Nous avons quatre témoins avec nous aujourd'hui.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, c'est l'étude de la vente proposée d'une partie de MacDonald, Dettwiler and Associates Ltd. à Alliant Techsystems qui figure à l'ordre du jour aujourd'hui.
Nous avons avec nous le président de l'Institut Rideau sur les affaires internationales, M. Steven Staples. Bienvenue.
Nous accueillons aussi le professeur Michael Byers, de l'Université de la Colombie-Britannique. Il est titulaire de la chaire de recherche du Canada en politique et en droit internationaux.
D'autres personnes témoigneront à titre personnel, soit M. Hugh Thompson, ingénieur des systèmes de vaisseaux spatiaux chez MDA Ltd., et l'ancien président de l'Agence spatiale canadienne, M. Marc Garneau, qui participera à la séance par vidéoconférence de Montréal.
Monsieur Garneau, est-ce que vous m'entendez bien?
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Bonjour, et merci beaucoup de m'avoir invité à venir vous parler aujourd'hui.
Je m'appelle Steve Staples, et je suis le président-directeur de l'Institut Rideau, un groupe de recherche, de revendication et de consultation indépendant et sans but lucratif dont le siège est situé ici, à Ottawa. Au cours de ma carrière, j'ai eu l'occasion de faire des recherches et de formuler des commentaires sur de nombreuses questions liées à la sécurité nationale et à l'industrie canadienne, en particulier dans le domaine de la défense. J'ai pris part au débat public qui a eu lieu à propos de la participation du Canada au programme de défense contre les missiles balistiques. J'ai écrit Missile Defence: Round One, un ouvrage qui porte sur ce sujet et qui a été publié en 2006.
Je m'intéresse à l'évolution de RADARSAT-2 depuis plusieurs années et j'ai été invité à témoigner devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes en 2005 pour parler de la Loi sur les systèmes de télédétection spatiale, qui s'appelait le projet de loi C-25 à l'époque. À ce moment-là, je représentais mon employeur précédent, l'Institut Polaris. J'ai fait part de nos préoccupations à propos des applications possibles de RADARSAT-2 dans le domaine de la défense et j'ai insisté sur le fait que cette technologie névralgique devait être étroitement contrôlée par le gouvernement du Canada.
Ces dernières années, j'ai plutôt travaillé à promouvoir le leadership du Canada et à veiller à ce que les avantages qu'offre l'espace puissent profiter à tous les pays et qu'ils soient utilisés par tous à des fins pacifiques, de sorte que l'espace ne devienne pas un autre secteur où les visées de différents États sur le plan militaire et sur le plan de la sécurité nationale pourraient entraîner des conséquences désastreuses.
Pour que le Canada fasse preuve de leadership à l'échelle internationale, le gouvernement doit avoir des objectifs bien définis. Il faut donc se doter d'une politique spatiale canadienne exhaustive en vue de guider le développement de la science, de la technologie et de l'industrie spatiales du Canada pour tirer le maximum des avantages que nous offre l'espace, et ce de façon pacifique.
Nous vous avons préparé un document d'information pour aider le comité à étudier la vente proposée du système d'information de MDA, qui comprend RADARSAT-2, et de la division de la robotique spatiale de MDA, qui est responsable de Canadarm2, le télémanipulateur de la station spatiale qui constitue la contribution du Canada à la Station spatiale internationale.
Depuis le début du programme, on a qualifié RADARSAT de véritable percée en ce qui concerne la capacité du Canada à surveiller notre grand territoire, à mieux comprendre notre géographie et nos ressources naturelles et à surveiller nos côtes. On croirait que ses concepteurs ont vu dans l'avenir : de nos jours, avec les changements climatiques et l'ouverture possible du passage du Nord-Ouest aux transports maritimes, nous disposons de ce système pour assurer notre sécurité et pour affirmer notre souveraineté.
Il y a de nombreuses utilisations vertes de RADARSAT-2, comme vous le voyez dans cette brochure — verte, d'ailleurs — produite par MacDonald, Dettwiler and Associates pour promouvoir les applications de RADARSAT-2. La vision véhiculée dans cette brochure est la même que celle de Michel Giroux, de l'Agence spatiale canadienne, qui a dit en 2005 au Comité des affaires canadiennes que l'agence avait toujours soutenu que RADARSAT-2, tout comme RADARSAT-1, est un satellite d'observation de la Terre qui a été conçu pour être utilisé à des fins pacifiques. Il nous permet de surveiller la surface terrestre et les changements environnementaux.
Toutefois, RADARSAT-2 a aussi un côté plus sombre, soit sa capacité de fournir des images qui seront utilisées à des fins militaires. Je parle d'un côté plus sombre parce que ces applications sont mentionnées dans cette autre brochure de MDA, qui porte aussi sur RADARSAT-2, qui est de couleur noire et qui vante l'utilité du satellite aux clients dans le domaine de la défense. Il y a donc le RADARSAT vert et le RADARSAT noir.
Ironiquement, nous pourrions mettre en péril notre propre sécurité nationale en vendant RADARSAT-2 à la société américaine Alliant Techsystems. Nous vendrions notre capacité de surveiller nos côtes et de fournir à notre gouvernement les données dont il a besoin pour prendre des décisions. Nous pourrions aussi porter atteinte à notre assise industrielle et à notre industrie spatiale, ce qui limiterait nos capacités futures.
Laissez-moi vous présenter cinq arguments à propos de la vente des systèmes d'information de MDA.
Ce n'est pas une bonne affaire pour les Canadiens. Les contribuables ont investi près de 500 millions de dollars dans le satellite de télédétection RADARSAT-2. MDA, l'entreprise privée qui possède RADARSAT-2, aurait investi beaucoup moins — à peine 92 millions de dollars, selon certaines estimations. Et pourtant, MDA vend cette technologie et ses autres systèmes spatiaux pour la somme rondelette de 1,3 milliard de dollars.
La vente de RADARSAT-2 pourrait aussi entraîner de graves conséquences sur la réglementation par le Canada de l'utilisation du satellite, qui vise à s'assurer que cette utilisation « ne porte pas atteinte à la sécurité nationale, à la défense du Canada, à la sécurité des Forces canadiennes et à la conduite des relations internationales du Canada et n'est pas incompatible avec les obligations internationales du Canada », conformément à la Loi sur les systèmes de télédétection spatiale de 2005, adoptée pour régir l'utilisation de RADARSAT-2.
Le troisième point...
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D'accord. Merci. Je vous ai fourni un mémoire.
Je dirais simplement qu'à mon avis, ce marché n'aura pas moins d'incidence sur l'industrie spatiale canadienne et sur nos capacités que l'abandon du projet Avro Arrow n'en avait eu sur notre industrie aérospatiale dans les années 1950. J'estime que les effets de la perte de technologies et de scientifiques, si nous procédons à la vente de ce système, se feront sentir pendant des générations.
Par conséquent, nous recommandons au de ne pas approuver la vente de la division de l'information de MDA à ATK, compte tenu de ces grandes préoccupations à l'égard de la sécurité nationale.
Je vous remercie, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
[Français]
Merci beaucoup. Je vais parler en anglais, mais je peux comprendre les questions en français.
[Traduction]
Je suis de près l'évolution du dossier RADARSAT depuis quelques années déjà moi aussi. Ces derniers temps, je m'y suis intéressé à titre de directeur d'un projet sur la souveraineté et le transport maritime dans le passage du Nord-Ouest réalisé pour ArcticNet, un consortium financé par le gouvernement fédéral constitué de scientifiques provenant de 28 universités canadiennes et de 5 ministères fédéraux.
Le premier ministre Harper a récemment pris des mesures importantes pour affirmer la souveraineté du Canada dans le Nord. Il s'est engagé à faire construire un quai en eau profonde dans le nord de l'île de Baffin, un centre d'entraînement par temps froid pour les Forces canadiennes et de six à huit patrouilleurs à coque renforcée pour la marine; plus récemment, il s'est engagé à investir 750 millions de dollars pour un brise-glace polaire.
C'est sur ce dernier engagement que je veux brièvement m'attarder, en pensant à la vente possible de RADARSAT-2. Supposons que le nouveau brise-glace est construit dans le cadre d'un partenariat public-privé avec une entreprise canadienne fictive, que nous appellerons Northern Defence Associates, ou NDA, située à Richmond, en Colombie-Britannique. En vertu de cette entente fictive, le gouvernement du Canada investit 445 millions de dollars dans la construction du brise-glace en échange d'un nombre d'heures durant lesquelles le navire pourra être utilisé en priorité par la Garde côtière canadienne.
Supposons ensuite que le titre de propriété du navire est dévolu à NDA, qui est autorisé — encouragé même — à créer des emplois et stimuler l'activité économique au Canada en donnant à fret le brise-glace à d'autres utilisateurs lorsque la Garde côtière canadienne n'en a pas besoin. Ces utilisateurs peuvent être, par exemple, des entreprises de transport maritime qui doivent recourir à un brise-glace pour circuler dans le passage du Nord-Ouest.
Tout le monde y trouve son compte, y compris moi-même. Le gouvernement du Canada obtient un outil précieux pour l'affirmation de la souveraineté, NDA reçoit des subventions importantes en retour du prêt d'un bien public, et il est possible de réaliser des profits en obtenant des contrats du secteur privé. Les entreprises de transport maritime commercial de partout dans le monde en profitent, ce qui favorise les échanges commerciaux et la prospérité générale. Du moins, jusqu'à ce que NDA annonce son intention de vendre le brise-glace à une entreprise américaine du nom de Southern Tech Systems, STK, qui se spécialise dans le soutien des activités en Antarctique.
Cette décision suscite une controverse, et avec raison. Le brise-glace sera-t-il toujours immatriculé au Canada? On doit aussi se demander s'il pourra encore être utilisé en priorité par la Garde côtière canadienne, étant donné que l'immatriculation pourrait être retirée du registre canadien, et qu'il sera fréquemment utilisé dans l'océan Austral, à des milliers de kilomètres du Nord canadien. Dans quelle mesure la capacité du Canada de faire valoir sa souveraineté serait-elle amoindrie, ou du moins compromise?
C'est une situation hypothétique. Pensez-vous que la vente du brise-glace serait approuvée? Pourtant, on peut tracer un parallèle évident entre cette situation fictive et la vente proposée de RADARSAT-2. C'est un satellite remarquable; il produit une imagerie de très haute définition, même en pleine nuit et à travers les nuages. C'est l'outil idéal pour cartographier les glaces de l'Arctique et repérer les navires.
D'ailleurs, le Service canadien des glaces est l'utilisateur le plus important au Canada de RADARSAT-1, le prédécesseur moins puissant de RADARSAT-2. Compte tenu de l'ouverture rapide du passage du Nord-Ouest, le satellite RADARSAT-2 est devenu un outil essentiel pour le maintien de la souveraineté dans l'Arctique. La capacité de surveiller les navires depuis l'espace et de cartographier la présence et l'épaisseur de toute la glace restante est nécessaire pour compléter le recours aux patrouilleurs, aux brise-glace de la Garde côtière ou aux hélicoptères disponibles si on veut intercepter les navires étrangers.
Le satellite RADARSAT-2 a été mis au point dans le cadre d'un partenariat entre MDA et l'Agence spatiale canadienne, et il a coûté au total 445 millions de dollars aux contribuables. En contrepartie de son investissement, le gouvernement du Canada s'est fait promettre de grandes quantités d'images de même qu'un accès prioritaire en cas d'urgences comme un déversement de pétrole ou l'entrée d'un navire suspect dans le Nord canadien.
Lorsque le satellite RADARSAT-2 sera vendu à Alliant Techsystems, les États-Unis remplaceront vraisemblablement le Canada comme autorité responsable de la délivrance de permis. J'ai cherché à confirmer ce point auprès de plusieurs fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du cabinet du ministre, et ils ont tous dit qu'ils ne savaient pas ce qu'il adviendra du permis.
Si les États-Unis deviennent l'autorité responsable de la délivrance des permis, Ottawa pourrait perdre sa capacité de contrôler l'utilisation du satellite et d'y avoir recours en cas d'urgence. De plus, même si en théorie le Canada conserve un certain contrôle, tout porte à croire que ce contrôle se perdra dans certaines situations, étant donné que l'entreprise en question appartient à des Américains et qu'elle est située aux États-Unis.
Supposons, par exemple, que le Canada souhaite avoir un accès prioritaire pour faire valoir sa souveraineté au moment où une guerre éclate au Moyen-Orient et que les États-Unis sont impliqués. On peut même imaginer que le gouvernement américain pourrait utiliser le satellite RADARSAT-2 pour des fins qui vont tout à fait à l'encontre des intérêts du Canada.
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J'en ai pour moins d'une minute.
Supposons que les États-Unis envoient un navire dans le passage du Nord-Ouest sans le consentement du Canada.
Le gouvernement du Canada a récemment annoncé l'adoption d'une loi qui permettra de bloquer les investissements étrangers s'ils vont à l'encontre des intérêts canadiens en matière de sécurité nationale, et si je comprends bien, cette mesure vise directement les entreprises appartenant à l'État qui investissent dans les sables bitumineux en Alberta. Or, une préoccupation semblable devrait inciter le gouvernement à bloquer la vente du satellite RADARSAT-2. En effet, étant donné mes préoccupations à l'égard de la souveraineté, je peux difficilement croire que cette vente apporterait un avantage net au Canada.
Enfin, je tiens à rappeler au comité que la Loi sur les systèmes de télédétection spatiale de 2005, qui a été adoptée expressément pour les besoins liés à RADARSAT-2, confère des pouvoirs et prévoit un critère quelque peu différent. Le critère que le ministre des Affaires étrangères doit appliquer consiste à déterminer si la vente aura une incidence négative sur la sécurité nationale et la défense du Canada. Je crois que le satellite joue un rôle crucial dans la sécurité nationale au même titre que les 750 millions de dollars que le gouvernement s'est récemment engagé à investir pour la construction d'un nouveau brise-glace, et pour cette raison, je suis d'avis que le satellite devrait rester la propriété des Canadiens.
Merci.
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Bonjour, et merci de m'avoir invité à témoigner.
Ce n'est pas facile pour moi d'être ici aujourd'hui. Je suis un fidèle employé de MDA depuis huit ans. Je ne veux pas tenir l'image de MDA en tant qu'entreprise canadienne prospère ni restreindre nos possibilités. Cependant, j'ai l'impression que certains aspects de cette vente proposée sont méconnus de la population canadienne, dont la contribution a permis à MDA d'accomplir de grandes choses comme entreprise.
Je ne prétends pas représenter un grand nombre d'employés. Je crois cependant exprimer plus que mon point de vue personnel. Durant la brève période qui m'a été allouée pour me préparer, douze autres employés m'ont confirmé que mes propos d'aujourd'hui reflètent leurs points de vue.
En tant que professionnel, j'aimerais attirer votre attention sur trois points principaux. En premier lieu, il est peu probable que la vente n'entraîne aucune perte d'emploi. Certains employés, comme moi, donneront leur démission parce qu'ils ne peuvent, en leur âme et conscience, travailler pour ATK. Certains ont déjà quitté. Or, ce n'est rien comparé à la raison fondamentale expliquant la perte d'emplois prévue au Canada.
ATK a annoncé que la réussite de cette transaction repose sur sa capacité d'accéder aux programmes classifiés des États-Unis. Seuls les citoyens américains sont autorisés à obtenir de l'information classifiée aux États-Unis. Même dans le cadre des programmes non classifiés, il est très difficile pour les Canadiens de travailler avec des entreprises américaines dans le domaine de la technologie spatiale. Par exemple, au début de ma carrière chez MDA, nous étions incapables de collaborer avec Orbital Sciences, notre société mère, pour construire une partie du satellite RADARSAT-2. Pourquoi donc? La technologie bénéficiait de la protection des restrictions ITAR visant le trafic international d'armes. Ces restrictions sont beaucoup moins rigoureuses que celles qui s'appliquent aux programmes classifiés. Les emplois ne seront pas conservés au Canada.
En deuxième lieu, lorsque ATK procédera à l'achat de la division des systèmes de MDA, elle fera du même coup l'acquisition de notre propriété intellectuelle. Quand ATK misera sur de nouvelles technologies développées au Canada pour participer à des projets américains classifiés, il est tout à fait probable que ces technologies deviennent également classifiées. Le Canada perdra l'accès à la technologie mise au point ici par des Canadiens pour leur pays.
Le Canada est sur le point de perdre des capacités uniques et de calibre international. Il n'a pas réussi à maintenir un niveau de financement fiable et soutenu pour les programmes spatiaux canadiens. Par exemple, le budget de 2005 prévoyait l'affectation de 200 millions de dollars à des projets comme la mission de suivi de RADARSAT-2, la Constellation RADARSAT. Jusqu'à maintenant, moins de 20 millions de ces fonds ont été utilisés par l'ASC. Cette lenteur d'action a pour effet de forcer des accords comme celui entre ATK et MDA, qui veut conserver la valeur du capital des actionnaires. Par conséquent, l'argent remplacera l'ingéniosité et l'industrie spécialisée au Canada. Certes, cet accord permettra à notre technologie de conquérir de nouveaux marchés, mais ATK la mettra à profit sur les marchés militaires américains, auxquels les ingénieurs canadiens ne peuvent avoir accès.
Peut-être qu'à court terme, quelques petites fractions de ce travail demeureront au Canada, mais MDA ne conservera pas suffisamment de compétences de pointe pour jouer un rôle clé dans le secteur des missions spatiales. Les compétences et le savoir-faire qui sont le résultat de nombreuses années d'effort se disperseront et se perdront à la suite de cette vente.
Indépendamment de ces points, sur le plan personnel, il y a deux autres aspects de cette transaction qui me touchent en tant qu'employé. D'abord, lorsque je lis le traité d'Ottawa visant à bannir les mines terrestres, il m'apparaît évident que même si le fait de travailler pour ATK ne contrevient pas à la lettre du traité, cela va tout de même à l'encontre de l'esprit du traité. Je ne serai pas à l'aise de travailler pour une entreprise qui viole le droit international, même si elle ne transgresse pas la loi dans son propre pays.
Ensuite, bon nombre de mes collègues et moi-même sommes contre la militarisation de l'espace, de même que bien d'autres Canadiens. Le Canada s'est opposé au programme national antimissile et n'a pas appuyé les efforts des États-Unis pour le faire progresser. ATK participe activement à ces activités. Je refuse de m'associer à une entreprise qui travaille à cette fin, même si je n'y participe pas directement.
La direction de MDA me dit que c'est la meilleure solution du point de vue de l'emploi. La direction d'ATK affirme que c'est dans le meilleur intérêt du Canada. Eh bien, en tant que Canadien et employé de MDA, je vous assure que cela ne me conscient pas. Je n'ai pas la capacité ni la volonté de travailler pour ATK. Par conséquent, il est peu probable que je mette mes compétences à profit dans d'autres projets spatiaux canadiens. Peu importe les points de vue semblables aux miens, les emplois, la technologie et l'expertise dans lesquels le Canada a tant investi se disperseront et seront moins accessibles ici à long terme, à cause de ce marché.
La seule solution sensée pour le Canada, au point où nous en sommes, est de rejeter le marché et le transfert du permis d'exploitation de RADARSAT-2 et d'aller de l'avant sans tarder afin que MDA puisse bâtir les choses dont le Canada a besoin et qu'il souhaite pour assurer notre sécurité, notre souveraineté et notre participation à la surveillance de l'environnement mondial. Cela nous permettra de continuer à bâtir, dans la tradition canadienne, une industrie spatiale prospère et à la fine pointe de la technologie, qui ne dépend pas des plans de l'armée américaine.
En tant que contribuable, je suis scandalisé à l'idée qu'ATK soit le bénéficiaire d'une si grande partie de nos impôts. En tant qu'employé, je suis outré à l'idée qu'ATK touche les dividendes d'une si grande partie de notre dur labeur.
La situation était peut-être prévisible, et peut-être qu'il aurait mieux valu agir il y a des années de cela, mais je vous en prie, faites ce qui est aujourd'hui en votre pouvoir pour éviter cette perte tragique du point de vue de l'industrie et de la technologie canadiennes.
Je vous remercie.
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous. Je vais aller directement au fait.
MDA n'est pas simplement une autre entreprise canadienne qui fait l'objet d'un examen sous le régime de la Loi sur Investissement Canada. C'est une entreprise qui a reçu du gouvernement du Canada un financement important, qui lui était expressément destiné, que ce soit par l'intermédiaire de l'Agence spatiale canadienne ou de programmes comme Partenariat technologique Canada, qui est administré par Industrie Canada.
Au fil des ans, les contribuables canadiens ont investi massivement dans la croissance de MDA afin de favoriser la création d'une entreprise canadienne de calibre international capable de fabriquer l'équipement dont le Canada a besoin pour atteindre ses objectifs stratégiques nationaux dans l'espace, soit la surveillance de notre souveraineté dans l'Arctique ou de la circulation maritime et de la pêche au large de nos côtes, l'évaluation de la modification de l'environnement, la surveillance de nos nombreuses ressources naturelles, l'assistance aux équipes de secours en cas de catastrophes à l'échelle nationale ou internationale, l'aide aux bateaux qui naviguent dans les glaces durant l'hiver, et ainsi de suite.
Par exemple, le gouvernement du Canada a accepté de payer environ 430 millions des quelque 520 millions de dollars que RADARSAT-2 a coûté, dans le cadre d'un partenariat public-privé visant à aider MDA à développer ses activités commerciales dans le domaine de l'imagerie spatiale. En contrepartie, MDA serait propriétaire du satellite, le ferait fonctionner et fournirait au gouvernement des images précises. C'était, à la fin des années 1990, un projet audacieux, qui avait pour objectif de faire du Canada un chef de file dans ce marché international en plein essor.
Il ne fait aucun doute que le fait que MDA soit propriétaire de ce satellite a permis à cette entreprise de recevoir une offre extrêmement alléchante d'ATK, de plus de 1,3 milliard de dollars. En gros, les contribuables canadiens ont donné à MDA la possibilité de faire une affaire très lucrative pour ses actionnaires, mais la population canadienne, qui devrait être considérée comme un actionnaire, essuiera une lourde perte si cette vente a lieu.
Je crois que le gouvernement du Canada devrait prendre en considération le fait que MDA est la seule entreprise canadienne du domaine spatial qui soit capable de construire des satellites complexes de grandes dimensions, et que cette vente signifierait qu'à partir de maintenant, le gouvernement du Canada devrait acheter ses satellites à des entreprises appartenant à des intérêts étrangers.
Il ne fait aucun doute que les autres pays où siègent des entreprises du domaine spatial qui revêtent une importance stratégique notable empêcheraient de telles prises de contrôle par des intérêts étrangers.
Le Canada a été le troisième pays à partir à la conquête de l'espace, lorsqu'il a lancé Alouette I, en 1962. Cela s'est produit parce que le ministère de la Défense nationale voulait faire des recherches sur l'ionosphère et comprendre pourquoi elle interférait parfois avec les communications hautes fréquences. En d'autres mots, il y avait un besoin, et le gouvernement du Canada, qui était à l'époque dirigé par les progressistes-conservateurs, a fait preuve d'une grande clairvoyance en franchissant la toute nouvelle frontière de l'espace.
Au milieu des années 1960, le gouvernement fédéral a de nouveau assumé un rôle de chef de file lorsqu'il a décidé que le Canada devait se doter de son propre satellite de télécommunications national afin de relier tous les Canadiens et en particulier ceux du Grand Nord. Cette décision a débouché, en 1972, sur le satellite de télécommunications Anik E1 et sur la création de Télésat, chargée de l'exploiter. De plus, le Canada est alors devenu le premier pays du monde à posséder un satellite de télécommunications national. Encore une fois, il y avait un besoin, et le Canada a joué un rôle de chef de file.
Au début des années 1990, le gouvernement fédéral a pris une autre décision importante : la construction d'un satellite d'observation de la Terre, qui permettrait de surveiller le vaste territoire du Canada. Ce satellite était RADARSAT-1, un exemple remarquable de réussite et d'esprit d'innovation. Encore une fois, le gouvernement avait cerné un besoin et agi en conséquence.
La conclusion de tout cela est que l'espace est un outil stratégique d'une importance cruciale pour le gouvernement du Canada. Cette importance sera de plus en plus marquée, au fur et à mesure que de nouveaux pays se lanceront à la conquête de l'espace. Le Canada aura besoin de nouveaux satellites dans l'avenir, encore plus performants.
Le problème fondamental est le suivant : il y aura dans l'avenir des situations où le Canada souhaitera concevoir lui-même ses engins spatiaux, comme c'est arrivé dans le passé, et où il voudra que ceux-ci soient construits par des entreprises appartenant à des intérêts canadiens, que ce soit pour des raisons de sécurité nationale ou de compétitivité économique. Le Canada n'aura plus cette option si la vente proposée a lieu. En outre, des efforts considérables déployés durant de nombreuses années, ainsi qu'une grande partie des impôts payés par les contribuables auront profité aux actionnaires de MDA, mais pas aux Canadiens.
Cela étant dit, si le gouvernement reconnaît combien il est important que les ressources de MDA demeurent la propriété des Canadiens, il doit également s'assurer de donner à une compagnie de cette envergure les moyens de demeurer viable.
Merci.
:
Je vous remercie beaucoup, monsieur Garneau.
Merci à tous pour vos exposés.
Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Les membres adressent habituellement leurs questions à une personne, mais si vous souhaitez répondre, veuillez me le faire savoir, et je vais tâcher de vous donner du temps pour le faire.
Je tiens à rappeler aux témoins que le temps alloué aux questions et aux réponses est très bref: six minutes pour la première série de questions, et cinq minutes pour la seconde. Alors nous vous serions reconnaissants si vous pouviez nous répondre de manière aussi succincte que possible.
La parole est d'abord à M. Brison, pour six minutes.
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Je vous remercie tous de nous consacrer du temps et de nous faire part de vos observations éclairées aujourd'hui.
Le 4 février, j'ai rencontré le président de MDA Information Systems. Il m'a dit qu'un des problèmes que MDA Information Systems avait rencontré était la difficulté d'obtenir des contrats de la NASA et de l'industrie spatiale américaine en raison de l'ITAR et d'autres interdictions. Il a également affirmé que ce n'était pas simplement une opération financière pour les actionnaires de MDA, mais aussi une opération stratégique car, pour être véritablement en mesure d'obtenir de tels contrats, une entreprise doit pratiquement appartenir à des intérêts américains et avoir un siège aux États-Unis.
Ce que je comprends aujourd'hui des propos de M. Thompson et des autres témoins, c'est qu'en fait, si cette vente préserve des emplois pour MDA, alors, selon toute vraisemblance, il ne s'agira pas d'emplois canadiens mais d'emplois américains, compte tenu de l'ITAR.
La question qui me préoccupe est de savoir pourquoi le gouvernement canadien ne cherche pas à obtenir des exemptions dans l'application de l'ITAR, comme les gouvernements du Royaume-Uni et de l'Australie, et pourquoi il ne cherche pas à protéger une industrie des plus stratégiques: notre industrie aérospatiale canadienne.
En deuxième lieu, le ministre ne devrait-il pas ajouter des considérations relatives à la sécurité nationale au critère de l'avantage net du Canada, qui est examiné par Investissement Canada — ce qui, en combinaison avec les efforts pour obtenir des exemptions de l'ITAR, permettrait aux entreprises canadiennes de réellement faire concurrence aux industries aérospatiales américaines et de remporter des succès?
L'automne dernier, il a indiqué qu'il déposerait le projet de loi à cet égard. En fait, il ne l'a pas déposé, mais ne croyez-vous pas que ces deux mesures seraient utiles? Encore une fois, je parle de l'obtention d'exemptions de l'ITAR pour les entreprises canadiennes, mais également, au-delà de cela, de la mise en place d'un critère relatif à la sécurité nationale qui s'appliquerait à cette vente et qui l'empêcherait éventuellement.
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Merci, monsieur Brison.
Je dirais que dans l'industrie spatiale, les restrictions de l'ITAR ont certainement été extrêmement frustrantes pour l'industrie canadienne en ce qui a trait aux relations avec les États-Unis, en particulier depuis les attentats du 11 septembre.
Je crois que tous les efforts devraient être faits pour que le Canada recouvre le statut de pays le plus favorisé, un statut qu'il possédait avant le 11 septembre; cela contribuerait certainement à assouplir notre accès au marché américain.
Somme toute, l'industrie spatiale canadienne a fait un travail remarquable. Nous exportons 50 p. 100 de ce que l'industrie spatiale fabrique au pays, et ce, malgré des conditions extrêmement difficiles qui découlent de la réglementation actuelle, notamment de l'ITAR.
En deuxième lieu, comme mon exposé l'indiquait clairement, je crois certainement que la Loi sur Investissement Canada, ou un examen de l'avantage que présentent des prises de contrôle éventuelles par des intérêts étrangers, devrait indiscutablement comprendre un critère relatif à la sécurité nationale parmi ses facteurs décisifs.
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J'aimerais parler très brièvement de la question de l'ITAR. Je pense qu'il y a maintenant dix ans que le gouvernement canadien est aux prises avec ce problème, en ce sens qu'on cherche à contourner ce règlement. La majorité des membres de la communauté internationale considèrent l'ITAR comme une mesure de nature plutôt protectionniste, que les États-Unis invoquent pour se protéger. Ce règlement n'a pas vraiment pour objectif d'empêcher la propriété intellectuelle de se retrouver entre les mains d'adversaires éventuels.
Je crois qu'il y a eu des progrès dans ce dossier. À ma connaissance, le gouvernement du Canada a négocié des exemptions de l'ITAR pour les fonctionnaires fédéraux, mais je ne crois pas que ces exemptions s'étendent aux entreprises privées, ni aux entrepreneurs, ni même aux sous-traitants. C'est ainsi que je comprends la situation. Cela cause des problèmes réels, en particulier en ce qui a trait à notre charte des droits et liberté.
Le motif de la sécurité nationale est absolument indiscutable. Il est incontestable que le gouvernement actuel ne s'est pas gêné dans le passé pour avoir recours à des exemptions et à des critères relatifs à la sécurité nationale. Je pense en particulier au fait que les dispositions en matière de sécurité nationale prévues dans les accords commerciaux ont été invoquées relativement aux importants contrats d'approvisionnement de la défense qui ont été annoncés en 2006. C'était au cours du processus de préavis d'adjudication de contrat; certains ont dit qu'il s'agissait d'un cas d'exclusivité, mais des exemptions basées sur la sécurité nationale ont été invoquées par le gouvernement au cours de ce processus. En fait, le contrat a été attribué à une entreprise américaine. Certains avanceront que c'était pour empêcher la participation d'autres entreprises, qui ont par exemple leur siège en Europe, mais je ne vois certainement aucune raison pour laquelle ce principe ne devrait pas être invoqué pour protéger une entreprise canadienne.
:
Il y a deux éléments à aborder. Premièrement, pour ce qui est du critère de sécurité nationale, il existe déjà un tel critère. Celui-ci est établi dans la Loi sur les systèmes de détection spatiale. De plus, j'ose espérer que, en toute logique, le ministère de l'Industrie et ce comité prennent en considération le type de critère que M. Bernier doit appliquer au ministère des Affaires étrangères. Il est nécessaire de répondre à ce critère pour procéder à la vente de RADARSAT-2.
La deuxième chose à souligner, c'est que, pour atteindre le genre d'objectifs environnementaux dont M. Staples a parlé, que ce soit la cartographie des cultures, un appui pour permettre l'application du règlement des pêches ou de l'aide à l'industrie forestière ou encore la cartographie des glaces, l'industrie spatiale canadienne aura besoin de l'argent du gouvernement, tout comme nous en avons besoin pour construire des brise-glaces pour la Garde côtière. Il s'agit d'un bien collectif, et vous ne pouvez en faire abstraction.
Si vous ne fournissez pas ce courant financier, celui qui restera proviendra donc de divers ministères de la défense et essentiellement du ministère de la Défense des États-Unis. C'est là la position par défaut.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Pour reprendre le commentaire de M. Byers, je suis moi aussi très fier de ce satellite. J'ai eu la chance d'assister à son lancement, et je suis fier de l'industrie aérospatiale canadienne dans son ensemble. Quand je regarde ça, selon moi, c'est quelque chose que tous les membres aiment promouvoir et dont ils sont très fiers.
Je veux souligner le commentaire de M. Brison au sujet de l'ITAR, et je veux simplement l'informer que le ministre Bernier tente d'obtenir des exemptions aux termes de ce règlement. Je crois que c'est très important.
J'aimerais faire quelques remarques. Premièrement, le gouvernement n'a rendu aucune décision en vertu de la Loi sur Investissement Canada au sujet de la vente proposée de MDA. Deuxièmement, toute affirmation relative à la décision ou aux incidences de celle-ci à l'échelle nationale ou internationale est, à l'heure actuelle, complètement hypothétique.
J'aimerais rappeler aux membres que les contrats relatifs à RADARSAT-2 ont été signés avec MDA en 1998 par le gouvernement libéral de l'époque alors que l'entreprise était une filiale qui appartenait exclusivement à Orbital Sciences Corporation, une multinationale américaine.
On parle du fait que le Canada laissera s'échapper une excellente affaire ou même la meilleure affaire. Il semble toutefois que les intérêts canadiens ou le gouvernement canadien n'en aient jamais eu entièrement le contrôle.
Monsieur Byers, vous avez écrit un article dans le Toronto Star, je crois le 22 janvier, et je me demandais si vous pouviez donner de plus amples explications.
Chose surprenante, les Canadiens ont commencé à perdre le contrôle de Radarsat-2 avant même sa construction. Lorsque Jean Chrétien a décidé de privatiser le processus de construction en 1998, MDA a commencé à commercialiser les fonctionnalités du satellite auprès d'entrepreneurs du secteur de la défense et de militaires étrangers. Six ans plus tard, l'entreprise annonçait qu'elle avait établi une entente avec l'armée de l'air américaine pour fournir « aux combattants un soutien dans le théâtre des opérations. »
Je me demandais si vous pouviez développer un peu le sujet, parce qu'il semble que les Canadiens n'aient jamais eu totalement le contrôle puisqu'il s'agissait d'une entreprise privée. Que voulez-vous dire par le contrôle des Canadiens?
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C'est une très bonne question. Merci de la poser.
L'histoire de RADARSAT-2 est liée au caractère exceptionnel de la technologie, c'est-à-dire qu'il était réellement à la fine pointe. Le fait qu'il est doté d'une résolution de trois mètres et d'une capacité de voir à travers les nuages la nuit a préoccupé les États-Unis, car cette imagerie serait disponible sur le marché commercial, et que n'importe qui pourrait l'acheter. Donc, une longue bataille s'est engagée et a regroupé, initialement, la NASA, qui refusait de lancer le satellite au nom de MDA, et également des questions relatives à ITAR au milieu de tout ça.
M. Garneau en saurait plus que moi sur cette histoire, mais essentiellement, pour lancer le satellite et satisfaire nos alliés américains, nous avons fait des concessions, et certaines d'entre elles sont peut-être plus importantes que ce qu'on a rendu public, parce qu'en réalité il y a une annexe confidentielle au traité signé par M. Axworthy et Mme Albright.
Le point à retenir c'est que nous avons encore un accès prioritaire à ce satellite. Si nous avons des raisons de croire qu'un pétrolier à coque simple battant pavillon libérien navigue en direction du passage du Nord-Ouest, nous pouvons tout de suite en obtenir une image et continuer à suivre ce navire.
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Oui. Permettez-moi d'abord de corriger quelque chose, ou non pas de corriger, mais de préciser quelque chose que vous avez dit précédemment, soit qu'en 1998, MDA était une filiale qui appartenait exclusivement à Orbital Sciences.
Je veux simplement préciser, dans l'intérêt du comité, que l'entreprise MDA de 1998 n'était pas de la même taille que celle qui existe aujourd'hui. Plus particulièrement, la formidable capacité de fabrication de MDA, qui a été grandement utilisée au cours de la construction de RADARSAT-2 et qui se trouve à Sainte-Anne-de-Bellevue, ne faisait pas partie de l'entreprise MDA de 1998 et constitue un élément extrêmement important de l'ensemble actuel des systèmes spatiaux que nous songeons à vendre.
Le programme RADARSAT, évidemment, a été entrepris en 1998, bien avant mon arrivée. Question de bien préciser le contexte, au début les États-Unis ne pouvaient supporter que le Canada gère un partenariat public-privé qui, en bout de ligne, assurerait le contrôle du satellite par une entreprise commerciale canadienne. Ils croyaient qu'il y avait un danger que les données se retrouvent entre les mains de gens malintentionnés si une entreprise commerciale commercialisait l'imagerie, plutôt que si le gouvernement en avait le contrôle. Et cela, évidemment, a conduit au , je crois que c'est le nom qu'il portait, que le Parlement a adopté il y a quelques années.
Un autre détail important est le fait que les États-Unis nous ont dit que nous ne pouvions pas utiliser une plateforme américaine pour construire RADARSAT-2. Une plateforme satellitaire, si je peux prendre l'exemple du corps, est le torse. Ce n'est ni les bras, ni les jambes, ni la tête, qui forment les autres parties du satellite. C'est seulement le torse. La plateforme est l'élément central de tous les satellites. Par conséquent, au bout du compte, MDA a dû aller en Italie pour obtenir la plateforme de RADARSAT-2. Voilà un exemple qui illustre que les États-Unis n'étaient pas tout à fait à l'aise avec l'idée que le Canada aille de l'avant avec le programme RADARSAT-2. Toutefois, nous sommes allés de l'avant et avons lancé le satellite avec succès.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui. De voir de nouveau MM. Byers et Staples me donne une impression de déjà vu qui me rappelle le projet de loi , lorsque j'étais secrétaire parlementaire.
Je me demande vraiment si ce comité est le meilleur comité où soulever les préoccupations concernant cette vente ou le meilleur moyen pour ce faire.
Nous l'examinons du point de vue étroit de la Loi sur Investissement Canada, mais le projet de loi me préoccupe bien plus, et les garanties incertaines qu'ils comportent. M. Byers et moi n'avions pas prévu — mais peut-être aurions-nous dû le faire — la tournure que pourraient prendre les événements, la vente. Je me rappelle toutefois un point qu'aucun témoin n'a soulevé jusqu'à présent, et j'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
La restriction d'accès continue de relever ou d'être du ressort du gouverneur en conseil, du ministre de la Défense, du ministre des Affaires étrangères. Tous ces éléments se trouvent dans loi et l'engagement. Je me demande si l'un d'entre vous pourrait nous en dire davantage sur l'engagement et l'entente, ou sur ce qui pourrait faire l'objet d'une cession si l'entreprise devait être vendue à une autre. Si je me rappelle bien la loi, le gouvernement du Canada conserve un certain pouvoir sur le plan limité de la restriction d'accès.
Il me semble qu'il ne peut pas s'agir d'une vente en l'occurrence sans les clauses et les garanties dont a convenu le gouvernement canadien lorsque, en 2005, le satellite a été conçu et la loi, entérinée.
Monsieur Byers?
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Tout d'abord, je voudrais m'excuser d'avoir trébuché sur la question de Mme Nash. J'ai dû prendre un vol de nuit à partir de Vancouver et j'ai passé six heures à l'aéroport de Toronto avant d'arriver ici aujourd'hui, de sorte que je n'ai guère eu le temps de recharger mes batteries.
Vous avez mis le doigt sur la question. Qui contrôle actuellement les images prises à partir du satellite et le moment où elles sont prises? Qui y a accès en priorité? Qui peut dire « Il y a ce pétrolier monocoque qui est sur le point de s'engager dans le passage du Nord-Ouest, et il nous faut des images tout de suite afin que nous puissions envoyer un hélicoptère Cormorant pour l'intercepter avant qu'il ne heurte un écueil et ne provoque un accident semblable à celui de l'Exxon Valdez »? C'est de cela dont il est question. Comment bénéficions-nous de cet accès prioritaire? En quoi avons-nous le contrôle du satellite?
Selon mon interprétation, la Loi sur les systèmes de télédétection spatiale repose sur la présomption que le Canada restera titulaire de la licence et, comme tel, conservera son droit de restriction d'accès.
Il n'y a qu'un seul article dans cette loi qui traite du transfert du contrôle. Il ne s'agit pas du transfert de la licence, mais plutôt du contrôle du satellite. C'est d'ailleurs là où se trouve le critère — tout transfert du contrôle doit faire l'objet d'une approbation : « Pour décider s'il y a lieu de donner son approbation, le ministre » — c.-à-d. le ministre des Affaires étrangères — « prend en considération ce qui suit : la sécurité nationale, la défense du Canada, la sécurité des Forces canadiennes, la conduite des relations internationales du Canada, les obligations internationales du Canada et les facteurs réglementaires. »
Voilà le pouvoir discrétionnaire, la dérogation permettant de conserver la licence et, par conséquent, le droit de restriction d'accès, de même que tout ce que vos collègues et vous-même avez réussi de haute lutte à faire inclure dans cette loi. L'enjeu se trouve là. À mon sens, il serait irresponsable de permettre que se poursuivent les discussions à propos de la vente sans savoir si nous conservons ou non la licence.
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Je n'ai qu'un bref commentaire à ajouter au témoignage de M. Byers.
Il faut bien se rappeler que sur l'investissement global, un montant d'environ 400 millions de dollars est allé à l'achat anticipé d'une partie de ces services d'imagerie. Nous avons payé à l'avance, comme pour le téléphone cellulaire, une partie des droits d'utilisation de ce satellite. Cela suppose dans une certaine mesure la possibilité de passer, dans la liste d'attente, devant les utilisateurs commerciaux. Alors c'est important.
De plus, la Loi sur les systèmes de télédétection spatiale envisage, outre le droit de restriction d'accès, la possibilité pour des inspecteurs d'accéder aux installations pour s'assurer que les principes de la loi sont respectés. Maintenant, faut-il se demander si nous pourrons envoyer des inspecteurs canadiens dans les bureaux d'Alliant Techsystems pour nous assurer que les données sont utilisées en conformité de la loi? Je crois que c'est une très bonne question.
C'est là un point qui n'a pas été éclairci. Même la Bibliothèque du Parlement, dans une étude menée il y a quelques semaines à propos de cette vente, a finalement conclu qu'il était possible que la vente de la division aérospatiale de MDA à Alliant Techworks exige que certaines modifications soient apportées aux accords d'octroi de licence actuels pour RADARSAT-2. Cela m'indique qu'il pourrait s'avérer nécessaire de modifier les lois pour permettre la transaction. Il ne s'agit donc pas simplement de permettre que la vente se fasse. En fait, vous pourriez avoir à modifier la législation canadienne pour permettre que cela arrive.
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Merci, monsieur le président.
Merci et bonjour à nos témoins. Il s'agit certes d'une question des plus intéressantes.
À la lumière des propos précédents, je pense au ministre. Même si nous abordons la question dans le contexte et dans l'optique de la Loi sur Investissement Canada, qui pose le critère de l'avantage net mais non ceux de la sécurité nationale, il est clair que la LSTS comporte de tels critères.
À propos de l'article cité par M. Staples — article que j'ai également étudié — je note que les problèmes entourant l'octroi de la licence et ainsi de suite soulèvent certaines questions importantes. Si vous permettez, monsieur Garneau, je m'adresserai à vous puisque vous êtes le seul témoin ici qui soit en mesure d'aborder la question du point de vue de l'ASC, étant donné que vous étiez là entre 2001 et 2004. D'après ce que j'entends aujourd'hui, il semblerait que le sort en soit jeté. Diriez-vous cela? Il s'agissait d'une entente contractuelle entre le gouvernement du Canada et une compagnie privée, MDA, appartenant à des actionnaires, et on s'était mis d'accord sur certaines réalisations attendues.
J'ai du mal à comprendre, dans le cas présent, comment un simple changement d'actionnaires au sein de cette compagnie peut venir modifier ces ententes contractuelles ou les obligations incombant à cette compagnie, à sa société mère ou à la compagnie qui la remplace.
Monsieur Garneau, avez-vous des observations à formuler quant à la façon dont ces obligations pourraient s'en trouver modifiées?
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Merci, monsieur le président.
Tout ce qui a été dit cet après-midi est intéressant. Ce que j'en retiens, c'est que le gouvernement fédéral a injecté 435 millions de dollars dans le développement du satellite en question. Il a investi pas moins de 155 millions de dollars dans d'autres projets de MDA et 30 millions de dollars dans la sécurité nationale. Or, après tous ces investissements, on est prêt à vendre RADARSAT-2.
Vous avez aussi parlé de la surveillance du passage du Nord-Ouest, qui a été la pierre angulaire des discussions de cet après-midi. Il n'en demeure pas moins qu'ATK est une compagnie en pleine réorganisation stratégique: elle passe d'un simple fabricant de munitions à un leader dans le domaine de l'armement avancé de précision, des technologies de l'espace et de construction d'armes de combat de plus en en plus sophistiquées. Cette stratégie comprend l'achat d'entreprises détentrices de technologies susceptibles d'améliorer leur capacité de fabriquer des armes de haute technologie.
Donc, si elle achète RADARSAT-2, croyez-vous qu'elle ira beaucoup plus loin que la seule surveillance du territoire canadien?
RADARSAT-2 est particulièrement efficace pour la cartographie des glaces marines. Il peut même mesurer l'épaisseur de la glace. C'est l'un des usages pour lesquels nous l'avons créé. Il a été conçu en partie à ces fins. Il permet aussi de surveiller les navires. Il pourrait même détecter des sous-marins dans des eaux relativement peu profondes par exemple des navires qui emprunteraient le passage du Nord-Ouest. Cette technologie semble presque avoir été conçue et créée pour nous aider à faire valoir la souveraineté du Canada dans le Nord.
Mais RADARSAT se distingue aussi par les nombreuses applications militaires qui sont possibles. Il peut entre autres surveiller les véhicules blindés la nuit à travers les nuages, et identifier différents types de cibles. La discussion que nous avons aujourd'hui est en partie attribuable à cette dichotomie entre l'utilisation pacifique et l'utilisation militaire de RADARSAT, car ATK ne compte pas l'utiliser pour la cartographie des glaces. ATK s'y intéresse pour ses applications militaires. Et le Canada en a besoin à des fins pacifiques.
À mon avis, ce comité doit aussi se pencher sur la possibilité pour le Canada d'explorer certaines de ces possibilités. L'imagerie de RADARSAT pourrait être utile aux troupes canadiennes qui mènent des opérations de combat outre-mer. Évidemment, dans le contexte d'une coalition avec les forces armées américaines, les images sont probablement échangées très librement, mais nous pourrions vouloir imposer une restriction d'accès pour une autre raison. Si un jour, nous nous retrouvons dans un conflit à l'étranger sans nos alliés américains, nous pourrions décider que des restrictions sont nécessaires afin d'obtenir des images de façon prioritaire pour bien protéger nos soldats sur le terrain.
Les raisons et les applications sont très variées, mais ce satellite a été conçu pour nous assurer cette autonomie, pour répondre à nos besoins, maintenant.
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Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais d'abord remercier tous ceux qui sont venus témoigner aujourd'hui.
J'aimerais soulever un autre point important, dont personne ne parle. Je pense que tout le monde sait que le gouvernement actuel et les gouvernements précédents ont dépensé énormément d'argent — autour de 9,7 milliards de dollars, je crois. Plus récemment, je crois que le gouvernement a octroyé 3 milliards de dollars à des organisations qui administrent ces fonds de façon indépendante pour des activités dans le domaine des sciences et de la technologie. Dans le dernier budget, je crois que le montant investi dans ce domaine s'élevait à 2,7 milliards de dollars.
D'une part, je crois qu'on veut, que tout le monde veut, que les Canadiens veulent que nous disposions d'une solide industrie en sciences et en technologie. Mais d'autre part, le gouvernement est le gardien du trésor public.
Monsieur Thompson, votre position est louable, mais vous êtes le seul représentant de MDA ici. Combien d'employés compte cette compagnie?
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Oui, le but ultime était la croissance de l'industrie spatiale canadienne. Selon les données sur les revenus consignées, l'industrie a pris beaucoup d'importance depuis 1996. Les revenus liés aux produits et services spatiaux se chiffrent à 2,5 milliards de dollars. L'industrie a connu une croissance soutenue.
Oui, le but est de créer une industrie spatiale et d'accroître la capacité.
L'industrie spatiale canadienne doit relever des défis bien différents de celle des États-Unis. Prenons par exemple les géants de l'industrie américaine, Boeing et Lockheed Martin. Ils ont accès à des contrats de la NASA, laquelle dispose d'un budget annuel de 17 milliards de dollars, soit environ 55 fois le budget de l'Agence spatiale canadienne. Sans compter le budget militaire, non publié, mais qui doit à tout le moins équivaloir au budget civil. Par conséquent, si l'industrie civile traverse une dure période, l'industrie spatiale peut se rabattre sur les grands projets militaires. Le nombre élevé de programmes du gouvernement américain permet aux entreprises comme Boeing et Lockheed Martin de survivre aux périodes difficiles.
Le problème pour le Canada, c'est la taille de son budget: 300 millions de dollars. Avec cette somme, nous tentons de satisfaire aux exigences canadiennes, en plus de développer l'industrie. C'est tout à l'honneur de l'industrie canadienne d'avoir su conclure autant de ventes à l'exportation.
Le libre-échange ne s'applique pas à l'industrie aérospatiale. C'est pourquoi je disais dans mon dernier commentaire que nous devons offrir aux entreprises comme MDA une continuité viable au Canada parce que...
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Que je sache, nous avons tenté de faire avancer la question d’une politique spatiale canadienne. L’Institut Rideau a participé à des discussions avec de nombreux intervenants du gouvernement et des secteurs public et privé.
J’aimerais répondre au commentaire de Mme Nash et aux commentaires précédents. Il semblerait que les sommes versées à l’industrie spatiale, bien que modestes, ont produit des résultats appréciables. Par exemple, le gouvernement a consacré 150 millions de dollars à la mise au point du télémanipulateur de la navette spatiale. Les revenus qui en découlent sont de l’ordre de 900 millions de dollars. Le gouvernement canadien a consacré 1,4 milliard de dollars à la Station spatiale internationale, ce qui a produit des retombées économiques de 2,7 milliards de dollars de 1991 à 2000, et 45 000 années-personnes d’emploi.
J’estime donc que les investissements effectués ont eu de nets avantages et qu’ils étaient justifiés, du point de vue tant économique que financier. Les données fournies proviennent de la firme d’investissement spatial Athena Global. J’ai rencontré le président de l’entreprise, M. Andrew Eddy, qui avait sonné l’alarme lors d'une récente table ronde en ce qui a trait au recul des investissements dans l’industrie spatiale canadienne et au fait que celle-ci perd du terrain. En effet, le Canada compte parmi les rares pays membres du G-8 dont les investissements dans ce secteur, calculés selon un pourcentage du PIB, accusent un recul. Ceux des autres pays sont à la hausse. Ces statistiques permettent d’expliquer pourquoi les pays européens, les États-Unis et les autres investissent dans l’industrie spatiale et pourquoi le Canada a besoin d’une politique spatiale.
Donc, si nous stimulons l’industrie – et M. Thompson a mentionné des commandes en attente pour lesquelles MDA pourrait prêter main forte —, nous éviterons la vente de l’entreprise. Les actionnaires seraient contents et les contribuables canadiens aussi. L’industrie en serait ainsi revitalisée et produirait des technologies et des astronautes extraordinaires.
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Je crois que Marc Garneau a bien expliqué les arguments principaux qu'avancerait la direction de MDA.
Je pense qu'il est faux de prétendre que je suis un expert, car je ne suis pas un expert de ce domaine. Je suis ici à titre personnel et en ma qualité d'employé pour décrire les effets que cette transaction a sur moi personnellement.
Je crois que Marc Garneau a fait valoir les bons arguments, à peu de chose près. L'autre argument assez important de MDA, c'est que, à son avis, les emplois resteront au Canada après la vente. Je supposais que vous aviez entendu ces arguments. J'expliquais donc qu'en raison de l'ITAR et d'autres restrictions, je ne crois pas que ces emplois resteront au pays. Cependant, les représentants de MDA croient qu'il vaut mieux obtenir une petite partie des contrats classifiés de l'industrie spatiale américaine qu'aucun.