:
Bonjour, monsieur le président.
C'est avec plaisir que je me retrouve devant vous une autre fois. Je pense qu'on commence à devenir des amis. Ça fait plusieurs fois, monsieur le président, que nous avons la chance de discuter ensemble.
Le sujet de ma présentation est extrêmement important pour les collectivités locales. Vous savez que la concentration des médias réduit notre possibilité de nous faire entendre dans les médias nationaux et même super-régionaux. Il reste peu de médias locaux où transmettre notre message. C'est donc un peu pour cette raison que nous sommes ici. Nous voulons voir s'il est possible d'améliorer la situation dans les médias locaux.
La communauté francophone hors Québec, dont la communauté francophone du Nord, est encore plus en difficulté en raison des coupes majeures qu'on a pratiquées à la Société Radio-Canada, qui est notre média local pour ce qui est de la télévision et de la radio. Le journal francophone Les Nouvelles de Timmins a aussi subi des coupes importantes et est maintenant devenu un encart du journal anglophone. La possibilité de parler à notre communauté de nos besoins est de plus en plus limitée. Il est extrêmement important que le gouvernement fédéral développe une politique qui permettra aux médias locaux de continuer à faire leur travail.
Il y a deux des recommandations que nous trouvons intéressantes. Il faudrait que le gouvernement fédéral se dote d'une politique d'achat publicitaire local dans les médias où 50 p. 100 du budget serait dépensé dans les médias qui desservent les communautés directement.
Pour les communautés rurales de partout au Canada, Radio-Canada est le seul contact avec les autres collectivités. Souvent, c'est le seul réseau dans les régions. Nous pensons que le gouvernement devrait aussi se doter d'une politique à deux niveaux concernant Radio-Canada. Premièrement, il faudrait que Radio-Canada soit plus axée sur les collectivités locales et moins sur les trois grands centres — Montréal, Toronto et Vancouver. Deuxièmement, nous croyons qu'on devrait augmenter le financement de base de Radio-Canada à 50 $ par électeur ou par citoyen. En Europe, à certains endroits, ce chiffre peut aller de 134 $ à 150 $ par citoyen.
Je préfère répondre à vos questions plutôt que de faire une longue présentation. Je pense qu'on peut avoir de meilleures discussions ainsi. Encore une fois, je vous remercie d'avoir invité une association francophone locale. Pour nous, les médias sont extrêmement importants, surtout les médias locaux, pour transmettre notre message. Il faut pouvoir se faire entendre.
Si vous le permettez, mon collègue de Kirkland Lake va poursuivre la présentation, monsieur le président.
Je représente le secteur Témiscamingue—Baie-James, mais du côté du Témiscamingue.
Pour ce qui est de la télévision en français, on est desservi par Radio-Canada, TVA et TQS, mais tous à partir de Montréal. Autrement dit, on n'a pas les nouvelles à partir de Toronto. On parle très peu de nous, même au niveau régional. Quand on change les nouvelles pour arriver dans notre coin, à Rouyn-Noranda, à Val-d'Or et à des endroits semblables, on parle rarement, sinon jamais, de Kirkland Lake ou de Temiskaming Shores. On reçoit aussi TFO, qui diffuse un contenu ontarien surtout axé sur l'éducation.
Quant à la radio, il y a CBON Sudbury en français qui, à cause des coupes récentes et passées, ne visite plus les régions. Encore une fois, on se rend à Sudbury et dans les environs, mais à moins d'une catastrophe, on ne se rend pas à Kirkland Lake. Concernant les postes de radio anglophones, on a CJKL de Kirkland Lake et CJTT de Temiskaming Shores. Du côté québécois, on a Radio Ville-Marie, qui nous offre quelques programmes une fois par semaine mais qui ne dessert pas la région comme tel.
On n'a pas de journal en français. On était autrefois desservis par Les Nouvelles de Timmins, mais comme Sylvin l'a expliqué, ce journal est devenu un encart du journal de Timmins, de sorte qu'il n'est plus distribué dans notre région. Comme journaux anglophones, on a Northern News de Kirkland Lake et The Temiskaming Speaker de Temiskaming Shores.
En résumé, on a peu de moyens de faire connaître nos activités, nos victoires et tout le reste, à moins que les médias n'en parlent dans une autre langue aux gens de la région afin de les tenir informés. Par conséquent, ça force les francophones à acheter les deux journaux anglophones pour savoir un peu ce qui se passe dans la population francophone.
:
Je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître.
Je représente la Campaign for Democratic Media, un groupe de revendication non partisan sans but lucratif qui oeuvre dans le secteur des médias. Nous sommes un réseau formé de citoyens canadiens, d'organisations de la société civile, d'organisations de consommateurs, de groupes travaillistes, de groupes de revendication sur les médias, d'universitaires, de militants populaires du monde des médias et d'autres personnes qui veulent participer à la création d'un système canadien des médias qui soit diversifié, responsable et de qualité.
La tenue de ces audiences vise à répondre à ce qu'on perçoit comme une crise dans le milieu de la radiodiffusion canadienne — une véritable tempête, au dire de certains —, attribuable aux défis que posent les nouveaux médias aux modèles d'entreprise traditionnels et à une contraction économique sans pareille. Au Canada, le secteur de la télévision est en train de subir une transformation que bien des gens qualifient de permanente et structurelle.
Une des questions sur laquelle nous aimerions que votre comité se penche aujourd'hui est la possibilité que la crise que connaît la radiodiffusion locale soit en fait une manifestation de certaines tensions inhérentes entre les industries culturelles et la responsabilisation en démocratie. Ce que je veux dire, c'est que selon toute vraisemblance, on comprend mieux la grande importance de la programmation locale au Canada si on regarde en quoi les cultures sont démocratiques que si on tente de débrouiller les conflits qui opposent les marchés de la publicité locaux aux marchés régionaux et nationaux.
Au Canada, la radiodiffusion est l'un des éléments qui nous unit sur le plan culturel, politique et économique. À notre avis, vos délibérations devraient avoir pour thème central l'établissement de solutions qui ne sacrifient pas l'un de ces aspects de la société canadienne au profit d'un autre, car ils sont tous aussi importants.
Pour commencer, nous aimerions remettre en question certains présupposés à propos de la situation dans laquelle se trouve la radiodiffusion au Canada. L'influence de facteurs économiques de grande envergure et les changements dans les habitudes de consommation liées aux nouveaux médias ont contribué à précipiter la crise. Mais les facteurs structurels se trouvent aussi au coeur de la crise actuelle, et il y a un risque qu'on les oublie. Nous pensons que ces problèmes demandent l'adoption de solutions novatrices et à long terme.
Par exemple, la situation des marchés locaux n'est peut-être pas si mauvaise, mais le fait est qu'on les ignore. On exige de plus en plus des stations affiliées qu'on a menacées de fermeture et qui desservent ces petits marchés qu'elles satisfassent aux besoins des réseaux nationaux, dont les dettes accumulées et les stratégies de recettes rendent impossible la viabilité des petits marchés, à moins de se débarrasser de la majeure partie de la programmation locale. Les petits marchés peuvent être rentables, et en réalité, ils le sont. Le problème, c'est qu'ils ne sont pas assez rentables pour répondre aux besoins à une plus grande échelle. Par exemple, Canwest Global s'efforce de prendre des décisions à propos de la programmation locale tout en essayant d'amortir une dette d'environ quatre milliards de dollars.
Disons-le sans détour: les habitants de nombreuses collectivités de petite taille perdent la majeure partie de leurs émissions locales pour deux raisons. D'abord, à cause des décisions prises par les entreprises qui n'ont absolument rien à voir avec leurs collectivités, et ensuite, à cause des options limitées qu'offre notre système de radiodiffusion.
Notre système de radiodiffusion est l'un des moins diversifiés du monde et compte la plus forte concentration de la propriété dans le secteur des médias. Les Canadiens n'ont pas de véritable choix en ce qui concerne la radiodiffusion locale, et les dettes et les taux de rendement inatteignables des entreprises empêchent les habitants de se tenir au courant de l'actualité dans leur propre coin de pays. Une partie du problème vient du fait que les stations affiliées locales font partie de réseaux nationaux, pour la simple et bonne raison que les annonceurs nationaux souhaitent avoir accès à un public local. Les flux de rentrées dépendent des marchés de la publicité nationaux, et non locaux. Les tarifs de publicité à l'échelle locale correspondent aux tarifs demandés aux annonceurs à l'échelle nationale; exorbitants, ces tarifs excluent les entreprises locales du marché. Selon nous, le modèle actuel de stations affiliées locales ne répond pas aux besoins des Canadiens — non seulement pour la programmation locale, mais aussi pour les possibilités de publicité locale.
Ces marchés ne sont peut-être pas assez grands pour permettre aux réseaux d'atteindre leurs buts en matière de dettes, mais ils sont assez grands pour accueillir des modèles différents de production télévisée à l'échelle locale. Le modèle centralisé de stations affiliées chargées de la présentation des émissions locales ne fonctionne pas, et on pourrait peut-être même dire qu'il n'a jamais fonctionné. Depuis qu'il y a des audiences sur le renouvellement des licences, on entend des appels désespérés de gens qui souhaitent avoir moins d'obligations liées à la programmation locale. Il nous faut repenser la façon de produire et de présenter des émissions locales dans les collectivités.
Mais peut-être le point le plus important que nous voulons soulever aujourd'hui est le fait qu'il existe un nouvel élément dans le système canadien de radiodiffusion qui n'est pas reconnu; à notre avis, c'est cet élément qui offre la solution à long terme la plus réaliste à la crise que vit la programmation locale. L'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion stipule que le système canadien de radiodiffusion est composé de trois éléments: publics, privés et communautaires. On parle rarement du secteur communautaire, mais pourtant, c'est là que se trouvent les stratégies de programmation pour les nouveaux médias et les modèles d'organisation hybrides qui montrent le chemin à suivre pour mettre en oeuvre des solutions viables à long terme pour la programmation locale. Ces modèles d'organisation hybrides, qu'on appelle parfois des médias fonctionnant selon un mandat ou des médias de la société civile, combinent la sensibilité au marché, les pratiques journalistiques professionnelles et un solide mandat éthique en vue d'assumer des rôles démocratiques, qui consistent à s'assurer que les institutions publiques et privées rendent compte de leurs activités à la population et que les gens ont accès à de l'information exacte, fiable, diversifiée et indépendante à propos de leur collectivité.
Pour être clair, ce ne sont pas des organisations bénévoles du secteur des médias. Ce sont des médias qui travaillent à l'atteinte de multiples résultats, tant sur le plan éthique qu'économique. Comme leurs activités sont guidées par un mandat, une petite marge de profit n'est pas synonyme d'échec, mais plutôt d'avantage.
Les modèles hybrides de médias combinent l'ingéniosité entrepreneuriale à l'engagement des ONG à atteindre des objectifs publics et à la débrouillardise. Au Royaume-Uni, c'est ce qu'on appelle des sociétés de communauté d'intérêts. Ce sont des sociétés à but lucratif dont les taux de rendement sont plafonnés, et leur constitution vise notamment à offrir des services communautaires. De plus, et c'est là un point très important, les actifs de la société sont bloqués et ne peuvent pas être vendus, sauf à une société semblable. Au Royaume-Uni, il y a des milliers de sociétés de communauté d'intérêts qui fournissent toute une gamme de services: logement abordable, arts, éducation et formation, enseignement préscolaire, soutien à domicile, recyclage et médias.
Une approche similaire a été adoptée aux États-Unis, où l'on a créé des sociétés à responsabilité limitée tirant de faibles bénéfices, qui sont aussi appelées L3C. Elles garantissent la nature publique de leurs activités et limitent les dividendes versés aux investisseurs au moyen d'accords d'exploitation. Comme l'ont dit Richard Bridge et Stacey Corriveau dans un rapport récent, le principal but des L3C et des sociétés de communauté d'intérêts est d'introduire des solutions viables sur le marché pour répondre aux besoins communautaires en donnant accès aux vastes réserves de richesse reposant sur le marché afin d'investir de manière responsable dans des enjeux sociaux. La programmation locale est une excellente occasion pour un investissement de ce genre, ce qui permettrait de diminuer la tension entre les besoins démocratiques et industriels, qui a jusqu'ici étouffé la programmation locale.
Au Canada, un exemple de solution hybride est la licence de radiodiffusion communautaire. Il s'agit de stations de télévision locales, à but lucratif ou non lucratif, dont le rôle est de répondre aux besoins des auditoires locaux en matière d'information et de publicité. Ces radiodiffuseurs communautaires n'appartiennent pas à des entreprises de câblodistribution, bien que leurs signaux doivent passer par des systèmes de câblodistribution locaux. Ce sont des stations de télévision indépendantes, qu'il s'agisse de leur propriétaire ou de leur fonctionnement, dont le rôle précis consiste à fournir des émissions locales dans leur zone de couverture. On en compte actuellement 10 au Canada, dont CIMC-TV, ou Telile Télévision communautaire, au Cap-Breton; CHCT-TV, ou St. Andrews Community Television, au Nouveau-Brunswick; CHET-TV à Chetwynd, en Colombie-Britannique; et CHMG-TV à Québec, pour n'en nommer que quelques-unes.
Pour combler le vide dans la programmation locale, ces organisations et les nouveaux radiodiffuseurs communautaires dont les activités sont régies par mandat devraient avoir accès au Fonds pour l'amélioration de la programmation locale. Dans le même ordre d'idées, en plus de rendre accessible le fonds aux radiodiffuseurs locaux, une partie de ces sommes devrait être versée sous forme de subventions uniques pour la création de nouveaux organismes de médias communautaires.
Il existe aussi des possibilités de stratégies hybrides pour les nouveaux médias, des contributions en ligne faites par des groupes de production dont les activités sont régies par mandat et qui se concentrent sur les émissions locales destinées à des auditoires locaux. Comme bien des gens l'ont fait remarquer ces derniers mois, de plus en plus de Canadiens regardent des émissions sur Internet. Il faudrait rendre des ressources disponibles, par l'entremise d'outils comme le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale, en vue d'appuyer les groupes de production locaux qui diffusent leurs émissions principalement sur Internet. En fait, c'est l'orientation que prend notre système de radiodiffusion, et c'est là que l'innovation entrepreneuriale prend tout son sens pour nous aider à transformer les changements structurels en avantages. Ces groupes peuvent fournir des solutions novatrices aux problèmes que connaît la programmation locale.
Une des mesures importantes que peut prendre le gouvernement fédéral pour tirer profit de ces avantages est d'entreprendre une réforme de la loi, qui permettrait la constitution de sociétés à responsabilité limitée à but lucratif, les L3C, initiative qui a été mise en oeuvre au Vermont et qui est prise en considération en Georgie, en Illinois, au Michigan, au Montana, en Caroline du Nord, en Oregon et au Wyoming, et au sein de l'administration fédérale. Nous recommandons aussi que la taille du Fonds pour l'amélioration de la programmation locale soit augmentée à l'aide de fonds fédéraux correspondants. Cette mesure permettrait d'augmenter les ressources disponibles pour faire face à la crise qui touche la programmation locale et donnerait à la population canadienne, grâce à notre système de représentation, une voix au chapitre quant à la façon dont ces ressources sont dépensées.
On devrait aussi rendre le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale expressément accessible non seulement aux réseaux affiliés, mais aussi aux radiodiffuseurs communautaires, aux réalisateurs d'émissions indépendants et aux groupes locaux pour les médias en ligne. Ainsi, la population aurait l'occasion d'accroître la capacité et la diversité du système canadien de radiodiffusion en ce qui a trait à la réalisation et à la distribution d'émissions locales. Le modèle d'un système où quelques réseaux dominent et possèdent un cortège de stations affiliées ne répond pas aux attentes des Canadiens. Il faut encourager l'adoption de nouveaux modèles qui permettent une responsabilité et une diversité accrues à l'échelle locale.
De plus, nous recommandons que la gestion du Fonds pour l'amélioration de la programmation locale soit aussi diversifiée que le système canadien de radiodiffusion, donc qu'on tienne compte des éléments publics, privés et communautaires, des producteurs indépendants et des radiodiffuseurs communautaires. Le fonds doit être contrôlé de manière à rendre compte de la diversité du système de radiodiffusion et à assurer tout particulièrement la représentation des secteurs les plus innovateurs.
Comme nous l'avons dit lors des audiences du CRTC sur la radiodiffusion par les nouveaux médias, nous recommandons que le gouvernement fédéral crée un fonds pour la diffusion sur Internet dans le but d'encourager la production de contenu canadien.
Nous recommandons également que le gouvernement fédéral effectue une vérification du fonds pour les chaînes communautaires. L'an dernier, la télévision communautaire au Canada a reçu 115 millions de dollars, ce qui est presque le double des sommes prévues dans le cadre du Fonds pour l'amélioration de la programmation locale. Selon la réglementation, ce montant doit être affecté à la production et à la diffusion d'émissions qui mettent en évidence la réalité locale. Cependant, des collectivités de partout au pays se plaignent que les entreprises de câblodistribution emploient mal ces ressources en limitant ou en refusant l'accès communautaire. Si le gouvernement fédéral se propose de régler la crise qui touche la programmation locale à l'aide d'un fonds de 60 millions, nous devons nous demander ce qu'il est advenu des 115 millions que les entreprises de câblodistribution ont obtenus de la population.
Quant à la question du financement des radiodiffuseurs en général, d'un côté...
:
Merci, monsieur le président. Je suivrai votre conseil en ce qui a trait à la limite de 10 minutes.
Friends of Canadian Broadcasting sert de chien de garde relativement à la programmation canadienne à l'intérieur du système audiovisuel de langue anglaise au Canada. Notre organisme bénéficie de l'appui de 100 000 Canadiens. Je vous remercie de nous permettre de comparaître aujourd'hui.
[Traduction]
Le modèle de télévision traditionnel — qui consiste à acquérir des émissions américaines, à les entrecouper de publicité canadienne et, par la suite, à subventionner les émissions canadiennes avec les profits qui en découlent — connaît un échec retentissant. Au Canada, les radiodiffuseurs en direct font de la surenchère pour acheter des émissions américaines au moment même où leurs auditoires diminuent. Et maintenant, ils nous disent que les nouvelles locales ne sont plus rentables.
Comme vous le savez, les annonceurs suivent les auditoires. Au cours de la dernière décennie, l'univers de la publicité s'est transformé. Au Canada, la publicité sur Internet est passée de 25 millions de dollars en 1998 à 1,5 milliard en 2008.
Les données du CRTC confirment que les profits des réseaux traditionnels privés sont en chute libre, à un point tel qu'au milieu de 2008, l'ensemble de l'industrie générait un profit minuscule. Il est devenu évident que ce qui aurait pu n'être au départ qu'un ralentissement cyclique est en fait un changement structurel majeur qui menace la viabilité de la télévision traditionnelle. Ces radiodiffuseurs vous disent, ainsi qu'au CRTC, que les auditoires et la publicité sont à la baisse tandis que leurs coûts augmentent, que la transition au numérique est hors de prix et qu'ils ne peuvent pas respecter leurs obligations en matière de programmation canadienne.
Si certains remettent en question la nécessité d'avoir des émissions en direct dans l'avenir, le Parlement et le CRTC ont néanmoins la responsabilité de voir aux besoins des trois millions de Canadiens qui en dépendent. Dans un rapport demandé par le ministère du Patrimoine canadien, la firme Canadian Media Research inc. arrivait à la conclusion qu'étant donné le ralentissement de la tendance au cours des quatre ou cinq dernières années, il semble peu probable que la transmission en direct décline beaucoup plus dans les années à venir. Autrement dit, des millions de Canadiens continueront pendant encore longtemps à regarder la télévision en direct.
Certaines villes dépassent la moyenne canadienne de taux de visionnement par transmission en direct. Il s'agit de Windsor, à 27 p. 100; de Saskatoon, à 15 p. 100; de Montréal, à 14 p. 100; et de Québec et Sherbrooke, à 13 p. 100. Même dans les villes ayant un taux moins élevé, le nombre de téléspectateurs est important; par exemple, Toronto en compte 477 000; Vancouver, 138 000; Edmonton, 113 000; et Ottawa, 111 000. Le rapport de la firme indique que même au sein des foyers abonnés au câble ou à la télévision par satellite, il y a des téléviseurs qui ne sont pas branchés à ces services. Le visionnement par transmission en direct se répartissait comme suit: 25 p. 100 de l'auditoire de TVO en 2006, 16 p. 100 pour CBC, 14 p. 100 pour CTV et 8 p. 100 pour Global.
L'avènement de la conversion aux signaux numériques en 2011 incitera beaucoup de ces Canadiens à s'abonner au câble ou à la télévision par satellite, bien que l'étude de la firme CMRI indique que 26 p. 100 des téléspectateurs qui profitent de la télévision en direct n'ont pas les moyens de se procurer ces services. On peut s'attendre à ce que la conversion au numérique fasse augmenter la rentabilité des distributeurs alors que les diffuseurs d'émissions en direct sont en crise.
Comme vous le savez, aux États-Unis, le gouvernement fédéral subventionne l'achat de convertisseurs numériques par un programme de coupon de réduction. Pourquoi le Canada ne s'est-il pas encore doté d'un tel programme? Et qu'en est-il d'une aide financière offerte aux diffuseurs en direct pour les aider à payer les frais uniques de la conversion au numérique? Même une petite portion des revenus générés par la vente des fréquences analogiques ainsi libérées suffirait amplement.
La politique publique doit reconnaître la contribution essentielle des stations traditionnelles à la culture canadienne et créer des conditions qui permettraient d'avoir des services de diffusion en direct viables, et donc rentables. La seule façon d'en arriver là est d'assurer que la télévision en direct ait les moyens financiers de produire des émissions canadiennes locales.
Les Canadiens se fient à leurs stations locales pour avoir des nouvelles de leurs collectivités — le genre de couverture que les chaînes spécialisées ne peuvent pas fournir. Friends et plusieurs partenaires ont demandé à la firme Pollara de réaliser une étude sur l'opinion des Canadiens sur la déréglementation des distributeurs de signaux, d'après un sondage mené auprès de 1 200 abonnés au câble et à la télévision par satellite; cette étude a été présentée au CRTC en avril 2008. À la page 32, on voit que c'est aux nouvelles locales que la population canadienne accorde le plus d'importance. Il y a aussi un graphique qui illustre clairement la situation, monsieur le président.
L'année dernière, lors d'une audience publique du CRTC, la firme Nanos Research a déclaré que 78 p. 100 des répondants avaient indiqué que les nouvelles locales avaient pour eux une grande ou une très grande importance. Le 2008 TV Trends and Quality Survey: A Report on Canadians' Attitudes toward TV de la firme CMRI, dont Friends reconnaît la validité, corrobore les données de Nanos. Je ne vous les lirai pas, vous les avez. Les nouvelles locales — du moins chez les téléspectateurs anglophones — sont de loin le service le plus important offert à la télévision.
Comme vous le savez, c'est dans les collectivités de petite et de moyenne taille que la programmation locale est la plus menacée, car il y a souvent une seule source. Maintenir la programmation locale à la télévision traditionnelle exige une modification du modèle économique. Le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale du CRTC est une initiative louable qui ne suffira malheureusement pas à la tâche. L'étude de Pollara a établi qu'une majorité des abonnés au câble et à la télévision par satellite serait prête à payer 3 $ de plus par mois pour protéger et améliorer la programmation canadienne. Vous avez ces données dans le graphique.
Friends est d'avis que les stations traditionnelles devraient être financées sur un pied d'égalité avec les chaînes spécialisées; c'est-à-dire que les réseaux qui transmettent en direct devraient bénéficier des revenus secondaires, d'un tarif de distribution, à condition qu'ils s'engagent à utiliser au moins une portion de ces revenus pour maintenir et améliorer leur programmation locale. Nous proposons que d'ici 2011, les réseaux s'engagent à répartir ces sommes en trois: la programmation locale ou dramatique, la conversion au numérique et le résultat net. Par la suite, la répartition devrait se faire aux deux tiers pour la programmation locale ou dramatique, et au tiers pour le résultat net.
Les monopoles de la câblodistribution ne devraient pas avoir le droit de générer d'importants profits grâce à la vente de leurs produits télévisuels dont les stations traditionnelles sont le moteur, sans être obligés de payer ces services qu'ils revendent par la suite. Friends recommande que les monopoles de câblodistribution puissent refiler ces coûts à leurs abonnés seulement si leurs résultats avant intérêt et impôt devaient baisser sous le seuil des 15 p. 100.
Nous proposons également que la télévision anglaise de la SRC abandonne la publicité à la télévision, sauf durant les émissions de sport professionnel. Cette réduction de l'offre publicitaire bénéficierait à la télévision privée. En échange, la SRC devrait être refinancée, soit par un tarif sur les distributeurs par câble et par satellite à déterminer par le CRTC, soit par les revenus généraux du gouvernement, ou par un mélange des deux. Ces mesures transformeraient la télévision de la SRC en véritable radiodiffuseur public. La nouvelle approche pourrait être mise en oeuvre sur plusieurs années, et il y a définitivement lieu de croire que les Canadiens appuieraient cette réforme.
Plusieurs membres actuels de votre comité ont participé activement à un examen d'un an du rôle de radiodiffuseur public au cours de la dernière législature. Vous-même, monsieur le président, présidiez ce comité. L'année dernière, le comité recommandait, dans son rapport intitulé CBC/Radio-Canada: Définir la spécificité dans un paysage médiatique en évolution, que le financement par habitant pour la radiodiffusion publique passe de 33 à 40 $ par année: les dépenses du Canada correspondraient ainsi à la moitié de la moyenne de celles des démocraties occidentales.
Le mois dernier, lors d'un sondage auprès de 3 361 Canadiens commandé par Friends, la firme Pollara a établi que 54 p. 100 des Canadiens appuient votre recommandation, que 26 p. 100 la rejettent parce qu'ils la trouvent trop élevée, et que 20 p. 100 la trouvent insuffisante. Autrement dit, trois quarts des Canadiens trouvent que le financement de la SRC devrait être augmenté pour atteindre au moins 40 $ par habitant par année.
Nous tenons aussi à vous faire part d'un deuxième résultat de ce récent sondage. Pollara a posé la question suivante: « Supposez un moment que votre député fédéral vous demande conseil au sujet d'un vote à la Chambre des communes portant sur le financement de Radio-Canada. Pour quelle option parmi les trois suivantes lui conseilleriez-vous de voter? » La première option était d'augmenter le financement de la SRC du niveau actuel, la deuxième était de maintenir le financement de la SRC au niveau actuel, et la troisième était de baisser le financement de la SRC du niveau actuel. Comme l'indique le graphique, 47 p. 100 des Canadiens conseilleraient à leur député d'augmenter le financement, 31 p. 100 le garderaient tel quel, 9 p. 100 le feraient baisser et 13 p. 100 n'avaient pas d'opinion.
Maintenant, monsieur le président, j'aimerais conclure en vous indiquant à quel point il a été préoccupant pour nous de constater tout récemment, dans le dossier des compressions à la SRC, que l'assurance donnée le 29 avril par le ministre Moore ne concorde pas avec les faits. Nous trouvons cette situation très alarmante.
[Français]
En conclusion, je vous remercie de votre attention et je vous offre mes meilleurs voeux lors de vos importantes délibérations.
Merci, monsieur le président.
:
Bien que notre milieu de production soit solide et bien établi et qu'il puisse être vu comme un microcosme de notre collectivité nationale, l'industrie du Manitoba est une des plus vulnérables compte tenu des tendances actuelles à la centralisation et au regroupement des opérations. Nous sommes le canari dans le puits de mine, si vous voulez.
Lorsque les diffuseurs mettent un frein à leurs dépenses, nous sommes les premiers à en subir les contrecoups. Ils cessent de venir jusqu'à nous lorsque les budgets de déplacement se resserrent; ils s'opposent aux dépenses régionales car celles-ci limitent leurs possibilités; ils regroupent les fonctions de manière à ce que plus personne ne s'occupe de la programmation ni des carnets de commandes dans les stations locales.
Au fil des ans, différentes entreprises familiales de télédiffusion ont été exploitées au Manitoba. On n'a qu'à penser à la chaîne CKY de la famille Moffat, qui appartient maintenant à CTV; à la WTN, Women's Television Network, qui appartient maintenant à Corus; à la chaîne Trinity Television de la famille Thiessen, maintenant une chaîne S-VOX; à la bannière A-Channel locale de la famille Craig, qui appartient maintenant elle aussi à CTV; sans oublier la chaîne CKND de la famille Asper, qui appartient au réseau Global. Toutes ces chaînes, à l'exception de CKND, ont été englouties par des groupes plus importants, et tous ceux qui prennent les décisions liées à la programmation travaillent maintenant dans les plus grands centres.
Les producteurs indépendants sont très entreprenants. Nous jouons depuis un certain temps déjà un rôle de pionniers, grâce à la création de contenu destiné aux nouveaux médias, à l'utilisation de la technologie numérique, à la réalisation de produits en haute définition, à l'obtention de financement à l'étranger et à la vente de nos produits sur les marchés internationaux.
Nous sommes conscients qu'il y a, à l'origine de l'évolution rapide que subit actuellement notre industrie — non pas juste l'industrie mais la société, le monde —, un parfait mélange de changements sociaux, culturels, technologiques et économiques. Nous sommes très occupés à essayer de nous tailler une place dans ce monde et à y tailler la place de nos émissions canadiennes. Idéalement, nous nous voyons le faire en partenariat avec les diffuseurs canadiens.
Le producteur a pour tâche de trouver ou de créer l'idée qui donnera naissance à une émission, puis d'intéresser un diffuseur canadien à obtenir le permis nécessaire à sa diffusion au Canada. Le Fonds canadien de télévision stipule que le montant le moins cher exigé pour un permis de diffusion d'une série dramatique canadienne d'une heure aux heures de grande écoute est de 315 000 $. Cela signifie qu'un diffuseur canadien doit débourser 4 095 000 $ pour pouvoir diffuser une série normale de 13 épisodes.
Le coût total de cette heure de diffusion s'élève à 1,5 ou 2 millions de dollars, et le coût total de cette série sera de l'ordre de 19,5 à 26 millions de dollars. Le diffuseur ne déboursant que 4 millions de dollars, c'est au producteur de trouver le reste du financement. Le producteur est donc tenu de trouver de 15 à 22 millions de dollars. Nous ne nous opposons pas à cette démarche, mais nous cherchons à faire reconnaître l'énorme travail que nous avons à accomplir pour permettre la production de ce contenu. Le producteur doit emprunter de l'argent à la banque pour financer les contrats et compenser les crédits d'impôt qui ne seront payés qu'après la production de l'émission, et c'est lui qui est responsable de cet emprunt et de toutes les dépenses engagées en sus du budget établi. De plus, le producteur souscrit une assurance, protège les employés, est propriétaire du produit. Le diffuseur achète les droits de diffusion ou les loue pour cinq ou sept ans, selon les modalités des ententes, pour présenter l'émission sur les ondes canadiennes. Le producteur doit se rendre en France, en Allemagne, en Italie ou ailleurs dans le monde pour trouver le reste du financement et vendre le produit, de manière à pouvoir rembourser les investisseurs.
Le diffuseur, quant à lui, doit susciter l'intérêt du public canadien pour l'émission. Cela se fait en trouvant le bon créneau horaire, ce qui signifie que le diffuseur doit s'assurer que l'émission est diffusée à une heure où les gens sont à l'écoute, et également grâce à la promotion et à la publicité, qui font connaître le produit auprès du public. Souvent, chez les diffuseurs privés canadiens, les émissions produites aux États-Unis ont préséance et sont placées dans des créneaux où elles seront diffusées simultanément dans les deux pays, ce qui fait que les émissions canadiennes doivent se contenter des créneaux restants. Les émissions canadiennes profitent rarement d'une promotion de l'ampleur de celle orchestrée pour les émissions américaines; de plus, si l'émission canadienne obtient des cotes d'écoute décevantes, on en tirera la conclusion que les émissions canadiennes n'intéressent pas les téléspectateurs et ne sont pas rentables. J'ai entendu affirmer ces deux choses récemment lorsqu'il a été question de soustraire les diffuseurs à leurs obligations de présenter des émissions canadiennes. Toutefois, lorsqu'on accorde à la série canadienne Flashpoint le budget nécessaire, le bon créneau horaire et la promotion dont bénéficie normalement une émission produite aux États-Unis, elle est un succès, ce dont nous sommes tous très fiers.
Dans ce monde numérique où les téléspectateurs peuvent avoir accès à des émissions américaines sur le Web, les diffuseurs canadiens consitueront leur marque singulière grâce à leurs émissions canadiennes. Nous ne voyons pas les productions canadiennes comme étant le problème; nous pensons plutôt qu'elles sont la solution.
:
Je ne suis pas un spécialiste des compressions de Radio-Canada. Par contre, je peux vous dire qu'à la suite des dernières compressions annoncées en raison du manque de revenus publicitaires, la seule émission consacrée aux affaires publiques en Ontario français, soit une émission de 30 minutes sur la première chaîne de Radio-Canada, a été supprimée. Dans la région de Windsor, il y avait une station francophone locale. Or, tout ou à peu près a été supprimé.
Comme vous le savez, Radio-Canada est la symbiose d'un réseau français et d'un réseau anglais. On ne peut donc pas nécessairement les séparer. Le fait que Sudbury et Thunder Bay perdent plus de la moitié de leurs journalistes a des répercussions. En effet, il va y avoir moins de personnel pour aller recueillir l'information et, par conséquent, moins de gens pour la retransmettre. Si les communautés francophones ne sont capables ni de se parler entre elles ni de parler au reste du Canada, particulièrement aux décideurs publics, aussi bien dire que nous n'arriverons plus à faire avancer notre combat. Les médias locaux sont essentiels.
Dans le cadre d'un débat sur Radio-Canada, j'avais fait valoir un point à un député. Même vous, les députés, dépendez des médias locaux pour faire passer votre message et vous adresser à vos concitoyens. Ça exclut évidemment ceux qui ont la chance d'être dans les régions de Toronto, Montréal, Ottawa ou Vancouver. Il reste que les autres doivent passer par les médias locaux. Or, ces médias sont de moins en moins nombreux.
Je vais vous donner un exemple. En Ontario, chaque bulletin d'information de l'émission de télévision Ce soir traite de Timmins pendant environ une minute et demie. La région de Timmins compte à peu près 29 000 francophones. À MCTV, qui dessert la population en anglais à partir de Barrie en descendant, on parle de la région de Timmins pendant trois minutes en moyenne par bulletin. On a vraiment de la difficulté à faire passer le message.
J'ai écouté les mémoires, que j'ai trouvé extrêmement intéressants. Pour nous, cependant, en tant que communauté et association locales, la question est de savoir si dans 10 ans, il restera quelqu'un pour porter notre message. On commence à penser qu'il n'y aura plus personne. Dans le cadre des dernières compressions à Radio-Canada, le nord de l'Ontario a été la région la plus frappée, par habitant, en termes de postes supprimés. C'est extrêmement inquiétant.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
À titre d'information pour mes collègues, je tiens à préciser que deux bonnes choses ont été annoncées aujourd'hui. Bien sûr, la première, c'est que 5 p. 100 du budget de Radio-Canada représente maintenant 56 millions de dollars, ce qui prouve, monsieur le président, que le budget total s'élève à plus de 1,1 milliard de dollars, et je suis heureux que ce soit officiellement annoncé. C'est bien sûr ce que nous disions depuis un certain temps.
Deuxièmement, en ce qui concerne l'examen stratégique, monsieur le président, j'aimerais simplement souligner aux membres du comité qu'il s'agit d'un processus entrepris par tous les ministères dans tous les secteurs du gouvernement. Bien sûr, l'objectif de l'examen stratégique est de repérer les processus, les activités des ministères qui font partie du 5 p. 100 des processus et activités les moins rentables. Il ne s'agit pas de coupures, et toute allusion à cet égard est complètement fausse. Il s'agit en fait d'assurer une bonne utilisation des deniers publics, d'utiliser l'argent des contribuables de façon optimale.
Ce n'est toutefois peut-être pas une grande préoccupation pour l'autre côté de la table, monsieur le président. Mais pour ce qui est des députés ministériels, des gens de ce côté-ci de la table, je vous assure qu'ils sont très préoccupés d'utiliser de façon efficace et optimale l'argent des contribuables. Voilà la raison d'être de l'examen stratégique.
Il n'y a aucune incohérence dans ce que le ministre a dit. Il a promis un financement de plus de 1,1 milliard de dollars à Radio-Canada, et c'est ce qu'elle va recevoir.
Maintenant que j'ai fait la lumière sur la situation, monsieur le président, j'aimerais m'adresser à M. Lithgow.
Quelques-uns des éléments que vous avancez, monsieur Lithgow, me semblent très intéressants. Tout d'abord, vous avez dit que notre système de radiodiffusion était l'un des moins diversifiés au monde. Vous avez parlé du fait que les sources de revenu des stations de télévision locales dépendaient de la publicité nationale. Je ne sais pas si vous l'avez vu, mais nous avons reçu le Jim Pattison Group. Corus est aussi venu faire une présentation sur les stations de télévision locales qui sont réellement locales, qui présentent en fait des campagnes publicitaires dans leur localité. Ces stations ne reçoivent pas de programmation nationale très dispendieuse, et elles s'en sortent plutôt bien. Nous avons aussi vu quelques stations qui apparemment n'y arrivent pas et qui ont été reprises par une entreprise qui, franchement, n'aurait aucune envie de prendre en charge des radiodiffuseurs affiliés perdus.
J'aimerais vous poser une question. Vous avez dit que c'était le modèle fondé sur l'affiliation des radiodiffuseurs qui ne fonctionnait pas, et non pas la télévision locale, et des témoins de Corus et du Pattison Group ont dit la même chose. En fait, ils sont d'avis que la télévision locale fonctionne bien. Pouvez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet? Qu'entendez-vous par télévision affiliée et télévision locale, et quelle différence y a-t-il entre les deux?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais simplement revenir au sujet de notre discussion. Il est question aujourd'hui de l'évolution de l'industrie de la télévision au Canada et de son impact sur les collectivités locales. À mon avis, la grande question est, et a toujours été, que les collectivités locales n'ont plus accès à la programmation. Je ne sais pas si M. Morrison s'en souvient, mais j'ai posé la question au ministre la dernière fois, en prenant comme exemple la ville de Kamloops, qui est loin d'être une petite collectivité. Je pense que le ministre n'a essentiellement pas répondu à ma question. Je pense qu'il a commis une erreur en disant que, si Kamloops n'arrivait pas à obtenir de la programmation, elle avait un problème, point final.
Le problème qui touche les collectivités locales, ce qui a été bien dit, c'est qu'elles ne peuvent pas avoir d'informations locales. Cependant, à cet égard, Radio-Canada a un mandat direct pour pouvoir représenter les régions du Canada les unes auprès des autres. Le mandat de la SRC d'être présente dans les petites collectivités est tout aussi pertinent que la programmation locale des petites stations de télévision et de radio locales. Nous sommes donc d'avis que Radio-Canada a un énorme rôle à jouer pour répondre aux besoins des collectivités locales.
Par ailleurs, tout le monde dit que Radio-Canada a terriblement besoin de financement parce que ses émetteurs s'écroulent, et que sa capacité de diffusion dans les petites collectivités en est affectée. Par conséquent, comme vous le savez — et je me souviens très bien que M. Morrison a assisté à notre examen sur Radio-Canada — nous avons examiné longuement la situation de la SRC et nous avons produit un très bon rapport dans lequel nous précisions que Radio-Canada avait besoin de plus de financement, comme l'a dit M. Morrison.
La nature du problème est la suivante: Si Radio-Canada a besoin de plus de financement — pas d'un financement réduit ni d'un financement égal — et qu'elle n'obtient pas ce financement, est-ce que l'un d'entre vous sait ce qui va arriver à la programmation locale qui vient d'un niveau national, qui permet de représenter chaque région, de sorte que les petites régions puissent se comprendre les unes les autres? Est-ce que quelqu'un peut me dire ce qui se produirait si nous maintenions le statu quo dans ce dossier?
:
Bonjour. Je suis content d'être ici, parmi vous, aujourd'hui.
Je m'appelle Tom Perlmutter. Je suis le commissaire du gouvernement à la cinématographie et président de l'office. Claude Joli-Coeur, le commissaire adjoint, m'accompagne.
[Traduction]
Nous sommes ici pour parler de l'avenir de la télévision au Canada et de l'impact de la crise de l'industrie télévisuelle dans les collectivités locales du Canada. Depuis 70 ans — nous avons célébré notre 70e anniversaire cette année — l'Office national du film joue un rôle vital dans la société canadienne en tant que producteur et distributeur public d'oeuvres audiovisuelles d'intérêt public. Nous sommes reconnus comme chef de fil dans le domaine de la production de documentaires, de films d'animation et de produits de nouveaux médias.
Au cours des six dernières années, l'ONF a été cinq fois en nomination aux Oscars et a remporté deux statuettes, il a été en nomination aux Emmy et il a reçu le prix du meilleur court métrage à deux reprises à Cannes. Il a été en compétition au festival Sundance, au Festival international du film de Toronto et à d'autres festivals d'importance partout dans le monde. Dans sa programmation de cette année, Hot Docs a mis l'ONF à l'honneur en lui accordant le type d'attention qu'il réserve au cinéma national. De plus, le festival a rendu hommage à notre grande cinéaste autochtone, Alanis Obomsawin, en présentant une rétrospective de son oeuvre et en lui remettant une distinction pour ses réalisations exceptionnelles. En octobre, l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences a rendu hommage à l'ONF à Washington. Le mois dernier, Cannes a remis à l'ONF une médaille d'or en reconnaissance de sa contribution remarquable au monde du cinéma et de la télévision.
Nous sommes, sans aucun doute, la marque de commerce canadienne la plus connue à l'échelle internationale dans le domaine du cinéma, et cela nous permet de servir la population de toutes les régions du Canada en assurant une présence canadienne solide dans un univers mondialisé et numérisé. Fait intéressant, cette réputation internationale repose sur notre engagement envers les collectivités locales et régionales et les liens que nous avons établis avec elles, ce qui m'amène à parler du sujet d'aujourd'hui.
Bon nombre des activités que nous entreprenons sont destinées à subir les contrecoups de ce que nous appelons les déficiences du marché — c'est-à-dire, la création de biens collectifs qui procurent des avantages socioéconomiques à long terme pour les collectivités locales et pour la population canadienne. Il peut s'agir d'entreprendre des activités liées, par exemple, à l'innovation technologique, mais aussi de permettre le perfectionnement des nouveaux créateurs partout au pays, de travailler avec des cinéastes des communautés autochtones, ethnoculturelles et de langue officielle en situation minoritaire, d'offrir un service médiatique aux collectivités mal desservies et de créer de nouvelles formes d'expression quand le marché ne peut lui-même se permettre de prendre les risques. Nous offrons aux créateurs une tribune pour leur permettre de créer de nouvelles formes d'oeuvres audiovisuelles authentiques et pertinentes qui véhiculent les différents points de vue canadiens ici et dans le reste du monde. Il s'agit de biens publics qui procurent des avantages socioéconomiques à long terme pour les collectivités locales, pour l'industrie de l'audiovisuel et pour le Canada.
J'aimerais aussi souligner que nous jouons un rôle crucial en commémorant les grands changements et événements qui touchent la société canadienne et en les communiquant à tous les Canadiens. C'est ce que nous avons fait dans le cadre de la célébration du 400e anniversaire de Québec. Avec l'aide de Patrimoine canadien, nous avons distribué 26 000 boîtes dans les écoles et les bibliothèques publiques partout au Canada. Ce genre d'activité revêt une importance phénoménale parce qu'il permet aux régions de se faire entendre partout au Canada et de faire partie de la société canadienne. Par exemple, nous travaillons actuellement en partenariat avec le Comité d'organisation des Jeux olympiques de Vancouver dans le but d'utiliser les nouveaux médias numériques pour faire participer les Canadiens partout au pays, pour qu'ils puissent se faire entendre et pour qu'ils puissent échanger entre eux.
L'ONF n'est pas un radiodiffuseur, mais nous faisons partie de la voie de l'avenir. Aujourd'hui, au coeur du bouleversement technologique et économique, l'ONF met ses pouvoirs de création au profit de l'environnement numérique multiplate-forme. En explorant les occasions qu'offrent les nouvelles technologies, en mettant à l'essai de nouveaux modèles d'affaires et en garantissant une distribution dans les collectivités éloignées et mal desservies, l'ONF offre aux Canadiens toute une gamme de possibilités.
La transition du signal analogique au signal numérique constitue le changement technologique fondamental qui vient modifier profondément le secteur de l'audiovisuel à tous les niveaux. Elle touche la conception, le développement, la production, la distribution, la présentation et la nature de l'engagement social par l'entremise des médias. Cette transition vers le numérique crée de nouvelles plates-formes de présentation qui réorganisent l'environnement et fragmentent les auditoires. Cette transition a des répercussions profondes sur la radiodiffusion locale.
Mais cette transition peut avoir des répercussions positives, car elle permet aux gens de la région de trouver leur place par des moyens dont ils n'auraient peut-être pas pu disposer par le passé. La technologie numérique offre davantage de souplesse dans la conception et le développement et elle permet de fournir aux minorités ethniques, linguistiques et autres, une programmation hautement spécialisée et personnalisée qui réponde aux besoins des régions. L'Office national du film, qui relève du gouvernement fédéral, a ces collectivités à coeur et veille à ce qu'elles communiquent entre elles, bref, à ce que nous échangions entre nous. Nous avons à coeur la nouvelle génération de cinéastes et le jeune public.
À l'heure actuelle, bien des pays, tout particulièrement en Asie et en Europe, ont adopté une vision quant à la technologie numérique pour s'y adapter et en faire la promotion. Le Canada commence à accuser un retard, et nous devrions nous en préoccuper. L'ONF estime aussi que nous devrions prendre les rênes dans ce dossier. Nous allons donc de l'avant dans la création et la distribution numériques pour en démontrer le bien-fondé à différents égards. Par exemple, nous avons mis sur pied l'un des premiers réseaux de e-cinéma au Canada dans le cadre d'un projet pilote. Le projet que nous menons au Nouveau-Brunswick, en Acadie, réunit cinq collectivités et leur permet de révéler au grand jour, par le biais du cinéma, l'identité de leurs collectivités et des autres collectivités du Canada, et ce, en français, ce qu'elles n'auraient pas eu la chance de faire en temps normal. C'était une première. L'expérience a été grandement appréciée et se poursuit depuis près d'un an.
L'accès à notre collection de documents audiovisuels est essentiel à tous les Canadiens et prioritaire. En janvier, nous avons inauguré notre espace de visionnage en ligne national, qui offre maintenant 1 000 productions de notre collection, qui en compte 13 000. C'est une véritable mine de récits et de renseignements locaux dans les deux langues officielles; d'un simple clic, le public peut entrer en contact avec la vie des Canadiens des quatre coins du pays et être témoin de leur créativité.
Nous renforçons également notre rôle dans le milieu de l'enseignement à l'échelle locale. Présentateur éprouvé de contenu régional et partenaire précieux des enseignants canadiens, l'ONF accroît le nombre de productions disponibles en ligne et rejoint ainsi les jeunes Canadiens par le biais de l'outil de leur choix. Par exemple, l'ONF offre, en partenariat avec LearnAlberta.ca, plus de 100 films en ligne à toutes les écoles de l'Alberta, d'une façon très similaire aux visionnements dans les collectivités, qui demeurent importants pour nous et les collectivités avec lesquelles nous travaillons. La diffusion de notre travail et de nos histoires sur le Web permet de rassembler les Canadiens.
Les nouveaux médias attirent un public qui ne cesse de croître, mais la programmation locale à la télévision fait toujours partie intégrante de la vie politique, économique et culturelle de notre pays. Les émissions locales divertissent et informent les gens. Elles contribuent grandement au développement des communautés et favorisent les échanges entre elles. La télévision traditionnelle demeurera importante dans les années à venir. En fait, nous sortirons sous peu un film qui traite de l'influence considérable d'une station de radio locale sur la petite communauté de Fort McPherson, dans les Territoires du Nord-Ouest. Le film a été réalisé par le cinéaste Dennis Allen, d'Inuvik.
Nous ne produisons pas nous-mêmes de nouvelles locales et nous ne pouvons offrir de les diffuser, mais nous tentons de combler des lacunes qui ne peuvent être comblées autrement. C'est exactement ce que nous avons fait pendant les festivités du 400e anniversaire de la ville de Québec, que nous avons fait voir à tous les Canadiens.
Nous travaillons actuellement à un projet pluriannuel d'envergure sur les pensionnats. C'est une façon de révéler les histoires des diverses régions du pays qui se cachent derrière les touchantes excuses que le premier ministre a présentées l'été dernier.
Nous avons des productions régionales en anglais et en français qui proviennent des quatre coins du pays. Le film Sabrina' s Law, produit au centre des Prairies et diffusé l'an dernier sur la chaîne Global, raconte une histoire qui touche les Canadiens, mais vient d'un endroit particulier. The Big Drive est un court métrage d'animation de la cinéaste primée Anita Lebeau, de Winnipeg, qui raconte une histoire intimement liée à une enfance vécue dans les Prairies. Je peux vous assurer que cette histoire très originale à saveur régionale fera le tour du monde.
Nous avons des productions qui viennent de Terre-Neuve, de l'Île-du-Prince-Édouard et de partout au pays. Radiant City, un film de l'Albertain Gary Burns, dont l'histoire se déroule principalement à Calgary, a été visionné à divers endroits au Canada et dans le monde.
Nous faisons des productions au Yukon et au Nunavut.
[Français]
L'Office national du film le fait également en français. On a fait beaucoup de projets en français non seulement au Québec mais à travers le pays, soit en Acadie, dans l'Ouest et dans le Nord. Cela demeure très important pour assurer la production des oeuvres qui ne peuvent être produites autrement.
J'arrive à ma conclusion. On est dans un processus de changement profond. On a besoin de vraiment considérer globalement tous les enjeux.
[Traduction]
Nous faisons notre part. Dans bien des secteurs, nous sommes chef de file. Mais du point de vue de l'industrie et dans nos politiques publiques, nous devons adopter une approche plus vaste et à plus long terme. Nous devons faire travailler les secteurs public et privé en partenariat en vue de la mise au point d'une stratégie numérique nationale qui constituera le fondement de l'économie de l'avenir dans le milieu de la création.
Nous devons voir à ce que les infrastructures nécessaires existent et mettre en place des réseaux numériques à la fine pointe. Nous avons besoin de formation et nous devons mettre sur pied de nouveaux modèles d'affaires et de financement.
[Français]
Les défis auxquels nous sommes confrontés peuvent être des occasions formidables de nous dépasser et d'établir de nouvelles frontières. Il faut tous nous unir dans cette aventure et avoir une vision pour l'avenir.
[Traduction]
Nous pouvons relever ce défi et créer des possibilités sans précédent si nous osons le relever, si nous sommes suffisamment audacieux et si nous avons une vision.
Merci.
:
Bonjour, monsieur le président Schellenberger et mesdames et messieurs les membres du comité.
J'ai le privilège de présider le Syndicat des communications de Radio-Canada depuis deux ans. Je m'appelle Alex Levasseur. Je vous présente la vice-présidente du syndicat, Mme Micheline Provost.
Notre organisation existe depuis 41 ans. Elle représente plus de 2 000 personnes dont 1 600 travaillent très régulièrement pour la Société Radio-Canada à Montréal, en région et aussi à Moncton. Les membres de mon syndicat sont essentiellement les gens que vous entendez à la radio, que vous voyez à la télévision et dont vous lisez les textes sur Internet. Ce sont aussi des gens en coulisses qui préparent les contenus de ces émissions et qui les rendent possibles. Nous travaillons en information et aux émissions générales de la radio. En télévision générale, nous sommes de moins en moins présents en raison des choix que vous avez faits dans le passé.
Les modes et les tendances sont parfois tentantes. Si je suivais la mode, par exemple, je serais probablement aujourd'hui devant vous avec des cheveux verts ou mauves, j'aurais des anneaux dans les oreilles ou dans le nez et peut-être ailleurs, mes jeans seraient intentionnellement troués et rapiécés, et je vous dirais « Yo man! ». Mais j'ai résisté.
Bien d'autres avant moi ici vous ont invités à suivre les mêmes chemins, à laisser de côté les vieilles institutions publiques pour suivre les voies de l'avenir, des voies privées vers des producteurs et des diffuseurs privés. Moi, je vous invite à y résister.
Les Québécois sont attachés comme jamais à la Société Radio-Canada. Un sondage réalisé le mois dernier et dont vous parlera plus amplement ma collègue Chantal Larouche démontre cela très clairement: 67 p. 100 des Québécois et Québécoises accordent une grande ou une très grande importance à la Société Radio-Canada lorsqu'il est question de diffusion de culture. Ce chiffre monte même à 73 p. 100 lorsqu'il est question d'information.
L'acteur et comédien bien connu Rick Mercer disait ceci devant votre comité il y a quelques années: « Nous aimons la SRC et nous haïssons la SRC. Pourquoi? Parce que la SRC est à la radiodiffusion ce que les légumes sont à l'alimentation [...] ». Sans le soutien financier du Parlement canadien, c'est toute notre alimentation intellectuelle qui va s'appauvrir.
Le 25 mars dernier, le PDG de Radio-Canada annonçait des compressions de budget de 171 millions de dollars et 800 mises à pied. Vendredi dernier, il nous informait que le gouvernement fédéral ajoutait un autre montant de 56 millions de dollars aux compressions. Il y aura donc encore des coupes de postes, encore des réductions dans la programmation. Où cela va-t-il s'arrêter?
Pourtant, en 2003, le président de ce Comité du patrimoine canadien, M. Clifford Lincoln, faisait des recommandations pour un financement pluriannuel stable et augmenté. Vous-même, monsieur le président, faisiez de même en février 2008 et recommandiez de porter le financement annuel de Radio-Canada/CBC à 40 $ par Canadien.
Que s'est-il passé? En fait tout le contraire.
Notre syndicat a fait une tournée de consultations, il y a un an et demi. Nous avons rencontré nos confrères et nos consoeurs partout au Québec et à Moncton. Ils nous ont parlé et ils nous ont décrit leurs conditions de travail. Laissez-moi vous dire que là-dessus, ils étaient intarissables. Partout, nous avons entendu des gens souffrir: souffrir du manque de moyens pour faire leur travail, souffrir du manque de remplacement dans les salles de nouvelles, souffrir du manque de visibilité de leur travail à l'antenne nationale. La présente ronde de compressions, permettez-moi de vous le dire, les a anéantis.
Certains se préoccupent beaucoup d'émetteurs, de caméras numériques et des plus récents gadgets. À quoi tout cela nous sera-t-il utile si tout ce qu'il nous reste à diffuser est une maigre pitance, probablement d'origine américaine et traduite en français, ou si c'est pour revoir Les belles histoires des pays d'en haut. Ne nous trompons pas de ce sujet. Dans la crise de la télévision que nous traversons, c'est le contenu de la télévision qui est en danger, pas les émetteurs numériques haute définition.
Ce matin, dans un quotidien montréalais, l'animateur vedette Guy A. Lepage disait justement, et je me permets de le citer en conclusion:
[...] c'est comme si le gouvernement ne réalisait pas qu'investir dans la culture, c'est comme investir dans les routes, dans la fonction publique ou dans la santé. C'est non seulement un besoin collectif, mais en plus, ça rapporte énormément d'argent [...]
Vous êtes, monsieur le président, mesdames et messieurs du Comité permanent du patrimoine canadien, le mieux placés pour faire en sorte que vos recommandations soient écoutées. Qu'avez-vous l'intention de faire pour qu'il en soit ainsi? Qu'avez-vous l'intention de faire pour que CBC/Radio-Canada ait accès à un financement pluriannuel, stable et augmenté? Qu'avez-vous l'intention de faire pour que les régions aient droit à un service public équitable ou pour développer des contenus pour les nouvelles plateformes issues des technologies émergentes? Qu'avez-vous l'intention de faire pour que la culture de langue française rayonne au Canada et au Québec?
:
Bonjour, monsieur le président, membres du comité. Merci d'avoir accepté de nous accueillir.
La Fédération nationale des communications regroupe près d'une centaine de syndicats représentant environ 6 000 artisans des médias écrits et électroniques du Québec, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. Elle représente la majorité des syndicats de journalistes et de techniciens qui travaillent pour des grands journaux et des grands réseaux privés et publics de radio et de télévision, dont celui de Radio-Canada.
La fédération estime que le Comité permanent du patrimoine canadien a le mérite de favoriser la réflexion sur un environnement complexe dans lequel évoluent les médias. Au fil des ans, le comité a produit des rapports très importants et pertinents qui n'ont malheureusement pas obtenu toute l'attention attendue de la part du Parlement. Il nous apparaît urgent que le gouvernement canadien adopte les recommandations produites à ce jour par le Comité permanent du patrimoine canadien, mais aussi par le comité sénatorial traitant de la concentration des médias, de manière à assurer l'avenir du système canadien de radiodiffusion et l'intérêt public.
Les profonds bouleversements qui affectent les médias rendent nécessaire l'adoption de mesures qui permettront non seulement d'assurer la viabilité et la rentabilité de l'industrie, mais aussi de réduire les risques d'affaiblissement de nos valeurs sociales, culturelles et démocratiques. Nous devons tout mettre en oeuvre pour garantir l'accessibilité abordable à des services canadiens de qualité et diversifiés, tant au niveau local que régional et national.
Le droit du public à l'information indépendante des intérêts commerciaux des médias doit aussi être protégé. Le contexte nécessite que l'on reconnaisse l'importance du rôle du radiodiffuseur public et qu'on lui donne tous les moyens nécessaires pour assumer pleinement ce mandat. La télévision est encore aujourd'hui la source où s'alimente la majorité des Canadiens pour s'informer. Les émissions et l'information locales doivent demeurer une priorité du système canadien de radiodiffusion. À cet égard, la FNC estime que le CRTC a erré en autorisant le réseau privé TQS à ne pas gérer de salles de nouvelles et à réduire ses obligations en matière d'information. La télévision généraliste doit produire et diffuser des nouvelles locales et nationales.
La FNC déplore aussi que le diffuseur public, Radio-Canada, ait retiré de son réseau conventionnel l'émission d'information du matin pour la diffuser sur le réseau RDI, uniquement accessible par câble. Les pressions financières imposées à la programmation locale et canadienne sont nombreuses, mais il est quand même possible d'améliorer la situation. Il est essentiel de rétablir l'équilibre entre le financement des services spécialisés et traditionnels. Les données du CRTC témoignent de la vigueur des services payants et spécialisés et d'une situation financière nettement inférieure de la télévision conventionnelle canadienne privée et publique.
Pour préserver l'apport exceptionnel de la télévision généraliste au système canadien de télévision, on doit lui donner accès à des revenus supplémentaires issus des redevances des services de distribution. Les nouveaux médias, la fragmentation de l'auditoire, les changements dans les habitudes d'écoute et la convergence ont des répercussions sur la télédiffusion locale et généraliste. Certaines solutions demanderont aux télédiffuseurs de revoir leur plan d'affaires. Le CRTC doit aussi renforcer ses politiques pour obliger, par des engagements quantitatifs, la télévision généraliste à produire et diffuser des émissions locales et régionales, de même que des bulletins de nouvelles et des émissions d'information.
Actuellement, le seul encouragement qui amène les télévisions locales à produire des contenus, c'est celui qui les oblige à le faire si elles veulent avoir accès à la publicité. On estime que le CRTC pourrait faire nettement mieux. Les données du CRTC démontrent qu'entre 1998 et 2007, il n'y a eu aucune réelle augmentation des dépenses locales des télédiffuseurs commerciaux de langue française et anglaise, mais les dépenses pour des émissions non canadiennes ont, par contre, augmenté de 61 p. 100.
Les grands groupes issus de fusion recourent à la concentration de leurs ressources. Pour l'intérêt du public et du système canadien de radiodiffusion, il est essentiel de renverser cette tendance actuelle qui est, finalement, à l'abandon des services aux régions et à la centralisation de la production des contenus télévisuels dans les grands centres.
Dans un contexte de multiplication des plateformes de diffusion, les émissions locales pourraient devenir un vecteur du développement de la télévision généraliste. La FNC souhaite que le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale encourage les télédiffuseurs à investir dans la production locale.
Le passage au numérique et à la haute définition va bien sûr générer des dépenses importantes pour les télédiffuseurs conventionnels, mais il y a quand même lieu de préciser que pour plusieurs d'entre eux, le renouvellement des émetteurs et des équipements coïncide avec la période normale de remplacement du matériel. Quoi qu'il en soit, il est possible de revoir les modalités de transmission des émissions, et nous pensons que s'il y a d'autres façons d'en faire la distribution, cela reposera essentiellement sur la volonté des distributeurs et des diffuseurs, qui pourraient fort bien faire converger leurs ressources techniques et économiques pour offrir les services de distribution gratuitement.
La taille du marché canadien, la facilité avec laquelle il est possible, grâce aux nouvelles technologies, d'accéder à des contenus étrangers rendent plus que jamais nécessaire le maintien d'un financement public de la production télévisuelle. À cet égard, nous estimons que le nouveau Fonds des médias, créé récemment, comporte plusieurs imperfections. Toutefois, il a le mérite de mettre fin au biais qui existait dans les moyens de production et qui accordait, en fait, un quasi-monopole de production aux producteurs indépendants.
Nous nous inquiétons toutefois du fait que le ministère du Patrimoine canadien ait retiré à la Société Radio-Canada la réserve de 37 p. 100 qui lui était accordée. La perte de cette garantie, jumelée à l'absence d'un financement adéquat, rend le radiodiffuseur public national de plus en plus vulnérable. Les crédits parlementaires alloués aux radiodiffuseurs publics ont diminué de près de 300 millions de dollars par rapport à ceux disponibles au milieu des années 1980. Le Parlement canadien doit donner suite au dernier rapport du Comité permanent du patrimoine canadien qui recommande un financement pluriannuel stable de sept ans, de même qu'une hausse de ce financement, faisant passer la contribution des Canadiens de 33 $ à 40 $ par année. J'aimerais insister là-dessus pour vous dire que le sondage commandé par la FNC et qui a été réalisé entre le 16 et le 26 avril dernier auprès de 1 000 répondants indique que 80 p. 100 des Québécois considèrent important que le gouvernement canadien augmente, si nécessaire, le financement de Radio-Canada pour assurer son développement. Soixante-treize pour cent des répondants sont en désaccord avec la décision du gouvernement canadien de refuser le soutien financier temporaire demandé par la Société Radio-Canada.
On discute de plus en plus, notamment chez les télédiffuseurs privés, de la possibilité de retirer le droit au radiodiffuseur d'obtenir des revenus de publicité. Présentement, nous ne sommes pas prêts à affirmer que cela pourrait aider l'industrie, aussi longtemps que nous n'aurons pas la certitude d'un financement gouvernemental stable, suffisamment important et qui corrige les erreurs.
En terminant, les médias canadiens traversent une crise structurelle qui doit se régler par des solutions durables, notamment en maintenant et renforçant la vocation de la télévision généraliste, qui joue un rôle social, culturel, économique et démocratique fondamental dans la société canadienne.
Je vous remercie de votre écoute. Merci.
:
Je tiens d'abord à remercier le comité de son invitation.
Je m'appelle Peter Murdoch. Je suis le vice-président du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. Le SCEP est le plus grand syndicat des médias au Canada. Nous représentons plus de 20 000 travailleuses et travailleurs des médias au Canada, y compris des radiodiffuseurs du secteur privé, des services de télévision spécialisée, de la télévision et du cinéma indépendants et des journaux canadiens.
Jim Holmes, qui travaille à la station A-Channel de CTV à Barrie, et Monica Auer, notre conseillère juridique, m'accompagnent aujourd'hui. Dans nos observations écrites, nous faisons référence aux sections d'un deuxième document dont nous avons remis des copies au greffier.
Nous accueillons favorablement votre étude. Les lettres et les pétitions que vous avez reçues montrent à quel point les Canadiennes et les Canadiens accordent de la valeur à leurs stations de télévision et aux nouvelles locales, surtout maintenant que l'information à propos de leurs propres communautés est tellement essentielle.
Votre comité, le Comité permanent des transports et des communications du Sénat et d'autres comités ont accompli un excellent travail par le passé, et les rapports du ministère sont très bons. Toutes les parties ont fait de l'excellent travail, et nous saluons leur contribution.
Cependant, le problème est que trop peu de recommandations sur la radiodiffusion, la réglementation et les nouvelles locales ont été acceptées, y compris la recommandation du Comité permanent du patrimoine canadien en 2003 de créer un programme d'aide à la radiodiffusion locale en vue « d'appuyer la distribution de la programmation radiophonique et télévisuelle aux échelons communautaire, local et régional ». C'est votre comité qui a fait cette recommandation en 2003.
Le CRTC a ignoré vos préoccupations à propos de la concentration très élevée de la propriété. Il a accepté les prétentions des radiodiffuseurs alléguant que la création de géants médiatiques renforcerait notre système de radiodiffusion et permettrait aux stations plus fragiles de survivre. Il a ignoré les risques du dangereux mirage « nous sommes trop gros pour échouer » et a dit aux Canadiennes et aux Canadiens que leurs préoccupations à propos de l'endettement ingérable et de la perte de diversité étaient mal fondées. Les avantages de la consolidation allaient l'emporter sur tous ces problèmes, a affirmé le CRTC. Le pire, c'est que le CRTC n'a pas fait de promesses sur la diffusion de nouvelles locales légalement obligatoires. Et lorsque les radiodiffuseurs ont commencé à briser ces promesses, le conseil a refusé d'intervenir parce que les promesses n'étaient pas tenues par la loi.
Ainsi, voici où nous en sommes aujourd'hui. Après avoir dépensé des milliards de dollars pour acheter des stations de télévision locales, les radiodiffuseurs disent maintenant qu'elles sont trop coûteuses pour être maintenues. Les radiodiffuseurs prévoient réduire le temps accordé aux nouvelles locales en vertu de la soi-disant inoffensive « harmonisation » et menacent de fermer complètement le service de télévision traditionnelle par ondes hertziennes.
Mais seuls les radiodiffuseurs connaissent la réalité. Personne ne peut remettre en question les données qu'ils ont soumises au CRTC parce qu'il ne les divulguera pas. Mais le CRTC a appuyé depuis des années les résultats individuels sur les services de télévision spécialisée et payante. Pourquoi cette divulgation ne leur a-t-elle pas nui? Et puisque le CRTC avait l'habitude de divulguer les résultats financiers individuels des stations lors des renouvellements de licence, pourquoi s'est-il battu contre nos requêtes en vertu de l'accès à l'information depuis plus de deux ans, et ce, même pour obtenir des renseignements de base comme le nombre de personnes que chaque station de télévision emploie?
Voici ce que nous savons: personne ne peut remettre en question ce que les radiodiffuseurs disent au CRTC parce que nous ne savons pas ce qui est dit.
Il est particulièrement ironique de constater que, lorsque des intervenants remettent en question les arguments des radiodiffuseurs, le CRTC demande aux intervenants de prouver que les radiodiffuseurs se trompent. Avec quelles données exactement? Celles que le CRTC refuse de divulguer?
Dans les faits, les données regroupées indiquent que les programmes des stations de télévision locales ont fait plus d'argent que ce qu'ils ont coûté à produire pour la plupart des 20 dernières années. Les vrais problèmes des radiodiffuseurs ont trait à leur niveau excessif d'endettement et à leurs dépenses insouciantes pour des émissions étrangères, des problèmes entièrement autorisés par le CRTC et appuyés par sa perspective irrationnelle et dépassée selon laquelle la déréglementation constitue la meilleure façon de réglementer les oligopoles dans l'intérêt du public.
Nous comprenons que la première obligation des radiodiffuseurs est à l'égard de leurs actionnaires et qu'ils sont pris dans l'actuel et temporaire ralentissement économique. Mais l'obligation du CRTC est à l'égard des Canadiennes et des Canadiens. Le conseil constitue davantage qu'un tribunal spécialisé. Il représente le Parlement. Il devrait mettre en application la Loi sur la radiodiffusion dans l'intérêt du public et en vertu de la règle de droit.
Très franchement, nous avons eu un choc lorsque le président du CRTC nous a dit, lundi dernier, qu'il est difficile de définir ce qui constitue des nouvelles originales. C'est peut-être la raison pour laquelle les radiodiffuseurs rediffusent leurs journaux télévisés de 18 heures et de 23 heures le même soir et le lendemain matin pour respecter leurs promesses à l'égard de la programmation locale.
Le CRTC a aussi eu l'air surpris d'apprendre que la plupart des stations de télévision aujourd'hui utilisent leurs studios aux fins d'entreposage, et qu'elles ne produisent et ne transmettent plus leurs propres journaux télévisés. Ce sont plutôt des centres de programmation situés à des kilomètres de là qui contrôlent les caméras de studio des stations, leurs signaux et leurs émetteurs. Si un ouragan frappait Halifax ce soir, quelqu'un à Edmonton aurait à décider si la station Canwest qui s'y trouve doit lancer une alerte. Quant à la chaîne CTV, elle exploite la plupart de ses stations à l'extérieur de Toronto.
Nous sommes préoccupés par le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale. Ce n'est pas simplement parce qu'il est insuffisant, et que seuls les radiodiffuseurs et le CRTC savent comment il est utilisé. Le vrai problème, c'est qu'il ne permettra pas d'augmenter les sommes investies dans les programmes locaux. On devrait en réalité parler d'un fonds pour le statu quo et non d'un fonds pour l'amélioration.
À la place, nous vous conseillons vivement d'envisager la création d'un fonds pour renforcer le contenu télévisuel local. Le CRTC n'a pas besoin de hausser les frais d'abonnement pour créer ce fonds. Il pourrait prendre l'argent des augmentations d'abonnement qu'il a donné aux câblodistributeurs pour des projets d'investissement il y a plusieurs années. Cet argent était allé au tarif de base, mais sans trop de résultats.
De plus, nous vous conseillons vivement de revoir la Loi sur la radiodiffusion. Ses objectifs ne sont tout simplement pas atteints. Par exemple, le Parlement a dit que les radiodiffuseurs devaient utiliser principalement des ressources canadiennes, mais actuellement le CRTC permet aux télédiffuseurs privés de mettre moins d'argent dans la programmation canadienne qu'en 1994 et de doubler leurs dépenses pour la programmation étrangère. L'an dernier, à chaque dollar dépensé par les radiodiffuseurs pour les programmes canadiens, 1,25 $ était dépensé pour les émissions étrangères. Si on achète les droits de diffusion de l'émission CSI, on a moins d'argent à consacrer aux nouvelles locales.
Le Parlement a aussi dit que les Canadiens devaient avoir des possibilités d'emploi dans notre système de radiodiffusion, mais il y a de moins en moins d'emplois parce que le CRTC permet aux radiodiffuseurs privés de couper ou d'éliminer les nouvelles locales à la radio et à la télévision. Est-ce que le CRTC devrait promouvoir l'emploi dans ce secteur ou non?
Le Parlement a dit que le CRTC devait décider qui aurait le privilège de détenir des licences de radiodiffusion, mais l'approbation quasi automatique des transactions au cours des 20 dernières années a fait en sorte que les radiodiffuseurs négocient des stations comme des jetons de poker, par le biais d'annonces dans le Globe and Mail. Non seulement cette situation est insultante pour les communautés supposément desservies par ces radiodiffuseurs, et abominable pour les employés, mais elle indique clairement que le CRTC a perdu le contrôle de son propre mandat de décider qui allait offrir aux Canadiens le meilleur service de programmation possible.
Oui, le Parlement reçoit des rapports annuels du CRTC. Mais bien qu'il ait les données, le CRTC ne vous dit pas vraiment s'il s'approche ou non de l'atteinte des objectifs fixés par le Parlement à l'égard de notre système de radiodiffusion. Il ne vous dit même pas combien d'heures de contenu original sont produites par notre système de radiodiffusion, quelle part de ce contenu est réservée aux nouvelles, sans tenir compte de la publicité, ou quelles stations suivent les règles ou non. Il a fallu une demande d'accès à l'informaiton pour que nous puissions voir les règlements du CRTC. Devrions-nous savoir si les objectifs du Parlement à l'égard de la radiodiffusion canadienne sont atteints ou non?
Le Parlement a aussi dit que la programation au Canada devait être à l'image des communautés locales, mais vous pourriez être surpris d'apprendre que le CRTC n'a pas rendu obligatoire la diffusion de nouvelles locales à la télévision, ni à la radio. Il n'y a aucun règlement à cet effet. Le CRTC devrait-il ou non obliger les radiodiffuseurs à respecter leurs promesses au sujet de la programmation?
Le Parlement a dit également que le CRTC devrait tenir des audiences publiques lorsqu'il renouvelle ou modifie des licences, si cela peut servir l'intérêt du public. Mais le CRTC tient maintenant des audiences à huis clos, ce qui, soit dit en passant, n'aide pas non plus les Canadiens à comprendre ce qui se passe lorsque le CRTC permet et encourage la modification des requêtes d'une journée à l'autre.
Je vais conclure bientôt.
Le Parlement a probablement supposé que le CRTC allait appliquer la loi, ses règlements et ses décisions. Mais bien que le non-respect des règlements soit presque devenu pratique courante, le CRTC refuse toujours d'utiliser tous ses pouvoirs en vertu de la loi pour imposer des sanctions ou dissuader le non-respect des règlements. C'est la deuxième fois que le SCEP doit s'adresser aux tribunaux afin de faire pression pour que le CRTC examine de graves infractions à la loi et en vertu de la loi.
Finalement, le Parlement a probablement supposé que le CRTC allait servir l'intérêt du public, parce que la loi actuelle ne l'explique pas clairement. Mais le CRTC rencontre régulièrement les radiodiffuseurs à huis clos, même pendant les audiences sur l'attribution des licences. Souvent, ses décisions ne tiennent pas compte des requêtes de la part des autres parties intéressées. Et ses politiques font seulement mine de prendre en compte les préoccupations des Canadiens. Maintenant, le CRTC souhaite avoir le pouvoir d'imposer des amendes aux mêmes radiodiffuseurs qu'il rencontre à huis clos.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, notre système de radiodiffusion fait face à de sérieux problèmes. C'est pourquoi nous vous conseillons vivement d'encourager la création d'un fonds pour la télévision locale qui sera responsable et transparent. C'est essentiel. Peu importe le fonds que nous mettrons sur pied, que ce soit un tarif de distribution ou le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale, il se doit d'être responsable et transparent.
Nous ne voulons pas ajouter d'autres recommandations à celles qui ont déjà été présentées au Parlement — et qui étaient excellentes —, mais nous offrons des idées réalisables que le Comité peut recommander.
Premièrement, nous recommandons que vous donniez des lignes directrices claires et détaillées au CRTC afin d'engager une aide financière pour la programmation locale. Ce fonds doit être responsable. Il doit améliorer ou maintenir la programmation de nouvelles locales. Vous devez exiger du CRTC qu'il surveille et fasse rapport annuellement de l'utilisation du fonds, station par station.
Deuxièmement, nous recommandons que vous révisiez le CRTC lui-même afin de le rendre plus démocratique, responsable et axé de nouveau sur l'intérêt du public plutôt que de constamment retravailler les objectifs du Parlement en vue d'optimiser les revenus des radiodiffuseurs.
Troisièmement, nous recommandons que le Parlement revoit la Loi sur la radiodiffusion afin de s'assurer que ses principes sont réellement intégrés en radiodiffusion et dans les médias numériques, et qu'il existe un radiodiffuseur public comptant des ressources complètes.
Quatrièmement, et à l'instar du CRTC, nous recommandons que le Parlement s'oriente vers l'établissement d'une loi sur les communications qui soit davantage cohérente et en mesure de composer avec nos systèmes de radiodiffusion et de télécommunications interconnectés.
Nous croyons que nos recommandations relèvent de votre mandat et de vos responsabilités. Le Parlement, les Canadiennes et les Canadiens ont droit à une reddition de comptes et à un système transparent compte tenu du fait que leur accès aux informations essentielles leur est retiré. Nous croyons qu'il est temps d'aller de l'avant. Il faut concrétiser certaines de ces recommandations.
Merci pour le temps que vous m'avez accordé.
:
Monsieur le président, Radio-Canada/CBC constitue un élément fondamental du système de radiodiffusion au Canada. Le diffuseur public fournit 29 services locaux partout au pays, à la radio, à la télévision et sur Internet. Le diffuseur public est l'engin culturel sans doute le plus important au pays. De plus, la Société Radio-Canada offre des services que le marché privé ne fournira jamais, notamment des services locaux et régionaux dans des petites communautés et dans des langues minoritaires. Il s'agit de services dont les Canadiens et les Canadiennes dépendent pour les informations, les débats et le divertissement. Ces services les aident à participer à la vie publique de notre pays.
Vous êtes sans doute au courant de la compression de 800 postes et des réductions de services qui sont en cours chez le diffuseur public. Il y a deux raisons pour cela. En réalité, la chute des recettes publicitaires pendant cette crise économique a un effet important, mais c'est surtout l'effet composé, d'année en année, de l'inflation sur le financement public accordé à la SRC qui en est responsable. Vendredi après-midi dernier, nous avons appris que la SRC pourrait encore être menacée d'une autre compression budgétaire pouvant aller jusqu'à 50 millions de dollars, et cela à la suite d'un examen stratégique de son budget, lancé par le gouvernement. Je dois vous dire qu'une telle compression serait dévastatrice et empêcherait les initiatives annoncées par M. Lacroix, le président de Radio-Canada, devant ce comité, à savoir la restauration de services locaux dans les communautés atteintes par les réductions de services. Nous vous supplions de faire tout en votre possible pour stopper la menace de cette compression par le gouvernement.
[Traduction]
Vendredi après-midi, nous avons appris que la SRC est encore menacée par une autre compression budgétaire qui pourrait atteindre 58 millions de dollars en vertu du programme d'examen stratégique lancé par le gouvernement. Cette compression s'ajoute à la compression avec laquelle le radiodiffuseur public compose actuellement.
Je dois vous dire qu'une nouvelle compression serait dévastatrice et aurait certainement des répercussions négatives sur les efforts qui sont actuellement faits par la SRC en vue de restaurer le service local dans les collectivités qui ont été les plus touchées au cours du printemps dernier par les réductions de service.
Nous vous supplions de tout coeur de faire tout ce qui est en votre possible pour arrêter cet examen et empêcher une nouvelle compression.
[Français]
Comme vous le savez, les crédits parlementaires accordés à Radio-Canada/CBC sont déjà modestes en comparaison au financement public accordé aux diffuseurs publics dans d'autres pays industrialisés. Le Parlement n'accorde actuellement à la SRC que 34 $ par Canadien, par année. Cela correspond à un peu plus d'un milliard de dollars pour tous les 29 services. Par contre, la moyenne, parmi 18 pays membres de l'OCDE, est de 80 $ par année par habitant. Notez que si le financement canadien correspondait à la moyenne de ces pays industrialisés — dont fait partie le Canada —, le gouvernement canadien accorderait cette année plus de 2,6 milliards de dollars en crédits à Radio-Canada/CBC pour accomplir son mandat.
[Traduction]
De plus, le financement que recevra cette année la SRC du Parlement est le même en dollars constants que celui reçu en 1995. Lorsqu'on le rajuste en fonction de l'inflation, ce financement représente une diminution de 360 millions de dollars cette année comparativement à celui reçu en 1995. En 2005, le président de la SRC de l'époque, Robert Rabinovitch, avait dit lors d'une déclaration publique à l'Université McGill que la SRC n'avait pas reçu un seul sou d'augmentation pour son budget de programmation en 25 ans. C'était en 2005. Nous sommes maintenant en 2009, et je ne crois pas que les choses aient changé.
C'est là que se trouve le coeur du problème. Même sans d'autres compressions, les radiodiffuseurs publics luttent année après année avec un pouvoir d'application des fonds en déclin. Malheureusement, nous savons qu'avec les années, ce sont les régions et la programmation locale qui ont écopé le plus durement en raison de ces contraintes financières.
[Français]
C'est vous, les membres du Parlement, qui avez la solution en main. Nous vous demandons de bien vouloir mettre en oeuvre les recommandations principales de votre rapport publié en février 2008. En particulier, nous demandons au gouvernement d'élaborer un contrat de sept ans avec la Société Radio-Canada et la CBC qui prévoit un financement majoré et indexé au taux de l'inflation.
Depuis quelques semaines à travers le pays, les citoyens ont démontré à plusieurs reprises leur opposition à la réduction des services offerts par leur diffuseur public. Hier à Windsor, plus de 300 personnes ont dénoncé la fermeture, pour toutes fins pratiques, de la seule station de radio francophone desservant la péninsule sud-ouest ontarienne.
Il y a quelques semaines à Sudbury et à Thunder Bay, des centaines de personnes dénonçaient la réduction des services dans le Grand Nord ontarien. Cette démonstration se répète partout au pays là où les citoyens se rendent compte aujourd'hui qu'ils perdent petit à petit leur voix et le reflet de leur communauté.
C'est pourquoi nous demandons une augmentation immédiate de sept dollars par Canadien par année aux crédits alloués au diffuseur public, tel que stipulé dans votre rapport de février 2008. Cela permettrait la restauration immédiate des services menacés, l'amélioration des services locaux et régionaux partout au pays et surtout dans les communautés qui prennent de l'envergure, mais qui ne jouissent pas, encore aujourd'hui, d'un service de Radio-Canada local. À titre d'exemple, on pourrait rétablir la station de radio française à Windsor
[Traduction]
ou nous pourrions maintenir les services à Thompson, La Ronge, Sudbury, St. John's ou Sydney. Avec un financement stable adéquat, la SRC pourrait également se pencher sur la possibilité de créer de nouvelles stations de radio afin de mieux répondre aux besoins des collectivités, comme par exemple celle de Red Deer en Alberta, et de leur offrir un meilleur service.
Il est maintenant temps d'agir. Nous implorons votre aide.
[Français]
C'est maintenant le temps d'agir, on ne doit plus tarder.
[Traduction]
Le Parlement doit prendre les mesures nécessaires.
:
Les villes dont parle Marc-Philippe font partie des plus petites villes du pays qui ont été les plus touchées par les compressions dans le financement de leur média local. Hamilton est un autre endroit qui n'aime pas le service local de la SRC et il est sur le point de perdre sa seule station de télévision locale, CHCH, qui appartient à Canwest, comme vous le savez.
La programmation de télévision locale est plus importante que jamais. Nous savons que la télévision constitue encore pour des gens de tous les âges la principale source d'information et qu'ils y recherchent une programmation locale en direct de qualité qui n'est tout simplement pas disponible sur Internet.
Nous croyons que le gouvernement devrait soutenir le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale qui est en cours d'élaboration par le CRTC grâce aux revenus provenant des fournisseurs de services par câble et par satellite. Si le gouvernement avait contribué au fonds de la même manière qu'il le fera pour le nouveau Fonds des médias du Canada, l'argent additionnel aurait pu être utilisé en partie pour financer des initiatives comme celles proposées par les employés de CHCH et les dirigeants de Hamilton afin d'essayer de préserver leur station de télévision locale. Il est évident que la CBC et Radio-Canada doivent avoir accès à cet argent provenant du fonds afin d'améliorer également le service de nouvelles locales.
Vous devez être mis au courant d'une autre initiative d'importance de l'industrie qui changera la manière dont les gens se connectent à leurs stations de télévision locales. Vous en avez entendu parler plus tôt aujourd'hui. En fait, dans seulement deux ans, le tiers des Canadiens pourrait perdre leur service de télévision en direct gratuit. Pourquoi? Parce que les signaux qu'ils captent en ce moment sont des signaux analogiques. En 2011, la télévision au Canada sera numérique. Les États-Unis ont déjà fait cette transition cette année. Qu'est-ce que ça signifie? Ça signifie que les radiodiffuseurs éteindront leurs émetteurs analogiques, mais ils ont dit qu'ils ne veulent installer de nouveaux émetteurs numériques que dans les villes les plus importantes du Canada. Ça signifie que quelque 10 millions de Canadiens n'auront plus accès au service de télévision locale gratuit simplement en raison de l'endroit où ils vivent. Parmi les collectivités où on prévoit cesser d'offrir ce service, on compte Gander-Grand Falls, Edmundston au Nouveau-Brunswick, Rimouski, Sudbury, Chatham, Thompson au Manitoba, Red Deer en Alberta, Kamloops et Kelowna. Ça vous donne une idée. Dans le cadre de la recherche que nous avons effectuée avec Brian Olsen, dont je vous ai parlée plus tôt, nous avons recensé 977 collectivités dans lesquelles les radiodiffuseurs prévoient interrompre leur service.
Nous avons cherché des solutions de rechange et nous proposons un modèle, appelé « multiplexage », qui permet à un maximum de six radiodiffuseurs de partager un même émetteur, de partager les coûts. Cette solution permettra de réduire énormément les coûts découlant de la transition que les radiodiffuseurs disent devoir assumer. Le multiplexage est une technique utilisée partout à travers le monde, dont ici même à Ottawa par la station SUN TV, qui diffuse deux chaînes numériques à partir d'un même émetteur.
Nous croyons que c'est une solution pour Kamloops. Le président du CRTC nous l'a même dit la semaine dernière lorsque nous y avons présenté notre modèle. Les membres du comité qui faisaient partie de ce comité l'an dernier doivent se rappeler de l'indignation des habitants de Kamloops lorsqu'ils ont perdu leur service en direct gratuit de la SRC. Cette question a fait l'objet d'une importante partie de votre rapport de l'an dernier sur le mandat de la SRC. Notre solution permettrait à la SRC de reprendre les ondes publiques à Kamloops.
On estime que le coût total de l'installation de l'équipement numérique nécessaire à cet endroit serait de 160 000 $. Partagé en six, le coût par radiodiffuseur serait d'environ 26 000 $ — ce qui est très abordable.
Tous les téléspectateurs auraient besoin d'une boîte de conversion offerte au coût de 60 $. J'en ai une ici. Seuls 60 $ sont nécessaires. S'ils possèdent un nouveau téléviseur, ils n'ont pas besoin d'équipement additionnel pour profiter de ce service de télévision en direct gratuit. Ils n'auraient pas à payer une facture mensuelle du service par câble ou par satellite pour obtenir six chaînes. Nous croyons que cela plairait à beaucoup de gens. De plus, ils auraient accès gratuitement à un bon éventail de programmation canadienne. Après tout, offrir une programmation canadienne aux Canadiens est la principale priorité de la Loi sur la radiodiffusion.
Par conséquent, le gouvernement a-t-il un rôle à jouer dans ce modèle? Nous croyons que oui. Tout d'abord, quelqu'un doit dire aux radiodiffuseurs que servir les Canadiens est une priorité, peu importe où ils vivent, que leurs forfaits ne sont pas suffisamment bons et qu'il est incorrect de supposer que les Canadiens qui habitent dans des régions rurales devraient se contenter de n'avoir aucun autre choix que de payer pour les services par câble et par satellite.
Je vous vois, monsieur Schellenberger, mais ça ne veut pas dire que je vais m'arrêter.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le rappel au Règlement que j'ai voulu faire plus tôt n'avait pas pour but d'empêcher les témoins de répondre, mais pour demander à M. Del Mastro d'être respectueux envers nos invités. C'est lui qui les empêchait de répondre. Comme j'ai beaucoup de respect pour votre présidence, je ne suis pas revenue sur le sujet. Je vous remercie beaucoup.
Avec respect, je vais poser quelques questions, mais je vais d'abord faire un commentaire. M. Del Mastro a dit plus tôt que son gouvernement était celui qui avait été le plus généreux envers Radio-Canada. Il n'en demeure pas moins que dans le document de la Guilde canadienne des médias, on estime que le déficit de Radio-Canada, en dollars constants depuis 1995, est de 354 millions de dollars. Dans le document de la Fédération nationale des communications, il est estimé à 300 millions de dollars.
Vous n'êtes pas très généreux. Votre patron, M. Hubert Lacroix, à la page 23 d'un document qu'il a présenté au comité — que je n'ai pas malheureusement avec moi —, estime ce déficit à 400 millions de dollars comparativement à 1990, en dollars constants. Je ne sais pas sur quels chiffres vous voulez vous fonder. C'était un simple commentaire.
Quoi qu'il en soit, tous les gens qui nous ont parlé du déficit de Radio-Canada nous ont dit que cette société avait un grave déficit depuis 20 ans. Les seuls à dire le contraire sont les conservateurs.
Madame Larouche, je voudrais vous parler du sondage. Tant qu'à comparer des documents, comparons-en. Plus tôt, l'organisme Friends of Canadian Broadcasting nous a donné son sondage mené auprès de 943 anglophones, qui est assez intéressant pour Radio-Canada. D'après ce sondage, 54 p. 100 des répondants étaient d'accord pour qu'on augmente à au moins 40 $ par Canadien, par année, le budget de Radio-Canada. De votre côté, vous avez mené près de 1 000 entrevues en français et en anglais, sans doute seulement au Québec, car dans cette province, il y a un fort sentiment d'appartenance à Radio-Canada, les cotes d'écoute sont excellentes et il n'y a pas la même concurrence avec Hollywood. Or, on s'aperçoit que seulement 57 p. 100 des gens veulent simplement qu'on maintienne la subvention. Les résultats sont bizarres.