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Bonjour. Mon nom est Jean-Pierre Gariépy. Je suis directeur général de l'Observatoire du documentaire.
L'Observatoire du documentaire veille à ce que le documentaire assume pleinement son rôle fondamental dans la défense de la démocratie, de la tolérance et de l'ouverture au monde. Il favorise la prise de parole et le débat public suscités par les oeuvres d'auteurs qui traitent des enjeux, des rêves et des valeurs de la société. Il travaille à l'amélioration des conditions de création, de production et de diffusion du documentaire.
À l'Observatoire du documentaire, nous avons 14 membres associatifs. Je ne vais pas tous les nommer. Je vais nommer les réseaux de télévision qui font partie de notre organisme. Il y a donc les Chaînes Télé Astral, la Canadian Broadcasting Corporation, la Société Radio-Canada et Télé-Québec.
À l'Observatoire du documentaire, on considère que le genre documentaire est un allié parfaitement naturel au développement des télévisions locales. Pour des raisons technologiques, le documentaire a toujours été en avance sur son temps; il est parfaitement adapté à la technologie numérique d'aujourd'hui. C'est un genre extrêmement accessible et économique pour la grande majorité de la population.
Je reprends les points que vous aviez soulevés, soit a, b, c, d, dans le mandat de votre comité. C'est pour cela que j'ai commencé avec le premier. Le deuxième point concerne les pressions financières imposées à la programmation locale et canadienne.
Le genre documentaire est traditionnellement produit de manière économique et de façon à ce qu'il soit accessible localement. C'est un genre qui permet la cohésion sociale dans toutes les communautés canadiennes. Il permet aux gens de se connaître et de se parler sur un plan local. Les télévisions locales aujourd'hui n'ont pas accès à des fonds de production et de réalisation suffisants. Or, si vous défendez le documentaire au niveau gouvernemental, si les Canadiens reconnaissent le documentaire comme étant un genre culturel fondamental — ce qui était aussi reconnu par le Fonds canadien de télévision mais ne l'est plus par le Fonds des médias du Canada —, si on défend ce genre auprès des décideurs et de toutes les instances, on est convaincus que les télévisions locales pourront avoir un avenir qui sera utile à toute la population.
Je vous présente ma collègue Sylvie Van Brabant, réalisatrice et productrice des Productions du Rapide-Blanc, qui va poursuivre la présentation. Merci.
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Messieurs, mesdames, je suis une
pasionaria du documentaire. Je défends le cinéma du réel, le mien et celui de mes confrères et consoeurs du Québec et du Canada,
from coast to coast.
Le documentaire tel que nous le pratiquons permet aux spectateurs de réfléchir, de s'interroger sur les apparences, les préjugés et les injustices, mais surtout d'entrevoir des parcelles de notre humanité, celles qui nous lient peu importe notre couleur, notre langue, notre religion. Cette humanité est issue de notre immense diversité, mais aussi de notre singularité, ce qui fait que parfois, les documentaristes arrivent à créer des histoires universelles qui peuvent toucher l'Africain autant que l'Européen.
Le documentaire nous permet de donner la parole à des visionnaires, des scientifiques, des artistes, des gens de grande renommée, mais aussi à des exclus, des marginaux, des sans-parole, au fermier de la Saskatchewan bafoué par un Monsanto, au pêcheur de la Nouvelle-Écosse pleurant le large et son bateau ancestral par manque de morue, au jeune paumé de la rue qui nous crache sa douleur ou encore à ce jeune handicapé émergeant de son chromosome manquant pour nous éblouir par son dessin et son sourire magnifiques.
Le documentaire, quand nous prenons le temps de le faire, nous permet de révéler la transformation des êtres: voir la jeune de la rue reprendre sa vie en main, entendre la lucidité du fermier ou du pêcheur, etc. Le spectateur peut lui aussi imaginer sa propre transformation, la possibilité de changer le cours des choses, de mettre fin à la barbarie et saluer l'émergence d'une société juste et respectueuse de la vie.
Présentement, ce documentaire, issu d'une tradition exemplaire, celle de l'ONF, est menacé. Un système politique économique semble vouloir privilégier uniquement la cote d'écoute, ce que je nommerais l'entertainment. Pour faire quoi au juste? Pour faire concurrence aux USA ou bien pour remplir les poches des addicts de l'argent qui semblent pulluler en ce début de XXIe siècle? Pour donner aux citoyens consommateurs du pain et des jeux, de quoi leur vider la tête de leur vie stressée, les endormir pour leur vendre encore plus de Coca-Cola, de friandises engraissantes et d'objets inutiles?
Messieurs, mesdames, j'espère que vous reconnaissez votre rôle dans l'évolution de la société de demain. L'actuel gouvernement a déjà signé l'arrêt de mort d'une des assises du cinéma documentaire indépendant, le FCFVI, le Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants. Ce fonds permettait justement de produire des oeuvres de qualité pour les diffuser dans les collèges, les sous-sols d'église, les salles de réunion d'ONG, etc. aussi bien que dans le confort de nos salons, devant le petit écran. Ce sont des films qui nous permettent d'évoluer en tant qu'individus et en tant que société.
S'il vous plaît, ne mettez pas le dernier clou au cercueil de la production documentaire indépendante. Plusieurs producteurs-réalisateurs s'inquiètent avec raison de voir la production indépendante disparaître du Canada.
Merci.
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Les documentaires représentent une partie importante du tissu national du Canada. C'est une de nos formes d'expression culturelle qui connaît le plus de succès, notamment sur la scène internationale, mais qui est également extrêmement populaire auprès de l'auditoire canadien. En fait, le documentaire se distingue des autres formes d'art comme étant distinctement canadien et il complète les émissions de nouvelles et d'actualité. Alors que les nouvelles rapportent les faits, les documentaires les approfondissent et les éclairent. Au lieu de présenter des actualités, les documentaires explorent les courants sous-jacents des événements. Les documentaires multiplient les voix des communautés diverses, cachées, distantes et parfois marginalisées et les relient au reste de notre nation, visuellement et socialement.
Nous estimons que toute cette industrie qui a trouvé le moyen de prospérer dans un environnement commercial et réglementaire complexe sera menacée si d'importants changements étaient apportés à la réglementation suite à la menace de ralentissement économique. Nous pensons que même s'il est important, ce ralentissement économique est temporaire et c'est pourquoi nous exhortons le comité à examiner soigneusement et à bien soupeser toute mesure proposée par les partis politiques, car elle risque d'avoir des répercussions très graves sur tout ce secteur pendant des années.
Les radiodiffuseurs ont déclaré que leur industrie est en perte de vitesse, mais il est important de souligner que la tendance générale des recettes, de 2004 à 2008, a été positive au cours des cinq dernières années. Malgré une augmentation des recettes globales de 3,49 p. 100 et des recettes totales de la publicité de 2,37 p. 200, nous reconnaissons qu'au cours de la même période, les bénéfices des radiodiffuseurs sont tombés de 111 millions de dollars en 2004 à une perte de 96,4 millions de dollars en 2008, ce qui représente une diminution totale des profits de 207 millions de dollars. Je dois toutefois mentionner qu'au cours de cette période, les dépenses annuelles que les radiodiffuseurs ont consacrées à la programmation étrangère ont augmenté du même montant, soit de 200 millions de dollars.
En réponse à ce déclin, les radiodiffuseurs ont demandé des redevances de distribution. Nous trouvons que cette proposition a un certain mérite, mais elle ne serait efficace que si elle s'accompagnait d'exigences empêchant les radiodiffuseurs d'injecter simplement plus d'argent dans les marchés étrangers au lieu de l'investir dans la programmation canadienne.
Plusieurs témoins ont souligné le fait que même si leurs stations généralistes connaissent des difficultés, les radiodiffuseurs continuent de tirer des revenus solides et de plus en plus importants de leurs chaînes spécialisées. Au cours de leurs témoignages, les radiodiffuseurs se sont opposés à l'idée selon laquelle leurs groupes devraient être considérés comme une seule et même entité et ont insisté pour que chacune de leurs chaînes soit traitée comme une entreprise distincte. Ils adoptent la position diamétralement opposée lorsqu'ils traitent avec les producteurs indépendants. Quand ils commandent une émission pour leur réseau principal, ils insistent sur le fait que cela les autorise à la diffuser sur l'ensemble de leurs chaînes spécialisées sans paiement supplémentaire pour le producteur. La raison qu'ils invoquent est qu'ils traitent tous les médias qui leur appartiennent comme une seule et même entité.
Les radiodiffuseurs ont déclaré au comité qu'ils ont besoin de petits changements à la réglementation pour redevenir rentables. Toutefois, quels sont ces petits changements et quelles seront leurs répercussions sur les Canadiens et les autres segments de l'industrie? En deux mots, ce que les radiodiffuseurs demandent au CRTC, c'est une réduction de la programmation à contenu canadien; une réduction de la programmation locale; l'élimination complète des exigences concernant la programmation prioritaire, ce qui veut dire l'élimination totale de l'obligation de diffuser des dramatiques, des comédies et des documentaires canadiens de haute qualité; et l'élimination de l'obligation d'acheter des émissions de producteurs indépendants.
Nous trouvons particulièrement inquiétant qu'on dise que la production indépendante est un fardeau financier pour les radiodiffuseurs généralistes. Au cours des 10 dernières années, la production indépendante n'a représenté que 10 p. 100 de la programmation et des dépenses totales des radiodiffuseurs. En 2008, la programmation étrangère a absorbé 52 p. 100 de leurs dépenses totales. Les dépenses consacrées à la programmation étrangère ont augmenté de 35 p. 100 au cours de ces cinq ans tandis que pour la programmation canadienne indépendante, elles n'ont progressé que de 16 p. 100.
Le plus déconcertant est que cette modeste croissance des dépenses consacrées à la programmation canadienne indépendante n'a pas été répartie équitablement entre les différents genres, ni entre les diverses régions du pays. Les dépenses consacrés à des documentaires canadiens, indépendants ou non, ont diminué dans les principaux réseaux tandis que pour les productions d'entreprises affiliées à des télédiffuseurs, dans notre catégorie de programmation, elles ont grimpé de 64 p. 100.
Dans deux régions, la diminution de la production documentaire indépendante a été particulièrement alarmante. Dans la région de l'Atlantique, la production indépendante locale des catégories 2 à 5, qui comprend les documentaires, a diminué de 48 p. 100 au cours des cinq dernières années.
La situation est également lamentable au Québec où la production indépendante a rétréci de 36 p. 100. En même temps, les dépenses consacrées à la programmation affiliée au Québec se sont accrues de 54 p. 100 et pour la programmation étrangère, de 45 p. 100.
Compte tenu de ces chiffres, les documentaristes s'inquiètent particulièrement de l'annonce récente de la restructuration et de la réunion du Fonds canadien de télévision et du Fonds des nouveaux médias du Canada dans le nouveau Fonds des médias du Canada.
Quand il a pris la parole devant le comité, le , a déclaré que l'annonce de ce fonds avait suscité des réactions extrêmement positives. Malheureusement, ce n'est pas ce qui s'est passé dans notre secteur. Nous nous réjouissons de l'engagement continu du gouvernement envers la production canadienne, mais nous craignons que le nouveau fonds ait un impact particulièrement négatif sur les documentaires canadiens indépendants pour les raisons suivantes.
Premièrement, d'après l'annonce de Patrimoine canadien, le fonds accordera la priorité aux dramatiques, aux comédies et aux émissions pour enfants sans s'engager à maintenir le financement des documentaires.
Deuxièmement, les entreprises de production affiliées à un télédiffuseur auront accès au fonds et, pour la première fois, les radiodiffuseurs pourront obtenir de l'argent pour des productions maison. Nous trouvons cela particulièrement déconcertant car, comme nous venons de le dire, il y a eu une nette augmentation des dépenses consacrées aux productions maison et affiliées de documentaires tandis qu'elles ont diminué pour les documentaires produits par des entreprises indépendantes. Nous craignons que le FCT ne renforce encore cette tendance.
Troisièmement, le FCT s'est engagé à préserver et stimuler la production indépendante régionale, surtout au Québec et dans la région de l'Atlantique où elle a connu un déclin important. Jusqu'ici, aucun engagement n'a été pris pour que le nouveau fonds continue d'investir dans les régions qui en ont le plus besoin.
Enfin, et c'est le plus important, nous avons des inquiétudes à l'égard du modèle de gouvernance proposé pour le FMC. Le ministère du Patrimoine canadien a annoncé que les câblodistributeurs nommeraient cinq des sept membres du conseil d'administration. La majorité de ces câblodistributeurs sont également affiliés à divers radiodiffuseurs canadiens ou leur appartiennent en partie ou en totalité. Ce sont ces mêmes radiodiffuseurs qui pourront avoir accès à ce nouveau fonds. Nous savons que le ministère du Patrimoine canadien est déterminé à assurer l'indépendance du FMC. Toutefois, si les bénéficiaires du fonds nomment la majorité des membres du conseil d'administration, un conflit d'intérêts risque d'être inévitable.
Pour conclure, les concessions que proposent les radiodiffuseurs sur le plan de la réglementation pourraient avoir de graves répercussions, non seulement sur les documentaires, mais sur la totalité de la production indépendante, de même que sur l'importante programmation locale. Cela se traduira par de nouvelles pertes d'emplois dans les régions déjà touchées et dans l'ensemble du pays. Mais surtout, cela laissera un grand nombre de nos concitoyens sans possibilité de s'exprimer, ce qui appauvrira notre culture et notre pays.
Merci. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Je suis Yves Légaré, directeur général de la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma, la SARTEC, qui est un syndicat reconnu tant en vertu des lois provinciales que fédérale sur le statut de l'artiste et qui représente 1 250 membres oeuvrant dans le secteur audiovisuel.
La SARTEC est signataire d'ententes collectives avec l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, avec Radio-Canada, avec TVA, avec l'Office national du film du Canada, TQS, Télé-Québec, TFO et TV5.
Nos auteurs écrivent tant des longs métrages que des séries fiction, jeunesse, des téléromans, des émissions de variétés, des documentaires, qui sont diffusés par les télévisions généralistes et les canaux spécialisés. Ils sont produits tant par les diffuseurs que par des producteurs indépendants.
Mes commentaires ne porteront bien sûr que sur le marché francophone; je laisse à mes collègues de la Writers Guild of Canada le soin de faire des commentaires au sujet du marché anglophone.
La crise économique actuelle aura certes un impact négatif sur les revenus publicitaires des diffuseurs, d'autant plus que plusieurs annonceurs importants sont parmi les plus durement touchés. Les problèmes actuels de la télévision ne relèvent pas de la seule crise économique — ils sont perceptibles depuis longtemps —, tout comme ils ne se limitent pas au Québec à la seule télévision locale.
Pour parler de la télévision locale au Québec, dans la plupart des marchés la programmation locale est quasi uniquement, et depuis longtemps, constituée d'informations. Peut-on dire que la télévision locale reflète adéquatement les activités d'une région et que les régions sont présentes sur l'ensemble du réseau? Pas vraiment. Idéalement, la programmation de la télévision locale ne devrait pas se limiter aux bulletins de nouvelles ou à la captation d'événements, mais devrait mettre l'ensemble du talent de la région en valeur et le rendre accessible à l'ensemble de la population francophone. C'est rarement le cas, et cela n'est pas nouveau. Dans les années 1990, comme d'autres, nous avons déploré l'arrêt de certaines productions en région, tant par Radio-Canada que par Télé-Québec. Hormis la production de certains projets de langue française à l'extérieur du Québec, comme Francoeur ou Belle-Baie, hormis aussi la production de certains documentaires à l'extérieur du Québec et des émissions de variétés, à l'occasion, la production locale se limite toujours à l'information.
Si la programmation locale n'est pas aussi riche qu'elle le devrait, la programmation générale de la télévision francophone a également subi d'importants changements depuis quelques années.
En mars 1995, lors d'une audience publique devant le CRTC, tous les partenaires du système de radiodiffusion francophone, incluant Radio-Canada, TVA, TQS, les producteurs et les syndicats, avaient affirmé fièrement que le système francophone se distinguait non pas par le nombre de services offerts, mais par sa capacité à produire des émissions qui collaient de près à la réalité de son public.
À l'époque, 47 des 50 émissions les plus suivies sur les chaînes francophones avaient été produites au Québec. Parmi ces émissions, celles dites prioritaires, particulièrement les dramatiques, occupaient des positions enviables. Encore au tournant de l'an 2000, neuf des dix premières émissions, en termes de cote d'écoute, étaient des séries dramatiques québécoises. En 2005, seules trois émissions dramatiques se classaient dans les dix premiers rangs, et en novembre 2008, une seule.
L'offre télévisuelle a changé, les télé-réalités sont de plus en plus présentes et les émissions et les formats américains, qui avaient auparavant de la difficulté à se placer dans les 50 premières places, sont de plus en plus nombreux sur nos écrans.
Malgré ses succès passés, la télévision québécoise voit donc surgir différentes tendances inquiétantes depuis le tournant des années 2000, et la programmation locale ne semble pas la seule à s'étioler.
Certes, le paysage audiovisuel a beaucoup changé, ces dernières années: l'augmentation du nombre de services télévisuels spécialisés et payants et la migration des auditoires francophones vers ces nouveaux services est une nouvelle donne importante. Cela a permis une offre télévisuelle plus diversifiée et entraîné une hausse de la production dans certains créneaux comme la série documentaire, par exemple. Il n'empêche que la fragmentation du marché et, par la suite, celle de l'assiette publicitaire ont nui au rendement des diffuseurs généralistes. Or, ces derniers ont toujours été la pierre angulaire de notre système de radiodiffusion, en étant les principaux déclencheurs de contenu national original.
Avant même que la crise économique ne se pointe, les questions de financement étaient déjà présentes dans le secteur et influaient sur l'offre télévisuelle. Pensons à ce que certains ont appelé la crise des séries lourdes, où les principaux diffuseurs ont renoncé à programmer les séries à budget important, pensons aussi aux problèmes de TQS. Et il y a à peine quatre ans, en 2005, la SARTEC et l'Union des artistes déploraient le déclin des séries jeunesse et d'animation au Québec.
L'érosion des diffuseurs généralistes n'est pas seule en cause. Ainsi, la politique de télévision de 1999 du CRTC, en assouplissant les règles pour les émissions prioritaires, a certes eu un impact négatif. De même, le développement de nouvelles plateformes créées par les nouvelles technologies a favorisé certains types de programmation, telles les télé-réalités, qui pouvaient décliner sur plusieurs plateformes des extraits, que ce soit pour des usages payants, des CD, des magazines, des émissions de variétés qui étaient disponibles tant sur les revues des diffuseurs que sur les autres plateformes.
Les succès passés du système de radiodiffusion francophone ne sont pas nécessairement garants de l'avenir de notre télévision. Ces succès ont pris appui sur un financement et un cadre réglementaire adéquats. Sans crise économique, une intervention apparaissait déjà nécessaire pour assurer la pérennité du contenu national. Ainsi, de manière à rétablir un certain équilibre dans le système, nous avons depuis longtemps appuyé l'octroi de redevances d'abonnement aux diffuseurs généralistes, ceci dans la mesure où les exigences réglementaires en termes d'émissions prioritaires garantissaient la présence d'un contenu national de qualité.
De même, plutôt qu'un assouplissement du cadre réglementaire, nous avons plaidé en faveur d'un relèvement des exigences en matière d'émissions prioritaires pour les canaux spécialisés dont la marge bénéficiaire est particulièrement élevée. Nous avons également souhaité que le CRTC commence peu à peu à réglementer les nouveaux médias en ce qui a trait à leurs activités de radiodiffusion, car pour réitérer sur l'ensemble des plateformes les succès que nous avons eus en télévision, il faut s'en donner les moyens et utiliser les outils qui nous ont si bien servis jusqu'à présent.
L'octroi de redevances d'abonnement aux diffuseurs généralistes réglerait-il tous les problèmes? Sans doute pas, mais les fonds déjà en place peuvent également servir à assurer la présence d'un contenu national adéquat. D'une part, en matière de programmation locale, la création du Fonds pour l'amélioration de la programmation locale, par l'ajout de 1 p. 100 des revenus des entreprises de distribution et de radiodiffusion, contribuera sans doute à améliorer la situation, mais nous attendons, encore là, les règles du CRTC pour voir quel impact cela aura.
Du côté des émissions prioritaires, si le maintien de l'investissement gouvernemental dans le Fonds des nouveaux médias s'est avéré une bonne nouvelle, le fait que les nouvelles règles de gouvernance fassent une place aussi grande aux câblodistributeurs et que les modalités et règles du fonds ne soient pas encore établies, crée une forte inquiétude et de l'incertitude.
Les intérêts de la politique publique et de la culture seront-ils pris adéquatement en compte par un fonds régi en majorité par des bailleurs de fonds privés? Quel sera l'impact de l'importance accordée aux mesures d'audience sur les télévisions éducatives et publiques comme Télé-Québec, TFO et Radio-Canada? Quel sera l'effet combiné sur la programmation de Radio-Canada de l'abolition de son enveloppe réservée au Fonds des médias et des compressions budgétaires récemment annoncées?
Pour conclure, depuis plusieurs années, nos collègues anglophones s'inquiètent avec raison de l'avenir de leur télévision. Dans le marché francophone, nous avons toujours fait état de nos succès. Or, force est de constater que nous sommes en déclin depuis quelques années. Les tendances actuelles sont inquiétantes. Il y aurait lieu de se pencher de façon distincte sur le marché francophone et d'adopter les mesures nécessaires au maintien de son succès.
Merci.
Bon après-midi à tous. Je m'appelle Maureen Parker et je suis la directrice générale de la Writers Guild of Canada. Je suis accompagnée aujourd'hui de Rebecca Schechter, qui est la présidente de la Writers Guild et une scénariste de renom.
La Writers Guild of Canada est une association nationale qui représente 2 000 scénaristes professionnels travaillant à la production de films, d'émissions de télévision et de radio et de médias numériques en langue anglaise au Canada. Nous nous réjouissons de cette occasion de comparaître devant le Comité permanent du patrimoine canadien dans le cadre de cette étude et nous vous remercions de votre invitation.
Nous avons tous entendu les câblodistributeurs et les radiodiffuseurs faire des pressions sur le gouvernement. Les audiences publiques de votre comité permettent aux petits organismes comme le nôtre de se faire entendre à ce sujet et nous vous en remercions.
Nous sommes sidérés par les renseignements contradictoires qui sont présentés au comité au sujet de la situation de notre secteur. Sommes-nous au milieu d'une crise économique à court terme résultant de faiblesses structurelles à long terme ou peut-être les deux? À notre avis, la radiodiffusion canadienne se porte bien.
En 2008, 2 milliards de dollars ont été consacrés à la production télévisuelle canadienne, ce qui a créé 58 000 emplois directs. Il s'agissait d'emplois hautement qualifiés reposant sur l'économie du savoir. Des membres de la WGC ont participé à la plupart de ces productions pour lesquelles ils ont écrit des séries dramatiques, des documentaires, des variétés et d'autres émissions de télévision canadiennes.
Les radiodiffuseurs généralistes privés ont enregistré des recettes de plus de 2 milliards de dollars en 2008. Les recettes de la publicité et des abonnements ont rapporté au total 2,9 milliards de dollars aux radiodiffuseurs spécialisés. Les revenus des entreprises de télédiffusion par câble et par satellite se sont chiffrés à 8,2 milliards de dollars. Jusqu'à cette année, tous les éléments du réseau de radiodiffusion canadien prévoyaient une croissance. Maintenant, à cause de la récession mondiale, les recettes publicitaires sont menacées et les radiodiffuseurs risquent d'enregistrer des pertes, comme nous tous.
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Les radiodiffuseurs généralistes cherchent des solutions aux difficultés aux quelles ils sont confrontés. Nous sommes ici pour dire que le Parlement doit veiller à ce que la programmation canadienne ne soit pas sacrifiée pour financer des solutions à court terme ou à long terme, même si elles sont nécessaires. Les Canadiens veulent une programmation canadienne. Il ressort d'un sondage Harris-Decima mené l'année dernière que 78 p. 100 des Canadiens jugent important d'avoir des émissions de télévision reflétant la société, les valeurs et les perspectives du Canada. Comme en témoignent les cotes d'écoute, lorsque des émissions dramatiques canadiennes de haute qualité sont diffusées, elles sont regardées par beaucoup de gens. Des séries comme
Corner Gas et
Flashpoint et des films de la semaine comme
Mayerthorpe et
One Dead Indian l'ont bien démontré.
Dans ce cas, pourquoi le marché ne peut-il pas assumer le coût de production de ces émissions? Pourquoi avons-nous besoin d'une réglementation? Le Canada est un petit marché, divisé entre les auditoires anglophones et francophones, qui est situé à côté du plus grand exportateur culturel au monde. Tous les pays à l'exception des États-Unis et de l'Inde, ont besoin de protéger leur culture, mais cette proximité nous pose un défi très particulier. Notre industrie de la télévision a besoin d'une protection et de subventions pour pouvoir survivre et prospérer. Voilà pourquoi la Loi sur la radiodiffusion a été adoptée et le CRTC a été créé. C'est pour que les Canadiens puissent regarder une programmation canadienne sur leurs ondes. La réglementation est essentielle, car les radiodiffuseurs n'ont cessé de faire la preuve que leur principal objectif est le profit. Nous voulons bien que les radiodiffuseurs canadiens prospèrent, du moment qu'ils n'oublient pas qu'ils sont également là pour fournir un bien public: un réseau de radiodiffusion canadien.
Récemment, la radiodiffusion locale a été durement touchée par la fermeture de stations et des pertes d'emplois et c'est pourquoi votre comité s'est penché sur cette situation. Nous vous demandons toutefois de ne pas oublier que le système de radiodiffusion canadien est complexe et comprend de nombreux éléments interreliés. Les législateurs et les organismes de réglementation ne peuvent pas se contenter d'intervenir dans un de ces éléments sans tenir compte des répercussions de leurs décisions sur les autres composants. Les radiodiffuseurs ont eux-mêmes relié divers éléments en disant que la réduction du coût de la programmation locale, de la programmation prioritaire et de la production indépendante pourrait résoudre leurs problèmes.
Si vous songez à leur accorder les allégements qu'ils demandent, n'oubliez pas que les radiodiffuseurs canadiens ont déjà un certain nombre d'avantages lucratifs que n'ont pas les radiodiffuseurs américains, tels que la distribution obligatoire, la substitution simultanée, la possibilité de déduire les frais de publicité en vertu de l'article 19.1 de la Loi sur le revenu et le subventionnement des coûts de production des émissions grâce à des crédits d'impôt, sans oublier le programme de droits de diffusion du FCT. Pourtant, ils continuent à se plaindre et à demander d'autres concessions.
Si les radiodiffuseurs obtiennent toutes les concessions qu'ils demandent, quel en sera le résultat? Pourrons-nous voir une différence entre les radiodiffuseurs canadiens et américains? Nous craignons que non. Et si c'est le cas, pourquoi devrions-nous accorder des licences aux radiodiffuseurs canadiens? Pourquoi ne pas simplement laisser les radiodiffuseurs américains avoir librement accès à nos ondes à la condition de présenter un contenu canadien? Cette solution peut sembler radicale, mais un radiodiffuseur canadien a, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, l'obligation de fournir, par l'entremise de sa programmation, et je cite: « un service public essentiel pour le maintien et la valorisation de l'identité nationale et de la souveraineté culturelle ». Si les radiodiffuseurs ne le font pas, NBC ou CBS le feront peut-être.
Avant la politique de 1999 du CRTC concernant la télédiffusion en direct, les radiodiffuseurs étaient assujettis à des conditions de licence concernant à la fois leurs dépenses et la présentation de catégories mal desservies d'émissions canadiennes, surtout des émissions dramatiques. Ce règlement a créé une industrie de la télévision canadienne qui a bénéficié d'un auditoire important. Ensuite, les radiodiffuseurs ont demandé plus de souplesse et le CRTC a levé les exigences à l'égard des dépenses en faveur d'exigences concernant la diffusion de la programmation prioritaire. Cela a eu des résultats dévastateurs. Les dépenses consacrées aux dramatiques canadiennes qui représentaient 5 p. 100 des recettes publicitaires en 1999, sont tombées à 2 p. 100 en 2007 et cela comprenait les dépenses des programmes d'avantages sociaux. En 1999, il y a eu 186 heures de diffusion d'émissions dramatiques canadiennes d'une heure et ce chiffre est tombé à 119 en 2008.
Le règlement sur la programmation prioritaire a réduit non seulement le montant d'argent consacré aux dramatiques canadiennes, mais également le nombre d'heures d'émissions dramatiques produites. Pourquoi? C'est parce qu'au lieu de diffuser des dramatiques coûteuses et de haute qualité, les radiodiffuseurs ont pu diffuser des dramatiques à petit budget comme Train 48 et des magazines de divertissement à faible coût. Aujourd'hui, les radiodiffuseurs demandent encore plus de latitude, ce qui ramènerait le système de radiodiffusion canadien plusieurs décennies en arrière, jusqu'aux années 1970, à l'époque où Global et Baton ont fait des promesses qu'ils n'ont pas tenues à l'égard de la programmation canadienne, ce qui a obligé le CRTC à imposer des conditions de licence.
Les faits démontrent que les radiodiffuseurs canadiens ne soutiendront la programmation canadienne, qu'elle soit locale, dramatique ou prioritaire, que s'ils sont tenus de le faire.
Maureen.
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Le CRTC a toujours protégé les intérêts culturels des Canadiens. Toutefois, il a eu du mal à faire appliquer ses propres règlements. Aux audiences du CRTC, nous avons entendu dire que plusieurs radiodiffuseurs ne se conforment pas à un certain nombre de leurs obligations réglementaires, que ce soit le nombre d'heures de nouvelles ou le nombre d'heures de contenu canadien. Ces entorses à la réglementation semblent se poursuivre année après année, dans certains cas.
Le CRTC demande aux intervenants de l'aider en portant plainte. La WGC l'a fait à deux reprises au sujet de plusieurs radiodiffuseurs qui n'ont pas respecté les exigences relatives aux magazines de divertissement et nous avons également déposé une plainte concernant une chaîne spécialisée qui ne respectait pas la définition de son service. Dans les deux cas, il a fallu plus d'un an pour résoudre le problème et un échange de lettres pour que la Commission puisse inciter ces radiodiffuseurs à respecter la réglementation.
En tant que syndicat, nous savons que les règles ne sont respectées que si on les fait appliquer. Voilà pourquoi nous pensons qu'il faut modifier la Loi sur la radiodiffusion de façon à fournir au CRTC toute une panoplie d'instruments pour faire respecter la loi. Le CRTC doit pouvoir imposer des amendes et d'autres pénalités non financières aux radiodiffuseurs afin de pouvoir assurer rapidement l'intégrité du système de radiodiffusion.
Les sanctions devraient être proportionnelles à la gravité du délit. Les radiodiffuseurs semblent consacrer de moins en moins d'argent à la programmation canadienne afin de pouvoir en dépenser de plus en plus pour acheter de la programmation américaine. Il faut toutefois bien comprendre que ce ne sont pas les nouvelles ou les actualités étrangères qui posent un problème, mais le fait que les radiodiffuseurs sont sur les rangs pour obtenir les dernières émissions dramatiques à grand budget de Hollywood. L'année dernière, les radiodiffuseurs privés en langue anglaise ont consacré 490 millions de dollars à des dramatiques étrangères, mais seulement 54 millions de dollars à des dramatiques canadiennes. On remarquera que ces dépenses excessives ne sont pas apparues graduellement. Elles ont explosé il y a trois ans, en 2006, lorsqu'une fusion a donné à certains radiodiffuseurs les moyens de surenchérir les uns contre les autres à Hollywood.
Toutefois, les radiodiffuseurs ne cessent de vous répéter qu'ils doivent consacrer de plus en plus d'argent à la programmation américaine parce qu'ils sont obligés de subventionner la programmation canadienne. En fait, ils disent que la programmation canadienne ne peut pas et ne sera jamais rentable. Nous ne sommes pas d'accord. Demain matin, avec nos collègues de l'ACPFT, l'ACTRA et la GCR, nous allons publier une nouvelle étude de Nordicity intitulée Analysis of the Economics of Canadian Television Programming et nous nous ferons un plaisir de fournir au comité des exemplaires de cette publication dès qu'elle sera disponible. Le principal message de ce rapport est que les dramatiques canadiennes ne rapportent peut-être pas autant aux radiodiffuseurs que les dramatiques américaines, mais que ce n'est pas pour eux un fardeau financier aussi lourd qu'ils le prétendent. Il n'est pas nécessaire qu'ils dépensent de plus en plus pour la programmation étrangère afin de couvrir le coût de la programmation canadienne.
Demain, nous demanderons au CRTC de procéder à des renouvellements administratifs d'un an et ce sera suivi d'une audience sur des questions de politique plus complexes. Nous demanderons que le renouvellement des licences des télédiffuseurs soit fait de façon à ce que les petits intervenants comme nous-mêmes, SARTEC, DOC et DOC Network puissent participer de façon équitable et significatrice.
Il est nécessaire que le CRTC et le Parlement apportent des changements au système de radiodiffusion canadien. Nous voudrions vous parler des changements simples que le CRTC pourrait apporter. Nous lui demanderons de se retirer graduellement du FAPL et de promouvoir le régime de distribution des signaux éloignés afin que les radiodiffuseurs s'engagent clairement à consacrer ces recettes à la programmation canadienne.
Désolée, j'ai presque terminé. C'est le résumé.
Au cours des audiences qui suivront, nos priorités à l'égard des changements structurels porteront sur l'obligation de consacrer certaines dépenses à la programmation canadienne, le maintien d'une définition non édulcorée de la programmation prioritaire et le maintien des quotas de production indépendante ainsi que l'accès au financement. Nous comptons sur votre comité et sur le Parlement pour veiller sur le cadre législatif du système de radiodiffusion canadien. Nous formulons deux ou trois recommandations que je vais lire très rapidement.
Premièrement, nous exhortons le comté de recommander au gouvernement de modifier la Loi sur la radiodiffusion pour conférer au CRTC le pouvoir d'imposer des pénalités financières et non financières.
Deuxièmement, assouplissez les restrictions visant la publicité pharmaceutique afin d'apporter des recettes supplémentaires au système.
Troisièmement, appuyez la recommandation du président du CRTC en faveur de l'élimination des droits de la Partie II.
Quatrièmement, pour la transition au numérique, le gouvernement pourrait subventionner le coût de la télédiffusion numérique dans les petites collectivités mal desservies.
Cinquièmement, faites en sorte que la SRC obtienne les mêmes concessions que les radiodiffuseurs généralistes privés.
C'est tout. Merci beaucoup.
Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup. Je suis extrêmement contente de vous voir. Ça nous change du débat des radiodiffuseurs qui manquent d'argent et des câblodistributeurs qui en ont mais ne veulent pas le partager.
Nous sommes très heureux de vous voir, de voir des artisans, des créateurs, des producteurs et des réalisateurs, qui sont des gens de contenu et, je l'imagine, des gens de réflexion. Justement, un des buts de notre comité est de mener une réflexion sur l'évolution de l'industrie de la télévision et de la télévision locale. Je souhaite que vous nous aidiez à réfléchir. Je vous poserai une série de questions. Je les lancerai à la volée, et les plus braves y répondront. Par la suite, les autres pourront m'écrire ou me téléphoner; je vous donnerai mon numéro de téléphone.
Je trouve que les réflexions que j'entends ici sont extrêmement importantes parce que les radiodiffuseurs ont actuellement le contrôle de notre développement culturel, de façon indirecte. C'est aussi le cas des câblodistributeurs, et quand je dis câblodistributeurs, je parle aussi de la diffusion par satellite. Ils ont ce contrôle de façon indirecte par les choix qu'ils offrent aux gens. Je trouve cela extrêmement important.
Comme les télévisions généralistes manquent d'argent, je me demande si la télévision généraliste est là pour rester. Les télé-réalités sont-elles là pour de bon ou s'agit-il d'une tendance qui va passer? La place que devaient occuper CBC et Radio-Canada, telle que définie dans notre rapport de l'année passée, est-elle toujours la bonne? Est-il réaliste de penser à une programmation locale hormis l'information? Pensez-vous vraiment qu'il soit possible de faire de la télévision locale qui ne soit pas que de l'information? Malgré tous les moyens financiers et tout l'argent qui est dans le système, les radiodiffuseurs ont de la difficulté à produire deux bulletins de nouvelles par jour, et Radio-Canada vient d'en abolir, ce qui fait qu'il en reste encore deux.
Tout cela passe-t-il par le CRTC? Faut-il un assouplissement des règles, un durcissement des règles ou un changement de mandat pour le CRTC? Ce sont des questions très larges que je me les pose.
Allez-y, vous semblez tellement courageux, monsieur Légaré.
Monsieur le président, membres du comité, je suis Claire Samson, présidente-directrice générale de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, l'APFTQ. Je suis accompagnée par Brigitte Doucet, directrice générale adjointe de l'association. Nous vous remercions de l'invitation à comparaître devant vous pour exprimer notre point de vue sur la situation de l'industrie de la télévision canadienne.
Tout d'abord, permettez-moi de vous présenter brièvement notre association. Active depuis plus de 40 ans, l'APFTQ regroupe la plupart des entreprises québécoises indépendantes de production cinématographique et télévisuelle. Ce sont plus de 130 sociétés qui oeuvrent notamment en dramatique, documentaire, variétés, jeunesse, magazine, jeux, animation et film publicitaire. Nous estimons que près de 95 p. 100 du volume annuel de la production cinématographique et télévisuelle indépendante du Québec est produit par nos membres.
L'APFTQ s'est donné comme mission de promouvoir la production indépendante en cinéma et télévision, d'encourager une étroite coopération entre tous les intervenants du milieu et de veiller à ce que ses membres respectent les plus hauts standards de professionnalisme et de qualité des productions.
Les différents volets de la Politique de la radiodiffusion ont un effet direct sur la capacité des producteurs indépendants canadiens d'assurer aux radiodiffuseurs canadiens — télévision, radio, Internet et téléphonie mobile — un approvisionnement constant de nouveaux contenus de programmation dont ceux-ci ont besoin pour s'acquitter de leur rôle de façon responsable. C'est pourquoi nous tenons à vous faire part de notre vision concernant l'avenir de la télévision canadienne.
Aujourd'hui, nous aborderons trois des sujets que vous avez cernés et qui touchent directement le contenu canadien et sa pérennité: les pressions financières imposées à la programmation; l'efficacité des fonds de développement culturel; et, enfin, les renouvellements de licence de stations privées de télévision conventionnelles.
Au chapitre des pressions financières imposées à la programmation locale et canadienne, lors de son passage devant ce comité, M. von Finckenstein, président du CRTC, évoquait que le modèle du système de radiodiffusion formé de plusieurs composantes dont la télévision conventionnelle, qui en est l'élément central et principal, a très bien fonctionné pendant de nombreuses années.
Ce modèle a aidé à maintenir une industrie de la télévision solide et typiquement canadienne. Le président du CRTC ajoutait : « Toutefois, en ce moment, la pression financière est grande sur la télévision conventionnelle; et selon l’industrie, cette pression menace la viabilité de la programmation locale. »
Nous sommes conscients que votre comité souhaite aborder les problèmes de la radiodiffusion dans une perspective de programmation locale. Cependant, lorsqu'on entend les représentations des radiodiffuseurs conventionnels qui se sont présentés devant vous, il ne s’agirait pas uniquement de la programmation et du nombre d’émissions locales qui seraient menacées, mais bien l’ensemble de la programmation canadienne. C’est pourquoi ils réclament des redevances de distribution depuis plusieurs années. Redevances qui leur ont été refusées par le CRTC parce qu’ils n’ont pas pu démontrer leur engagement ferme d’utiliser ces nouvelles sources de revenus pour justement améliorer le système canadien de radiodiffusion, et particulièrement la programmation locale.
M. Phil Lind, vice-président du conseil de Rogers Communication, s’exprimait par voie de communiqué à l’effet que les activités de CTV aussi bien que celles de Global dans le secteur de la télévision étaient rentables. Du même souffle, M. Lind déclarait que l’instauration de tarifs de distribution serait la pire solution de politique publique, un système de taxation à deux volets.
L’APFTQ croit sincèrement que l’industrie de la télévision n’est pas en crise, comme veulent le laisser croire les radiodiffuseurs conventionnels. Notre industrie vit actuellement des changements structurels qui réclament des ajustements à la réglementation pour permettre de maintenir notre système de radiodiffusion, une source de fierté pour tous les Canadiens. La vidéo sur demande, la transition vers le numérique, les nouvelles plateformes de diffusion que sont l’Internet et la téléphonie mobile devraient, à notre avis, être des occasions de repenser l’industrie de radiodiffusion en la recentrant sur la qualité et l’importance des contenus canadiens.
Au Québec, par exemple, les émissions canadiennes sont celles qui obtiennent les plus grandes audiences depuis de nombreuses années. D’ailleurs, M. Pierre Dion, président et chef de la direction du Groupe TVA, affirmait devant vous que le réseau TVA consacre actuellement près de 90 p. 100 de ses dépenses de programmation au contenu original canadien. Le contenu canadien est certainement rentable, puisqu'une société comme le Groupe TVA y alloue une si grande partie de ses dépenses de programmation.
Toutefois, notre industrie, comme bien d’autres industries canadiennes, subit un ralentissement dû à la conjoncture économique mondiale. Nous devons tous en faire les frais, malheureusement.
Nous exhortons le gouvernement à ne pas céder aux pressions de certains joueurs de l'industrie qui réclament une déréglementation quasi totale, qui aurait pour effet, peut-être, de protéger leurs marges bénéficiaires, qui sont en très bonne santé actuellement, mais qui laisserait mourir tout un pan de l'industrie canadienne de la production, notamment les entreprises de production indépendantes. Ces entreprises génèrent, au Québec seulement, près de 23 000 emplois directs et indirects liés à la production nationale.
Le système actuel prévoit que les stations de télévision conventionnelle produisent, acquièrent et diffusent une quantité importante de contenu canadien, y compris des séries dramatiques, des documentaires et des émissions locales. En échange, ces réseaux bénéficient d'un appui réglementaire dans cinq domaines: une distribution obligatoire au forfait de base offert par les EDR; une diffusion de messages publicitaires locaux dont ils conservent la totalité des revenus; aucune dépense minimale en matière de programmation canadienne; un accès au Fonds canadien de télévision et bientôt un accès accru au Fonds des médias du Canada; ainsi que le bénéfice de la substitution simultanée.
Comment pourrait-on justifier que les radiodiffuseurs conventionnels des grands groupes n'aient plus d'obligations envers les émissions dites prioritaires, comme certains le souhaitent? On sait tous que les émissions prioritaires sont produites majoritairement par les producteurs indépendants. Ce sont des émissions qui font appel à des créateurs et à des interprètes canadiens et qui répondent aux objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. C'est d'ailleurs sur ces mêmes principes qu'a été créé le Fonds canadien de télévision qui supporte financièrement les émissions dramatiques, les documentaires, les émissions jeunesse ainsi que les émissions de variétés et les arts de la scène.
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Notre deuxième point est l'efficacité des fonds de développement culturel.
Depuis l'annonce du nouveau Fonds des médias du Canada, nous sommes très inquiets quant à l'atteinte des objectifs de la loi qui nécessitent, entre autres, de « faire appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources — créatrices et autres — canadiennes [...] ». Malgré le fait que le nouveau fonds doit servir notamment au financement d'émissions dramatiques, de documentaires et d'émissions de variétés, le critère unique de succès d'audience pour l'octroi de ces fonds laisse perplexe.
Si La La La Human Steps déclarait que les coupes de budget de Routes commerciales allaient mettre un terme à sa visibilité internationale, alors ayons le courage de leur avouer qu'ils ne seront pas visibles aux Canadiens non plus. Et cela parce que le nouveau système ne valorisera pas ce qui constitue un bon support pour la vente de publicité, ce qui n'est pas — heureusement d'ailleurs — la préoccupation première de cette troupe de danse dont la créativité et l'inventivité sont reconnues à travers le monde.
Baser les enveloppes de rendement exclusivement sur un seul critère, la fameuse cote d'écoute, constitue une modalité restrictive et tendancieuse d'attribution de ressources du fonds qui risque d'anéantir toute notion d'espace compétitif équitable ou le level playing field. Les chaînes spécialisées et les télévisions éducatives, soit par leur mandat ou par leur distribution, seront lourdement pénalisées pour des raisons structurelles qui échappent à leur contrôle et qui n'ont rien à voir avec la qualité de leur programmation.
Nous avons demandé en vain au gouvernement de revoir fondamentalement sa décision d'abolir le Fonds canadien de télévision. Il nous apparaît à tout le moins nécessaire qu'il s'assure: que les représentants au conseil d'administration du fonds soient réellement indépendants des EDR; que l'entente de contribution que Patrimoine canadien négociera avec le nouveau fonds comporte des conditions à long terme garantissant le maintien d'enveloppes réservées à chacune des catégories d'émissions actuellement soutenues; que la méthode de calcul des résultats d'auditoires assure à toutes les catégories de diffuseurs un accès équitable au financement; que les modalités d'accès de la CBC/Radio-Canada au financement du fonds n'aient pas pour effet de l'inciter à se préoccuper exclusivement des cotes d'écoute au détriment de son mandat de diffuseur public national; que l'accès de maisons de production liées à un diffuseur continue d'être sujet à un plafond, encore plus limitatif si elles détiennent, par maisons mères interposées, un poids décisionnel dans la composition du conseil d'administration du fonds; finalement, que les fonds dédiés à la production pour nouveaux médias soient déterminés en préservant les investissements en télévision à leur niveau historique.
Je passe à notre troisième sujet: les renouvellements de licence de stations privées de télévision conventionnelle.
Le CRTC s'est dit...
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Bon après-midi, monsieur le président, et membres du comité permanent.
Nous avons déposé un mémoire détaillé au début de la semaine dernière et nous espérons que vous avez eu l'occasion de le lire.
Je m'appelle Norm Bolen. Il y a trois semaines, j'ai été nommé président-directeur général de l'Association canadienne de production de films et de télévision. Je suis accompagné de John Barrack. Il est le vice-président exécutif national et conseiller de l'association. Heureusement pour moi, John travaille au sein de cette organisation depuis près de 10 ans et il connaît bien tout ce qui se passe à l'ACPFT ainsi que tous les dossiers concernant le secteur de la production indépendante.
J'ai le privilège et l'honneur de diriger l'ACPFT. Comme vous êtes nombreux à le savoir, nous sommes l'association nationale qui représente les intérêts de 400 entreprises indépendantes canadiennes engagées dans la production de longs métrages, d'émissions de télévision et de contenu pour médias interactifs. Ces entreprises sont présentes dans toutes les régions du pays.
Avant de me joindre à l'association, j'étais le vice-président exécutif, pour le contenu, d'Alliance Atlantis Communications. J'ai assumé la responsabilité de l'ensemble de la programmation de 13 réseaux spécialisés canadiens. J'ai également été chargé du contenu pour les nouveaux médias Web et émergents ainsi que de toutes les opérations de radiodiffusion d'Alliance Atlantis. Avant cela, j'ai passé 21 ans à la SRC. J'y ai travaillé comme journaliste et administrateur, y compris comme chef des actualités télévisées du réseau. Plus récemment, j'ai été un des dirigeants de mDialog. C'est un service de distribution vidéo haute définition en ligne.
J'ai également été le président du Festival mondial de la télévision de Banff. J'ai coprésidé le Festival international du documentaire canadien Hot Docs et je suis un des dirigeants du National Screen Institute.
Pourquoi est-ce que je vous raconte tout cela? Comme vous pouvez le voir, toute ma carrière a porté sur le contenu canadien, la télédiffusion et les nouvelles plateformes de distribution. Je suis convaincu que la télédiffusion canadienne est à la croisée des chemins. Les décisions clés que prendront les autorités gouvernementales, y compris le CRTC constitueront la base qui servira à définir le système de télédiffusion nationale pour la prochaine génération de Canadiens.
Nous croyons que nous avons la responsabilité envers les Canadiens de mettre en place une base solide sur laquelle reposera un système de télédiffusion solide, significatif et distinct. Mais soyons clairs: cette base n'existera que si les producteurs indépendants canadiens et le contenu qu'ils créent sont reconnus comme les pierres angulaires de ce système. Cela garantira que la programmation offerte par notre système de radiodiffusion sera diversifiée, distinctement canadienne et adaptée aux communautés locales. Toute déviation par rapport à cette orientation réduirait notre système de radiodiffusion à un pipeline géant servant à inonder le Canada de contenu étranger et principalement américain.
Si on examine le secteur des communications dans une optique macro, on peut dire que la révolution numérique a commencé. Cela continuera certainement d'avoir de profondes répercussions sur la société canadienne, sur notre économie et notre culture. Voilà pourquoi nous faisons valoir la nécessité d'élaborer une stratégie à l'égard des médias numériques. La Grande-Bretagne, la France et l'Australie ont toutes lancé ce genre d'initiatives l'année dernière et elles l'ont fait pour se tailler une place à l'avant-scène de l'économie numérique mondiale. Le Canada ne doit pas se laisser supplanter dans ce domaine. L'élaboration d'une stratégie concertée pour le Canada se traduira par une plus grande prospérité sociale, culturelle et économique pour les Canadiens à l'ère de la technologie du savoir.
Nous invitons le comité permanent à envisager sérieusement de recommander le lancement de consultations nationales en vue d'atteindre cet objectif. Cet examen doit tenir compte de la nécessité de moderniser le cadre législatif et réglementaire. Il devrait également porter sur le rôle des principales institutions fédérales.
Pour terminer, cet examen doit aussi permettre d'établir comment améliorer notre système de soutien financier au secteur de la production indépendante.
Allez-y, John.
Le secteur de la production indépendante joue un rôle fondamental dans le système canadien de radiodiffusion. Nous offrons aux téléspectateurs canadiens une perspective canadienne de notre pays, de notre monde et de notre place dans celui-ci. Nous favorisons des choix culturels canadiens qui reflètent la riche diversité de notre pays.
Les producteurs indépendants sont des ambassadeurs dynamiques du commerce et de la culture qui présentent les collectivités canadiennes aux Canadiens et aux autres pays. La politique fédérale les encourage depuis longtemps à jouer ce rôle essentiel et les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion le reconnaissent explicitement.
Notre secteur est, dans son ensemble, une grande entreprise qui apporte une contribution très importante à l'économie du Canada. Les centaines de petites et moyennes entreprises produisent chaque année un contenu canadien d'une valeur de 2,3 milliards de dollars. Elles génèrent pour plus de 230 millions de dollars d'exportations et des emplois de qualité pour près de 60 000 Canadiens dans toutes les régions du pays. À cela s'ajoutent 1,8 milliard de dollars générés annuellement par les services de tournage étrangers au Canada qui créent 44 000 emplois supplémentaires, ce qui donne en tout 100 000 emplois.
Les émissions canadiennes de producteurs indépendants sont exportées dans des centaines de pays. Elles sont accueillies favorablement par les critiques au Canada et à l'étranger et elles attirent de nombreux auditoires.
Nous avons récemment commencé à constater un renversement de situation en ce qui concerne les émissions jumelées. Nous espérons que c'est le début d'une nouvelle tendance. Cela démontre clairement ce qui peut arriver quand une émission canadienne bénéficie d'un financement et d'une publicité suffisante. Des émissions comme Flashpoint, la première série dramatique canadienne diffusée aux heures de grande écoute, depuis Due South, à la fois au Canada et aux États-Unis. Elle est diffusée sur CBS aux États-Unis et CTV au Canada. La première nord-américaine de l'émission The Listener aura lieu le 4 juin sur NBC et elle sera en même temps diffusée sur CTV au Canada. The Bridge sera diffusée sur CBS aux États-Unis et sur CTV au Canada et Copper est une série mise au point pour Global qui a été achetée par ABC aux États-Unis. Le tournage de cette production doit commencer à Toronto, cet été.
Toutes ces émissions ont été conçues et financées par des producteurs indépendants du Canada.
Nous sommes convaincus que les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion concernant le secteur de la production indépendante sont essentiels pour assurer le succès et le caractère distinctif de notre système de radiodiffusion. L'importance de ces objectifs augmente au fur et à mesure que le système évolue, que des nouvelles formes de diffusion du contenu apparaissent et que les frontières disparaissent. Ces objectifs permettent aux producteurs indépendants d'avoir accès à leur propre système de radiodiffusion et favorisent la diversité des voix et des idées dans l'ensemble du pays.
Nous suggérons respectueusement que le gouvernement du Canada et toutes ses institutions doivent avoir pour priorité d'assurer le bien-être à long terme du secteur de la production indépendante canadien au sein d'un système de radiodiffusion solide. Cela n'est possible que dans le cadre d'un partenariat entre les producteurs indépendants, les radiodiffuseurs, les EDR et les gouvernements, tant au niveau provincial que fédéral. En fait, ces partenariats ont favorisé la croissance de notre secteur au cours de la dernière décennie. Toutefois, malgré cette croissance, des centaines de petites et moyennes entreprises de notre industrie restent très fragiles sur le plan financier et leur capacité organisationnelle ne s'est pas améliorée dans l'ensemble.
Un certain nombre de facteurs ralentissent la croissance de notre secteur. Il s'agit notamment du nombre de fusions sans précédent qui ont eu lieu dans le secteur de la télédiffusion, de la transition aux technologies numériques et de la migration vers la distribution multiplateforme ainsi que de la diminution importante des sources de financement étrangères depuis plusieurs années. Ces facteurs ont eu un impact important sur les entreprises de nos producteurs. Le secteur canadien de la production indépendante, qui est un élément essentiel de notre système de radiodiffusion, n'a jamais été confronté à d'aussi grands défis.
C'est dans ce contexte que nous sommes étonnés et déçus de l'orientation générale des demandes de renouvellement des licences des télédiffuseurs en direct. Au moment où nous parlons, ces audiences publiques se déroulent devant le CRTC. Contrairement à ce qu'on pourrait vous dire, le système n'est pas défaillant. Nous reconnaissons toutefois qu'il est soumis à des pressions.
Aujourd'hui, au lieu de parler des obligations réglementaires que nous jugeons relativement légères, les télédiffuseurs privés en direct cherchent à réduire ou éliminer complètement les exigences concernant la programmation prioritaire. Ils veulent également se débarrasser de l'obligation d'acheter des émissions à des producteurs indépendants et veulent alléger leurs obligations à l'égard de la programmation locale. Autrement dit, les producteurs indépendants doivent se battre pour survivre.
Nous sommes profondément inquiets de voir que les radiodiffuseurs invoquent des prétendus problèmes structurels et le ralentissement économique actuel pour réduire leurs obligations envers la programmation prioritaire canadienne et la production indépendante. L'invocation de ce prétexte fallacieux n'augure rien de bon. Ils se contenteraient de se soumettre à des obligations réduites. Cela affaiblirait nettement le système de radiodiffusion qui a été construit avec soin au cours des années. Le cadre réglementaire actuel a bien servi les radiodiffuseurs, les producteurs indépendants, les créateurs et surtout, les auditoires canadiens.
Ce n'est vraiment pas le temps de jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous sommes convaincus que la solution que proposent les radiodiffuseurs pour remédier à leurs difficultés est certainement la mauvaise en ce qui concerne la production indépendante canadienne. Cela ne correspond pas aux objectifs politiques de la Loi sur la radiodiffusion.
Nous tenons à souligner que les radiodiffuseurs ne sont pas les seuls à ressentir les répercussions du ralentissement économique. Cela touche pratiquement tous les Canadiens et entreprises canadiennes, y compris le secteur de la production indépendante et les créateurs. Les radiodiffuseurs ne veulent plus que les producteurs indépendants leur proposent des nouvelles émissions et ont mis en veilleuse les émissions en cours d'élaboration. Cela crée beaucoup d'incertitude dans le secteur de la production indépendante canadienne.
Norm, voulez-vous continuer?
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Nous reconnaissons que la télévision généraliste est confrontée à certains défis commerciaux. Nous soulignons toutefois qu'un des principaux facteurs de ces difficultés financières est le montant d'argent toujours plus important qu'elle dépense pour acheter des émissions étrangères, surtout américaines. Les radiodiffuseurs doivent également accepter la responsabilité de la dette énorme qu'ils assument suite à l'acquisition d'actifs importants. La télévision généraliste privée est encore celle qui attire les auditoires les plus nombreux aux heures de grande écoute. Nous soulignons aussi que les groupes canadiens qui sont propriétaires des réseaux de télédiffusion demeurent solides et rentables, dans l'ensemble.
Les défis économiques les plus pressants du secteur de la télévision sont surtout cycliques et à court terme. L'économie manifeste déjà des signes de reprise et de nombreux économistes prédisent que la reprise sera solidement amorcée d'ici un an. Les propositions des radiodiffuseurs ne tiennent pas compte d'un certain nombre de mesures que le CRTC a mises en oeuvre pour les aider à faire face à leurs difficultés. Je ne vais pas les énumérer ici, car on me fait signe que mon temps touche à sa fin.
Les radiodiffuseurs ne tiennent pas compte des recettes supplémentaires qu'ils obtiendront des entreprises de télédiffusion par câble et par satellite pour diffuser leurs signaux dans des marchés distants. Nous sommes certains qu'il intéressera votre comité de savoir que les changements proposés aux critères d'admissibilité au Fonds pour l'amélioration de la programmation locale pourraient aider à financer les actualités locales et la programmation locale.
Les producteurs indépendants étaient déjà confrontés à leurs propres difficultés longtemps avant celles qui sont causées par la situation économique. Ces difficultés ont été exacerbées par le niveau important de concentration dans le système. Cela a fait pencher encore davantage la balance du pouvoir du côté des grands groupes de radiodiffusion et a eu pour effet de réduire les perspectives commerciales des producteurs et les possibilités d'emploi de tous les créateurs du pays. Par conséquent, nous exhortons le CRTC à s'en tenir fermement aux objectifs primordiaux de la Loi sur la radiodiffusion. Nous avons demandé au Conseil de ne pas céder aux exagérations orchestrées par les radiodiffuseurs privés. Apporter des changements de taille au régime de réglementation de la télévision en direct, en ce qui concerne la programmation prioritaire canadienne et la production indépendante, entraînerait sans aucun doute un affaiblissement du système canadien de radiodiffusion et une diminution des choix de contenu canadien.
Nous serions prêts à appuyer les autres efforts que le gouvernement fédéral et le CRTC pourraient faire pour remédier aux difficultés des stations de télévision généralistes, particulièrement celles qui sont situées dans des petits marchés. Il s'agit notamment des changements au FAPL et l'avancement de la date de mise en oeuvre de la nouvelle politique à l'égard des signaux distants. À notre avis, ces mesures contribueront largement à renforcer le secteur de la télévision en direct.
Pour conclure, nous voudrions insister de nouveau sur la nécessité d'une stratégie nationale pour les médias numériques.
Nous remercions encore une fois le comité de nous avoir invités à comparaître et veuillez nous excuser d'avoir été un peu trop long. Nous avons hâte de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président et membres du comité permanent.
Mon nom est Brian Anthony et je suis le directeur national et chef de la direction de la Guilde canadienne des réalisateurs. À mes côtés se trouve notre avocat, M. Grand Buchanan, partenaire au cabinet McCarthy Tétrault.
Nous tenons à vous remercier pour cette opportunité de comparaître devant vous aujourd'hui et de prendre part à vos délibérations sur la nature et l'avenir de l'industrie télévisuelle au Canada.
[Français]
En guise d'introduction, je dois souligner que la guilde est une organisation syndicale nationale représentant plus de 3 800 professionnels oeuvrant dans 47 catégories de services artistiques et logistiques clés dans les secteurs du film, de la télévision et des médias numériques au Canada. Cette industrie, question de démontrer le contexte dans lequel évolue la guilde, emploie plus de 130 000 personnes et injecte quelque 5 milliards de dollars annuellement dans notre économie.
[Traduction]
Le comité permanent a entrepris d'étudier l'évolution de l'industrie télévisuelle au Canada, ainsi que sa situation actuelle et ses perspectives d’avenir. Vous avez, de plus, choisi d’accorder une importance particulière à la viabilité des stations de télévision de moindre envergure desservant des marchés restreints. Compte tenu de la fermeture prévue de quelques stations locales et de la remise en question de quelques autres, nous apprécions certes votre décision de vous pencher sur ces questions de grande importance. Même s’il nous fera plaisir d’aborder ce sujet avec vous, peut-être lors de la période de questions suivant notre présentation, notre présence ici aujourd’hui a pour but d’aborder des questions à portée plus vaste, qui semblent avoir été négligées au profit des décisions et discussions entourant la fermeture des petites stations de télévision.
Ce que nous voulons discuter avec vous n’est pas axé sur la distribution ni sur la source des signaux, mais bien sur le contenu: le contenu canadien, ainsi que les priorités en matière de programmation, particulièrement en ce qui a trait aux dramatiques.
[Français]
Vous n'êtes pas sans savoir que le CRTC tient actuellement des audiences publiques sur le renouvellement des licences des télédiffuseurs conventionnels. Ce processus devait au départ résulter en des renouvellements pour une période de sept ans; cependant, le CRTC, compte tenu du contexte économique actuel, a plutôt opté pour des audiences limitées axées sur un renouvellement intérimaire d'une période d’un an, peut-être un peu plus.
[Traduction]
Au cours de ces audiences, de même que dans l’importante couverture médiatique qui leur a été accordée, il fut avancé que les exigences en matière de contenu canadien, qui font partie des conditions de licences des télédiffuseurs en direct, ont contribué aux difficultés financières que connaissent ces diffuseurs et que, de ce fait, l’on devrait envisager un certain allègement de ces conditions.
Adressons d’emblée cette affirmation: nous qui fournissons le contenu canadien et produisons les dramatiques canadiennes ne sommes pas la source du problème. Ce problème réside ailleurs.
Dans un effort que l’on pourrait qualifier de détermination à niveler par le bas, les télédiffuseurs canadiens ont rivalisé année après année pour verser des sommes de plus en plus importantes pour faire l’acquisition d’une programmation issue des États-Unis. En moins de dix ans, les dépenses pour un tel contenu étranger se sont accrues de 90 p. 100, grimpant de 389,9 millions de dollars en 1999 à près de 740 millions de dollars en 2008.
À titre de comparaison, les dépenses des télédiffuseurs en direct pour une programmation canadienne a augmenté d’un modeste 22,5 p. 100 au cours de la même période, passant de 366,8 millions de dollars à 449,3 millions de dollars. Autrement dit, les dépenses en programmation canadienne par les télédiffuseurs sont demeurées sensiblement les mêmes, représentant 25 p. 100 des revenus publicitaires, alors que la programmation non canadienne a connu une croissance telle, au cours de la dernière décennie, qu’elle représente aujourd’hui plus de 40 p. 100 de ces mêmes revenus.
Malgré des recettes publicitaires en baisse, les télédiffuseurs ont persisté allègrement dans leurs efforts pour se surclasser l’un l’autre dans leurs dépenses pour acquérir une programmation étrangère — provoquant du même coup une flambée des prix. Une telle situation, jumelée à d’autres facteurs tels l’endettement et des décisions d’affaires pour le moins douteuses, s’avère leur problème à eux — un problème qu’ils ont créé de toutes pièces — et non un problème lié aux exigences en matière de contenu canadien.
Il importe de se rappeler que, malgré l’insistance des télédiffuseurs conventionnels sur le fait qu’ils connaissent des difficultés financières, cette industrie demeure profitable. Même si les revenus ont connu une baisse l’an dernier, ce secteur a tout de même généré un profit de l’ordre de 8 millions de dollars — une situation certes enviable, lorsque comparée aux milliards de dollars en pertes financières subies par d’autres secteurs d’activité dans la foulée du tsunami économique que nous vivons actuellement.
Il faut souligner aussi que ces mêmes diffuseurs sont aussi propriétaires de services de télévision spécialisés hautement lucratifs, qui ont connu l’an dernier un taux de croissance de 7,6 p. 100 en terme de revenus, leurs profits ayant atteint 686,1 millions de dollars. Compte tenu du fait que ces services spécialisés, qui connaissent un énorme succès, sont assujettis à des exigences considérablement plus strictes en matière de dépenses et de diffusion de contenu canadien, la notion voulant que les exigences pour un tel contenu soient à blâmer pour les difficultés financières des réseaux devrait être d’emblée écartée.
Les télédiffuseurs conventionnels canadiens se sont vu accorder une licence pour opérer au Canada, dans un cadre protégé et soutenu par le gouvernement fédéral, et doivent en contrepartie contribuer au système de radiodiffusion canadien, entre autres en respectant certaines exigences en matière de contenu canadien. C’est d’ailleurs ce qui en fait des télédiffuseurs canadiens. Aussi canadiens que, disons, l’émission Corner Gas. Le dernier épisode de cette série diffusée pendant de nombreuses années a attiré pas moins de 2,9 millions de téléspectateurs, ce qui en a fait l’émission la plus regardée au Canada la semaine où elle fut diffusée, devant de populaires séries américaines telles CSI et House.
Au cours de ses nombreuses années de diffusion, Corner Gas a toujours maintenu son auditoire au-dessus du million de téléspectateurs, prouvant ainsi que lorsqu’elle est bien promue et diffusée dans une case horaire appropriée, la programmation canadienne est prisée et regardée par les Canadiens. Cependant, si l’on élimine les exigences auprès des diffuseurs en matière de contenu canadien lors de l’octroi de leurs licences, les auditoires canadiens n’auront plus le privilège d’un tel choix.
Depuis l’abandon en 1999 des exigences en matière de dépenses auprès des télédiffuseurs en direct, ces derniers ont fait preuve d’un désintérêt évident à investir dans une programmation prioritairement canadienne sur une base volontaire. En remplacement de ces exigences, le CRTC a instauré les règles de programmation prioritaire, qui exigent des télédiffuseurs conventionnels qu’ils consacrent huit heures par semaine, soit 30 p. 100 de leurs cases horaires à heure de grande écoute, à une programmation canadienne de grande qualité. Ces mêmes diffuseurs tentent maintenant d’éliminer ou d’adoucir ces règles, tout en cherchant à obtenir une certaine latitude quant à leur programmation locale.
La GCR est d’avis que le fait de consacrer huit heures de programmation à heure de grande écoute sur une possibilité de 28 heures ne constitue pas une exigence déraisonnable. En fait, nous croyons plutôt qu’il s’agit, de loin, d’une condition considérablement inférieure à ce qui devrait constituer le minimum standard dans un pays qui peut prétendre compter une industrie locale en bonne santé. Nous croyons pertinent de réaffirmer une chose évidente, c’est-à-dire que c’est le contenu canadien qui fait en sorte que les télédiffuseurs canadiens sont effectivement Canadiens.
Le fait de se voir accorder un droit de licence par un organisme public est un privilège, et comme ce privilège est accompagné d’avantages liés à un cadre de radiodiffusion protégé, il en découle certaines attentes et exigences. C’est le prix à payer pour avoir le droit d’opérer en tant que télédiffuseur canadien. Nous sommes d’avis que tout adoucissement des exigences actuellement en place en matière de programmation prioritaire canadienne serait à la fois inacceptable et totalement injustifiable.
Nous croyons fermement que de telles attentes et exigences devraient au contraire être accrues de façon significative, alors que nous contemplons un système de radiodiffusion dont l’avenir sera davantage canadien. Nous vous encourageons donc, au moment où vous-mêmes contemplez cet avenir, à demeurer de glace devant ces menaces de fermeture de petites stations de télévision et ces appels insistants en faveur d’une diminution des exigences en matière de contenu canadien.
La GCR reconnaît que le secteur de la télévision conventionnelle est confronté à une redéfinition de son modèle d’affaires. Nous sommes cependant en désaccord avec la notion voulant que ce modèle soit périmé. Certes, la situation économique actuelle a sans doute exacerbé les difficultés — même s’il importe de souligner que toutes les composantes du système de radiodiffusion, voire tous les Canadiens, doivent faire face aux douloureuses réalités d’une économie mondiale mal en point.
De ce fait, nous ne croyons pas que le moment soit opportun pour apporter des changements significatifs aux obligations des télédiffuseurs conventionnels. Du point de vue de la GCR, il vaut mieux attendre un retour à une bonne santé économique et ainsi obtenir un portrait plus juste de la situation en télévision conventionnelle avant d’apporter des changements à ce secteur d’activité.
[Français]
Monsieur le président, notre comparution aujourd'hui sera accompagnée d'une soumission détaillée que nous vous remettrons. Entre-temps, je tiens à vous remercier, vous et vos collègues, de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Il me fera plaisir de répondre à toute question, maintenant ou en tout temps par la suite. Merci.
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Merci beaucoup, docteur Fry.
Ce sont là deux excellentes questions. Je répondrai d'abord à celle qui concerne les dépenses pour la programmation étrangère en me basant sur mon expérience personnelle, à Alliance Atlantis.
Je dois dire que la programmation spécialisée et la programmation généraliste présentent des différences. À bien des égards, la programmation généraliste a des avantages sur la programmation spécialisée et ma collègue, Claire Samson, en a énuméré un certain nombre.
Quand j'étais à Alliance Atlantis, nous avions des exigences à l'égard des dépenses à consacrer au contenu canadien et cela s'appliquait aussi à la programmation généraliste avant les changements apportés en 1999 à la politique de télédiffusion. La réglementation exigeait qu'un certain pourcentage de notre revenu brut soit consacré au contenu canadien. Cela voulait dire que chaque année, quand je préparais mon budget de programmation et notre budget d'exploitation, je commençais par le contenu canadien. Il correspondait à 40 p. 100 du budget de l'année précédente. C'était un coût fixe. Nous ne considérions pas cela comme une taxe, mais comme la possibilité de desservir un auditoire.
Deuxièmement, j'avais des frais généraux et d'autres coûts à couvrir. Il fallait que je réalise un bénéfice pour satisfaire mes actionnaires. Je pouvais consacrer le reste au contenu étranger. Ces exigences à l'égard des dépenses m'ont forcé à limiter ma programmation étrangère. Cela m'a empêché d'accélérer ces dépenses au point de ne pas pouvoir faire face à mes autres obligations.
Nous n'avons plus ces restrictions. Le système ne fonctionne plus bien. Les radiodiffuseurs peuvent maintenir leur contenu canadien, et dépenser de plus en plus pour le contenu étranger. Voilà pourquoi leur situation financière est aussi mal en point.
Nous parlerons du Fonds des médias du Canada ou de la question du tarif de distribution, mais il serait honteux que les radiodiffuseurs reçoivent de l'argent alors qu'ils vont surenchérir encore plus pour la programmation étrangère ou consacrer davantage d'argent à la programmation étrangère.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Parmi les nombreuses personnes qui sont venues nous parler de la gravité de la crise, il y avait le directeur d'une très petite station de télévision. Nous l'avons interrogé au sujet des coûts élevés et du montant d'argent qu'il perdait à cause des nouvelles locales. Il a répondu que c'était son marché le plus vaste, que tout le monde écoutait ces émissions, parce qu'elles sont locales, ce qui n'est pas du tout la même chose que l'autre message que nous avons entendu. Ensuite, j'ai commencé à croire que cela a tendance… Dans ma région, tout le monde regarde les nouvelles locales, car c'est le seul moment de la journée où les gens entendent parler d'eux-mêmes.
Je suis en train de lire un excellent livre intitulé Appetite for Self-Destruction: The Spectacular Crash of the Record Industry in the Digital Age. Je vous suggère de le lire. Ils n'ont cessé de répéter qu'ils allaient faire la transition au numérique et qu'ils auraient un plan, mais ils n'avaient aucune intention d'établir ce plan parce qu'ils s'imaginaient que tout continuerait comme d'habitude.
Je fais ce préambule, car je me demande si nous sommes sur le point d'assister à la déconfiture de la télévision en Amérique ou au Canada, car à moins d'un contenu vraiment bon, les jeunes ne vont pas rester toute la soirée à regarder la télé-réalité. Mes enfants et les jeunes de leur génération ne regardent pas la télévision, mais ils regardent beaucoup d'émissions de télévision. Ce sont des émissions de télévision dans différentes langues du monde entier et ils sont à la recherche d'un bon contenu.
On nous demande, en quelque sorte, d'accepter que la solution consiste à éliminer toutes les obligations, à rendre le système le meilleur marché et le plus simple possible sous peine de faillite. Je me demande si nous assistons à l'autodestruction d'un autre secteur qui prétend que si tout coûte moins cher, les gens regarderont la télévision alors que la nouvelle génération a de bien meilleures choses à faire.
Ce préambule m'amène à parler du rôle de la production indépendante, car c'est elle qui assume les risques. Elle doit lever des capitaux. Elle doit soumissionner et si ses idées ne sont pas bonnes, elle n'a aucune chance.
Toutefois, on nous a répondu que nous devons changer la réglementation afin de ne pas… Vous ne semblez pas aussi mal en point que ce que j'ai entendu dire au sujet des producteurs indépendants, mais il faut que les choses se fassent à l'interne. Du moment que c'est produit à l'interne et que c'est meilleur marché, on ne craint pas de dépenser de l'argent. Toutefois, on ne veut pas d'indépendants.
Je me souviens de notre réunion avec M. Péladeau. Il semblait croire que ses obligations envers le FCT étaient une contribution volontaire de sa part. Il a dit qu'il était d'accord pour donner cet argent, du moment qu'il servait à financer son genre de productions, c'est-à-dire son service de vidéos à la carte et son service de production interne et maintenant il est une des seules personnes qui siègent au conseil d'administration et qui décide de la façon dont l'argent est utilisé.
J'aimerais que vous me disiez à quel point il est important que nous ayons une production indépendante, des voix indépendantes et un contenu de haute qualité au lieu de permettre que l'argent des contribuables aille dans un fonds énorme dont bénéficieront cinq géants de la câblodistribution.
Je vous laisse répondre.
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Je voudrai en parler. Je dirais que le secteur de la production indépendante et la communauté des créateurs sont les mieux en mesure de s'adapter aux changements qui vont survenir sur le marché numérique. Nous voyons les changements qui surviennent et nos membres adaptent le contenu qu'ils produisent pour profiter de ces nouveaux débouchés.
Au lieu d'une vision défaitiste d'une industrie de plus en plus réduite dont il faut se disputer des morceaux de plus en plus petits, nous voyons les médias numériques comme la possibilité d'élargir le gâteau à se partager. C'est pourquoi nous parlons de la nécessité d'une stratégie à l'égard des médias numériques. Dans le monde, les consommateurs consacrent un pourcentage de plus en plus important de leurs revenus disponibles au contenu. Le contenu n'est donc pas mort. D'ailleurs, la télévision ne mourra pas demain. Il lui reste encore beaucoup de chemin à parcourir. C'est toujours un véhicule pour les masses. Elle rejoint davantage de foyers que tout autre média et elle est donc encore très importante. Mais elle doit évoluer.
Nous remercions le ministre d'avoir mis en place des mécanismes comme le Fonds des médias du Canada qui fusionnent la télévision et les médias numériques et exigent des stratégies multiplateformes. C'est tout à fait novateur. Nous avons besoin d'un plus grand nombre d'initiatives de ce genre. Par contre, nous ne voyons pas évoluer la stratégie des radiodiffuseurs canadiens. Ils disent que le système ne fonctionne plus et qu'il leur faut plus d'argent. Mais ils ne proposent pas de le réparer. Ils ne proposent pas de solution. Ils ne proposent pas une nouvelle façon de faire si ce n'est qu'ils veulent dépenser moins pour le contenu canadien et obtenir plus d'argent pour pouvoir dépenser plus pour du contenu étranger. Cela ne nous mènera nulle part.
Si vous regardez du côté des États-Unis qui sont très innovateurs, de la Grande-Bretagne et des autres pays, les radiodiffuseurs mettent au point des nouvelles façons de distribuer et de monnayer leur contenu. Aux États-Unis, NBC en est un bon exemple. Hulu est maintenant le troisième endroit par ordre d'importance où les gens vont regarder des vidéos. Ce site Web rapporte de l'argent. Ces réseaux font la transition à l'ère du numérique. En Grande-Bretagne, BBC, qui est le radiodiffuseur public, diffuse son contenu sur toutes les plateformes imaginables. Nous ne faisons pas ce genre de choses. Nos radiodiffuseurs s'en tiennent toujours au vieux modèle comme des dinosaures. Ce sont les producteurs indépendants qui les poussent vers l'avenir.
En fait, ils accaparent tous nos droits, ils acquièrent tous les droits sur les médias numériques, sans les payer, et ensuite ils ne les exploitent pas. Ils nous empêchent de les exploiter. Il n'y a pas d'équilibre. Nous devons rééquilibrer le système.
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Nous croyons que c'est essentiel pour favoriser l'innovation. Nous avons une assez bonne infrastructure. Nous avons une population très instruite. Nous avons une communauté de créateurs qui est respectée. Nous sommes très bien branchés sur le monde de la large bande, mais nous ne nous en servons pas beaucoup.
Nous croyons qu'il est nécessaire que les parties prenantes, les producteurs indépendants, les radiodiffuseurs, l'industrie des télécommunications, les principales institutions fédérales, les institutions éducatives, les joueurs non partisans du marché discutent de la voie à suivre en essayant d'évaluer les pratiques exemplaires des autres pays et de voir dans quel créneau de l'avenir numérique nous pourrions nous spécialiser. Les autres pays le font.
Tel est le but et il faudrait que ce soit un processus non sectaire qui pourra survivre à la prorogation du Parlement. Il faudrait qu'on y consacre beaucoup d'efforts. Cela ne doit pas nécessairement durer longtemps. Cela pourrait être un processus permanent. Il pourrait avoir des ramifications qui continueraient de fonctionner.
Il s'agit d'amener les meilleurs cerveaux de notre pays à voir comment nous pouvons travailler ensemble pour exploiter les débouchés du monde numérique, pour obtenir une part de ce gâteau plus gros dont j'ai parlé. C'est essentiel pour le secteur de la production indépendante, car nous voyons là des possibilités, une croissance et des emplois. Au lieu d'exporter des emplois vers les États-Unis en achetant des émissions étrangères, nous voyons la possibilité d'exporter notre contenu et de ramener de l'argent dans notre pays.
Il me semble évident que la révolution numérique pourrait avoir le même impact que la révolution industrielle, ou même un impact encore plus grand. Nous n'abordons pas vraiment cette situation ensemble, en tant que nation, en essayant de faire ce que les autres pays font assez efficacement. Ils nous devancent sur ce front.
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Merci, monsieur le président,
[Français]
Mesdames et messieurs, je suis Mirko Bibic, premier vice-président aux Affaires règlementaires et gouvernementales de Bell Canada. Je suis accompagné aujourd'hui de Christopher Frank, vice-président à la programmation du Groupe Services vidéo de Bell Canada.
Bell Canada fournit des services de télévision par satellite aux communautés locales partout au Canada depuis 1997. En investissant des milliards de dollars pou bâtir un réseau distinct de télévision et en employant quelque 3 000 Canadiens, les fournisseurs de télévision par satellite ont apporté une concurrence bien nécessaire par rapport aux câblodistributeurs qui, jusqu'à notre entrée sur le marché, détenaient un monopole.
La télévision par satellite atteint pratiquement 100 p. 100 de la population canadienne, y compris des foyers que ne desservent pas les câblodistributeurs. Dans un grand nombre de communautés plus petites, nous offrons une foule de services que n'offrent pas les câblodistributeurs, y compris une programmation en français et ethnique. La télévision par satellite a ajouté au système plus de 1,7 million de nouveaux abonnés nets à la télévision, des abonnés qui auparavant ne pouvaient pas ou ne désiraient pas s'abonner à la télévision par câble. Ces nouveaux abonnés ont permis aux radiodiffuseurs de générer des centaines de millions de dollars en revenus supplémentaires.
[Traduction]
La télévision par satellite est distribuée au moyen d'une infrastructure réseau spécialisée, tandis que les entreprises de câblodistribution fournissent des services de télévision, d'accès à Internet et de téléphonie au moyen d'un seul et même réseau. Cette capacité a permis aux câblodistributeurs de devenir très rentables. Par contraste, la télévision par satellite a accumulé plus de 2,2 milliards de dollars de pertes depuis ses débuts et Bell Télé ne dégage toujours pas de flux de trésorerie positif. En dépit de tous ces défis, Bell considère qu'il s'agit d'une activité d'une grande importance stratégique.
Les radiodiffuseurs traditionnels affirment que la programmation canadienne en général, et la programmation locale en particulier, n'est pas rentable et qu'il en est ainsi depuis de nombreuses années. Ils réclament en conséquence un transfert de richesse des abonnés canadiens à la télévision et des entreprises de distribution de radiodiffusion. Les radiodiffuseurs ont essayé d'orienter le débat à leur propre avantage, en déclarant que la programmation locale était en danger imminent si elle ne continuait pas d'être distribuée comme elle l'a toujours été, par ces mêmes radiodiffuseurs traditionnels. Ils ont menacé de fermer des stations de télévision dans les petits marchés. Garantir des profits aux radiodiffuseurs traditionnels titulaires ne devrait toutefois pas être la préoccupation première. En mettant l'accent sur la livraison d'une expression locale aux communautés locales plutôt que sur les demandes polarisantes des radiodiffuseurs, il est possible qu'émerge une voie d'avenir constructive.
Nous croyons que le gouvernement devrait revoir la politique de radiodiffusion quant au rôle et à l'importance de l'expression locale, aux façons dont elle pourrait être livrée à l'avenir, aux méthodes de financement disponibles et aux contributions que le gouvernement et les intervenants de l'industrie pourraient y apporter. Ce travail pourrait également constituer la base d'une modernisation de la Loi sur la radiodiffusion, dont les principes se fondent sur la façon dont les choses étaient et ont toujours été, plutôt que sur la façon dont elles devraient être à l'avenir.
Dans l'intervalle, pendant que ces enjeux plus larges sont débattus, il existe un certain nombre de façons d'aider les radiodiffuseurs traditionnels qui seraient moins dommageables que des transferts de richesse non justifiés. Permettez-moi de vous fournir quelques exemples pour illustrer les possibilités.
Comme vous le savez, les radiodiffuseurs traditionnels ont la responsabilité de convertir leurs stations de télévision de l'analogique au numérique d'ici à 2011. Les radiodiffuseurs ont déclaré à ce comité que la conversion au numérique leur coûtera des centaines de millions de dollars et, en conséquence, ils essaient de se décharger de leur obligation. Bell Canada a mis de l'avant une proposition constructive qui est d'intérêt public, dont l'un des éléments s'intitule « satellite gratuit ». Notre proposition a été déposée auprès du CRTC la semaine dernière et elle vise à offrir aux radiodiffuseurs traditionnels une solution économique à la livraison de leurs signaux aux communautés plus petites grâce à la technologie satellite.
En vertu de la proposition de Bell, tout signal local actuellement offert dans une communauté y serait distribué s'il offre un minimum significatif de programmation locale. Au total, Bell Télé rendrait ainsi disponible la capacité pour de 30 à 40 canaux à définition standard additionnels, plus un signal régionalement pertinent de chacun des grands groupes de propriété de radiodiffusion. Les consommateurs profiteraient ainsi de la télévision numérique de leur station locale respective, sans frais d'abonnement mensuels. Les radiodiffuseurs éviteraient l'énorme coût de mise à niveau de leurs transmetteurs analogiques dans les marchés où ils estiment que ce n'est pas rentable.
En retour, les économies ainsi réalisées leur permettraient de continuer à exploiter leurs stations de télévision locales. À l'annexe 1, nous avons joint nos déclarations liminaires au CRTC ainsi que les communiqués connexes qui décrivent plus en détail notre proposition de satellite gratuit.
[Français]
Il existe aussi, pour le gouvernement, de nombreuses façons d'aider les stations de télévision locales. Au cours des prochaines années, le gouvernement mettra aux enchères le spectre libéré par les canaux de télévision analogique. Une fraction du produit de cette vente aux enchères pourrait être dirigée vers le soutien à la programmation locale. Le gouvernement pourrait aussi éliminer les frais de la partie II de la Loi sur la radiodiffusion, une taxe controversée payée tant par les radiodiffuseurs que par les distributeurs. Plus de 100 millions de dollars sont ainsi recueillis chaque année auprès de l'industrie, et l'élimination de ces frais aiderait certainement les radiodiffuseurs.
Soutenir notre proposition de satellite gratuit, rediriger le produit des enchères de spectre et éliminer les frais de la partie II de la loi ne sont que trois des façons dont le gouvernement pourrait améliorer la performance financière des radiodiffuseurs sans nuire aux consommateurs. D'autres options pourraient aussi être envisageables, et nous serions heureux de contribuer à la détermination ainsi qu'à l'évaluation de telles solutions de rechange.
Chris.
Il n'y a aucun doute que le secteur de la télévision a connu beaucoup de changements ces dernières années, y compris l'impact croissant d'Internet. Dans le cas particulier des radiodiffuseurs traditionnels, l'un des principaux facteurs de changement a été l'expansion massive des services de télévision spécialisée. Si le nombre de stations de télévision au Canada est demeuré stable à environ 100, le nombre de services spécialisés a ainsi explosé de 21 en 1996 à 145 à l'heure actuelle. Là où les radiodiffuseurs traditionnels étaient autrefois le meilleur, sinon le seul véhicule pour les annonceurs, il existe maintenant de nombreuses solutions de rechange.
Qu'il s'agisse d'un problème structurel, comme l'affirment les radiodiffuseurs traditionnels, ou d'une évolution structurelle, dépend du point de vue. D'autres secteurs, comme les communications, ont sans conteste dû faire des ajustements difficiles en raison des bouleversements dans les goûts des consommateurs, la concurrence et la réglementation. Malgré la croissance des services spécialisés, les radiodiffuseurs traditionnels ont pu maintenir leurs revenus publicitaires à quelque 2,1 milliards de dollars par année, bien que la récession ait exercé une certaine pression sur ces revenus. En réaction à ces pressions, les radiodiffuseurs n'ont pas réduit leurs coûts, ce qui a entraîné une détérioration de leur bénéfice.
Néanmoins, comparativement aux distributeurs de télévision par satellite, les radiodiffuseurs traditionnels ont été exceptionnellement rentables. Au cours des nombreuses années non rentables pendant lesquelles la télévision par satellite a accumulé des pertes supérieures à 2,2 milliards de dollars, nous avons pu continuer à offrir des services de télévision, en partie parce que Bell Canada a d'autres secteurs d'activité qui sont rentables. Les radiodiffuseurs traditionnels sont dans une situation similaire puisqu'ils possèdent aussi des services de télévision spécialisée très rentables. Les données du CRTC de la figure 1 illustrent les importants profits combinés avant impôts des services traditionnels et spécialisés depuis 1996. CTV et CanWest accaparent environ 57 p. 100 des revenus générés par les services spécialisés.
Or donc, la situation actuelle dans le secteur de la radiodiffusion est-elle une crise ou une évolution? Il nous semble qu'il s'agit d'une évolution et que toute l'industrie doit s'ajuster. Les radiodiffuseurs traditionnels s'ajustent en faisant l'acquisition de services très rentables, mais ils cherchent aussi à obtenir le soutien financier des consommateurs ou des entreprises de distribution de radiodiffusion. L'impact des demandes des radiodiffuseurs sur Bell Télé serait, au minimum, de 115 millions de dollars par année. Comme nous l'avons déjà souligné, Bell Télé continue d'enregistrer des flux de trésorerie négatifs et nos moyens ne nous permettent pas un tel transfert de fonds. Les consommateurs canadiens devraient donc malheureusement assumer le coût des demandes des radiodiffuseurs.
Mirko.
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Les radiodiffuseurs traditionnels ont demandé un bouquet d'initiatives de soutien financier, mais nous nous concentrerons sur trois d'entre elles: le Fonds pour l'amélioration de la télévision locale, le tarif de distribution et l'accroissement du nombre de stations locales transmises par les fournisseurs de télévision par satellite.
En ce qui concerne le Fonds pour l'amélioration de la télévision locale, même sil n'a pas encore été mis en oeuvre, le taux de taxation de 1 p. 100 a déjà jugé insuffisant par les radiodiffuseurs. Si leur demande d'un taux de taxation de 3 p. 100 est mise en oeuvre, le Fonds pour l'amélioration de la télévision locale passera à plus de 200 millions de dollars par année. Nous sommes plutôt d'avis qu'il faut s'en tenir au concept original du Fonds pour l'amélioration de la télévision locale, une taxe de 1 p. 100 destinée à la programmation locale.
Pour ce qui est du tarif de distribution, Bell s'oppose depuis longtemps à ce concept pour plusieurs raisons. En vertu du cadre actuel de la télévision, les entreprises de distribution de radiodiffusion fournissent aux radiodiffuseurs, entre autres avantages, une capacité de distribution sans frais. En retour, les entreprises de distribution de radiodiffusion obtiennent le droit de transmettre sans frais les signaux des radiodiffuseurs. Cet arrangement profite aux deux parties, de même qu'aux consommateurs.
Le CRTC a estimé que le tarif de distribution coûterait quelque 450 millions de dollars par année. Dans les faits, cela représenterait un transfert de fonds des consommateurs aux radiodiffuseurs, sans aucun avantage nouveau pour les consommateurs ni aucune garantie que l'argent servira à la programmation locale. Pour financer un tel transfert, les entreprises de distribution de radiodiffusion devraient accroître les tarifs des abonnés d'environ 50 ¢ par canal. Comme l'illustre la figure 2, cela se traduirait par une nouvelle taxe mensuelle d'environ 3 $ à 6 $ pour la plupart des abonnés.
Je signale en passant que les radiodiffuseurs ont dit que le tarif de distribution coûterait la moitié de ce montant. En fait, selon un article publié cette semaine, à Winnipeg, le tarif serait seulement de 1,50 $. Leurs calculs sont erronés et je me ferai un plaisir de vous expliquer pourquoi au cours de la période de questions, si vous le désirez.
Une autre demande des radiodiffuseurs est que les fournisseurs par satellite rendent disponible chaque signal de télévision locale dans tous les marchés locaux au Canada. Bell Télé transmet déjà le signal de plus de 70 stations locales, y compris en provenance de marchés comme Kenora, en Ontario et Terrace-Kitimat, en Colombie-Britannique, soit plus que n'importe quel câblodistributeur. Le CRTC a élaboré ses politiques sur la transmission des stations locales par la télévision par satellite en tenant compte de nos limitations en matière de capacité et Bell Télé a toujours dépassé les normes du CRTC. Étant donné nos contraintes en matière de capacité, l'ajout des canaux locaux restants serait impossible sans abandonner des dizaines de canaux existants de notre programmation, ce qui modifierait fondamentalement notre compétitivité sur le marché.
En conclusion, nous estimons que ce comité ne devrait pas se limiter à considérer la gamme étroite de correctifs réglementaires mis de l'avant par les radiodiffuseurs, parce qu'un grand nombre d'outils de politique publique sont envisageables pour aider la programmation locale sans désavantager les consommateurs.
[Français]
Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions.