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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 024 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 31 mai 2010

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Nous entamons la dernière partie de notre étude sur l'avenir de l'agriculture, et en particulier sur la façon d'attirer les jeunes gens dans la profession.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous nos témoins.
    Je vous rappelle que nous allons clore cette séance à 17 heures pour entreprendre les premières discussions sur le projet de loi C-474.
    Je demanderais à nos groupes de témoins de limiter leurs remarques préliminaires à 10 minutes maximum. Ensuite, on avisera.
    Nous allons commencer avec l'Alberta Ag Business Consultants. Nous accueillons M. Art Lange et M. Owen Nelson. Vous avez 10 minutes, je vous en prie.
    Bon après-midi, mesdames et messieurs. Nous représentons l'Alberta Ag Business Consultants, qui est un organisme bénévole formé de personnes inscrites en vertu du chapitre Renouveau de l'ancien Cadre stratégique pour l'agriculture (CSA), des Services-conseils aux exploitations agricoles canadiennes.
    Je m'appelle Art Lange et je suis accompagné de mon collègue, Owen Nelson. Je vais laisser Owen commencer.
    Je m'appelle Owen Nelson. J'ai une petite terre agricole près de Vegreville. J'ai de l'expérience dans l'industrie agricole. Je détiens aussi un baccalauréat en sciences agricoles et j'ai travaillé dans différents secteurs. J'ai de l'expérience à titre de conseiller en financement agricole aux États-Unis et en Australie, et j'ai aussi la chance de faire partie d'associations de jeunes agriculteurs, comme la Table pancanadienne de la relève agricole et Rock the Farm, une conférence parrainée par la Future Agriculture Business Builders of Alberta.
     Je me considère très chanceux de vivre dans un pays où on demande aux jeunes agriculteurs de dire ce qu'ils pensent de l'agriculture. Je suis très heureux de pouvoir profiter de cette occasion et j'espère que l'on continuera à nous consulter.
    Les autres membres du groupe qui ont collaboré à la production de ce mémoire sont Larry Lindquist, Larry Morin et Gordon Williams. Et moi-même, bien sûr. Ensemble, nous avons préparé plus de 500 plans d'affaires pour des agriculteurs, alors nous pensons savoir assez bien ce qui se passe dans le monde de l'agriculture et nous connaissons les avantages qui s'offrent aux jeunes agriculteurs, mais surtout les défis qu'ils doivent relever.
    Nous avons préparé ce mémoire en nous appuyant sur notre grande expertise et sur les 40 années d'expérience que cumule le groupe. Pour nous, une ferme viable est une ferme qui est capable de couvrir ses dépenses de fonctionnement, y compris le loyer, la dépréciation, les heures de travail non payé et tous les frais de subsistance. Voilà notre définition d'une ferme viable. Ce n'est pas qu'une question de liquidité; il faut tenir compte des charges à payer. Nous examinons les mêmes tendances qui sont sous la loupe des banquiers commerciaux. C'est ainsi que nous déterminons si une ferme a du succès.
    Nous croyons que les futurs agriculteurs, jeunes ou moins jeunes, proviendront de trois groupes principaux. Il y aura premièrement ceux dont la ferme sera exploitée à l'échelle commerciale, en prenant habituellement appui sur une entreprise agricole dont les débuts remontent à une, deux ou même trois générations. Ces producteurs vont très probablement produire des cultures génériques commerciales et du bétail à grande échelle.
    Le deuxième groupe est formé de ceux qui exploiteront une ferme « style de vie », qui sera habituellement assez petite. Ces agriculteurs offriront des produits spécialisés ou perceront des marchés à créneaux avec des produits et des services à valeur ajoutée. Les revenus de ces fermes ne pourront généralement pas faire vivre les exploitants; un revenu d'appoint sera alors nécessaire, du moins au début. Ces personnes peuvent ou non devenir des agriculteurs à temps plein selon la détermination de la personne et du succès financier du domaine choisi.
    Dans le troisième groupe, il y a les agriculteurs immigrants. En Alberta, à tout le moins, ce groupe a contribué au renouvellement de l'industrie. Depuis 2002, l'organisme Alberta Agriculture a pour mission d'attirer principalement des Européens dans la province.
    Selon nous, le premier groupe est le groupe le plus important pour assurer la relève du secteur agricole. Ce sont des producteurs à grande échelle qui doivent relever des défis précis. Ils se butent parfois aux mentalités traditionnelles, selon lesquelles un agriculteur doit posséder des terres, du matériel. La nouvelle génération, quant à elle, croit qu'il n'est pas nécessaire d'être propriétaire de tout son matériel. Elle se dit qu'elle peut louer des terres, et assurer une partie de sa production sur commande, ce qui réduit les besoins en capital de façon considérable.
    Un autre aspect primordial pour les agriculteurs, jeunes ou moins jeunes, c'est que l'exploitation agricole est souvent axée sur le travail manuel. En plus de mettre la main à la pâte, il faut avoir un grand sens des affaires, car les actifs commerciaux entrent aussi en ligne de compte. Il faut voir à la planification financière, à la commercialisation et à la planification d'autres entreprises.
    Comme je l'ai indiqué, les personnes du deuxième groupe, les producteurs spécialisés, peuvent devenir ou non des agriculteurs à temps plein.
    Le troisième groupe d'agriculteurs sont généralement des gens d'expérience. Ils ne connaissent pas toujours les coutumes et les façons de faire locales, alors ils vont habituellement avoir besoin de services de planification d'affaires, de façon à ce qu'ils puissent traiter avec les prêteurs locaux, apprendre les pratiques commerciales, etc.
(1535)
     Pour les jeunes agriculteurs, ce qui est surtout difficile, c'est de trouver un moyen de faire assez d'argent pour vivre de l'entreprise agricole (et établir un plan qui leur permettra de le faire) et de mettre en application ce qu'ils savent déjà et miser là-dessus pour faire de l'entreprise une réussite. Nous pensons qu'il est essentiel que les jeunes agriculteurs disposent d'un plan d'affaires qui a été examiné par un tiers. Il est souvent très utile d'avoir les suggestions d'un conseiller indépendant qui saura cerner les forces et les faiblesses de son entreprise.
    Les arrangements en matière de relève familiale peuvent être particulièrement compliqués. Une fois que la terre est « dans la famille », la génération descendante souhaite ardemment qu'elle reste dans la famille. Il est difficile de trouver une façon de générer un nouveau revenu pour qu'une deuxième famille puisse s'installer sur la ferme, et ainsi veiller à ce que l'entreprise génère des revenus suffisants pour tout le monde.
    Nous avons recensés des outils qui sont à la disposition des jeunes agriculteurs. Pour lancer leur entreprise, ils doivent avoir des actifs financiers sous forme d'épargnes ou de capitaux propres dans une exploitation existante. Il faut des ressources financières pour démarrer une entreprise agricole. Nous pensons également qu'il est très important qu'ils puissent avoir accès à l'appui continu de groupes de soutien. Des groupes comme celui d'Executive Link, qui permet aux agriculteurs d'aller chercher du soutien auprès de leurs pairs, constituent des ressources précieuses. Il peut être grandement avantageux pour eux de faire partie d'une association de jeunes agriculteurs.
    Les jeunes agriculteurs qui ne disposent pas d'un plan d'affaires personnalisé sont confrontés à plusieurs difficultés. Vous trouverez à la page 10 de notre mémoire une liste des problèmes recensés. Nous n'avons pas le temps maintenant d'en parler plus en détail.
    Il est important d'avoir un plan d'affaires, mais aussi d'avoir la souplesse et la vision nécessaires pour le revoir, le mettre à jour et le modifier au besoin. Si quelque chose ne fonctionne pas, rien ne sert de s'acharner. Il peut être difficile d'établir un plan de relève, non seulement au point de vue financier, mais aussi au point de vue interpersonnel. J'ai moi-même travaillé à l'élaboration de quelques plans de relève. C'est souvent au niveau des relations interpersonnelles qu'un médiateur doit intervenir. Parfois, cela ne fonctionne pas. Je viens d'ailleurs de clore un dossier qui était voué à l'échec.
    Nous recommandons quelques mesures importantes pour les jeunes agriculteurs et l'avenir de l'agriculture. Nous pensons que le gouvernement doit soutenir des initiatives qui encourageront les jeunes à se consacrer à l'agriculture, comme la Table pancanadienne de la relève agricole et les Future Agriculture Business Builders. Nous croyons également que le gouvernement doit contribuer à la planification de la relève dans le cadre du programme Growing Forward. L'aide gouvernementale permet d'offrir des activités d'apprentissage supplémentaires qui aident les jeunes agriculteurs à acquérir les compétences en affaires dont ils ont besoin. Le Service canadien de développement des compétences était un excellent programme qui permettait aux jeunes agriculteurs d'aller chercher la formation requise.
    Voilà ce qui met fin à notre présentation. Merci beaucoup.
    Nous accueillons maintenant Cherilyn et David Nagel.
    Allez-vous partager les dix minutes qui vous sont allouées? Oui. Merci. Nous vous écoutons.
    Je vous remercie de nous avoir invités à venir témoigner aujourd'hui.
    Mon époux, David, et moi sommes tous les deux des agriculteurs de cinquième génération de Mossbank, en Saskatchewan. Nous avons tous les deux quitté notre ferme afin de poursuivre des études supérieures et d'acquérir une expérience de vie, mais comme nous nous sommes vite rendu compte que le gazon n'était pas plus vert ailleurs, nous sommes revenus à la ferme. Et bien sûr, avec toute la pluie que nous avons reçue, le gazon n'est pas seulement plus vert, il a aussi un pied de haut.
    Selon nous, l'agriculture est l'industrie par excellence. Elle a déjà presque tout ce que les jeunes recherchent aujourd'hui, et avec le bon message, je crois que tous les éléments sont là. L'agriculture est axée sur la haute technologie: du matériel GPS que nous utilisons dans nos tracteurs à l'incroyable génétique de la production de semences, en passant par les nouvelles méthodes perfectionnées d'entreposage et de manutention des grains. Les exploitations agricoles fonctionnent maintenant grâce à un ordinateur et non à une fourche, et les avancées technologiques dont nous sommes témoins en agriculture sont plus que prometteuses pour l'avenir, surtout pour la prochaine génération de jeunes étudiants férus de technologie.
    L'agriculture attire l'entrepreneurship. Malgré le fardeau réglementaire, dont nous parlerons tout à l'heure, les agriculteurs peuvent être leur propre patron et gérer leur exploitation agricole comme bon leur semble. Qu'elles soient grandes ou petites, les entreprises agricoles offrent aux jeunes la liberté de cibler leur marché, d'exporter en vrac, d'ajouter de la valeur ou de se spécialiser.
    L'agriculture est écologique. De nos jours, beaucoup de jeunes se préoccupent de l'empreinte écologique qu'ils laissent sur la planète. Depuis toujours, les agriculteurs sont de bons gardiens de la terre. On ne peut pas être un agriculteur de cinquième génération si ce n'est pas le cas. Et la bonne nouvelle, c'est que nous améliorons nos pratiques, notamment en adoptant la culture sans labour. Et nous améliorons nos méthodes de conservation des sols et des eaux. La génétique moderne nous a permis de réduire notre utilisation de pesticides et notre consommation de carburant. De nouvelles technologies prometteuses nous permettront bientôt de limiter notre utilisation d'engrais et de mieux exploiter les réserves d'eau. De plus, comme le montre la marée noire qui s'étend dans le golfe actuellement, la production de carburant à partir de cultures peut constituer une alternative écologique.
    L'agriculture peut être rentable. Les jeunes veulent et doivent faire de l'argent. Ils ne veulent pas se lancer dans une carrière où il est impossible de réaliser des profits et où l'on est tributaire de subventions. L'agriculture rentable est une chose dont nous sommes fiers, et nous avons l'intention de trouver des façons nouvelles et uniques d'améliorer notre rentabilité en fonction de nos objectifs et de nos aspirations.
    Le monde a besoin de produits alimentaires. La croissance de la population mondiale et l'accroissement des revenus en Asie et dans d'autres parties du monde feront augmenter davantage la demande en céréales et en viande. Les perspectives à long terme de notre industrie sont bonnes, en particulier lorsque l'on tient compte des possibilités limitées d'exploitation de nouvelles terres arables. Cela signifie que l'on demandera à ceux qui possèdent des terres actuellement d'augmenter leur production par acre.
    Les jeunes veulent contribuer à la solution au problème alimentaire, et l'agriculture est un choix logique. C'est pour cela, entre autres, que nous sommes plutôt optimistes quant aux perspectives pour les produits que nous cultivons, malgré le prix décevant des céréales actuellement.
    Et voilà. Vous vous demandez comment le gouvernement peut attirer les jeunes dans cette incroyable industrie, et nous disons que nous avons déjà tous les ingrédients nécessaires. En tant que jeune couple d'agriculteurs, nous vous suggérons d'en faire moins, au lieu d'essayer d'en faire davantage.
    Moins d'ingérence sur le marché — laissez le marché agir. Il est la seule façon dont nous pouvons obtenir les signaux dont nous avons besoin pour prendre les meilleures décisions.
    Moins de positionnements politiques — il nous faut des décisions stratégiques fondées sur des données scientifiques et non des positionnements politiques.
    Moins de temps pour commercialiser les nouveaux produits — les producteurs canadiens sont toujours parmi les premiers à adopter la nouvelle technologie, et malgré la distance qui nous sépare de bien des marchés, nous sommes capables de soutenir la concurrence en utilisant notre innovation.
    Moins d'ingérence gouvernementale — je m'en voudrais de ne pas souligner le monopole de la Commission canadienne du blé. Comme David vous l'expliquera, notre entreprise agricole fait partie d'une chaîne de valeur intégrée qui produit, fournit, traite et exporte nos produits. Le monopole nuit à notre entreprise, et nous demandons que le gouvernement nous traite de la même façon que tous les autres propriétaires d'entreprise au Canada, en nous laissant libres de vendre nos produits aux acheteurs de notre choix, aux prix que nous négocions, sans que nous ayons à subir le fardeau administratif qu'entraîne le système monopolistique actuel.
    Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, l'enthousiasme des jeunes et leur volonté de revenir travailler à la ferme familiale sont souvent déjà là, mais les obstacles à l'accès et les questions de réglementation font en sorte qu'il est souvent difficile pour eux d'effectuer une transition sans heurts.
    Je vais céder la parole à David, qui va vous parler de quelques questions qui nous touchent personnellement.
(1540)
    L'un de ces obstacles qui nous touchent personnellement est la planification de la relève. Une exploitation agricole nécessite beaucoup d'investissement en capital, certainement plus que ce que la plupart des jeunes peuvent se permettre. La situation est encore plus décourageante depuis trois ans, car la rentabilité est élevée en céréaliculture, ce qui augmente beaucoup la valeur nette de l'entreprise de nos parents. Bien sûr, c'est une bonne chose pour eux, mais pour nous, cela a rendu plus difficile le transfert de propriétés.
    Comme le prix des produits de base est descendu en-dessous des niveaux habituels, les marges de profit ont encore une fois chuté. Il nous faut maintenant investir davantage de capitaux pour compenser les marges réduites de profit. Les incitatifs fiscaux et les exemptions sur les gains en capital ont un impact direct et offrent une aide immédiate aux jeunes producteurs et à leurs prédécesseurs.
    Nous avons participé au PCSRA. Malheureusement, nous avons sans cesse été confrontés au même problème: les calculs ne tenaient pas compte de l'expansion. Depuis que nous avons commencé à pratiquer l'agriculture, nous avons augmenté chaque année le nombre d'acres dont nous disposions pour cultiver. Les programmes agricoles ont pris une moyenne sur cinq ans et n'ont pas tenu compte de ces expansions.
    Nous avons décidé de participer au programme Agri-investissement en raison de sa souplesse et parce qu'il nous permet de décider du moment où nous avons besoin du fonds pour les temps difficiles, au lieu que ce soit quelqu'un d'autre qui le décide selon les calculs. Nous avons choisi de ne pas participer au programme Agri-stabilité parce qu'il entraîne un fardeau administratif et qu'il ne fonctionne pas pour la structure de notre entreprise.
    Dans le cadre de notre propre stratégie de gestion des risques et de notre plan de relève afin de permettre à mes parents de prendre leur retraite et d'accueillir mon frère à la maison pour nous aider dans l'entreprise, nous mettons à l'essai un nouveau modèle d'agriculture. Actuellement, nous exploitons 12 000 acres au sein d'une chaîne de valeur intégrée appelée Wigmore Farms. La compagnie compte quatre divisions. Il y a la gestion agricole: au total, Wigmore cultive plus de 40 000 acres dans trois régions de la Saskatchewan. Il y a la division de la production agricole: Wigmore possède et gère six établissements de vente au détail et fournit du carburant, de l'engrais et des produits chimiques. Dans sa division de la transformation, Wigmore a des installations de transformation pour les pois chiches, les lentilles et les graines à canaris, et a une capacité de plus de 100 000 tonnes métriques. La division de l'exportation de Wigmore exporte les pois chiches, les lentilles et les graines à canaris dans plus de 25 pays.
    Le fait de nous joindre à une compagnie intégrée nous a ouvert des portes dans bien des secteurs de l'industrie agricole et nous a permis de faire avancer nos produits dans la chaîne de valeur. Nous avons un accès direct aux consommateurs, ce qui est de plus en plus important sur le plan de la salubrité des aliments, ainsi que pour nos acheteurs finaux. Faire affaire avec une compagnie comme Wigmore, dont le coût des intrants représente chaque année des millions de dollars, nous a donné la possibilité de faire progresser notre plan de relève, d'offrir à mes parents un revenu pleinement mérité pour profiter de leur retraite et d'avoir plus de temps pour nous concentrer sur les décisions à prendre afin d'intensifier nos cultures et d'en améliorer la qualité.
    Nous espérons que pour la prochaine génération, dont font partie Claire et Addison, nos enfants de 4 ans et de 18 mois, nous aurons de nouvelles et uniques possibilités au sein de notre propre entreprise, s'ils choisissent de faire carrière en agriculture. Pour nous, revenir à la ferme familiale a pris un tout nouveau sens.
    Nous aimerions également souligner la nécessité de livrer un message adéquat en ce qui concerne l'agriculture, ainsi que l'importance de l'industrie pour la situation économique du Canada. Selon nous, le gouvernement a un rôle à jouer pour véhiculer une image positive des producteurs canadiens. Les médias s'intéressent surtout aux réductions d'impôt et à la gestion de la crise dans notre industrie, et les politiciens se bousculent pour donner l'impression d'être les sauveurs des nobles agriculteurs. Comme Cherilyn l'a mentionné, il faut moins d'ingérence sur le marché. Ne vous laissez pas influencer par la façon dont le milieu urbain perçoit vos positions de principe. Le gouvernement doit laisser les agriculteurs gérer leurs entreprises comme ils l'entendent.
    Pour attirer les jeunes dans cette industrie, nous avons besoin de politiques qui respectent l'entrepreneur, des politiques qui présentent une image positive...
(1545)
    David, je suis désolé de devoir vous interrompre. Il y aura un vote d'urgence dans 25 minutes. Si tout le monde est d'accord, je crois que nous aurons le temps d'écouter David jusqu'au bout, puis Matt Sawyer, après quoi nous nous rendrons là-bas.
    Tout le monde est-il d'accord?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Merci.
    Je suis désolé, mais ce sont des choses qui arrivent ici.
    Ce n'est rien.
    Afin d'attirer les jeunes dans l'industrie, il nous faut des politiques qui respectent l'entrepreneur, véhiculent une image positive de l'agriculture, favorisent l'investissement et reconnaissent le remarquable leadership de nos agriculteurs sur le plan environnemental aujourd'hui.
    Je vous remercie d'avoir écouté nos suggestions sur la façon d'améliorer l'industrie agricole et de la rendre plus intéressante afin d'inciter les jeunes à y faire carrière.
    Merci beaucoup, David.
    Nous allons maintenant donner la parole à Matt Sawyer, pour 10 minutes.
    Bonjour. Je m'appelle Matt Sawyer et je suis un agriculteur de quatrième génération d'Acmé, en Alberta, une ville située à environ 80 kilomètres au nord-est de Calgary. Notre exploitation agricole a été établie en 1903 par mon arrière-grand-père et dans chaque génération, fort heureusement, quelqu'un a voulu s'en occuper.
    Grâce à notre expansion, nous avons maintenant 4 400 acres de terres sur lesquelles nous cultivons des céréales et des oléagineux, et où nous faisons l'élevage de bovins. Nous avons une soixantaine de bêtes de type Black Angus. Je sais que le vêlage avec 60 bêtes n'est pas vraiment rentable aujourd'hui, mais ma mère aime bien s'occuper de quelques vaches, alors nous les gardons sur les terres peu productives.
    Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous présenter mes réflexions sur les jeunes agriculteurs et sur l'avenir de l'industrie. Selon moi, l'avenir de l'agriculture est très prometteur, à condition que nous encouragions la science, l'innovation et le commerce, et que nous donnions une image positive de l'agriculture. C'est une tâche difficile. Afin d'encourager les jeunes à s'engager dans tous les secteurs de l'agriculture et à choisir l'agriculture comme métier, je crois qu'il faudrait faire la promotion de la valeur et du potentiel formidable de notre industrie. Les dirigeants de notre pays, qu'il s'agisse de ceux du milieu agricole ou des élus comme vous, doivent être positifs et montrer que nous accordons de l'importance à l'agriculture canadienne et que nous voulons être les chefs de file sur le plan mondial dans notre industrie.
    Pour atteindre cet objectif, il nous faut d'abord une campagne de sensibilisation du public pour faire la promotion des produits agricoles canadiens et encourager la population à acheter de la viande, de la volaille, des céréales, des oléagineux, des légumineuses et des légumes canadiens. Il nous faut de la publicité positive qui explique l'importance du secteur agricole pour l'économie canadienne. Il y a davantage d'articles négatifs dans les médias à propos de l'agriculture que d'articles positifs. Parfois, ce sont les groupes d'agriculteurs eux-mêmes qui insistent sur les éléments négatifs dans l'espoir d'obtenir des fonds du gouvernement. Je crois que ce n'est pas une bonne méthode; cela doit être changé. Les producteurs d'aujourd'hui sont de bons gardiens de la terre et ils ne nuisent pas à l'environnement, comme les médias le laissent souvent entendre.
    La rentabilité du secteur agricole d'aujourd'hui est liée à la viabilité de l'environnement. Notre utilisation de technologies de pointe comme le GPS, la direction assistée, la culture sans labour et la culture minimale, ainsi que la biotechnologie, nous a permis de réduire l'usage des pesticides, du carburant et des engrais. Nous avons diminué de moitié les besoins annuels de notre entreprise en engrais chimiques en utilisant un produit de compost biologique fait à partir de fumier de bovins de compost et de gypse recyclé provenant de nouvelles constructions domiciliaires.
    Grâce à ces meilleures pratiques de gestion, nous réduisons notre empreinte carbonique globale. Notre engagement à l'égard de l'environnement montre que la rentabilité du secteur agricole, la viabilité de l'environnement et la sensibilisation peuvent aller de pair.
    Il y a deux éléments qui ne me semblent pas compatibles, et ce sont l'agriculture et les subventions. On ne réussira jamais à attirer de jeunes gens d'affaires dans une industrie qui a besoin de subventions pour survivre. Tout ce dont nous avons besoin, c'est d'un programme d'assurance-récolte transparent et réceptif, ainsi que d'un programme d'épargne appuyé par le gouvernement. Je n'ai pas le temps de manipuler le système; je préfère me concentrer sur les meilleures pratiques de gestion pour être rentable tout en gérant les risques.
    En Alberta, dans le Sud de la Colombie-Britannique ainsi qu'en Ontario et au Québec, on doit établir un cadre réglementaire d'utilisation des terres, en se penchant plus particulièrement sur l'étalement des villes. Les terres agricoles de qualité supérieure doivent être préservées pour les générations futures d'agriculteurs. Afin que nous soyons concurrentiels à l'échelle mondiale, les agriculteurs ont besoin que l'on mette en place des accords commerciaux efficaces. Puisque le Canada jouit d'un bon climat, de bonnes terres et, la plupart du temps, de bons rendements, nous sommes capables de produire beaucoup plus que ce que nous consommons. Nos accords commerciaux doivent inclure une résolution rapide des conflits. Notre secrétariat à l'accès aux marchés est une initiative positive, mais il doit avoir les ressources nécessaires pour intervenir rapidement en cas de pratiques commerciales inéquitables. Le marketing direct est un élément clé pour les jeunes agriculteurs.
    Il nous faut un marché ouvert pour les céréales, libéré des entraves de la Commission canadienne du blé. Un marché ouvert encouragerait l'implantation d'usines de malt, de concassage et de pâtes au Canada. Une industrie à valeur ajoutée concurrentielle est importante pour les agriculteurs; or, les investissements dans l'industrie brassicole au cours des 15 dernières années ont été quasi inexistants, alors que la demande mondiale de malt est montée en flèche.
    Les jeunes agriculteurs doivent également avoir accès aux marchés locaux. Il nous faut nous rapprocher davantage de nos consommateurs. Par exemple, si nous expliquons aux consommateurs d'où viennent leurs aliments et comment nous les produisons, cela permettra de dissiper leurs craintes inutiles et leurs préoccupations en ce qui concerne notre utilisation de nouvelles technologies sécuritaires.
(1550)
    La croissance de l'industrie des biocarburants au Canada a été positive. Nous voulons que les activités de transformation à valeur ajoutée se développent dans toutes les régions rurales du pays. Non seulement cela permettra d'augmenter le nombre de points de vente pour les agriculteurs, mais cela donnera aussi aux cultivateurs et à leur conjoint davantage d'occasions de trouver un emploi à l'extérieur de l'exploitation. Dans mon cas, ma femme Tara travaille comme associée dans notre exploitation agricole, mais elle gère aussi une entreprise de restauration haut de gamme. Les entrepreneurs réussiront tant qu'ils auront accès aux marchés, bénéficieront d'une formation adaptée et pourront compter sur un environnement réglementaire transparent.
    Pour aider les jeunes agriculteurs à réussir, le Canada doit devenir un chef de file mondial en matière d'innovation et de recherche. Nous devons attirer de jeunes scientifiques, tant des secteurs privé que public. Il convient aussi d'instaurer un climat d'investissement favorable dans lequel l'innovation sera récompensée et non pénalisée par des barrières réglementaires injustifiées. Il faut que des équipes de chercheurs développent des technologies d'avant-garde. Nous ne voulons pas perdre nos chercheurs au profit d'autres pays. Cela signifie qu'il nous faut maintenir notre système de réglementation axé sur la science. Notre empressement, comme agriculteurs canadiens, à être des pionniers dans l'adoption de certains produits nous a permis de conserver notre avantage concurrentiel sur la scène mondiale. La législation doit permettre à l'innovation de progresser et aux investissements de croître, pas de péricliter. Nous devons nous raccrocher à des données scientifiques fiables.
    Enfin, je pense qu'il faut aimer ce que l'on fait pour réussir. L'autre jour, alors que je démontais une vieille clôture et que j'essayais, à grand-peine, d'enrouler un vieux fil barbelé dans un champ, je me suis mis à penser à toutes les choses qu'il fallait faire avant que ne commence la saison des semis. Je me suis arrêté et j'ai commencé à écouter ce qui se passait autour de moi. Je n'entendais rien que le silence; pas un bruit, pas de voiture, pas d'avion, aucun tracteur, le silence complet. C'était un moment très paisible, et j'ai compris, ce jour-là, que j'aimais mon travail. Imaginez un instant ce que peut être un silence total et enveloppant. J'ignore combien d'entre vous en ont déjà fait l'expérience. Je ne pouvais pas le croire. Je n'entendais absolument rien, si ce n'est un léger sifflement dans mes oreilles. Tout était serein, et j'adorais cela. C'est vraiment ce jour-là que j'ai compris que j'aimais ce que je faisais.
    Il faut voir l'agriculture comme une entreprise pour réussir, et quand on y parvient, on ne peut rêver meilleur travail. J'ai toujours détesté parler de l'agriculture comme d'un mode de vie, mais ce jour-là, j'ai eu une sorte de révélation.
    Merci; je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
(1555)
    Je vous remercie.
    Avant de poursuivre, nous devons prendre rapidement une décision. D'ici à notre retour, il ne nous restera presque plus de temps pour entendre nos témoins. Je vous propose donc, avec votre permission, Alex, que nous devancions d'une demi-heure la séance de mercredi, c'est-à-dire que nous arrivions ici à 15 heures pile et permettions aux témoins d'aujourd'hui... parce que certains sont venus. Mais pour ce faire, j'ai besoin de votre consentement unanime.
    Alex.
    Quinze heures, ce ne sera peut-être pas faisable; je nous vois davantage commencer 10 minutes plus tard. Voulez-vous que nous commencions la séance une demi-heure plus tôt?
    Si le comité en prend l'engagement, et que tout le monde est d'accord pour être ici à 15 heures pile, je quitterai la période de questions plus tôt pour venir. Mais peut-être devrions en discuter plus tard, Alex. De cette façon, nous pourrons au moins entendre nos témoins.
    Nous allons interrompre la séance pour le vote. Les témoins peuvent-ils rester jusqu'à 17 h 30? Est-ce que cela vous convient à tous? Non?
    Mon avion décolle à 19 h 30.
    Dans ce cas, restez aussi longtemps que vous le pourrez, Art. Je crois que vous auriez quand même suffisamment de temps, mais je comprends que vous ne puissiez pas rester. Nous devons interrompre la séance, alors si vous voulez bien être patients, nous serons de retour dès que possible.

(1630)
    Nous allons reprendre nos travaux.
    Je vois que nous avons le quorum. Je vous demanderais de regagner vos places.
    Je remercie les témoins de leur patience. C'est le genre de vote qui arrive de temps en temps.
    Je laisse maintenant la parole à M. Valeriote, qui dispose de sept minutes.
    Puis-je vous appeler Cherilyn?
    Bien sûr, allez-y.
    D'accord. Je vous remercie.
    Merci à vous tous de comparaître aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous accordez. C'est important. Il est essentiel que nous comprenions mieux la nature et l'état de l'industrie.
    Je dois reconnaître que ce que j'ai entendu aujourd'hui est totalement différent de ce qu'on nous a dit un peu partout au Canada; je ne parle pas de tout le monde, mais d'une bonne majorité de témoins qui ont comparu devant nous.
    Je me demandais, Cherilyn, combien d'acres David et vous exploitez?
    Douze mille.
    Et depuis combien de générations avez-vous dit?
    Nous sommes tous les deux de la cinquième génération.
    Je vous ai entendu parler de la famille de David. Vos parents possédaient-ils cette exploitation avant vous?
    Oui, mes parents étaient...
    Sont-ils toujours propriétaires de l'exploitation?
    En partie.
    Et vous avez dit avoir un frère que vous espérez voir revenir auprès de vous.
    Oui, j'ai un frère plus jeune qui travaille aussi avec nous sur l'exploitation.
(1635)
    Y a-t-il d'autres membres de la famille?
    Oui, une soeur qui n'est pas dans le secteur de l'agriculture.
    Et vous Cherilyn, venez-vous d'une famille d'agriculteurs?
    Oui. Ma famille a également reçu le Century Farm Family Award, et mon frère exploite une ferme avec mes parents, à environ 25 miles au sud de chez nous.
    David, votre famille est propriétaire en tout ou en partie de l'exploitation. Étant donné la taille de celle-ci et le fait que vos parents la possèdent depuis quelque temps déjà, diriez-vous qu'ils ont accumulé suffisamment d'argent pour pouvoir prendre leur retraite, et qu'ils n'ont pas besoin de compter sur vous pour que vous rachetiez la ferme?
    Non. Ils espèrent que nous rachèterons l'exploitation.
    D'accord. Jusqu'à quel point?
    Pour qu'ils puissent prendre une retraite pleine et entière.
    Avez-vous établi des stratégies en ce sens?
    Oui.
    Trouvez-vous que les lois fiscales et les stratégies actuelles sont adéquates pour faciliter la transition?
    Je n'irais pas jusqu'à dire qu'elles sont adéquates. Certes, l'exonération cumulative des gains en capital, qui a été portée à 750 000 $, nous a aidés. Je crois néanmoins qu'on pourrait en faire un peu plus pour nous faciliter la vie.
    Combien de milliers d'acres est-ce que cela représente?
    Douze mille.
    Diriez-vous que la taille de votre exploitation est normale?
    C'est une grande exploitation.
    Elle est grande. Peut-on la considérer comme une exploitation commerciale du genre de celle dont a parlé M. Lange?
    Certainement.
    Pensez-vous que ces exploitations agricoles d'envergure commerciale seront plus nombreuses à l'avenir, ce qui permettrait à notre industrie agricole de se maintenir comme vous le faites vous-même?
    Je pense qu'on verra les deux types d'exploitations. Je ne crois pas que notre modèle soit nécessairement celui que recherchent beaucoup de jeunes agriculteurs. Mais c'est celui qui nous intéresse vraiment. Nous voulons exporter et voir la chaîne de valeur dans son ensemble, parce que nous avons un frère et des parents qui continuent de travailler dans l'agriculture. Et 1 500 acres, qui correspondent, je crois, à la taille moyenne d'une exploitation en Saskatchewan, ne nous permettraient pas de survivre. Nous devrions tous avoir un emploi à côté. C'est donc ce modèle qui nous intéressait plutôt que les marchés à créneaux, les fermes biologiques ou les marchés d'exploitants.
    D'accord.
    Ainsi, ceux qui ne possèdent pas l'exploitation d'envergure commerciale — et je crois que M. Lange y a fait référence — doivent quasiment avoir un emploi à l'extérieur de la ferme aussi, n'est-ce pas?
    Je crois qu'il existe des exploitations viables, qui créent leurs propres marchés à créneaux ou qui s'adressent directement aux consommateurs, ce qui leur permet d'augmenter leurs marges. C'est ainsi que nous imaginions notre avenir.
    Où avez-vous étudié?
    Au Collège Olds.
    Donc, si j'allais étudier au Collège Olds puis décidais de travailler dans l'agriculture et envisageais d'exploiter 12 000 acres, me serait-il possible de le faire sans avoir des millions et des millions de dollars de capital en réserve, qui m'appartiendraient ou que posséderait un membre de ma famille, par exemple?
    Ce serait peu probable que vous y arriviez.
    Une voix: Ne faites jamais ça.
    Vous avez raison. Faites-moi confiance, je n'en ai pas l'intention.
    Voulez-vous être mon concurrent?
    Non, pas du tout. Croyez-moi.
    Mais comprenez-vous ce que je veux dire? Il me serait donc plutôt difficile de...
    Oui, ce serait très difficile.
    Permettez-moi de vous raconter une anecdote; lorsque David est revenu sur l'exploitation familiale, qui comptait environ 2 200 acres, ses parents n'avaient pas nécessairement la même idée que lui, qui voulait agrandir l'exploitation jusqu'à posséder 12 000 acres. C'était notre vision des choses.
    D'autres agriculteurs qui ont comparu devant le comité nous ont dit que lorsqu'on venait d'une famille avec des antécédents comme les vôtres, il y avait des chances que la transition vers la génération suivante soit réussie. Mais pour les jeunes agriculteurs qui veulent se lancer dans ce genre de marché, c'est pratiquement impossible de s'en sortir.
    Partagez-vous cette opinion?
    Je crois que le modèle Wigmore, sur lequel nous travaillons, va nous faciliter la vie, parce qu'il donne la possibilité aux personnes qui n'ont pas une exploitation viable ou qui n'ont pas la capacité de... vous savez, un nombre suffisant d'acres qui leur permettait de vivre confortablement. Grâce à ce modèle, ces gens pourraient travailler dans le secteur et devenir gestionnaires d'une exploitation agricole dans une autre région de la province. Ils pourraient travailler dans les ventes et le marketing ou l'exportation. Que ce soit en conduisant un tracteur ou en vendant des produits chimiques, ils pourraient faire partie d'une exploitation à grande échelle.
    Changeons de sujet, et n'importe qui pourra répondre à cette question. Certains témoins estimaient qu'il y a une concentration du pouvoir dans l'industrie des fertilisants où les concurrents s'unissent pour être de plus gros vendeurs au détail d'engrais ou transformateurs — une grande concentration du pouvoir —, à tel point que les agriculteurs sont passés de décideurs de prix à preneurs de prix.
    Au Canada, la situation est différente de ce qu'elle est aux États-Unis. Dans ce pays, ils ont adopté des lois pour briser les monopoles. Ce n'est pas le cas ici. Je me demandais si vous en souffriez. Croyez-vous, d'après la connaissance que vous avez de l'industrie agricole dans son ensemble, que cette concentration du pouvoir aux mains de certains transformateurs et, disons, fournisseurs d'engrais soit problématique pour l'industrie et vous empêche de réaliser des profits?
(1640)
    Je crois que c'est un marché ouvert.
    Je comprends, mais croyez-vous que cela pose des problèmes pour les agriculteurs, comme beaucoup l'ont dit?
    Nous voudrions voir beaucoup plus de concurrence, car c'est ce qui permettrait de dynamiser ce marché. Ce serait bon aussi pour les producteurs. Une façon d'empêcher qu'il y ait toujours moins de concurrence, c'est d'essayer d'éloigner ces épouvantails selon lesquels les producteurs sont les preneurs de prix et de s'attacher à établir des relations avec les intervenants sur le marché: il faut nouer des relations et s'assurer qu'ils comprennent ce que nous recherchons et ce qu'il nous faut, comme partenaires égaux dans la chaîne de valeur. Ce sera difficile. J'espère qu'il y aura davantage de concurrence, mais nous sommes prêts à parer à toute éventualité.
    Merci, Frank. Il ne vous reste plus de temps.
    Je cède maintenant la parole à M. Bellavance pour sept minutes.

[Français]

    David, quand vous avez pris la relève chez vous, vous étiez peut-être plus ou moins familier avec les programmes de stabilisation du revenu agricole. Maintenant que vous êtes propriétaire avec Cherilyn, j'imagine que vous l'êtes davantage. Vous avez parlé dans votre témoignage de l'ancien Programme canadien de stabilisation du revenu agricole, qui est devenu Agri-stabilité. Dans notre tournée à travers le Canada, c'est une chose qui est revenue de façon récurrente, particulièrement chez les jeunes agriculteurs, soit le fait que cela n'avait pas changé grand-chose de passer du PCSRA au programme Agri-stabilité.
    J'aimerais que vous commentiez pour que je comprenne bien ce que vous pensez de ce programme et, s'il y a lieu, quels types d'amélioration vous voudriez y voir. Je m'adresse aux deux. Je parle à vous, David, parce que vous avez parlé des programmes. Est-ce que, par exemple, on devrait y ajouter les coûts de production pour s'assurer qu'on couvre un peu plus largement les pertes qui pourraient survenir de temps à autre? On sait qu'il y a énormément de problèmes dans plusieurs secteurs.

[Traduction]

    Oui, je crois que les pertes devraient être couvertes. Ce serait certainement un moyen de nous aider. Il faudrait prendre en considération ce que j'appelle la « marge brute ». J'aimerais bénéficier d'un programme axé sur le coût de production d'une récolte.
    Nous serions également favorables à l'idée... Le secteur privé offre lui aussi des polices d'assurance. Nous croyons qu'un programme d'assurance-récolte vraiment efficace aiderait beaucoup les jeunes producteurs. Et si on envisageait d'augmenter l'assurance au-delà de ce programme, on pourrait faire appel au secteur privé, qu'il s'agisse de couvrir la marge brute ou de bénéficier d'autres programmes d'assurance. On pourrait obtenir cette assurance supplémentaire essentiellement dans le secteur privé au lieu d'ajouter un autre programme d'aide venant du gouvernement.
(1645)

[Français]

    Depuis que vous avez votre terre, est-ce que vous avez dû souscrire au programme Agri-stabilité, ou à tout autre programme? Si oui, dites-nous comment ça s'est passé, et — je reviens avec cette même question — quelles améliorations pourrait-on apporter à ces programmes?
    On peut difficilement dire qu'un programme est tout à fait adéquat ou tout à fait inadéquat. Souvent, c'est entre les deux. Notre travail est souvent d'améliorer la situation, et c'est avec des témoignages comme les vôtres qu'on peut y parvenir.

[Traduction]

    Je n'ai pas eu à faire une demande dans le cadre du programme Agri-stabilité. Nous n'y participons pas du tout, mais nous participions au PCSRA. En tant que jeunes agriculteurs dont l'exploitation est en expansion, nous nous sommes heurtés principalement au problème de la moyenne qui est fixée dans le cadre de ce programme. Cette moyenne ne convient pas lorsqu'on est en pleine expansion.
    La formule de calcul de la moyenne sur cinq ans nous désavantage parce que, chaque fois que notre exploitation s'agrandit, elle ne correspond plus à la moyenne. Or, notre exploitation a pris de l'ampleur chaque année que nous participions à ces programmes, ce qui était devenu un véritable cauchemar administratif pour nous.
    Nous avons demandé conseil à nos comptables et nos aides-comptables pour savoir comment nous pouvions tirer avantage d'un tel programme. Nous avons décidé que le programme Agri-investissement serait un bon choix, compte tenu de sa grande souplesse. Nous avons pu l'appliquer à notre exploitation agricole, en particulier avec le nouveau modèle agricole, alors que le programme Agri-stabilité ne fonctionnait pas.
    Matt, vous devriez peut-être ajouter un mot sur votre propre expérience relativement au programme Agri-stabilité.
    Oui. Je suis exactement du même avis concernant ce programme et son prédécesseur, le PCSRA. Ce sont des programmes qui exigeaient beaucoup de travail de notre part. Nous devions franchir un véritable parcours d'obstacles et, en fin de compte, nous n'étions même pas certains d'être assurés. J'aimerais plutôt qu'on nous offre une vraie bonne police d'assurance-récolte.
    Selon moi, le PCSRA et le programme Agri-stabilité ne sont pas suffisamment adaptés aux besoins. C'est leur principal problème. J'ai besoin de liquidités en novembre et en janvier ou au moment où je dois payer mes factures. Mais je dois attendre la fin de l'année pour faire une demande, car on veut pouvoir calculer mes marges avant de me faire un paiement. En ce qui me concerne, lorsque je me retrouve en plein désastre, de tels délais ne répondent pas à mes besoins. Voilà pourquoi je cherche plutôt une assurance-récolte répondant vraiment à tous mes besoins.
    Le CSRN fonctionnait bien, apparemment, tout comme le programme Agri-investissement fonctionne bien, mais pas le programme Agri-stabilité... Je participe encore à ce programme, pour l'instant, mais je n'en attends rien, moi non plus, car mon exploitation est, elle aussi, en pleine expansion.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Nelsen et monsieur Lange, puisque vous êtes des consultants, vous êtes sans aucun doute familiers à la situation de jeunes producteurs qui veulent prendre la relève, ou à celle de nouveaux producteurs agricoles qui viennent vous consulter. Vous êtes en Alberta, et je vois que la province offre a un programme intitulé Beginning Farmer Incentive.
    Pour ce qui est du niveau fédéral, êtes-vous capables de diriger les gens de la relève vers certains programmes? Y a-t-il quelque chose qui existe, actuellement, qui permet à la relève de démarrer facilement sans se retrouver dans une situation catastrophique, et surtout sans s'endetter jusque par-dessus la tête? Quand ces jeunes sont devant vous, quel genre de conseils leur donnez-vous relativement à ce qu'offre le gouvernement fédéral?

[Traduction]

    Les programmes fédéraux que je connais visent plutôt la formation et l'acquisition de compétences. Personnellement, lorsque j'ai lancé ma propre exploitation agricole, j'ai eu recours au service de l'AFSC, qui offrait une réduction d'un point et demi de pourcentage dans le cadre de son programme pour les agriculteurs débutants en Alberta. Je recommande donc aux jeunes agriculteurs d'essayer d'obtenir un tel financement, à un taux d'intérêt réduit d'un point et demi de pourcentage, ce qui leur permet d'atténuer certains problèmes. Je ne connais pas d'autres programmes d'aide pour le capital de démarrage.
(1650)

[Français]

    Je vous pose la question.
    C'est fini? J'avais un but.

[Traduction]

    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Atamanenko, vous avez la parole pour sept minutes.
    Je vous remercie beaucoup de nous avoir attendus pendant que nous votions.
    J'aimerais que vous me précisiez quelque chose. Cherilyn et David, vous avez une terre de 12 000 acres, mais je ne comprends pas le modèle de Wigmore. Y a-t-il d'autres exploitations fonctionnant selon ce modèle, un peu comme une coopérative à grande échelle? Qu'est-ce que c'est? Pourriez-vous me l'expliquer brièvement?
    Je ne dirais pas que c'est une coopérative.
    Plutôt une entreprise.
    Oui, c'est une entreprise qui regroupe plusieurs activités sous une même bannière. Elle possède des terres agricoles à trois endroits en Saskatchewan, y compris les terres que nous cultivons.
    Nous avons quatre divisions. La division de la gestion agricole, c'est-à-dire les trois exploitations agricoles, s'occupe de la production sur 40 000 acres de terres. Nos deux usines font la transformation de nos pois chiches, de nos lentilles et d'une partie de nos graines à canaris. Notre division de l'approvisionnement agricole comprend six magasins de détail qui vendent du carburant, des engrais et des produits chimiques. Enfin, notre division des exportations se charge d'exporter nos pois chiches et nos lentilles dans 25 pays.
    Au cours de notre visite, nous avons pu constater, entre autres, que beaucoup d'agriculteurs ont besoin d'un revenu supplémentaire comme supplément à leur revenu agricole, qui est insuffisant. Vu la taille de votre entreprise, j'imagine que vous n'avez pas besoin d'aller chercher un revenu ailleurs que dans le secteur agricole, n'est-ce pas?
    Nous exploitons aussi une pourvoirie de chasse au canard et à l'oie, car nous sommes des passionnés de la chasse. C'est une bonne activité à l'automne. Mais comme nous produisons des pois chiches et des lentilles, nous n'avons pratiquement plus de temps à l'automne pour nous adonner à cette activité. David et moi travaillons tous les deux sur notre terre. Le frère de David travaille avec nous, et sa fiancée travaille dans notre entreprise également. Le père de David travaille avec nous, et sa mère a un revenu qu'elle gagne hors du secteur agricole.
    Merci.
    Matt, quelle est la taille de votre exploitation et qu'est-ce que vous y produisez?
    Je cultive divers grains sur 4 400 acres de terres, y compris des oléagineuses, du blé, de l'orge, de l'orge de brasserie et du canola. Je possède aussi quelques vaches. Dans notre région, près d'Acme, au nord-est de Calgary, nous figurons parmi les exploitations de grande taille.
    D'accord. Merci.
    Il me semble que vos deux exploitations seraient rentables dans n'importe quel marché, peu importe les circonstances, car vous réussissez très bien. Si je comprends bien, l'ouverture des marchés vous serait tout à fait favorable.
    Je me demande comment vous voyez les négociations sur le commerce international, par exemple, à l'échelle mondiale ou en vue de conclure un accord de libre-échange entre le Canada et l'Europe. Dans les deux cas, ces négociations menacent notre système de gestion de l'offre et nos sociétés d'État de mise en marché, comme la Commission canadienne du blé. Je me demande si nous devrions être prêts à sacrifier ce système et ces sociétés, qui semblent être avantageux pour nos agriculteurs, dans le but de conquérir de nouveaux marchés. Vous savez, nous devons être réalistes. Si nous voulons avoir accès à de nouveaux marchés, nous allons devoir faire des concessions quelque part. Devrions-nous être prêts à abandonner la gestion de l'offre ou la Commission canadienne du blé?
    J'ai des amis qui ont des fermes laitières, et ils semblent très bien réussir. Ils sont contents du système de gestion de l'offre et de la protection qu'ils en retirent. Je ne sais pas s'il faut y toucher. Je ne peux pas me prononcer au nom des producteurs laitiers ou des producteurs de volaille... car je serais fâché inversement qu'ils se prononcent pour moi.
    Pour ce qui est de notre capacité d'exporter nos céréales comme nous le faisons pour notre canola et nos légumineuses à grain, je serais prêt à renoncer à la possibilité de faire appel à la Commission canadienne du blé pour la mise en marché de mon grain.
(1655)
    Ma prochaine question s'adresse à ceux qui voudront y répondre.
    Je me demande si vous avez suivi l'expérience de déréglementation en Australie, où l'on a mis fin au guichet unique de mise en marché. Apparemment, les agriculteurs ne font pas autant d'argent qu'avant, à cause des divers acteurs qui sont impliqués aujourd'hui. Je me demande si le même scénario ne risque pas de se produire ici, parce qu'il n'y a pas d'entre-deux. Ou bien on maintient la Commission canadienne du blé, ou bien on ne la maintient pas. Je pense que la plupart des gens conviennent qu'un guichet ne peut pas être à la fois unique et facultatif. J'aimerais savoir comment vous voyez cette question, en particulier dans l'optique des agriculteurs dont les exploitations sont de taille moindre que les vôtres.
    Nous suivons très attentivement ce qui se passe en Australie. Personnellement, je souhaite que les résultats y soient formidables parce que je voudrais bien que nous puissions suivre cet exemple. Nous avons de bons amis qui sont agriculteurs en Australie, alors nous discutons régulièrement avec eux des considérations politiques ayant une incidence sur cette question et sur eux. Et les agriculteurs que nous connaissons sont très heureux du système tel qu'il est actuellement. On s'affaire à en corriger les défauts. Rien n'est jamais parfait. Ils s'intéressent beaucoup au commerce international et à l'ouverture des marchés et ils essaient vraiment de comprendre quel en sera le fonctionnement.
    Pour répondre à votre première question, sur l'OMC et les négociations relatives au commerce international, je vous dirais que nous suivons ce dossier très attentivement, non seulement parce que nous exportons des pois chiches et des lentilles, mais aussi parce que nous nous intéressons aux barrières commerciales et au système dans son ensemble... Vous avez employé le mot « sacrifier ». Vous nous demandez si nous sommes prêts à sacrifier la gestion de l'offre. Permettez-moi de mettre les choses en perspective. Nous ne devons pas oublier que 90 p. 100 des Canadiens dépendent des marchés d'exportation. Alors, lorsqu'on me demande s'il faut sacrifier ce système pour quelque chose de nouveau, je me demande en retour si nous ne sacrifions pas présentement les intérêts de 90 p. 100 des producteurs, qui dépendent des marchés d'exportation. Ne sommes-nous pas en train de sacrifier les possibilités dont ils pourraient bénéficier pour pouvoir conserver un autre système?
    Je ne veux pas opposer un système à l'autre, car je pense que le système actuel est avantageux pour certains producteurs. Toutefois, je crois au principe de la concurrence. Nous en avons parlé précédemment. Je souhaite ardemment que le gouvernement appuie les producteurs qui s'intéressent aux marchés d'exportation et qui en dépendent. L'accès aux marchés est l'enjeu prioritaire pour nous.
    Je veux simplement vous mentionner qu'au cours des dernières semaines, on nous a répété constamment que les secteurs soumis à la gestion de l'offre étaient parmi les principaux secteurs permettant à des agriculteurs de gagner leur vie. C'est ce que nous avons entendu de la bouche d'autres jeunes agriculteurs. Voilà pourquoi je vous ai posé ma question. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de dissoudre ce système. Quoi qu'il en soit, c'est la question que je vous posais.
    S'il me reste une minute, je voudrais simplement vous poser une question sur la gestion des risques d'entreprise. C'est dommage que je n'aie pas mes notes à ce sujet sous les yeux. Des agriculteurs de l'Ontario m'ont parlé d'une proposition qu'ils voient comme prometteuse. Les producteurs et les deux ordres de gouvernement contribueraient au financement d'un programme de gestion des risques d'entreprise qui serait à la disposition des producteurs lorsqu'ils en auraient besoin.
    Je vous ai entendu dire que vous ne vouliez pas de l'intervention de l'État et que vous préfériez le libre marché. Mais ne devrait-il pas y avoir des mesures pour aider les agriculteurs? Je ne parle pas d'un programme compliqué comme le PCSRA, qui vous permet parfois, si vous êtes chanceux, d'avoir de l'aide financière au bout de deux ans. Mais si un problème survient, que vos coûts vous étranglent et que vous avez besoin d'aide, ne seriez-vous pas heureux de pouvoir obtenir de l'aide dans le cadre d'un programme où vous auriez investi et qui serait comme une assurance? Seriez-vous prêts à envisager ce genre de choses?
    Qui voudrait répondre?
    J'ai l'impression que c'est toujours moi qui parle.
    Une voix: La politique n'est pas mon point fort.
    Mme Cherilyn Nagel: Je pense qu'un programme dans ce genre présente certains avantages.
    Ce que je n'aime pas... Nous avons parlé un peu de l'image de l'agriculture actuellement. La plupart du temps, lorsqu'il est question d'agriculture dans les médias, c'est pour dire que les agriculteurs ont besoin qu'on leur fasse la charité et pour parler de la crise de l'ESB ou du lin triffid. Chaque fois, c'est pour parler d'une crise.
    Alors, je crois qu'un tel programme peut être avantageux, pourvu qu'il demeure facultatif. Je ne m'opposerais jamais à ce que des agriculteurs y participent s'ils ne souhaitent pas se doter de leur programme. Dans notre cas, nous avons mis en oeuvre notre propre programme de gestion des risques d'entreprise et nous pensons que c'est grâce à ce programme que nous allons réussir à bien gérer les risques, à l'avenir, que ce soit dans nos activités agricoles comme telles ou dans nos autres activités. Nous sommes en train de nous constituer notre portefeuille. S'il y a des producteurs qui préfèrent opter pour un programme comme celui dont vous parlez, je pense que cela pourrait être avantageux pour eux, pourvu que le programme soit facultatif.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Lemieux, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Permettez-moi de faire quelques observations pour commencer. Premièrement, je vous remercie d'être venus. Je suis désolé que vous ayez été interrompus par un vote.
    Je voudrais simplement faire un commentaire concernant la question de M. Atamanenko au sujet de la gestion de l'offre et de l'ouverture des marchés étrangers, car je ne pense pas qu'il faille choisir entre les deux. Il n'est pas nécessaire de sacrifier la gestion de l'offre pour avoir accès aux marchés étrangers, et vice-versa.
    Selon nous, il est possible de faire les deux. En fait, nous obtenons déjà de très bons résultats sur les deux plans. La gestion de l'offre se porte bien au Canada, ce qui ne nous a pas empêchés d'obtenir l'accès à un nombre incroyable de marchés étrangers. Alors, nous n'avons pas besoin de choisir entre les deux.
    Vous dites que vous ne voulez pas opposer les deux. Je suis tout à fait d'accord et je pense que c'est un peu étroit, comme pensée, de la part du NPD, de nous faire croire que c'est une affaire classée et qu'il faut choisir entre A et B. Nous sommes des Canadiens et nous faisons les deux. Nous sommes connus pour notre position. Nous voulons avoir accès aux marchés étrangers tout en maintenant un système de gestion de l'offre et nous y sommes parvenus. Beaucoup d'éleveurs de bétail et de porc sont venus témoigner devant nous et ont admis clairement que c'était possible. Ils ont félicité le gouvernement pour son bon travail visant à leur donner accès à des marchés étrangers. Parallèlement, les Producteurs laitiers du Canada et les Producteurs de poulet du Canada sont venus nous remercier d'avoir défendu activement la gestion de l'offre. Alors, les deux fonctionnent, et je ne pense tout simplement pas qu'il faille opposer l'un à l'autre.
    Donc, je suis d'accord avec vous et je voulais le dire pour faire contrepoids à la dernière question qui vous a été posée.
(1700)
    Je suis heureuse de vous l'entendre dire. L'ALENA a certainement beaucoup apporté à l'économie canadienne. Je crois que les négociations avec l'Europe vont nous apporter autant, sinon plus.
    Effectivement.
    Je cède la parole à M. Storseth. Merci.
    Merci à tous d'être venus aujourd'hui et merci pour vos excellents témoignages. Nous sommes désolés qu'ils aient été interrompus.
    Je crois qu'il existe déjà un programme correspondant à ce dont vous parlez. Il s'agit du nouveau programme Agri-relance, qui est un programme de reprise des activités après un sinistre comme il peut s'en produire dans les Prairies. C'est arrivé l'année dernière au Manitoba et en Alberta.
    Monsieur Nielsen, dans quel comté se trouve votre exploitation agricole?
    Dans Beaver County.
    Et monsieur Sawyer, dans quel comté êtes-vous?
    Dans Kneehill County.
    Je ne sais si vous le savez, tous les deux, mais le gouvernement du Canada et le gouvernement de l'Alberta viennent d'annoncer aujourd'hui les sommes débloquées dans le cadre du programme Agri-relance, et vos comtés sont compris dans la zone couverte. Cet argent servira à indemniser les agriculteurs ayant subi des pertes à cause de la sécheresse des deux dernières années en Alberta. Bien qu'il eût fallu débloquer les sommes un peu plus vite, selon moi, il est important de tirer profit du programme qui existe pour faire face aux sinistres. Mises à part de telles circonstances, le gouvernement doit en général tâcher de vous nuire le moins possible, parce que, trop souvent, la réglementation et les lourdeurs bureaucratiques sont plutôt nuisibles pour les agriculteurs. Loin de les aider, elles les empêchent de faire du profit et de gagner leur vie.
    Je voudrais dire que notre comité a eu l'occasion d'entendre les témoignages de jeunes agriculteurs remarquables. Nous avons parcouru le pays, et de jeunes agriculteurs sont venus nous parler. Tout n'est pas noir dans le monde de l'agriculture, contrairement à ce qu'affirment les gens d'en face. Il y a beaucoup d'optimisme dans l'air. Beaucoup de personnes s'adaptent. Beaucoup ont des exploitations en pleine expansion et se plaignent à juste titre de certains problèmes, comme vous le faites.
    Mais je voudrais vous entendre sur une question parce que vous travaillez tous chaque jour dans vos champs. Vous réparez vos clôtures et faites vos semences. C'est votre vie. Quelle est votre opinion au sujet de la Commission canadienne du blé? Est-elle utile dans l'Ouest canadien? Nous est-elle plutôt nuisible? Que voudriez-vous que le gouvernement fasse au sujet de la Commission canadienne du blé?
    Je voudrais entendre M. Sawyer en premier, puis les autres.
    Pour commencer, nous voulons avoir le choix de travailler ou non avec la commission. Ce que je préconiserais d'emblée, c'est la capacité de décider avec quelle entreprise nous établissons un partenariat. Qu'on nous laisse le choix total là-dessus. Je n'insinue pas que la Commission canadienne du blé doit disparaître au grand complet; tout ce qu'il nous faut, c'est la possibilité de faire un choix. C'est, en gros, ce que je pense.
    Cela semble raisonnable.
    Moi aussi, c'est ce que je préconise: avoir le choix de commercialiser mes grains comme je l'entends et quand je l'entends pour répondre à mes besoins en liquidités.
    Malgré le respect que je vous dois, je ne suis pas tout à fait d'accord; nous ne pouvons pas avoir le meilleur des deux mondes. Selon moi, il y a lieu d'instaurer un système pour ceux qui veulent recourir à la Commission canadienne du blé, mais il faut éviter de l'axer sur un monopole ou un guichet unique. Beaucoup de coopératives illustrent bien comment un tel système pourrait fonctionner. Nous travaillons vraiment fort pour trouver un système qui va fonctionner pour ceux qui veulent le garder.
    La Commission canadienne du blé n'est pas une institution avec laquelle je veux faire affaires ou avec laquelle je choisirais de faire affaires, si j’avais l'option. Au fond, c'est comme pour n'importe quel autre aspect de notre entreprise. Nous choisissons à qui nous vendons notre canola, nos lentilles et nos pois chiches. Nous établissons d’excellentes relations avec nos partenaires, et soit que nous appuyons leur administration ou leur bureaucratie, soit que nous ne les appuyons; nous pouvons magasiner par nous-mêmes.
    Voilà le problème que nous avons avec la Commission canadienne du blé. Elle ne correspond tout simplement pas à notre entreprise, et nous n'appuyons pas ses pratiques. Nous n’appuyons pas nécessairement sa structure de gouvernance.
    J'aimerais qu'elle cesse d'être une organisation du gouvernement. Elle est régie par un ministre, en vertu d'une loi. Elle n’est ni dirigée ni exploitée par des agriculteurs; elle est trop proche du gouvernement. Il y a sûrement moyen de la séparer et de voir à ce qu'elle profite aux producteurs qui veulent réellement l’utiliser. Qui sait? Je pourrais ravaler mes mots et décider de vendre mes grains à la commission le jour où ce sera un système facultatif.
    Je ne commercialise pas de grain.
    D'accord.
    L’autre chose que j’entends souvent sur la Commission canadienne du blé.... Tout d’abord, je tiens à dire que notre étude porte sur l’avenir de l’agriculture. La plupart des jeunes agriculteurs à qui je parle dans ma région, des agriculteurs comme les Bowers et les Duchesnes, ne veulent pas travailler avec la Commission canadienne du blé parce qu’ils ont l’option de commercialiser leurs produits eux-mêmes. Après tout, ils sont jeunes et, comme vous, ils envisagent d'étendre leurs activités commerciales. Comme M. Sawyer l'a dit, leurs exploitations ont à peu près la même taille. Mais ils ont une présence sur Internet; ils sont là pour assurer leur expansion et pour trouver des occasions d’exportation. Je dois dire que la plupart des jeunes agriculteurs de ma circonscription sont d’accord avec vous.
    Estimez-vous que la Commission canadienne du blé a entravé la croissance secondaire, comme M. Sawyer l’a dit? En Alberta, nous avons fait preuve de leadership en matière d'occasions d’investissement au cours de la dernière décennie, mais pour ce qui est de la Commission canadienne du blé, nous n’avons observé aucune croissance, qu'il s'agisse des usines de production de pâtes ou de toute autre exploitation de ce genre. Est-ce la même situation en Saskatchewan?
(1705)
    Oui, je crois que la raison pour laquelle nous n’avons pas beaucoup d'usines de transformation à valeur ajoutée dans les Prairies, c'est en partie à cause du monopole. Je crois également que le monopole a entravé la recherche liée aux nouvelles variétés de blé. Parmi les denrées que nous cultivons, c'est la seule qui n'a pas beaucoup de variétés, faute d’innovation. Selon moi, c'est lié au monopole. Il s'agit d'un domaine à guichet unique, qui n'obtient pas de fonds privés.
    Pour ce qui est des retombées, je crois également que la commission nous empêche de nous occuper du transport, ce qui pose certains problèmes. Son mandat est de commercialiser, et pourtant elle intervient aussi dans divers aspects de notre entreprise.
    Alors, je ne suis pas satisfaite de la façon dont la commission s'occupe de la mise en marché, ni de son intervention dans les autres aspects du commerce.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Votre temps est écoulé, monsieur Storseth.
    Je ne faisais que commencer, monsieur le président.
    Vous avez même dépassé votre temps de parole, croyez-le ou non.
    Monsieur Easter, vous avez cinq minutes.
    C'est devenu une habitude dont il ne peut se passer, monsieur le président.
    On vient de poser beaucoup de questions suggestives sur la Commission canadienne du blé.
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. Wayne Easter: Mais c'est correct. Nous avons déjà entendu la position de la Western Canadian Wheat Growers Association.
    M. et Mme Nagel ainsi que M. Sawyer ont dit que personne ne veut mener une carrière tributaire des subventions.
    Pouvez-vous, l’un ou l’autre d’entre vous, me donner quelques exemples pour expliquer comment vous percevez actuellement les subventions et pourquoi nous devrions nous en débarrasser?
    Eh bien, d’entrée de jeu, je n'ai jamais eu recours à Agri-stabilité. Quant au PCSRA, j'ai trouvé que c'était juste un gros... J'ai essayé d'utiliser le système et de travailler à l'intérieur de ses paramètres, mais ce n’était tout simplement pas fait pour moi. Je suppose que c’est tant mieux ainsi, parce que sinon, c’est signe que les choses vont mal. C’est peut-être là le point à retenir. Ce programme m’a paru très difficile à utiliser parce qu’il imposait beaucoup de tracasseries administratives inutiles et beaucoup d’obstacles à franchir, si bien que j’ai décidé de ne pas y recourir.
    Voilà donc le principal désavantage, à mon avis, en ce qui concerne les subventions.
    Cherilyn ou David?
    Les gens ont l’impression que les producteurs reçoivent leur chèque de paie du gouvernement dans leur boîte aux lettres, et c’est vraiment ce que nous essayons d’éviter. Nous voulons être en mesure de gérer notre exploitation de notre propre chef et la traiter comme n’importe quelle autre entreprise. Je pense que la raison pour laquelle le gouvernement intervient généralement, c’est peut-être pour régler un problème de salubrité des aliments et pour décider s’il y a lieu d’accroître le contrôle.
    Au bout du compte, les questions de salubrité des aliments à la ferme risquent de nécessiter des subventions en vue d’améliorer les méthodes de culture. Pour ma part, je préfère un programme de planification de ferme agroenvironnementale comme celui dont nous jouissons en Saskatchewan.
    Dans ce cas-là, le gouvernement devrait-il faire quelque chose? Je maintiens que cela ne veut pas dire que les agriculteurs canadiens ne sont pas concurrentiels. Au contraire, ils le sont. Le problème, c’est que le Canada ne dispose pas de politiques agricoles concurrentielles par rapport au reste du monde.
    Frank a tout à fait raison: ce que vous nous avez dit aujourd’hui est très différent de la majorité de ce que nous avons entendu ailleurs au pays. Quoi qu’il en soit, supposons que les Américains décident de réviser à la hausse le prix du blé dur dans le cadre de leur programme de prix des marchandises, disons à environ 2 $ de plus que le prix du marché aux États-Unis; de toute évidence, une telle hausse entraînera la croissance de la production de blé dur aux États-Unis, mais pas chez nous. Que ferons-nous alors? Allons-nous tout simplement abandonner la production de cette denrée? Quelles mesures notre pays doit-il prendre quand d’autres gouvernements injectent des fonds dans leur secteur agricole? Et c’est sans compter la divergence entre les provinces, ce qui aggrave la situation.
    Brian parle beaucoup de l’Alberta, mais en réalité, la deuxième province qui touche le plus de subventions dans le secteur agricole, après le Québec, c’est l’Alberta et ce, même dans le secteur du bétail. Le fait que les producteurs en Alberta soient subventionnés accule ceux de ma région à la faillite — je parle du secteur du bétail, et non pas du vôtre.
    Alors que doit faire le gouvernement pour uniformiser les règles du jeu, d’une part, à l’échelle nationale et, d’autre part, à l’échelle internationale? Si d’autres gouvernements vont appuyer leurs agriculteurs, allons-nous nous retirer complètement? Est-ce bien ce que vous nous demandez de faire?
    Je suis d’accord avec Matt. Agri-stabilité — et oublions le PCSRA — a bien fonctionné pour les jeunes agriculteurs. Ces deux programmes soulèvent des difficultés; nous en avons beaucoup entendu parler dans l’ensemble du pays. Mais que faire pour les régler? Voulons-nous un programme de protection du revenu de base pour les agriculteurs? Ou voulons-nous un régime de libre entreprise, sans aucun filet de sécurité? Si c’est le cas, alors qu’on s’attelle à la tâche. Mais que faire relativement à la protection du revenu de base, si on veut emprunter cette voie?
(1710)
    Pour reprendre votre exemple, si le prix du blé dur aux États-Unis augmentait de 2 $ le boisseau, je suppose que le gouvernement serait enclin à trouver des solutions pour faire concurrence aux Américains. Ainsi, il pourrait établir un programme clair et transparent et dire: « Ce n’est pas juste, les gars. Voici deux dollars le boisseau. Faites ce que vous avez à faire. »
    C’est une excellente question. Comment envisager la possibilité de créer un autre programme pour surmonter ces obstacles, tout en essayant de cacher le fait que nous sommes subventionnés? Je ne sais pas exactement comment on s'y prendrait. N'empêche que c’est un excellent point. Si les États-Unis accordaient autant de subventions à leurs agriculteurs, j’ignore comment nous pourrions nous en sortir, mais je crois que la création d'un programme clair et transparent serait un bon début.
    Pour ce qui est d'uniformiser les règles du jeu au pays, je suppose qu'il faut évaluer la capacité de tout le monde d’ouvrir ses marchés et de vendre d'égal à égal. Si les producteurs de l’Ontario peuvent vendre leurs grains à qui ils veulent et quand ils veulent, ce serait un bon point de départ pour nous aussi, dans l’Ouest.
    Cherilyn, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Nous entendons souvent dire que les agriculteurs en Europe bénéficient de subventions massives. Lors de notre visite là-bas, nous avons rencontré d’autres producteurs pour comprendre en quoi consistent ces subventions et comment elles sont gérées. Nous nous sommes rendu compte que les agriculteurs ne recevaient pas autant de subventions que nous avions cru au départ; en fait, ils voulaient, eux aussi, se débarrasser de ces types de subventions puisqu’elles allaient dans les poches des propriétaires de terrains, des concessionnaires d’équipement, etc.
    Je ne veux pas que le Canada adopte une position schizophrène, c’est-à-dire affirmer vouloir uniformiser les règles du jeu pour tout le monde, tout en s'employant à aider nos producteurs. Un tel écart est nécessaire. Nous avons beaucoup de chemin à faire avant d’en arriver à un marché pur; il nous faut surmonter quelques obstacles. Mais je ne voudrais pas qu'on nous octroie des subventions pour livrer concurrence parce qu'en réalité, nous essayons d'être à égalité avec les autres, sauf que nous le faisons en sens inverse.
    Monsieur Richards, puis Mme Bonsant.
    J’aimerais commencer par mettre les choses au clair. M. Easter a dit que les points de vue exprimés aujourd'hui diffèrent de ce que nous avons entendu un peu partout au pays. Je dirais que c’est probablement ce qui explique aussi pourquoi il écoute son chef au sujet du vote sur le registre des armes à feu au lieu d’écouter ses électeurs: il n'est tout simplement pas à leur écoute.
    Pour ma part, j'ai entendu à maintes reprises, à la grandeur du pays, des commentaires comme ceux que vous venez de nous fournir aujourd’hui. Ces commentaires viennent d'agriculteurs comme vous — de jeunes agriculteurs qui veulent se lancer dans l’industrie, qui souhaitent réussir, qui veulent adopter une attitude positive, travailler fort et innover. À n'en point douter, les agriculteurs que nous accueillons aujourd'hui sont de cette veine, et c’est ce que nous avons observé dans l'ensemble du pays. Nous avons entendu les mêmes messages que ce dont vous nous avez fait part, à savoir l'importance d'avoir un choix en matière de commercialisation et un accès à de nouveaux marchés.
    Même quand nous étions en Ontario, nous avons entendu des témoins nous dire à quel point ils compatissaient aux malheurs des agriculteurs de l’Ouest qui, à cause de la Commission canadienne du blé, n'ont pas le choix dont jouissent les agriculteurs ontariens. De toute évidence, les agriculteurs estiment important le fait d'avoir un tel choix et un tel accès aux marchés. Ils ne veulent pas que le gouvernement intervienne de façon musclée ou qu'il établisse d'autres règlements et d'autres programmes. Ils veulent avoir l’occasion de réussir en travaillant fort sur leurs terres et en ayant des choix pour ce qui est de la commercialisation. Alors, je comprends fort bien les observations que vous avez faites aujourd’hui.
    Monsieur Sawyer, si je ne me trompe pas, vous avez dit — et je vais paraphraser légèrement vos propos —, qu'on n'arrivera jamais à attirer des jeunes dans une industrie qui ne fait que survivre au moyen de subventions. Ce commentaire ressemble à ce que nous avons entendu à maintes reprises. Les agriculteurs ne veulent pas gagner leur argent en touchant un chèque du gouvernement, mais en travaillant sur leurs terres.
    J'aimerais vous donner l’occasion d’expliquer vos observations, et M. et Mme Nagel pourraient eux aussi, s'ils le veulent, nous faire part de leurs commentaires sur ces points qui s'inscrivent essentiellement dans la lignée de ce que plusieurs agriculteurs nous ont répétés durant notre tournée pancanadienne: en ce qui concerne les programmes fédéraux, ils veulent avoir une certaine protection du revenu ou un programme quelconque, de sorte que les bonnes années puissent compenser les années moins bonnes .
    On nous a proposé une autre idée — et je ne sais pas si je l’ai entendue aujourd’hui, mais j’aimerais savoir ce que vous en pensez. Ainsi, on nous a proposé de mettre en place quelque chose pour aider les jeunes agriculteurs à démarrer leur entreprise, peut-être sous forme de prêts sans intérêt ou un type quelconque de prêts à long terme qui les aiderait à avoir un bon départ. Je sais que vous avez eu de la chance, Cheryl et David parce que vous êtes de la cinquième génération, comme vous l'avez dit; vous avez donc pu bénéficier de l'aide de votre famille pour démarrer votre exploitation. Mais je pense aux gens qui essaient de se lancer dans ce secteur sans avoir beaucoup d'antécédents dans leur famille. C’est très difficile de commencer une exploitation de l'ampleur de la vôtre sans une certaine aide.
    Il y a donc des discussions sur ce genre de programmes. Mais à part cela, essayons de trouver une façon pour que le gouvernement s'enlève du chemin et laisser les agriculteurs gagner leur vie grâce à leur travail acharné et à leur sens de l'innovation, tout en leur donnant l’occasion de commercialiser leurs produits en bonne et due forme.
    J'aimerais vous entendre à ce sujet. Qui veut bien commencer?
(1715)
     Merci.
     Vous avez raison de dire que les agriculteurs ne veulent pas de subventions. Pourtant, c’est presque la perception qu’en a le public. Nous l’entendons aux nouvelles ou dans les propos de certains de nos amis citadins: « Voilà encore les agriculteurs qui ont les mains tendues vers vous, les politiciens. Que leur arrive-t-il tout le temps? »
     En ce qui concerne les assurances-récoltes, je fais vraiment confiance au programme, c’est-à-dire à l’AFSC de l’Alberta. J’aime le fait qu’on puisse choisir différents niveaux de couverture. La ferme de mon père est plus stable et, à ce stade de sa vie, il prend davantage de risques. Il choisit un niveau de couverture qui lui garantit un certain montant par acre. Quoiqu’il arrive, il sait qu’il obtiendra cet argent. Moi, en revanche, je choisis un niveau de couverture plus élevé. Grâce à ces options, on peut choisir d’être assuré contre la grêle, de prendre l’avenant grêle, comme ils l’appellent. Cela fait quelques années qu’ils offrent cette assurance, et ils ont aussi ajouté un nouveau programme appelé l’avenant prix printanier, dans le cadre duquel on peut choisir d’accepter un prix, et on peut payer davantage pour sélectionner un prix plancher pour ses céréales.
     En un sens, je sais que le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral contribuent à ces programmes et que c’est une subvention, comme M. Easter l’a laissé entendre. C’en est une mais, pour m’étendre davantage sur le sujet, je dirais que c’est un bon programme. L’assurance-récolte me plaît, et j’ai confiance en elle. Je suis à l’aise avec ce concept, et je peux dormir la nuit sachant que, s’il y a une sécheresse, de la grêle ou quoi que ce soit d’autre, je suis couvert jusqu’à un certain point. Ai-je les moyens de payer cette couverture? Eh bien, il faudra que nous nous serrions la ceinture pendant une année mais, au moins, je sais que j’obtiendrai l’argent en novembre ou en décembre, quand les paiements seront versés. Cette idée me plaît.
     J’ai également choisi l’avenant prix printanier pour le canola. C’est un autre programme que le gouvernement de l’Alberta offrait. Mon analyste de marchés m’a conseillé de m’en prévaloir. J’ai décidé de ne pas le faire pour le blé. Je suis donc un peu vulnérable de ce point de vue là, mais j’ai pris cette couverture pour le canola, et j’ai hâte de voir si cela s’avérera avantageux. Mais, essentiellement, c’est tout ce que j’ai à dire à ce sujet.
     Merci.
    Votre temps de parole est écoulé mais, si vous voulez formuler quelques brèves remarques...
    Non, cela va.
     Les incitations fiscales et les exemptions pour gains en capital sont utiles.
     En vérité, le rôle que le gouvernement est en mesure de jouer indique au grand public, aux citadins, aux Canadiens, que l’agriculture contribue énormément à l’économie canadienne et à notre PIB. C’est le message que nous voulons transmettre. Les Canadiens ne font pas que donner aux agriculteurs. Les agriculteurs leur rendent abondamment leurs bienfaits.
    Merci.
     Monsieur Bellavance, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Avant de revenir à la conversation que j'ai amorcée avec M. Nelsen, je veux commenter un propos de Blake. Il a dit avoir entendu beaucoup de producteurs dire qu'ils voulaient un genre de marché mixte, dans le cas de la Commission canadienne du blé. Or, à mon grand étonnement, dans l'Ouest canadien, donc dans les circonscriptions de trois de mes collègues qui viennent de ces régions, j'ai entendu beaucoup plus d'agriculteurs nous dire qu'ils voulaient préserver le guichet unique de la Commission canadienne du blé. Je sais que quand on aborde ce sujet ici, le feu prend. Ce n'est pas mon but, mais je veux simplement remettre les choses en perspective. J'invite les gens à lire tous les témoignages qu'on a entendus lorsqu'on a visité les provinces du Canada dans le cadre du dossier sur la relève agricole. Ils pourront alors constater qu'un grand nombre de producteurs sont venus défendre la Commission canadienne du blé. Je dis cela parce qu'au Québec, on a le système de gestion de l'offre, qui est extrêmement important pour nous. Nous sommes solidaires du choix des producteurs agricoles. C'est à eux de choisir, en effet. Quoi qu'il en soit, j'en ai entendu plusieurs défendre le guichet unique.
    Monsieur Nelsen, je notais plus tôt que vous étiez consultant. En vous posant ma question, je voulais vous amener quelque part. Quand vous rencontrez des gens pour les conseiller financièrement, y a -t-il un endroit où vous pouvez les diriger, au fédéral, quand il s'agit d'aider la relève agricole? En fait, je connaissais un peu la réponse à ma question. Il n'y a pas vraiment de programme ou de facilitateur qui se consacre exclusivement à la relève agricole. J'ai des suggestions au sujet desquelles j'aimerais entendre vos commentaires. À titre de conseiller financier, ça pourrait vous intéresser.
     On parle de solutions fiscales, par exemple la création d'un régime épargne-transfert. Ce serait un peu comme le régime épargne-études, qui existe déjà. Ça permettrait notamment à un producteur agricole d'accumuler un fonds de retraite à l'abri de l'impôt. Évidemment, le gouvernement fédéral pourrait offrir sa contribution. Pourquoi ce genre de programme serait-il important? Dans bien des cas, quand des gens ont la possibilité de prendre la relève, soit d'acquérir la terre et les installations, ils font face au fait que tout ça vaut une fortune et qu'ils sont incapables d'assumer de tels coûts. Les représentants des banques qui sont venus témoigner ici ont dit avoir prêté des fonds à tout le monde, et ce, à des taux d'intérêt très intéressants. Ce ne sont pas eux qui m'ont fait pleurer quand ils ont dit être bien généreux. Ce n'est pas vrai. Ce ne sont pas les banques qui vont pallier cette lacune. Bref, il est très difficile pour les jeunes de faire une telle acquisition.
    L'autre choix qu'ont les propriétaires consiste à vendre la ferme à perte à leurs enfants, c'est-à-dire beaucoup moins cher que ce qu'elle vaut. Le but est d'aider les enfants à prendre la relève. Donc, soit que les enfants ont de la difficulté à prendre possession de la ferme, soit que les parents prêts à laisser leurs enfants prendre la relève perdent énormément d'argent. Avec un régime d'épargne-transfert, on pourrait peut-être établir un certain équilibre.
    Par ailleurs, j'ai entendu parler de la création d'un régime d'accès à la propriété. C'est disponible actuellement pour les gens qui veulent s'acheter une maison. On pourrait créer un régime de ce genre pour la relève agricole. Ça s'appliquerait alors à l'achat d'une ferme. Un jeune qui voudrait se lancer en agriculture pourrait se servir de ce régime pour acheter la ferme. Évidemment, il serait utile que le fédéral transfère aux provinces une enveloppe spécifiquement destinée à la relève agricole. Ces mesures financières ne seraient peut-être pas si compliquées à mettre en oeuvre. J'aimerais savoir si ça pourrait faciliter votre travail et si ce sont de bonnes idées, à votre avis.
(1720)

[Traduction]

    Ce serait une bonne idée. Cela permettrait au jeune agriculteur qui veut acheter une ferme de constater d’où vient l’argent. Et, placer de l’argent dans un fonds d’accès à la propriété est également une bonne idée.
    Toute mesure qui faciliterait la succession agricole serait utile. Toutefois, ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que l’unité agricole de base doit être viable et rentable. Il ne sert à rien de léguer une entreprise qui ne l’est pas. C’est la première question qu’on doit poser.
     Nous sommes heureux de constater que, dans le cadre du fonds pour le secteur porcin, les producteurs doivent présenter un plan d’affaires viable. Je pense que c’est la première règle à suivre. Mes collègues qui travaillent dans le domaine de la médiation en matière d’endettement agricole me disent que, trop souvent, un agriculteur tente d’intégrer un enfant ou une autre famille dans l’entreprise, alors que la ferme ne génère pas suffisamment de revenus pour subvenir aux besoins d’autres personnes. Avec le temps, l’endettement augmente jusqu’à ce que l’entreprise ne soit plus viable.
(1725)
    Merci. Votre temps est écoulé.
     Monsieur Hoback.
     Merci, monsieur le président.
     Encore une fois, j’aimerais souhaiter la bienvenue à tout le monde. C’est formidable que vous soyez venus. Je suis désolé à propos du vote. Cela a perturbé le déroulement de la séance mais, malheureusement, c’était nécessaire.
     Je veux corriger ce qui a été dit à propos d’une chose. M. Easter a parlé du blé dur et des subventions américaines. Ce que les Américains font dans le cadre de leur programme de paiements est très préoccupant. Mais je suppose qu’on pourrait dire que, si le CCB n’avait pas indiqué aux agriculteurs canadiens que, d’après le marché, ils devraient cultiver davantage de blé dur il y a deux ans et si ses employés avaient fait leur travail il y a trois ans, nous aurions vendu des quantités records de blé dur à des prix records, il y a deux ans. Et, nous ne serions peut-être pas dans la situation où nous sommes aujourd’hui.
     J’aimerais simplement me faire une idée de ce qui est rentable pour vous. Quelles cultures vous permettent de réaliser des profits?
     Je vais peut-être commencer par vous, Matt. Vous cultivez des céréales et du canola. Quelle culture est la plus lucrative?
    Je dirais le canola. C’est effectivement la récolte qui rapporte le plus à l’exploitation agricole.
    Encore une fois, vous êtes situé à Acme, dans le centre de l’Alberta. Vous êtes un peu à l’extérieur de Calgary. Vous ne cultivez pas les pois chiches ou les lentilles dans cette région?
    Non. L’orge fourragère est d’un bon rapport. Nous sommes à proximité des parcs d’engraissement. Nous nous efforçons de produire 100 boisseaux par acre. Alors, si l’humidité est bonne et si les parcs d’engraissements locaux nous payent peut-être 3,20 $, 3,30 $ par boisseau, cela rapporte un peu.
     Au cours des dernières années, le blé était assez rentable. Il ne le sera pas autant cette année. Mais le canola semble tenir le coup. Dans le cadre d’un contrat à prix ferme offert par la Commission canadienne du blé, nous avons obtenu des prix à terme pour une partie de notre canola et aussi une partie de notre blé.
     Vous utilisez donc tous les outils à votre disposition pour maximiser les prix.
    Oui.
    Passons maintenant aux Nagel. Quelle est la récolte la plus rentable de votre entreprise?
    Depuis des années, les lentilles constituent l’activité principale de notre ferme. Cette année… les pois chiches, les lentilles. Nous allons cultiver le canola pour nous procurer des liquidités, mais cette culture ne sera pas très rentable. Nous vendrons à perte nos céréales. Nous les faisons pousser à des fins de rotation.
    Vous cultivez donc les céréales à des fins de rotation. C’est la seule raison pour laquelle vous le faites.
    Oui, afin de cultiver des lentilles.
    Bien entendu, nous n’avons pas le secteur de l’engraissement. En fait, vous l’avez, je suppose, à Swift Current, et vous êtes assez près…
    Assez près. Je présume que nous nous trouvons probablement à environ 90 miles du parc d’engraissement le plus proche. Il se peut que Moose Jaw soit un peu plus rapproché.
    Vous avez tous deux effleuré le sujet de la recherche. Je vais revenir à la question du canola. Matt, sans le canola génétiquement modifié, quel serait le rendement des récoltes de canola?
    Eh bien, il ne serait pas très bon, il fluctuerait peut-être entre 20 et 25… Il y a quelques années, un programme visant à produire 30 boisseaux de canola par acre avait été mis en oeuvre. J’étais encore un jeune homme à cette époque. Si vous parveniez à obtenir un rendement de 30 boisseaux par acre, vous étiez censé faire flotter un drapeau à côté de votre champ. Donc, un de nos voisins est venu nous voir et a déclaré: « Glen, votre drapeau flotte à mi-mât. » Et mon père a répondu: « Oui, je sais. C’est parce que j’ai seulement produit 15 boisseaux. » Donc, à moins d’obtenir 40 boisseaux de canola par acre, nous avons l’impression d’avoir échoué. Grâce à la biotechnologie, c’est là où nous en sommes.
    Donc, on pourrait affirmer sans se tromper que, sans les parcs d’engraissement à proximité et la nouvelle génétique du canola, votre ferme serait probablement déficitaire à l’heure actuelle.
    Oui, nous le serions probablement.
    David, je pense que vous diriez la même chose. Sans les lentilles et les pois chiches — encore une fois, je dirais qu’il s’agit de deux nouvelles cultures qui ont été développées en Saskatchewan, ou exploitées dans cette province —, votre exploitation ne serait probablement plus ouverte non plus.
    Non, elle ne serait pas viable.
    Pourquoi laissons-nous cette situation se perpétuer? Nous semblons ne rien faire, nous contenter de faire pousser d’autres cultures et ignorer le vrai problème, c’est-à-dire le blé. Est-ce entièrement la faute de la Commission canadienne du blé?
    Je dirais qu’en ce qui concerne notre exploitation agricole, c’est un important facteur. Le marché est ce qu’il est.
    Permettez-moi d’envisager le problème sous un autre angle. Vous cultivez du blé dur, n’est-ce pas?
    Oui.
    Si vous aviez pu vendre la totalité de votre blé dur il y a deux ans, quelle incidence cela aurait-il eue sur vos bénéfices?
    Cela nous aurait aidé énormément. Les coûts d’entreposage amenuisent encore plus le prix. On est forcé de conserver sa récolte. Je pense que chaque agriculteur a besoin d’être en mesure de faire des choix, de prendre la décision de vendre sa récolte. Il se peut que la personne qui produit 30 boisseaux doive obtenir un prix plus élevé pour atteindre le seuil de rentabilité, alors que la personne qui en produit 50 pourrait se contenter d’un prix moins élevé et réaliser malgré tout un profit.
(1730)
    Et bien entendu, vous payez pour l’entreposage, que votre récolte soit entreposée dans votre exploitation agricole ou dans un silo. En raison des comptes de mise en commun, vous payez également pour cet entreposage.
    Oui.
    Vous pouvez formuler les dernières observations.
    Grâce aux relations que nous entretenons en vendant nos pois chiches, nos lentilles et nos autres récoltes, des occasions de vendre nos céréales s’offrent à nous. Nos clients à l’étranger en viennent presque à penser qu’il doit y avoir un obstacle linguistique. Ils veulent acheter notre blé dur, et nous leur disons que nous ne pouvons pas le leur vendre. Ils nous offrent davantage, et nous leur disons encore que nous ne pouvons pas le leur vendre. Ils ne saisissent vraiment pas que, fondamentalement, nous ne pouvons pas leur vendre notre blé dur, notre blé tendre et notre orge. Nous avons des contrats, et tout est en place, sauf que cette institution nous fait obstacle.
     Nous devons nous rapprocher du consommateur. C’est probablement un refrain que reprennent les producteurs que vous avez entendus. Si nous avons quoi que ce soit en commun, c’est notre désir de nous rapprocher du consommateur. Nous ne pouvons pas le faire alors tant que cette institution nous barre la route. Puisque vous parlez à des producteurs partout au Canada, pourquoi discutons-nous d’une Commission canadienne du blé qui existe seulement dans l’Ouest canadien? C’est un monopole. Soit cette institution devrait être au service de tous les Canadiens et de tous les producteurs canadiens, soit elle ne devrait pas exister du tout. Un producteur en Ontario peut vendre ces céréales à qui bon lui semble, mais je ne peux pas faire de même parce que, par hasard, je me trouve dans une région désignée. Et pourtant, cela ne devrait faire aucune différence.
    Une voix: C’est tellement vrai.
    Merci.
     Monsieur Easter.
    Nous savons que les Américains surveillent ces réunions, Larry. Matt a en quelque sorte indiqué qu’une assurance-récolte était une subvention. Ce n’en est pas une. C’est un programme fondé sur des primes. Je ne voudrais pas que l’assurance-récolte soit considérée comme une subvention.
     Elle a déjà été contestée auparavant. Elle est fondée sur des primes. Avec le temps, elle est censée devenir viable sur le plan actuariel. Je sais qu’un programme fédéral-provincial l’appuie. Nous sommes tous d’accord là-dessus. Le programme varie un peu d’une province à l’autre, mais nous ne le considérons pas comme une subvention, et il n’est pas envisagé ainsi dans divers accords commerciaux. Je tiens à ce que cette clarification figure au compte rendu.
    Ce que vous dites est très juste.
     J’aimerais remercier encore une fois nos témoins de leur présence. Nous nous excusons pour l’interruption, mais cela échappait à notre contrôle.
     Nous espérons que le rapport sera publié dans les prochaines semaines. Je vous encourage à l’examiner. Il sera affiché quelque part sur un site Web.
     Nous vous remercions de votre participation.
     La séance est levée jusqu’à mercredi.
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