:
Bonjour à tous. Je vous remercie de l'invitation; cela nous permet de dire quelques mots sur ce que l'on fait et ce que l'on espère que le gouvernement fédéral fera pour nous.
Avant d'entrer dans les détails de notre lettre et de discuter, j'aimerais vous faire part de notre premier constat général qui nous a menés à témoigner devant vous. Qu'il s'agisse du Cadre stratégique pour l'agriculture ou du programme Cultivons l'avenir, jamais dans toute cette belle politique agricole on ne parle des jeunes agriculteurs ou de la relève agricole. Or comment peut-on faire une politique agricole basée sur l'avenir, à l'instar du programme Cultivons l'avenir, si le terme « relève agricole » n'y est pas présent? Voilà notre premier constat.
Quelle est la situation du renouvellement des générations en agriculture au Canada? Quel est le profil des nouveaux agriculteurs? Quelles sont leurs difficultés? Quels sont les frais des cédants quant aux transferts? Avant de mettre en place quelque outil que ce soit en faveur de la relève agricole, la Fédération de la relève agricole du Québec préconise avant toute chose de connaître la nouvelle génération d'agriculteurs, ses caractéristiques, ses difficultés, et de savoir si elle a les bons dispositifs pour reprendre les entreprises agricoles et les gérer de manière viable et durable.
Pourquoi fait-on cela? C'est parce qu'on n'a aucune idée du nombre de jeunes agriculteurs qui oeuvrent à l'échelle canadienne.
Avant d'établir des programmes structurels qui visent à aider le transfert vers les jeunes, il faut savoir que les choix que font les producteurs présentement auront un important impact sur la production dans 25 ans ou 30 ans. Personnellement, je suis producteur laitier et je le serai probablement encore dans 25 ans ou 30 ans. Cette décision d'être producteur laitier n'est pas une question de contexte, mais plutôt un choix: le choix de vivre de ce type de production.
Comment établir une politique? C'est en sachant ce que veulent vraiment faire les jeunes dans l'avenir. Pour ce faire, on demande qu'un grand recensement statistique sur la situation de la relève agricole canadienne soit effectué à l'échelle canadienne, partout au pays. On doit savoir qui sont ces jeunes agriculteurs.
De plus, on demande la formation d'un comité de réflexion impliquant notamment des représentants de la relève agricole. Ce comité devra entamer une analyse et faire des propositions, à la suite de l'obtention des résultats de ce recensement. On a besoin d'un interlocuteur qui discutera avec les jeunes agriculteurs canadiens. En guise de comparaison, au Québec, des gens du MAPAQ travaillent à temps plein pour les jeunes agriculteurs. Selon nous, il devrait y avoir la même chose au palier fédéral. Ces gens ne seraient pas appelés à faire des revendications, mais plutôt à travailler en ce sens et à poursuivre le travail ou l'analyse de ce recensement qui pourrait être fait.
On demande aussi à ce que le travail démarré au Québec, à propos de l'étude de la situation financière des cédants, soit soutenu par Agriculture et Agroalimentaire Canada et que ce ministère soit partie prenante de l'exercice récemment engagé. Le Québec a quelques très bons programmes qui permettent de bien aider les jeunes à entrer dans le domaine de l'agriculture. Toutefois, l'un des grands facteurs qui limitent le transfert agricole est souvent la situation des gens qui quittent l'agriculture.
Au Québec, on commence les travaux en vue d'évaluer la situation des gens qui se retirent de l'agriculture. Ces gens dépendent de la valeur de l'entreprise, ils ont besoin de liquidité et ils doivent placer l'entreprise dans un contexte qui en assure la pérennité. On doit accompagner ces gens. D'ailleurs, un comité a déjà entamé une réflexion à ce sujet, et on aimerait beaucoup qu'Agriculture Canada soit partie prenante de ce comité.
Ces réflexions doivent servir de base à la mise en place d'un véritable plan d'action canadien pour l'établissement en agriculture. À l'instar de ce qui se fait au Québec, à l'échelle provinciale, un travail de concertation entre les pouvoirs publics et le milieu agricole doit mener le gouvernement à proposer une politique nationale répondant à des objectifs stratégiques par l'entremise de mesures fort efficaces.
À l'heure actuelle, au regard de la situation québécoise, la FRAQ propose les mesures prioritaires suivantes. Tout d'abord, on propose le rajout, dans le recensement agricole effectué tous les cinq ans, de questions sur les intentions des agriculteurs en matière de succession. Il n'existe actuellement aucun moyen de connaître les prévisions de départ des cédants et leur capacité ou non de compter sur une relève. Sans cette information cruciale, il n'est pas possible d'établir une banque de fermes pour mettre en lien les jeunes qui veulent acquérir une entreprise et les gens qui veulent quitter le domaine de l'agriculture.
On propose aussi quelques mesures financières incitatives au transfert. Par exemple, un régime d'épargne-transfert permettrait au cédant de voir son épargne largement bonifiée en cas de transfert agricole.
Grosso modo, un tel régime serait en quelque sorte semblable aux régimes d'épargne-études. Toutefois, il serait destiné aux transferts de fermes. Une autre chose serait que le transfert de biens agricoles soit libre d'impôt dans le cas d'un don ou d'un transfert non apparenté. Finalement, il y aurait la non-imposition des subventions à l'établissement, afin d'aider les agriculteurs qui intègrent des jeunes à leur entreprise. Présentement, on obtient des fonds pour pouvoir transférer et démarrer l'entreprise. Cependant, les subventions qu'on reçoit sont imposables l'année suivante.
Voilà ce qu'on voulait vous présenter ce matin. Je vous remercie beaucoup de votre écoute et de votre attention.
Magali, voulais-tu ajouter quelque chose?
:
Merci beaucoup aux membres du comité de l'invitation.
Je me présente, je suis Sylvain Lapierre, producteur d'œufs de consommation à Saint-Gervais, dans Bellechasse. Je suis aussi administrateur à la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec depuis 2007, de même que président du Comité d'évaluation du Programme d'aide au démarrage de nouveaux producteurs.
À 22 ans, j'ai acquis la ferme de mon père, qui l'avais acquise du sien 20 ans auparavant. Un des nombreux avantages du système de gestion de l'offre, c'est qu'il permet de prévoir les revenus des entreprises, ce qui facilite grandement la planification et le transfert des fermes. J'ai 24 320 poules, et la moyenne au Québec est d'environ 35 000 pondeuses par producteur. Dans mon cas, le transfert s'est opéré par la création d'une nouvelle entreprise il y a 10 ans. Au cours des 10 dernières années, pas moins de 34 transferts à la relève ont été réalisés, en partie ou en totalité, dans des entreprises d'oeufs de consommation au Québec.
En ce qui a trait à la relève et à la pérennité dans le domaine de la production d'œufs de consommation, toute industrie qui a la prétention d'assurer sa survie et de se développer doit prendre les moyens afin d'assurer sa pérennité, en faisant en sorte que les jeunes générations puissent poursuivre dans de saines conditions ce que les générations précédentes ont su bâtir.
Dans l'industrie des oeufs de consommation, une certaine concentration s'est exercée à tous les niveaux, que ce soit celui des producteurs, des classificateurs ou des chaînes d'alimentation, comme dans la plupart des autres secteurs de l'agriculture au Québec et au Canada. Cette situation, combinée à la rareté des quotas de production, a rendu les choses très difficiles pour la relève. De 1982 à 2004, le nombre de producteurs n'a cessé de décroître, passant de 234 à un bas historique de 102. Cette tendance a été freinée en 2005, et on compte maintenant 105 producteurs d'œufs au Québec en 2010.
Bien au fait de cette réalité, les producteurs d'oeufs ont décidé de mettre en place une série d'outils visant à favoriser l'accès aux quotas et l'arrivée de nouveaux producteurs, comme le Programme d'aide au démarrage de nouveaux producteurs que Philippe va vous présenter.
Merci.
Je vais brièvement parler du Programme d'aide au démarrage de nouveaux producteurs. En 2006, les producteurs d'oeufs de consommation du Québec ont lancé officiellement ce Programme d'aide au démarrage de nouveaux producteurs. Par ce programme de relève non apparentée — seulement les personnes à l'extérieur du secteur peuvent être admissibles au programme —, ils souhaitaient favoriser l'augmentation du nombre de producteurs en privilégiant les jeunes et en considérant les régions à plus faible densité avicole.
Le Programme d'aide au démarrage des nouveaux producteurs a connu un succès retentissant. Il a déjà permis l'arrivée de cinq nouveaux producteurs. L'édition 2010 permettra à un sixième candidat de s'établir en production d'oeufs grâce à un prêt de quota à vie de 5 000 poules pondeuses. Les producteurs issus du programme sont installés dans diverses régions au Québec — Chaudière-Appalaches, Saguenay-Lac-Saint-Jean, Pontiac, Lanaudière et Estrie. J'ai fait une liste des producteurs issus de ce programme selon l'année de leur arrivée.
L'arrivée d'un seul producteur par année peut sembler modeste, mais sur un total de 105 producteurs, cela signifie tout de même l'entrée en production de 1 p. 100 des producteurs annuellement. Cela constitue donc un pas significatif. En ce qui concerne le prêt à vie de 5 000 poules pondeuses, à titre comparatif, les revenus d'une telle entreprise sont comparables à ceux d'une ferme laitière d'environ 35 vaches ou d'une ferme avicole — de poulets de chair, par exemple — d'environ 2 000 mètres carrés.
Parallèlement à ce programme, le Système centralisé de vente de quotas, mis en place en 2009, offre la possibilité à ces jeunes entreprises de prendre de l'expansion. Pour nous, il est clair que le système de gestion de l'offre dans lequel évoluent les producteurs d'oeufs leur permet de mettre en place toutes sortes d'outils qui contribuent à assurer la pérennité du secteur. Il faut reconnaître que ce système est avantageux pour toute la société canadienne. En effet, les consommateurs ont accès à des produits d'excellente qualité, en quantité suffisante et à des prix raisonnables. Les producteurs reçoivent du marché une rémunération pour leurs produits, basée sur leurs coûts de production. Les transformateurs, de leur côté, bénéficient d'une grande stabilité dans leurs approvisionnements et obtiennent des résultats financiers enviables. La gestion de l'offre bénéficie aussi à l'État et aux contribuables, puisque les producteurs ne reçoivent aucune subvention gouvernementale pour soutenir leurs revenus.
Par ailleurs, cette façon de faire favorise une agriculture respectueuse des ressources et des personnes, une agriculture efficace et à dimension humaine répartie sur l'ensemble du territoire canadien. Faut-il le rappeler, les productions sous gestion de l'offre représentent 40 p. 100 des recettes de l'agriculture québécoise, presque 30 p. 100 de celles de l'Ontario et 20 p. 100 de l'agriculture au Canada. De plus, ces systèmes ne causent aucune distorsion sur les marchés internationaux, puisqu'ils ont d'abord pour objectif principal d'approvisionner le marché intérieur.
En terminant, mentionnons que la fédération a reçu, en mars dernier, le prix Relève agricole décerné par la Fédération de la relève agricole du Québec pour le Programme d'aide au démarrage de nouveaux producteurs dont je viens de parler.
C'est ce qui termine ma présentation.
:
Bonjour, et merci de nous accueillir.
Je suis Luc Belzile, conseiller en recherche et communication de la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec. Je suis accompagné de M. William Van Tassel, premier vice-président de notre fédération.
Notre fédération regroupe environ 11 000 agriculteurs qui produisent et commercialisent des grains au Québec. Aux fins de l'exercice d'aujourd'hui, on a préparé un mémoire. Ce que je vous présenterai dans les minutes qui suivent est un résumé de ce mémoire.
Tout d'abord, notre fédération a fait certains constats au sujet de l'agriculture canadienne. D'abord, on observe un phénomène important de concentration. Par exemple, selon les données du recensement en agriculture, de 1981 à 2006, le nombre de fermes est passé de 318 000 à 229 000, et la superficie moyenne des fermes est passée de 207 hectares à 295 hectares. C'est un phénomène qui pourrait nous laisser croire que les fermes, en prenant de l'expansion, ont davantage accès à la technologie et gagnent en productivité, ce qui leur assure une meilleure prospérité. Toutefois, d'autres indicateurs nous inquiètent particulièrement quant à l'avenir de l'agriculture et à la relève agricole. Toujours selon les données du recensement en agriculture, de 1991 à 2006, la proportion des exploitants de moins de 35 ans est passée de près de 20 p. 100 à 9 p. 100, et la proportion des exploitants agricoles qui ont un travail rémunéré non agricole est passée de 37 p. 100 à 48 p. 100. Malgré le phénomène de concentration, on constate un vieillissement de la communauté agricole et un recours accru aux sources de revenu non agricoles.
Pour renverser cette situation, notre fédération considère deux éléments principaux sur lesquels il faudrait travailler davantage. Premièrement, on a besoin d'une politique de sécurité des revenus agricoles pour réduire le nombre d'exploitants qui ont recours à des sources de revenu de non agricoles. Deuxièmement, on a aussi besoin — c'est très pressant, selon nous — d'une politique de recherche agricole publique qui placera la productivité des fermes canadiennes sur un même pied d'égalité que les autres priorités de la politique de recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, comme la protection de l'environnement ou la santé publique.
Au chapitre de la recherche publique en agriculture, pourquoi devrait-on réinvestir? Premièrement, plusieurs études démontrent que les rendements économiques associés à la recherche agricole publique varient de 40 à 60 p. 100. On parle ici de bénéfices pour la société, le gouvernement et les agriculteurs. De plus, on a besoin de recherche agricole publique pour mieux servir certaines niches de marché, comme celle des grains biologiques, des grains non OGM ou des grains à identité préservée. On a besoin de tout cela, parce que la recherche effectuée par les entreprises privées se concentre de plus en plus sur des marchés très limités, surtout sur les technologies OGM dans les cultures de canola, de maïs et de soya.
Par ailleurs, voici la preuve qu'il y a eu un désinvestissement très important au Canada relativement à la recherche agricole publique. Les données de l'OCDE démontrent qu'à l'échelle internationale, le Canada a passablement régressé. Au Canada, on observait en 1986 un ratio de l'investissement en recherche agricole publique par rapport à la valeur de la production agricole totale de 1,83 p. 100. En 2008, ce ratio a chuté à 1,08 p. 100. C'est la quatrième baisse en importance — 41 p. 100 — de ce ratio parmi tous les pays de l'OCDE. Il y a donc une diminution importante des investissements en recherche agricole publique au Canada.
Il y a aussi d'autres données qui nous inquiètent beaucoup. Ce printemps, la vérificatrice générale du Canada a émis son rapport, dans lequel un chapitre entier était consacré à la recherche scientifique à Agriculture et Agroalimentaire Canada. Trois principales lacunes nous ont beaucoup inquiétés dans ce rapport. Tout d'abord, la vérificatrice générale mentionne que beaucoup d'engagements financiers ne sont pas tenus par Agriculture Canada. Il y a aussi un manque de planification des ressources humaines. Enfin, le troisième élément est un renouvellement défaillant des immobilisations dédiées à la recherche.
Plus en détail, du côté des engagements financiers qui ne sont pas tenus ni respectés, la vérificatrice générale nous rapporte qu'il y a eu une réduction du financement des projets de recherche évalués par les pairs de 6 p. 100 en 2007-2008 et de 20 p. 100 en 2008-2009.
Plus concrètement, il y avait un projet de développement de variétés de blé résistantes à certaines maladies qui n'a pas reçu les fonds promis initialement. En cours de réalisation, ce projet s'est vu couper son budget. Il faut comprendre que, quand on parle de développement de variétés de blé résistantes aux maladies, on sert autant la protection de l'environnement que la protection de la santé publique. Ainsi, on ne touche pas seulement la productivité des fermes, mais aussi toute la société.
Ensuite, la vérificatrice générale dit que, pour l'ensemble des projets de recherche qui sont acceptés au départ, il y a des ajustements financiers à la baisse pour 70 p. 100 d'entre eux.
On est très inquiet concernant le manque de planification des ressources humaines. On constate qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada ne renouvelle pas son personnel de recherche. C'est confirmé par le rapport de la vérificatrice générale. Par exemple, on nous mentionne que 40 p. 100 de la force de travail à la direction générale de la recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada a plus de 50 ans et 18 p. 100 de plus des 2 000 employés de la direction générale de la recherche sont actuellement admissibles à la retraite.
Le troisième facteur qu'on a relevé et qui nous inquiète est le renouvellement des immobilisations qui servent à la recherche publique en agriculture. La vérificatrice générale mentionne que 71 p. 100 des édifices voués à des activités de recherche sont dans un état passable ou mauvais plutôt que bon ou excellent. De plus, 71 p. 100 des articles d'équipement voués à la recherche ont dépassé leur durée de vie utile. On voit aussi que, du côté des immobilisations, la situation est très inquiétante.
La fédération considère qu'il y a donc une réelle nécessité de réinvestir en recherche publique agricole. Pour ce faire, notre fédération a joint la Coalition des agriculteurs pour l'investissement en agriculture. C'est une coalition qui regroupe 100 000 agriculteurs canadiens producteurs de grain de partout au Canada. Notre revendication, essentiellement, est de rétablir les investissements en recherche publique agricole à leur niveau de 1994 en dollars constants. Concrètement, ça représente un budget annuel additionnel de 28 millions de dollars pour les 10 prochaines années. Ça peut paraître beaucoup pour certains, mais on croit que c'est vraiment réaliste dans le contexte de la recherche publique agricole dans laquelle on a investi il y a une quinzaine d'années.
Une politique de sécurité du revenu agricole est un autre facteur qui nous semble très important. Nous croyons qu'il y a une nécessité de réviser les programmes actuels. C'est très important pour protéger le secteur de la production de grain, parce que les marchés de la production de grain sont faussés par les subventions internationales, et ça amène de très longs cycles de bas prix. C'est très difficile pour les producteurs. Nos simulations, quand on regarde les programmes actuels, nous montrent que si on avait eu ces programmes dans les années 1990, les interventions auraient été minimes, très peu importantes.
La solution privilégiée par notre fédération à ce sujet, c'est d'avoir un volet de gestion du risque au programme d'Agri-flexibilité. Ça irait dans le sens des consultations faites par tous les intervenants agricoles en 2008. Pour nous, ce serait un programme de coûts et de risques partagés. Ça atténuerait l'effet des subventions internationales sur les marchés des grains subi par les producteurs agricoles du Canada.
Je vous remercie de votre attention.
:
Merci beaucoup. Je m'excuse de mon retard. J'ai eu quelques petits problèmes ce matin.
Premièrement, je vous remercie de nous avoir invités, et de donner à la Fédération des producteurs de lait du Québec la possibilité de participer à vos travaux. Chaque fois qu'une tribune nous est offerte ou qu'un groupe se rencontre, c'est toujours important pour nous de faire état de nos réalisations et de partager nos préoccupations.
Mon nom est Marcel Groleau. Je suis le président de la Fédération des producteurs de lait du Québec. Je représente 13 000 producteurs de lait au Québec, répartis dans environ 6 500 fermes québécoises. L'an dernier, la Fédération des producteurs de lait du Québec a livré tout près de trois milliards de litres de lait, ce qui a engendré des recettes nettes de deux milliards de dollars. Cette activité permet le maintien de 61 000 emplois au Québec, principalement en région, dont 27 000 emplois dans les fermes laitières. La production laitière est donc un secteur d'activité économique très important au Québec et au Canada.
Pour notre mise en marché, nous utilisons la gestion de l'offre, que vous connaissez tous très bien. Cette façon de mettre notre lait en marché nous a permis, au cours des dernières années, surtout avec la fluctuation importante des prix internationaux des denrées agricoles, de maintenir une stabilité intéressante dans notre secteur et de minimiser les interventions des gouvernements.
Je profite aussi de cette occasion pour remercier tous les partis représentés à la Chambre des communes de l'appui qu'ils ont accordé à la gestion de l'offre, notamment en novembre 2005, lors de l'adoption unanime d'une motion visant à préserver la gestion de l'offre dans le cadre des négociations à l'OMC. Ces négociations se poursuivent toujours. Encore récemment, le 20 avril, nous étions à Ottawa. Nous avons tenu une journée de lobbying au cours de laquelle on a pu rencontrer plusieurs d'entre vous. On vous remercie de l'accueil que vous nous réservez lors de ces journées. C'est très apprécié et cela nous permet de continuer de maintenir nos communications avec vous.
Le sujet de la relève agricole dans notre secteur est constamment discuté. Deux fois par année, on tient des assises avec les délégués de la Fédération des producteurs de lait du Québec. Dès 1986, la Fédération des producteurs de lait du Québec a mis en place un programme pour faciliter le transfert des entreprises laitières. Avant de parler du programme, je tracerai le portrait du nombre de fermes laitières qui sont vendues ou démantelées chaque année. L'an dernier, sur les 6 500 fermes présentes au Québec, 149 ont été vendues, démantelées ou sont disparues. Cela représente environ 2,25 p. 100 des fermes laitières. Aux États-Unis, il y en a eu 4 p. 100. Nous n'avons pas les chiffres pour l'Europe, mais avec la déréglementation en cours depuis 2003, on estime qu'entre 6 p. 100 et 8 p. 100 des fermes laitières disparaîtront, peut-être même plus si on se fie à la crise laitière qui a commencé l'an dernier et qui se poursuit cette année.
Comme je le disais, le Québec a, depuis 1986, des programmes qui permettent le transfert des entreprises laitières aux générations suivantes. Depuis, d'autres programmes se sont ajoutés, dont un programme pour le transfert intergénérationnel. Ce programme prévoit que tous les producteurs mettent à la disposition du nouvel arrivant en agriculture, qui détient un certain pourcentage de participation dans l'entreprise... On exige que le jeune soit copropriétaire de l'entreprise pour qu'il puisse profiter du programme. On veut qu'il s'engage dans la gestion de l'entreprise et on veut que ce soit réellement un transfert et non pas une façon pour la génération actuelle d'améliorer sa situation. Il faut que ce soit un transfert vers la génération suivante.
On exige une participation dans l'entreprise de 20 p. 100 à 50 p. 100, selon le programme. Si un jeune détient 50 p. 100 des parts de l'entreprise, cela lui permet d'obtenir cinq kg/jour de matière grasse de quota. C'est un prêt échelonné sur dix ans. Ce quota doit être remplacé, mais durant les cinq premières années, il n'y a aucuns frais et, à partir de la sixième année, on demande de remplacer un kg de matière grasse par année jusqu'à la dixième année. C'est donc un prêt qui s'échelonne sur dix ans.
Il y a un autre programme pour les nouveaux producteurs, donc des gens qui ne sont pas, par voie familiale, déjà engagés dans une production laitière. Ils peuvent l'être mais, quelquefois, la ferme a déjà été transférée et un autre jeune peut être intéressé à démarrer son entreprise. C'est un programme pour les nouveaux producteurs, pour démarrer de nouvelles entreprises. Ce programme a d'abord été lancé au Québec, mais maintenant il est aussi présent en Ontario et dans les provinces Maritimes, qui se sont inspirés de notre programme. Dans ce cas, le prêt est plus important, c'est un prêt de 12 kilos. On demande aux jeunes de faire l'acquisition de 12 kg de matière grasse. La Fédération des producteurs de lait prête 12 kilos, donc cela permet à un jeune de démarrer avec une ferme laitière de 25 à 30 vaches, ce qui est relativement petit dans le contexte nord-américain, mais qui permet quand même de démarrer de façon adéquate en agriculture.
Ce programme fonctionne maintenant depuis quatre ans au Québec. Au mois de mai, les candidats inscrits au programme vont savoir s'ils sont acceptés ou pas. Quarante-deux nouvelles fermes laitières vont pouvoir démarrer grâce à ce programme. Pour vous donner une idée, en Abitibi-Témiscamingue, l'an dernier, trois fermes ont cessé la production mais quatre nouvelles ont démarré. Cela peut paraître petit, encore une fois, mais alors que, de façon continuelle, le nombre de fermes diminue, il y a une ferme laitière de plus que l'année précédente.
La Fédération des producteurs de lait a également pris des mesures assez importantes pour limiter l'augmentation du prix des quotas. C'était une préoccupation pour nous dans le cadre du transfert des entreprises, et cela incitait également le démantèlement des fermes laitières. Donc, on a pris des mesures assez énergiques pour limiter le prix des quotas.
La Fédération des producteurs de lait a tenu un exercice de planification stratégique il y a trois ans. On a rencontré plus de la moitié des producteurs de lait du Québec durant cet exercice, et l'une des cibles qu'on s'est données, c'est de maintenir, d'ici 2017, 5 000 fermes laitières au Québec. C'est pour cela que des mesures ont été prises, notamment à l'intérieur du programme. Cela permet aux nouveaux producteurs de démarrer ou cela permet la bonification du programme de transfert des fermes vers les générations suivantes. C'est un objectif ambitieux dans le contexte international, voire canadien, mais on croit que c'est important, parce que la gestion de l'offre n'est pas seulement une façon de mettre en marché, c'est aussi une façon de maintenir le tissu social agricole dans toutes les régions. L'objectif est de pouvoir maintenir 5 000 fermes laitières sur le territoire du Québec d'ici 2017. C'est pourquoi il est important pour nous que les jeunes puissent avoir accès à différents programmes.
Ce sera certainement mentionné par M. Marcoux, mais il serait important que des mesures fiscales soient mises en place pour favoriser le transfert des fermes plutôt que leur démantèlement. On n'est pas encore arrivés à trouver la recette idéale, mais c'est vraiment la clé si on veut maintenir le plus grand nombre possible de fermes sur le territoire. Merci beaucoup.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être présents ce matin.
J'aimerais remercier tout le comité permanent d'être venu à Québec pour entendre la relève sur un bon point de discussion. Je pense que c'est un grand défi. Ma première question est pour vous, monsieur Marcoux.
Je me rappelle, il y a 30 ans, je faisais moi aussi partie de la relève agricole. On militait pour avoir des transferts de quotas, des prêts de quotas, tous genres d'aide. On s'aperçoit que, lorsque la Fédération de la relève agricole du Québec fait des démarches, ça ne porte peut-être pas fruit dès la première année, mais au fil du temps, il ne faut jamais désespérer. Car ce que vous faites aujourd'hui va sans doute aider des jeunes de la relève dans deux, trois, cinq, dix, et même quinze ans.
Vous avez parlé plus tôt d'un régime d'épargne-transfert propre au secteur agricole. J'aimerais vous entendre donner plus d'explications sur ce régime, car on sait que la relève a de grands défis. De fait, il faut acquérir des fonds de terre, des bâtiments, des animaux, de la machinerie, de la technologie et, souvent, une maison avec tout ça. Les jeunes familles doivent tout acquérir en même temps. Je pense donc que vous avez raison de dire que vous avez besoin d'aide, mais j'aimerais que vous expliquiez davantage ce dont vous avez parlé un peu plus tôt.
:
Ce dont on discute ce matin est très important. C'est pourquoi on fait cette étude et que nous visitons toutes les régions du Canada. Par conséquent, nous sommes ici, à Québec et au Québec.
Le gouvernement fédéral a quelques initiatives pour aider les jeunes agriculteurs. Par exemple, on a augmenté les exemptions pour gains en capital à 750 000 $, afin de favoriser le transfert des fermes aux jeunes. De plus, si je me rappelle bien, chaque député ici a voté en faveur de la Loi canadienne sur les prêts agricoles. C'était l'été dernier. On a adopté le projet de loi afin d'améliorer les prêts pour les agriculteurs et particulièrement les jeunes agriculteurs. Je pense que la valeur totale était d'un milliard de dollars, et c'était pour les coopératives de jeunes agriculteurs.
On a des discussions avec beaucoup d'agriculteurs, partout au Canada. Il y a certainement deux défis primordiaux. Le premier est ce que coûte le démarrage en agriculture, par exemple, ce que coûte l'achat d'équipement, du terrain, des vaches, du quota, etc. Le deuxième défi est le revenu annuel. Il faut qu'il y ait assez de revenus pour attirer les jeunes.
En ce qui a trait au revenu annuel, il faut considérer quelques facteurs. Il faut d'abord considérer les prix du marché. On ne peut pas contrôler les prix des produits. D'autre part, il faut considérer les programmes et les initiatives gouvernementales. On est ici pour savoir si on peut faire quelque chose pour améliorer la situation.
J'ai beaucoup aimé les commentaires des producteurs d'oeufs. Mon comté touche le Québec. Il est situé entre Ottawa et la frontière du Québec. Il y a beaucoup de francophones et d'agriculteurs chez moi. C'est un comté rural et on a des producteurs d'oeufs. J'ai remarqué qu'il y a beaucoup de jeunes producteurs d'oeufs. La plupart des producteurs sont jeunes, c'est-à-dire qu'ils ont entre trente et quarante ans.
Je ne savais pas qu'il y avait un programme pour aider les jeunes agriculteurs dans le secteur des oeufs. J'aimerais savoir si c'est la même chose dans les autres provinces ou si c'est seulement pour les producteurs d'oeufs du Québec.
:
Je veux remercier le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de l'invitation. C'est avec plaisir que je présenterai mon témoignage. Mon nom est Rémy Laterreur. Je suis producteur de porc, depuis 31 ans, dans la municipalité de Saint-Narcisse-de-Beaurivage, sur la rive sud en face de Québec. Mon témoignage traitera du fait que pour assurer une bonne relève, les entreprises en place doivent être en bonne santé financière.
Mon expérience m'a démontré que les marges bénéficiaires des fermes sont de plus en plus minces et que le besoin de s'ajuster à certaines règles ou à certaines normes peut provoquer un stress financier important chez la majorité des producteurs. Ces derniers sont à l'écoute des signaux du marché qui, eux, sont souvent accompagnés de signaux politiques les encourageant à faire des investissements majeurs pour développer le plein potentiel de leur entreprise.
L'agriculture au Canada est, et sera toujours, un levier économique très important, mais, de par sa situation nordique, elle exige et exigera toujours un minimum de soutien de la part des gouvernements.
Au cours de mes 25 premières années à titre de producteur, il y a eu un cycle de prix plus ou moins régulier. Il y avait de bas, moyens et bons prix qui, sur une moyenne de cinq ans, s'équilibraient. Les problèmes de santé liés à notre production étaient importants, mais très espacés dans le temps, ce qui permettait à la ferme de se redresser et de retrouver la stabilité financière.
De 2005 à aujourd'hui, une multitude d'événements se sont abattus sur les fermes porcines. L'épidémie du circovirus, qui a duré deux ans, a provoqué des pertes de l'ordre de 10 à 30 p. 100 au sein de la plupart des troupeaux. L'utilisation de l'éthanol, à base de maïs, a fait augmenter les coûts de l'alimentation d'environ 50 p. 100. La force du dollar a réduit de beaucoup un avantage concurrentiel pour les exportations de porc, ce qui s'est traduit par une baisse du revenu généralisée pour les producteurs de porc. L'investissement massif de fonds dans les marchés boursiers des grains a fait perdre la crédibilité des références normalement reconnues par les producteurs. Le cumul des pertes de 2005 à 2008 a forcé un grand nombre de fermes à adhérer au Programme de paiements anticipés remboursables un an plus tard, mis en place par le gouvernement fédéral.
Au début de 2009, les marchés à terme, qui semblaient démarrer avec de bonnes perspectives, se sont effondrés à la suite de la grippe A(H1N1), baptisée au départ « grippe porcine ». Ajoutez à cela la crise économique mondiale qui n'est pas encore terminée.
Nous sommes toujours en attente d'une décision du gouvernement pour ce qui est du report, encore une fois, des remboursements du PPA prévus pour septembre 2010. Pour ce qui est du soutien du programme Agri-stabilité, ce dernier est fondé sur un cycle de profits et de pertes de revenus qui couvre une moyenne des cinq dernières années. Lorsque l'exploitation des fermes affiche un bilan négatif pendant une longue période, le programme ne s'applique plus.
Pour ce qui est du soutien provincial, des mesures de resserrement mises en place en 2009 ont, elles aussi, des répercussions négatives très importantes sur la rentabilité des fermes. La compilation monétaire des répercussions négatives que je viens d'énumérer a fait baisser la valeur des fermes, ce qui a réduit l'équité accumulée en 20 ou 25 ans de travail à zéro et, dans un grand nombre de fermes, a mené à une équité négative.
Le Canada devra toujours offrir un minimum de soutien à l'agriculture par des programmes souples et pouvant répondre rapidement à la réalité que doivent vivre les producteurs. Si les programmes et les budgets en agriculture ne permettent pas aux producteurs en place de relever tous les défis auxquels ils sont confrontés, à mon avis, il serait complètement immoral de gaspiller du capital humain dans l'agriculture.
Pour qu'il y ait une relève agricole sérieuse, il faut d'abord qu'il y ait une politique agricole sérieuse. Il faut une politique agricole à long terme montrant de la stabilité, ce qui fera que les programmes de relève fonctionneront.
Le patrimoine agricole est une ressource extrêmement importante pour le Canada. Les producteurs canadiens sont extrêmement fiers des produits de grande qualité que l'on consomme et exporte partout au monde. Il reste à assurer la viabilité et la stabilité du secteur, et la relève saura, elle aussi, relever tous les défis auxquels elle sera confrontée.
J'ai avec moi un groupe d'experts-conseils agroéconomistes qui ont comptabilisé toutes les répercussions négatives des dernières années. Ceux-ci peuvent fournir un portrait bien précis de la situation très précaire à laquelle les producteurs font face.
Le but de mon témoignage n'est pas de faire peur à la relève. Au contraire, c'est de démontrer que pour s'assurer que la relève réussira, il y a des ajustements à faire.
Je vous remercie.
:
Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de votre accueil.
Mon exposé sera divisé en quatre points. Premièrement, j'aborderai la situation financière précaire des entreprises porcines. Deuxièmement, j'expliquerai pourquoi peu d'entreprises du Québec ont participé aux deux programmes, soit le programme de transition et le PRPPIP du gouvernement fédéral. Troisièmement, je mentionnerai ce qui arrivera des remboursements obligatoires du PPA à l'automne 2010, soit dans quelques mois et, finalement, j'aborderai quelles mesures pourraient être apportées pour faciliter la continuité d'un plus grand nombre d'entreprises potentiellement viables.
Le premier point est donc la situation financière précaire des entreprises. La production porcine fut l'une des plus accueillantes envers la relève au Québec au cours des dernières années, que ce soit par le transfert de fermes, par la vente entre non-apparentés ou carrément par établissement. Cependant, la situation financière des entreprises porcines s'est grandement détériorée au cours des dernières années à cause des facteurs énumérés par M. Laterreur il y a quelques minutes.
Pour pallier cet état de fait, entre autres, Agriculture et Agroalimentaire Canada a mis en place en 2008 le PPA spécial. Celui-ci a apporté des liquidités aux entreprises. Malheureusement, le temps de rembourser ces prêts spéciaux approche à grands pas, et la situation financière actuelle permet à très peu d'entreprises d'y faire face dans ce contexte.
Lors de l'enquête de la Fédération des producteurs de porc du Québec en 2008, on a dressé, à partir d'un groupe témoin de fermes porcines de type naisseur-finisseur, un portrait prévisionnel de 2009 à 2011. Ce portrait n'est guère reluisant. En fait, si on regarde la situation des entreprises en 2008 pour ce groupe témoin, on se rend compte que la situation a permis aux entreprises de dégager un solde résiduel de 36 000 $. Après avoir payé toutes les dépenses, la dette et la masse salariale de l'entreprise, les entreprises ont quand même dégagé 36 000 $ sur un chiffre d'affaires d'environ 1 100 000 $.
Si on fait évoluer ces mêmes entreprises en 2009, 2010 et 2011, selon les prévisions d'Agriculture et Agroalimentaire Canada fournies dans le cadre du PRPPIP en octobre dernier, on va obtenir des résultats nettement moins intéressants. Les résultats de 2009 sont des résultats prévisionnels. Il est plus facile de faire le point sur quelque chose qui s'est déjà passé. Le surplus de 36 000 $ devrait fondre et devenir une perte d'environ 47 000 $ en 2009, de 72 000 $ en 2010 et d'environ 70 000 $ en 2011.
Est-ce que la réalité reflète les prévisions? Afin de valider cette tendance, j'ai retenu l'évolution d'un groupe formé de 11 fermes spécialisées en production porcine du Groupe Conseil Agricole Beaurivage. L'évolution de ce groupe sur deux ans nous permet de voir que le bénéfice ou le surplus de 2008, qui était de 37 000 $ — donc sensiblement le même que celui du groupe témoin qui était de 36 000 $ — a fondu et est devenu une perte de 85 000 $ en 2009.
Passons maintenant au deuxième point. Pourquoi si peu d'entreprises québécoises ont participé au programme de transition et au PRPPIP, soit le Programme de réserve pour pertes sur prêts dans l'industrie porcine? Dans le cadre du programme de transition, il est prouvé que l'endettement à court terme des fermes québécoises est, de façon générale, plus élevé que le reste des entreprises canadiennes, entre autres parce que des programmes de soutien québécois permettaient une telle situation. Dans le cas du programme de transition, l'endettement à court terme était tel que pour être en mesure de supporter un arrêt de production de trois ans, comme le prévoyait le programme, ou un arrêt permanent, il fallait à tout le moins ramener la situation des entreprises à un niveau tolérable pour la période de trois ans. C'est-à-dire que même si le producteur faisait une transition vers une autre production ou qu'il arrêtait carrément la production pour aller chercher un emploi ailleurs, il devait être en mesure de financer certaines dépenses. Les soumissions pour les fermes québécoises étaient beaucoup plus souvent autour de 2 000 $ par rapport au montant de 1 000 $ qui était, en moyenne, le niveau maximum accepté. J'en ai même vu de l'ordre de 3 000 $.
Pour le programme PRPPIP, le Programme de réserve pour pertes sur prêts dans l'industrie porcine, le niveau d'endettement élevé et la perte de rentabilité qu'on a vécue au cours des dernières années en raison des facteurs énumérés — la maladie, la crise du marché, la grippe A(H1N1), etc. — ont diminué grandement la rentabilité des entreprises. Même en citant les prévisions du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire d'octobre 2009, il était assez difficile de démontrer la rentabilité probable des entreprises.
Un autre facteur s'est ajouté à cela. Comme un fort pourcentage des fermes québécoises sont financées par la Financière agricole du Québec, les institutions financières qui accordaient les prêts n'étaient pas enchantées à l'idée de figurer sur la liste après le premier créancier d'une majorité d'entreprises, la Financière agricole du Québec. Les institutions financières n'ont donc pas toutes accepté de participer à ce programme. Dans les faits, seules les entreprises financées directement par les institutions financières ont vu leurs créanciers accepter et proposer une démarche de refinancement dans le cadre du PRPPIP, dans la mesure où cela leur permettait de diminuer en partie les risques, et évidemment, là où les perspectives de profit, même minimes, étaient plausibles.
Ajoutons à cela la prochaine date butoir que les entreprises de l'industrie devront respecter, soit le 30 septembre prochain. Le 30 septembre 2010, les paiements du PPA arriveront théoriquement à échéance. Les paiements anticipés non refinancés dans le cadre du dernier programme deviendront donc théoriquement exigibles le mois suivant. Un très faible pourcentage d'entreprises seront en mesure de respecter ces échéances. Selon moi, c'est moins de 50 p. 100 — je n'oserais pas émettre de chiffres plus grands. On sait que le nombre d'entreprises ne sera pas énorme. Ces dernières n'auront pas la liquidité pour faire face à cette situation, et même avec leurs créanciers habituels, elles auront de la difficulté à le faire. Cela devrait inévitablement conduire à deux alternatives: la vente d'actifs ou d'entreprise et le processus de médiation.
Maintenant, parlons des mesures potentielles qui pourraient faciliter la continuité d'un plus grand nombre de ces entreprises. Une des premières mesures qui, à mon avis, devrait être envisagée, c'est le gel du PPA, selon la structure actuelle, c'est-à-dire le maintien des avantages issus des taux d'intérêt, des bonifications d'intérêt qui y sont rattachés. Puisque notre industrie est en crise depuis cinq ans, il faudrait idéalement qu'ils soient maintenus tant et aussi longtemps que la crise ne sera pas terminée, et jusqu'à ce que chaque entreprise ait pu accumuler un certain fonds de roulement.
La deuxième mesure concerne le processus de médiation. Il faudrait que le mandataire du programme ou le ministère d'Agriculture et d'Agroalimentaire fassent preuve d'une plus grande ouverture aux solutions, et qu'ils fassent partie de la résolution du problème par la médiation. La fin de non-recevoir qu'on nous oppose actuellement ou carrément l'absence à la table des négociations dans la médiation rendent la tâche difficile aux autres créanciers qui doivent trouver une solution durable à ce problème des entreprises.
Troisièmement, advenant la volonté des gouvernements de mettre en place des nouveaux programmes, on pourrait, si possible, jumeler ces derniers à des programmes déjà existants, comme Agri-investissement, par exemple. On pourrait tout simplement bonifier des pourcentages et viser des productions très spécifiques. Par exemple, il pourrait y avoir un programme Agri-investissement porc 2010, un programme Agri-investissement boeuf 2011, etc.
:
Bonjour à tous. Monsieur Miller, membres du comité, je vous remercie de l'invitation.
Je vais avoir assez de sept minutes pour vous faire part de mon point de vue sur deux points majeurs. Cela rejoint un peu ce que les témoins ont dit juste avant nous.
Le mot important est « stabilité » sur le plan agricole. Bien qu'on l'ait déjà beaucoup fait, j'aimerais parler du coût des investissements en agriculture et de l'impact des problèmes de santé sur la rentabilité des entreprises du secteur de la production animale. Mon mémoire vise à souligner ces deux éléments.
Parlons du coût des investissements et de la valeur des actifs, que ce soit pour un transfert ou un achat par quelqu'un qui veut s'établir en agriculture, qu'il vienne d'un milieu agricole ou non. Ces actifs sont très dispendieux et les rendements sont très bas. On l'a souligné à maintes reprises, les revenus agricoles sont très variables. Cela freine la capacité de la relève d'acquérir ces actifs. Je dirais même que, comme dans beaucoup de secteurs agricoles, on est en crise. Cela nuit aux producteurs actuels qui veulent continuer à maintenir ces actifs en place. On le voit en production porcine. À cause de la crise, il sera difficile pour les producteurs de renouveler leurs bâtiments et d'être concurrentiels face à d'autres pays. En ce qui a trait à ces actifs, il faut trouver un moyen de permettre aux gens de s'établir en agriculture ou aux gens qui ont des actifs actuellement de pouvoir continuer à produire.
Mes recommandations constituent plutôt des pistes à explorer. En ce qui a trait aux investissements, il y a deux points. Il serait possible d'avoir des actifs qui appartiendraient à des fonds ou à des communautés qui permettraient de sortir certains éléments des bilans. Par exemple, si un jeune n'a pas à acheter la terre, qui est vouée à l'agriculture, s'il n'a pas à l'inclure dans son bilan en tant que prêt, cela peut l'aider sur le plan de ses investissements.
D'autre part, lorsqu'on demande des investissements importants, par exemple pour faire de la production porcine, de la production bovine, ou de la production laitière, il faudrait s'assurer de la stabilité des revenus des entreprises, afin de leur permettre d'amortir ces équipements ou ces actifs. Souvent, les gens font des investissements importants et on voit que les conditions de marché sont très variables. Ça provoque de l'instabilité financière au sein des entreprises, ce qui décourage souvent les gens de continuer ou rend difficile de convaincre la relève d'acquérir la ferme. On voit cela souvent en production porcine Ce sont les deux éléments dont je voulais parler relativement au coût des investissements.
En outre, j'aimerais parler de l'impact des questions de santé sur les productions animales. On peut faire un parallèle avec la maladie de la vache folle et le circovirus porcin. Je crois qu'il faut trouver un moyen d'avoir un système qui va aider les gens lors d'une crise sanitaire ou si une maladie importante se déclare dans un pays. M. Laterreur a parlé de l'impact que le circovirus porcin a eu sur les fermes porcines. Déjà, on demande aux producteurs de composer avec des conditions de marché très fluctuantes, notamment en ce qui trait aux prix et aux coûts des intrants. Si on pouvait trouver un moyen de réduire l'impact d'une maladie sur les troupeaux, on pourrait au moins apporter un peu d'aide de cette façon. Cela nous permettrait aussi au pays de mieux faire face à cette situation.
J'ai recommandé de créer un fonds de santé, une assurance-santé comme pour les humains, afin de permettre de faire face à ces situations. Si on prend l'exemple de la maladie de la vache folle ou du circovirus porcin, s'il y avait eu un fonds de santé, le gouvernement n'aurait peut-être pas eu à investir autant d'argent d'un seul coup pour soutenir des entreprises. Je ne pense pas que toutes les fermes vont devoir faire face à la maladie, chaque année, en même temps.
Ce serait un moyen, Ce fonds pourrait être utilisé pour faire du développement technologique, pour la recherche.
Par exemple, dans le cas du secteur porcin, la recherche pourrait éradiquer des maladies ou identifier certaines régions d'un pays. Cela nous permettrait de continuer d'exporter nos produits ou de contenir un épisode de santé. Au cours des dernières années, si les producteurs de porc avaient eu la chance d'éviter les répercussions du circovirus, cela aurait déjà permis de contenir les fluctuations du marché.
En terminant, je voudrais dire un mot sur les programmes. On a des programmes de gestion de risque; il faudrait les adapter et créer des programmes de gestion de crise. En effet, quand un secteur vit une crise pendant plusieurs années, les programmes de gestion de risque actuels ne sont plus efficaces. Il faut donc pouvoir séparer la gestion de risque de la gestion de crise et identifier rapidement les secteurs qui requièrent un soutien différent pendant plusieurs années.
Merci beaucoup.
:
Merci beaucoup, messieurs et mesdames les parlementaires.
Aujourd'hui, je viens vous parler du démarrage d'entreprise, en particulier de la difficulté des gens à avoir accès au crédit quand ils démarrent une entreprise. Ce matin, jusqu'à maintenant, vous avez entendu parler du transfert d'entreprises. Certaines notions de démarrage d'entreprises ont également été mentionnées. Je vous parlerai strictement du démarrage d'entreprises d'individus non-apparentés. Un peu plus tôt, certains individus vous en ont parlé. J'irai beaucoup plus en détail.
Je suis agronome. J'ai invité Mme Létourneau qui est productrice agricole et qui a réalisé un démarrage. Plus tard, elle vous témoignera des difficultés d'accès au crédit qu'elle a connues.
Pourquoi je viens vous jaser de ça? C'est simplement parce qu'il existe un programme, au fédéral, que vous avez mentionné ce matin — M. Lemieux en a parlé —, la LCPA, la Loi canadienne sur les prêts agricoles. C'est un programme de garantie de prêts de financement facilitant l'accès des producteurs agricoles au crédit. Selon certaines demandes, des garanties de prêts sont accordées par l'entremise d'institutions financières.
Dans l'aide au démarrage que j'apporte, présentement, je touche très peu à la production de lait, en raison de la présence de quotas. On le fera dans le cadre des programmes que M. Groleau a mentionnés ce matin. Toutefois, quand on part d'absolument rien, c'est difficile de démarrer une entreprise dans la production de lait.
Dans le secteur porcin, vous comprenez qu'en raison des allégations mentionnées plus tôt, c'est encore difficile d'y démarrer une entreprise. Pour la volaille et les oeufs, ce sont également des programmes sous gestion de quotas. Alors, c'est aussi très difficile d'y démarrer une entreprise. Sauf, encore une fois, si on prend les moyens que donne la fédération.
Pour ce qui est du veau de lait et du veau de grain, ici, au Québec, il y a présentement un moratoire. La Financière agricole du Québec, par l'entremise du Programme d'assurance stabilisation des revenus agricoles, désire ne pas compenser plus d'animaux. Il y a donc un moratoire, présentement, dans le démarrage d'entreprise pour le veau de lait et le veau de grain. Concernant l'ovin, c'est encore la même problématique. Le moratoire n'est pas présent, mais il s'en vient.
Pour ce qui est du lapin et de la production acéricole, il y a des quotas, qui ne sont pas ceux que vous connaissez. Dans notre jargon, on l'appelle une PPA — une part de production attribuée. C'est une forme de quota qui limite le nombre de nouvelles personnes qui désirent démarrer une entreprise dans ces productions.
Alors, que reste-t-il comme production à démarrer? Il reste la chèvre laitière, le canard, le grand gibier, le maraîcher, l'horticulture ornementale et je suis certain que vous pourriez en nommer vous aussi. Toutefois, ce sont des productions où on ne retrouve pas de références.
Quand je fais un plan d'affaires dans des productions d'émergence, c'est très difficile d'obtenir de l'information. On fait quand même des plans d'affaires pour aider ces gens. Quand un producteur désire faire du démarrage, la première question que je lui pose — et surtout quand il me parle d'une production d'émergence — c'est s'il a de l'argent à investir là-dedans. S'il n'en a pas, souvent, je l'incite à ne pas faire le travail. En tous les cas, je ne fais pas le plan d'affaires, parce que je vais lui occasionner des frais, fort probablement, pour rien.
Par ailleurs, il existe un programme au fédéral, géré par Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui s'appelle la LCPA — Loi canadienne sur les prêts agricoles. Il a changé de nom, l'an passé, quand il y a eu l'accès pour la relève ainsi que pour les coopératives. Les informations que je vous donne sont disponibles sur le site Web d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Elles proviennent d'un rapport qui a été commandé et qui a été déposé le 4 octobre 2004.
Le rapport a ciblé certaines lacunes du programme. Je les nomme:
Lourdeur administrative pour compléter les demandes, ce qui demande beaucoup de temps aux partenaires financiers; le compte devient donc moins rentable pour le partenaire financier;
Difficulté de recouvrement des prêts;
Méconnaissance des clients concernant ce programme;
Tarif trop élevé pour la relève agricole.
Autrement dit, quand un individu se présente dans une institution financière — que ce soit la Financière agricole du Québec, le Financement agricole du Canada ou les autres institutions financières privées —, la première chose dont on lui parle, c'est des prêts autonomes ou des prêts garantis par l'institution. On n'entend jamais parler de la LCPA. Aucune institution financière n'a l'avantage, présentement, d'offrir ce programme géré par Agriculture et Agroalimentaire Canada, parce qu'il y a une lourdeur administrative. N'oubliez pas que, quand on regarde la description de ce programme, beaucoup d'accent est mis sur la relève agricole. On n'y a pas accès présentement.
On ne peut pas blâmer les créanciers. Ils sont présentement en surcharge de travail. Il y a les crises que connaît le monde agricole. Quand on arrive avec un plan d'affaires en production d'émergence, honnêtement, c'est plus facile de dire non que de faire le travail, l'analyse et les budgets. On n'a pas de références pour arriver à dire oui.
Car, au bout du compte, la recommandation du partenaire financier consiste à dire à son employeur qu'en effet, il devrait prêter l'argent. Cependant, s'il veut aller beaucoup plus loin et obtenir une garantie de prêts, il croit qu'étant donné toute la paperasse exigée par la LCPA et tout le travail que cela occasionne, ça va être trop compliqué, et il refusera tout simplement.
D'ailleurs, dans le document qui a été déposé par Agriculture et Agroalimentaire Canada le 4 octobre et que l'on retrouve sur le site Web, il y a une statistique qui indique clairement ce qui se passe. En 1996-1997, 16 250 prêts garantis avaient été autorisés, et en 2002-2003, il y en avait 4 722. À mon avis, il y a un problème dans ce programme, qui est peut-être un peu naïf, mais qu'il serait facile de régler.
Voici mes recommandations au comité. Agriculture et Agroalimentaire Canada devrait élargir le type d'intervenants devant compléter des formulaires d'inscription aux conseillers en gestion agricole. Pour ce faire, il devrait y avoir des séances d'information et il devrait outiller les agronomes oeuvrant comme conseillers en gestion agricole. Évidemment, en ce qui a trait aux garanties, il appartiendrait toujours aux partenaires financiers de remplir la partie du document portant sur ce sujet.
Agriculture et Agroalimentaire Canada devrait prendre les moyens pour négocier avec les institutions financières afin d'éclaircir les modalités de recouvrement des prêts.
Dans le programme de la LCPA, pour les individus qui sont en démarrage d'entreprise agricole, les prêts devraient être garantis à 100 p. 100, comme ce qu'on retrouve dans certaines provinces, par exemple à la Financière agricole du Québec.
Enfin, monsieur le président, Agriculture et Agroalimentaire Canada devrait établir un tarif unique pour les frais associés au démarrage d'une entreprise agricole ou pour la relève. Habituellement, on parle d'une entreprise de 0 à 5 ans. Par exemple, à la Financière agricole du Québec, les frais relatifs à une étude de dossier pour la relève sont de 300 $, et non de 0,85 p. 100 du montant.
Merci beaucoup, monsieur le président.
:
Invitée par M. Lecours, je viens ici témoigner de mon démarrage en production laitière. Mon conjoint, Justin, et moi avons démarré une ferme laitière. Aujourd'hui, on a 33 kilos de quota, et on est parti de zéro. Justin est issu d'une famille propriétaire d'une ferme laitière qui a été léguée à 100 p. 100 à son frère. Pour ma part, mon père est producteur forestier. On a tous les deux étudié en gestion agricole, on est titulaires d'un DEC.
Tout a commencé après le cégep. J'ai été gérante d'une ferme laitière. On a eu de bons rendements qui ont été très remarqués dans la région. L'idée était d'avoir notre propre ferme laitière. On a regardé un peu les productions en émergence. J'ai considéré la production acéricole, on a eu 125 souches en apiculture, mais ce ne sont pas des choses qui étaient intéressantes pour nous. Ça demande beaucoup de temps, et ce n'est pas très rentable.
On est donc allé voir un homme, qu'on ne connaissait pas, qui démantelait sa ferme, et il nous prêtait 300 000 $ à raison de 2 p. 100 d'intérêts mensuels pendant 10 ans, sans remboursement de capital. On possédait alors une petite maison. Par la vente de la maison, je pouvais obtenir un gain de 50 000 $ à 60 000 $. Comme chacun de nous avait suivi notre cours en agriculture, on avait donc deux bourses à l'établissement de 80 000 $. On a trouvé une ferme laitière. Le propriétaire nous vendait de très belles terres, des bâtiments prêts à recevoir les animaux. Tout était en place: les robots d'alimentation, le système de traite. Il ne restait qu'à y amener des vaches. Il nous vendait ça 400 000 $.
J'ai élaboré un petit projet que je suis allée présenter à la Financière agricole du Québec, qui n'a même pas voulu le regarder. Son représentant m'a conseillé de le jeter aux poubelles pour ne pas avoir à le faire lui-même.
Puisque mon conjoint travaillait à contrat pour la Financière agricole du Québec, dans le domaine des assurances récoltes, et qu'il connaissait un peu les plus haut placés, on est allé les voir. Ils nous ont référés à d'autres conseillers qui ont pris le temps d'étudier notre projet. Ils nous ont dit que ça ne suffisait pas, malgré tout ce qu'on avait entre les mains. On avait droit aux 5 kilos de la relève. À ce moment-là, les 10 kilos, qui sont maintenant les 12 kilos, n'existaient pas. On ne pouvait pas acheter les terres. Ils nous ont dit qu'ils n'aidaient pas des jeunes à démarrer en leur faisant acheter des terres; qu'ils les leur faisaient louer.
Il a donc fallu parler beaucoup avec l'homme pour qu'il en vienne à nous louer sa terre, ce qui n'était vraiment pas une avenue pour lui; il voulait vendre. C'était une location avec option d'achat. On a soumis cela auprès de la Financière agricole du Québec qui nous a encore refusés. Il nous manquait des garanties de l'ordre de 100 000 $ pour pouvoir démarrer notre ferme. On a recherché un troisième bon samaritain qui a bien voulu signer et nous garantir ces 100 000 $ pour qu'on puisse démarrer notre ferme. Cela nous fait trois bons samaritains pour pouvoir avoir une ferme laitière d'envergure familiale.
J'entame maintenant ma quatrième année de production depuis le 1er janvier, et on a 33 kilos de quota. Ça va très bien. Le coup, c'était de démarrer tout ça.
:
Bonjour. Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité, de me donner l'occasion de me faire entendre ce matin. Je suis ici à titre personnel. Je suis un producteur agricole, un producteur laitier. Je suis copropriétaire d'une ferme laitière avec mon frère. J'ai deux fils, qui ont 25 ans et 29 ans. Ils adorent l'agriculture, ils en mangent. Par contre, les implanter dans le monde agricole est une tâche très ardue.
Je suis aussi maire de ma municipalité et préfet de ma municipalité régionale de comté, en Nouvelle-Beauce. Soit dit en passant, elle est la deuxième MRC en importance en matière agricole au Québec, après la MRC des Maskoutains, dans la région de Saint-Hyacinthe. Chaudière-Appalaches est un milieu très agricole. La relève joue un rôle très important pour le futur, si on veut continuer à voir cette agriculture se développer.
Vous ne m'en voudrez pas d'entamer ma présentation en disant que je crois au maintien de la gestion de l'offre, entre autres dans la production laitière. Je veux vous mentionner que celle-ci existe et est incontournable. La gestion de l'offre assure la pérennité des productions qui y sont soumises, que ce soit les oeufs ou la volaille. D'autres productions gagneraient peut-être à se soumettre à ce type de gestion.
Je ne suis pas contre la mondialisation des marchés. Par contre, lorsqu'il est question de nourrir la planète, nous nous devons de faire attention. Les paroles que M. Groleau a tenues tout à l'heure étaient tout à fait à propos et je les endosse.
Nous n'avons qu'à regarder du côté de la communauté économique européenne, qui l'a laissé tomber il y a quelques années, pour comprendre l'importance d'une certaine forme de gestion. Il n'y a qu'à regarder la diminution des prix payés aux producteurs. À ce moment-ci, il est impossible de penser à une relève forte et compétitive si cela se produisait chez nous. J'ai des amis producteurs en Suisse, en Belgique et en France, et ceux-ci ont de la difficulté à implanter leur relève, à cause de tous les problèmes que vit actuellement l'Europe dans le secteur de la production laitière.
Il faut aussi faire attention de ne pas déstabiliser des régions à la suite de changements aux différents programmes ou à une politique, ou tout simplement de l'abandon d'une politique de soutien. La vitalité des régions — je vous parle ici à titre de maire — dépend beaucoup de la vitalité de son agriculture et de toute la transformation de l'agroalimentaire qui se fait en région. La transformation agroalimentaire dans nos régions représente un apport économique très important pour les communautés.
Je reste toujours convaincu que pour qu'un pays soit fort, l'agriculture que l'on y fait doit être aussi forte que possible et, bien sûr, appuyée par un plan de développement et par des politiques mieux adaptées. Une politique agricole à moyen et à plus long terme serait d'une très grande importance pour assurer une relève lorsque l'on voudra la voir implanter.
Je voudrais aussi vous mentionner quelques pistes de réflexion. Il pourrait être question de rabais sur les taux d'intérêt pour la relève. Actuellement, il y a une implication de la Financière agricole du Québec, mais ne pourrait-on pas voir des rabais de taux d'intérêt soutenus par Agriculture et Agroalimentaire Canada? Cela pourrait constituer un apport important, car l'implantation d'une ferme agricole, qu'elle soit laitière ou autre, nécessite des sommes très importantes. Un rabattement du taux d'intérêt serait donc important.
En ce qui a trait à l'augmentation du soutien à la relève, il y a le programme Agri-investissement qui vient en aide aux agriculteurs pour une période de cinq à dix ans. Actuellement, il y a une contribution de l'ordre de 1,5 p. 100, mais elle pourrait peut-être être majorée à 3 p. 100 ou à 4 p. 100. Aussi, Agriculture et Agroalimentaire Canada pourrait tout simplement prendre la responsabilité de la contribution du producteur de la relève, le jeune producteur, pour les cinq à dix premières années suivant l'implantation de son entreprise.
J'aimerais souligner un autre élément important de la question de l'aide aux transferts familiaux, une réalité que je vis quotidiennement. Pour ma part, je suis propriétaire de l'entreprise familiale avec mon frère. On a tous deux des enfants qui veulent s'établir en agriculture. Il faut voir à l'expansion de cette entreprise. On ne veut pas la voir grandir, mais peut-être la scinder. Cela demande un apport important de la part des parents. Dans ce contexte, l'augmentation du plafond d'exemption de gains en capital lors de la vente de l'entreprise à des jeunes pourrait être un atout significatif.
Il faudrait aussi voir à l'ajustement des valeurs imposables des entreprises, par exemple déterminer un montant mitoyen entre la valeur réelle à la vente et la valeur marchande.
On sait qu'il est impossible de penser à vendre la propriété à nos enfants à sa valeur marchande. Aucun n'est capable d'acheter la ferme à ce prix. En production laitière, il n'y a pas un jeune capable de payer les quotas, payer les terres, payer les troupeaux.
Ça fait deux fois qu'un de mes enfants fait des démarches en ce qui a trait au financement. Même si j'essaie de l'appuyer, ce n'est possible, ça ne passe pas. Mon autre fils a réussi à démarrer sa ferme, dans une entreprise extérieure à la nôtre, mais il a fallu lui apporter énormément d'appui à partir des capitaux de l'entreprise que je partage avec mon frère.
Je pense qu'il y a une réflexion importante à faire si on veut une relève. Je m'arrêterai là-dessus; si vous avez des questions, on pourra en discuter tout à l'heure.
Merci, monsieur le président.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence au comité aujourd'hui.
Au cours des dernières semaines, pendant nos déplacements d'un bout à l'autre du Canada, on nous a souvent dit la même chose, à savoir que la situation du secteur du porc est très mauvaise. Le contexte actuel me rappelle l'époque où mon père était producteur d'oeufs dans les années 1960. La situation était alors désespérée. On nous dit que les programmes fédéraux, qu'il s'agisse d'Agri-flexibilité ou d'Agri-stabilité, n'aident pas les producteurs de porc. Il s'agit de prêts qui ne font qu'augmenter les dettes des producteurs, qu'ils devront rembourser. De plus, une mesure favorise le rachat de l'entreprise. Le taux de participation ne semble pas très bon à cet égard.
Je suppose que ce dont on avait le plus besoin au cours de la dernière année environ, c'est de l'argent, c'est-à-dire tant d'argent par porc ou par cochon élevé.
J'ai cru comprendre ce matin que 40 p. 100 de la production de porc au Québec est exportée de la province. Je ne sais pas quel rôle pourrait jouer un office de commercialisation du porc, qui ne serait peut-être pas très bien adapté à une production de cette ampleur. Au cours des dernières semaines, on a aussi parlé de prix planchers pour de nombreux produits agricoles qui ne font pas partie de la gestion de l'approvisionnement.
Je pense de mon côté à d'autres solutions. Monsieur Leblanc, vous avez parlé d'une assurance. Nous avons déjà eu un régime d'assurance, qui s'appelait le CSRN. Je ne sais pas si ce programme s'appliquait au Québec. Les producteurs y faisaient de grandes contributions les années où ils pouvaient le faire. Les gouvernements fédéral et provincial y contribuaient grandement aussi, ce qui créait un petit pécule dans lequel on pourrait piger si on avait besoin de le faire.
On nous dit souvent qu'il faudrait de nouveau mettre en oeuvre ce programme, ou un programme du même acabit.
Mes questions s'adressent surtout aux producteurs de porc. Quand le secteur touchera-t-il le fond? Surtout, nous constatons que les programmes ne fonctionnent pas actuellement. Quels changements radicaux faut-il apporter pour que les producteurs de porc puissent bien sûr profiter d'un certain montant d'argent, mais surtout pour que ce secteur repose sur des bases plus solides?
J'ai besoin d'un peu de temps pour poser ma dernière question. Là d'où je viens, dans les Maritimes, le secteur du porc est pratiquement disparu. Cette situation a eu des répercussions, par exemple, à l'Île-du-Prince-Édouard où on cultive beaucoup de pommes de terre. Pour la rotation des cultures, on faisait pousser de l'orge, qui était ensuite utilisée dans le secteur du porc. Ainsi, les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard perdent leurs abattoirs et leurs fermes porcines, mais également un aspect essentiel de la culture de la pomme de terre, à savoir l'orge.
Ma question est en deux parties. Premièrement, que devrait faire le gouvernement fédéral en plus de ce qu'il fait actuellement? Deuxièmement, le ralentissement du secteur du porc aura-t-il de graves répercussions sur les autres secteurs de l'agriculture au Québec?
:
À propos de votre première question, je crois que les programmes ne fonctionnent pas en raison du programme de gestion des risques. À mon avis, nous sommes actuellement en situation de crise. Cela explique pourquoi les producteurs ne reçoivent pas d'argent alors qu'ils essaient de se débrouiller avec ce programme. Ce programme marche lorsque les bonnes années et les mauvaises années alternent. Or, nous connaissons de mauvaises années depuis un certain temps. Selon moi, c'est la raison pour laquelle ces programmes ne remédient pas bien à la situation.
On constate que le secteur du porc est en déclin dans tout le Canada. C'est le cas dans les Maritimes. Ici au Québec, le programme d'assurance du gouvernement provincial ralentit un peu ce déclin, mais la province se retrouvera au bout du compte dans la même situation que les autres. Ce n'est que la vitesse du déclin qui est différente.
On a notamment basé le secteur du porc sur l'exportation. Lorsque nous rebâtirons ce secteur, nous pourrions tous nous entendre sur le fait que ce serait une bonne chose de réduire un peu la production. Il faut toutefois s'arranger pour que ce soit fait de la bonne façon afin de ne pas détruire tout le secteur. Les exploitations agricoles font travailler des gens. Certains secteurs vendent des aliments pour le bétail. Nous devons nous arranger pour que tout aille... Il faut laisser le temps à la situation de s'améliorer, puis ajuster le programme. Si nous abandonnons tout le programme, nous perdrons des exploitations agricoles et toutes les entreprises qui y sont liées.
J'estime donc que le programme doit être fait pour rétablir l'équilibre dans la gestion des risques lorsque la situation est normale. Toutefois, avant que les choses n'aillent mieux, il nous faut des programmes qui serviront à stabiliser le secteur. C'est ce que nous voulons actuellement dans le secteur du porc. Des mesures semblables ont été prises dans le secteur du boeuf, donc, c'est la même chose.
Nous savons que le marché fluctue. Ces fluctuations sont dures à assumer pour les producteurs. Nous savons que la santé est importante. Si nous retirions le volet santé des coûts de production, nous aiderions le secteur à assumer la fluctuation des cours et du prix des aliments pour le bétail.
:
Je n'ai pas de chiffres à ce sujet, je ne l'ai pas évalué, je n'en ai pas eu le mandat. Par contre, parce qu'un bon nombre d'entreprises ne passeront pas au travers de la crise, il est important de s'attarder à celles qu'on peut récupérer même si on doit alléger les remboursements pendant deux ou trois ans. Je n'ai pas de réponse évidemment quant à la durée de la crise.
Cependant, même s'il faut alléger le remboursement de capital sur les prêts, c'est une option qu'il faut étudier. L'entreprise qui n'est pas en mesure d'affronter ses dépenses et les intérêts à payer devra inévitablement fermer ses portes un jour.
À mon avis, il ne faut pas non plus faire durer le supplice de ces entreprises indéfiniment. Certaines d'entre elles, à mon avis, n'auraient pas dû avoir droit au PPA en 2008. Le PPA leur a permis de durer deux ans de plus, mais leur fin est quand même inévitable.
Par contre, il faut soutenir toutes celles où c'était équitable. Si elles n'atteignent que 30, 40 ou 50 p. 100 du service de capital de la dette pendant les deux ou trois prochaines années, c'est une avenue rentable.
Dans le cas contraire, on se retrouvera au Québec et au Canada avec non seulement des entreprises porcines en difficulté, mais avec un secteur de l'abattage, un secteur de la transformation, qui va inévitablement souffrir, comme l'expliquait monsieur tout à l'heure.
Quand les producteurs de porc arrêtent d'acheter du grain, que fait-t-on avec le grain? Quand il n'y aura plus de porc, que fera-t-on avec nos abattoirs, avec les usines de transformation?
:
Je vous remercie beaucoup d'être venus. J'aimerais vous poser quelques questions, et je vous demanderai également de faire des commentaires.
Est-ce que j'exagère lorsque je dis que la survie du Canada rural est menacée, au Québec et au Canada? On voit, par exemple, qu'il y a moins de fermes qu'il y en avait il y a des années.
Cela doit vous concerner, monsieur le maire, parce que l'agriculture est la base de la vie pour n'importe quelle petite ville.
On voit aussi que la politique fédérale, depuis des années, vise l'exportation et essaie de créer des marchés pendant qu'elle essaie aussi de protéger la gestion de l'offre. On est donc un pays exportateur, mais on veut aussi protéger nos industries domestiques.
Ma question s'adresse à tout le monde. Que peut-on faire pour protéger ce qu'on a et pour essayer d'ouvrir les marchés? Jusqu'ici, on voit que ça ne marche pas pour les secteurs comme celui du porc ou du boeuf.
Devrait-on penser à un système de gestion de l'offre, par exemple, dans le secteur porcin? Est-ce que ça irait? On sait qu'on exporte et qu'on importe du porc.
Ces questions sont plutôt philosophiques, mais je pense qu'on parle de toutes sortes de programmes et qu'on essaie d'aider ces secteurs. En général, comment peut-on conserver notre vision pour promouvoir nos communautés rurales et continuer d'exporter?
Je vous laisse ces questions. On pourrait commencer par Mme Létourneau, et puis ce serait le tour de toute personne qui voudrait faire un commentaire.
:
Du côté agricole, il y a effectivement un problème dans quelques cas, présentement. Je pense au secteur du porc, mais on peut l'appliquer à d'autres productions également. Je crois que le portrait va changer non pas de façon rapide, mais de façon graduelle. Beaucoup d'entreprises vont se diversifier pour devenir des circuits courts: cela signifie qu'elles doivent avoir un kiosque à la ferme ou être beaucoup plus présentes dans les marchés publics. On sent présentement cette tendance dans la province de Québec, et on y travaille.
En tant que conseiller en gestion, je me souviens de quelqu'un qui me parlait d'un kiosque à la ferme. On voyait rarement cela. On appelait des hurluberlus ceux qui avaient ouvert un kiosque à la ferme. Aujourd'hui, c'est tout le contraire. Les programmes du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, entre autres, sont beaucoup axés sur une production avec des circuits courts, un kiosque à la ferme ou en marché public, ou un circuit de commercialisation avec un seul détaillant, et dont la transformation est de beaucoup réduite. Par contre, ce genre de travail suppose que c'est beaucoup plus risqué du point de vue financier.
Quand un producteur vient me voir en vue d'un démarrage de production diversifiée, j'essaie toujours de m'assurer que sa production comprendra des produits de commodité, qu'il aura accès à un encan où il sera facile d'écouler les produits et de s'assurer un revenu. Pour le reste, les produits différenciés ont un volume moindre, si bien qu'il réduira graduellement le risque financier qui pourrait y être associé. Je pense qu'il va y avoir plus de diversification du côté de l'agriculture.
Il se produit un autre phénomène présentement. Auparavant, bien souvent, un couple travaillait uniquement pour l'entreprise, alors qu'aujourd'hui, l'un des deux doit travailler à l'extérieur, ce qui est malheureux. Quand on fait du démarrage, et même quand la production est déjà bien lancée, on recommande que l'un des deux conjoints — ce sera souvent la femme — travaille à l'extérieur. Cela occasionne une surcharge de travail pour l'autre. C'est ce qu'on voit présentement, et je crains que ce phénomène n'augmente.
:
Je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Je vous en suis reconnaissant. Par ailleurs, je suis désolé de ne pas être en mesure de poser mes questions en français.
Je suis retourné chez moi la fin de semaine dernière et j'ai réfléchi à nos déplacements d'un bout à l'autre du pays au cours des deux dernières semaines. J'ai réfléchi au dilemme devant lequel se trouve le secteur agricole. Beaucoup de gens m'ont dit qu'ils aiment leur mode de vie, mais un grand nombre d'agriculteurs ne gagnent pas assez pour vivre. Je crois comprendre que la situation est un peu meilleure au Québec parce que le gouvernement de votre province et les programmes qu'il offre soutiennent davantage le secteur agricole.
Je commence à comparer cela à la façon dont on s'occupe de la pauvreté au Canada. Nous faisons en sorte que les pauvres soient un peu plus à l'aise, mais nous ne les aidons jamais à sortir de la pauvreté. Je crains que nous permettions aux agriculteurs d'assumer un peu mieux leurs pertes, mais sans jamais les aider vraiment à rendre l'agriculture viable. Cela m'amène à me préoccuper vraiment de notre souveraineté alimentaire, et à me demander si nous serons toujours en mesure de nous nourrir.
Il semble que la plupart d'entre vous travaillent dans le domaine de la gestion de l'approvisionnement. Ce n'est pas le cas d'un grand nombre d'autres personnes avec qui nous nous sommes entretenues. Cela m'intrigue. Ce n'est pas facile de se lancer dans la gestion de l'approvisionnement. Je crois comprendre que les dépenses sont énormes. Toutefois, une fois que l'entreprise est lancée, les revenus sont un peu plus stables, il me semble.
Deux choses me préoccupent à l'autre bout de la chaîne à propos de ce qui protégera vos prix. Deux questions qui prévalent. La première concerne l'absence d'harmonisation entre les réglementations et les normes du Canada et des autres pays, ce qui nous rend moins compétitif. Par exemple, les autres pays peuvent utiliser des MRS ou des produits pharmaceutiques dont on ne peut pas se servir ici. Pourtant, nous consommons toujours leurs aliments.
La deuxième question concerne la concentration du pouvoir aux mains de certaines entreprises de transformation, de certains fournisseurs de fertilisants. Il n'y a pas de lois au pays qui permettent de démanteler la concentration des pouvoirs comme on peut le faire aux États-Unis. Il existe dans ce pays des lois antitrust qui n'existent pas ici.
J'aimerais connaître votre avis sur ces deux questions: l'absence d'harmonisation entre les réglementations et les normes, et la concentration du pouvoir ainsi que ses répercussions sur vos entreprises et votre production.
Les programmes jouent certainement un rôle important dans la vie de l'agriculteur. M. Eyking a mentionné le CSRN, un ancien programme qui a bien marché pour les agriculteurs. Maintenant, c'est Agri-investissement. C'est à peu près la même chose: un agriculteur met un dollar et pour chaque dollar qu'un agriculteur met dans Agri-investissement, le gouvernement égale son dollar. L'agriculteur peut retirer son argent n'importe quand. C'est pour les premiers 15 p. 100.
D'ailleurs, c'est certainement un défi pour l'élaboration de programmes fédéraux. On veut aider les agriculteurs, mais, en même temps, on ne veut pas cacher les réalités de marché. Si le marché change pendant une longue période de temps — trois, quatre ou cinq ans —, on ne veut pas cacher ça, parce que ce ne serait pas la réalité. Alors, c'est difficile parce qu'on veut offrir de l'aide, mais il faut aussi reconnaître que le marché est peut-être différent.
Dans mon comté, comme je l'ai dit auparavant, il y a la gestion de l'offre, c'est très fort. Je suis un grand défenseur de la gestion de l'offre. On voit que ça donne une stabilité aux agriculteurs.
Voici la question que je vous pose. À Saint-Isidore, un village dans mon comté, comme je l'ai dit plus tôt, les producteurs d'oeufs sont jeunes et opèrent dans un système de gestion de l'offre, alors que les producteurs de produits laitiers, qui opèrent également dans un système de gestion de l'offre, sont plus âgés. J'aimerais savoir s'il y a une raison pour la différence d'âge. Parce que dans les deux cas, il y a un système de gestion de l'offre et qu'il faut acheter le quota, le prix d'entrée est haut dans ces deux cas.
Remarquez-vous la même chose ici, au Québec? Avez-vous quelques raisons qui expliquent la différence dans l'âge moyen entre les producteurs d'oeufs et les producteurs laitiers?
:
Ce n'est pas possible, monsieur.
Je suis agriculteur. J'ai aussi travaillé dans le domaine de la gestion de l'approvisionnement dans le libre marché, et j'ai déjà été maire. Par conséquent, faites bien attention à la suite. J'ai des observations à faire, et non des questions à poser.
Premièrement, j'aimerais faire une observation sur la réglementation et l'absence d'harmonisation. J'ai fait présenter une motion au Parlement qui portait précisément sur cette question et qui a été adoptée. Espérons que nous pourrons continuer à aller de l'avant. La motion n'a pas reçu l'appui de tous les partis, mais elle a été adoptée.
Deuxièmement, comme la planification de la relève et les pratiques qui y sont liées doivent se faire à long terme pour être efficaces, sont-elles généralement acceptées dans le secteur agricole?
Dans ma région, le secteur du porc existe depuis 2004. Des installations ont été construites. La production de porc a doublé en 10 ans. La valeur du dollar était faible, soit 65 ou 67 cents, et le prix des aliments pour les animaux était peu élevé.
Puis le circovirus a été détecté. Nous avons consacré 67 millions à la création d'un vaccin. C'était un remède miracle.
Ensuite, la nourriture des animaux a été de mauvaise — ou de moins bonne — qualité en 2007. Elle a été de bonne qualité en 2008, mais le H1N1 s'est manifesté. Bref, les malheurs se suivent.
Le secteur du porc est rentable actuellement. Les marchés sont actuellement propices aux profits. Toutefois, que devons-nous faire pour éviter qu'une malchance se produise encore? Que doivent faire les intervenants du secteur pour nous aider à empêcher ce genre de chose de se produire de nouveau?
La question suivante... J'essaie seulement de comprendre. M. Turgeon, vous avez mentionné que l'endettement des agriculteurs était plus élevé au Québec que dans les autres provinces. Pourtant, je peux vous dire qu'on a l'impression, en Ontario, que le Québec a été plus subventionné que les autres provinces. Alors, comment cela fonctionne pour les jeunes agriculteurs? Que doit-on comprendre?
Bon, je m'arrête là.
:
Je ne suis pas certain d'avoir bien compris la fin de la question, mais je vais tout de même tenter d'y répondre.
À la question de savoir comment ne pas refaire la même erreur deux fois, je dirais ceci. En effet, c'est une production qui a pris de l'expansion dans un marché où la valeur du dollar était très basse et il était donc facile d'avoir accès à des marchés. Il faut d'abord bâtir notre industrie puis la baser sur la consommation intérieure. En somme, avant d'être bons à l'étranger ou avant de vendre, je pense qu'il faut être bons chez nous.
À cet égard, l'organisme Canada Porc International fait connaître nos produits à l'étranger et sur les marchés, ce qui est très bien. Par contre, il n'y a pas d'organisme équivalent pour le commerce à l'intérieur du Canada. On devrait peut-être aussi travailler à stabiliser la situation et à établir de bonnes assises à l'intérieur de notre pays pour, par la suite, profiter des marchés d'exportation.
Selon moi, lorsqu'on aura stabilisé la production, on va sûrement ramener la production à un volume inférieur à ce qu'il est actuellement. Il sera alors du devoir de l'industrie, à la fois des producteurs, des créanciers et des transformateurs, de dire que s'il y a des occasions d'affaires, ils devront être capables de mesurer si elles sont là pour deux ans, trois ans ou pour très longtemps. Pour ce qui est des occasions qui sont présentes pour deux ans ou trois ans parce que notre dollar est plus faible ou plus fort, il faudrait considérer ce facteur de risques dans l'étude du projet.
Il ne sert à rien de rationaliser notre production pour, par exemple, la réduire de 2, 3, 4 ou 5 millions de porcs et l'augmenter de nouveau dans deux ou trois ans de 4, 5 ou 6 millions et revivre une crise dans les quelques années qui suivront. Il faudrait avoir une approche globale de l'industrie, autant de la part du producteur, du créancier, du transformateur ou de l'abattoir.
Je suis désolé, mais notre horaire est très chargé, et c'est toujours au président qu'on reproche les retards.
Avant de conclure, je n'ai qu'un dernier commentaire auquel j'aimerais que tous les participants réfléchissent.
Je tiens à dire à M. Lehoux que j'ai été maire de ma municipalité, tout comme M. Shipley. J'ai été éleveur de bovins, mais j'ai aussi été producteur de lait dans les années 1980. J'ai travaillé dans des secteurs qui sont régis par la gestion de l'approvisionnement et dans d'autres qui ne le sont pas. Je comprends donc les difficultés de ces deux domaines.
Quoi qu'il en soit, il y a une chose seulement que nous devrions tous garder à l'esprit. En ce qui concerne les chiffres relatifs aux secteurs du boeuf et du porc — ce dont je m'occupe actuellement, ainsi que mon frère le plus jeune, qui continue d'exploiter une ferme —, le problème, bien sûr, est en partie attribuable au dollar, et au fait qu'on n'y peut rien. Toutefois, essentiellement, les chiffres étaient trop élevés.
En outre, l'exportation est une bonne chose. Je suis tout à fait en faveur de celle-ci, mais elle est synonyme de surproduction dans votre province. Je suis tout à fait pour l'exportation, mais nous devons nous demander s'il faut subventionner la surproduction. Le gouvernement doit toujours se poser cette question.
Monsieur Turgeon, je crois que cela revient à une observation que vous avez faite, selon laquelle certaines personnes reçoivent de l'argent dans le cadre du Programme de paiements anticipés. Au fond, cela n'a pour conséquence — on en a déjà fait mention — que de maintenir leurs activités alors qu'ils auraient peut-être dû y mettre un terme, ce qui nuit globalement à la situation.
Il n'y a donc que quelques aspects à considérer. Il faut protéger nos agriculteurs, comme M. Lemieux et bon nombre d'autres participants l'ont dit, mais nous devons également considérer le fait qu'on ne devrait pas s'attendre à ce que les contribuables subventionnent la production d'aliments qui serviront à nourrir des gens à Hong Kong, à Tokyo ou en Californie.
Sur ce, nous n'avons plus beaucoup de temps, car nous avons un autobus à prendre dans 10 minutes.
Nous vous remercions de votre présence aujourd'hui. Nous vous sommes tous très reconnaissants d'avoir pris de votre précieux temps pour venir témoigner.
Madame Létourneau, vous qui êtes une jeune agricultrice, je vous souhaite bonne chance.
Bon succès à tous dans vos affaires, et merci encore de votre participation.
La séance est levée.