:
Merci, et bonjour à tous.
Merci de nous avoir invités à parler aujourd'hui de l'Accord économique et commercial global Canada-Union européenne, que l'on appelle aussi AECG. Conformément à votre demande, je ferai le survol des négociations, puis je céderai la parole à Gilles Gauthier, négociateur principal en agriculture du Canada, qui abordera plus particulièrement les questions agricoles et agroalimentaires touchées par l'AECG.
La conclusion d'un accord avec l'Union européenne nous conférerait un accès préférentiel au marché le plus vaste du monde. L'Union européenne, qui compte quelque 27 États membres, une population d'environ 500 millions d'habitants et un PIB de plus de 19 milliards de dollars canadiens, constitue déjà notre deuxième partenaire commercial en importance. Nous avons de nombreux liens historiques, économiques et culturels avec l'Union européenne, il s'agit donc d'un partenaire commercial tout désigné pour le Canada.
Nous cherchons depuis très longtemps à conclure un accord de libre-échange avec l'Union européenne. À la suite de l'énorme travail de promotion que les dirigeants politiques et les fonctionnaires canadiens ont accompli, ainsi que des efforts colossaux que le secteur privé a déployés, les négociations en vue de conclure un accord économique et commercial global se sont ouvertes officiellement à Prague lors du Sommet Canada-UE de mai 2009. À cette occasion, les dirigeants ont convenu de viser haut et de mener à bien les négociations d'ici deux ans.
Pour notre pays il s'agit de loin des négociations de libre-échange les plus vastes jamais entreprises depuis l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, qui est entré en vigueur il y a plus de 20 ans, et l'ALENA, qui a suivi.
Dans le cadre des négociations de l'AECG, nous voulons aller plus loin que nous sommes allés avec l'ALENA, tant en ce qui a trait à l'éventail de questions à aborder qu'à notre degré d'ambition. De son côté, l'Union européenne vise aussi à aller plus loin que dans les accords de libre-échange qu'elle a conclus.
À ce jour, le Canada et l'Union européenne ont tenu cinq cycles de négociations, et le sixième aura lieu à la mi-janvier à Bruxelles. Les progrès vont bon train. Bien que nous ayons réglé les questions faciles et que nous nous concentrions désormais sur les principaux points de divergence, nous continuons à faire de bons progrès.
Nous avons atteint des jalons importants au cours des négociations jusqu'à présent. Par exemple: depuis l'automne dernier, nous avons un texte codifié portant sur les 22 secteurs de négociations. De ce nombre, nous avons achevé quatre chapitres et nous devrions en terminer quatre autres lors du prochain cycle, en janvier. Dans les chapitres restants, les problèmes ont été réduits à des divergences fondamentales, et nous y consacrons toute notre attention.
Nous avons échangé des offres initiales en ce qui a trait aux produits, lesquelles prévoient que 90 p. 100 des droits de douane seraient levés dès l'entrée en vigueur de l'accord. Nous avons aussi échangé des offres détaillées dans les secteurs des marchés publics, des services et de l'investissement.
Nous prévoyons échanger de secondes offres pour les 10 p. 100 restants et nos premières offres relatives aux marchés publics, aux services et à l'investissement peu de temps après le cycle de négociations prévu en janvier.
Dans le secteur des produits, les 10 p. 100 pour lesquels nous n'avons pas encore présenté d'offres concernent divers enjeux névralgiques, dont les automobiles, le poisson et certaines questions agricoles. Plus particulièrement, une grande partie des 10 p. 100 de l'Union européenne se compose de produits agricoles.
La façon dont nous abordons l'accès aux marchés dans le cas présent diffère de la démarche employée dans d'autres négociations. Nous négocions globalement l'accès aux marchés, plutôt que de nous centrer expressément sur les droits de douane. Nous voulons parvenir à un véritable accès aux marchés et nous travaillons sur ce qu'il faut vraiment pour pénétrer le marché. Un grand nombre d'obstacles auxquels les exportateurs canadiens se heurtent par rapport au marché de l'Union européenne ne concernent pas les droits de douane.
Voici ce que nous faisons en vue d'obtenir un accès aux marchés véritable:
Nous avons assorti de conditions nos offres tarifaires, par exemple, la négociation de règles d'origine satisfaisantes qui tiennent compte de l'intégration très étroite du marché nord-américain. Nous portons une attention particulière aux obstacles non tarifaires, surtout dans le domaine des normes réglementaires. Pour garantir la libre-circulation des produits entre les deux marchés, il faudra combler les écarts entre les normes de l'Union européenne et les nôtres, que ce soit à l'échelon nord-américain, à l'échelon canadien ou à l'échelon provincial ou territorial. Nous négocions un chapitre sur la coopération réglementaire pour tenter d'anticiper les problèmes. Ce sera la première fois qu'un accord de libre-échange contient un chapitre de la sorte.
Soulignons que les provinces et les territoires collaborent de près avec nous. En effet, quelque 50 ou 60 représentants nous accompagnent au cycle de négociations et assistent aux séances de négociations dans des domaines qui relèvent, en tout ou en partie, de leurs compétences. Jamais auparavant ont-ils participé de si près à une négociation commerciale internationale. Étant donné que l'Union européenne s'intéresse particulièrement aux marchés publics infranationaux dans la présente négociation, les provinces et les territoires visent des objectifs très élevés dans leurs offres concernant les marchés publics et demandent à être payés dans d'autres domaines. Pour nombre d'entre eux, surtout l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba, l'accès aux marchés agricoles constitue une priorité très élevée, sinon absolue.
Il n'y a pas que les provinces et les territoires qui ont énoncé clairement leurs priorités. Notre processus de consultation dans le cadre de l'accord est le plus vaste et le plus ouvert que nous n'ayons jamais adopté lors d'une négociation commerciale. Nous consultons régulièrement le secteur privé et la société civile par divers moyens, que ce soit de grandes réunions de groupes ou des rencontres individuelles. Parmi les participants les plus actifs et les plus énergiques, on trouve des acteurs agricoles, qui ont bien fait comprendre les objectifs à atteindre au cours de cette négociation et les domaines où ils aimeraient que des gains réels se concrétisent.
Bien entendu, l'accès aux marchés des produits de base n'est pas le seul gain enregistré. Nous menons des négociations serrés avec les Européens dans d'autres secteurs, tels que les services, l'investissement et la mobilité de la main-d'oeuvre. Les Européens, pour leur part, exercent des pressions sur notre gouvernement en ce qui concerne les marchés publics et la propriété intellectuelle, y compris les indications géographiques. Bien que le Canada ait conclu avec l'Union européenne un accord dans lequel ils reconnaissent mutuellement certaines indications géographiques de vins et spiritueux, l'Union européenne insiste fortement pour que les indications géographiques d'autres produits agricoles et produits alimentaires soient également reconnues.
L'AECG représente une occasion unique et importante pour le Canada, et nous sommes résolus à conclure un accord ambitieux. Le ministre canadien responsable du commerce international, l'honorable Peter Van Loan, rencontrera son homologue de l'Union européenne, le commissaire européen au commerce Karel De Gucht, pour faire le point sur les négociations. Cette rencontre aura lieu à Ottawa à la mi-décembre. Par la suite la sixième ronde de négociations se tiendra à Bruxelles en janvier, suivie d'une ronde à Ottawa en avril.
Je passe maintenant la parole à Gilles, qui fera un survol des enjeux sectoriels dont il est question dans les négociations relatives à l'AECG.
Gilles.
:
Merci, monsieur le président.
C'est avec plaisir que je me présente aujourd'hui devant votre comité, pour la première fois depuis que j'occupe mon poste de négociateur principal en agriculture.
Pour le secteur agricole, les négociations en vue d'un Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, communément appelé CETA, offre des possibilités exceptionnelles d'améliorer l'accès aux marchés pour nos producteurs.
Comme vous le savez, le Canada est un acteur de premier plan du commerce mondial agricole. Il est le quatrième exportateur et le sixième importateur en importance de produits agroalimentaires au monde. Le maintien de notre croissance et de notre prospérité dépend de notre aptitude à soutenir efficacement la concurrence sur le marché mondial et à pénétrer de nouveaux marchés.
Plus précisément, un vaste segment du secteur agricole canadien dépend de l'accès aux marchés étrangers, plus particulièrement les secteurs de l'élevage, des céréales, des légumineuses et des oléagineux. Aussi, les négociations commerciales, comme celles du CETA revêtent une grande importance, car elles peuvent ouvrir de nouveaux débouchés commerciaux à nos agriculteurs et exportateurs.
L'Union européenne constitue un vaste marché pour les produits agricoles et agroalimentaires. Il s'agit, en fait, du plus grand marché d'importation de produits agroalimentaires au monde. Il compte pour 13 p. 100 de toutes les importations agricoles au monde.
En 2009, les échanges de produits agroalimentaires entre le Canada et l'Union européenne se sont chiffrés à plus de 5,6 milliards de dollars. Au cours des trois dernières années, les achats par l'Union européenne de produits agroalimentaires canadiens ont représenté plus de 19 p. 100 de nos exportations de légumineuses, plus de 18 p. 100 de nos exportations de blé, près de 7 p. 100 de nos exportations de blé tendre et 7 p. 100 de nos exportations de produits oléagineux.
Il ne fait aucun doute que la conclusion d'un accord avec l'Union européenne s'accompagnera d'une énorme possibilité d'approfondir cette relation commerciale déjà significative. L'objectif du Canada dans ces négociations est de parvenir à un résultat ambitieux qui contribuera à promouvoir les intérêts des agriculteurs canadiens et apportera des avantages nets à tout notre secteur agricole.
Cela signifie qu'il faut parvenir à des améliorations d'importance en matière d'accès aux marchés pour nos produits agricoles comme, en particulier, les produits du boeuf, du porc, des céréales et des aliments transformés. De plus, le Canada continuera, bien entendu, à défendre, dans ces négociations commerciales, les intérêts des secteurs sous gestion de l'offre, comme on le fait dans toutes les négociations commerciales.
[Traduction]
Voici quelques exemples d'obstacles commerciaux que nous cherchons à traiter dans le cadre des négociations entre le Canada et l'Union européenne:
Même si un récent accord permettra au Canada d'avoir accès à un nouveau contingent en franchise de droits de douane accordé par l'Union européenne pour le boeuf exempt d'hormones, nos exportations de boeuf seront encore assujetties à des limites quantitatives au-dessus desquelles les droits imposés peuvent atteindre jusqu'à 142 p. 100.
Bien que nous soyons un chef de file mondial de la production du porc et de ses produits, nos exportations de porc sur le marché européen sont minuscules, car elles sont grevées de droits intra-contingents et extra-contingents qui varient entre 32 et 70 p. 100 et, actuellement, seuls deux transformateurs canadiens de porc sont autorisés par certification à expédier du porc sur le marché de l'Union.
Notre blé dur jouit d'une solide réputation chez les consommateurs européens, particulièrement en raison de ses qualités pour la production de pain et de pâtes. Bien que, d'une façon générale, nos exportations soient admises en franchise, elles demeurent quand même assujetties à des restrictions quantitatives.
De nombreux autres produits agroalimentaires canadiens pourraient profiter de la libéralisation des échanges avec l'Union européenne, notamment les petits fruits, les pommes de terre et le sirop d'érable, pour ne nommer que ceux-là.
De plus, ces négociations donnent également la possibilité de s'attaquer aux obstacles non tarifaires, notamment dans le domaine sanitaire et phytosanitaire ainsi qu'à d'autres obstacles techniques au commerce, qui limitent l'accès de nos produits agricoles aux marchés.
Le Canada cherche également à régler des problèmes clés liés à la biotechnologie, notamment à accélérer le processus d'approbation des organismes génétiquement modifiés, ou OGM, par l'Union européenne, et aussi à parvenir à une plus grande prévisibilité des échanges dans le cas de la présence de faible teneur d'organismes génétiquement modifiés dans les exportations agricoles du Canada. C'est particulièrement important pour le secteur des céréales.
Pour terminer, le Canada recherche des engagements fermes concernant les subventions à l'exportation qui ont été de longue date un sujet de préoccupation pour les exportateurs de produits agricoles canadiens. L'Union européenne est de loin le plus grand pourvoyeur de subventions à l'exportation dans le monde.
Nous progressons avec l'étroite collaboration des gouvernements provinciaux, et nous consultons l'ensemble des intervenants de l'industrie agricole et agroalimentaire du Canada afin de défendre leurs intérêts dans le cadre de ces négociations.
Monsieur le président, je serais maintenant heureux de répondre à vos questions sur la dimension agricole de ces négociations.
:
Alors ce qui m'inquiète relativement à la gestion de l'offre... tout cela est fort intéressant, car j'ai présenté des renseignements l'autre jour, transmis par Peter Clark, au sujet des subventions américaines. Les États-Unis investissent massivement pour soutenir leur industrie tandis que nous continuons à jouer les scouts. En fait, en ce qui concerne la gestion de l'offre, ces statistiques laissent croire que les États-Unis subventionnent leurs produits agricoles à hauteur de 32¢ le litre, en dollars canadiens.
Et pourtant nous devons les concurrencer. Les transformateurs canadiens font pression sur nous, affirmant qu'ils pourraient importer, pour moins cher, le fromage pour leurs pizzas. Mais ces produits sont subventionnés à 32¢ le litre aux États-Unis, si on tient compte de tous les facteurs.
Nos secteurs sous gestion de l'offre subissent leurs assauts, alors que les produits américains sont fortement subventionnés.
Ce qui me préoccupe pour l'avenir, c'est la position de principe adoptée par le gouvernement actuel dans une déclaration faite en 2004. Pourriez-vous me dire s'il s'agit vraiment de l'orientation dans laquelle nous nous sommes engagés.
Voici ce qu'a dit le gouvernement:
Un gouvernement conservateur assurera que tout accord influençant la gestion d'approvisionnements assure à nos producteurs l'accès aux marchés étrangers, et qu'il y aura une période de transition suffisante vers l'établissement d'un environnement axé sur le marché.
Voici donc ma question. Dans ces négociations, envisageons-nous de maintenir le système actuel de gestion de l'offre ou discutons-nous d'une période de transition qui nous mènerait vers un environnement axé sur le marché?
:
Très bien. Merci de cette précision.
À la deuxième page de votre déclaration, Steve, vous parlez de barrières non tarifaires.
Je crois que M. Gauthier en a parlé dans la description de la plus récente entente, et il s'agit à mon avis d'une bonne entente — sauf erreur, 20 000 tonnes de boeuf sans hormone ou sans OGM pour l'Europe — mais l'Union européenne nous impose encore l'équivalent de frais de douane de 142 p. 100 sur les autres exportations de boeuf.
Pourriez-vous donner plus de précisions au sujet de ces barrières non tarifaires, parce qu'elles sont souvent mal comprises. La plupart des gens pensent que les frais de douane sont les seules barrières, mais il y a bien d'autres questions, par exemple la présence d'hormones dans la viande de boeuf.
Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet?
:
Merci beaucoup, messieurs, d'être venus vous faire entendre.
J'ai un certain nombre de questions à poser au sujet de l'agriculture, mais aussi des questions générales reliées aux renseignements que j'ai trouvés en étudiant un document intitulé Negotiating from Weakness et publié par le Centre canadien de politiques alternatives. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler.
Il me semble, au vu de cet accord, qu'il est davantage question de donner accès aux Européens à nos marchés publics, à nos services publics et à nos municipalités qu'il n'est question d'échanges commerciaux. Je trouve cela un peu troublant.
J'aimerais vous lire quelques extraits du document en question:
En décembre 2009, l'Union européenne a présenté ses demandes initiales d'accès au marché portant sur les marchés publics du Canada.
À l'échelon fédéral, l'Union européenne a demandé que le Canada ouvre ses marchés comprenant toutes les entités du gouvernement central ainsi que toutes les autres entités publiques centrales y compris les entités subordonnées au gouvernement central...
Par souci d'exactitude, l'Union européenne précise la liste d'un grand nombre d'entités fédérales qui actuellement ne sont pas visées par les ententes sur la passation de marchés internationaux. Prenez deux exemples figurant à cette liste soumise par les Européens, soit la Commission canadienne du blé et l'Agence spatiale canadienne. Contrairement aux politiques sur la passation de marchés de la Commission canadienne du blé, qui par ailleurs détient un monopole établi par réglementation sur le marché du blé et de l'orge dans l'Ouest canadien, l'Union européenne énonce publiquement son objectif de démantèlement de la commission, objectif qui a été réitéré dès le début des négociations. L'Agence spatiale canadienne verse des centaines de millions de dollars annuellement... [Traduction]
En d'autres termes, d'après ce document, ces deux organismes canadiens pourraient être menacés.
Le document indique également ce qui suit:
Tout comme à l'échelon fédéral, ils ont demandé à ce que toutes les entités des gouvernements sous-centraux soient comprises, y compris les entités dont l'activité se situe au niveau local, régional ou municipal... Toutes les entités du secteur des municipalités, des établissements d'enseignement supérieur, des écoles et des hôpitaux (les municipalités elles-mêmes, les organisations municipales, les conseils scolaires, les écoles publiques ainsi que les services de santé et services sociaux)...
J'ai l'impression que ces gouvernements infranationaux vont perdre le contrôle des marchés publics locaux. En d'autres termes, au lieu d'essayer de fournir du travail aux entreprises locales, on fera en sorte que ces dernières devront faire concurrence à de grandes multinationales européennes. Voilà, en gros, ma question.
Pour ce qui est de l'agriculture, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la version de 1991 de l'UPOV de la Loi sur la protection des obtentions végétales. D'après les renseignements qui m'ont été transmis, ce texte de loi éliminerait presque totalement le droit des agriculteurs d'économiser, de réutiliser et de vendre des semences. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
Il y a également la question des indications géographiques, qui, je le sais, constitue une véritable préoccupation pour les producteurs laitiers. Ces derniers se préoccupent également du fait que même si les négociations se déroulent bien, peut-être qu'au dernier moment les Européens aborderont la question du fromage. Est-ce possible qu'ils nous demandent l'accès à notre marché du fromage?
Ma dernière question porte sur les légumineuses à grains. Pour l'instant, il n'y a aucun droit à l'importation pour les produits non transformés, mais ils sont en transformation. Qu'est-ce qui changerait si l'entente était signée?
Je m'en tiendrai à cette question.
Je répondrai à votre question sur les marchés publics et je laisserai mon collègue répondre à votre question sur l'agriculture.
Pour ce qui est des marchés publics, surtout aux échelons provinciaux, territoriaux et municipaux, l'Union européenne a manifesté clairement et de façon généralisée un vif intérêt à caractère offensif dans ce domaine. L'Union européenne affirme représenter le marché public le plus ouvert au monde et s'attend donc à une sorte de réciprocité de notre part en ce qui a trait à l'accès à nos marchés.
Nous avons évalué la demande de l'Union européenne. Bien sûr, le fait de formuler ce type de demande consiste à viser bien haut. Or, nous avons visé bien haut également dans nos demandes formulées à l'Union européenne. Par conséquent, il ne faut pas présumer qu'on lui accordera tout ce qu'elle demande, ce ne sera pas du tout le cas.
Nous avons certainement l'intention d'approcher les organismes provinciaux et territoriaux, ainsi que les organismes fédéraux et municipaux, tout en surveillant de près l'approche européenne aux marchés publics, de façon à bien refléter la marge de manoeuvre intégrée dans leur système qui permet le type de pratiques que vous avez mentionnées. Nous prenons part actuellement à ce processus.
Il faut aussi garder à l'esprit que nous négocions des seuils assez élevés, ce qui signifie que tous les produits et services en deçà de ces seuils ne seront pas visés par les obligations relatives à l'accord. Les contrats gouvernementaux dans le domaine de la construction, par exemple, auront un seuil de 8,5 millions de dollars. Tout contrat d'une valeur inférieure ne serait pas visé par les obligations.
Une certaine marge de manoeuvre est également accordée en ce qui a trait à la sécurité et à la défense. Ces domaines font l'objet d'une exemption. Tout un ensemble d'exemptions ont été adoptées pour restreindre l'accès en fonction d'un montant d'argent et permettre une certaine souplesse aux donneurs d'ouvrage.
Nous en sommes encore à l'étape où nous nous apprêtons à échanger des offres relatives au marché public. Après avoir évalué à quel point les Européens sont sérieux au sujet de certaines questions précises, nous allons agir en conséquence.
:
En ce qui concerne votre question sur l'agriculture et l'UPOV de 1991 pour la protection des obtentions végétales, il est important de souligner que ce traité international a été signé par le Canada et que c'est au Canada maintenant de décider de le ratifier et du moment et de la façon dont il veut le mettre en oeuvre. Ce n'est pas nécessairement lié aux négociations de l'AECG. Dans la Convention de 1991, il y a une disposition portant sur le droit des agriculteurs de protéger leurs semences. Je pense qu'il s'agit plutôt d'une décision de politique intérieure. Nous devons décider quand et comment mettre en oeuvre l'UPOV de 1991, puisque nous sommes déjà signataires de ce traité.
En ce qui concerne les indications géographiques, comme Steve l'a mentionné, c'est une question qui intéresse considérablement l'Union européenne. Nous avons entrepris un débat assez détaillé sur cette question dans le cadre de la négociation. À notre avis, si nous devions adapter certains éléments du concept des indications géographiques qui existent à l'heure actuelle en Europe, il faudrait le faire d'une façon qui soit conforme à notre cadre de travail existant sur les marques de commerce et à l'utilisation de noms génériques ou communs sur le marché. C'est l'approche que nous adoptons. En tenant compte des deux principes de la protection fédérale des marques de commerce existantes et de la protection des noms communs ou génériques, y a-t-il d'autres façons pour nous de répondre à la demande de l'Union européenne pour la protection de certaines indications géographiques européens? C'est là notre approche.
En ce qui concerne les légumineuses à grains, vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que ce produit est à l'heure actuelle importé d'Europe en franchise. Cependant, dans le cas du produit transformé, il est assujetti à plusieurs structures tarifaires assez complexes. Notre objectif est de libéraliser tous les produits transformés afin que nous puissions avoir accès à cet énorme marché.
Finalement, pour ce qui est du fromage, c'est aux Européens de faire une proposition à ce sujet. Le Canada importe déjà de grandes quantités de fromage européen, pour plus de 150 millions de dollars par an. Le fromage européen représente de 3 à 4 p. 100 du marché intérieur canadien. Le Canada n'a une telle part du marché en Europe pour aucun produit. Nous avons donc au départ une position de force pour négocier l'accès au marché.
:
Un dernier mot sur le boeuf, j'ai participé aux négociations de l'AECG visant à obtenir un accès préférentiel au marché européen qui placerait certainement nos producteurs dans une position beaucoup plus concurrentielle par rapport aux autres exportateurs de l'Amérique latine ou d'ailleurs, et je pense qu'ils seront en mesure d'accaparer une plus grande part de cet énorme marché européen.
Au sujet du porc, nous avons exporté moins de milliers de tonnes de porc vers l'Europe. Le marché européen est de 20 millions de tonnes, alors vous pouvez constater le potentiel qui existe. Même si une petite partie du marché de l'UE était libéralisée ou rendue accessible aux producteurs de porc, cela pourrait représenter une grande opportunité pour eux.
Au sujet des céréales, l'élimination des restrictions quantitatives auxquelles nous faisons face nous permettra de décider si nous voulons ou non exporter de plus grandes quantités de céréales vers l'Europe. À ce sujet, je pense qu'il est important de lancer un dialogue avec les Européens au sujet des produits biotechnologiques. Il y a eu des problèmes l'an dernier avec le lin. On pourrait faire face à de nouveaux obstacles dans certains secteurs si on pénétrait ce marché de l'UE.
Au sujet de l'AECG ici, en plus d'obtenir un accès commercial tangible pour certains produits, nous voulons également créer un cadre qui permettrait de mieux prévoir le commerce par l'entremise d'une approche fondée sur des règles qui dicteraient la façon de mener nos relations commerciales.
Je crois que ces deux possibilités existent: faire des progrès concrets du côté de l'accès au marché et également avoir un système fondé sur les règles pour administrer le commerce.
:
Je pense que c'est une préoccupation de longue date du Canada, que l'Union européenne a la capacité et les outils de subventionner beaucoup plus que nous. C'est pourquoi dans le contexte de l'OMC, nous avons fait beaucoup d'effort pour qu'il y ait une plus grande discipline de l'utilisation des subventions par les grands acteurs, particulièrement l'Union européenne et les États-Unis.
Ensuite, il faut examiner la situation pour chaque produit. Pour les produits où nous avons l'impression que nous pouvons être concurrentiels sur les marchés mondiaux, la question des subventions est toujours pertinente. Mais je pense que nous pouvons toujours être concurrentiels et présents sur ces marchés malgré les subventions. Et tant mieux pour nos producteurs si nous pouvons résoudre certains de ces problèmes de subventions dans un contexte multilatéral.
Pour les autres secteurs, comme le secteur sous gestion de l'offre, lorsque l'on compare le Canada et l'Europe, il faut mettre sur pied un modèle qui permet d'attribuer une valeur de subvention au secteur sous gestion de l'offre basée sur la protection contre les exportations nécessaires pour maintenir ce secteur.
Alors il est difficile de réconcilier les différentes sortes de subventions. Certaines faussent plus que d'autres les marchés, certaines tiennent plutôt du soutien au revenu, et d'autres sont des soutien à la production. Alors il faut concevoir une méthodologie qui serait relativement neutre. Bien sûr, voilà qui explique la différence des points de vue de chaque pays, parce que chaque pays présenterait la méthodologie qui sert mieux ses intérêts.
Nous avons environ 20 ans d'expérience avec le modèle de règlement des différends de l'ALENA, qui est très semblable à celui de l'OMC. Alors je pense que nous sommes bien placés pour apprendre de nos erreurs, ou des lacunes de ces modèles.
Nous essayons de créer une approche de règlement des différends qui sera beaucoup plus efficace et efficiente, qui réduira les échéanciers et qui simplifiera le processus autant que possible. Nous examinons également la possibilité de mécanisme de médiation pour qu'il y ait une autre façon de régler les différends qui ne vous mèneraient pas nécessairement devant le comité officiel de règlement des différends et tout le reste qui peut prendre jusqu'à deux ans.
Alors en plus de songer à un mécanisme de médiation qui permettrait de résoudre un grand nombre de ces différends sans passer par le processus plus long, nous essayons également de mettre en place une approche de règlement des différends qui sera plus efficace et qui pourra régler les problèmes plus rapidement.
Nous essayons également de trouver des approches qui feraient en sorte que les cas qui sont présentés ne soient pas frivoles mais aient une certaine importance, des cas qui sont importants du point de vue économique.
:
Merci Steve et Gilles d'être ici. Votre tâche est sans aucun doute ardue.
M. Lemieux a parlé de tous les avantages offerts aux Canadiens par un accord de libre-échange. Il est certain qu'il y en a, mais il faut se demander à quel prix? Il est vrai que parfois nous sommes prêts à acheter quelque chose à n'importe quel prix parce qu'on le veut vraiment et on oublie ce que l'on abandonne en échange.
J'ai deux questions. L'une concerne l'approvisionnement — vous en avez parlé à plusieurs reprises, Steve, dans votre document — et les droits d'accès surtout à nos ressources naturelles comme l'eau, le pétrole et les autres minerais, et aussi le droit de présenter une soumission pour des projets locaux, comme les systèmes de distribution d'eau.
Vous savez que l'on traite parfois les gens rapidement de « protectionnistes » parce qu'ils veulent appuyer l'industrie locale. Je crois que c'est très injuste. Parfois on le fait, parfois pas; je pense qu'il faut avoir le choix.
Je m'inquiète du seuil de 8,5 millions de dollars dont vous parlez. Pour certaines villes, 8,5 millions de dollars peut être un montant très élevé, même jamais atteint, et pour d'autres — Toronto, Vancouver, Montréal — il est très bas.
Alors j'aimerais connaître votre opinion à ce sujet. Vous devez apaiser les inquiétudes des Canadiens à ce sujet, et j'aimerais que vous en parliez.
Deuxièmement, Gilles, vous avez parlé des OGM. Dans nos discussions sur le projet de loi C-474, l'une des solutions suggérées était de négocier une faible présence avec les autres pays afin d'apaiser leurs inquiétudes et d'obtenir l'accès à des marchés qui nous sont présentement fermés. Pourriez-vous nous en parler un peu plus?
Je vais débuter par Steve.
Lorsque nous avons commencé à examiner la question des acquisitions provinciales et municipales, la première chose que nous avons constatée est qu'il y a déjà un système très ouvert en général. Les municipalités et les provinces ont souvent tendance à choisir ceux qui leur font la meilleure offre et qui coûte le moins cher. Les entreprises européennes ont déjà participé de façon importante à nombre de ces contrats d'acquisition.
Alors il s'agit ici de choisir ce qui sera sujet à des obligations dans cet accord. Nous avons mené de vastes consultations auprès des provinces, des territoires et des municipalités pour savoir ce qu'ils sont prêts à inclure dans les obligations touchant aux acquisitions gouvernementales. Ce sera à eux de décider ce qu'ils veulent inclure en toute tranquillité d'esprit. Mais ils sont également très intéressés à savoir où les mènera le respect de ces disciplines. Dans quelle mesure est-ce que cela limitera leurs choix? De quelle façon est-ce que ça pourrait imposer des contraintes à leurs objectifs?
Comme je l'ai mentionné plus tôt, il y a une grande souplesse intégrée au système. Bien sûr, rien dans les dispositions sur les acquisitions empêchera les municipalités ou les provinces d'imposer une réglementation et de maintenir les objectifs qu'elles veulent atteindre.
Nous sommes donc dans un long processus de consultation, et nous n'allons inclure que les secteurs d'acquisition qui conviennent aux responsables visés.
Pour ce qui est de la présence à faible niveau, c'est une question que nous voulons soulever dans le contexte de ces négociations pour établir un meilleur cadre qui offre plus de prévisibilité à ce commerce.
Nous poursuivons également une démarche parallèle. Comme vous le savez, l'Union européenne a déjà annoncé qu'elle cherchait des façons de régler cette question. Elle présentera une proposition aux fins d'adoption à son conseil en janvier. Elle est conçue, du moins en partie, pour assurer une plus grande prévisibilité à ce secteur commercial. Cela signifie de permettre une présence de faible niveau dans le cadre d'un chargement.
Il est important pour nous de faire en sorte que les mesures qui seront mises en oeuvre répondent à nos intérêts d'exportation générale relativement au marché de l'Union européenne, mais il faut également savoir que la question des OGM est une question de nature très délicate en Europe. Il faut aborder cette question d'un point de vue pratique et faire en sorte qu'au fil du temps ce secteur commercial devienne plus prévisible.
L'UE doit importer de grandes quantités de fourrage du Canada et d'ailleurs. C'est dans leur intérêt également d'avoir des régimes d'importation prévisibles pour les produits du secteur du grain. Nous pouvons travailler avec eux pour essayer de trouver une solution qui soit pratique, tout en reconnaissant les défis politiques auxquels ils doivent faire face en Europe sur la question des OGM en général.
:
Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être venus ce matin. Je suis heureux de vous voir.
C'est avec plaisir que je vous revois, Steve. Il y a deux ans que je ne vous ai pas vu, mais je sais que vous travaillez fort au nom du Canada et que vous êtes très habile pour ce qui est de trouver un équilibre relativement à des questions épineuses et que vous êtes extrêmement prudent. Je suis persuadé que nous aurons de bonnes négociations en raison de votre présence. Étant donné votre expérience du secteur de l'agriculture, bon nombre de personnes dans l'Ouest accueillent très favorablement votre participation.
Une de mes préoccupations, au moment où nous nous penchons sur un accord de libre-échange avec l'UE, c'est son effet sur les pays de l'Union européenne. Il faut également tenir compte de nos propres provinces, et des obstacles commerciaux interprovinciaux ici en Saskatchewan, qui posent des problèmes bien particuliers. Si nous concluons un accord commercial avec l'Union européenne, est-ce que les pays individuels de l'Union européenne disposeront d'une option de retrait de cet accord ou bien pourront-ils choisir les éléments qui leur convient?
:
Bonjour, messieurs. Je vais m'adresser à M. Gauthier. Je représente la circonscription de Compton—Stanstead où il se pratique beaucoup d'agriculture et de culture biologique.
Je vais revenir sur le sujet de la gestion de l'offre. On revient toujours sur cette question parce que ce n'est pas la première fois qu'on essaie de faire abolir la gestion de l'offre. Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Vous avez dit tantôt que l'Union européenne voulait abolir la gestion de l'offre parce que c'est un enjeu négociable.
Comment se fait-il, selon vous, que l'Union européenne veuille négocier la gestion de l'offre alors qu'elle-même se dirige vers la création d'un office du lait en Europe?
J'ai lu dernièrement qu'une association a été fondée afin de défendre les intérêts des producteurs laitiers vis-à-vis des transformateurs et des distributeurs fortement concentrés en Europe. Ça s'appelle l'European Milk Board, qui regroupe 100 000 producteurs de lait et 19 organisations syndicales dans 14 pays.
Savez-vous d'où ils tirent leur inspiration? De chez nous. D'une part, vous parlez de la protection de la gestion de l'offre et, d'autre part, l'Union européenne veut que ce soit un enjeu négociable. Comment pouvez-vous expliquer ce qui m'apparaît représenter une situation où il y a deux poids et deux mesures?
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J'espère que ça ne s'appliquera pas à mon temps de question, soit dit en passant.
Le président: Non, non.
Allez-y. Vous avez cinq minutes monsieur Shipley.
M. Bev Shipley: Je souhaite remercier les témoins d'être venus.
Monsieur Verheul, je dois vous dire que je suis heureux de vous revoir. J'ai fait affaire avec votre père, et votre mère participait également à l'entreprise pendant de nombreuses années, et je dois vous dire que je pense que votre intégrité relève de vos gènes, de votre ADN. Merci pour le travail que vous avez fait, non seulement dans ce cas-ci — et cela s'adresse à vous deux — mais également lors des accords antérieurs.
C'est pourquoi je pense que le Canada fait du progrès: nous avons conclu de bons accords. Nous sommes une nation commerçante et une nation exportatrice, et ces accords jouent un rôle important. Cela relève en partie du fait qu'étant donné que j'étais dans le domaine de la gestion de l'offre, j'ai toujours eu confiance, non seulement en ce qui a trait à l'orientation du gouvernement mais également dans le fait que nos négociateurs prennent une position positive à cet égard et ils reconnaissent la valeur des subventions qui sont accordées dans les autres pays avec lesquels nous négocions.
Je voulais parler un peu des défis en matière de biotechnologie qui ont été soulevés. C'est une possibilité incroyable pour les Canadiens et les agriculteurs canadiens. Vous avez également mentionné la coopération en matière de réglementation. Je suis surpris que c'est une question qui vient d'être soulevée. Je me demande toujours ce à quoi on peut penser à l'avance pour empêcher que quelque chose commence par être un immense problème et finit par devenir un défi.
J'ai présenté une motion au Parlement portant sur la façon dont on peut travailler avec d'autres pays, par exemple les États-Unis, possiblement avec l'Australie mais certainement avec l'Europe. Nous nous employons à établir un processus réglementaire et d'attribution de permis, mais qu'il s'agisse de pesticides ou de santé animale ou bien de médicaments, cela entre-t-il dans le cadre de la coopération réglementaire visant à prévenir les difficultés et à être sur la même longueur d'onde? Maintenant, la planète est tellement petite que l'on peut réellement faire en sorte que nos agriculteurs ne soient pas désavantagés parce que les agriculteurs de l'UE pourraient obtenir avant eux un permis pour un produit. Peut-être que nous n'avons pas les ressources humaines pour faire ce travail, mais est-ce quelque chose qui entre dans le cadre de la coopération en matière de réglementation?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les négociateurs commerciaux d'être ici aujourd'hui.
Ma question est pour vous, Steve.
Vous faites ce travail depuis assez longtemps, à titre de représentant du Canada. Je ne sais pas si cela fait 10 ou 15 ans, mais depuis que je suis ici, vous menez des négociations pour nous. Vous avez participé à de nombreuses ententes et négociations commerciales dans le monde, à divers endroits et régions. Au Canada, tout porte à croire que tous les partis politiques appuient la gestion de l'offre; les groupes agricoles et même les consommateurs voient la gestion de l'offre d'un bon oeil.
Nous savons que vous et votre groupe recevez des ordres de la part de nos ministres du commerce et de l'agriculture, qui vous disent de protéger notre gestion de l'offre. Nous sommes témoins des négociations en cours.
Ce que j'aimerais vous demander, c'est votre impression lorsque vous n'êtes pas à la table des négociations, lorsque vous prenez un café avec vos collègues ou lorsque vous dînez ensemble, que ce soit à Genève ou ailleurs? Que disent-ils? Sont-ils jaloux de nous? Sont-ils en colère contre nous? S'intéressent-ils à notre modèle? Ou bien est-ce que certaines des économies émergentes et certains des pays africains, qui s'inquiètent de la sécurité alimentaire, se disent « Eh bien, peut-être que les Canadiens ont compris: pourrions-nous adopter leur système? »
Je fais cette remarque parce que je pense que plus nous avons des alliés, plus les gens envisagent d'utiliser notre système, meilleures seront les chances que nous devrons le protéger. Mais si nous devons toujours défendre ce système que les gens ne comprennent pas...
Donc quelle est votre impression, hors de la table de négociation, lorsque vous discutez avec vos collègues? C'est peut-être vous qui avez le plus d'expérience en ce moment, donc ils vous posent les questions. Mais dites-nous vos impressions, quand vous n'êtes pas à la table de négociation, lorsque vous discutez avec tous ces autres pays et ces représentants.
J'aimerais avoir une perspective un peu plus vaste. Je ne suis allé en Europe que quelques fois, mais j'y étais cet été parce que mon fils participait à un tournoi de hockey. Nous nous sommes déplacés dans plusieurs pays. Ainsi, j'ai passé beaucoup de temps à bord d'un autobus avec son équipe de hockey et cela m'a permis de voir des régions rurales de divers pays européens.
Une chose qui m'a frappé, c'est qu'il y a souvent beaucoup plus de petites fermes. Je le savais déjà, et vous pourriez me le confirmer, puisque vous êtes plus au courant que moi. Il y a beaucoup plus de fermes mixtes de plus petite taille. Cela semble être la norme en Europe: quelques vaches laitières, quelques poulets, des terres assez petites où l'on cultive différents produits. Au Canada, nos agriculteurs sont généralement plus « spécialisés », si vous me passez le mot. Autrement dit, certains élèvent du boeuf et d'autres cultivent des céréales; nos fermes sont souvent plus spécialisées.
Cela m'amène à m'interroger, par curiosité. Dans nos pourparlers sur l'agriculture avec nos partenaires européens, quels seront les débouchés pour nos agriculteurs et quels défis vont se présenter, étant donné que notre agriculture repose sur des méthodes assez différentes des leurs?