FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des finances
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 4 novembre 2014
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare ouverte la 55e séance du Comité permanent des finances. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous avons à l'ordre du jour l'étude du Rapport de la Banque du Canada sur la politique monétaire.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins de la Banque du Canada et les remercier d'avoir accepté de reporter notre réunion, qui devait avoir lieu le 22 octobre. Nous les remercions vivement de s'être encore une fois libérés.
Nous accueillons M. Stephen Poloz, gouverneur de la Banque du Canada. Nous sommes ravis de vous revoir. Nous accueillons aussi pour la première fois Mme Carolyn Wilkins, première sous-gouverneure. Bienvenue à vous aussi.
Je crois savoir, monsieur le gouverneur, que vous avez une déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite aux questions des membres. La parole est à vous.
Merci, monsieur le président, et bonjour, distingués membres du comité.
Je suis heureux de vous présenter Carolyn Wilkins, qui assume la fonction de première sous-gouverneure de la banque depuis le 2 mai. Nous nous entendons à merveille.
Avant que nous répondions à vos questions, j'aimerais vous exposer les points saillants des perspectives économiques. Je m'appuierai principalement sur le Rapport sur la politique monétaire d'octobre, que la banque a publié il y a environ deux semaines. Je reviendrai aussi un peu plus loin en arrière, étant donné que notre dernière rencontre remonte à un certain temps déjà.
De plus, je vous ferai part de l'évolution de nos réflexions, et j'expliquerai comment notre contexte est en train de changer la façon dont les dirigeants de banque centrale mènent la politique monétaire.
[Français]
La banque s’attend encore à ce que l’économie mondiale se renforce en 2015 et en 2016. Toutefois, le profil de la prévision a été revu à la baisse depuis juillet. De fait, depuis la publication du rapport sur la politique monétaire, le RPM, il y a deux semaines, de nouveaux chiffres sur les ventes au détail et le PIB mensuel nous ont brutalement rappelé que les données ne suivent pas une ligne droite. La bonne nouvelle pour le Canada, c'est que l'économie américaine prend de la vigueur, surtout les secteurs bénéfiques pour les exportations canadiennes.
Nos exportations semblent effectivement réagir avec l'aide supplémentaire d'un dollar canadien faible. D'après ce qu'ils voient sur le terrain, les exportateurs nous disent qu'ils s'attendent à de meilleures perspectives pour les exportations.
[Traduction]
Nos exportations semblent effectivement réagir, à la faveur d'une aide supplémentaire fournie par un dollar canadien plus faible, comme on a pu le voir ce matin. Lors de nos échanges avec les exportateurs, ceux-ci nous ont dit entrevoir de meilleures perspectives pour les exportations en s'appuyant sur ce qu'ils constatent sur le terrain. Cependant, il est clair que notre secteur des exportations est moins robuste que dans les cycles précédents.
Le printemps dernier, vous vous le rappelez sans doute, nous avions recensé les sous-secteurs hors énergie qui étaient susceptibles d'alimenter la reprise des exportations et ceux qui ne l'étaient pas. Depuis, nous avons examiné plus en détail les sous-secteurs qui ont affiché une tenue décevante. Après avoir passé au crible plus de 2 000 catégories de produits, nous avons pu établir que, pour environ un quart d'entre elles — il y a environ 500 catégories d’exportations — la valeur des exportations avait chuté de plus de 75 % depuis l'année 2000. Si les exportations de ces produits avaient progressé au même rythme que la demande étrangère, les chiffres des exportations auraient été de quelque 30 milliards de dollars supérieurs l'an dernier.
En corrélant ces conclusions avec les reportages des médias, nous avons pu constater que beaucoup de ces sous-secteurs avaient été touchés par des fermetures d'usines ou d'autres restructurations. Autrement dit, ces sous-secteurs ont carrément perdu des capacités. Cette analyse nous aide à comprendre une bonne partie de l'écart observé au chapitre de la tenue des exportations.
[Français]
Il y a encore des capacités excédentaires dans la plupart des secteurs qui devraient alimenter la reprise des exportations hors énergie. Par ailleurs, d'après une autre enquête sur les perspectives des entreprises, les firmes envisagent d'investir en machinerie et en matériel. Toutefois, peu d'entre elles prévoient accroître leurs capacités de production, du moins jusqu'à présent. Cela permet d'expliquer pourquoi les dépenses d'investissement pourraient être retardées davantage que ce à quoi on s'attendrait au cours d'un cycle normal.
[Traduction]
Ces recherches ont d'importantes implications pour la situation de l'emploi au Canada. Nous savons que lorsque des firmes procèdent à des restructurations ou ferment leurs portes, les pertes d'emploi qui en découlent sont habituellement permanentes. Si les firmes peuvent répondre à la demande accrue d'exportations à l'aide de leurs capacités existantes, l'amélioration connexe de la situation de l'emploi peut être assez modeste. L'accroissement de la production s'expliquerait en grande partie par une hausse de la productivité.
Les gains les plus notables sur le plan de l'emploi seront réalisés plus tard lorsque nous entrerons dans la phase de reconstruction du cycle, à savoir lorsque les entreprises seront suffisamment confiantes quant à la demande future d'exportations pour commencer à investir dans de nouvelles capacités et à créer de nouveaux emplois.
Ces considérations entrent en ligne de compte dans notre estimation de l'écart de production, c'est-à-dire la différence entre le PIB et le PIB potentiel, qui est un déterminant macroéconomique essentiel des perspectives d'évolution de l'inflation sous-jacente.
Lorsqu'une offre excédentaire apparaît au sein de l'économie, l'inflation baisse, et lorsqu'une demande excédentaire apparaît, l'inflation augmente.
[Français]
Il n'y a pas de mesure privilégiée unique des capacités de l'économie. Traditionnellement, nous accordons le plus d'importance aux mesures fondées sur la production, à savoir le PIB. En octobre de chaque année, nous effectuons une analyse complète des déterminants de la production potentielle et de sa tendance future. C'est ce que nous avons fait dans ce RPM. Mais à l'avenir, nous mettrons à jour cette analyse dans chaque RPM. Cette fois-ci, nous avons aussi ajouté une note technique spéciale sur la dynamique de l'offre excédentaire lors des cycles économiques plus longs comme celui-ci.
[Traduction]
La raison pour laquelle tout cela est important, c'est que, lors de tels cycles économiques plus longs, la restructuration ou la fermeture d'entreprises réduisent la production potentielle tout en causant des pertes d'emplois permanentes. Autrement dit, l'écart de production peut sembler plus petit que l'écart du marché du travail, ce qui est le cas actuellement. C'est pourquoi nous accordons en outre une attention particulière aux mesures des capacités inutilisées sur le marché du travail.
Par exemple, notre indicateur composite du marché du travail, que nous appelons l’IMT, qui a été présenté pour la première fois dans la Revue de la Banque du Canada au printemps dernier, fournit une mesure des capacités excédentaires fondée sur plusieurs séries de données concernant les conditions sous-jacentes du marché du travail. La différence entre l'écart de production et l'écart du marché du travail persiste jusqu'après la phase de reconstruction de la reprise dont j'ai parlé plus tôt, et c'est alors que les mesures de la marge de capacités excédentaires finissent par converger.
Selon nous, l'économie présente une offre excédentaire considérable, et la détente monétaire doit être maintenue pour que l'écart se résorbe et que l'inflation se situe à la cible de façon durable. Mais nous tenons compte de l'incertitude entourant la marge de capacités excédentaires en examinant toute une gamme d'estimations possibles de celle-ci dans le cadre de nos délibérations.
Une autre composante fondamentale de notre cadre de politique monétaire est le taux d'intérêt neutre, lequel correspond au taux qui devrait émerger une fois toute la poussière retombée, c'est-à-dire lorsque l'inflation est à la cible, que l'économie tourne à plein régime et que tous les chocs se sont résorbés.
Ce taux est lui aussi entaché d'incertitude, et nous estimons qu'il s'établit actuellement entre 3 et 4 %, ce qui est bien en deçà de son niveau d'avant la crise. Mais comme la différence entre le taux en vigueur et le taux neutre constitue notre meilleure estimation de la détente monétaire, il est également essentiel de comprendre les risques en présence.
Après avoir soupesé ces facteurs, nous jugeons qu'à l'heure actuelle les risques entourant l'atteinte de notre objectif en matière d'inflation dans une période raisonnable sont relativement équilibrés. En conséquence, nous croyons que le degré actuel de détente monétaire reste approprié.
Certains de nos observateurs ont affirmé que la détente monétaire considérable en place dans le monde est peut-être en train de semer les germes de la prochaine crise financière. Les risques entourant la stabilité financière, notamment ceux qui ont trait aux déséquilibres dans le secteur des ménages, restent certes une source de préoccupation pour nous, ici au Canada. Mais de forts vents contraires soufflent sur l'économie du pays, et il est nécessaire de maintenir la détente monétaire pour y faire face et ainsi atteindre notre objectif en matière d'inflation.
Nous sommes d'avis que notre politique visant la résorption de l'écart de production et le maintien de l'inflation à la cible sera compatible avec l'atténuation future des déséquilibres dans le secteur des ménages.
De la même façon que notre analyse des forces économiques a évolué au fil des événements, la manière dont nous menons la politique monétaire s'adapte aujourd'hui en temps réel à l'environnement en pleine mutation. L'accent est maintenant mis en particulier sur l'intégration de l'incertitude dans le processus décisionnel. Nous avons publié un document d'analyse sur le sujet plus tôt ce mois-ci.
[Français]
Nous avons commencé à présenter nos prévisions de croissance et d'inflation sous forme de fourchettes plutôt que de points. Dans le RPM, nous avons donné encore plus d'importance à l'incertitude et aux risques.
Nous avons affiné notre analyse des risques planant sur la stabilité financière et accru la visibilité de la Revue du système financier. De plus, nous offrons maintenant une description plus détaillée de l'importance de ces risques dans nos discussions sur la politique à mener. C'est ce que nous faisons notamment dans la déclaration préliminaire qui précède nos conférences de presse.
[Traduction]
Ces changements ont rendu notre prise de décisions plus transparente, et le message de la banque ne repose plus sur une mécanique de précision, comme c'était perçu dans le passé, mais plutôt sur ce qu'on appelle maintenant la gestion des risques.
L'un des puissants outils de gestion des risques à la disposition des décideurs publics est la communication d'indications prospectives, qui offre aux marchés une plus grande certitude à propos de la trajectoire future des taux d'intérêt.
L'incertitude est ainsi retirée du marché et placée fermement sur les épaules de la banque centrale. L'utilisation de cet outil comporte des coûts en plus de ses avantages, et c'est pourquoi nous avons décidé de le réserver pour les moments où nous pensons qu'il sera clairement avantageux d'en faire usage, c'est-à-dire en périodes de tensions sur les marchés, lorsque le recours aux instruments de politique monétaire traditionnels est limité, et ainsi de suite. Autrement, nous laisserons les marchés faire leur travail, lequel consiste à traiter le flux quotidien de nouvelles données et à en déduire les nouveaux prix, sans indication précise de la banque quant aux taux d'intérêt, mais en bénéficiant de la transparence accrue au sujet de nos prévisions d'inflation et des risques que nous gérons.
Pour terminer, si vous me le permettez, j’aimerais dire que, si la Banque du Canada réussit aussi bien, c’est grâce à son excellent personnel. Nous sommes absolument ravis de l’annonce d’aujourd’hui qui place la banque parmi les 100 meilleurs employeurs du Canada, et ce, pour une cinquième année de suite. C’est une réalisation dont nous sommes très fiers.
Sur ce, Carolyn et moi serons heureux de répondre à vos questions.
Merci beaucoup, monsieur le gouverneur, pour cette déclaration préliminaire.
Je vous félicite encore une fois pour cette reconnaissance.
Nous allons passer aux questions des membres, en commençant par M. Cullen, qui dispose de sept minutes.
Bienvenue, madame Wilkins, et merci, monsieur le gouverneur, pour votre déclaration.
En ce qui concerne deux ou trois choses que vous avez dites récemment au sujet des attentes touchant la nature de la reprise au Canada, et sans généralisation excessive, peut-on dire qu'une reprise à faible croissance ou sans croissance est possible pour ce qui est du marché du travail et de la création de nouveaux emplois?
Oui. C'est tout à fait ce que nous constatons. Après une solide reprise, tout de suite après la récession, le rythme a ralenti et s'est stabilisé, tout en affichant cependant une légère croissance. En gros, cette situation correspond à celle constatée à l'échelle mondiale.
Puisque la plupart des Canadiens entendent dire dans les actualités que nous sommes en période de reprise économique, on pourrait naturellement s'attendre à ce que ce soit associé à la création de nouveaux emplois, mais nous constatons que le secteur privé ne crée pas de nouveaux emplois. À la fin de l'été, en réponse à une question sur le marché du travail dans le Financial Post, vous avez dit:
C'est très faible. On parle presque uniquement d'emplois à temps partiel, alors l'augmentation ne génère pas le genre de revenu qui découlerait habituellement d'une croissance de l'emploi de 1 %. Nous savons que c'est beaucoup moins que ce à quoi on pourrait s'attendre dans une économie qui se porte bien.
Le gouvernement a dit que près de 85 % de tous les emplois créés l'année passée étaient des emplois à temps plein, et ce, malgré un rapport selon lequel seulement le quart des emplois qui ont été créés étaient des emplois à temps plein de piètre qualité.
Selon moi, il s'agit de deux visions du monde contradictoires, mais les statistiques ne mentent pas. Les statistiques révèlent une situation très dommageable, particulièrement dans le secteur de la fabrication.
Je sais que vous hésitez à formuler des recommandations touchant les politiques, cependant, selon les fabricants canadiens, nous avons perdu 700 000 emplois dans le secteur de la fabrication au Canada depuis 2002, et 400 000 depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement actuel. Ces postes n'ont pas été renouvelés globalement.
Selon vous, y a-t-il des mesures monétaires précises que le gouvernement pourrait prendre pour inverser cette tendance inquiétante ou a-t-on perdu ces emplois pour toujours?
On ne doit pas oublier le contexte. L'économie mondiale a perdu plus de 60 millions d'emplois durant la crise financière mondiale et la grande récession qui a suivi. Et ensuite, le rythme de la reprise a été plus lent qu'on aurait pu s'y attendre. Par conséquent, plus de 60 millions d'emplois... Les statistiques que vous citez, j'en suis sûr, sont tout à fait exactes. Cependant, dans ce contexte, le Canada s'en est extrêmement bien tiré en comparaison. Selon moi, cela vient du fait que nous possédons le système bancaire le plus solide du monde et que nous avons mis en oeuvre des politiques exactement au bon moment.
Il ne faut pas oublier que la situation aurait pu être beaucoup plus désastreuse. Toutefois, comme je l'ai dit, nous avons affiché une solide reprise en ce qui concerne la création d'emplois, comme on le voit habituellement après une récession. Puis, c'est comme si la reprise mondiale s'est arrêtée. Actuellement, nous vivons une période où cette phase de reconstruction commence tout juste à reprendre de la vitesse, surtout aux États-Unis. Selon nous, nous continuerons à en bénéficier grâce à une reprise plus forte sur le plan des exportations.
En ce qui concerne le commerce, vous avez procédé à un rajustement à la baisse de 6 %. Nous avons parlé plus tôt, et j'ai demandé à combien la banque établissait le prix du pétrole lorsqu'elle faisait ses prévisions. Pouvez-vous dire au comité quel est ce prix? Quelle hypothèse la banque formule-t-elle en ce qui concerne ce prix de l'énergie?
Dans le Rapport sur la politique monétaire, plutôt que d'établir des prévisions détaillées du prix du pétrole, nous adoptons plutôt une convention, selon laquelle le prix moyen observé récemment sur le marché restera stable. Le prix que nous avons choisi pour l'actuel Rapport sur la politique monétaire est 85 $, et nous avons déterminé que ce prix allait rester constant dans le cadre de notre exercice de prévision. Dans un même ordre d'idées, nous avons déterminé que le prix du dollar canadien allait rester lui aussi constant. Puis, nous analysons les risques pour l'économie liés à une augmentation ou une diminution du prix du pétrole. Il y a un certain nombre de risques dans les deux cas, et c'est donc une chose importante dont il faut tenir compte. Nous avons calculé que la croissance en 2015 sera inférieure d'environ un quart de point en raison de la diminution du prix du pétrole depuis notre dernière prévision.
Aidez-nous à comprendre. Que signifie ce quart de point de moins pour le Canadien moyen? Est-ce beaucoup? Est-ce que cela équivaut uniquement à la marge d'erreur?
C'est inférieur à la marge d'erreur habituelle. Lorsque nous prévoyons un taux de croissance qui se situe entre 2 et 2,5 % pour l'année prochaine, le quart de point se trouve dans cette fourchette. Bien sûr, dans la situation actuelle, la croissance est suffisamment faible pour qu'un quart de point soit significatif.
C'est, j'imagine, ce que j'essaie de dire. Avec une prévision de croissance du PIB de 2 à 2,5 %, dire que la compression actuelle du prix du pétrole — pardonnez-moi, j'ai utilisé un terme péjoratif, un prix inférieur — pourrait avoir un impact aussi élevé qu'un quart de point sur la croissance du PIB n'est pas rien, étant donné qu'on parle d'un taux de croissance de seulement 2 à 2,5 %. Cette somme pourrait être aussi élevée que...
Je vais vous expliquer de quelle façon cela fonctionnerait. Compte tenu de la façon dont nos exportations se sont comportées durant le troisième trimestre — et lorsque nous avons produit le RPM, nous avions seulement accès à deux mois de données — à ce moment-là, nous révisions à la hausse notre position quant aux perspectives pour le PIB en raison du point de départ plus élevé, et, à ce moment-là, le prix du pétrole a commencé à diminuer. Ces deux répercussions s'annulaient pas mal l'une l'autre, et, pour cette raison, notre prévision était presque la même que celle établie dans notre précédent Rapport sur la politique monétaire. Cette situation vous permet de comprendre de quelle façon deux ou trois mois de données sur les exportations peuvent être suffisants pour contrecarrer le genre de choc dont nous parlons. L'impact reste inférieur à la marge d'erreur, et nous ne surévaluons rien. Cependant, il est évident que, au cours des dernières années, les revenus supplémentaires découlant du prix plus élevé du pétrole ont dynamisé l'économie canadienne.
J'ai une dernière et très brève question.
L'endettement des consommateurs et des ménages n'a jamais été aussi élevé qu'actuellement. Vous avez déjà sonné l'alarme à ce sujet. Y a-t-il quelque chose que le gouvernement du Canada devrait faire pour régler ce problème et atténuer l'impact qu'il a sur l'économie canadienne?
Nous savons que les risques liés à l'équilibre des ménages s'accroissent légèrement. Ils ne diminuent pas comme nous l'avions espéré. Cependant, nous estimons que, compte tenu de nos prévisions, il y aura là un apaisement durant la période visée par notre prévision. Nous en sommes certains.
Merci, monsieur Cullen.
Nous allons passer à M. Saxton, qui a lui aussi sept minutes. Allez-y s'il vous plaît.
Merci, gouverneur Poloz, ainsi que madame Wilkins, d'être ici aujourd'hui.
Monsieur le gouverneur, ma première question porte sur ceci. Pour commencer, dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné le fait que le Canada a affiché en septembre un surplus commercial qui était beaucoup plus élevé que prévu, environ un milliard de dollars de plus que prévu, et que cela découlait en partie de la reprise dans le secteur de l'automobile, ce qui souligne l'importance de l'aide que notre gouvernement a offerte au secteur de l'automobile durant la récente récession.
Dans votre discours, hier, vous avez mentionné que: « la croissance soutenue des exportations canadiennes se traduira non seulement par une nouvelle demande, mais permettra aussi d’enclencher la phase de reconstruction du cycle économique, qui générera une nouvelle offre […] »
Il y a beaucoup de facteurs qui peuvent contribuer à dynamiser la croissance économique, et l'un d'entre eux est un dollar canadien plus faible. On pourrait aussi mentionner le plan d'allégement fiscal de notre gouvernement, qui a fait du Canada un des meilleurs pays du monde où investir. Un autre aspect consiste à ouvrir de nouveaux marchés aux entreprises canadiennes.
Selon vous, les exportateurs canadiens pourront-ils tirer profit de l'accélération de la croissance mondiale grâce à l'ambitieux plan de libre-échange de notre gouvernement, qui a permis de conclure de nouveaux accords commerciaux avec près de 40 pays, et notamment avec l'Union européenne et la Corée du Sud?
Absolument.
Durant le cycle actuel, puisque l'économie américaine a été la plus touchée par la crise financière, les exportateurs canadiens ont dû investir beaucoup plus pour faire des affaires dans de nouveaux marchés non américains. Ces efforts ont porté des fruits, et, bien sûr, ils seront de beaucoup solidifiés grâce à la nouvelle infrastructure, c'est-à-dire les nouveaux accords commerciaux ou les mesures qui permettent d'éliminer des obstacles sur leur chemin.
Si l'on examine en particulier les données d'aujourd'hui, la surprise, si je peux m'exprimer ainsi, c'est d'où vient la croissance supplémentaire. C'est dans des marchés autres que les États-Unis, et oui, bien sûr, les véhicules produits ici sont principalement exportés aux États-Unis, mais il y a d'autres catégories. Nous ne pouvons pas nous laisser emporter par les données parues ce matin, nous ne pouvons pas en dégager une tendance, mais il s'agit d'un autre signe encourageant que tout tombe en place.
Ce que j'essayais de dire hier, c'est que nous devrons accumuler ce genre de bonnes nouvelles avant que les entreprises dans le secteur des exportations soient convaincues que c'est du solide et que la tendance se maintiendra suffisamment pour qu'elles puissent y passer leur capacité excédentaire et commencer à investir pour en acquérir de nouvelles. Ce sont les investissements soutenus qui permettront de créer de nouveaux emplois et qui auront un impact sur la dynamique dont nous avons parlé en répondant à la question précédente.
On constate que cette séquence naturelle est relativement lente, et je crois que c'est principalement parce que la situation reste très incertaine à l'échelle mondiale. Lorsqu'on est en affaires, on joue avec du vrai argent, et on attend avant d'être sûr, compte tenu des cinq dernières années que nous venons de passer.
Merci.
Vous y avez fait allusion rapidement, mais vous pourriez peut-être nous expliquer davantage de quelle façon les nouveaux marchés auxquels les exportateurs canadiens ont accès aideront à créer des emplois ici, au Canada.
Plus particulièrement, lorsqu'une entreprise essaie de remplir son livre de ventes... Prenons une entreprise typique. Elle a peut-être perdu de 40 à 50 % de ses clients durant la grande récession, principalement en raison de la situation aux États-Unis, et elle a peut-être réduit ses opérations ou peut-être entrepris une restructuration. Si elle est toujours en activité aujourd'hui, elle cherche de nouvelles façons de croître, et ses clients américains recommencent à lui téléphoner. Cette combinaison peut être extrêmement efficace, mais, pour l'instant, nous n'avons pas vu suffisamment de résultats.
L'important, c'est que les taux de croissance plus élevés dont l'entreprise peut tirer profit se trouvent dans les marchés émergents. Par conséquent, le fait d'obtenir ne serait-ce qu'une petite part du gâteau — un ou deux clients dans des endroits comme le Brésil, la Chine, l'Indonésie, le Vietnam ou d'autres pays du genre — entraînera une croissance beaucoup plus élevée du livre de ventes au fil du temps qu'obtenir un nouveau client américain.
Cette stratégie commence à porter des fruits. Comme je l'ai dit, il faudra pas mal de temps avant de rattraper les 30 milliards de dollars d'exportations perdues dont j'ai parlé précédemment, manque à gagner qui découle non pas uniquement de la dernière récession, mais d'une période difficile qui dure depuis plus de 10 ans dans ce secteur.
Un des facteurs qui contribuent au fait qu'une entreprise investit ou non dans l'économie, c'est son niveau de confiance à l'égard du marché. Dans la même veine, l'un des meilleurs signes d'une économie stable et en croissance est un budget fédéral équilibré. Notre gouvernement a fait de l'équilibre budgétaire une priorité principale et nous sommes sur le point d'y arriver dans le budget de 2015. Selon vous, l'équilibre budgétaire fédéral aura-t-il un impact positif sur les nouvelles décisions d'investissement des entreprises canadiennes et internationales?
C'est difficile à dire. Évidemment, c'est l'un des facteurs qui influent sur le niveau de confiance des entreprises, je suis tout à fait d'accord avec vous. Cependant, durant toute cette période, on avait un plan très cohérent en ce qui a trait à la politique financière canadienne. Les intervenants des marchés financiers ont en grande partie reconnu qu'il s'agissait d'un élément positif. Même lorsqu'il y avait un déficit, nous avions un plan clair et crédible pour le moment où nous ne serions pas en déficit. Pour ce qui est de savoir si le fait d'atteindre notre but aura un effet supplémentaire sur le niveau de confiance, il faudra attendre pour voir.
Diriez-vous qu'un budget fédéral équilibré donne au gouvernement l'occasion de poursuivre son plan d'allégement fiscal et d'enlever de la pression sur les taux d'intérêt, parce qu'il n'est plus un participant majeur sur le marché de la dette?
Un des vents contraires que nous avons cernés, et qui souffle sur toute la planète, c'est que la plupart des gouvernements cherchent des façons de se rapprocher de l'équilibre, et le Canada semble avoir pris de l'avance dans le cadre de ce processus. C'est une chose de dire que le secteur privé se remet peut-être sous la surface, mais on ne le voit pas lorsqu'on examine les données générales, parce que le gouvernement rééquilibre sa position. Si ces vents contraires s'apaisent, cela favorisera la croissance et l'émergence du secteur privé.
Une des choses qui différencient le Canada, c'est que, en rétablissant l'équilibre budgétaire, nous avons en fait été en mesure de maintenir notre plan d'allégement fiscal. En fait, nous avons même réduit les impôts, tandis que d'autres pays ont dû les augmenter pour équilibrer le budget. Selon vous, est-ce un facteur important?
D'accord.
Pour terminer, il me reste quelques secondes, il y a des chocs externes dans d'autres régions du globe. Selon vous, où risque-t-on le plus de voir ces chocs externes?
Le principal risque auquel nous sommes confrontés actuellement vient de l'Europe, où la croissance a été extrêmement lente. Il sera difficile de procéder à toutes les activités de restructuration nécessaires là-bas. Je n'en dirai pas plus.
Monsieur le gouverneur, madame la sous-gouverneure, bienvenue.
Dans votre rapport, vous parlez des investissements des entreprises qui sont très faibles et vous soulignez que le passage des dépenses des ménages aux investissements des entreprises est essentiel. Puisque vous dites que l'investissement est essentiel à la croissance aujourd'hui, ne pourrait-on pas dire, et je crois que David Dodge l'a peut-être dit récemment, qu'il faudrait saisir cette occasion inédite découlant du rendement faible des obligations, des taux d'intérêt réels qui sont négatifs, de la faible croissance, et du faible marché de l'emploi pour investir dans l'infrastructure? Et quel genre d'investissement dans l'infrastructure pourrait stimuler l'économie? Devrait-on encourager nos caisses de retraite et les celles d'autres pays à investir dans l'infrastructure canadienne afin que tous ces travaux ne se retrouvent pas sur le bilan du gouvernement? Quel est votre point de vue au sujet de la situation actuelle et de l'opportunité d'investissements à long terme dans l'infrastructure?
Il est évident qu'il est presque toujours bon d'investir dans l'infrastructure. Historiquement, c'est l'un des principaux facteurs de notre croissance économique. La mise à niveau ou la modernisation de l'infrastructure ne peut qu'être bénéfique. Si le développement de cette infrastructure exige d'emprunter des fonds, les taux d'intérêt étant vraiment à leur plus bas de la dernière génération, nous pouvons emprunter des fonds sur 50 ans à des taux très bas, alors toutes les conditions sont très favorables. De plus, le secteur privé, comme vous l'avez souligné, a certaines capacités. Nous avons là beaucoup d'ingrédients. L'ingrédient qui manque tient probablement à l'incertitude dont j'ai parlé tantôt. Quel que soit le type d'investissement, qu'il s'agisse d'acheter une nouvelle machine, d'élargir une usine ou de construire un pont sur lequel il y aura un péage ou je ne sais quoi d'autre, le seul point d'interrogation est ce que l'avenir nous réserve. Cette incertitude marquée dresse un mur entre les décisions positives, ces décisions d'investissement, et ce qu'on peut s'attendre à voir, simplement parce que les prix sont bas.
Je me dois de souscrire à la plupart des choses que vous dites. Vous avez tout à fait raison. Selon moi, lorsque le secteur privé ne construit pas d'infrastructures, c'est habituellement pour une très bonne raison: la participation publique est nécessaire, ce qui explique le modèle de PPP, qui fonctionne bien dans certains cas, et moins bien, dans d'autres. Cependant, en général, toute la question de l'infrastructure est au centre des discussions. Hier, j'ai assisté à une conférence à laquelle participaient 1 200 personnes qui s'intéressent à l'infrastructure. Il ne fait aucun doute que le secteur des affaires est très fort en ce moment au Canada.
En ce qui concerne l'infrastructure, croyez-vous que le Canada compte probablement la plus grande concentration d'expertise en matière de conception, de construction et de financement d'infrastructure, ici même, dans nos caisses de retraite?
Je crois que c'est une bonne façon de le décrire. J'ai pris connaissance de ces groupes lorsque je travaillais pour EDC. Je les ai vus investir dans le monde entier, et ici, bien sûr, dans des projets d'infrastructure. On ne parle pas simplement des investissements, mais de la gestion de ces biens; nos caisses de retraite ont acquis en la matière une très bonne capacité. Elles sont reconnues partout comme ayant cette expertise, pas simplement en tant qu'investisseurs, mais en tant qu'investisseurs assumant une gestion active, qui s'attaquent à un aéroport quelconque et en améliorent l'exploitation.
Dans un discours, hier, vous avez parlé du faible taux de création d'emplois au Canada, qui est inférieur à 1 %. Vous avez dit que ce taux « est bien inférieur au taux attendu d'une économie qui se redresse ». Vous avez aussi parlé longuement de la question du sous-emploi et du chômage chez les jeunes, soulignant le fait qu'il y a environ 200 000 jeunes sous-employés et que des jeunes adultes doivent continuer de vivre dans le sous-sol de la maison de leurs parents.
Pouvez-vous nous parler du coût à long terme de ce que certains appellent, y compris les Services économiques TD, l'effet de stigmatisation sur l'économie canadienne, la stigmatisation provoquée par le sous-emploi et le chômage des jeunes?
Oui. Eh bien, c'est très difficile de parler en termes concrets de cette question. Nous reconnaissons tous que, si, à la fin des études, un jeune passe un an ou deux au chômage et que, chaque année, il y a toute une nouvelle vague de nouveaux diplômés qui arrivent sur le marché et se disputent les nouveaux emplois créés, l'impact peut durer assez longtemps. Nous estimons que, au cours des deux prochaines années, nous pourrons combler l'écart et utiliser cette capacité excédentaire. Nous espérons que cette situation se résorbera bientôt.
Nous devons reconnaître que la situation existe bel et bien. C'est pourquoi, lorsqu'on m'a posé la question hier, j'ai suggéré, comme je l'ai dit en privé à des jeunes qui me demandent ce qu'ils devraient faire dans un tel marché du travail, qu'ils devraient accepter des emplois qui sont au moins un peu liés à leur domaine d'expertise, afin qu'ils puissent assurément acquérir une certaine expérience durant cette période. Je ne défends pas la mise sur pied de programmes d'apprentissage extrêmement actifs ou ce genre de choses. Je dis simplement qu'il faut avoir un peu d'expérience à inscrire sur le CV afin de réduire au minimum la stigmatisation.
Compte tenu de ce que vous suggérez, reconnaissez-vous que même les stages non rémunérés et le fait d'obtenir cette expérience contribuent à l'inégalité des revenus? Les enfants de familles aisées peuvent se permettre d'accepter ce genre de postes, tandis que les jeunes issus de familles à faible revenu doivent simplement trouver un travail peu importe le salaire.
Je reconnais qu'il y a bel et bien des problèmes comme ceux que vous soulevez. Je n'essayais pas d'analyser en profondeur la situation. Ce n'est pas une question de politique monétaire.
Je crois tout de même que, lorsqu'il y a de telles occasions, il faut les saisir, parce que cela réduit la stigmatisation, toutes choses étant égales par ailleurs.
Bienvenue à nos témoins. Félicitations. Content de vous revoir.
J'ai deux ou trois questions, qui concernent principalement notre capacité d'exportation et la possibilité de la renforcer. Voici ce que vous avez déclaré:
Les conséquences s’imposent alors d’elles-mêmes: la croissance soutenue des exportations canadiennes se traduira non seulement par une nouvelle demande, mais permettra aussi d’enclencher la phase de reconstruction du cycle économique, qui générera une nouvelle offre […]
Je crois que nous le comprenons tous. Vous ajoutez aussi qu'il faudra environ deux ans pour mettre à contribution cette capacité excédentaire du système actuellement. Vous précisez aussi qu'il faut maintenir la détente monétaire.
J'aimerais aller un peu plus loin que la détente monétaire. Nous avons le plan Chantiers Canada. Nous examinons la situation de nos partenaires commerciaux, et l'assouplissement quantitatif que les Américains ont utilisé. Ils en ont fait beaucoup plus pour reconstruire leur économie. Je crois qu'ils devaient le faire. Nous avons été beaucoup plus prudents et, franchement, nous avons fait beaucoup plus attention et nous avons réussi à nous en tirer.
Cependant, à long terme — et c'est là où je veux en venir — ce qui se produira, c'est que nous comblerons cette capacité excédentaire à laquelle nous avons accès dans notre secteur des exportations. Les Américains sont nos plus proches voisins et notre principal partenaire commercial. En ce qui concerne les répercussions à long terme de l'assouplissement quantitatif aux États-Unis, qu'arrivera-t-il lorsqu'ils devront commencer à rembourser ces fonds à long terme et qu'une partie de cette capacité commencera à diminuer en raison de leur demande d'importations?
Eh bien, je ne m'attends pas à ce que ce dont vous parlez dans la dernière partie de votre question se produise. En fait, les États-Unis en ont fait beaucoup plus que le reste d'entre nous parce qu'ils ont été les plus touchés par le cycle, alors c'est compréhensible. Je les décris comme le cratère qui se crée lorsqu'une bulle éclate. Essentiellement, on remplit ce cratère avec les liquidités supplémentaires créées par l'assouplissement quantitatif et les autres mesures et grâce aux taux d'intérêt extrêmement bas, mais tandis que l'économie rétablit ses propres mécanismes de croissance naturels, on peut ramener les choses sans subir les répercussions négatives dont vous parlez dans votre question. Je ne crois pas qu'il y aura un fléchissement comme celui dont vous parlez. Je crois plutôt que le secteur privé sera responsable de la croissance, qui sera principalement fondée sur les investissements, la croissance d'une entreprise à l'autre, et c'est exactement là où nos exportations ont fléchi jusqu'à présent. Nous ne faisons que commencer à voir ce lien dans nos propres données commerciales, et c'est l'élément le plus encourageant de ce que nous avons vu au cours des derniers mois. Au bout du compte, nous en avons besoin pour boucler la boucle et pour rétablir la demande en exportation et les investissements de façon à contrecarrer le besoin de ralentissement de la consommation.
Merci pour cette réponse.
Alors vous ne vous attendez pas à un repli de l'économie américaine? Il est évident que les États-Unis se sont beaucoup endettés, et que les générations futures devront en payer le prix. Une des choses que nous avons examinées et une des mesures que nous avons utilisées dans le secteur canadien des exportations, et c'est quelque chose que vous connaissez très bien, c'est le programme de déduction pour amortissement accéléré. Dans la situation actuelle, alors que nous avons une capacité à combler, et que notre secteur des exportations cherche de nouveaux débouchés dans les diverses régions du globe et vise une expansion, devrait-on améliorer la déduction pour amortissement accéléré?
Ce n'est pas à moi de commenter des mesures fiscales précises. Nous savons quels sont les ingrédients que nous voulons réunir, alors j'en resterai là pour aujourd'hui.
Merci.
D'accord, merci. Je vais prendre ça comme un « peut-être ».
Un des enjeux, et vous l'avez dit dans votre Rapport sur la politique monétaire d'octobre, c'est évidemment que le premier ministre et le ministre Oliver continuent de dire que la reprise est fragile. Je crois que la plupart d'entre nous sont d'accord avec eux. Une bonne partie de la reprise dépend de l'économie américaine, mais quelle part de notre reprise sera liée, disons-le franchement, à de nouveaux marchés et au reste de la planète? C'est une question semblable à celle que M. Saxton a posée. Nous espérons une reprise au sein de l'UE, où la situation est encore léthargique, et auprès de partenaires commerciaux traditionnels comme le Japon, qui sont encore dans la torpeur, alors quelle part de notre reprise découlera d'activités dans de nouveaux marchés en Asie et en Asie du Sud-Est et dans d'autres régions du monde où nous n'avons pas de partenaires commerciaux traditionnels?
Je crois que ces éléments sont les assises d'une future stratégie de croissance pour la plupart des entreprises canadiennes. Il faut admettre que, dans le cas de l'Europe, il n'y aura pas là beaucoup de croissance au cours des deux ou trois prochaines années, même s'il est tout de même possible pour des entreprises canadiennes d'y accroître leurs activités en trouvant de nouveaux clients et en obtenant une plus grande part du marché. Ce n'est pas impossible pour nous d'accroître nos exportations en Europe même si son économie est au neutre pendant deux ou trois ans. De plus, fait important, nous nous tournons vers d'autres marchés où une croissance de 6 ou 7 % est considérée comme faible. Cela signifie qu'on peut bénéficier d'une très forte augmentation des ventes dans un marché comme ceux-là, en obtenant simplement un ou deux nouveaux clients. Si une entreprise participe à une mission commerciale en Chine, en Indonésie ou dans ce genre d'endroit, obtenir un seul contrat peut faire toute une différence, parce que la croissance est rapide. Je crois que nous miserons là-dessus à l'avenir. J'aime croire que, à long terme, la plupart des échanges commerciaux dans le monde se feront entre ces principaux marchés émergents. Je crois que les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis resteront très importants pour nous, mais qu'ils seront mineurs comparativement aux principaux mouvements commerciaux. C'est à cela que nous devons penser.
Merci, monsieur Keddy.
[Français]
Monsieur Caron, vous avez la parole pour une période de sept minutes.
Est-ce que l'interprétation fonctionne?
[Traduction]
Je vais m'exprimer en anglais cette fois-ci.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je remercie également le gouverneur et la première sous-gouverneure de leur présence parmi nous.
[Traduction]
Je vais poser mes questions en anglais parce qu'une bonne partie des termes sont difficiles à traduire.
J'aimerais revenir sur votre décision d'arrêter de formuler des indications prospectives, de retirer cet outil de votre arsenal. Ma question concerne le moment où vous avez décidé de le faire. Vous avez dit à de nombreuses reprises que nous ne sommes pas sortis du bois, qu'il y a encore un important écart de production. Pourquoi maintenant? Pourquoi ne pas attendre que les conditions de l'économie canadienne s'améliorent, ce qui est encore incertain?
C'est une question intéressante. Je vais céder la parole à Mme Wilkins, qui est une experte en la matière. Merci.
Si j'ai bien compris votre question, vous nous demandez pourquoi nous avons décidé de mettre fin à nos indications prospectives, surtout dans une période où nous affirmons qu'il reste de l'incertitude.
Nous estimons que les indications prospectives que nous fournissions — et que nous adoptions une position neutre en ce qui concerne la trajectoire future et le moment des changements des taux d'intérêt — étaient implicites dans tout ce que nous disions d'autre part. Si nous ne disions rien de nouveau, ou que les gens ne savaient pas, alors nous n'avions pas de bonnes raisons de le dire.
L'hypothèse sous-jacente était un point de vue selon lequel la forme la plus importante de transparence qu'une banque centrale peut offrir, ce sont les modèles qu'elle utilise, la façon dont elle interprète les données qui évoluent et la façon dont elle évalue les différents risques et les répercussions quantitatives que ceux-ci peuvent avoir. Par exemple, qu'arrivera-t-il si les prix du pétrole augmentent ou baissent? Ce sont le genre de choses sur lesquelles nous avons mis l'accent au cours de la dernière année et de plus en plus dans nos Rapports sur la politique monétaire, y compris les fourchettes associées aux prévisions.
Nous estimons avoir augmenté notre transparence pour aider les intervenants du marché et les gens à comprendre nos motifs et les éléments sous-jacents à nos décisions.
Nous avons aussi dit que, parfois, lorsque, selon nous, l'incertitude est particulièrement grande, comme c'était le cas durant la crise, alors que nous avions des indications prospectives qui étaient assez précises, ou lorsque nous sommes limités par le fait que les taux d'intérêt ne peuvent pas être inférieurs à zéro, nous jugeons utile de le faire. Nous ne croyons pas que les marchés ont besoin de ce genre d'indication actuellement.
C'est conforme à ce que vous avez dit, monsieur le gouverneur, lorsque vous avez mentionné que ce devrait être essentiellement réservé aux cas où la borne inférieure est à zéro. Nous n'en sommes pas loin en ce moment à la lumière de l'incertitude de l'économie. Certains pays continuent d'utiliser des indications prospectives, mais ils l'ont fait à un moment où la borne inférieure n'était pas à zéro. On n'a qu'à penser à la Nouvelle-Zélande ou à la Suède, par exemple.
Avez-vous analysé la façon dont l'outil a fonctionné dans ces pays et dans une telle situation?
Nous l'avons fait. J'ai essayé de communiquer mes pensées les plus pertinentes dans le document de discussion publié plus tôt ce mois-ci, dans lequel j'essayais de mettre pleinement en contexte l'incertitude à laquelle nous sommes confrontés et le rôle que pouvaient jouer les indications prospectives dans cette gamme de possibilités.
Ce qu'il faut reconnaître, c'est qu'il n'y a pas seulement des avantages aux indications prospectives, mais aussi des coûts. Ces coûts sont liés aux marchés qui fonctionnent de façon asymétrique parce qu'on a fourni des renseignements précis d'un côté de la distribution, et pas de l'autre. Les indications prospectives sont les plus efficaces lorsque le marché prend ses décisions et opte pour des positions spéculatives plus fortes à la lumière des indications prospectives. C'est la raison pour laquelle elles ont une incidence supplémentaire sur les taux d'intérêt. Cela signifie que, lorsqu'on modifie ces indications prospectives ne serait-ce qu'un tout petit peu, on peut constater des rajustements majeurs sur le marché qui peuvent être très trompeurs.
Selon nous, le temps était venu d'éliminer ces indications afin que le marché n'en soit plus dépendant. Nous pourrons ensuite les utiliser et en tirer le plein effet lorsque nous estimons que c'est nécessaire, et les avantages l'emporteront sur les coûts.
Merci.
Je sais que vous n'aimez pas nécessairement commenter les politiques fiscales, mais je vais poser une question très générale. Nous en sommes actuellement, et je vais renvoyer à votre discours d'hier lorsque vous avez parlé d'argent mort... Ce n'est pas un si gros problème parce que les entreprises estiment qu'il y a beaucoup d'incertitude liée au fait de courir les risques inhérents à l'économie actuellement.
Lorsque nous parlons de politiques fiscales et de petites modifications, comme une réduction des taux d'imposition du revenu des sociétés ou même des mesures de réduction des cotisations à l'AE des petites entreprises, dans quelle mesure ces types de politiques fiscales sont-elles efficaces dans un environnement où, même lorsque les entreprises ont la marge de manoeuvre financière nécessaire pour investir mais ne le font pas en raison des risques, le flux d'argent ne sera pas investi de toute façon?
J'ai bien peur que ce soit une question très compliquée, surtout pour nous, puisque ce n'est pas notre domaine. Nous prenons nos hypothèses fiscales comme elles sont, comme on nous les donne, et nous les utilisons pour établir nos prévisions, mais nous ne sommes pas en mesure de juger de la validité des modifications apportées au régime fiscal des particuliers ou d'autres changements.
Ce que j'essaie de dire, c'est que le fait que cette politique fiscale... Quelle est l'importance d'une politique fiscale dans un environnement encore teinté d'incertitude et dans lequel les entreprises ont en fait la marge de manoeuvre nécessaire pour investir mais ne le font pas, non pas parce qu'elles n'ont pas d'argent, mais en raison des risques encourus?
Je comprends. On dirait que tous les ingrédients sont là, mais que les investissements se font attendre. Comme je l'ai déjà dit, l'incertitude est liée à la question de savoir si la demande touchant les exportations est bien réelle ou si elle chutera à nouveau et qu'il s'agissait encore une fois d'une fausse reprise, et il y en a eu plusieurs. Mais encore là, dans ce contexte, ce que vous voulez vraiment... Si c'est l'un des éléments expliquant leur incertitude, je suis sûr qu'il y en a 10 autres. Elles vont parler de choses modestes ou d'études environnementales ou d'autres choses qui viennent s'ajouter... comme les coûts de l'électricité, et toutes les autres choses dont elles tiennent compte. Si on réussit à trouver des éléments permettant de réduire leur incertitude, je crois qu'elles l'apprécieront.
Je réponds à votre question de façon très générale; ce n'est pas très précis.
Monsieur le gouverneur Poloz et madame la sous-gouverneure Wilkins, merci d'être ici aujourd'hui.
Monsieur le gouverneur, lorsque vous avez parlé de la modification des catégories de produits et de la diminution des exportations, en d'autres mots, c'est dire que la capacité dans ces sous-secteurs a tout simplement disparu, et si nous parlons de 30 milliards de dollars d'exportations supplémentaires, si cela avait été le scénario de base, de quelle façon cela se compare-t-il? Si on examine des analyses des décennies précédentes à ce sujet, on verra que des entreprises ferment et de nouvelles entreprises qui les remplacent, et toutes ces choses qui se produisent. Selon moi, on dirait bien qu'il y a peut-être deux ou trois facteurs qui ont contribué au fait que ces entreprises n'ont pas été remplacées sur le plan des exportations. Y a-t-il deux ou trois facteurs, comme l'absence de croissance dans ces économies d'exportation, ou est-ce que de nouvelles entreprises ne sont absolument pas venues remplacer les anciennes comme c'était le cas dans le passé?
Vous soulevez là un point fondamental. Je dois souligner que, lorsque nous avons examiné ces 2 000 catégories d'exportations, le filtre que nous avons utilisé visait à nous permettre de déterminer celles qui avaient affiché une diminution des exportations d'au moins 75 % depuis 2000, ce qui est à très long terme. Si l'on ajoute au lot une industrie qui allait disparaître de toute façon pour d'autres raisons, nous ne pouvons pas blâmer la crise financière et ainsi de suite. C'est un bon point, et nous ne l'avons pas souligné.
À ce sujet, ce que nous avons eu, c'est une longue période d'appréciation du dollar associée à une augmentation des termes de l'échange au Canada, découlant principalement des prix du pétrole, mais du prix d'autres ressources aussi. Comme nous l'avons déjà dit, l'augmentation des prix du pétrole durant cette période, disons de 25 ou de 30 $ le baril à plus de 100 $ le baril, a eu un impact important sur les revenus au Canada, et cela a entraîné une transformation sous-jacente de l'économie canadienne, une croissance supplémentaire dans le secteur des ressources, une économie à deux vitesses, une croissance plus faible dans d'autres secteurs de l'économie. C'est une situation qui peut être stressante pour certaines entreprises, et nous en constatons certains des résultats. Puis, la crise est arrivée et on a vécu le ralentissement, la cerise sur le gâteau. Si certaines entreprises avaient déjà des problèmes, ce pouvait être le coup fatal. Les secteurs qui me viennent à l'esprit sont ceux des gros camions de transport, les locomotives — vous savez probablement de quelles entreprises je parle — le papier kraft, la pulpe de bois, les produits de bois pour constructions résidentielles, les meubles en bois, les articles tricotés et ce genre de choses.
Tout ce que je dis, c'est que nous avons besoin d'une autre période de construction pour remplacer tout cela, et, de ce que je peux voir, elle ne fait peut-être que commencer.
Merci.
Dans votre Rapport sur la politique monétaire, dans le tableau, à la page 17, vous parlez d'une marge de capacités excédentaires, et à la page 14, vous parlez de trois mesures. Il y a la mesure habituelle, il y a le cadre intégré qui tient compte des données démographiques, l'aspect macro-économique, puis il y a l'enquête sur les perspectives des entreprises. Utilisez-vous davantage ces trois facteurs? En quoi la mesure habituelle ne peut-elle pas être aussi utile en raison de la capacité excédentaire? Et en quoi ces trois mesures vous ont-elles aidé à resserrer un peu tout cela?
C'est une excellente question qui est liée directement à la nature du cycle actuel.
Je crois que Mme Wilkins est mieux placée pour y répondre.
Bien sûr. Merci.
Nous avons toujours trouvé important d'examiner un large éventail d'indicateurs pour mesurer la marge de capacités excédentaires au sein de l'économie. Cette fois-ci, nous avons décidé d'en présenter certains de façon un peu plus poussée.
La mesure habituelle, essentiellement, porte sur la production et, en fait, omet probablement une partie des capacités excédentaires que nous constatons dans les marchés du travail actuellement. Cela découle simplement du cycle actuel, où la production est très touchée, ce qui sape la capacité et fait en sorte que les gens quittent leur emploi, soit volontairement soit involontairement, ce qui provoque une augmentation du chômage. Il faut du temps pour passer par les différentes phases jusqu'à ce que la capacité excédentaire du marché du travail soit absorbée.
Une des bonnes façons d'examiner cette situation, c'est d'utiliser le tableau qui montre notre indicateur de marché du travail, dont le gouverneur vient de parler. En fait, le tableau fait état d'un certain nombre de facteurs en plus du taux de chômage et révèle quelle est la grande différence, pourquoi l'indicateur du marché du travail révèle une plus grande marge de capacités excédentaires que le taux de chômage traditionnel.
Je peux souligner deux ou trois choses qui vous permettront de comprendre pourquoi il en est ainsi. Il y a par exemple le travail à temps partiel involontaire. Il est vrai que l'emploi à temps partiel a constitué une des principales sources de la croissance de l'emploi, mais ce n'est pas tout, il faut savoir qu'environ 28 % du travail à temps partiel n'est pas volontaire. Un autre facteur consiste simplement en la durée moyenne du chômage. Nous parlions de la stigmatisation, qu'il s'agisse de jeunes personnes ou de personnes dans la force de l'âge. Plus longtemps elles sont au chômage, plus il y a de probabilités que ce soit difficile pour elles de retrouver un emploi. Nous constatons que la durée du chômage est rendue à environ 22 semaines. Il faut ajouter cette donnée au déclin du taux de participation. Nous calculons que l'augmentation que nous avons constatée cette année est environ le double de ce à quoi on aurait pu s'attendre compte tenu des changements démographiques. Nous savons que des gens partent à la retraite, mais les gens dans la force de l'âge et les jeunes qui quittent la population active ne prennent probablement pas leur retraite.
La bonne nouvelle, c'est que cela signifie que l'économie et le marché du travail peuvent croître sans inflation. C'est la raison pour laquelle nous avons mis un peu l'accent sur cette situation lorsque nous avons tenté de déterminer la marge de capacités excédentaires au sein de l'économie et la bonne politique monétaire à adopter.
En ce qui concerne les perspectives des entreprises, lorsqu'on rencontre les entreprises, lorsque nous leur parlons des accords commerciaux et des autres choses que nous avons tenté de signer de façon proactive, est-ce une des questions que vous posez aux entreprises dans le cadre de l'enquête sur les perspectives des entreprises? Selon elles, en fonction de leur situation, quel sera l'impact de ces accords commerciaux sur leurs affaires et leur croissance future?
Nous interagissons beaucoup avec les entreprises. Dans notre enquête sur les perspectives des entreprises, nous leur posons des questions sur les facteurs de leur croissance future. Nous avons bien vu certaines améliorations en ce qui concerne les prévisions de ventes futures. Certains des accords conclus n'entreront pas en vigueur durant la période visée, soit les deux ou trois prochaines années, mais nous avons très certainement remarqué un certain vent d'optimisme, si je peux m'exprimer ainsi, en ce qui concerne les ventes futures.
Merci beaucoup à vous deux d'être ici ce matin.
Selon moi, l’analyse que vous avez faite et dont vous avez parlé aujourd'hui concernant les 2 000 catégories de produits, les réductions de 75 % et tout le reste donne vraiment à réfléchir. La capacité excédentaire que vous décrivez et ce que l’on a appelé l’argent mort dans d’autres contextes… Vous avez mentionné que les entreprises procèdent à des restructurations, ferment leurs portes, et que « les gains les plus notables sur le plan de l'emploi seront réalisés lorsque nous entrerons dans la phase de reconstruction du cycle, à savoir lorsque les entreprises seront suffisamment confiantes. »
Avec tout cet argent disponible, est-ce que le refus de passer à la phase de reconstruction est simplement une répercussion du manque de confiance par rapport à l'économie? Comment peut-on expliquer cette statistique remarquable que vous nous avez fournie?
Je crois que le manque de confiance est une bonne façon de le résumer compte tenu de tout ce qui est arrivé et du fait qu’il y a eu plusieurs fausses reprises à l’échelle mondiale, y compris aux États-Unis, où nous pensions que la reprise était bien réelle avant qu’elle s’essouffle devant nous. Cela a rendu les entreprises très prudentes, on peut le comprendre, lorsque vient le temps d’investir de l’argent durement gagné. La bonne nouvelle, c’est que leurs bilans sont excellents. Les entreprises sont prêtes à croître, mais il faut que la demande soit là. Nous voyons apparaître les premiers éléments nécessaires à cette reprise dans nos données commerciales. Cela finit par faire beaucoup d’éléments positifs. Je ne vois vraiment pas ces fonds comme de l’argent mort; selon moi, c'est de l’argent prêt.
Essentiellement, on apprend dans nos manuels qu’un taux d’intérêt plus bas stimule l’investissement. Bien sûr, on présume que tout le reste est égal, mais on sait tous que rien n’est égal dans le monde. Si vous demandez quel est le taux de rendement sur un dollar d’un nouvel investissement aujourd'hui, eh bien, il y a un risque qui y est associé. Ce risque découle de choses comme la crise entre l’Ukraine et la Russie, ce qui se passe au Moyen-Orient, le prix du pétrole, le prix des autres marchandises et les fluctuations des taux de change. Ce sont tous des facteurs qui interviennent. Et, bien sûr, il y a tout ce que nous venons de vivre.
Si on se présente devant son conseil d'administration aujourd'hui et qu'on dit: « Je suis prêt à faire cet investissement, je suis le premier dirigeant », les administrateurs diront: « Attends une minute. Attendons d'être un peu plus sûrs avant de s'engager. »
C'est notre environnement actuel, alors le taux de rendement ajusté en fonction du risque est inférieur à ce qu'il semble parce que les risques sont élevés. Si les risques diminuent, le niveau de confiance augmentera. Lorsque cela se produit, eh bien, on obtient plus de travail de cet aspect du côté de la demande.
J'ai une question au sujet des travailleurs découragés.
Vous avez abordé il y a quelques minutes, madame la première sous-gouverneure, en partie ce dont je voulais parler. Vous avez parlé de la durée accrue du chômage, des réductions deux fois plus élevées que prévu, que l'on ne peut expliquer simplement par les données démographiques, et vous avez mentionné le travail à temps partiel involontaire. Vous avez abordé la question de la stigmatisation, du chômage et du sous-emploi chez les jeunes. Nous avons là, pour le dire rapidement, un problème, je crois que vous l'avez cerné: le découragement des travailleurs au Canada, d'un grand nombre d'entre eux.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet de votre analyse des travailleurs découragés? Je crois que vous avez utilisé cette expression dans un discours précédent.
Les travailleurs découragés forment une catégorie précise dans l’enquête de Statistique Canada. Lorsqu’on vous appelle, vous pouvez vous décrire comme étant prêt à travailler mais incapable de trouver un emploi et découragé. Nous adoptons un point de vue un peu plus général lorsque nous abordons cette question. Lorsque nous constatons que, par exemple, environ 200 000 jeunes qui devraient travailler ne travaillent pas, on ne les considère pas officiellement comme étant des travailleurs découragés, parce qu’ils n’ont pas encore trouvé leur premier emploi. Ce sont en quelque sorte des jeunes découragés. Nous ne faisons que présumer qu’il est très peu probable qu’ils soient à la préretraite. Je ne crois pas que nous nous trompions. Ils sont particulièrement vulnérables à la stigmatisation dont nous avons parlé plus tôt.
Tout ce qui manque, selon moi, c'est ce mouvement de fond dans l’économie mondiale, et particulièrement aux États-Unis. Nous remarquons certains signes là-bas, alors nous sommes assez confiants à ce sujet et estimons qu’au cours des deux prochaines années, la façon dont ces gens voient les choses va beaucoup changer.
Je suis sûr que vous connaissez le problème auquel le Canada est confronté en ce qui concerne le vieillissement de la main-d'oeuvre, et vous y avez justement fait allusion à l'instant.
Ma question n’est peut-être pas liée directement à la politique monétaire, mais je la pose tout de même. Croyez-vous qu’une politique sur la garde d'enfants qui stimule beaucoup la participation à la population active peut aider à combattre le problème de la diminution de la main-d’œuvre en raison de facteurs démographiques?
En tant qu'économiste, j'estime que, toutes choses étant égales par ailleurs, une participation accrue à la population active est quelque chose de positif.
Le Japon, par exemple, un problème lié à la participation à la population active depuis longtemps. La question est ouverte quant à savoir si le changement fera vraiment une différence. Encore une fois, nous pouvons regarder la situation au Japon comme une étude de cas, parce qu’on ne peut pas nécessairement apporter les changements du côté de l’offre et s’attendre que, comme par magie, sans que rien ne change du côté de la demande, les gens trouvent un emploi. Selon nous, le plus important, c’est de s’assurer que, du côté de la demande, les choses vont bon train.
Vous avez raison au sens où nos estimations des tendances en matière de participation à la population active commencent à diminuer parce que nous vieillissons tous. C’est une tendance démographique naturelle, bien sûr, et il y a très peu que nous puissions faire à ce sujet, alors partout sur la planète, il faudra s’habituer à des taux de croissance inférieurs. Pouvons-nous apporter de petits changements en périphérie? Possiblement, mais je peux difficilement mesurer cet impact.
Merci, monsieur le gouverneur et madame la sous-gouverneure, d'être ici. Nous avons une très bonne discussion.
Monsieur le gouverneur, si vous voulez bien me le permettre.
Vous avez dit, et vous avez raison, que rien n'est égal dans la vie. Il y a toujours le yin et le yang. En tant qu'homme d'affaires, je suis heureux de voir que les taux d'intérêt sont bas, mais il y a un désavantage, bien sûr.
M. Brison a parlé des pensions qu'on investit à long terme dans l'infrastructure, mais, la réalité, c'est qu'on parle d'un rendement très bas. Il faut des rendements plus élevés.
À quelle étape franchirons-nous ce seuil? Envisagez-vous un retour à des taux d'intérêt plus normaux à un moment donné? À quelle étape estimez-vous qu'il est essentiel d'arriver?
Vous avez absolument raison, et vous le décrivez bien. N'eût été des taux d'intérêt très bas et la réaction stratégique de 2008, nous pourrions subir la deuxième grande dépression actuellement.
Les gens ne doivent pas l'oublier lorsqu'ils demandent pourquoi les taux d'intérêt ne sont pas aussi élevés qu'ils devraient l'être. La réponse, c'est que les vents contraires restent importants, et nous luttons encore contre eux pour réaliser notre vision. Il est évident que l'économie américaine n'a pas atteint l'équilibre, même si elle croît à un taux de peut-être 3 % et que les taux d'intérêt sont nuls. C'est principalement une croissance artificielle. Elle n'a rien de naturel, alors il faut attendre de voir ce qu'il adviendra.
Ce qui nous attend, c'est un taux d'intérêt neutre. Carolyn a écrit un texte important et a présenté un exposé à ce sujet, alors j'aimerais la laisser répondre.
Certainement, monsieur le gouverneur.
Un des éléments dont nous tenons compte, et le gouverneur l'a mentionné, c'est là où nous situons le taux d'intérêt neutre, c'est-à-dire le taux d'intérêt à court terme sans risque. Essentiellement, c'est la différence entre ce taux et notre taux directeur réel qui permet de mesurer le niveau de stimulation.
Cependant, les investisseurs et les autres intervenants doivent aussi savoir où il se trouve, parce que c'est là où, selon nous, à moyen terme, nous devrions nous trouver une fois l'écart de production comblé, l'inflation de retour au niveau ciblé et tous ces vents contraires apaisés, ou tous les effets des chocs, comme les économistes aiment le dire, se sont estompés. C'est ce qui permettra de déterminer tous les autres taux de rendement.
Il ne faut pas oublier non seulement là où nous en sommes dans le cycle, mais là où nous en sommes du point de vue des importants changements structurels à l'échelle mondiale. Au Canada, le taux sera influencé par cela. Nous constatons qu'il y a des changements démographiques non seulement au Canada, mais partout sur la planète. Cela signifie que le potentiel mondial de croissance de la production est inférieur à ce qu'il était au début des années 2000. Cela signifie que le rendement en fonction des taux d'intérêt est susceptible d'être plus bas.
Il y a tous ces facteurs, et le fait qu'il y a plus d'argent de côté à l'échelle mondiale, alors il faut s'attendre à ce que les taux restent inférieurs à ce qu'ils ont été dans le passé pendant assez longtemps.
Il y a un cas intéressant en Allemagne où une banque a appliqué un taux négatif. J'espère que cela ne se produira pas au Canada. Je ne le crois pas.
Nous avons aussi eu, ici, des discussions intéressantes.
J'aimerais vous parler d'austérité. J'aimerais qu'on se demande si c'est quelque chose que nous devrions envisager. Je ne parle pas vraiment des infrastructures, je crois que la plupart d'entre nous seraient probablement d'accord pour dire que l'infrastructure est quelque chose qui contribuera à la croissance générale de l'économie. Cependant, pour ce qui est des gouvernements qui doivent gérer plutôt que dépenser dans des domaines où... Prenons un exemple simple: un bureau qui faisait un pied de papier, et qui en fait maintenant la moitié. Il y a ceux — et je l'ai constaté durant une récente conférence de l'OCDE — pour qui l'austérité n'est pas simplement mal vue, c'est quelque chose qu'on demande au gouvernement d'abandonner. Il me semble... Je ne me souviens plus du nom du philosophe du XXe siècle, mais c'est une histoire au sujet d'un verre brisé. Vous êtes un économiste, je suis sûr que vous savez de qui je parle. N'est-ce pas quelque chose avec lequel nous nous frottons, si nous n'encourageons pas ce genre d'austérité? À coup sûr, cela ne va pas contribuer à la croissance de l'économie. Êtes-vous d'accord?
En principe, j'estime que la notion d'austérité est bien fondée, mais il faut la qualifier en fonction du contexte dans lequel on se trouve. Selon moi, ce qui est le plus important, et je l'ai dit plus tôt, c'est d'établir un plan crédible pour l'avenir financier. C'est ce que le marché trouve rassurant. C'est aussi ce que les contribuables trouvent rassurant.
Compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons, presque tous les gouvernements du monde entier, en 2008, en 2009 et en 2010, ont déterminé que ce n'était pas le moment de faire preuve d'austérité. C'est une bonne chose, parce que, comme je l'ai aussi déjà dit, tous les ingrédients étaient là pour que nous vivions une grande dépression mondiale à ce moment-là, et nous l'avons évitée grâce à de bonnes politiques.
Là où il y a débat, c'est lorsqu'il faut déterminer quel est le bon moment pour revenir à la normale. Compte tenu du cycle, est-ce possible de déterminer si nous appliquons encore un plan d'austérité? Je crois que c'est la méthode utilisée par l'OCDE pour déterminer là où on en est relativement au plan établi. On peut être en déficit financier, mais si on a rajusté les choses en fonction de la conjoncture, en fait, on se retrouve avec un excédent structurel ou un équilibre structurel cyclique ou rajusté en fonction du cycle, ce qui signifie que le plan est sur la bonne voie. Je crois que ce genre d'outil est très utile pour aider les autres à comprendre quel est l'impact concret sur l'économie. Nous ne sommes pas des experts en la matière. Nous nous en servons pour établir nos prévisions.
Il faut tout simplement se poser cette question de façon un peu moins absolue. Ce n'est pas une question de tout ou rien: adopte-t-on une approche d'austérité aujourd'hui ou attendons-nous un an de plus? Ce sont des questions dont les réponses sont propres à chaque pays et à chaque situation.
Très rapidement, j'aimerais changer de sujet. Il a été question un certain nombre de fois de l'échelle des prix qui augmente lorsque les prix du pétrole baissent. Selon moi, cette situation est causée principalement par les Saoudiens et leur politique. D'après vous, quel groupe est le plus vulnérable, le gaz de schiste ou les sables bitumineux? Avez-vous réalisé une étude à ce sujet?
En gros, ils semblent aussi vulnérables l'un que l'autre. Bien sûr, dans chacun de ces domaines, il y a divers seuils d'équilibre dans l'échelle des prix, alors on ne peut pas vraiment généraliser.
Il reste que le prix plus bas du pétrole n'est pas seulement un effet de l'offre, c'est-à-dire d'une offre excédentaire, mais environ le tiers du recul, c'est ce que nous avons estimé, est lié à la réduction mondiale de la demande. Ces deux choses ont poussé les prix dans la même direction, et c'est pourquoi il est difficile de faire des prévisions et la raison pour laquelle nous avons tout simplement choisi de ne pas le faire. Nous avons décidé d'adopter une convention, puis nous établissons nos prévisions en fonction de ce prix. Actuellement, nous croyons que nous atteindrons 85 $. C'est notre analyse.
Merci, monsieur le gouverneur et madame la première sous-gouverneure, d'être ici aujourd'hui.
Je veux citer Mme Wilkins. Monsieur Poloz, dans un discours auquel vous avez fait référence un certain nombre de fois durant votre exposé aujourd'hui, vous avez dit: « Une crise financière hypothèque lourdement les pays, et le remboursement des dettes entrave la croissance économique normale pendant longtemps. »
À la lumière de cette citation, quelle a été l'importance de la décision de notre gouvernement, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 2006, de rembourser 30 milliards de dollars sur la dette? Pouvez-vous répondre à cette question? De plus, quelle est l'importance du fait que, parmi les pays du G7, nous serons les premiers à retrouver l'équilibre budgétaire en 2015?
Comme je l'ai dit précédemment, je crois que, dans cette situation, la bonne nouvelle, c'est que nous avions la souplesse nécessaire pour réagir à l'adversité. C'est l'une des choses qui ont aidé le Canada à mieux vivre la grande récession que les autres pays. Puis, ce qui a vraiment fait comprendre aux marchés que tout était sur la bonne voie, c'est le plan financier crédible qui a accompagné le tout.
Je n'en dirai pas plus, mais ces éléments ont aidé les marchés et, bien sûr, l'économie à un moment où les exportations ont chuté de façon prononcée. C'est le facteur de croissance le plus important de notre économie pour l'heure. Les taux d'intérêt bas et certaines mesures fiscales ont eu un réel impact.
La déflation à l'échelle mondiale n'est certainement pas un problème pour les économies émergentes, mais ce peut l'être pour l'économie de certains pays riches, si je peux m'exprimer ainsi. En quoi la déflation est-elle une menace et quels problèmes pourraient-elle poser pour le Canada?
La déflation est une grave menace.
Lorsqu'il y a déflation, les prix qui chutent et les niveaux d’endettement existants interagissent, ce qui fait augmenter le fardeau de la dette de façon incontrôlable. Cette combinaison fait en sorte que c'est une situation très difficile à gérer. On constate au Japon, depuis 1990, une lutte permanente contre les forces déflationnistes qui, à l’occasion, s’estompent, mais qui reviennent toujours. C'est une situation dans laquelle nous ne voulons pas nous retrouver. Bien sûr, si c’est un problème ailleurs, et puisque nous faisons partie de l’économie mondiale, nous sommes nous aussi touchés.
Par exemple, compte tenu de la situation actuelle au Canada, nous pouvons dire dans notre Rapport sur la politique monétaire que les risques prévus concernant le plan pour l’inflation sont équilibrés. S’il y avait un risque de hausse, nous nous rendrions compte qu’il serait beaucoup plus facile pour nous de le gérer que s’il y avait un risque de baisse. Il est plus difficile de gérer un risque de baisse parce que nous n’avons pas beaucoup de marge de manœuvre en tant qu’autorité en matière de politique monétaire, tandis que, s’il y a un risque de hausse, nous savons exactement quoi faire. Il y a une asymétrie là-dedans. C’est pourquoi les décideurs sont aussi préoccupés par les risques de baisse dans l’environnement actuel.
La politique monétaire, c'est un peu comme un exercice de gestion du risque, si je peux m'exprimer ainsi. Je suis curieux. Nous connaissons certains des pièges possibles sur la scène mondiale. Ma question est peut-être injuste. Qu'est-ce que nous savons que nous ne savons pas? En d'autres mots, y a-t-il de possibles pièges sur la scène mondiale que la banque garde à l'oeil et que, peut-être, d'autres ignorent?
Il y a beaucoup de choses que nous savons ignorer. Je vais vous donner deux ou trois exemples que je trouve les plus préoccupants.
Nous parlons toujours comme si nous connaissions l'écart de production ici, au Canada, ce que nous devrions faire et les conséquences de l'inflation. Ces choses sont assujetties à beaucoup de méthodes différentes et il y a un large éventail d'estimations possibles. Nous parlons d'enjeux liés à la stabilité financière, ce dont Carolyn voudra peut-être parler. Quelle est la principale préoccupation au sujet de la stabilité financière que vous ne connaissez pas?
Des voix: Oh, oh!
Par où commencer?
La principale préoccupation doit être nationale, alors elle concerne le secteur de l’habitation. Ce que nous ne savons pas, compte tenu du fait que l’impulsion semble concentrée dans les villes où on peut trouver de bonnes explications de la raison pour laquelle le marché est très fort à — Toronto, Calgary ou Vancouver... Il y a des raisons structurelles sous-jacentes qui expliquent pourquoi ces marchés sont forts. Nous ne savons pas exactement dans quelle mesure il y a trop de nouvelles constructions et une surévaluation. Nous ne savons pas pourquoi il y a des poussées de surévaluation ni pourquoi la bulle peut percer. C’est quelque chose qui m’inquiète à l’échelle nationale.
Permettez-moi d’ajouter une petite chose. Nous ne savons pas où s’en va cette nouvelle architecture financière mondiale. Selon nous, il est très important d’accroître la résilience et la sécurité du système financier. Nous nous appuyons chaque jour sur le système financier pour faire avancer l’économie, alors nous devons vivre tout un cycle avant de bien comprendre.
Notre gouvernement est extrêmement proactif. Nous avons parlé plus tôt des accords commerciaux internationaux et bilatéraux, mais il se fait aussi beaucoup de choses relativement aux obstacles au commerce interne.
Dans quelle mesure est-il important d'éliminer ces obstacles internes au commerce?
Ce serait fantastique si nous pouvions éliminer tous les obstacles au commerce interne. L'impact serait probablement plus marqué que dans le cas des obstacles au commerce externe.
Merci, monsieur Adler.
Je vais poser quelques questions en ma qualité de président.
Pour commencer, la Réserve fédérale américaine a annoncé qu'elle allait mettre fin à près de six ans de politique d'assouplissement quantitatif. Quel sera l'impact de cette décision de votre point de vue?
Nous savons depuis toujours que l'AQ, l'assouplissement quantitatif, est l'un des outils des banques centrales. Nous avons toujours espéré ne pas avoir à l'utiliser. Les États-Unis l'ont utilisé et cela a eu un grand impact. On n'a toujours pas déterminé de quelle façon mesurer les répercussions réelles, mais je suis convaincu qu'il a vraiment dynamisé l'économie américaine. Il a très certainement eu un impact sur les taux d'intérêt à long terme, ce qui est important. Il a aussi eu un impact sur le niveau de confiance, ce qui est aussi pas mal important.
Il ne faut pas oublier que l'AQ n'est pas terminé, au sens où le bilan de la Réserve est toujours aussi gros. C'est simplement qu'elle a mis fin à l'expansion. Elle l'a fait parce qu'elle constate que l'économie avance d'elle-même et qu'elle est autonome, alors la fin de l'AQ est évidemment une bonne nouvelle pour nous. Cela signifie que, selon les Américains, leur économie est sur ne bonne lancée, et cela est très important pour nous.
Je comprends.
Je veux revenir sur la question de l'investissement des entreprises, question qui a été soulevée par un certain nombre de mes collègues. Comme vous l'avez mentionné, les entreprises ont de très solides bilans. Je crois qu'on peut dire sans se tromper que c'est dû en partie aux politiques de réduction de l'imposition des sociétés.
À la lumière d'un certain nombre d'exposés que vous et d'autres ont présentés au sujet de l'absence d'investissement des entreprises, je discerne deux raisons: l'une est l'incertitude, et l'autre, c'est la raison que vous décrivez à la page 21 de votre rapport. J'y reviendrai plus tard.
En ce qui concerne l’incertitude, peu importe l’époque, dans le monde des affaires, rien n’est complètement sûr. De plus, une économie de marché est, de par sa nature, dynamique et, par conséquent, incertaine. Je dois dire que, personnellement, je ne suis pas vraiment convaincu par cet argument. Vous pourrez revenir là-dessus dans votre réponse.
En ce qui concerne votre réponse à la page 21 touchant les raisons expliquant le manque d’investissement, vous dites: «il y a encore des capacités excédentaires dans la plupart des secteurs qui devraient alimenter la reprise des exportations hors énergie». Par conséquent, ils n’ont pas vraiment à dépenser pour répondre à la demande. Vous soulignez que les exportations doivent donc augmenter. Vous faites bien sûr un lien avec la valeur du dollar canadien.
J’aimerais que vous nous parliez de cette situation du point de vue de l’investissement des entreprises. Ensuite, j’aimerais faire un lien avec un autre enjeu, soit le fait que certains observateurs ont dit que la banque s’efforce, en fait, de tenir compte de plus de facteurs dans le cadre de ses activités. Traditionnellement, son rôle consiste à cibler l’inflation. Beaucoup de personnes disent que, depuis que vous êtes gouverneur, vous vous occupez de plus de choses comme la valeur du dollar canadien et les exportations dans le cadre des activités de la banque. Par conséquent, en fait, vous élargissez le rôle de la banque au-delà de son rôle lié purement à la politique monétaire de ciblage de l’inflation.
Pouvez-vous parler de la question de l'investissement des entreprises, puis nous dire si le rôle de la banque s'élargit et devrait s'élargir pour tenir compte du commerce, de la valeur du dollar canadien et d'autres questions du genre?
Bien sûr. Merci.
Pour ce qui est de l'incertitude, vous avez absolument raison, il y en a toujours eu. Les entreprises s'habituent à prendre des décisions d'affaires dans un environnement incertain. Beaucoup de choses au sujet du présent cycle commercial sont inhabituelles, ce qui rend les choses plus difficiles et, par conséquent, moins faciles à mesurer et, j'ajouterai, beaucoup plus incertaines, surtout lorsqu'on regarde devant plutôt que derrière.
Bien sûr, on le voit tout de suite lorsqu'on demande aux entreprises sans détour quelles sont leurs perspectives d'avenir. La réponse est souvent qu'elles ne le savent pas ou qu'elles ne sont pas sûres. On peut voir dans leurs actions le genre d'investissements qu'elles font. Ce sont des investissements visant à moderniser les opérations, à réduire les coûts ou à éliminer les obstacles à la productivité plutôt que des investissements d'expansion.
Si nous examinons les choses d'un peu plus près, notre modèle donne à penser que, lorsque l'économie accélérera, les investissements accéléreront aussi, afin d'en maintenir le rythme. C'est pourquoi nous l'appelons le modèle d'accélérateur. Eh bien, il ne fonctionne pas vraiment encore. Lorsque nous posons la question plus fondamentale « pourquoi », nous constatons que les entreprises qui bénéficient d'un flux accru grâce au secteur des exportations disent qu'elles peuvent encore croître sans investir pour renforcer leurs capacités. Elles ne le disent pas toutes, mais beaucoup le disent tout de même.
Cela signifie qu'elles peuvent répondre aux demandes plus importantes sans élargir leurs activités et sans embaucher qui que ce soit. La productivité mesurée augmente, ce qui n'est pas mauvais, mais il faudra patienter encore un peu avant que tout le reste se mette en branle.
Il est très important de faire un lien avec la deuxième partie de votre question. La Banque du Canada a un seul objectif, et c'est de maintenir l'inflation à la cible sur une période d'environ de six à huit trimestres. C'est notre horizon, notre marge de manoeuvre.
Selon nous, cela est tout à fait cohérent avec l'autre objectif que les gens mentionnent souvent, soit le fait que l'économie doit fonctionner en fonction de sa capacité, au plein emploi et ce genre de choses. D'autres banques centrales comme la Réserve fédérale américaine ont deux objectifs: elles sont responsables de l'inflation et de l'emploi. À notre avis, il n'y a pas de contradiction entre ces deux objectifs, parce que pour faire en sorte que l'inflation reste stable et constante à 2 %, nous devons nous assurer que l'économie atteint un niveau de plein emploi. Sinon, elle ralentira, et nous n'atteindrons pas notre cible. Ces deux choses vont de pair.
Nous affirmons que le cycle actuel est différent en ce sens qu'il est plus long, et nous devons examiner de plus près certaines des raisons pour mieux les comprendre. C'est pourquoi nous devons agir différemment que si l'inflation restait à 2 %, sans nous en faire davantage.
D'accord.
Il ne me reste qu'une minute. Vous avez parlé du marché de travail. Pouvez-vous nous parler des différences régionales au sein du marché du travail? La situation en Alberta, et peut-être en Saskatchewan et même au Manitoba, est très différente de celle dans les autres régions du Canada.
Veuillez répondre brièvement s'il vous plaît.
Absolument.
Très rapidement, il ne faut pas oublier que, même si les prix du pétrole ont diminué récemment, l'augmentation de ces prix, qui sont passés de 25 ou 30 $, disons, à la zone des 75 à 100 $, est le principal choc de notre époque. Le rajustement structurel sous-jacent a provoqué la création d'emplois dans les provinces riches en énergie, et une économie plus lente dans les autres. Par conséquent, les tendances en matière d'emploi et d'habitation divergent d'une région à l'autre. Toutes ces choses sont tout à fait prévisibles selon nos connaissances de base en économie.
Merci, monsieur le président.
Monsieur le gouverneur, en ce qui concerne les vents contraires qui viennent d'Europe, certaines des nouvelles données communiquées par la Chine ainsi que certains vents arrière venant des États-Unis, la banque a-t-elle d'autres préoccupations et pense-t-elle qu'ils pourraient se contrebalancer dans l'économie canadienne?
En principe, ils se compensent l'un l'autre actuellement.
Pour ce qui est d'actualiser notre point de vue, il n'a pas vraiment beaucoup changé en général. On a légèrement diminué nos prévisions au niveau mondial. En d'autres mots, les vents contraires sont un peu plus forts que les vents arrière américains, mais, fondamentalement, ils ne sont pas neutralisés, oui.
La participation à la population active intéresse-t-elle la banque, et y a-t-il des groupes précis dont il faut accroître la participation au sein de l'économie canadienne?
C'est une question qui, évidemment, nous intéresse, parce que c'est un des facteurs d'une possible croissance économique, alors nous sommes très attentifs à cette situation. Lorsque nous voyons des éléments comme ceux dont nous avons parlé plus tôt concernant les jeunes et ainsi de suite, nous savons qu'on perd là un certain potentiel, et nous espérons pouvoir renverser la vapeur au fil du temps.
La banque s'intéresse-t-elle à la participation à la population active des femmes? Est-ce quelque chose que vous étudiez?
Absolument. Toutes les analyses que nous réalisons, relativement aux données publiées, sont ventilées selon le sexe, le groupe d'âge, etc.
Y a-t-il un risque de réduction du levier d'endettement qui vous lie les mains lorsqu'il est question des taux d'intérêt? Nous affichons des taux d'endettement personnels très élevés. Les prix des maisons sont très élevés au Canada. Est-ce quelque chose que la banque garde à l'esprit et qui influe sur sa décision au moment d'établir les taux d'intérêt, sachant qu'une menace de réduction de l'effet de levier existe au Canada comme celle qui a sévi aux États-Unis?
C'est certainement un des facteurs dont nous tenons compte. Nous croyons que, si nous augmentions les taux d'intérêt actuellement, cela aurait un impact important, pour la raison dont vous parlez, plus qu'en temps normal, disons il y a 5 ou 10 ans, précisément parce que les ménages sont plus endettés. La sensibilité de l'économie a changé en raison de notre situation actuelle.
Je veux justement vous poser une question au sujet de la sensibilité.
Il y a de nombreux facteurs qui influent sur le niveau auquel vous établissez le taux d'intérêt, et, par conséquent, cela influe sur les prêts commerciaux. L'une de nos préoccupations concerne la capacité de transférer des fonds au sein de l'économie aux fins de réinvestissement. Je souscris aux commentaires du président en ce qui concerne l'incertitude.
Si vous devez continuer à jongler avec ces facteurs, cette menace de réduction de l'effet de levier découlant du fait que les Canadiens doivent beaucoup d'argent — les taux d'endettement personnels et les taux d'endettement des ménages — le système serait ébranlé si la banque devait augmenter les taux actuellement, simplement en raison de ces deux facteurs, l'endettement personnel et l'endettement des ménages. Mon interprétation est-elle juste?
Je ne vois pas là un genre de contrainte sur la politique monétaire. Il me semble que c'est plutôt quelque chose dont il faut tenir compte dans nos modèles, comme nous le faisons habituellement. Cela signifie, toutes choses étant égales par ailleurs, une trajectoire différente pour l'économie et l'inflation, selon les intrants.
Pour terminer, pour ce qui est des facteurs liés aux vents contraires et aux vents arrière des États-Unis, de la Chine et de l'Europe, puisque les États-Unis dépendent autant, en partie, de la force ou de la faiblesse de l'économie chinoise, peut-il y avoir un effet cumulatif si la Chine continue à réduire son rendement économique, en ce sens que les États-Unis perdent de la vigueur, ce qui ferait en sorte qu'un vent arrière deviendrait un vent contraire pour l'économie canadienne?
Il reste à voir dans quelle mesure le ralentissement du reste de la planète a une incidence sur les États-Unis. C'est un canal distinct.
Vous avez absolument raison, mais je vous rappelle que, de nos jours, l'économie chinoise est beaucoup plus imposante qu'il y a cinq ans. Par conséquent, un taux de 6 % aujourd'hui est la même chose qu'un taux de 7 % à ce moment-là. Il ne faut pas l'oublier.
Les entreprises à qui je parle ne sont pas particulièrement préoccupées. Leurs livres de commandes sont remplis.
Merci, monsieur Cullen.
Monsieur le gouverneur Poloz, madame la première sous-gouverneure Wilkins, merci beaucoup d'être venus. Merci de nous avoir accordé de votre temps. S'il y a quoi que ce soit d'autre que vous voulez nous faire savoir, veuillez le soumettre.
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