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Merci de m'avoir invité à comparaître.
Je suis un universitaire depuis plus de 40 ans, et j'ai passé ma carrière à l'Université de la Californie à Berkeley. J'enseigne présentement à l'Université de la Floride et aussi à l'Université de la Saskatchewan. Je me suis longuement penché sur les changements technologiques dans le domaine de l'agriculture, y compris le maïs hybride et la mécanisation, surtout la mécanisation en Californie. De plus, je me suis longuement penché sur certains secteurs de la biotechnologie.
Je tiens à dire que personne ne me paie pour vous faire voir un seul côté de la médaille. Je trouve que de nos jours, beaucoup d'experts-conseils vont vous dire seulement ce qui est bon pour eux parce que leur portefeuille penche de ce côté. Je ne suis donc payé par aucun groupe comme Monsanto ou la Commission canadienne du blé dans le cadre de mon témoignage.
Mes observations seront très claires. En fait, mes propos sont tirés d'un livre que nous venons de publier à l'Université de Toronto. Il a pour titre Agricultural Policy, Agribusiness, and Rent-Seeking Behaviour. Il traite de la politique agricole, des changements technologiques, et il contient un chapitre sur les organismes génétiquement modifiés.
Les écrits sur la biotechnologie ont connu une croissance rapide, et beaucoup d'études portent maintenant sur les OGM et d'autres produits biotechnologiques. L'une des raisons pour laquelle les résultats ne sont pas nécessairement compatibles, c'est que nous envisageons parfois l'économie à partir d'un point de vue différent. J'ai toujours envisagé l'économie à partir du point de vue de ce que nous appelons « l'économie de bien-être », qui est une façon déguisée de dire « analyse coûts-avantages ». Il s'agit d'une approche standard qu'adoptent la plupart des théoriciens de l'économie. Je ne sais pas si c'est le cas dans les autres domaines, mais je sais que c'est accepté en économie, le domaine dans lequel j'ai obtenu un doctorat.
Cela dit, je vais seulement faire deux ou trois observations tirées de notre livre et une autre, des articles que nous avons écrits. En fait, je vais vous remettre un article destiné aux non-spécialistes qui donne un aperçu de l'industrie de la biotechnologie.
Tout d'abord, le premier point que nous faisons valoir, c'est celui de l'acceptation par le consommateur, et c'est ici qu'une partie du débat sur les répercussions de la biotechnologie entre en jeu. Il y a mes collègues de l'Université de la Saskatchewan — Peter Phillips a déjà témoigné, et je le connais très bien, et il semble qu'il fasse partie de ce groupe. Son point de vue est peut-être quelque peu différent de celui de l'un de ses collègues en économie, Richard Gray, et il en va de même pour sa façon de mener l'analyse coût-avantages sur les OGM.
De plus, à titre d'exemple, Colin Carter était mon étudiant à l'Université de la Californie de Davis. Il semblait être fortement en faveur du blé génétiquement modifié, par exemple, et les conclusions qu'il a tirées au sujet des avantages et des coûts du blé génétiquement modifié étaient complètement différentes de celles de Richard Gray et de Hartley Furtan, de l'Université de la Saskatchewan, pour ce qui est des gains. Colin voit le blé génétiquement modifié de façon très positive. Hartley Furtan, Richard Gray et d'autres personnes le voient de façon plutôt négative.
La grande question, c'est celle de l'acceptation des OGM par le consommateur. Je dois convenir que tout ne peut pas être fondé sur des données scientifiques, notamment si les OGM seront rentables pour nous ou non. Les données scientifiques ne jouent qu'un rôle, et il faut également amener le consommateur à accepter les OGM.
Par exemple, dans le secteur du blé, à l'heure actuelle, des comités évaluent différentes variétés de blé. Les huit différentes variétés de blé commun sont fondées sur des données scientifiques, mais c'est également le cas pour les critères d'acceptation par le consommateur. Par conséquent, ils ont une façon officielle de déterminer ce que le consommateur accepte en plus des aspects scientifiques. Le blé est donc également un bon exemple en ce qui concerne l'acceptation par le consommateur.
Il paraît que Monsanto a mené une étude, et je crois que Colin et d'autres y ont participé. Ils en sont venus à cette conclusion, bien connue je crois, que le blé génétiquement modifié de Monsanto présente de très nombreux avantages. Nous en avons fait la partie sur l'acceptation par les consommateurs. Le seul élément qui me tracasse, c'est que si quelqu'un d'autre faisait la même étude, je peux vous garantir que je pourrais vous faire la preuve d'un rapport coûts-bénéfices variant de 1,0 à 6,0, selon mes hypothèses de base sur l'acceptation par les consommateurs.
Pour vous le prouver, nous pourrions prendre l'un des modèles d'échanges internationaux que nous utilisons pour le blé et d'autres céréales. Ensuite, il faut se demander qui a mené l'étude, d'où proviennent les données, et qui a été interrogé. C'est la même question que... Actuellement, nous examinons le dossier du déversement de pétrole dans le golfe; nous en évaluons les coûts. Toutefois, la même argumentation pourrait être utilisée dans des situations similaires, comme l'évaluation de la mesure de la volonté de payer et l'acceptation par les consommateurs des OGM.
Il s'agit du dernier point que je soulève dans ce premier document sur l'acceptation par les consommateurs. J'ai participé à plusieurs procès en lien ou non avec la biotechnologie. Cependant, cette question est aussi pertinente dans le cas des effets, entre autres, de la présence de lignes électriques sur une propriété privée ou du transport d'équipements nucléaires au Canada.
Les juges disent toujours que ce n'est pas à la science de déterminer si les lignes électriques sont réellement dangereuses pour les propriétaires; c'est la perception des consommateurs qui dicte leur dangerosité. En gros, la première partie de ce document traite de l'acceptabilité par les consommateurs.
Plus loin, nous examinons le concept de la rentabilité des producteurs. On dit toujours que les évolutions technologiques, par exemple, pour créer du maïs hybride ou de nouvelles variétés de canola, sont un gage d'importants profits pour les producteurs. Or, ce n'est pas vrai. Je peux utiliser des modèles pour vous prouver que cela peut avoir, au contraire, des effets négatifs pour les producteurs. Je ne suis pas pessimiste, et je ne suis ni pour, ni contre les OGM. Cela fait également partie du marché et de la dynamique des économies. Il est donc difficile de généraliser.
J'ai bien aimé l'excellente présentation de Peter Phillips sur le canola, mais je n'aime pas le fait d'essayer d'appliquer la situation du canola aux autres produits de base. Par exemple, le cas du canola est unique, parce qu'il produit d'énormes avantages pour l'être humain. Selon moi, ses prévisions ou les vôtres sont peut-être même un peu pessimistes au sujet des avantages des OGM. Richard Gray et d'autres ont mené des études sur les effets sur la santé des nouvelles variétés de canola. Ce dossier est donc très fourni.
Vous vous demandez probablement pourquoi l'Europe accepte les huiles faites à partir d'OGM, mais pas les autres OGM. Comme nous l'apprend la biotechnologie, c'est de la manière que vous consommez le blé et les autres produits qui fait toute la différence, parce que vous consommez directement l'OGM. Toutefois, dans le cas des huiles, ce n'est pas le cas; il s'agit d'une protéine résiduelle. Il faut comprendre pourquoi un produit de base est accepté alors qu'un autre ne l'est pas. Nous passons donc le plus clair de notre temps à débattre de la question de l'acceptation des producteurs.
Nous discutons ensuite de l'affaire StarLink. J'ai participé au procès aux États-Unis à titre de témoin-expert de la poursuite. Dans ce dossier, j'imagine que Greenpeace ou d'autres ont découvert le gène StarLink dans un Taco Bell. Les producteurs de maïs ont poursuivi Aventis, parce que l'entreprise avait mis sur le marché un maïs génétiquement modifié qui n'était pas vraiment acceptable ou approuvé. Cette affaire nous a permis d'apprendre, et vous devez bien le comprendre, que les coûts d'opérations, ou les coûts de ségrégation, sont parfois énormes lorsque des variétés génétiquement modifiées sont introduites dans un milieu et mélangées aux variétés non modifiées. C'est particulièrement vrai dans le cas des pays ayant une politique de tolérance zéro à l'égard des OGM.
À l'heure actuelle, le Japon est le plus grand acheteur de blé canadien. Je peux vous garantir que le Japon n'achètera jamais de blé canadien génétiquement modifié. Le Japon le dit haut et fort, et cette attitude se reflète dans le livre par certaines études sur l'acceptation par les consommateurs au Japon, en Inde et ailleurs. D'autres pays accepteraient probablement du blé génétiquement modifié ou d'autres OGM, mais ce n'est pas le cas du Japon.
Lorsque le maïs StarLink a été mélangé à d'autres produits de base, les Japonais s'en sont mêlés. Ils ont exigé que des tests soient effectués sur le maïs StarLink non seulement aux États-Unis, mais également au Japon, où les représentants ont en fait refusé de laisser entrer sur le marché une énorme quantité de maïs. Les Japonais ont une politique de tolérance zéro. Lorsqu'un pays a ce genre de politique sur un produit de base, il est très coûteux de garder les deux cultures séparées pour que le maïs génétiquement modifié ne se mélange pas au maïs qui ne l'est pas. C'est valable également pour les autres OGM, comme le blé génétiquement modifié.
Je pourrais faire de nombreux autres commentaires. Selon moi, chaque OGM doit faire l'objet d'une étude distincte. Je crois également qu'il faut suivre un processus dans lequel il est important d'être pratiquement certain que le produit final sera accepté par les consommateurs.
Pour y arriver, vous devez savoir exactement la caractéristique qui sera introduite dans le produit de base pour pouvoir vérifier si les consommateurs l'acceptent. Vous ne pouvez pas simplement demander à un acheteur japonais s'il accepte les OMG. Vous devez exprimer beaucoup plus précisément la nature du produit et votre objectif.
J'ai parlé plus de 10 minutes. Désolé.
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Premièrement, je voudrais remercier le comité de nous avoir invités aujourd'hui.
Avant de commencer, je voudrais vous présenter notre délégation du Réseau québécois contre les OGM. Il y a M. Nault, bien entendu, des AmiEs de la Terre de l'Estrie. Je voudrais vous rappeler que nous avons soumis un mémoire, dont vous avez une copie écrite. Mes propos aujourd'hui seront un peu différents afin que je respecte les 10 minutes allouées.
Notre réseau vise à regrouper tous les opposants aux organismes génétiquement modifiés afin de créer un solide réseau entre les différents groupes et ainsi travailler de concert sur certaines campagnes. Ce réseau facilite particulièrement l’échange d’information et d’idées d’action pour un avenir sans OGM.
Nous représentons une vingtaine d’organisations oeuvrant notamment en environnement, en défense des consommateurs, en agriculture et en santé; vous avez la liste sur notre site Internet. Nous travaillons très étroitement également avec le Réseau canadien d’action sur les biotechnologies.
Par notre présence ici aujourd'hui, notre réseau voudrait contribuer à votre réflexion sur les technologies agricoles. Par cette présentation orale, nous voudrions nous concentrer au moins sur un aspect, qui est, en fait, celui du rapport de la Société royale du Canada de 2001. Nous espérons que les visites que vous ferez la semaine prochaine sur les campus seront très fructueuses. Nous espérons également pouvoir, comme public, avoir le compte rendu de ces rencontres pour voir ce que vous allez examiner et ce que les gens ont à dire.
Si je veux me concentrer sur le rapport de la Société royale du Canada, c'est parce qu'aujourd'hui, ou dans quelques jours, nous soulignerons une date historique, soit le 10e anniversaire du rapport de la Société royale du Canada de 2001, qui s'intitule « Éléments de précaution: recommandations pour la réglementation de la biotechnologie alimentaire au Canada ». J'en ai ici une copie que vous pouvez regarder. La version française compte quelque 280 pages. Je vous donne le contexte. C'est un rapport qui avait été commandé par le gouvernement fédéral à l'époque, et préparé par 14 experts indépendants. Il ne s'agissait pas de membres de notre réseau, mais d'experts scientifiques de tous horizons du milieu universitaire. Ce rapport comprend 58 recommandations. Comme le titre l'indique, ce rapport met vraiment l'accent sur la précaution.
Il est hors de question de lire toutes les 58 recommandations, mais je voudrais prendre le temps d'en lire quelques-unes, pour alimenter un peu les propos qui ont été tenus par la personne avant moi:
7.1 Le Comité d’experts recommande que l’approbation pour la culture de nouveaux organismes transgéniques ou leur utilisation comme aliments ou comme aliments pour animaux soit assujettie à une évaluation scientifique rigoureuse des incidences potentielles de ces organismes sur l’environnement ou la santé humaine. Les tests effectués dans le cadre d’une telle évaluation scientifique devraient remplacer la pratique courante de l’utilisation du concept d’équivalence substantielle comme seuil de décision en matière de réglementation.
7.2 Le Comité d’experts recommande que la conception et la mise en oeuvre des tests d’évaluation de risques des nouveaux organismes transgéniques s’effectuent en consultation ouverte avec la communauté d’experts scientifiques.
7.3 Le Comité d’experts recommande que l’analyse des résultats de tous les tests effectués sur les nouveaux organismes transgéniques soit revue par un comité d’experts approprié[s] et indépendants provenant de toutes les disciplines; ce comité serait tenu de rendre et de justifier [ses] décisions dans un cadre public.
8.1 Le Comité d’experts recommande l’application du principe de précaution en matière de réglementation qui propose qu’aucune nouvelle technologie ne doit être présumée sécuritaire en l’absence de fondements scientifiques fiables permettant de conclure à son innocuité. Le Comité d’experts rejette le recours au concept d’équivalence substantielle comme seuil de décision pour exempter les nouveaux produits GM d’évaluations d’innocuité rigoureuses sur la seule base de similarités superficielles; une telle procédure réglementaire ne constitue pas une approche prudente qui requiert l’établissement d’une preuve d’innocuité.
8.2 Le Comité d’experts recommande que le fardeau principal de la preuve incombe à ceux qui proposent d’offrir des produits alimentaires issus de la biotechnologie et que ceux-ci soient tenus d’effectuer l’éventail complet des tests nécessaires pour faire la démonstration fiable que ces produits ne présentent pas de risques inacceptables.
8.3 Le Comité d’experts recommande qu’en présence de bases scientifiques raisonnables, soit théoriques soit empiriques, établissant prima facie la possibilité qu’un produit peut présenter des effets délétères pour la santé humaine, la santé des animaux ou l’environnement, le fait que les résultats des tests disponibles ne permettent pas d’identifier, avec un degré de certitude élevé, le risque, ou le niveau de risque, posé par le produit ne doit pas empêcher l’imposition de contraintes réglementaires.
8.4 Comme mesure de précaution, le Comité d’experts recommande que la possibilité de risques graves pour la santé humaine, de perturbations importantes et irréversibles des écosystèmes naturels ou d’une importante réduction de la biodiversité, entraîne le recours aux meilleures méthodes scientifiques pour réduire l’incertitude associée à ces risques. L’approbation de produits présentan[t] de tels risques devrait être reportée jusqu’à ce que l’incertitude scientifique soit ramenée à un niveau minimal.
Je vais m'arrêter là; il y a 58 recommandations. Je ne vais pas vous bombarder de recommandations de la Société royale du Canada, laquelle constitue, je vous le rappelle, la plus haute instance scientifique au Canada. Elle a quand même une certaine crédibilité en la matière.
Malheureusement, les recommandations énoncées dans le rapport de la Société royale du Canada ont été très largement ignorées par le gouvernement. Voici ce que le gouvernement a fait du rapport: il l'a simplement jeté.
En 2004, soit trois ans après le dépôt de ce rapport, le commissaire à l'environnement et au développement durable confirmait et illustrait avec plus de détails, dans un audit de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ce que dénonçait trois ans plus tôt le rapport de la Société royale du Canada.
Pratiquement rien n'a changé depuis 2001. Pire encore, les plantes GM avec multiples insertions de gènes, par exemple le maïs StarLink, ont été autorisées sans évaluation spécifique. Les animaux GM, particulièrement le cochon GM, se rapprochent très rapidement de l'autorisation. Le saumon GM pourrait être commercialisé bientôt.
Le Canada n'a toujours pas ratifié le protocole de biosécurité des Nations Unies, alors que 160 pays l'ont fait. Les consommateurs attendent toujours l'étiquetage obligatoire des OGM qu'une quarantaine de pays ont obtenu.
L'autorisation de la luzerne GM va engendrer une crise, et j'espère que vous êtes conscients de cette crise à venir.
Alors, que peut faire votre comité? En fait, nous avons émis cinq recommandations de base.
Premièrement, votre comité devrait encourager tous les députés à voter en faveur du projet de loi . Il ne va pas tout résoudre, mais il permettrait au moins de protéger les agriculteurs des impacts économiques d'une mauvaise politique en matière de gestion de la biotechnologie.
Deuxièmement...
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Absolument. En fait, le projet de loi porte sur une étude économique avant l'autorisation des OGM.
Deuxièmement, il faut demander au gouvernement de faire un rapport similaire à celui de 2001 de la Société royale du Canada pour voir où on en est 10 ans après. Ce serait une étude intéressante à faire, puisqu'on parle de science.
Troisièmement, on doit mettre immédiatement un moratoire pour la luzerne GM, afin d'éviter effectivement que les marchés ne soient perturbés et qu'il n'y ait des dommages irréversibles.
Quatrièmement, nous recommandons que les députés adoptent l'étiquetage obligatoire des OGM, lequel reçoit l'appui de pratiquement 90 p. 100 des consommateurs, de quelque parti qu'ils soient. C'est la réalité.
Enfin, le Canada doit enfin ratifier le protocole de biosécurité pour rejoindre la communauté internationale.
En conclusion, je voudrais remettre deux documents à votre comité. Le premier est un article universitaire de Peter Andrée sur la réglementation de l'alimentation OGM. Cet article confirme effectivement que, dans l'ensemble, le rapport de la Société royale du Canada a été ignoré. J'en mets une copie à la disposition des membres du comité. Je vous remets également une copie de la vidéo Le monde selon Monsanto, qui explique un peu le contexte législatif dans lequel sont autorisés les OGM à la fois dans le monde et ici. Les membres du comité pourront le consulter.
Je vous remercie.
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Auparavant, le Canada ne produisait pas de légumineuses à grains autres que les haricots, mais, en l'espace d'une génération, le Canada en est devenu le plus important producteur et exportateur. Cette année, nous en avons produit environ 4,5 millions de tonnes métriques uniquement en Saskatchewan. La production se compose principalement de pois et de lentilles. L'année dernière, nos exportations se sont élevées à 2,2 milliards de dollars, dont 1,8 milliard de dollars provenaient de la Saskatchewan.
Ce succès est en grande partie attribuable aux trois intervenants: l'Université de la Saskatchewan, le ministère de l'Agriculture de la Saskatchewan et la Saskatchewan Pulse Growers, qui finance les recherches universitaires. Les producteurs détiennent le droit d'exploiter toutes les variétés créées à l'université. Nous décidons donc des variétés qui seront mises à leur disposition. Nous avons ce privilège. Étant donné que l'université est une institution publique, les responsables ont été en mesure de négocier ces droits exclusifs avec nous. En contrepartie, nous investissons dans le programme au moyen d'une contribution de 1 p. 100 versée par nos producteurs. En comparaison, je suis certain que les autres producteurs déboursent davantage en recherche et développement.
Selon nous, la recherche et le développement sont nos meilleurs atouts. Ce domaine rapporte 20 $ par dollar investi par les producteurs. En comparaison, la génétique en génère 28.
Actuellement, nous n'avons pas de légumineuses à grains génétiquement modifiées, parce que nous ne croyons pas que nos consommateurs en veulent. Le message que nous recevons du marché, c'est que les gens ne sont pas intéressés à des légumineuses à grains génétiquement modifiées. Comme nous l'avons toujours dit, si l'Inde produit des pois chiches génétiquement modifiés, nous emboîterons le pas avec des pois génétiquement modifiés.
La biotechnologie est un outil, auquel nous devrions recourir seulement si c'est l'outil le plus approprié pour atteindre notre objectif. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut mettre en pratique... C'est un peu comme faire de la plomberie; vous n'en faites pas à la grandeur de la maison, n'est-ce pas? La biotechnologie est un outil.
Dans notre cas, les OGM ne peuvent pas remédier à la majorité des problèmes auxquels nous devons faire face. La résistance aux maladies n'est pas une caractéristique très payante. Une usine de produits chimiques ne créera pas des souches résistantes aux maladies, parce qu'elle ne vendra plus son fongicide. Voilà pourquoi nous nous inquiétons de la réduction des investissements publics en recherche et développement. De plus, lorsque cet argent sera disponible, nous craignons qu'il soit investi dans des domaines précis, comme les recherches appliquées et précommerciales.
Selon nous, dans l'avenir, il faudra définir le problème, effectuer l'évaluation des besoins, déterminer les lacunes et investir en recherche et développement de technologies pour les combler. Peu importe les travaux de recherches — des recherches fondamentales, des recherches de base, des recherches appliquées —, si c'est pertinent pour atteindre l'objectif, il faut les faire.
Nous avons également toujours dit que la réglementation des plantes qui présentent une nouvelle caractéristique au Canada n'avantage pas les petites cultures. Il pourrait en coûter jusqu'à 200 000 $ pour faire approuver une caractéristique d'un OGM qui servira uniquement pour l'alimentation du bétail. Si c'est un produit destiné à la consommation humaine, les coûts montent en flèche. Si vous examinez les variétés de récolte au Canada et que vous regardez les 10 plus importantes dans le monde selon la quantité, le tonnage, le blé est probablement la seule culture canadienne qui s'y retrouverait. Cela vous apprend que l'industrie investit toujours en fonction de la quantité vendue. Prenez le nombre de semences, multipliez-le par le nombre d'acres, et voilà vos recettes. Vendez un produit chimique, multiplez-en la quantité par le nombre d'acres, et vous obtiendrez vos recettes.
Les producteurs canadiens ont toujours évalué leur productivité selon la qualité des récoltes. Dans l'Ouest canadien, le climat nous accorde encore 120 jours sans gel par année, et nous devons modifier la génétique des cultures en fonction de cette réalité.
Nous pensons que les végétaux aux caractéristiques nouvelles et leur état actuel ne s'y prêtent pas beaucoup et qu'il faudrait réexaminer la question. Le secteur public contribue à apporter de nouvelles caractéristiques sur le marché.
Nous pensons que dans l'avenir, les stress biotiques vont être la clé. Au gré des changements climatiques et étant donné l'imprévisibilité des conditions météorologiques à laquelle il faut s'attendre, l'impact sur la productivité sera assez prononcé, et nous aurons besoin de toute la génétique.
La génomique est l'avenir. Nous pensons que la compréhension du génome d'une plante et la connaissance de ses gènes donneront à nos phytogénéticiens les outils dont ils ont besoin pour apporter de nouvelles caractéristiques sur le marché. Certaines de ces caractéristiques pourraient découler d'organismes transgéniques, mais la plupart de mes phytogénéticiens m'ont dit que, grâce à la génomique, ils pensent pouvoir obtenir ce qu'ils veulent dans les légumineuses sans avoir recours aux OGM. Nous pensons par ailleurs que le secteur public n'a pas été aussi réceptif que dans d'autres pays au financement de la génomique. Prenons l'exemple des États-Unis qui ont estimé les cultures comme un secteur stratégique et ont procédé au séquençage au niveau fédéral.
Le séquençage n'est qu'une partie de l'équation. Mais il est aujourd'hui très bon marché. Les technologies propres au séquençage du génome coûtent moins de 50 000 $. Ce qu'il faut actuellement, c'est ramener les millions de résultats possibles à un niveau utilisable par les phytogénéticiens. Nous investissons dans l'Institut de biotechnologie des plantes du Conseil national de recherches pour créer un poste en bioinformatique qui permettra de traduire tous ces résultats pour le compte de nos phytogénéticiens. Nous pensons que cela aurait dû avoir été fait par le secteur public.
En conclusion, nous voyons dans les OGM un outil qui ne sera utile que lorsque le marché sera mûr. Voilà pourquoi nous suivons de façon continue les signaux que donne le marché. C'est le marché qui déterminera la voie à suivre. Prendre les devants par une approche réglementaire ne sert à rien. Je pense que toutes les industries au Canada, qu'il s'agisse de celles du blé, du canola ou des légumineuses, ont des experts qui surveillent le marché. Et si le signal est donné, nous procéderons et développerons une technologie.
Nous sommes cependant convaincus que la génomique est la voie à suivre au Canada. Nous avons des cultures relativement modestes, mises à part celles du blé et du canola, et le secteur privé n'y investit pas beaucoup. Le secteur public devrait donc intervenir, investir dans la génomique et donner à nos phytogénéticiens les outils dont ils ont besoin pour mettre au point des caractéristiques génétiques adaptées aux climats que nous aurons.
Je vous remercie.
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Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie.
[Traduction]
Je vais faire mon exposé en anglais.
[Français]
Toutefois, n'hésitez pas à me poser des questions en français.
[Traduction]
Je vous remercie de m'avoir invité. Mon sujet diffère un peu de ceux de mes collègues, bien qu'il les recoupe à plusieurs égards.
J'enseigne le droit à l'Université McGill et me spécialise dans la propriété intellectuelle, surtout les brevets, l'innovation et la biotechnologie.
Je tiens à signaler que l'ensemble du financement dont je dispose provient de sources publiques, principalement des subventions d'institutions gouvernementales. J'ai conseillé Santé Canada, Industrie Canada, le Comité consultatif canadien de la biotechnologie, l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, l'Organisation mondiale de la Santé, UNITAID et l'OCDE.
J'ai également été expert auprès du Conseil des académies canadiennes pour la publication de son rapport sur les nanotechnologies, rapport qui porte sur certaines questions de précaution. En fait, le président de la commission royale, Conrad Brunk, faisait partie du comité.
Mon but est simple: aider le comité. Je vais faire quelques remarques, mais je suis disposé à répondre aux questions touchant en particulier les brevets et l'innovation. J'ai fait circuler un document d'information qui devrait avoir été traduit. Je ne m'y reporterai pas directement, mais il donne quelques idées de fond.
Je me pencherai d'abord sur le droit des brevets. Je doit signaler tout d'abord que la loi canadienne sur les brevets dans le domaine de la biotechnologie agricole est, à toutes fins pratiques, équivalente à celle de nos voisins du sud et des pays d'Europe. Il y a des différences d'ordre technique, mais dans son champ d'application, le droit des brevets protège les plantes et les animaux. Même s'il ne s'y applique pas au plan technique, il fournit la même couverture.
La question que je veux aborder est celle de l'incertitude. Je citerai à ce sujet la décision du juge Binnie qui, dans l'affaire Free World Trust contre Électro Santé dont avait été saisie la Cour suprême du Canada en 2000, avait déclaré: « L'incertitude se double d'un grave préjudice économique, et il convient que le droit des brevets s'efforce de réduire le plus possible ce préjudice ». C'est donc de ces questions dont je voudrais parler.
Je n'ai pas l'intention de plaider pour ou contre certaines biotechnologies. Nous sommes presque unanimes à convenir de la très grande utilité de certaines d'entre elles, y compris les organismes génétiquement modifiés. Je pense aux vaccins d'origine végétale, dont le coût de production est beaucoup moins élevé, qui sont beaucoup plus stables et plus aptes à résister aux hautes températures. D'autres technologies — la plupart d'entre nous en convenons — ne devraient pas être poursuivies. Ainsi, le Canada a décidé de ne pas poursuivre celles de la STb et du blé génétiquement modifié.
Je tiens pour acquis que certaines biotechnologies sont recherchées et d'autres pas. Ce qu'il nous faut, c'est un cadre réglementaire, s'appliquant également aux brevets, qui offre une certitude, celle d'obtenir les investissements qui nous donnent les produits recherchés. Nous avons aussi des lois qui protègent ceux qui pourraient être lésés par les utilisations non désirées de ces cultures. Si nous ne prenons pas ces mesures, l'industrie investira moins dans les cultures que nous voulons et les personnes qui en sont lésées seront moins indemnisées.
Le droit des brevets présente diverses incertitudes, mais — il faut le dire — elles sont négligeables par rapport à celles de la réglementation: son coût élevé, l'absence de règles touchant les animaux génétiquement modifiés, et ainsi de suite. Mais à propos du droit des brevets, l'un des risques et des incertitudes dont je veux vous parler, c'est la qualité des brevets.
Selon des études menées aux États-Unis, près de la moitié des brevets contestés devant un tribunal ont été jugés invalides. Et je ne pense pas que la situation soit bien meilleure au Canada. En fait, il se pourrait même que les brevets y soient de qualité inférieure, en particulier dans les domaines de haute technologie comme la biotechnologie. On s'inquiète donc de savoir si un brevet est valide ou non. C'est un risque à la fois pour les détenteurs du brevet et ceux qui voudraient faire de la recherche dans le domaine couvert par le brevet.
Il s'agit d'un problème inhérent au système des brevets. L'une des solutions proposées a été d'investir davantage dans le Bureau des brevets, ce que le Canada a fait. Une autre solution est d'adopter une procédure d'opposition au sein du Bureau des brevets afin que ceux qui souhaitent contester un brevet puisse le faire. L'Europe a un tel régime. Les États-Unis en ont au moins débattu au cours des dernières années. Quant au Canada, il est très en retard en la matière.
Un autre problème réside dans la liberté d'action. Jusqu'à tout récemment, seules quelques entreprises ont pu introduire des produits sur le marché. L'un des problèmes liés à la biotechnologie est que chaque génération de produits repose sur une plateforme de toutes les innovations précédentes, ce qui signifie qu'il faut avoir accès aux brevets que d'autres entreprises ont. Pendant longtemps, cela a été un problème, puisque seules quelques sociétés ont la capacité financière suffisante, soit pour breveter leur technologie soit pour assumer le risque de poursuites. Ces facteurs limiteraient l'accès au marché et à l'innovation.
Plus récemment, nous avons constaté une augmentation du nombre de licences réciproques accordées, ce qui permet à plus de gens de mettre des produits sur le marché. Nous aimerions que cette pratique se répande pour éviter que les gens ne courent des risques injustes. À cette fin, le gouvernement peut adopter des politiques qui favorisent les licences réciproques et appliquer plus fermement la Loi sur la concurrence dans ce genre de secteurs.
Le calcul des dommages constitue un autre sujet de préoccupations. C'est particulièrement vrai dans le secteur de l'agrobiotechnologie. Au Canada, le calcul des dommages est très incertain dans le cas du titulaire d'un brevet pour une plante cultivée. La Cour suprême du Canada et les cours fédérales nous ont exposé des règles contradictoires pour calculer ces dommages. Il pourrait s'ensuivre une surcompensation, c'est-à-dire qu'un titulaire de brevet reçoit trop d'argent, ou une sous-compensation; dans ce cas, il vaut la peine de violer le brevet puisque le titulaire ne recevra pas suffisamment d'argent. Des règles claires aideraient les agriculteurs à connaître les risques qu'ils courent, et les entreprises à déterminer la somme à investir.
De plus, dans toutes les sphères de l'agrobiotechnologie, ainsi que dans des domaines comme les nanotechnologies et la biotechnologie en santé, on dénonce le fait que les tribunaux ont le dernier mot à propos de la validité d'un brevet. La plupart des juges feront de leur mieux pour comprendre la science à la base de la biotechnologie, mais ils ne sont pas qualifiés. La plupart d'entre eux ont choisi le droit parce qu'ils n'aimaient pas la science. Même s'ils font de leur mieux, on constate des malentendus et des principes scientifiques mal utilisés dans certaines affaires.
C'est le problème de tout système de brevet. Mais je vous rappelle qu'il pourrait être avantageux de mettre en place une procédure d'opposition. Ainsi, davantage de cas litigieux seraient soumis au Bureau des brevets, qui est bien plus compétent.
Je vais m'arrêter ici, mais je serai heureux de répondre à vos questions sur le droit des brevets.
Merci.
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Il a fallu environ deux milliards de dollars pour arriver à séquencer le génome humain, un travail qui a débuté dans les années 1980. Il s'agissait d'un projet international dirigé principalement par les États-Unis et l'Union européenne, auquel, je crois, nous avons pris part.
Essentiellement, la génomique est la science qui examine de très près la composition de l'ADN d'un organisme, soit une bactérie, une plante ou un animal.
En premier lieu, il faut séquencer l'ADN de l'organisme. C'est un peu comme entrer par effraction à l'intérieur de ses éléments constitutifs. Mais nous croyons qu'en connaissant l'emplacement des gènes, nous pourrons comprendre si, par exemple, l'un d'entre eux permet à l'organisme de résister à une maladie grave. Un tel gène peut se trouver chez des espèces apparentées ou dans la nature. Dans ce cas, on peut alors essayer de l'introduire dans l'espèce. On est en train de développer des outils qui nous éviteraient de croiser le porteur du gène avec un cultivar, puis de croiser ce dernier avec l'espèce dans laquelle on veut introduire le gène. Il faut une éternité pour tout nettoyer. Il est possible de le faire bien plus efficacement.
Nous croyons qu'il est ainsi possible d'augmenter la vitesse d'adoption des caractéristiques génétiques. De plus, les phytogénéticiens affirment qu'il n'est peut-être pas très bon que les caractéristiques génétiques comme celles des OGM proviennent d'un seul gène, surtout en raison des maladies qui, pour la plupart, ont une incidence sur plus d'un gène.
La génomique contribuera aussi à la biodiversité. Aujourd'hui, nos laboratoires et nos banques de gènes contiennent des espèces dont nous ne pouvons nous servir, étant donné que nous ignorons comment en utiliser efficacement la caractéristique génétique. La génomique nous permettra de le faire.
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Je vous remercie de cette question posée vraiment très rapidement, et j'espère que la réponse sera tout aussi concise.
Fait intéressant, l'accord sur le protocole de biosécurité a eu lieu à Montréal en 2000, et le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique est basé à Montréal. Il est un peu ironique que le pays hôte du secrétariat n'ait pas ratifié le protocole. En fait, le protocole de biosécurité fait partie de la Convention sur la diversité biologique, dont il tire son origine.
Il y avait une préoccupation environnementale, et la grande préoccupation était la contamination transfrontalière des OGM. L'objectif premier du protocole international est que tout transfert d'un pays à l'autre se fasse dans la transparence, c'est-à-dire que le pays qui reçoit ces produits soit informé. Le protocole vise aussi une transparence pour ce qui est des études réalisées et prévoit un mécanisme de compensation en cas de catastrophe, qui indique qui doit payer.
À ce jour, 160 pays ont adhéré à ce protocole, mais pas le Canada. Je suis un peu la délégation canadienne lors des négociations, et je trouve un peu surprenant que le Canada se vante toujours d'avoir, en matière de biosécurité, un standard similaire ou même supérieur à ce que présente le Protocole de Carthagène sur la biosécurité. Si c'est le cas, aucun obstacle ne devrait empêcher le Canada de le ratifier, de toute manière. Telle est la question: je me demande pourquoi il ne le fait pas.
Les États-Unis ne peuvent pas ratifier le Protocole de Carthagène sur la biosécurité, parce qu'ils n'ont pas ratifié la Convention sur la diversité biologique. Voilà la réalité que vivent nos collègues au sud de la frontière. Depuis la signature de l'Accord de libre-échange nord-américain, nous faisons partie d'un espace de libre-échange avec le Mexique, lequel a ratifié le Protocole de Carthagène sur la biosécurité.
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Merci à tous d'être présents.
M. Ian Mauro, de l'Université de Saskatchewan, est venu témoigner devant le comité dernièrement. Il nous a parlé du projet qu'il a réalisé, pour lequel il a fait appel à 2 500 agriculteurs des trois provinces des Prairies. Il leur a demandé quelles étaient leurs préoccupations à l'égard de la technologie. Je vais vous présenter certains points de son exposé, et j'aimerais ensuite entendre vos commentaires. Voici:
Les risques sont moins bien compris, et c'est de ce côté que ma recherche apporte de nouvelles informations. Pour le canola et le blé transgénique, les risques principaux, que les agriculteurs ont eux-mêmes classés en ordre d'importance, comprennent les marchés, qui représentent leur plus grand risque. Ils s'inquiètent de la perte de revenus. Ils étaient inquiets à l'idée que la biologie finisse par soulever des questions reliées à la ségrégation, ce qui poserait des problèmes dans le système de ségrégation et finirait par affecter le marché.
Un représentant de la Commission canadienne du blé nous a dit la même chose lors de sa comparution, c'est-à-dire qu'il est très difficile de séparer les organismes génétiquement modifiés et ceux qui ne le sont pas, surtout lors de la manutention en vrac.
De plus, les agriculteurs étaient inquiets du contrôle de l'agriculture par les entreprises, de la privatisation des grains et de la possibilité de poursuites judiciaires. Il a ensuite parlé des plants « spontanés » — autrement dit, les cultures qui passent d'un terrain à l'autre —, ce qui, bien entendu, est lié à la contamination.
Nous avons appris dernièrement que la vente de luzerne génétiquement modifiée a été approuvée aux États-Unis. Trois organismes de produits biologiques ont indiqué qu'ils auraient appuyé la décision s'il y avait eu des mesures de confinement, ce qui est difficile à comprendre.
J'aimerais aussi savoir s'il est vraiment possible d'éviter toute contamination croisée des cultures génétiquement modifiées. Dans le cas de la luzerne, les preuves semblent abonder dans le sens inverse. Ce qui m'inquiète, c'est que bien des gens de l'industrie nous disent que nous devons nous appuyer sur les données scientifiques, mais il s'agit souvent de leurs propres données scientifiques.
Monsieur Schmitz, vous avez parlé de l'acceptabilité pour le consommateur et de la rentabilité pour le producteur. Monsieur Agblor, vous avez indiqué que votre organisme surveille de très près l'acceptation du produit par le marché. Le gouvernement pourrait-il mettre en place des lignes directrices en collaboration avec l'industrie? Ce serait précisément l'objectif de mon projet de loi.
Je vais m'arrêter ici pour que les témoins aient le temps de répondre.
Monsieur Schmitz.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci d'avoir pris le temps de venir comparaître devant nous aujourd'hui pour discuter de la biotechnologie et de ses impacts sur le secteur agricole.
J'aimerais préciser que si les produits génétiquement modifiés constituent un aspect de la biotechnologie, celle-ci ne se limite bien sûr pas à cette seule facette. C'est une distinction que notre comité ne doit pas perdre de vue, car nous parlons beaucoup bien sûr des produits génétiquement modifiés. Nous ne devons toutefois pas nous intéresser uniquement à ces produits, car le secteur de la biotechnologie a bien plus à nous offrir.
Il y a les deux extrêmes. À une extrémité du spectre, certains prétendent que la biotechnologie devrait décider de tout, alors qu'à l'autre extrémité, on soutient qu'on devrait l'éviter à tout prix. Entre ces deux extrêmes, et c'est là que se situe notre comité, il faut se demander en quoi la biotechnologie peut aider l'agriculture et de quelle façon elle peut lui nuire.
À la lumière de certains commentaires entendus aujourd'hui... monsieur Schmitz, vous avez par exemple fait valoir que le consommateur a un rôle important à jouer. Nous avons déjà traité de cet aspect. La science doit être au coeur de tout le débat, car il faut d'abord et avant tout s'assurer que le produit final ne présente aucun danger pour la consommation humaine. À cet égard, le rôle que peuvent jouer les scientifiques au moyen de leurs évaluations et de leurs procédures est extrêmement important.
Mais il faut également considérer par ailleurs l'acceptation par le consommateur.
Monsieur Schmitz, vous avez dit qu'il fallait essayer de sonder l'opinion des consommateurs à ce sujet. Avez-vous à l'esprit des mécanismes qui nous permettraient de le faire de manière cohérente et convaincante?
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins pour leur présence aujourd'hui. Nous pouvons compter sur un large éventail de points de vue.
Un article publié récemment dans The Economist au sujet de la crise alimentaire à venir indiquait à peu de choses près que la planète venait de traverser une crise économique, mais que la crise alimentaire qui allait suivre s'annonçait tout aussi difficile — voire davantage.
Nous faisons partie des 20 p. 100 de privilégiés qui ont de la nourriture en abondance, ce qui nous permet de faire des choix en matière d'alimentation. Les 80 p. 100 qui restent ne sont jamais certains d'avoir suffisamment à manger le lendemain.
Si cette crise alimentaire se concrétise — et c'est ce que nous observons actuellement — et si nous voulons prendre une longueur d'avance, comme nous aurions dû le faire pour la crise économique, afin de réussir à nourrir 10 milliards d'êtres humains, je considère que la biotechnologie est sans doute l'un des rares outils, si ce n'est le meilleur, à notre disposition pour éviter certains problèmes, notamment pour ce qui est des changements climatiques et de la distribution.
Certains ont fait valoir que plus on pourra produire d'aliments au niveau local, mieux on va pouvoir s'adapter. Pour ce faire, il faudra créer de nouvelles variétés ou prendre des mesures semblables.
Nous examinons souvent la situation à partir de notre optique à nous, en fonction des goûts et préoccupations de nos consommateurs, Ne faudrait-il pas commencer à se demander comment nous allons pouvoir entreprendre certaines cultures dans la région subsaharienne ou d'autres secteurs de l'Afrique ou de l'Inde, par exemple? Ne devrions-nous pas chercher à voir comment nous pouvons nous y prendre? Comment pouvons-nous aborder la question et dans quelle mesure la biotechnologie peut-elle nous être utile? Et quel rôle de leadership pouvons-nous exercer à ce chapitre?
Je lance la question à la cantonade en espérant que chacun aura quelques minutes pour y répondre.
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Voici quelques observations. D'abord et avant tout — et peut-être que cela répondra également à la question de votre collègue — il faut se rappeler que certains OGM ne soulèvent aucune controverse et doivent donc être acceptés d'emblée. Le coton BT, par exemple, a permis une avancée extraordinaire. Comme on ne consomme pas le coton, il n'y a pas de controverse. On ne peut pas se permettre de généraliser en disant que les OGM sont problématiques. Il y a eu d'autres cas de réussite comme celui-là.
Mais du point de vue alimentaire, je crois qu'il y a encore beaucoup de progrès à faire pour ce qui est de la création de nouvelles variétés de riz sans modifications génétiques. C'est un vaste chantier, mais l'IIRR travaille notamment à la sélection de différents types de riz en essayant entre autres d'accroître le contenu en fer. Je pense que c'est une initiative qui sera fort bénéfique.
Par ailleurs, je penche plutôt vers la doctrine économique de Chicago. Je ne préconise pas nécessairement l'intervention des gouvernements. Les marchés sont généralement capables de s'autoréguler. Il y a toujours eu des gens pauvres qui ne mangeaient pas à leur faim. La situation est différente aujourd'hui alors que nous essayons de nourrir la planète dans un contexte marqué notamment par la croissance de la population, car il nous faut tenir compte de la demande sur le marché et de la capacité de payer ces aliments.
Lors d'une conférence tenue il y a deux ans, tout le monde s'interrogeait sur l'avenir du marché alimentaire. Lorsque le prix d'un boisseau de blé a dépassé les 12 $, l'avenir semblait très rose pour les agriculteurs. Mais tous les marchés se sont soudainement effondrés, jusqu'à la reprise du printemps dernier. Nous voilà de nouveau dans cette spirale de prix. Comme vous pouvez le constater, tout n'est pas lié à la technologie; les politiques gouvernementales ont aussi leur rôle à jouer comme lorsqu'on décide de constituer des réserves alimentaires pour éviter l'instabilité.
En vertu de la Loi agricole américaine, on n'est plus obligé de maintenir de tels stocks de blé aux États-Unis lorsque les prix sont inférieurs à un certain niveau qu'on appelle le taux de prêt. C'est un autre élément à considérer dans le contexte de la crise alimentaire. Il ne suffit pas d'intensifier la production pour accroître les approvisionnements; c'est également une question de gestion et de mesures à prendre compte tenu de l'instabilité météorologique avec laquelle nous devons maintenant composer.
Mais si vous me permettez un conseil, n'achetez pas de terres agricoles en Saskatchewan en vous fiant sur les prix actuels.
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Merci pour votre question.
En fait, je pense que, au début de ses observations, M. Agblor y a répondu en partie. Il a fait allusion à un consortium formé par les producteurs, les chercheurs et l'industrie pour mettre au point la technologie. Cela semble vraiment la voie de l'avenir. Pour se doter des bonnes biotechnologies — et vous avez tout à fait raison, elles englobent les outils qui permettent d'identifier les espèces végétales ou animales, le pays d'origine, le caractère génétiquement modifié — et de toute la gamme des technologies qui sont actuellement faites pour les agriculteurs et, en fin de compte, les consommateurs, ces consortiums sont indispensables.
Tout ce que nous pouvons faire pour aider à leur financement procure la sécurité à tous. Actuellement, quand une université met au point une technique, elle doit souvent s'en départir très tôt. Personne ne peut estimer sa valeur. Personne ne sait si elle convient. On a parfois de la difficulté à déterminer à qui on la concédera par licence ou même... Comme j'ai dit, seules les sociétés importantes sont capables, parfois, de se charger de ces techniques.
Donc, tout ce que nous pourrons faire pour aider à créer des consortiums, avec des liens entre les universités, les producteurs et l'industrie, pour la mise au point de produits, créera de la stabilité. Au bout du compte, cela améliorera le respect de la technologie, parce que nous créons ainsi une collectivité qui croit en elle. La seule façon de savoir si quelqu'un viole votre brevet d'invention, c'est de l'apprendre par un tiers. Si tout le monde se tient et appuie la technologie, vos brevets seront probablement plus respectés.
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Je vous remercie de la question. En fait, ce dossier dure depuis une bonne quinzaine d'années, mais je pense que ce sera de plus en plus d'actualité, étant donné qu'une petite compagnie de biotechnologie américaine basée à l'Île-du-Prince-Édouard tente de faire approuver le saumon GM.
Je reviens sur le rapport de la Société royale du Canada, qui était très clair à ce sujet: s'il y a une chose que l'on ne doit pas faire, c'est courir le risque de lâcher dans l'environnement des poissons GM, que ce soit le saumon ou autres.
Le dossier continue. La FDA, aux États-Unis, examine cette autorisation pour la consommation humaine. En fait, ce qui est très intéressant, c'est que le système américain est un peu plus transparent que le nôtre. Effectivement, certaines de ces études démontrent qu'il pourrait y avoir des préoccupations quant à la santé humaine. C'est pour cette raison qu'on a demandé d'autres études. La FDA continue de mener des études à ce sujet.
Je crains fortement que, sous toutes sortes de pressions, on finisse par autoriser le saumon GM pour la consommation aux États-Unis. Si c'est le cas, cela va entraîner une crise très rapide au Canada, étant donné la position du gouvernement canadien.
Je vous rappelle qu'à la suite de la publication du rapport de la Société royale du Canada, le gouvernement canadien avait très clairement affirmé qu'il voulait mettre en place une réglementation spécifique sur le poisson GM, en raison des risques spécifiques. Or, 10 ans plus tard, on attend toujours cette réglementation.
Si les États-Unis autorisent cela, ça va créer une crise au Canada. Premièrement, il faudra déterminer si le Canada doit produire des oeufs de saumon GM. Deuxièmement, le cas échéant, il faudra les exporter dans le contexte du Protocole de Carthagène sur la biosécurité. Troisièmement, il faudra déterminer les conséquences de la consommation de ce produit. Pourra-t-on empêcher sa dissémination accidentelle dans les eaux? Cela risque de menacer un secteur très important, soit l'élevage et l'industrie du saumon.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins.
Je suis de l'Ontario, où j'ai tenu un certain nombre de réunions très agréables avec des organisations de produits. Ma circonscription n'est pas un gros producteur de lentilles ou de pois, mais on y cultive beaucoup de maïs, de soja, de blé ainsi que de fèves et de haricots comestibles.
Monsieur Schmitz, j'ai besoin de votre aide. Un conseil ne fait jamais de tort en matière de communication, nous avons tous besoin d'en recevoir. Je pense qu'il existe deux problèmes. Quelqu'un a mentionné aujourd'hui que la peur nous fait imaginer le pire, pour nous secouer. Loin de moi cette vision des choses. Je pense que nous devons rechercher l'équilibre, nous appuyer sur la science. Pour la commercialisation, concédez un peu de bon sens aux agriculteurs: bien honnêtement, ils ne produiront rien qui ne se vende pas. Rien non plus s'ils ne peuvent pas s'appuyer sur la recherche-développement. C'est ce qui explique, à les entendre, la naissance du partenariat dont ils ont parlé. Avec messieurs Gold, Schmitz et Agblor, nous avons parlé de constituer de tels partenariats entre les universités, les producteurs et l'industrie.
Nous prétendons que les produits que nous créons ne devraient pas se trouver dans le commerce ni servir à la production d'énergie ni de rien d'autre. Ce qui est intéressant, c'est que, en s'appuyant sur les résultats de la recherche, l'un des producteurs de ma circonscription me montre — et je suis moi-même agriculteur — que, au bout du compte, nous produirons de l'énergie. Nos produits se retrouveront dans le commerce. D'autres pourraient même être destinés à des usages pharmaceutiques. Au bout du compte, nous continuerons à produire de la nourriture, parce que la recherche est désormais capable de séparer, dans l'exemple du maïs, l'usage alimentaire et la production d'éthanol énergétique.
Depuis un certain nombre d'années, nous entendons tous — et il y a toujours quelqu'un pour propager la rumeur — que les organismes génétiquement modifiés sont mauvais. Personne ne semble comprendre la génomique. C'est plus doux à l'oreille. Alors comment faire savoir, très franchement, que tout n'est pas entièrement bon ni entièrement mauvais? Dans l'industrie laitière canadienne, dont je faisais partie, nous n'acceptions pas la somatotrophine bovine, ou STb, l'hormone de croissance bovine. Nous avons le droit souverain de le faire, heureusement.
Comment dire ces choses aux gens?
Dans un certain nombre de jeunes familles... Je ne lis jamais les étiquettes, mais ma fille, oui. Faire comprendre ce qu'elles disent, c'est une autre histoire.
Comment dire les choses clairement? L'un de vous trois peut-il me souffler des idées? La question est en effet importante.