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Merci beaucoup. Nous sommes vraiment très heureux d'avoir été invités ici.
Au départ, A&L Canada Laboratories était principalement une entreprise qui se consacrait à l'examen des constituants chimiques utilisés en agriculture: nitrogène, phosphate et potassium. Au fil des ans, on a noté une forte croissance de la demande des producteurs pour des services comme le diagnostic des maladies des plantes. Grâce aux technologies moléculaires, de tels diagnostics peuvent désormais être établis très rapidement avec une grande exactitude. Ainsi notre laboratoire biotechnologique s'emploiera d'abord et avant tout à diagnostiquer rapidement les maladies touchant les récoltes lorsque les producteurs estiment que celles-ci sont menacées. En outre, nous essaierons de fournir des conseils bien fondés sur les moyens à prendre pour traiter ces maladies et atténuer les pertes de récoltes.
Nous allons également mener des travaux de recherche. De nombreux groupes de producteurs s'adressent à nous en se plaignant de la fatigue des sols. Nous ne pouvons pas prescrire des vacances à leurs sols, mais nous essayons de pouvoir trouver les raisons de cette usure. On parle en fait ici de sols qui donnent un rendement de moins en moins intéressant, malgré que l'on continue à utiliser les quantités habituelles ou recommandées de fertilisants. Les producteurs disent souvent qu'il s'agit de zones sensibles au sein de leurs exploitations. Nous allons notamment nous efforcer de trouver le moyen d'accroître la productivité des sols de manière uniforme dans toute l'exploitation agricole.
Nous nous concentrons sur les caractéristiques microbiologiques du sol, un aspect qui a été négligé pendant une bonne centaine d'années en agriculture. Qu'est-ce qui fait qu'un sol est plus en santé qu'un autre?
Il est bien évident que tout cela devient aussi très important pour l'être humain, quand on pense notamment au mouvement probiotique. Au lieu d'utiliser des produits chimiques, on a recours à de bonnes bactéries, une réalité qu'on ne comprend pas encore en agriculture, mais nous allons nous y attarder. Pour ce faire, nous utilisons les technologies moléculaires, car cela est nécessaire pour arriver à comprendre la nature et la fonction des centaines de millions de bactéries qu'on retrouve dans le sol.
Enfin, nous nous intéressons aux entreprises qui sont sous-représentées au sein du marché agricole canadien. De nombreuses entreprises offrent une petite quantité de produits qui pourraient être utiles aux agriculteurs, mais ne savent pas comment rejoindre ceux-ci. A&L dessert un vaste bassin de producteurs qui voudraient bien utiliser ces produits, mais ces entreprises n'ont pas de vendeurs. Elles ne savent pas comment accéder au marché. Nous essayons de faire le lien entre ces entreprises et l'industrie agricole en espérant que tous nos efforts permettront aux producteurs de réduire leurs coûts.
Permettez-moi de vous donner un exemple des travaux que nous allons mener. Nous allons effectuer des tests de sol au moyen de plants de tomates greffés pour contrer les problèmes qui ont touché l'industrie du ketchup dans le sud-ouest de l'Ontario. Nous constatons que le rendement a diminué constamment au fil des 10 dernières années, mais nous ne savons pas pourquoi. En utilisant des plants greffés, dans ce projet conjoint avec l'Université de Guelph, nous constatons que les rendements augmentent dans une proportion pouvant atteindre de 40 p. 100 à 50 p. 100 en changeant simplement le système radiculaire, ce qui nous amène à orienter nos efforts en ce sens.
Comme je l'ai déjà indiqué, les technologies moléculaires seront mises à contribution pour tous ces travaux, car elles nous permettent de savoir ce qui se passe dans le sol. À partir de l'empreinte microbienne que nous serons en mesure d'utiliser, nous essaierons de déceler les éléments nous indiquant si le sol s'améliore ou se détériore.
Je vais m'arrêter ici.
Je m'appelle Arnold Taylor. Je suis président sortant du regroupement Les producteurs biologiques du Canada. J'ai quitté ce poste il y a quelques mois à peine. J'exploite une ferme biologique en Saskatchewan avec mon fils et ma bru. Nous avons obtenu la certification biologique pour notre ferme de 3 500 acres et nos 100 vaches de boucherie.
À titre de président du Saskatchewan Organic Directorate en 2001 et 2002, j'ai supervisé la démarche de l'organisation qui a intenté, au nom de tous les agriculteurs biologiques de la province, un recours collectif contre Monsanto et Bayer CropScience au titre des préjudices économiques et agronomiques causés par le canola transgénique. Notre organisation voulait une indemnisation pour la perte de canola biologique, une culture également importante pour la rotation de nos récoltes, la principale méthode utilisée pour le contrôle des mauvaises herbes dans l'agriculture biologique qui interdit l'emploi d'herbicides synthétiques.
Au milieu des années 1990, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) a approuvé le canola transgénique pour dissémination en milieu fermé. J'ai bien dit pour dissémination en milieu fermé; on séparait au départ les variétés transgéniques et non transgéniques dans le but d'assurer un écoulement sans danger sur les marchés. Peu après, l'ACIA a eu l'insouciance de permettre la dissémination libre, ce qui a ouvert la porte à la pollinisation croisée du canola transgénique qui a contaminé le germoplasme des autres cultivars de canola non transgénique et biologique.
Des études indiquent qu'à peu près tout le canola au Canada a été contaminé par des caractères transgéniques et l'on constatait à l'époque, seulement six ans après le début de la production, que les stocks de semence certifiés étaient contaminés dans une proportion de pas moins de 7 p. 100. Cette contamination a eu un effet néfaste sur les agriculteurs biologiques et leurs marchés. Les normes biologiques mondiales, tout comme celles appliquées au Canada, interdisent le recours aux technologies du génie génétique comme méthode de production, ce qui n'a pas manqué de placer notre industrie dans une situation délicate.
En fin de compte, notre recours collectif a été rejeté, surtout parce qu'il était difficile de déterminer qui était responsable des dommages causés par la pollinisation croisée des cultures transgéniques et des cultivars biologiques.
C'est la raison pour laquelle le Parlement se doit d'adopter des mesures permettant de s'assurer que les nouvelles cultures transgéniques n'ont pas de répercussions négatives sur les agriculteurs et leurs marchés. Si des mesures semblables avaient été en place avant l'arrivée du canola transgénique, on aurait épargné bien des difficultés et des pertes financières aux agriculteurs canadiens et au secteur agricole dans son ensemble.
Il y a longtemps que le Canada aurait dû se doter de dispositions législatives protégeant les droits de ceux qui choisissent de ne pas recourir à la technologie génétique. Notre système réglementaire national est grandement déficient et on pourrait même soutenir qu'il a été conçu pour avantager des entreprises qui produisent des cultures transgéniques au détriment des agriculteurs biologiques, des producteurs non transgéniques et des consommateurs dans leur ensemble. L'impact sur les marchés doit entrer en ligne de compte dans l'évaluation globale de cette technologie.
L'expérience nous a montré les risques associés à un régime réglementaire uniquement fondé sur des considérations scientifiques et nous savons maintenant que le système actuel s'inscrit dans une perspective trop étroite pour permettre une évaluation adéquate de la multitude de répercussions socioéconomiques néfastes pouvant être associées à cette technologie.
Un des problèmes avec le régime en place c'est que la réglementation des cultures transgéniques au Canada relève de plusieurs ministères fédéraux, bien que la responsabilité principale soit assumée par l'ACIA. Cette dernière procède à un examen sur papier des cultures transgéniques en se fondant sur les données soumises par le concepteur de la technologie, la documentation vérifiée par des pairs et les conseils d'experts, mais sans mener d'études indépendantes sur les cultures transgéniques à proprement parler, car on les juge équivalentes en substance aux variétés non transgéniques.
Les approches réglementaires qui, comme celles de l'ACIA, sont fondées sur le concept de l'équivalence en substance ont été largement dénoncées. On les qualifie de méthodes soi-disant scientifiques parce qu'elles présument de l'innocuité des cultures transgéniques sans aucun fondement scientifique et en se basant presqu'entièrement sur les données fournies par l'industrie.
À ce sujet, j'aimerais vous citer brièvement un certain M. Millstone de l'Université Sussex en Grande-Bretagne qui qualifie l'équivalence en substance de critère antiscientifique. Voici ce qu'il a à dire à ce sujet:
L'équivalence en substance est un concept pseudo-scientifique que l'on essaie de faire passer pour scientifique aux fins de considérations commerciales et politiques. Qui plus est, il s'agit foncièrement d'un concept antiscientifique parce qu'il a été créé d'abord et avant tout pour éviter l'obligation de procéder à des tests biochimiques et toxicologiques. Il a donc pour effet de dissuader quiconque d'entreprendre des recherches scientifiques qui pourraient être fort révélatrices.
Après la mise en marché du canola transgénique, les experts canadiens conviennent maintenant que l'évaluation préalable des risques n'a pas permis de prévoir les dangers associés à la contamination, les problèmes de mauvaises herbes et les préjudices pour le marché. En fait, un examen de l'expérience canadienne avec les cultures transgéniques révèle que très peu de recherches ont été menées au sujet des impacts socioéconomiques de cette technologie et que les responsables du régime réglementaire canadien rejettent l'idée que les cultures transgéniques auront des répercussions bien senties sur les marchés locaux et internationaux, en présentant une image irresponsable et embarrassante de notre agriculture.
Il nous faut mettre en place un mécanisme d'évaluation et de protection contre les répercussions négatives des cultures transgéniques sur le marché. Je vais vous parler un instant du blé et du lin transgéniques. La mise en marché proposée de blé transgénique illustre parfaitement la façon dont l'approche réglementaire prétendument scientifique, qui ne tient pas compte de facteurs socioéconomiques comme les préjudices sur les marchés, peut mettre en péril les agriculteurs canadiens et tout notre secteur agricole.
Entre 2002 et 2004, Monsanto exerçait des pressions pour lancer la toute première variété au monde de blé transgénique résistant aux herbicides. On s'est toutefois heurté à une opposition importante des consommateurs et des marchés d'exportation canadiens. Plus de 80 p. 100 des acheteurs de la Commission canadienne du blé ont indiqué qu'ils n'allaient pas acquérir de blé transgénique en raison des inquiétudes des consommateurs à cet égard, étant donné que le système réglementaire supposément scientifique de notre pays ne permettait d'aucune manière de prendre en compte cette menace pesant sur nos exportations dont la valeur se situe entre 4 milliards et 6 milliards de dollars par année.
En raison de la vive réaction des consommateurs et des protecteurs de l'environnement, Monsanto a finalement reporté la mise en marché du blé transgénique, mais il semble y avoir maintenant un intérêt renouvelé à cet égard en dépit de la résistance soutenue des consommateurs et des agriculteurs. Cet épisode du blé transgénique a mis au jour la crise réglementaire en matière de biotechnologie au Canada et a failli coûter des milliards de dollars en pertes de revenus aux agriculteurs canadiens.
Par ailleurs, nos marchés biologiques ont également subi les effets néfastes de la variété de lin transgénique Triffid, qui n'a jamais été commercialisée au Canada. mais a contaminé nos approvisionnements en semences et nous a bloqué l'accès aux marchés dans 35 pays du monde. Le lin est l'une de nos cultures de plus grande valeur et nos prix ont chuté de 32 p. 100, une fois que la contamination a été confirmée. Nous devons maintenant effectuer des tests, tant au moment de la récolte qu'à l'étape de l'ensemencement, pour conserver notre certification biologique. Voilà qui démontre bien de quelle manière les cultures transgéniques peuvent contaminer les semences, tant pour les récoltes conventionnelles que biologiques, ce qui risque de causer des pertes financières aux agriculteurs en rendant plus difficile la mise en marché de leurs récoltes.
M. Ian Mauro a déjà comparu devant votre comité. Je ne saurais trop vous encourager à prendre connaissance des travaux de M. Mauro pour en apprendre davantage sur un mécanisme scientifique permettant d'évaluer les préjudices sur le marché.
J'ai quelques réflexions en guise de conclusion. J'ai consacré la plus grande partie des 10 dernières années de ma vie à me débattre devant les tribunaux pour protéger les agriculteurs biologiques et ma propre ferme contre les cultures transgéniques. Je n'aurais pas dû avoir à le faire, car mon gouvernement aurait dû mettre en place une réglementation adéquate pour voir à ce que les agriculteurs biologiques n'aient pas à subir les conséquences néfastes de l'introduction de cultures transgéniques. Nous ne sommes plus capables de cultiver du canola. Nous aurions pu également perdre le lin à cause de l'arrivée des variétés transgéniques. Nous pourrions aussi devoir renoncer au blé pour les mêmes raisons.
Voilà maintenant que l'industrie essaie d'introduire la luzerne transgénique. La menace pour nos agriculteurs est peut-être plus importante que jamais, car la luzerne biologique est une culture régénératrice du sol qui permet de fixer l'azote et d'autres nutriments essentiels. S'il y avait contamination par des caractères transgéniques, notre façon de faire de l'agriculture pourrait devenir chose du passé. L'agriculture n'a pas besoin de la luzerne transgénique, car celle-ci n'offre aucun avantage pour les agriculteurs conventionnels ou biologiques et n'est en fait conçue que pour vendre des herbicides. Au fur et à mesure que de nouvelles variétés font leur apparition, elles prennent pour ainsi dire la place des récoltes correspondantes dans nos systèmes biologiques, ce qui est fort néfaste car nous comptons sur cette biodiversité dans la rotation de nos cultures pour assurer la salubrité et la productivité de nos sols et de nos récoltes.
Qui plus est, en contaminant nos systèmes biologiques, les cultures transgéniques nous rendent incapables de commercialiser nos récoltes. C'est une situation plutôt ironique, car notre secteur connaît une croissance rapide au sein de l'industrie agricole compte tenu de la demande planétaire de plus en plus élevée pour des aliments biologiques. Voilà pourtant que l'on mine nos possibilités de croissance et de prospérité individuelle en permettant de façon irresponsable que la technologie transgénique soit mise en application sans que le marché ne soit protégé par une réglementation appropriée.
Je vous encourage d'ailleurs à vous renseigner au sujet des risques élevés associés au maintien du régime réglementaire actuel pour ce qui est des cultures transgéniques. C'est un régime inadéquat qui cause des préjudices aux agriculteurs au sein de notre système d'approvisionnement alimentaire, et nos expériences avec les cultures transgéniques ont terni la réputation de notre pays reconnu pour sa salubrité alimentaire hors pair.
Je vous encourage à apporter les correctifs nécessaires. Des mesures ou des dispositions législatives appropriées doivent être mises en oeuvre pour corriger les erreurs du passé. Vous allez ainsi également contribuer à faire en sorte que l'agriculture biologique puisse continuer de croître afin d'offrir aux générations actuelles et futures l'accès à des aliments sains et salubres qui exigent moins d'intrants.
Comme on reconnaît de plus en plus l'importance de l'agriculture biologique afin d'assurer un avenir durable à la société mondiale, il est primordial de la protéger.
Je vous remercie.
Je suis professeure agrégée à l'Université Wilfrid Laurier de Waterloo. J'ai été convoquée parce que je mène des recherches au sujet du système alimentaire mondial et je donne des cours à ce sujet. C'est à ce titre que je pourrai vous parler du secteur de la biotechnologie et de l'agro-alimentaire au Canada.
Comme je suis professeure, j'ai tendance à ouvrir des parenthèses, alors je vous prie de m'en excuser. Pour éviter de trop le faire aujourd'hui, je vais surtout vous lire les notes que j'ai préparées.
Je tiens d'abord et avant tout à vous remercier de m'avoir invitée à venir présenter mes observations à propos de ce sujet très important. Je me réjouis des efforts que vous déployez pour comprendre cette question incroyablement complexe et de votre reconnaissance du fait que de nombreux facteurs entrent en ligne de compte.
Je suis heureuse d'entendre que l'aspect de la santé prend de l'importance au fil de vos délibérations; je pense que c'est tout à fait positif.
En votre qualité de parlementaires, c'est à vous qu'il incombe de protéger nos agriculteurs, les consommateurs canadiens et toute notre industrie alimentaire. Vous devez notamment dans ce contexte assurer la sauvegarde de nos marchés d'exportation. Comme nous le savons tous, le système agro-alimentaire canadien joue un rôle essentiel au sein de notre économie. Selon Agriculture et Agro-alimentaire Canada, il compte pour un emploi sur huit et représente environ 8,1 p. 100 de notre PIB.
Dans ce contexte, il y a trois éléments que j'aimerais faire ressortir aujourd'hui. Il y a d'abord le coût de la perte de nos marchés d'exportation agricole; il y a ensuite le risque que l'on soit tenu responsable si nous perdons effectivement ces marchés; et je vous parlerai enfin des avantages du maintien de cultures non transgéniques aux fins des exportations.
Pour ce qui est d'abord des coûts, la dernière décennie a été marquée par des répercussions financières considérables alors que des frontières se sont fermées devant nos produits auxquels on a refusé l'accès en raison d'une contamination possible ou avérée. Ainsi, les contribuables et les agriculteurs ont subi des pertes attribuables à la contamination du lin par la variété Triffid dont Arnold vient de vous parler de même qu'à la contamination des sources d'alimentation et à la crise de la vache folle qui en a résulté.
Il est bon de s'attarder un peu à ces deux cas, car ils créent des précédents pertinents pour les innovations transgéniques à venir. Bien que la crise de la vache folle ne puisse évidemment pas être attribuée à la technologie transgénique, j'en parle ici car c'est un bon exemple des coûts à assumer par le gouvernement canadien et de ses responsabilités pour ce qui est de la protection des marchés agricoles et du gagne-pain des fermiers.
Pour ce qui est des coûts, les agriculteurs ont perdu plus de 4 milliards de dollars en raison de l'augmentation des frais de traitement et des pertes consécutives à la baisse nette des exportations. Les contribuables ont dû débourser plus de 550 millions de dollars au titre des programmes de rétablissement fédéraux et provinciaux. Enfin, un recours collectif de 7 milliards de dollars a été intenté au nom des agriculteurs de la Saskatchewan, de l'Alberta et de l'Ontario contre le gouvernement fédéral et une entreprise d'alimentation animale de Winnipeg en s'appuyant sur l'hypothèse que le gouvernement fédéral aurait pu prévenir la crise de la vache folle s'il avait adopté de meilleurs règlements pour régir l'alimentation des animaux, s'il appliquait des mesures plus efficaces pour la surveillance de la sécurité et s'il assurait une meilleure supervision générale.
Pour ce qui est du lin, la détection d'un contenu transgénique a mis en péril un marché de 320 millions de dollars avec l'Union européenne pour les producteurs canadiens. Jusqu'à maintenant, il nous a fallu investir 1,9 million de dollars pour la mise en oeuvre d'un système de tri et de vérification. Et le problème était attribuable, comme l'indiquait Arnold, à la contamination à partir de semences qui avaient été détruites il y a plus de dix ans.
Il y a des cas semblables dans d'autres pays. Par exemple, on estime que la variété StarLink a coûté 290 millions de dollars en pertes de revenus aux producteurs de maïs des États-Unis alors que les répercussions du riz transgénique LibertyLink sur le marché ont été évaluées à une hauteur se situant entre un minimum de 741 millions de dollars et un maximum de 1,3 milliard de dollars.
À la lumière de ces précédents et des attentes qui s'ensuivent, il serait irresponsable de faire fi des coûts économiques des décisions inappropriées en matière de politique agricole qui permettent l'introduction de nouvelles cultures, comme le blé transgénique, dans le paysage alimentaire canadien sans procéder à une analyse détaillée de tous les risques à considérer.
Pour le reste de mon exposé, je vais me servir du blé transgénique comme exemple pour illustrer les désavantages potentiels des cultures biotechnologiques. Je me concentre sur le blé, car il soulève certaines problématiques auxquelles nous n'avons pas encore été confrontés dans le secteur de l'agro-biotechnologie au Canada.
Il y a d'abord la taille du marché. Si le blé transgénique faisait son apparition, les agriculteurs devraient assumer des coûts considérables en raison des marchés perdus. À partir des données de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, j'ai calculé la valeur des ventes de blé canadien au Japon et aux pays de l'Union européenne où les produits transgéniques sont interdits sur tout le territoire ou dans certaines régions. En 2007, la valeur totale de ces marchés atteignait 738 111 000 $. Si l'on inclut tous les pays de l'Union européenne, la valeur des marchés grimpe à 784 204 000 $.
Dans le pire des scénarios, si l'on se fie à un sondage du ministère américain de l'agriculture auprès de pays qui ont indiqué ne pas vouloir accepter de blé transgénique, les pertes dépasseraient les 4 milliards de dollars, suivant les chiffres de 2007, et nos agriculteurs n'auraient plus accès qu'à un marché de 288 millions de dollars, plutôt que le marché potentiel de 4,36 milliards de dollars.
Si l'on faisait pousser du blé transgénique au Canada, nos agriculteurs pourraient perdre leur accès à ces marchés acquis. Comme l'indiquaient Furtan et Gray de l'Université de la Saskatchewan, il n'y a pas d'avantage pour le premier utilisateur, mais la culture transgénique crée plutôt un marché d'occasion. Dans le cas qui nous intéresse, il s'agirait de mettre sur le marché ce qui serait perçu comme du blé transgénique de qualité inférieure.
Selon une étude menée en 2010 aux États-Unis, les prix sur le marché d'un blé transgénique seraient de 41 p. 100 à 57 p. 100 inférieurs à ceux du blé non transgénique. Compte tenu de la valeur des marchés d'exportation à risque, il ne fait aucun doute que des données détaillées sont requises pour pouvoir prendre les mesures qui s'imposent.
Il faut aussi considérer les questions liées au profil, au prix et à la commercialisation du produit. Le blé est l'une de nos principales cultures destinée à l'exportation. De bien des façons, c'est ce qui définit le Canada sur les marchés internationaux. Notre identité internationale en matière d'alimentation et de salubrité des aliments est étroitement reliée au blé. La Commission canadienne du blé encourage les agriculteurs à présenter leur produit comme du blé canadien, ce qui permet d'exiger un prix supplémentaire de 3,36 $ le kilo par rapport aux variétés génériques.
Différentes variantes de l'étiquette « Cultivé au Canada » sont utilisées pour l'emballage par les transformateurs, y compris Archer Daniels Midland, dans le cas des produits destinés à l'Asie, et notamment à la Chine, ainsi que par d'autres fabricants et détaillants de produits alimentaires dans différents pays dont les États-Unis, le Royaume-Uni, le Mexique, la Pologne et le Japon.
En troisième lieu, il faut considérer la nature du problème. Le blé est différent du canola, du soya ou du maïs. Le blé transgénique sera le premier aliment de cette catégorie à être vendu pour consommation humaine après une transformation minimale. Contrairement au maïs, au soya et au canola qui servent souvent d'ingrédients pour des aliments issus d'une transformation poussée ou pour l'alimentation des animaux, le blé sera transformé en farine pour fabriquer du pain, des pâtes ou d'autres produits dont il sera le principal ingrédient. Le blé nous plonge donc dans une toute nouvelle réalité où d'énormes inconvénients sont à craindre. On pourrait dire la même chose d'autres aliments dont les fruits, comme les prunes, pour lesquels on envisage actuellement le recours aux technologies transgéniques, de même que pour certains légumes, les aubergines par exemple.
Dans une perspective plus générale, il convient de revoir la raison d'être même des cultures transgéniques. À ceux qui soutenaient que les OGM allaient permettre de nourrir le monde, on peut répondre que les produits transgéniques sont disponibles depuis 10 ans et que notre planète compte aujourd'hui davantage de gens qui ont faim. Pendant que nous voyions apparaître des cultures résistant aux pesticides et aux herbicides, aucun produit transgénique n'est arrivé sur le marché pour contribuer d'une manière ou d'une autre à régler le problème de la faim dans le monde.
Pour ce qui est de la productivité, on ne note aucune hausse de rendement perceptible pour les agriculteurs ayant recours aux cultures transgéniques. À ce titre, je peux vous citer un rapport produit en 2009 par l'Union of Concerned Scientists, un groupe de scientifiques et d'experts du milieu des affaires mondialement reconnus provenant d'institutions respectées comme Harvard, Yale et MIT:
Aucune variété transgénique actuellement disponible ne permet d'augmenter le rendement intrinsèque de quelque culture que ce soit. Le rendement intrinsèque des cultures de maïs et de soya s'est amélioré au cours du XXe siècle, mais ce n'était pas le résultat des caractères transgéniques. C'était plutôt attribuable à l'efficacité des méthodes de croisement traditionnelles.
Si l'on met en parallèle des gains de rendement très marginaux et hypothétiques — voire même inexistants d'après ce que je viens de vous citer — et des pertes de marché catastrophiques, il est difficile de justifier les risques que l'on ferait courir à davantage d'agriculteurs si l'on permettait l'introduction d'une plus grande quantité de cultures transgéniques. Dans l'état actuel des choses, il n'y a aucune raison de permettre que davantage de semences transgéniques soient utilisées au sein du système agroalimentaire canadien. Des données scientifiques objectives ne démontrent aucun avantage du point de vue du rendement, et les inconvénients sont énormes.
Le système agroalimentaire joue un rôle essentiel au sein de l'économie canadienne. Dans un contexte aussi concurrentiel, pourquoi voudrions-nous faire intervenir les risques associés aux OGM?
Enfin, il convient de noter que les producteurs de variétés transgéniques et les gens qui les utilisent pour fabriquer des aliments sont conscients des risques associés à la mise en marché de ces produits. Ils n'ont jamais cessé d'exercer des pressions à l'encontre d'un étiquetage qui indiquerait le contenu en OGM de leurs produits. Il ne sera plus possible d'ignorer ou même de minimiser ce contenu en OGM lorsque le blé ou un autre produit transgénique servira d'ingrédient principal pour des produits alimentaires de base comme le pain et les pâtes.
En approuvant l'ajout de semences et de produits transgéniques, vous acceptez la responsabilité d'évaluer les risques économiques pour les agriculteurs qui ne disposent d'absolument aucun moyen pour minimiser leurs risques commerciaux. Il est impossible pour les agriculteurs eux-mêmes d'agir de façon entièrement concertée dans ce dossier et les refus individuels d'utiliser les semences transgéniques ne font pas avancer leur cause. En cas de contamination, les marchés seront fermés. Ils l'ont déjà été pour les agriculteurs canadiens. Compte tenu de la circulation étendue et rapide du matériel génétique, seul l'État peut intervenir. Dans votre rôle de parlementaires, vous êtes donc les seuls à pouvoir agir pour faire changer les choses.
Cela étant dit, vous pouvez agir ou choisir de ne pas le faire. D'une manière ou d'une autre, c'est une décision politique que vous prenez. Si des données valables, fondées sur des évaluations objectives effectuées par des tiers, peuvent démontrer qu'il y a des avantages économiques, environnementaux et sociaux à adopter un plus grand nombre de produits alimentaires transgéniques, pourquoi ne le ferions-nous pas? Mais d'ici à ce que cela soit démontré, pourquoi devrions-nous exposer une composante aussi vitale de notre économie à ce risque accru?
En fait, nous pourrions examiner la question sous un autre angle. Considérons donc les avantages du maintien de normes élevées pour la qualité et la pureté des produits conventionnels. Comme l'ont démontré les exemples d'étiquetage de produits à valeur ajoutée pour l'exportation de notre blé à l'étranger, l'appellation canadienne permet à nos récoltes de se distinguer au sein d'un marché international fort achalandé. En offrant des produits exempts d'OGM, nos agriculteurs pourraient commander un prix plus élevé.
Non seulement des récoltes sans OGM pourraient-elles permettre à nos agriculteurs de conserver des marchés qu'ils se sont acquis au prix d'un dur labeur pendant plusieurs décennies, mais elles pourraient aussi les aider à étendre ces marchés. Pourquoi voudrions-nous mettre en péril nos positions acquises sur le marché et notre réputation?
Un grand merci pour votre temps et votre attention.
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Merci, monsieur le président.
J'ai effectivement comparu devant vous le printemps dernier. Je suis heureux d'avoir l'occasion de le faire encore une fois aujourd'hui.
Je m'appelle Larry Black. Je suis un producteur de lait et de céréales biologiques du sud-ouest du Manitoba. J'apprécie avoir l'occasion de m'adresser aujourd'hui au comité au sujet des organismes génétiquement modifiés (OGM).
La récente homologation de la luzerne génétiquement modifiée aux États-Unis et la menace de sa mise en circulation au Canada me préoccupent fortement, pour un certain nombre de raisons. Pour les consommateurs qui ne désirent absolument pas la présence d'OGM dans leurs aliments, l'achat de produits certifiés biologiques est la seule avenue; cette mention garantit que les aliments sont exempts d'OGM. Les organismes de certification de l'industrie des produits biologiques pratiquent la tolérance zéro à l'égard des OGM.
Peu après le lancement du canola Roundup Ready, le pollen provenant des champs de cette culture a contaminé presque toutes les autres cultures de canola. Il est actuellement impossible de cultiver du canola biologique au Canada en raison de la pollinisation croisée par inadvertance avec les cultures de canola génétiquement modifié. La luzerne biologique subira assurément le même destin si la luzerne génétiquement modifiée est mise en circulation. Le résultat serait catastrophique pour l'industrie des produits biologiques. La luzerne est une culture largement utilisée dans l'ensemble de l'agriculture biologique, soit dans les exploitations céréalières et maraîchères et dans les fermes d'élevage. Elle est utilisée comme amendement et comme aliment pour le bétail. Plus du tiers de la superficie de notre ferme est occupée par la culture de la luzerne, année après année.
J'ai communiqué avec Mme Trish Jordan, porte-parole de la firme Monsanto, pour lui demander son opinion quant à la coexistence de nos deux industries. Mme Jordan a déclaré que Monsanto avait l'intention de recommander une distance d'un demi-mille entre les cultures de luzerne génétiquement modifiée et les autres cultures de luzerne, afin de prévenir la pollinisation croisée. Elle a rapporté que selon Monsanto, les consommateurs de produits biologiques doivent accepter une faible contamination par les OGM.
Les abeilles qui pollinisent les cultures recueillent le miel sur un rayon d'au moins deux milles. De plus, un spécialiste des cultures fourragères du Manitoba m'a informé que le vent peut transporter le pollen sur une distance de 10 milles dans n'importe quelle direction, ce qui nous donne un rayon d'une vingtaine de milles. J'ai aussi en main la thèse d'un étudiant de l'Université du Manitoba qui s'est penché sur le rôle que jouerait dans le transfert de pollen la luzerne ensauvagée se retrouvant dans les fossés et les lieux semblables. La situation deviendrait hors de contrôle. Il deviendrait d'autant plus difficile pour nous de profiter d'une distance suffisante pour avoir pleinement confiance.
Compte tenu de ce fait, il est évident qu'il est impossible de contenir la contamination par les OGM. Étant donné que Monsanto ne recommande que 5 p. 100 de la distance nécessaire pour prévenir la pollinisation croisée, il semblerait que la société désire tout simplement favoriser l'hybridation sur une grande échelle de leur nouveau produit avec les autres cultures.
Comment peut-on empêcher le degré de contamination de passer de 1 p. 100 à 5 p. 100, puis à 25 p. 100 et plus? Si ce n'est plus possible de cultiver de la luzerne biologique, les conséquences seront dévastatrices pour l'industrie des produits biologiques. Quelle culture génétiquement modifiée sera la prochaine à être lancée? Un à un, tous nos choix de culture seront éliminés.
Notre exploitation agricole a été novatrice dans le domaine de l'agriculture biologique, cultivant la terre sans intrant chimique depuis quatre générations. Il me paraît étrange que même si la ferme familiale Black a été capable de créer une entreprise en donnant aux consommateurs ce qu'ils désiraient et en répondant à une demande du marché, l'industrie biotechnologique soit capable d'arriver et de détruire en toute impunité ce que nous avons bâti.
L'industrie biotechnologique exerce ses activités dans un objectif de profit; il semble toutefois qu'elle ne soit pas tenue responsable du coût des dommages qu'elle occasionne. Si un chien mord le voisin, son propriétaire, même s'il possède un permis, est tenu responsable des dommages. Pourquoi est-ce différent pour les sociétés de biotechnologie? Qui compensera les intervenants qui subiront des dommages collatéraux?
Je siégeais au Conseil des plantes fourragères du Manitoba lorsque la question a été examinée. Les représentants d'aucun groupe de produits n'ont manifesté le désir d'obtenir de la luzerne Roundup Ready. D'un point de vue agronomique, la luzerne est une culture très compétitive; l'utilisation de pesticides n'est pas nécessaire pour lutter contre les mauvaises herbes dans une luzernière. La plupart des cultivateurs conventionnels utilisent actuellement du Roundup pour détruire leurs champs de luzerne et les préparer pour la prochaine culture. Les intervenants craignaient en fait que la luzerne Roundup Ready ne pose un problème aux exploitants agricoles, en raison de sa résistance au glyphosphate pulvérisé pour nettoyer un champ de culture compétitive, avant la replantation. La luzerne Roundup Ready deviendra plutôt une mauvaise herbe résistante dans les champs agricoles, car le glyphosphate n'aura aucun effet sur elle. Les membres de l'industrie des semences craignent aussi fortement ne plus être capables de garantir la pureté de leurs semences en raison de la contamination par les OGM. S'ils devaient ne plus être en mesure de fournir cette garantie, ils perdraient leur marché des produits biologiques et leurs lucratifs marchés d'exportation.
Il n'existe pas de demande pour cette technologie actuellement. Pour ma part, les coûts associés à la luzerne Roundup Ready dépassent largement tout avantage apparent.
J'aimerais attirer votre attention sur cette photo. Désolé pour l'écriteau sur le côté du camion qui n'est pas très lisible, mais je vais vous dire ce qui est écrit. On dit que le DDT est un insecticide puissant qui est inoffensif pour l'être humain. Voilà qui décrit la sagesse scientifique contemporaine de l'année 1945. Il a été établi ultérieurement que le DDT était si toxique que son utilisation a été interdite. On n'avait pas soupçonné les effets véritablement destructeurs de ce produit avant que les dommages n'aient été faits.
Le tabac est un exemple semblable. L'industrie du tabac a nié pendant des années toute corrélation entre la cigarette et le cancer du poumon. Il y a de nombreux autres exemples de substances qui ont été approuvées avant qu'on ne découvre par la suite qu'elles étaient nocives, y compris la thalidomide.
Je suis d'avis que, comme société, nous devons comprendre qu'il y a des risques associés aux organismes génétiquement modifiés. Aucune recherche à long terme n'a été menée sur les OGM par des organismes indépendants. Il n'est donc pas possible de déjà connaître les effets négatifs à long terme des OGM. Il se pourrait que ses effets non seulement entraînent la destruction des régimes d'agriculture biologique, mais nuisent aussi profondément aux systèmes naturels de notre planète.
La différence terrifiante entre les exemples du DTT et du tabac et l'exemple des organismes génétiquement modifiés est la nature irréversible de la contamination par les OGM. Il ne fait pas de doute que le problème se répandra et deviendra envahissant. Si, au cours des années à venir, de nouvelles données indiquent que la menace d'un problème lié aux OGM plane, nous ne pourrons pas revenir en arrière et éliminer ces organismes. Leur utilisation aura été généralisée.
Je pense que les consommateurs seront plus à l'aise avec les aliments transgéniques si la technologie est soumise à des essais à long terme menés par des chercheurs indépendants. Une longue liste d'OGM sont en attente d'être homologués. Si nous autorisons leur utilisation sans restrictions, dans 10 à 20 ans, quelles cultures n'auront pas été génétiquement modifiées?
Pouvons-nous risquer de compromettre l'équilibre de notre environnement naturel et la santé de notre propre approvisionnement alimentaire? Notre gouvernement est chargé de protéger la sécurité alimentaire des Canadiens. Il doit recourir à des travaux de recherche indépendants pour garantir la sécurité des nouvelles technologies agricoles et pour protéger le bien public. Je pense qu'il est impératif que le gouvernement fédéral impose un moratoire sur les parcelles d'essai de la luzerne Roundup Ready afin de nous protéger contre la menace de contamination qu'elle pose.
Je tiens à vous remercier encore une fois de m'avoir donné l'occasion d'exprimer mes préoccupations. Comme je vous l'ai déjà indiqué, je n'ai aucun recours si des produits de la gamme Roundup Ready m'empêchent d'exploiter mes propres cultures. J'aimerais que vous puissiez me dire ce que je devrais faire lorsque cela arrivera.
Merci.
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C'est une excellente question. Merci de la poser.
Il est compliqué de répondre à cette question, car les organismes génétiquement modifiés peuvent potentiellement produire des impacts énormes. Cela touche à tous les différents aspects de la vie au Canada.
Nous parlons du système de production dans son ensemble. Nous parlons de biodiversité, de diversité écologique, des échelles d'exploitation, des retombées économiques et de la propriété intellectuelle. Au pied levé, comme ça, il est extrêmement difficile de répondre à cette question.
Je pense que les travaux que vous réalisez ici nous rapprochent de cet objectif. Vous devez scruter la question sous l'angle de la durabilité. Pour pouvoir répondre correctement à cette question, il faut vous assurer de tenir compte aussi bien des dimensions économiques que des effets de la biodiversité sur l'environnement et des incidences de nos décisions sur des choses comme l'ensemble des semences dont disposent les agriculteurs.
Ce qui semble se produire en ce moment, c'est que les caractères issus du génie génétique sont mis en position dominante par rapport aux autres semences. Ces semences deviennent la propriété des entreprises. Autrefois, notre gouvernement faisait beaucoup de recherche dans le domaine de l'agriculture et créait des variétés qui étaient mises à la disposition de nos agriculteurs. Ce n'est plus tellement le cas aujourd'hui.
Dans le cadre de ma recherche de maîtrise, j'ai étudié la disponibilité des semences de soja pour les agriculteurs. Durant les années 1970, les graines de soja étaient détenues à 90 p. 100 par des installations de recherche publiques du Canada. Ces variétés de graines avaient été élaborées par des chercheurs ici, à Ottawa. Mais dans les années 1990, le scénario s'est complètement inversé, alors que 90 p. 100 des semences appartenaient à des intérêts privés.
J'estime que nous devons revenir à une situation où les variétés de semences seront davantage élaborées par les chercheurs publics. Il faudrait mettre au point ces semences en faisant passer en priorité les besoins de nos agriculteurs et notre système alimentaire. C'est vers cela que doit tendre la présente conversation. Nous devons privilégier ces aspects.
Il importe d'encourager l'innovation, la biotechnologie et toutes ces technologies diverses, mais nous devons le faire de manière à répondre aux besoins de tous les Canadiens, et non pas seulement aux besoins étroits des entreprises du secteur de la biotechnologie agricole. Je pense qu'à l'heure qu'il est, il sera difficile de démêler tout cela.
Pour ce qui est du commentaire au sujet du montant du financement qui est allé à l'agriculture biologique et au centre d'innovation ces cinq dernières année, ce montant totalise 7 millions de dollars, si ma mémoire est bonne. Mais comparativement aux sommes que le gouvernement canadien a investies dans la recherche agricole et la biotechnologie, il n'y a aucune commune mesure. Ce chiffre n'est rien en comparaison. Dans votre argumentation, vous mélangez les pommes et les oranges.
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Merci de votre question.
J'ai eu l'occasion de parcourir pratiquement tout le globe pour étudier des questions liées à l'agriculture, et l'une des plus grandes menaces auxquelles nous ferons face durant la prochaine décennie sont les changements climatiques. Ce sera certainement un élément prépondérant, dont les effets se font déjà ressentir dans bien des régions du monde.
Le second problème sera l'augmentation du coût de production pour les cultivateurs, qui sera liée au coût des engrais, particulièrement les engrais phosphaté et potassique; et, bien entendu, à mesure que les prix du pétrole augmenteront, les composantes d'azote joueront un rôle également.
Donc, parmi les domaines que nous tenons à aborder, il y a la façon d'amener les plantes à utiliser plus efficacement les matières dans le sol, et aussi la façon de créer des conditions permettant aux plantes d'être plus résistantes au stress créé par les changements environnementaux. Croyez-le ou non, une bonne partie de tout cela peut avoir lieu grâce aux systèmes radiculaires.
Le secteur de l'agriculture a connu ce que nous appelons la révolution verte. Elle s'est produite grâce à la sélection de plantes de grande culture en fonction d'engrais très efficaces, parce qu'ils étaient très bon marché. Mais à mesure que les prix augmentaient, les coûts pour les agriculteurs continuaient d'en faire autant.
Au cours des 50 dernières années, les racines étaient une chose dont les phytogénéticiens ne se souciaient même pas. On n'en tenait pas compte parce qu'elles sont sous la terre, et que cela demandait trop de travail. Donc, nous avons créé pour les plantes une partie supérieure parfaite, mais nous avons laissé de côté tout ce qu'il y avait dans le sol. Nous axerons nos travaux sur l'examen des éléments des systèmes radiculaires qui permettront une croissance des plantes nettement améliorée, tout en réduisant les coûts des facteurs de production liés aux engrais. Nous examinons les biofertilisants. Nous examinons les interactions entre les plantes qui favorisent une meilleure croissance. Comme dans le cas des légumineuses, les seuls microbes dont nous nous servons abondamment sont les bactéries nodulantes, qui produisent sans doute davantage d'engrais dans une année que tous les engrais artificiels que nous avons pu utiliser. Voilà sur quoi se concentrera notre entreprise.
Je ne tiens pas à raviver le débat sur le financement. Tout ce que je voulais dire au sujet de l'augmentation du financement, c'était que, d'après le dernier exposé, le comité a eu l'impression que l'agriculture bio ne bénéficiait pas d'un financement public considérable. Je voulais dire que le financement existe et que, à 6,5 millions de dollars, il est considérable.
Il serait intéressant de comparer ce financement à celui de l'ensemble des biotechnologies. Le comité s'est réuni pour parler des biotechnologies et pour examiner la question, qui est beaucoup plus vaste que celle des modifications génétiques. Les biotechnologies sont présentes, de différentes façons, dans un si grand nombre de secteurs et de produits.
Beaucoup de grappes de recherche sont financées d'une façon comparable aux produits bio. Si on fait le total pour toutes ces grappes mises ensemble — je voulais simplement montrer que le financement existe.
De toute façon, je ne veux pas raviver le débat à ce sujet.
Je tiens cependant à mieux comprendre la position du secteur bio. Comme je l'ai dit, les biotechnologies sont un sujet de discussion beaucoup plus vaste que les produits génétiquement modifiés.
Nous avons accueilli un certain nombre de témoins qui nous ont livré le point de vue du secteur bio. J'essaie de comprendre, par exemple, si le secteur veut un simple moratoire ou, plutôt, un bon régime de réglementation et d'homologation pour les végétaux et les produits de consommation — le bétail — ayant subi l'influence des biotechnologies, pour protéger, essentiellement, les intérêts des agriculteurs et des consommateurs et mettre la recherche-développement au service des agriculteurs?
D'après les propos d'Arnold, c'est le moratoire. Mais je ne crois pas déceler la même volonté chez les autres témoins. Peut-être pouvez-vous m'éclairer à ce sujet, sous l'angle des biotechnologies.
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Merci, monsieur le président.
C'est toute une conversation que nous avons là. Quand j'étais jeune, je conduisais le tracteur avec mon père. Quand nous épandions de l'engrais, nous aimions beaucoup utiliser des engrais chimiques. C'était plus facile. On pouvait faire 10 acres en une après-midi. Les voisins ne s'en plaignaient pas. C'était subventionné. En Nouvelle-Écosse, on touche des subventions pour les engrais.
Nous faisions des mélanges; nous gardions le fumier dans la cour; nous l'enterrions et le mélangions ensuite. À un moment donné, nos rendements ont commencé à chuter. J'ai suivi un cours en agriculture durable à l'Université de Californie, Davis. Lorsque nous avons commencé à stocker le fumier, c'était un avantage et non une gêne. Nous devions informer un peu le public sur l'épandage du fumier. Plutôt que de mettre davantage d'engrais dans les zones où les cultures poussaient difficilement, nous épandions plus de fumier.
Nous essayons de parler de biotechnologie, mais les OGM continuent d'arriver sur le marché. Mon collègue a parlé d'« agriculture durable ». Mais quelle sera la situation dans 25 ans, quand nous serons 10 milliards sur la planète? Comment allons-nous coexister avec...?
Il semble y avoir des divergences de vues entre ceux qui utilisent les OGM et les agriculteurs biologiques. Ce que nous aimerions voir, dans ce comité, c'est de la coexistence, mais cela ne semble pas se produire. Vos articles, sur le sol et les façons de l'améliorer, m'ont intéressé. Vous avez également parlé de la révolution verte et expliqué comment elle a permis à tous ces pays asiatiques de passer d'une agriculture de subsistance à une agriculture de production et, du même coup, d'augmenter leur PIB. Mais les agriculteurs de ces pays sont dépendants des engrais et des produits chimiques. Ils se retrouvent dans une situation précaire.
Comment faire pour nourrir la population de la planète, utiliser différentes technologies et chercher le bien de l'humanité, tout en faisant en sorte que nos agriculteurs en tirent des avantages? Je vous pose la question; je sais que c'est tout un défi. Comment y parvenir?