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Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, dans un premier temps, il m'apparaît important de rappeler le mandat de la Commission des champs de bataille nationaux qui consiste à acquérir et à conserver les grands champs de bataille historiques de Québec et d'en faire un parc national.
La commission a été créée en vertu de la Loi concernant les champs de bataille nationaux de Québec,1908, Édouard VII, chapitre 37, et amendements.
La commission est dirigée par un conseil d'administration composé de neuf membres. Sept membres sont nommés par le gouverneur en conseil, un siège est attribué au représentant du gouvernement du Québec et un autre au gouvernement de l'Ontario, ce dernier étant présentement vacant.
Cela vient du fait que le parc s'est constitué financièrement en grande partie grâce à une campagne de financement nationale et internationale parrainée par le Gouverneur général du Canada, lord Grey, et le maire de Québec et premier président de la commission, sir George Garneau. Ainsi, de par sa loi constituante, les donateurs d'un montant supérieur à 100 000 $ se voyaient attribuer un siège au sein du conseil d'administration de la commission.
Le territoire de la commission constitue un des sites historiques les plus importants au Canada. Ses 108 hectares occupent un des plus beaux sites de la ville de Québec, à proximité du secteur historique et bordé au sud par la falaise donnant sur le fleuve Saint-Laurent.
Le parc fut conçu il y a 100 ans, dans la foulée de la création des grands parcs urbains au monde, et compte parmi les plus prestigieux.
La commission doit donc concilier l'importance historique du parc avec son rôle de parc urbain et y accueillir les quelque quatre millions de visiteurs qui y viennent chaque année.
Faire connaître l'histoire du Canada rattachée à ce lieu constitue donc un élément fondamental de la mission de la commission. Rappeler les faits historiques n'est donc pas une activité ad hoc, mais bien une activité continue de la commission.
Depuis 1992, la commission offre diverses activités d'animation pédagogiques à la clientèle scolaire. La fréquentation annuelle est d'environ 60 000 personnes et les commentaires sont des plus élogieux. D'ailleurs, le pourcentage de satisfaction est au-dessus de 99 p. 100. Depuis ces dernières années, par suite du dépôt du rapport sur la stratégie de communication de la commission, où il est suggéré de mettre en valeur d'autres événements historiques que Wolfe-Montcalm, la commission s'est appliquée à faire connaître l'occupation de son territoire depuis l'arrivée des premiers colons français jusqu'à nos jours. C'est avec cet objectif en tête qu'elle inaugurait en 2008 le verger Louis-Hébert, mémorial vivant consacré au premier colon français accompagnant Champlain.
Il est donc dans l'ordre des choses que la commission ait prévu, dans le cadre de son mandat, de rappeler l'événement historique jugé le plus important en Amérique et qui justifia la création du Parc des champs de bataille.
Je tiens ici à vous souligner que la totalité des membres du conseil d'administration de la commission et la très grande majorité de ses employés sont de souche française, membres de la nation québécoise. Ce sont bel et bien des Québécois qui ont choisi d'organiser, sur le site même des batailles, une commémoration respectueuse de la mémoire de toute une nation.
Je vais aborder immédiatement ce qui a valu à la commission les commentaires les plus virulents: les reconstitutions historiques, tout d'abord, parce qu'elles ont été identifiées comme éléments « festifs ».
Or le but ultime était de rassembler le plus grand nombre possible de personnes autour de l'événement principal de cette période de la guerre de Sept Ans en Amérique.
Ces mouvements sur le terrain auraient respecté scrupuleusement ce que l'histoire nous a révélé de ces batailles. Les multiples reconstitutions qui se déroulent de par le monde ont sans doute un caractère spectaculaire mais non festif.
Les « reconstituteurs » étaient, par ailleurs, bien conscients de la sensibilité de la bataille de 1759 par rapport aux 11 reconstitutions réalisées depuis 2005 dans le cadre de la guerre de Sept Ans en Amérique. Ils avaient prévu une activité de recueillement à la fin des deux démonstrations pour les morts tombés au champ d'honneur ainsi que pour les victimes civiles du siège de Québec et de la dévastation des campagnes environnantes. De plus, la présence des bivouacs et de soldats en uniforme dans la ville visaient à recréer l'atmosphère de la ville assiégée.
Le débat s'est donc fait essentiellement sur la forme, puisque le rappel des batailles des Plaines d'Abraham et de Sainte-Foy fait l'unanimité sur le fond.
Bien que nous ayons un devoir de mémoire et devoir didactique, la reconstitution historique des batailles nous impose également un devoir de sécurité. Compte tenu des excès de langage enregistrés ces derniers temps et des menaces faites par médias interposés, nous ne pouvions, en tant que gestionnaires responsables: risquer de compromettre la sécurité des familles et des enfants qui pourraient assister à l'événement — comme celle des « reconstituteurs »; et accepter qu'un tel événement populaire à caractère familial, pédagogique et historique tourne à l'affrontement, entre forces de l'ordre et manifestants.
À ceux et celles qui nous ont reproché d'avoir tardé à réagir lors de la publication des premiers articles de journaux en janvier, je rappelle que nous n'avions pas complété nos consultations avec nos partenaires et que nous souhaitions le faire avant d'annoncer la programmation complète de la commémoration.
Subséquemment, le débat a pris une connotation politique, et nous avons jugé, à titre d'établissement public, ne pas avoir à intervenir sur ce plan. Nous étions parfaitement convaincus que la programmation de la commission était respectueuse et, sur le plan historique, justifiée en totalité. Nous considérions à ce stade que la présentation d'une programmation révisée et détaillée serait la réponse de la commission, les autres aspects échappant à notre responsabilité. C'est ce que nous avons fait le 17 février dernier.
J'affirme ici qu'il n'a jamais été dans l'intention de la commission de faire du rappel des évènements de 1759 et 1760 le prétexte à une fête.
De fait, toutes les activités que nous avons prévues à notre programmation trouvent un écho direct dans l'histoire de la colonie à la fin du XVIIIe siècle.
Par contre, ce débat très émotif nous a permis de mieux saisir les sensibilités de la population à l'égard de ces rappels historiques, une sorte de sondage non annoncé.
Forts des consultations menées et des opinions diverses qui nous ont été acheminées, nous avons décidé: d'annuler la reconstitution de 1759 et de 1760; de retirer le visuel et, de remplacer le bal par une activité plus éducative.
En résumé, voici les principaux éléments de la programmation révisée de la commission pour commémorer le 250e anniversaire de la bataille des plaines d'Abraham et de la bataille de Sainte-Foy, dans l'esprit du mandat de la commission évoqué précédemment:
- le lancement par les Éditions du Septentrion du livre Québec ville assiégée, 1759-1760 par les acteurs et les témoins;
- l'exposition La prise de Québec,1759-1760 par le Musée national des beaux-arts du Québec et la publication du catalogue d'exposition par la Commission des champs de bataille nationaux;
- l'exposition à la Maison de la découverte des plaines d'Abraham sous le thème de la guerre de Sept ans en Amérique du Nord;
- l'animation historique sur les différents aspects des batailles de Québec;
- l'État de siège: un portrait de la vie des citoyens de Québec durant le siège de l'été 1759;
- le rassemblement des descendants patronymiques des combattants;
- la mise en ligne d'une base de données sur les soldats britanniques des batailles de 1759 et 1760;
- le colloque à la chapelle du Musée de l'Amérique française: « La guerre de Sept ans en Amérique », en collaboration avec la Société généalogique canadienne-française.
Nous allons dévoiler des mémoriaux: un mémorial aux combattants, un mémorial des alliances amérindiennes et des bustes à Lévis et Murray.
Plusieurs autres collaborations sont prévues dans le cadre du 250e anniversaire des batailles de 1759 et 1760. La commission a offert de regrouper dans un dépliant les activités d'autres organismes qui avaient l'intention de présenter un rappel historique. Plusieurs organismes ont répondu à l'invitation, notamment Parcs Canada, la Grande Ferme de Saint-Joachim et la Société d'art et d'histoire de Beauport.
Je tiens à préciser que le budget de la programmation révisée est de l'ordre de 320 000 dollars. Il provient en totalité du budget régulier de la commission. Aucun budget spécifique à cette commémoration n'a été alloué par le gouvernement du Canada. Il résulte d'un transfert budgétaire entre années financières, rendu possible grâce à des économies sur certains postes de dépenses et à un accroissement des revenus autogérés. Compte tenu de son mandat, c'est un choix budgétaire de la commission.
Plusieurs visiteurs individuels et en groupe sont également attendus dans le parc des Champs-de-Bataille pendant l'été 2009. Cela tient, entre autres, au fait que la bataille des plaines d'Abraham fait partie de la guerre de Sept ans et que la mémoire de ce conflit tant en Europe qu'en Amérique a déjà été ravivée par les « reconstituteurs », notamment depuis 2005.
Il est donc normal que ceux et celles qui se sont intéressés à ce conflit mondial souhaitent mieux connaître ce lieu devenu mythique de la bataille des plaines d'Abraham. La commission les accueillera et facilitera la mise en contact avec d'autres institutions, au besoin.
C'est à partir d'une information adéquate et vérifiée que l'évaluation des intentions de la commission aurait dû être examinée.
On aurait été en mesure de comprendre dans quel contexte les reconstitutions ont été proposées. Nous estimons qu'il est insensé et odieux d'avoir prêté à la commission l'intention de « fêter » une défaite militaire qui, après 1763, est considérée comme un tournant de notre histoire.
En conclusion, je tiens à réitérer que la programmation de la commission est, sur le plan historique, justifiée en totalité et qu'elle se veut sobre et respectueuse.
La Commission des champs de bataille nationaux maintient son ouverture et ses intentions de collaboration. Elle a été à l'écoute de la population et continuera de l'être.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
À mon tour, c'est avec plaisir que je souhaite la bienvenue à M. Juneau, ancien citoyen de Cap-Rouge.
Je tenais à lui poser des questions un peu dans la foulée de celle de Mme Lavallée. Cela me préoccupe.
Annuler l'événement était la bonne décision à prendre, mais je pense qu'on l'a fait pour la mauvaise raison. Il fallait l'annuler parce que fêter la Conquête était une très mauvaise idée au départ.
J'ai eu plusieurs fois l'occasion de paraître à des émissions de télévision dans le Canada anglais à propos de cette question. Je me souviens de la fois où j'étais avec Tom Clark, de CTV, qui a entamé ainsi sa mise en scène:
[Traduction]
« Lorsque Wolfe a battu Montcalm », « La victoire de Wolfe sur Montcalm ».
[Français]
Immédiatement après, il a interviewé un professeur de l'Université Laval, M. De Waele, qui a dit:
[Traduction]
« C'était la conquête ».
[Français]
Il est ensuite venu vers moi en disant: « Qu'en pensez-vous? » J'ai répondu: « Vous avez la réponse. » Pour les uns, c'est « the victory »; pour les autres, c'est « the conquest ».
Quand j'étais étudiant, j'ai fait une recherche sur la façon de raconter la bataille des plaines d'Abraham dans les manuels scolaires des écoles secondaires anglophones et francophones du Québec. Il était peu étonnant de constater que les versions étaient quelque peu différentes. J'ai étudié spécifiquement la façon de raconter comment les Anglais avaient monté les falaises. Selon la version anglaise, ils étaient souvent rusés. C'était souvent les Écossais, ayant une connaissance du français, qui avaient réussi à berner les sentinelles. La version française parlait plutôt — cette vision est l'une de mes préférées — d'un traître, probablement suisse, qui avait vendu, et ainsi de suite. Cela dépend des points de vue.
Le 250e anniversaire de cet événement aurait pu se discuter sobrement dans un cadre universitaire. Je ne veux pas vous attaquer personnellement, vous êtes une personne d'expérience, mais sérieusement, je ne comprends pas ce choix.
Je vais vous rappeler une autre décision saugrenue du gouvernement, il y a quelques années. Vous connaissez sûrement Grosse-Île, située un peu en aval de Québec, après l'île d'Orléans. Pour la communauté irlandaise au Québec et à Québec, c'était très important. Lors des famines, beaucoup de familles ont perdu des leurs à cet endroit. On ne les laissait plus entrer en raison des trop importants dégâts liés à la santé. Les gnomes, au fédéral, ont décidé d'en faire un parc thématique, au lieu de faire quelque chose de sobre et de respectueux. Cela a causé un tollé dans la communauté irlandaise. Il suffit peut-être de parler à des Québécois de l'extérieur pour comprendre que certaines décisions qui se prennent ici sont complètement déconnectées des gens dans leur milieu.
Vous êtes de Québec, plus exactement de Cap-Rouge, qui fait aujourd'hui partie de Québec.