Au nom du Conseil canadien du soya, je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à prendre part à cette discussion sur la biotechnologie.
Je m'appelle Michelle McMullen, et je suis l'actuelle gestionnaire du Conseil canadien du soya.
Notre conseil représente 30 000 producteurs de soya du Manitoba, de l'Ontario et du Québec. Nous sommes ravis de vous donner un aperçu de l'industrie canadienne du soya, de notre capacité de produire des fèves de soya génétiquement modifiées ou non, et des avantages de la biotechnologie pour les producteurs de soya canadiens.
Jim Gowland, notre président, vous parlera de son expérience, puisqu'il a tiré parti de la biotechnologie dans son exploitation agricole pour produire des fèves de soya de grande qualité non transgénique pour exportation.
On cultive le soya au Canada depuis plus de 60 ans, principalement au Manitoba, en Ontario et au Québec. Récemment, grâce aux progrès enregistrés dans la sélection des végétaux, des fèves de soya ont commencé à être cultivées dans les Maritimes et en Saskatchewan. Approximativement 3,66 millions d'acres de soya ont été ensemencées au Canada en 2010, classant le soya au cinquième rang sur le plan de la production. Le soya représentait la troisième source de recettes monétaires agricoles du Canada en 2009, avec un valeur totale d'environ 1,34 milliard de dollars. Actuellement, 65 p. 100 du soya cultivé au Canada est génétiquement modifié, alors que les 35 p. 100 restant représentent le soya non génétiquement modifié essentiellement destiné aux marchés extérieurs.
Après l'introduction de variétés de soya génétiquement modifié au Canada en 1997, l'industrie canadienne du soya a constaté qu'elle devait réexaminer sa production et ses systèmes de manutention et a engagé des discussions avec ses principaux intervenants, dont le gouvernement et nos clients des marchés extérieurs pour explorer de nouvelles pratiques de gestion de la qualité dans l'ensemble de la chaîne de valeur.
Au cours des 14 dernières années, nous avons démontré que nous possédons les compétences et l'expérience requises pour établir et mettre en oeuvre des protocoles permettant de séparer le soya de spécialité des grains manutentionnés en vrac. Les investissements en temps et en infrastructure se sont avérés indispensables pour favoriser la coexistence du soya génétiquement modifié et non génétiquement modifié et satisfaire les besoins des principaux segments des marchés de ce secteur d'activité.
La science et l'innovation ont joué un rôle fondamental dans le succès de l'industrie canadienne du soya. Les investissements publics et privés dans la sélection de végétaux ont permis au Canada de trouver des débouchés pour l'application de technologies de mise au point de variétés génétiquement modifiées et non génétiquement modifiées, débouchés qui aident les producteurs de soya canadiens à ajouter de la valeur à leurs exploitations agricoles.
Le maintien de nos marchés d'exportation actuels et l'accès à de nouveaux marchés continuent de poser d'importantes difficultés à notre industrie. De nombreux pays, dont le Canada, appliquent une politique de tolérance zéro à l'égard des variétés non approuvées mises au point au moyen de la biotechnologie. Notre industrie ne peut garantir l'absence totale de contamination par des matières génétiquement modifiées. L'approbation des nouveaux caractères génétiquement modifiés dans nos marchés d'exportation clés dépend de seuils que notre industrie peut atteindre. Dans l'éventualité où un caractère GM non approuvé était décelé dans une cargaison canadienne, la politique de tolérance zéro s'appliquerait et l'embargo constituerait une mesure possible. Cependant, il est primordial que le système de réglementation du Canada demeure prévisible et fondé sur des critères scientifiques. Si les systèmes d'approbation des marchés nationaux et internationaux s'écartent des processus scientifiques, les producteurs de soya canadiens pourraient souffrir d'importants retards dans l'approbation des nouvelles variétés développées au moyen de la biotechnologie et accessibles sur le marché.
Les producteurs de soya canadiens cultivent des variétés en retard d'au moins deux ans par rapport à nos concurrents, ce qui les désavantage sur le plan concurrentiel. La conclusion de l'accord de faible concentration avec nos principaux marchés d'exportation et l'harmonisation des processus internationaux d'approbation des caractères GM doivent constituer une priorité si l'on veut assurer la compétitivité des producteurs de soya canadiens. Le Conseil canadien du soya pense que le gouvernement et l'industrie devraient s'employer à négocier des accords de faible concentration avec nos clients et à harmoniser les processus d'approbation des caractères GM.
Jim va maintenant vous parler de l'utilisation de la biotechnologie sur son exploitation agricole.
Je m'appelle Jim Gowland, et je suis président du Conseil canadien du soya depuis cinq ans. Je suis un producteur de culture commerciale de Bruce County, près de Walkerton, en Ontario, où je cultive 2 300 acres de soya, de blé, de maïs et de haricots blancs en partenariat avec ma femme, Judy.
Nous tirons parti des avantages de la biotechnologie tout en ajoutant de la valeur à notre exploitation agricole en cultivant les fèves de soya non génétiquement modifiées pour les marchés d'exportation. Tout comme d'autres producteurs de soya canadiens, nous effectuons la rotation des cultures, une pratique durable qui maximise les rendements, la qualité, les attributs et l'utilisation de l'équipement et du capital, ce qui, au bout du compte, assure la rentabilité de nos entreprises.
Nous utilisons certaines variétés de maïs mises au point grâce à la biotechnologie afin de surmonter certains problèmes agronomiques, ce qui vient compléter notre production de soya non génétiquement modifié, de haricots pour consommation humaine et de blé. Nous luttons contre les mauvaises herbes et les ravageurs grâce à ces variétés de maïs génétiquement modifiés, ce qui nous permet de maximiser la rentabilité de nos cultures conventionnelles.
Grâce à une bonne gestion et des pratiques de séparation, la valeur ajoutée pour les 900 acres de soya non GM de notre exploitation s'élève à 50 000 ou 75 000 $ de revenus supplémentaires annuellement. Bien qu'il soit difficile d'en faire le suivi, ces revenus supplémentaires pourraient facilement représenter pour l'ensemble de l'industrie au moins 50 millions de dollars annuellement. En outre, étant donné la grande demande de soya canadien de qualité élevée sur les marchés d'exportation et de soya pour la transformation en farine et en huile au Canada, les niveaux de base s'en voient améliorés, ce qui profite également aux producteurs de soya canadiens.
L'amélioration des cultures de soya, grâce aux progrès biotechnologiques, a donné aux producteurs canadiens la possibilité de choisir des variétés qui répondent à leurs besoins agronomiques, tout en offrant des caractéristiques prisées des consommateurs, ce qui donne aux producteurs une autre occasion d'ajouter de la valeur à leurs opérations.
À l'avenir, l'industrie du soya au Canada, étant donné sa capacité de séparation éprouvée, pourra produire et fournir des fèves de soya dotées de caractéristiques mises au point grâce à la biotechnologie, ce qui aura des répercussions directes sur les consommateurs, comme de nouvelles utilisations industrielles ou alimentaires.
Nous devons mettre en place des protocoles concernant les grains à identité préservée et avons besoin de l'aide du gouvernement du Canada pour élaborer des politiques de tolérance de présence en faible quantité. Les producteurs de soya canadiens pourront alors tirer profit des futurs débouchés offerts par la biotechnologie, tout en respectant les exigences en constante évolution des marchés internationaux en matière de soya de spécialité non transgénique.
Merci beaucoup.
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Il vous sera plus facile de dire en anglais « Québec cash-crop growers ». En français, il s'agit de la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec.
Je ferai mon exposé en français, puisque je suis Québécois.
[Français]
Bonjour, je m'appelle William Van Tassel et je suis producteur agricole au Lac-Saint-Jean. Je demeure à Hébertville et je suis producteur de céréales. Je produis du blé, du canola, du soya et de l'orge brassicole.
Il reste que je suis ici aujourd'hui à titre de premier vice-président de la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec. Nous remercions vivement le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire d'avoir invité la fédération à partager ses réflexions et à exprimer les préoccupations des ses agriculteurs. Bien au-delà de l’échange à l’échelle provinciale, cette invitation constitue une occasion particulière d’alimenter et de partager les réflexions nationales.
La fédération représente environ 11 000 des quelque 42 000 agriculteurs de la province. Ce grand nombre de producteurs est synonyme d'une grande diversité et de beaucoup de défis à relever. Toutefois, certaines grandes lignes de l'évolution du secteur et certaines préoccupations constituent pour tous les producteurs un dénominateur commun. Les biotechnologies ont fortement contribué à changer plusieurs réflexes et façons de faire chez les producteurs, tant à l'échelle canadienne que québécoise. Les plantes génétiquement modifiées sont devenues indissociables de la réalité agraire canadienne et québécoise. De prime abord, nous pouvons poser la question suivante: les biotechnologies créent-elles le besoin ou doivent-elles répondre aux besoins des producteurs et des divers intervenants? La réponse doit prendre en considération notre contexte agricole, la réalité à laquelle les producteurs font face ainsi que les dernières grandes tendances. Je vais maintenant parler du contexte québécois.
Au Québec, le secteur des grains s’articule autour de la production du maïs, du soya, du canola, de l’orge, de l’avoine et du blé. La superficie moyenne pour l’ensemble de ces cultures se situe autour d’un million d’hectares et le volume de grain récolté est d’environ cinq millions de tonnes. Le Québec est caractérisé par trois zones dont le potentiel de production varie. Comme vous pourrez le voir à la dernière page de notre document, la zone 1 se prête à la majorité des cultures. On y trouve une prédominance de soya et de maïs ainsi que certaines céréales. Les zones 2 et 3 sont plutôt céréalières. Les conditions pédoclimatiques y sont très spécifiques et exigent des cultures adaptées. Les graphiques 1 à 3, qui figurent également dans le document, démontrent que les rendements des cultures connaissent une stagnation ou une tendance à la baisse. Par contre, dans d'autres provinces et États américains, les rendements sont à la hausse. C'est une question de compétitivité et de conditions permettant aux producteurs de rester, à long terme.
Pour ce qui est des sources de financement en recherche et de la performance des secteurs, cette situation est plus critique dans le cas des céréales. En effet, en termes de rendements, l'écart entre le Québec et ailleurs est très significatif. C'est aussi un secteur où les firmes de biotechnologie n'investissent pas, car un financement de la recherche doit assurer un rendement des investissements. Or dans le cas du Québec, les céréales ne représentent pas un marché potentiel pour ces firmes. D'ailleurs, en examinant dans le tableau 1 les montants consacrés à l'investissement en recherche, on remarque que la progression enregistrée du financement de la recherche entre 1987 et la projection pour 2012 — et on parle ici d'investissement privé — est de 1 715 p. 100 pour le soya, de 1 027 p. 100 pour le canola, mais de seulement 80 p. 100 pour les céréales à paille.
L'évolution de la superficie des cultures génétiquement modifiées au Québec est un effet palpable de l'investissement dans les cultures rentables pour les firmes de biotechnologie. La superficie des ces cultures est passée de 100 000 hectares en 1999 à 400 000 hectares en 2009. Cette situation aurait pu être meilleure si plus de recherche avait été financée par le secteur public afin de remédier à cette priorité disproportionnée. Or on assiste à un désinvestissement public en matière de recherche. Présentement, le financement de la recherche, en dollars constants, est de 40 p. 100 inférieur à ce qu'il était en 1994. Pour revenir à ce niveau d'ici 2020, il faudrait disposer d'une enveloppe budgétaire de 28 millions de dollars par année. D'ailleurs, les ressources humaines et les équipements en infrastructure impliqués dans la recherche font progressivement défaut. Le Rapport de la vérificatrice générale du Canada de 2010 révèle que 40 p. 100 de la main-d'oeuvre a plus de 50 ans et que 18 p. 100 des employés de la Direction de la recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada sont présentement admissibles à la retraite.
Également, 71 p. 100 des édifices voués à des activités de recherche sont dans un état passable ou mauvais, plutôt que bon ou excellent, et pas moins de 71 p. 100 des 28 000 articles d’équipement ont dépassé leur durée de vie utile.
L'impact positif de l'investissement public en recherche est confirmé dans plusieurs pays en voie de développement qui, d'ailleurs et contrairement au Canada, déploient de plus en plus de financement public en recherche. Par exemple, au Brésil, le niveau de production a augmenté de 365 p. 100 grâce, en bonne partie, au financement public de la recherche. La Chine a augmenté ce financement de 10 p. 100 annuellement, de 2001 à 2007.
Ces deux exemples répondent au besoin d'augmenter la production agricole de 70 p. 100 pour nourrir une planète dont la population sera de 9 milliards d'habitants à l'horizon de 2050, d'une part, et de permettre le développement économique et social, d'autre part.
En effet, les études ont démontré que l'investissement de l'équivalent de 1 500 $ en recherche en agriculture en Chine fait sortir 7 personnes de la pauvreté. Au Québec, un emploi créé en région est l'équivalent de 20 à 30 emplois créés en région métropolitaine. D'une manière générale, le retour sur l'investissement en recherche en agriculture est de 40 p. 100 pour l'ensemble de l'économie.
Les défis à relever pour le secteur des grains sont de plus en plus complexes. Le producteur doit conjuguer avec les conséquences des changements climatiques, le resserrement des normes de qualité, les exigences des consommateurs, l'instabilité des prix du marché, etc., qui sont des conditions dynamiques dans le temps.
Pour que l'agriculture suive ce rythme, il faut qu’elle soit dynamique et diversifiée à son tour. La recherche publique doit être renforcée pour permettre à l’agriculture de répondre aux attentes. Le désinvestissement public en recherche réduira les choix technologiques aux producteurs et favorise une place dominante aux firmes de biotechnologie et la généralisation des plantes génétiquement modifiées.
La conséquence sera plus sévère dans les régions périphériques — zone 2 et zone 3 — qui sont moins compétitives. Aussi, ce sont les zones où on n'utilise pas les plantes — ou très peu de soya mais pas de maïs. Donc, on se rabat beaucoup sur les céréales à paille, soit le blé, l'orge et l'avoine. Ce sont ces variétés qui viennent de la recherche publique. Aussi, ces zones ne représentent pas un marché potentiel pour les investisseurs privés en biotechnologie.
Dès lors, l’écart au niveau de la compétitivité entre les régions sera plus important. Par ailleurs, l’accélération de l’application de mesures réglementaires, telles que l’homologation des produits phytosanitaires, permettrait d’alléger les coûts de production et l’amélioration de la compétitivité des producteurs.
En terminant, la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec est ravie de partager ces réflexions avec les membres du comité et est reconnaissante de cette invitation. Consciente de l’intérêt porté au secteur agricole et agroalimentaire et à son importance pour l’économie canadienne et le développement régional, la FPCCQ espère l’approfondissement de ces réflexions et l’appui des membres du comité pour leur mise en oeuvre.
Merci beaucoup.
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Mesdames et messieurs, au nom des membres du Conseil biologique de l'Ontario, je vous remercie de nous donner l'occasion de discuter avec vous de la biotechnologie aujourd'hui.
Le Conseil biologique de l'Ontario représente l'ensemble de la chaîne de valeurs des produits biologiques de la province de l'Ontario, et notre mandat consiste à faire croître le secteur. Actuellement, sous le gouvernement McGuinty, on prévoit doubler la superficie des cultures au cours des cinq prochaines années.
Je fais personnellement partie du secteur biologique depuis plus de 15 ans, que ce soit à titre de porte-parole, de transformatrice ou de détaillante, et j'ai pris part au processus de certification et à l'élaboration des normes biologiques canadiennes.
L'agriculture biologique répond à la demande des consommateurs. Ceux-ci veulent se procurer des aliments cultivés dans le respect de leurs valeurs en matière de durabilité, ce qui comprend l'absence d'organismes génétiquement modifiés, d'engrais chimiques ainsi que de pesticides et d'herbicides synthétiques. Ils préfèrent l'utilisation des techniques de rotation des cultures, l'enrichissement des sols et l'accroissement de la biodiversité.
Le processus de certification par un tiers, sur lequel se fonde notre nouvelle norme nationale, a été élaboré par l'industrie pendant plus de 30 ans. Il s'agit de la pierre angulaire de ce que l'on considère comme étant le premier système de traçabilité alimentaire du Canada.
En Ontario, près de 120 000 acres sont certifiés biologiques, ce qui représente environ 1,5 p. 100 des terres agricoles. On estime le chiffre d'affaires de ce secteur au Canada à environ 2,8 milliards de dollars, et environ 80 p. 100 de ces produits sont importés de l'étranger.
Dans l'ensemble, nous atteignons presque les 3 p. 100 du marché de masse. C'est là que ceux qui contrôlent les marchés commence à s'y intéresser. Le secteur a pu enregistrer une telle croissance sans l'appui financier ou réglementaire, ni d'investissements notables, de la part du secteur public.
Ce n'est que l'année dernière que notre secteur a bénéficié de son premier investissement appréciable dans la recherche biologique, sous la forme d'un financement de 6,5 millions de dollars dans les grappes scientifiques, soit un projet sur trois ans. Étant donné que depuis 15 ans, le secteur public investit 7 millions de dollars par année dans la biotechnologie, notre industrie se demande ce que nous serions aujourd'hui si on avait investi ne serait-ce que 10 p. 100 de ce total dans la production biologique au cours de la même période.
La semaine dernière, à Guelph, nous avons entendu Michael Emes, de l'Université de Guelph, dire, en ce qui concerne le modèle conventionnel, que ce que nous avons fait jusqu'à maintenant, c'est d'épandre des tonnes d'herbicides, de fongicides et de pesticides, au sujet desquels les gens ont, à juste titre, des réserves. M. Emes a par la suite expliqué comment la biotechnologie représente une méthode de production plus précise.
Or, le secteur de l'agriculture biologique propose d'investir ailleurs pour obtenir le même résultat. Si on regarde les conclusions des essais de production côte à côte de maïs et de soya menés par le Rodale Institute sur une période de 27 ans, on constate la séquestration de 3 500 kilogrammes de dioxyde de carbone par hectare annuellement dans le système biologique. On remarque également un accroissement de 15 p. 100 de l'azote et de 30 p. 100 de matières organiques dans le sol et une diminution d'environ 33 à 50 p. 100 de la consommation énergétique lorsqu'on a recours à des cultures de protection.
L'Université du Maryland s'est penchée sur cette étude et a effectué une analyse économique de la comparaison côte à côte. Elle a établi que l'agriculture biologique, au fil du temps, rapportait les mêmes revenus par hectare, et ce sans tenir compte du prix plus élevé des produits biologiques. Lorsque les systèmes biologiques sont en place depuis longtemps, on constate une amélioration remarquable de notre productivité.
La semaine dernière, M. Emes a également dit que la presque totalité des cultures biotechnologiques à l'échelle mondiale sont dérivées de quatre plantes, comme nous le savons, ce qui en 2008 représentait environ 115 millions d'hectares sur la planète. Il a ajouté que la position adoptée par les Européens concernant la tolérance zéro semble dépassée et représente un obstacle au commerce qui pourrait toucher les agriculteurs canadiens.
Regardons donc les chiffres de plus près. En 2008, plus de 85 p. 100 du maïs américain était transgénique. Cela représente 30 millions d'hectares de maïs aux États-Unis, soit à peu près le quart des cultures transgéniques auxquelles M. Emes faisait référence. On parle d'acceptation à l'échelle mondiale, mais la moitié de la production provient de six pays, et le quart des États-Unis uniquement.
Les chiffres figurent dans vos documents.
L'un des principes fondamentaux de l'agriculture biologique est l'interdiction unanime et internationale de l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés, de la production à la transformation. Parce que les lois sur l'étiquetage n'exigent pas des entreprises qu'elles indiquent la présence d'OGM, les consommateurs de la planète se tournent vers les produits biologiques pour s'assurer de ne pas consommer des aliments génétiquement modifiés.
Bien que je représente ici le secteur de l'agriculture biologique de l'Ontario, je parle également au nom des millions de gens qui consomment nos produits ici au Canada et à l'étranger.
Le comité permanent veut savoir ce dont l'industrie biotechnologique a besoin pour prospérer. Nous voudrions que la question soit reformulée de façon plus générale: de quoi a besoin notre secteur agricole pour prospérer, et, plus important encore, de quoi les consommateurs, ici et à l'étranger, ont-ils besoin à l'égard de la biotechnologie?
Il ne faut pas perdre de vue le fait que notre agriculture conventionnelle repose sur un système de production qui date d'il y a 50 ou 60 ans. Il comporte son lot de problèmes à l'égard de la fertilité des sols, de la disponibilité des nutriments et de la toxicité, mais cela va au-delà de l'objectif de mon exposé.
L'idée maîtresse de la production biologique est l'établissement d'une saine écologie du sol. L'agriculture biologique est une technologie verte qui offre des solutions pour les changements climatiques, la séquestration du dioxyde de carbone, la conservation de l'eau et des sols et la réduction de la consommation énergétique.
Au cours des 15 dernières années, les promoteurs des OGM ont prétendu que la biotechnologie pouvait surmonter les difficultés auxquelles faisait face le monde agricole. On cite souvent comme exemple des avantages de la biotechnologie le fait qu'elle réduira l'utilisation d'un produit chimique, alors qu'en fait, c'est le contraire qui s'est avéré.
En 2009, M. Charles Benbrook a étudié des données du département de l'Agriculture des États-Unis, pour se rendre compte que les cultures génétiquement modifiées étaient responsables de l'accroissement de 383 millions de livres d'herbicides sur 13 ans de commercialisation, de 1996 à 2008. Notons que la moitié de cette hausse a été constatée au cours des trois dernières années, ce qui veut dire que la courbe monte en flèche.
Cette augmentation considérable du volume d'herbicides utilisés dépasse largement la diminution de l'utilisation d'insecticides attribuable à certaines variétés de maïs et de coton génétiquement modifié, ce qui rend l'empreinte chimique des cultures génétiquement modifiées sans conteste négative. Le rapport cerne et aborde dans le détail la principale cause de cet accroissement, soit les mauvaises herbes résistant aux herbicides.
En plus de la pollution toxique causée par les pesticides, l'agriculture fait face au double défi que posent les changements climatiques et la population mondiale en pleine croissance. L'industrie biotechnologique, dans ses campagnes de publicité en cours, promet de régler ces problèmes, comme elle a déjà promis de réduire l'utilisation de produits chimiques.
Avant d'adopter des cultures génétiquement modifiées comme solution à ces nouveaux défis, nous devons effectuer une évaluation impartiale et fondée sur des données du bilan du secteur biotechnologique à l'égard d'autres promesses.
Jusqu'à maintenant, nous avons quatre espèces modifiées génétiquement pour obtenir deux caractéristiques à une seule fin. La technologie de modification génétique accroît la dépendance à des intrants provenant de l'extérieur des exploitations agricoles et à des technologies sous licence, et mène à l'intensification des monocultures. De plus en plus, les semenciers ne fournissent leurs variétés au meilleur rendement qu'avec des caractères GM, ce qui signifie moins de choix, et non le contraire, pour les agriculteurs.
Peu importe la tendance actuelle des intentions futures à l'égard des modifications génétiques, la technologie continue de se heurter à l'opposition des marchés non OGM et biologiques du Canada en Amérique du Nord, en Europe et au Japon, et continuera de poser problème pour les producteurs agricoles biologiques et non OGM.
Métro Inc., un détaillant alimentaire du centre du Canada qui détient une importante part du marché, a affiché ce qui suit sur son site Web:
L'état actuel des connaissances ne permet pas d'affirmer que la consommation d'organismes génétiquement modifiés... soit liée au développement de certains cancers. Toutefois, l'existence d'un risque pour l'environnement et la santé humaine n'est pas exclue.
De toute évidence, les consommateurs canadiens exercent des pressions sur les détaillants à cet égard, il est donc faux d'assumer que seuls nos marchés d'exportation s'inquiètent des OGM.
Les défenseurs de l'agriculture biologique sont stupéfaits par la vision réductrice qui semble dominer les discussions et le débat en matière de biotechnologie. Cette science n'a même pas encore 20 ans. Les aliments génétiquement modifiés n'ont jamais été étiquetés, ce qui veut dire que les répercussions sur la population ne peuvent pas faire l'objet d'un suivi, et les données scientifiques sur lesquelles se basent avec autant d'enthousiasme les promoteurs de cette technologie viennent des entreprises qui font elles-mêmes la commercialisation et l'enregistrement de ces produits. Cela ne se fait pas dans le domaine public.
On commence à voir des données montrant les répercussions sur la santé des mammifères des aliments génétiquement modifiés et de la surutilisation du glyphosate. Je n'entrerai pas dans les détails. Dans les documents que vous avez reçus, j'ai souligné certaines études publiées et soumises à l'examen par les pairs qui vous éclaireront.
Nous comprenons que nous pourrions en débattre longuement, mais au bout du compte, les parents s'inquiètent du contenu en pesticides et en organismes génétiquement modifiés des aliments dont ils nourrissent leurs enfants. Les enfants consomment de trois à quatre fois plus de nourriture par poids que les adultes, boivent deux fois plus d'eau et respirent autant d'air, et sont aussi exposés aux pesticides et aux aliments génétiquement modifiés dans le ventre de leur mère et au cours de l'allaitement. Il est donc compréhensible que les consommateurs s'inquiètent.
Outre les conséquences directes de la consommation d'OGM, les consommateurs de produits biologiques reconnaissent que les cultures génétiquement modifiées requièrent davantage de glyphosate. Ce marché souhaite que le principe de précaution soit appliqué lorsque du matériel génétique pouvant contrevenir aux règles ne peut pas faire l'objet d'un rappel. Notre secteur s'oppose toujours vigoureusement à la production d'OGM et à l'expansion des technologies transgéniques. Nous sommes en outre convaincus que notre position est partagée par la majorité des Canadiens, et qu'à mesure que les effets néfastes des modifications génétiques des plantes deviendront plus apparents, leur opposition à l'utilisation de cette technologie deviendra insurmontable.
De toute évidence, la politique canadienne actuelle, telle que présentée par M. Gerry Ritz dans sa récente tournée pro-biotechnologie, ne cadre absolument pas avec les objectifs de durabilité de notre nation et les valeurs des consommateurs canadiens de plus en plus éclairés qui veulent des aliments sains et propres. Par conséquent, je souhaiterais souligner ce que nous considérons comme les principes et les paramètres permettant d'établir une politique agricole pouvant être adoptée par tous les Canadiens.
Les principes que nous présentons sont à la base d'une politique qui respecte l'existence de l'agriculture non transgénique. La coexistence des deux types d'agricultures signifie que chaque secteur doit maintenir son intégrité et assumer ses responsabilités. La situation actuelle, où ceux dont les cultures sont polluées par les OGM assument le fardeau économique de la pollution, ne peut perdurer.
Nous proposons d'établir la politique en fonction de six principes. Je vous en donne les grandes lignes. Vous trouverez de plus amples renseignements dans les documents écrits, qui vous aideront à comprendre nos arguments.
Premier principe: l'agriculture biologique est une facette importante de l'économie et de la mosaïque culturelle du Canada et doit être préservée.
Deuxième principe: les produits de l'agriculture biologique perdent leur valeur s'ils sont mélangés avec des OGM au-delà du niveau accepté par les marchés cibles. La contamination par les OGM est un tort inacceptable qui doit être atténué et évité.
Troisième principe: les coûts et la mise en oeuvre des mesures garantissant la coexistence réussie et respectueuse des deux systèmes d'agriculture devraient également être assumés par les utilisateurs et les développeurs de la biotechnologie. Les agriculteurs qui cultivent des produits de la biotechnologie devraient notamment avoir recours à des bandes tampons et garantir la préservation de l'identité. Les pratiques de gestion exemplaires devraient faire l'examen d'une vérification et être appliquées grâce à l'inspection des utilisateurs de biotechnologie.
Quatrième principe: les entreprises de biotechnologie et les agriculteurs cultivant des OGM devraient indemniser les agriculteurs biologiques pour les pertes financières causées par la présence fortuite d'OGM dans les plants et les semences.
Cinquième principe: la commercialisation des cultures génétiquement modifiées ne devrait pas être permise sans une évaluation complète des possibles répercussions sur l'environnement, la santé et le bien-être socio-économique des agriculteurs, ce qui comprend l'acceptation du marché et la liberté de produire ses propres semences.
Sixième principe: les consommateurs ont le droit de savoir si une denrée donnée contient des produits génétiquement modifiés, donc l'étiquetage des aliments dérivés de cultures génétiquement modifiées devrait être obligatoire.
Je vous remercie de votre attention ce matin. Je suis prête à répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous de vos témoignages.
Je vais adresser mes premières questions à Michelle ou à Jim.
J'ai lu votre mémoire un peu plus tôt. Je vais être très pointilleux au niveau de la terminologie, mais je vous demanderais de ne pas vous en offusquer parce que vous n'êtes pas les seuls visés; en effet, le phénomène dont je vais vous parler se manifeste un petit peu partout. Les gens se plaisent à parler de « fondement scientifique » et de « fondement non scientifique », mais ces expressions ne sont jamais définies.
Permettez-moi de citer un passage d'un de vos mémoires: « Si les systèmes d'homologation au pays et à l'étranger s'écartent des processus ayant un fondement scientifique... ». En lisant cela, la première question que je me pose est la suivante: de quel processus s'agit-il au juste? Il n'y a pas de note en bas de page pour préciser la chose.
Soit dit en passant, vous n'êtes pas les seuls à parler ainsi. Il y en a beaucoup d'autres qui font la même chose. Les gens se contentent de dire que leur point de vue a un fondement scientifique et lorsqu'ils parlent de personnes qui ne partagent pas leur opinion, ils prétendent que leur prise de position n'a aucun fondement scientifique.
C'est bien joli d'exprimer une opinion, mais pour me convaincre du caractère scientifique, ou non, de quelque chose, il faut me présenter des sources. J'ai besoin de savoir d'où ont été tirées les informations en question, ce à quoi on fait référence, et, dans votre cas, à quel règlement vous faites référence lorsque vous parlez du caractère scientifique de vos informations et où l'étude dont il est question a été effectuée.
J'essaye tout simplement d'identifier la source de toutes ces informations. Et je ne vous cible pas vous en particulier. Par un concours de circonstance quelconque vous comparaissez aujourd'hui et moi je remplace Alex, alors c'est le moment que j'ai choisi pour m'exprimer. Mais sachez que j'aurais dit la même chose à un autre témoin... Très franchement, si vous aviez rédigé ce mémoire dans le cadre d'un cours universitaire, votre professeur vous l'aurait rendu en vous demandant d'identifier la source de vos arguments.
Jim, je sais pertinemment que vous avez beaucoup d'expérience dans ce domaine, mais le secteur des biotechnologies, comme l'a dit plus tôt M. Easter, comprend toute une panoplie de choses, et ça fait très très longtemps qu'on se sert de ces techniques. Les gens ont commencé à appliquer des techniques de biotechnologie bien avant qu'on identifie les gènes. On ne savait tout simplement pas encore qu'on y apposerait le terme de biotechnologie. Il s'agissait de technique de greffage, d'épissage et de mélange de semences dans le but d'améliorer la production. Aujourd'hui, nous avons de meilleurs outils à notre disposition. Mais cela veut-il automatiquement dire que nous avons de meilleurs produits?
À titre d'électricien, je peux très bien m'acheter des tournevis de meilleure qualité que ceux que j'ai actuellement. Mais est-ce que je me serais alors amélioré comme électricien? Certains vous diront que je n'ai jamais été un bon électricien, mais là, on s'écarte du sujet.
Vous avez parlé d'un protocole régissant la teneur en OGM maximale, et vous proposez 5 p. 100. Disons que les acheteurs du marché que vous visez refusent d'accepter cette teneur de 5 p. 100? Que ferez-vous? Que se passera-t-il si les consommateurs exigent une plus faible teneur et que vous n'êtes pas en mesure de répondre à leurs exigences? Ou bien seriez-vous capable de le faire? En fait, ma question a deux volets.
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Je vous remercie de votre présence parmi nous. J'ai quatre ou cinq questions à poser que j'inclurai dans mes propos.
Si j'ai estimé que l'étude actuelle est nécessaire, c'est en partie parce que le projet de loi ne traite ni de la corporatisation ni du monopole. Il ne porte pas sur le droit de conserver et de posséder ses propres semences.
Pendant cette discussion et celle d'aujourd'hui, je me suis franchement dit que si un jour l'Europe autorise une faible teneur d'OGM, soit de 0,5 p. 100 ou de 1 p. 100, qu'arrivera-t-il à l'industrie des produits biologiques? L'analyse qu'on effectuera alors en tiendra compte et conclura qu'on peut permettre cela jusqu'à un certain point puisqu'on acceptera déjà des produits à faible concentration en OGM. Cela me préoccupe car j'estime que les marchés des produits biologiques et des OGM doivent coexister. Je ne sais toutefois pas comment on y parviendra.
Qu'arrivera-t-il si on accepte des produits à faible teneur en OGM? C'est à Jodi que je pose la question.
La deuxième question lui est aussi adressée. Vous avez dit qu'au sein de l'industrie des produits biologiques, les gens discutent de la possibilité d'autoriser une faible présence d'OGM et il semble qu'il y a donc des désaccords dans votre propre industrie. J'aimerais donc savoir pourquoi les gens ne s'entendent pas là-dessus dans ce milieu. Est-ce que certains sont d'avis qu'on peut accepter une faible teneur en OGM et que d'autres refusent de l'accepter parce qu'à leurs yeux, leurs produits doivent toujours être totalement libres d'OGM?
Ma troisième question porte sur le Comité consultatif canadien de la biotechnologie. J'ai entendu d'excellentes propositions, Jodi, y compris celle que vous avez faite à la fin de votre exposé, et avec lesquelles je suis presque toujours d'accord. J'ai aussi entendu ce que d'autres ont proposé.
La semaine dernière, M. Manish N. Raizada, qui nous a fait une communication à Guelph, est venu ici et a remis au greffier et à moi-même un certain nombre de règlements. Dans le premier d'entre eux, il est dit qu'une compagnie demandant un permis de vente afin de faire commerce d'OGM doit aussi accepter de vendre la même variété de récolte mais libre celle-là de tout transgène d'OGM afin que les agriculteurs et les consommateurs aient un véritable choix. Ensuite, on traite des divers niveaux d'acceptation, variables selon le risque.
En guise de troisième question, j'aimerais savoir quand est-ce que vous vous réunirez tous? Qu'est-ce que ça prendra pour que vous agissiez? Est-ce qu'il faudra que le ministre Ritz vous enferme dans une pièce et vous dise de parler et de discuter? Faudra-t-il qu'un ou deux députés essaient eux aussi de vous réunir pour qu'on tienne ce genre de discussions et que vous arriviez à des propositions d'autoréglementation? Vous avez vous-même parlé d'autoréglementation, Jim, mais je ne vois rien qui concrétise cela.
Pouvez-vous répondre à ces trois questions? Jodi, allez-y en premier s'il vous plaît.