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Je déclare ouverte cette 39
e réunion du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur la science et la technologie au Canada.
Je veux d'abord présenter nos excuses aux témoins. Notre retard s'explique par le fait qu'il y avait un vote en Chambre et que tous les députés devaient être présents. Le gouvernement ayant perdu ce vote, nous serons peut-être en élections dès cet après-midi. Nous verrons bien ce que décidera l'opposition. De toute façon, il semble que nous aurons quand même près d'une heure et demie pour recueillir vos témoignages.
Nous accueillons des représentants de quatre organisations.
De la National Angel Organisation, nous accueillons le président, Daniel Mothersill, ainsi que le président du conseil d'administration, Andrew Wilkes.
De Precarn Incorporated, nous accueillons Paul Johnston, président et PDG, qui était déjà ici mardi.
Nous avons aussi un associé ordinaire de VenGrowth Asset Management Incorporated, Jay Heller.
Finalement, de la Banque de développement du Canada, nous avons Jacques Simoneau, vice-président exécutif, Investissements.
Je vais vous donner la parole pour vos déclarations liminaires, dans l'ordre où je viens de vous présenter, sauf pour ce qui est de M. Johnston qui a déjà fait son exposé mardi. Nous aurons donc trois déclarations liminaires.
Nous commençons avec la National Angel Organization. Vous avez jusqu'à cinq minutes pour faire votre déclaration, après quoi nous passerons aux questions.
Monsieur Mothersill, voulez-vous commencer?
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Oui, monsieur le président. Merci.
Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir invités à participer au débat d'aujourd'hui.
Je vais partager mon temps de parole avec Andy. Ce que je voudrais faire, c'est expliquer le rôle des investisseurs providentiels dans l'écosystème de commercialisation du Canada — et, oui, il y aura un examen après.
Selon Industrie Canada, les investisseurs providentiels, comme on les appelle, investissent individuellement et collectivement près de 3 milliards de dollars par an dans des entreprises en gestation ou émergentes.
La National Angel Organization, dont je suis le président, est l'association q1ui représente les investisseurs providentiels du Canada, soit plus de 30 groupes comprenant environ 4 000 investisseurs providentiels. Nous sommes une organisation à but non lucratif présente dans tout le pays, notre mission consistant à favoriser des pratiques exemplaires en investissement providentiel, à faciliter la formation de groupes d'investisseurs providentiels dans le but de surmonter les obstacles à l'investissement dans les entreprises émergentes par des investisseurs accrédités, à faciliter le co-investissement et la syndication de prêts en améliorant les communications entre investisseurs et le maillage, nationalement et internationalement, et à faciliter et organiser des canaux de communication entre les chercheurs gouvernementaux, les entrepreneurs et les marchés de capitaux.
Comme la NAO est l'association professionnelle représentant l'ensemble du secteur au Canada, nous avons établi des relations de partenariat avec d'autres groupes d'investisseurs providentiels aux États-Unis, en Europe et en Asie, afin de promouvoir l'investissement direct étranger dans les entreprises canadiennes.
Nous — les investisseurs providentiels — sommes la source la plus ancienne, la plus grande et la plus souvent utilisée de financement d'entrepreneurs. La plupart des entreprises émergentes du Canada ont été financées, au moins en partie, par des investisseurs providentiels. La plupart de ces investisseurs — ce n'est pas de l'argent familial — sont des entrepreneurs eux-mêmes, souvent des entrepreneurs en série qui ont fondé et exploité avec succès une ou plusieurs entreprises. Ce sont des gens qui investissent généralement dans plusieurs entreprises émergentes en même temps et qui leur offrent du mentorat. Les investissements providentiels facilitent la transformation de la R-D en entreprises dynamiques que les institutions publiques, les fonds de capital-risque, les investisseurs publics et les banques peuvent ensuite financer.
Le facteur qui freine l'exploitation commerciale des gros investissements réalisés par le gouvernement dans la recherche est le manque d'investissements providentiels coordonnés. Selon Technologies du développement durable Canada, notre pays fait face à un déficit de capital — qu'on appelle parfois la « vallée de la mort » — estimé à 5 milliards de dollars par an pour financer les entreprises émergentes.
Alors que le secteur du capital-risque fait l'objet de certaines pressions, il est intéressant de constater qu'il n'investit plus autant qu'auparavant dans les entreprises émergentes, et certainement pas dans les sociétés en gestation. Ce rôle incombe de plus en plus aux investisseurs providentiels. Tous les paliers de gouvernement mettent l'accent sur le financement de la recherche et du développement mais ils attribuent proportionnellement peu de ressources à la commercialisation de l'innovation alors que c'est à l'évidence l'une des vraies ressources naturelles renouvelables du Canada.
Je laisse maintenant la parole à mon collègue et président, Andy Wilkes.
J'aimerais dire quelques mots de la notion d'investissement et d'un programme qui fonctionne bien dans une industrie, et proposer ensuite deux ou trois brèves recommandations au comité.
Tout d'abord, le premier principe de l'investissement est que les fonds vont vers les entreprises ou les secteurs offrant le rendement le plus élevé par rapport au risque inhérent. Ce principe est pertinent dans notre exploitation des ressources des sciences et de la technologie qui sont essentiellement, comme l'a dit Dan Mothersill, des secteurs dans lesquels les gouvernements investissent pour développer la commercialisation de nos industries du savoir. Un bon exemple d'industrie attirant du capital de commercialisation est l'industrie des ressources.
En 2006, on a investi plus de 1,1 milliard de dollars dans des nouvelles sociétés minières et pétrolières cotées en bourse par le truchement d'actions accréditives de la Bourse de croissance TSX. Il s'agit uniquement de la Bourse de croissance. Ces actions accréditives ont permis aux contribuables de réduire leurs revenus grâce à la déduction des dépenses canadiennes de prospection, des dépenses canadiennes de mise en valeur et des dépenses canadiennes renouvelables et de conservation. Ce programme permet d'attirer des capitaux en atténuant le risque de forer des puits secs.
Il est intéressant de constater que ce programme d'actions accréditives, ce milliard d'investissements, est allé essentiellement à la Colombie-Britannique, pour 48 p. 100, et à l'Alberta, pour 28 p. 100. Des provinces comme l'Ontario reçoivent moins de 16 p. 100 des fonds d'investissement. Force est bien de souligner que les trésors provinciaux de l'Est canadien subventionnent indirectement les autres provinces, souvent dans des secteurs moins que favorables au développement durable.
L'une des réactions possibles à cet exemple est de demander pourquoi il est nécessaire d'avoir un tel programme dans le secteur des ressources. Ma réponse est que ce programme couronné d'un grand succès est un programme exemplaire qu'on devrait utiliser pour atténuer le risque et attirer des capitaux privés dans les industries du savoir et, en outre, qu'une somme d'un milliard de dollars par an pendant cinq ans ferait beaucoup pour franchir la vallée de la mort identifiée par Technologies du développement durable Canada dont parlait Dan.
Nous avons tiré certaines leçons de cet exemple des ressources : de solides rendements attirent de gros capitaux, des incitatifs fiscaux réduisant le risque et améliorant le rendement attirent des capitaux, et de solides chaînes de valeur sectorielles attirent des capitaux à l'étape de démarrage parce que les investisseurs savent qu'ils auront un point de sortie bien défini.
Cet exemple des ressources est relié aux trois recommandations suivantes proposées au comité pour attirer des capitaux dans les entreprises du savoir. Il y a de nombreuses méthodes envisageables mais voici trois programmes couronnés de succès.
Mettre sur pied un fond de co-investissement providentiel. Nous proposons un chiffre dans notre rapport mais le principe est que nous avons besoin de cela si la commercialisation est importante du point de vue des politiques publiques. Nous donnons l'exemple de l'État de l'Ohio qui utilise un tel programme de manière très efficace.
Nous parlons aussi du crédit d'impôt à l'innovation et à la productivité, qui connaît du succès dans 18 États américains et cinq provinces canadiennes, qui seront bientôt six. Le gouvernement fédéral devrait se joindre à ce programme.
La troisième chose est de favoriser la création de groupes d'investisseurs providentiels dans tout le pays. Nous mentionnons en annexe les organisations qui appuient ces recommandations, comme le Conference Board du Canada, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, etc.
Voilà, monsieur le président, ce que j'avais à dire.
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Merci, monsieur le président, de m'avoir invité ici ce matin.
Je représente VenGrowth, la plus grosse société de capital-risque en Ontario. Depuis notre création en 1982, nous avons investi plus de 1,1 milliard de dollars dans plus de 180 petites et moyennes entreprises canadiennes, essentiellement dans les secteurs de la technologie avancée et des sciences de la vie.
J'aimerais vous parler ce matin de l'état du marché du capital-risque au Canada mais, avant cela, je crois qu'il est important de souligner pourquoi le capital-risque est tellement crucial. La réponse est très simple : l'emploi. Le capital-risque sert à l'expansion d'entreprises du savoir qui créent des emplois bien rémunérés dans des secteurs d'avant-garde comme les logiciels, les semiconducteurs, les agents thérapeutiques et l'énergie propre. Le plus gros défi que connaissent les entreprises de ces secteurs est l'accès au capital.
Les sociétés du savoir créent des emplois en transformant des idées en entreprises, ce qui se fait en trois étapes.
Tout d'abord, un chercheur conçoit une idée et la met à l'épreuve. Bien souvent, cela se fait dans un établissement public comme un hôpital ou une université qui dépend bien sûr largement de fonds publics. C'est ce que j'appelle l'étape de recherche fondamentale.
Ensuite, un entrepreneur crée une entreprise autour de cette idée. Il continue la recherche et le développement, il dresse un plan d'affaires et il commence à parler à des clients. C'est ce que nous appelons l'étape de croissance primaire. Les entreprises ayant atteint cette étape dépendent des fonds des investisseurs providentiels et des sociétés de capital-risque de démarrage. C'est ce que nos collègues de la NAO appellent la vallée de la mort. Comme je l'indiquerai bientôt, ce type de capital-risque connaît actuellement un déclin rapide au Canada, notamment en Ontario.
Finalement, l'entreprise atteint l'étape de l'expansion. Les affaires vont bien, les ventes et le marketing augmentent, ainsi que la capacité de production. Ces entreprises-là sont financées par du capital-risque d'expansion et, parfois, par l'inscription en bourse. L'offre de capital-risque d'expansion au Canada est aussi en déclin, comme celle du capital-risque de démarrage, mais ce déclin est compensé en partie par les investisseurs étrangers.
Si nous voulons créer continuellement des entreprises du savoir, il nous faut un pipeline de capital plein en permanence aux trois étapes. Il nous faut du financement continu pour la recherche fondamentale, pour les entreprises en démarrage et pour celles en expansion. Hélas, le Canada connaît un déclin notable pour ce qui est de la deuxième étape, c'est-à-dire le capital de démarrage. Comme je l'ai dit, c'est l'étape à laquelle la recherche fondamentale sort du laboratoire pour devenir un projet commercial. C'est généralement aussi l'étape où l'entreprise commence à chercher du capital extérieur.
Au cours des quatre dernières années, le nombre d'entreprises recevant du capital risque pour la première fois a baissé de 25 p. 100 au Québec et de 50 p. 100 en Ontario. Aux États-Unis, pendant la même période, il a augmenté de 100 p. 100. Il y a eu moins de nouvelles entreprises financées en Ontario en 2007 qu'à n'importe quel moment au cours des 10 dernières années.
Pourquoi le capital-risque de démarrage connaît-il un tel déclin, notamment en Ontario? La réponse est qu'il y a eu une contraction simultanée des quatre sources principales de financement de l'industrie.
La première source de capital est la source institutionnelle, c'est-à-dire les banques et les fonds de pension. Sauf au Québec, ces institutions ont récemment réduit les sommes qu'elles attribuent au capital-risque, au profit d'autres secteurs.
La deuxième source comprend les investisseurs individuels, essentiellement par le truchement des sociétés de capital-risque de travailleurs, ou SCRT. Ces dernières années, les fonds investis dans ces sociétés ont chuté de manière spectaculaire, surtout en Ontario où le gouvernement provincial abolit progressivement son appui au programme.
La troisième source est la source gouvernementale. Le gouvernement fédéral reste un fournisseur crucial de capital-risque, essentiellement par la BDC et, dans une moindre mesure, EDC, mais les dépenses fédérales consacrées au programme des SRCT ont beaucoup baissé ces dernières années et sont aujourd'hui moins de la moitié de ce qu'elles étaient il y a huit ans.
La quatrième et dernière source de capital-risque est celle des investisseurs étrangers, surtout américains. Cette source est en expansion au Canada mais elle se concentre essentiellement sur les entreprises en étape finale d'expansion. En règle générale, les investisseurs étrangers ne financent pas d'entreprises canadiennes au démarrage. En 2007, seulement quatre investissements de capital-risque de démarrage connus au Canada n'avaient pas d'investisseurs canadiens.
Le manque de capital-risque de démarrage au Canada vient d'atteindre des proportions graves, voire critiques. Nous avons des entrepreneurs qui quittent déjà le Canada pour les États-Unis pour faire financer leur entreprise. Jetez un coup d'oeil à la dernière page de mon mémoire où vous trouverez des citations d'un certain nombre de chefs de file du secteur du capital-risque du Canada confirmant l'énormité du problème.
Il est donc indispensable que le gouvernement fédéral consacre plus de ressources à la stimulation du capital-risque de démarrage. Sinon, le résultat inévitable sera qu'il y aura moins d'emplois bien rémunérés dans nos industries du savoir.
Je vous remercie de votre attention et suis prêt à répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Honorables membres du comité, mesdames, messieurs, c'est un privilège d'être ici aujourd'hui. Merci beaucoup pour l'occasion de pouvoir contribuer à vos travaux.
[Traduction]
Comme vous le savez, la BDC est la banque de développement des affaires du Canada. Nous offrons des services financiers sur mesure, de l'information et des conseils. Évidemment, ces services comprennent des investissements de capital-risque. Le Parlement et le gouvernement nous ont donné l'instruction de faciliter la commercialisation de la R-D, ce à quoi nous consacrons considérablement d'argent et d'énergie.
Commercialiser de la R-D n'est pas pour les timides, les impatients ou les pauvres. Transformer une idée en entreprise prospère est un processus très risqué, complexe et coûteux qui exige de la patience, des connaissances spécialisées, d'excellentes compétences en gestion et beaucoup d'argent.
Sur le plan national, nous avons effectué des investissements publics impressionnants en R-D mais nous n'avons pas encore vu ce genre d'investissement déboucher sur la création d'un nombre suffisant d'entreprises de technologie de niveau mondial comme RIM. Il nous appartient donc de faire mieux à ce chapitre et de favoriser une plus grande orientation commerciale de notre R-D. Le rôle du gouvernement à cet égard est tout aussi crucial que son appui originel à la R-D.
La collecte de fonds pour le capital-risque est en déclin depuis plusieurs années, résultat prévisible des mauvais rendements de l'industrie durant cette période. Les grandes institutions financières comme les fonds de pension — qui ont le devoir moral de maximiser leurs rendements — ont abandonné ce champ d'activité pour des investissements plus lucratifs et moins risqués. En outre, comme les incitatifs fiscaux dont bénéficiaient les fonds de placement des travailleurs sont disparus dans une bonne partie du pays, les investisseurs individuels s'en sont complètement détournés. Cette disparition des investissements institutionnels et individuels s'est produite au moment même où, pour réussir, les sociétés de technologie ont besoin de plus gros capitaux pendant de plus longues périodes.
Les fonds canadiens de capital-risque — qui n'ont pas de bons résultats — sont trop jeunes, trop petits et trop nombreux. Ils ne bénéficient pas de la surface, de la sophistication, de l'expérience et du capital de leurs homologues américains. En général, l'investissement moyen de capital-risque canadien n'est que la moitié de l'investissement américain équivalent.
Les résultats étaient prévisibles. Les sociétés canadiennes de technologie sont privées des capitaux dont elles ont besoin. Leurs cadres passent plus de temps à chercher des fonds qu'à développer leur entreprise. Comme il n'existe pas de fonds canadiens d'investissement d'étape finale, les investisseurs étrangers ont toute latitude pour sélectionner les entreprises les plus prometteuses en état d'expansion, en leur imposant des conditions financières qui sont préjudiciables à elles-mêmes et aux investisseurs canadiens d'origine, ainsi qu'à l'économie nationale.
Au Canada, nous obligeons nos sociétés nouvelles de technologie — très tôt dans leur existence — à vivre sans l'appui de subventions et à attirer immédiatement des investisseurs. Cette politique de « marche-ou-crève » est une caractéristique fondamentale de notre marché, ce qui a des conséquences profondes sur toutes les parties. Si l'idée d'une jeune entreprise ne réussit pas à attirer des investisseurs, elle meurt. Si l'investissement est suffisant pour qu'elle survive, mais sans plus — comme c'est souvent le cas —, sa marge d'erreur est très restreinte. De fait, beaucoup s'effondrent à cette étape, entraînant la perte du capital-risque investi. Les détenteurs de capital-risque doivent avancer leur argent très tôt et le laisser plus longtemps dans l'entreprise. À cette étape précoce de la vie de l'entreprise, le nombre et l'ampleur des risques sont impressionnants, même pour des capitalistes endurcis. Finalement, même si l'entreprise réussit, le rendement des investisseurs est réduit par la longue période durant laquelle ils ont dû l'attendre. Cela signifie que nos rendements ont tendance à être beaucoup plus faibles.
Je crois qu'il vaut la peine de répéter cette caractéristique fondamentale. Pour les nouvelles sociétés canadiennes de technologie, le passage des subventions aux investissements du secteur privé est un élément brutal, de type marche-ou-crève. Elles ne bénéficient pas d'une diminution progressive des subventions avec montée progressive des investissements de capital-risque.
Les entrepreneurs et les investisseurs de capital-risque font face à un autre obstacle quand ils tentent d'obtenir la possession incontestable de leur propriété intellectuelle. Dans les universités canadiennes — les fonts baptismaux de la RD —, il n'y a pas d'approche uniforme pour le transfert de technologie. Dans la plupart des cas, malgré leurs meilleures intentions, les gens qui travaillent dans les bureaux de transfert technologique des universités n'ont pas le pouvoir de prendre les décisions fermes et rapide dont ont besoin les entreprises, ou de structurer des ententes bénéfiques aux deux parties.
Finalement, le Canada manque d'un nombre suffisant d'une race particulière d'entrepreneurs, les entrepreneurs en série qui ont suffisamment d'expérience et de compétences en gestion pour amener une petite entreprise au niveau mondial. Nous avons tout simplement besoin de plus de gens de ce calibre et notre économie est fondamentalement entravée par leur absence.
Permettez-moi de décrire maintenant ce que nous faisons à la BDC pour faciliter la commercialisation dans cet environnement pour le moins dégrisant. Nous sommes et restons pour les entreprises canadiennes un acteur crucial de commercialisation et d'adoption de la technologie.
Depuis 2001, nous nous concentrons sur l'investissement de type très précoce pour aider les entrepreneurs à faire face à la pénurie de capital-risque dont je viens de parler. Nous investissons aussi dans des fonds de capital-risque de tout le Canada pour stimuler le marché. Dans un rapport indépendant que nous avons commandé l'an dernier à la demande du gouvernement, Gilles Duruflé, un expert canadien du capital-risque, a conclu que nous nous acquittons de notre rôle sur le marché conformément à notre mandat et aux pratiques exemplaires de l'industrie, que nous répondons à beaucoup de besoins du marché et que les parties concernées jugent notre présence essentielle.
Permettez-moi d'être franc. Nous avons réussi à amorcer et à lancer plus de 400 sociétés de technologie depuis que nous avons commencé mais, ces dernières années, le rendement financier de notre capital-risque a été négatif. Cela vaut même si nous laissons de côté l'incidence de la méthode de comptabilité nouvelle, obligatoire et délibérément prudente dite de la juste valeur, qui réduit encore nos résultats. Quand je compare ceux-ci à ceux des fonds du secteur privé dans lesquels nous avons investi, je constate que les leurs ne sont pas plus excitants. Je vous invite à considérer la BDC comme un baromètre du secteur dans son ensemble.
Permettez-moi maintenant de faire quelques observations et suggestions.
De manière générale, je crois que nous devrions adopter une attitude plus holistique pour rebâtir un secteur du capital-risque dynamique. Nous devrions agir pour le rendre plus attrayant aux investisseurs institutionnels et individuels. Nous devrions aider nos entrepreneurs à faire passer leurs entreprises au niveau mondial et à réussir à ce niveau. C'est une question de compétence en gestion. Le défi est clair : nous devons accroître le nombre de personnes maîtrisant cette compétence.
En ce qui concerne la pénurie de capital de démarrage, nous aurions intérêt à voir pendant combien de temps les autres pays autorisent leurs nouvelles sociétés de technologie à être admissibles à des subventions. Au Canada, la période est relativement courte. Si nous prolongions leur admissibilité aux subventions, à des subventions conditionnelles à leur viabilité commerciale potentielle entreprise et à leur aptitude prouvée à attirer des investisseurs, cela leur éviterait les vicissitudes de multiples rondes de financement démarrées trop tôt, ce qui a pour conséquence d'abaisser le taux de rendement des investisseurs.
En ce qui concerne la rareté du capital à l'étape d'expansion, la décision récente du gouvernement d'octroyer 75 millions de dollars à la BDC pour créer un nouveau fonds de capital-risque d'expansion du secteur privé de 500 millions de dollars constitue une solution ferme et concrète à ce problème, qui permettra de réduire le nombre de sorties trop rapides par la vente à des acheteurs stratégiques ou l'inscription en bourse. Comme vous pouvez l'imaginer, attirer ce genre d'argent du secteur privé ne sera pas une sinécure.
Nous devrions peut-être aussi revoir nos incitatifs fiscaux. Nous savons que les crédits d'impôt en amont attirent le mauvais type d'investisseurs. Des crédits d'impôt en aval pourraient attirer des investisseurs plus sophistiqués.
D'autres incitatifs pour récompenser les investissements réussis, concept que plusieurs pays ont adopté, pourraient avoir encore plus d'impact. Israël est un modèle à cet égard.
En ce qui concerne le transfert de la propriété intellectuelle des universités, l'université de Waterloo est un exemple frappant de succès. Ses politiques et méthodes méritent d'être étudiées attentivement et, peut-être, d'être copiées.
En conclusion, je crois que redresser ce secteur exigera de l'argent, de la patience, de l'expertise et les efforts conjugués du législateur, des décideurs et des investisseurs. La BDC est tout à fait prête à y contribuer. Nous collaborons avec le CNRC et le CRSNG pour voir comment intégrer la recherche fondamentale à la création de valeur économique. Cet automne, nous avons l'intention d'organiser une table ronde du secteur pour nous assurer que nous comprenons bien ses problèmes et pour réfléchir à des idées sur la manière d'améliorer sa situation.
Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions en anglais ou en français.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins qui nous ont présenté une image assez exacte, bien que très sombre, du secteur de l'innovation et des nouvelles technologies.
Pour résumer, je crois pouvoir dire que vous devez être non seulement brillants, innovateurs et en avance sur tout le monde sur le plan des idées, mais aussi très riches pour pouvoir commercialiser vos produits.
Je m'adresse d'abord à M. Wilkes et à M. Mothersill.
La National Angel Organization a pour fonction de réunir des groupes qui financent de nouvelles idées si celles-ci ont du mérite. En ce qui concerne l'ampleur des investissements que vous faites, entendez-vous parler de préoccupations au sujet des montants nécessaires dès le départ, le pourcentage de propriété du brevet ou de la nouvelle idée? Est-ce un obstacle?
Autrement dit, si vous réunissez un groupe qui exige, par exemple, 75 p. 100 de propriété pour franchir l'étape de l'amorçage et du démarrage, dans quelle mesure cela peut-il être un facteur de dissuasion pour quelqu'un qui dit seulement : « De toutes façons, c'est de l'argent que je vais perdre »?
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Selon qu'il y aura ou non une ronde secondaire de C-R — dans laquelle les providentiels sont généralement dilués —, c'est probablement de l'ordre de 20 p. 100 à 30 p. 100, car nous tenons à ce que les entrepreneurs restent assez motivés pour venir au travail. Depuis 10 ans que je pratique l'investissement providentiel, il m'est arrivé beaucoup trop souvent d'entendre des entrepreneurs me dire : « Écoutez, j'ai besoin de 200 000 $ supplémentaires pour atteindre l'étape suivante. Le problème est que j'ai levé un million de dollars en tranches de 100 000 dollars et que je ne possède plus que 7 p. 100 de mon entreprise ». À ce moment-là, je leur demande pourquoi ils prennent la peine de venir au travail puisqu'ils n'ont plus rien à y gagner.
En outre, l'une des choses que font les investisseurs providentiels, et c'est l'une de leurs caractéristiques, c'est qu'ils ne font pas que fournir du capital de démarrage — et ce sont à peu près les seules personnes à faire encore ça au Canada aujourd'hui —, ils jouent aussi le rôle de mentors car la plupart sont des entrepreneurs en série qui ont bâti des entreprises prospères. Parfois, quand vous sortez des grandes villes comme Ottawa, Toronto, Montréal ou Calgary, vous constatez que c'est un élément additionnel.
Cette année, j'ai passé beaucoup de temps dans des villes comme Thunder Bay, North Bay et Sault-Ste-Marie. Les investisseurs providentiels veulent gagner de l'argent, bien sûr, mais ils veulent aussi sincèrement rendre quelque chose à leur communauté. Cela peut vous paraître angélique mais c'est vraiment un élément intrinsèque de leur motivation. Ce que nous devons vraiment faire — et c'est pourquoi, cette année, la National Angel Organization mettra sur pied 10 groupes d'investisseurs providentiels rien qu'en Ontario —, c'est investir de manière disciplinée, avec des modalités de sortie qui tiennent debout et des modalités de sortie que les gens peuvent accepter sans inquiétude afin de maintenir ces entrepreneurs en vie pour pouvoir passer à l'étape suivante de l'investissement. Sans investisseurs providentiels, ils n'arriveraient jamais à l'étape du C-R.
C'est une très longue réponse mais c'est tellement fantastique.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins.
Je vais vous poser quelques questions et celui d'entre vous qui souhaite répondre pourra le faire quand j'aurai terminé.
Ça fait un certain temps que je ne suis pas penché sur ce secteur et mes informations sont peut-être un peu dépassées, surtout quand vous parlez d'une organisation nationale d'investisseurs providentiels, car j'avais l'impression autrefois que, dans la chaîne continue du financement, les investisseurs providentiels étaient les parents et les amis, après quoi on passait au capital-risque, ce qui est légèrement différent. Cette situation a évolué, à l'évidence, quand vous avez un paquet d'amis et de parents qui forment une organisation nationale, et vous allez donc peut-être pouvoir m'aider à mieux comprendre la différence entre le capital providentiel et le capital-risque.
Au fait, l'un des problèmes que j'avais avec les fonds de placement de travailleurs était qu'ils refusaient d'envisager des investissements de moins de 500 000 $. Ils ont donc commencé à les regrouper et il semble qu'il y a eu une perte de valeur avec le temps.
Nous parlons d'avantages fiscaux. Rendre remboursable le crédit fiscal à la recherche scientifique aiderait très certainement les sociétés qui démarrent et qui ont des pertes qui pourraient être reportées dans le futur. Rendre ce crédit d'impôt remboursable est une idée dont on entend parler et que des gens ont proposée.
J'ai aussi apprécié que le gouvernement ait prolongé la déduction pour amortissement accéléré mais il aurait certainement pu la prolonger pour plus d'un an ou deux si l'on tient compte de l'échéancier de planification des entreprises.
Quand nous nous sommes penchés là-dessus il y a quelque temps, l'un des problèmes... Le groupe dont je faisais partie se penchait sur la commercialisation de la recherche du gouvernement fédéral parce qu'il y a pas mal de recherche qui se fait au gouvernement fédéral. Nous envisagions sa commercialisation. L'un des obstacles que nous avons rencontrés fut la question de la propriété intellectuelle.
Vous connaissez le problème des chercheurs : beaucoup ne savent pas très bien comment faire le transfert technologique ou la diffusion technologique, et les droits de la propriété intellectuelle pourraient être un incitatif. Nous avons examiné des modèles. Monsieur Simoneau, vous avez parlé de l'université de Waterloo, que je connais bien. Il y a aussi, à Guelph, une société appellée GUARD Inc. qui faisait le pont entre les scientifiques et les marchés de capitaux. Ça semblait très bien marcher. En fait, je me demandais, et nous nous demandions, si nous ne devrions pas faire ça au palier fédéral — avoir une société faisant le pont entre les scientifiques et les marchés de capitaux pour aider à mettre au point les prototypes et à faire avancer les dossiers et obtenir le capital pour faire ça.
Je me demande si vous pensez que nous devrions faire quoi que ce soit sur le plan des droits de la propriété intellectuelle et si nous devrions faire quelque chose avec ce modèle particulier — en nous inspirant du modèle de l'université de Waterloo ou du modèle de Guelph — pour fournir ce mécanisme intermédiaire.
Il est extrêmement intéressant d'assister à l'échange d'aujourd'hui entre des gens qui posent des questions et ceux qui ont des réponses et des suggestions. Il est impossible d'assister à cela sans avoir l'impression que le Canada a un problème culturel.
J'ai demandé plus tôt à mes collègues pourquoi ces gens sont si déprimants. On m'a répondu que c'était normal car ce sont des banquiers. On m'a appris que les Canadiens font d'excellents banquiers.
Au Québec, on aimerait faire des entrepreneurs, mais si vous parlez à des entrepreneurs dans cette province, ils vous diront que si vous proposez une occasion d'affaires à un entrepreneur québécois, il va immédiatement vous demander combien d'argent vous allez toucher. En revanche, si vous proposez une occasion d'affaires à un Américain, il vous dira combien d'argent il va toucher.
Si vous réunissez 10 citoyens canadiens, après quelques minutes, vous pourrez facilement leur faire admettre que ce que le gouvernement fait n'est jamais très réussi, que le gouvernement n'est pas très habile. Mais si vous continuez la conversation avec ces mêmes 10 citoyens canadiens et que vous leur soumettez un problème concret, après quelques instants, ils vont vous dire qu'il faudrait bien que le gouvernement s'en occupe.
Dans un pays où on n'enseigne pas l'économique dans nos écoles secondaires, pensez-vous qu'on pourra un jour avoir une culture d'entrepreneurship, où les gens voudront risquer de l'argent sur les idées des autres? Ne se dirige-t-on pas plutôt de plus en plus vers une société où on va demander au gouvernement de régler un problème, et quand il y aura de l'argent à faire, on va s'inquiéter de ce que l'autre en fasse? Peut-on continuer à espérer que la culture économique canadienne, québécoise ou canadienne anglaise, pourra un jour évoluer, si on ne commence pas bientôt à enseigner l'économique à nos enfants?
Désolé, nous n'avons pas le temps d'obtenir une réponse.
Je voudrais moi-même communiquer quelques questions aux témoins. Nous pourrions peut-être vous inviter à revenir, messieurs, ce qui nous permettrait de conclure cette session de manière satisfaisante car le vote vous a privé de 40 minutes.
Je veux vous poser deux questions.
Monsieur Heller, vous avez fait un très bon exposé. Vous avez parlé de quatre sources de financement et du rôle du gouvernement. Comment pouvons-nous nous assurer que les fonds gouvernementaux, en partenariat ou non avec le secteur privé, continuent à financer le démarrage d'entreprises, qui est l'étape où existe le besoin, avez-vous dit, au lieu de les financer à une étape ultérieure, par souci de prudence? Comment pouvons-nous être justes envers les contribuables? Quelle sorte de structure de gouvernance recommanderiez-vous?
Ma deuxième question concerne la National Angel Organization et les actions accréditives, l'innovation, la productivité et les crédits d'impôt — des idées très stimulanters. Diverses sociétés, comme Ballard, avaient essayé de me convaincre au sujet des actions accréditives. Comme vous le savez, le ministère des Finances n'y est pas du tout favorable. Avec le crédit d'impôt à l'innovation et à la productivité, si vous avez d'autres informations à nous communiquer sur ces deux initiatives, cela nous serait utile.
Je voulais simplement que vous preniez note de ces questions car nous n'aurons malheureusement pas le temps d'entendre vos réponses. Le vote nous a empêché d'arriver ici à l'heure.
Je vous remercie de votre présence aujourd'hui. C'était une discussion fascinante.
Nous allons maintenant suspendre la séance pendant une minute avant de discuter de la motion.
Merci.
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Veuillez reprendre vos places, s'il vous plaît.
Tout le monde a reçu le texte de la motion de M. Brison?
Permettez-moi d'abord, à titre de président, d'expliquer ce que je vais faire. La motion et le contexte dans lequel elle est présentée placent le président dans une situation très difficile. J'espère que vous savez tous que je fais toujours mon possible pour être équitable et pour respecter les règles dans mon rôle de président. Je vais rendre une décision au sujet de la motion mais je veux d'abord vous donner le contexte.
Techniquement, cette motion ne satisfait pas à l'exigence de préavis de 48 heures. La greffière a indiqué au bureau de M. Brison qu'il faudrait le consentement unanime du comité pour permettre à un député autre que M. Brison de présenter sa motion étant donné que lui-même serait absent aujourd'hui. De ce fait, le bureau de M. Brison a informé la greffière de ne pas donner préavis de la motion pour la séance du jeudi 15 mai.
Toutefois, si un député a suivi la procédure pour être le remplaçant légitime de M. Brison, il peut légitimement présenter la motion. C'était, je crois, la recommandation du comité McGrath de 1985. Donc, un remplaçant légitime bénéficie des mêmes droits et privilèges que le député qu'il remplace. Les remplaçants sont pris en compte pour le quorum et peuvent participer aux débats sur les motions et voter.
Ce qui s'est passé ici, c'est qu'on n'avait pas respecté l'exigence de préavis de 48 heures mais que cela résultait malheureusement d'une information incomplète de notre greffière.
L'avis de motion originel avait été envoyé à la greffière lundi, soit plus de 48 heures à l'avance mais, à cause de l'information donnée et de la réaction du bureau de M. Brison à cette information, le critère de 48 heures n'est pas satisfait.
Ma décision est que cette motion est irrecevable. Évidemment, n'importe quel membre du comité peut interjeter appel de ma décision. Si ma décision n'est pas confirmée, la motion fera l'objet d'un débat et d'un vote, ce qui est une option.
Une autre option est que le comité traite de la motion lorsqu'il sera en déplacement. Si nous voyageons la semaine du 26 mai, nous pourrions débattre de la motion à Winnipeg le 27 mai.
Je tenais à vous expliquer clairement le contexte, à vous présenter les options et à expliquer le motif de ma décision. La raison pour laquelle j'ai rendu cette décision est que j'accepte pleinement qu'une information inexacte a été donnée sans que je le sache, mais en toute bonne foi. Strictement parlant, le préavis de 48 heures n'est pas respecté et je décide donc que la motion est irrecevable.
M. Silva.