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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 073 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 mars 2015

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Nous en sommes à la 73e réunion du Comité permanent des finances. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous amorçons aujourd'hui l'étude du financement du terrorisme au Canada et à l'étranger.
    Je veux souhaiter la bienvenue à nos quatre témoins qui représentent le ministère des Finances et le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE).
    Nous accueillons donc, du ministère des Finances, le sous-ministre adjoint Rob Stewart — bienvenue encore une fois — et la chef principale, Crimes financiers, International.

[Français]

     Il s'agit de Mme Josée Nadeau, à qui je souhaite la bienvenue.

[Traduction]

    Du CANAFE, nous recevons le directeur.

[Français]

    Il s'agit de M. Gérald Cossette. Bienvenue à ce comité.

[Traduction]

    Nous accueillons également le gestionnaire du Groupe du renseignement sur le financement du terrorisme.

[Français]

    Il s'agit de M. Luc Beaudry, à qui je souhaite également la bienvenue.

[Traduction]

    Je crois que chaque organisation a un exposé à nous présenter.
    Nous allons débuter avec M. Stewart.
    Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous pour cette première réunion consacrée à l'étude du financement des activités terroristes.

[Français]

    Aujourd'hui, j'ai l'intention de vous donner un aperçu des efforts que déploie le Canada pour lutter contre le financement des activités terroristes. Ces efforts s'inscrivent dans un cadre de plus grande envergure, connu sous le nom de régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, que j'appellerai ici « le régime ».

[Traduction]

    Je vous donnerai un aperçu des menaces actuelles qui guettent le Canada en raison du financement des activités terroristes et des répercussions pour la sécurité et l'économie du Canada. Je présenterai ensuite un résumé des façons dont le Canada est actif sur la scène internationale dans la lutte contre le financement du terrorisme. En dernier lieu, en m'inspirant du rapport récent du Groupe d'action financière (GAFI) sur le financement de l'organisation terroriste de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), je décrirai aussi ce que comprend actuellement la communauté internationale du financement de cette organisation et ce que nous tentons encore d'apprendre.
    Après que M. Cossette et moi aurons terminé nos observations préliminaires, nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.
    J'aimerais vous donner un aperçu du régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. C'est une vaste initiative horizontale dirigée par le ministère des Finances qui mobilise 11 ministères et organismes fédéraux. Le régime a pour but de déceler les infractions liées au recyclage des produits de la criminalité et au financement des activités terroristes, de les prévenir et de faciliter les enquêtes et les poursuites qui s'y rapportent, ce qui contribue à l'objectif global consistant à protéger l'intégrité du système financier du Canada et à assurer la sécurité des Canadiens.
    Parmi les 11 partenaires, 7 reçoivent collectivement la somme d'environ 70 millions de dollars par année en financement supplémentaire à l'appui de leurs activités exercées dans le cadre du régime. Ces partenaires sont le ministère des Finances, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), le ministère de la Justice, le Service des poursuites pénales du Canada, la Gendarmerie royale du Canada, l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et l'Agence du revenu du Canada. Les autres partenaires contribuent au régime, mais ne reçoivent pas de financement expressément à cette fin. Il s'agit du Bureau du surintendant des institutions financières, de Sécurité publique Canada et du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement.
    En plus de lutter contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, le régime se veut un complément au travail des organismes d'application de la loi et du renseignement en ce qui concerne les crimes graves, le crime organisé et les menaces à la sécurité nationale. Il s'avère une composante clé de la stratégie antiterroriste du Canada.
    Le régime s'articule autour de trois piliers indépendants: la coordination des politiques, la prévention et la perturbation des activités, chaque partenaire ayant un rôle important à jouer.
    Le premier pilier comprend le cadre et la coordination du régime que dirige le ministère des Finances. Ce cadre est établi principalement par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. La loi exige des institutions et des intermédiaires financiers qu'ils identifient leurs clients, qu'ils tiennent des dossiers et qu'ils disposent d'un programme de conformité interne. La loi instaure en outre un système obligatoire de signalement des opérations financières douteuses, des importants mouvements transfrontaliers d'espèces et de certaines opérations visées par règlement. C'est aussi la même loi qui a créé le CANAFE qu'elle autorise à recueillir et analyser des rapports d'opérations financières et à divulguer des renseignements pertinents aux organismes d'application de la loi et du renseignement.
    Le deuxième pilier consiste à empêcher que les fonds liés à des terroristes se retrouvent dans le système financier. Dans le cadre de cette approche dissuasive, la responsabilité de veiller à la conformité des entreprises réglementées incombe aux institutions et aux intermédiaires financiers qui sont les gardiens du système financier, ainsi qu'aux organismes de réglementation que sont le CANAFE et le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF).
    La détection et la perturbation des efforts de recyclage des produits de la criminalité et de financement des activités terroristes représentent le dernier pilier. Dans le cadre de ce volet, des partenaires du régime comme le SCRS, l'ASFC et la GRC s'appuient sur les renseignements fournis par le CANAFE pour entreprendre des enquêtes où ils suivent la trace de l'argent dans les cas de recyclage des produits de la criminalité, de financement des activités terroristes et d'autres crimes financiers. L'Agence du revenu du Canada joue un rôle important à cet égard en détectant les organismes de bienfaisance à risque et en s'assurant que l'on n'en fait pas mauvais usage pour financer le terrorisme.
    Le régime peut aussi compter sur un processus efficace d'inscription des entités terroristes permettant de geler les actifs des terroristes, conformément au Code criminel et aux règlements des Nations unies, processus que dirigent respectivement Sécurité publique Canada et le ministère des Affaires étrangères. Au total, le Canada a recensé 90 entités terroristes au moyen de ces deux régimes.
    Enfin, le Service des poursuites pénales du Canada s'assure que les auteurs de crimes qui menacent la sécurité nationale ou internationale, y compris le financement du terrorisme, sont poursuivis avec toute la rigueur que permet la loi.
(0850)

[Français]

     Le régime se veut une approche authentiquement canadienne contre les menaces de recyclage des produits de la criminalité et du financement des activités terroristes. Cette approche respecte la répartition constitutionnelle des pouvoirs, la Charte des droits et libertés et le droit à la vie privée des Canadiens. De plus, le régime est conforme aux normes internationales qui sont élaborées par le Groupe d'action financière, l'organisme international d'établissement de normes contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement du terrorisme.
    Le régime du Canada est examiné et amélioré régulièrement dans le but d'aborder les risques naissants. Le Parlement examine la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes tous les cinq ans. Le régime est en outre assujetti à plusieurs autres examens et audits officiels, y compris une évaluation du rendement quinquennale et une vérification biennale par le Commissariat à la protection de la vie privée concernant le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE.

[Traduction]

    En mars 2013, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a publié un rapport à l'issue de son examen quinquennal. Nous appuyons le comité dans son objectif d'améliorer l'efficacité du régime et nous adhérons à bon nombre de ses recommandations principales qui s'articulent autour de trois grandes visées: mettre en oeuvre une structure de régime destinée à augmenter le rendement; améliorer l'échange de renseignements; et établir une portée adéquate pour le régime. Le gouvernement a donné suite à bon nombre de ces recommandations.
    Dans le Plan d'action économique de 2014, le gouvernement a annoncé qu'il apporterait des modifications visant à renforcer le régime, ce qui a été fait par le truchement du projet de loi d'exécution du budget, C-31, qui a reçu la sanction royale en juin 2014.
    Ces modifications législatives et réglementaires permettront de resserrer les normes de vigilance à l'égard de la clientèle; de combler les lacunes du régime; d'améliorer les activités visant la conformité, la surveillance et l'application des règles; d'améliorer l'échange de renseignements; et de conférer au ministre des Finances le pouvoir de lancer des contre-mesures à l'endroit d'administrations et d'entités étrangères dont les activités de contrôle du recyclage des produits de la criminalité et du financement des activités terroristes ne sont pas suffisantes ou sont inefficaces.
    Les modifications renforcent également la capacité du CANAFE à divulguer aux partenaires fédéraux des renseignements sur les menaces à la sécurité du Canada. Le ministère s'emploie à élaborer un ensemble de mesures réglementaires à l'appui de ces modifications.
    Sur le plan administratif, nous réexaminons la stratégie d'évaluation du rendement du régime, et le CANAFE a intensifié sa rétroaction à l'intention des entités déclarantes en publiant en ligne ses interprétations des politiques.
    Tel qu'annoncé dans le Plan d'action économique de 2014, le gouvernement apportera des changements dans le but d'accroître l'efficacité du régime des sanctions financières ciblées du Canada. Sous la direction du ministère des Affaires étrangères, il deviendra ainsi plus simple pour le secteur privé d'appliquer les sanctions financières, ce qui accroîtra d'autant leur efficacité.
    J'aimerais maintenant passer à l'évaluation des menaces de financement des activités terroristes. Dans le but de faire une utilisation optimale des ressources disponibles, le Canada mise, à l'instar de nombreux autres pays, sur une approche fondée sur les risques pour évaluer les menaces de financement des activités terroristes et combattre ce phénomène. En adoptant une approche fondée sur les risques, les organismes d'application de la loi, les services du renseignement et les institutions financières s'assurent que les mesures de prévention et d'atténuation du recyclage des produits de la criminalité et du financement des activités terroristes sont proportionnelles aux risques cernés.
    Les partenaires du régime sont sur le point de terminer un exercice pangouvernemental exhaustif d'identification et d'évaluation des risques de recyclage des produits de la criminalité et de financement des activités terroristes, et de la vulnérabilité du Canada à cet égard. Cet exercice misant sur les pratiques d'évaluation existantes permettra en outre au Canada de donner suite à l'engagement pris dans le Plan d'action G8 du Canada de 2013 en procédant à une évaluation des risques et en allant dans le sens des recommandations du Groupe d'action financière (GAFI).
    À la lumière des évaluations menées jusqu'à maintenant, la menace de financement des activités terroristes n'apparaît pas aussi prononcée au Canada qu'elle l'est dans d'autres régions du monde où des régimes moins efficaces de lutte contre ce phénomène ont permis à des groupes terroristes d'implanter leurs opérations et leurs activités de financement. Bien que la menace terroriste que font planer sur le Canada les extrémistes radicalisés qui appuient des entités comme l'EIIL soit bien réelle, les risques de financement des activités terroristes semblent plus faibles.
    Le Canada a pris des mesures contre bon nombre de ces groupes terroristes identifiés à l'aide du processus d'inscription des entités terroristes. Cela étant dit, le Canada n'est pas à l'abri des méfaits que peuvent causer des personnes cherchant à appuyer le financement des activités terroristes, et je m'attends à ce que mes collègues de l'Agence du revenu du Canada, de la GRC et du SCRS en traitent dans leurs présentations à ce comité.
    J'aimerais maintenant parler des actions qu'entreprend le Canada sur la scène internationale dans ce dossier. Le financement des activités terroristes est une menace qui transcende les frontières, et les efforts que déploie le Canada pour lutter contre cette menace sont menés conjointement avec ses partenaires internationaux. Les initiatives internationales canadiennes de lutte contre le financement des activités terroristes sont accomplies par l'entremise du GAFI, du G7, du G20 et, plus récemment, du groupe de travail pour contrer le financement de l'EIIL.
    Sous la direction du ministère des Finances, le Canada est membre fondateur et participant actif du GAFI. Celui-ci élabore des normes internationales contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, et s'assure qu'elles sont mises en oeuvre efficacement dans les 36 pays membres de même que dans les quelque 180 pays qui font partie du réseau mondial du GAFI. Le GAFI dirige les efforts internationaux visant l'élaboration des politiques et l'analyse des risques; il relève les tendances et les pratiques émergentes en matière de recyclage des produits de la criminalité et de financement des activités terroristes. Ces travaux importants aident la communauté internationale à conserver une longueur d'avance sur les criminels, y compris les terroristes et leurs bailleurs de fonds, de telle sorte que les différents pays disposent des outils adéquats pour contrer ces risques sur la scène mondiale.
    De plus, le GAFI procède à des examens exhaustifs par les pairs permettant de déterminer dans quelle mesure les régimes de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes des pays membres sont efficaces conformément aux 40 recommandations formulées. Suivant ces recommandations du GAFI, tous les pays doivent se doter d'un système permettant de prévenir le recyclage des produits de la criminalité, le financement des activités terroristes et le financement de la prolifération des armes de destruction massive, et de s'attaquer à ces fléaux.
(0855)
    Les recommandations portent sur les mesures qui devraient être mises en place au sein des systèmes de justice pénale et de réglementation des pays membres; les mesures préventives que doivent prendre les institutions financières; les mesures destinées à garantir la transparence des entreprises; l'établissement d'autorités compétentes assorties de pouvoirs adéquats et de mécanismes de coopération; et les ententes de coopération à conclure avec d'autres pays.
    Je vous signale que le Canada fera l'objet d'une évaluation mutuelle du GAFI qui commencera cet automne. Cette évaluation a pour objectif de déterminer la mesure dans laquelle le Canada dispose des lois, des règlements, des institutions, des pouvoirs et des procédures nécessaires pour lutter efficacement contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement du terrorisme. On cherchera en outre à voir si ces éléments sont mis à contribution de façon efficace.
    Le Canada contribue également aux efforts internationaux de lutte contre le financement des activités terroristes à l'aide du renforcement des capacités mondiales. Plus précisément, dans le cadre du programme de renforcement des capacités antiterroristes dirigé par le ministère des Affaires étrangères, plusieurs projets de renforcement des capacités en matière de lutte au financement des activités terroristes ont été réalisés dans des pays d'intérêt stratégique dans les Amériques, au Moyen-Orient et en Asie du Sud.
    J'aimerais terminer mes remarques en vous parlant des efforts constants qui sont déployés pour lutter contre le financement de l'EIIL. En plus des activités de base du GAFI, le Canada participe activement aux nouveaux travaux entrepris par le groupe pour lutter contre le financement de l'EIIL à la suite de l'appel lancé au mois de février dernier par les ministres des Finances du G20. Le mois dernier, le GAFI a publié un rapport rédigé par des experts de plusieurs pays, dont le Canada. Ce rapport résume les plus grandes sources de revenus de l'EIIL et souligne plusieurs mesures nouvelles et existantes destinées à contrer le financement de ce groupe.
    Plus précisément, les auteurs du rapport constatent que l'EIIL parvient à se procurer des fonds considérables grâce à son contrôle de larges bandes de territoire en Irak et en Syrie. Parmi les activités connues de l'EIIL, on note la vente ou l'imposition directe d'actifs économiques comme l'argent, le pétrole, les produits agricoles, les biens culturels et d'autres ressources naturelles et marchandises, ainsi que le pillage de banques dans les territoires dont l'EIIL s'empare.

[Français]

     Les autres sources de fonds étrangères comprennent l'enlèvement contre rançon, la vente de biens archéologiques et les donateurs privés de l'extérieur, y compris par l'intermédiaire des secteurs des organismes sans but lucratif ou de bienfaisance et par l'entremise des combattants terroristes étrangers.
    Dans le rapport, on fait aussi observer que, par sa présence active sur Internet et dans les médias sociaux, le groupe est parvenu à obtenir un appui international et à le convertir en fonds concrets. Le groupe est connu pour son exploitation des nouvelles technologies et des réseaux de communication modernes, dont les techniques de financement collectif, pour solliciter des contributions financières.

[Traduction]

    Comme on l'indique dans le document du GAFI, les besoins de l'EIIL en matière de fonctionnement et d'infrastructures font du financement permanent une nécessité. Les frappes aériennes de la coalition se sont révélées efficaces pour restreindre la capacité de l'EIIL à exploiter les ressources pétrolières et gazières se trouvant dans ces sphères de contrôle. Pour compléter ces activités militaires, des efforts internationaux sont actuellement déployés afin d'empêcher l'EIIL de tirer parti des secteurs financiers et commerciaux qu'il contrôle.
    Toutefois, certains aspects du financement de l'EIIL ne sont toujours pas bien compris. Pour combler cette lacune, le GAFI poursuivra ses importants travaux en convoquant en septembre prochain des experts de la lutte contre le financement des activités terroristes en vue d'étudier les tendances et les pratiques émergentes en la matière.
    De plus, le GAFI procédera incessamment à un examen visant à déterminer si tous ses membres, dont le Canada, sont capables de restreindre le flux de financement lié au terrorisme conformément à ses 40 recommandations. Cet examen portera principalement sur la criminalisation des infractions liées au financement des activités terroristes et sur le gel des actifs des terroristes, y compris les mesures exigées au titre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.
    L'exercice revêt une importance toute particulière du fait que certains pays n'ont pas encore mis adéquatement en oeuvre les normes du GAFI relatives au financement des activités terroristes, ce qui a pour effet de créer des poches de vulnérabilité dans le système financier international. Dans la lutte contre le financement des activités terroristes comme ailleurs, une chaîne ne peut pas être plus forte que son maillon le plus faible.
    En plus des travaux du GAFI, le Canada participe activement à la coalition anti-EIIL dirigée par les États-Unis et à son groupe de travail, récemment mis sur pied, qui est chargé de lutter contre le financement de l'EIIL. Ce groupe qui a tenu sa première réunion la semaine dernière s'emploie à élaborer un plan d'action destiné à faciliter la coordination des activités de la coalition. La participation du Canada à ce groupe de travail anti-financement s'inscrit dans les efforts d'ensemble que déploie le gouvernement canadien pour lutter contre l'EIIL.
(0900)

[Français]

    Permettez-moi de conclure brièvement. Autant au pays que sur la scène internationale, le Canada est engagé et il est très actif dans la lutte contre le financement des activités terroristes. Le risque est présent et il évolue.

[Traduction]

    Nous disposons d'un régime solide et sommes en train de le renforcer par de nouvelles modifications réglementaires. Nous continuons à évaluer les risques et à réagir en conséquence.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Stewart.

[Français]

    C'est maintenant à M. Cossette de prendre la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président, de m'avoir invité aujourd'hui pour discuter de votre étude élargie du financement du terrorisme.
    Je peux vous assurer que nous serons aussi ouverts que possible dans nos réponses. Toutefois, comme vous le savez, nous ne pouvons pas dévoiler de l'information classifiée dans ce lieu public. De plus, notre loi limite ce que nous pouvons dire au sujet de l'information qui nous est confiée.
    J'aimerais prendre quelques minutes pour décrire le mandat du CANAFE et le rôle que nous jouons pour aider à protéger les Canadiens ainsi que l'intégrité du système financier canadien. Plus particulièrement, je parlerai de notre contribution, en étroite collaboration avec nos partenaires des services policiers et des organismes de sécurité nationale, à la détection du financement du terrorisme et à la lutte contre ce problème important.
    Le CANAFE a été créé en 2000 lors de l'adoption de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes afin de décourager, de prévenir et de détecter le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. En vertu de cette loi, le CANAFE, les services de police, les organismes de renseignement et de sécurité nationale, les procureurs et environ 31 000 entreprises de tout le pays ont tous un rôle à jouer pour créer un environnement hostile à ceux qui tentent d'abuser de notre système financier ou qui menacent la sécurité des Canadiens.
    Les mesures législatives obligent les entités offrant des services financiers, les entreprises de services monétaires, les casinos et d'autres entreprises assujetties à la loi à mettre sur pied un programme de conformité, à vérifier l'identité des clients, à surveiller les relations d'affaires, à tenir certains dossiers et à déclarer certaines transactions financières au CANAFE, dont les transactions douteuses et les télévirements internationaux de 10 000 $ ou plus. En outre, les déclarations de biens appartenant à des groupes terroristes qui sont envoyées directement à la GRC et au SCRS doivent aussi être transmises au CANAFE.
    J'aimerais profiter de l'occasion pour remercier les entreprises canadiennes de leur réponse à notre demande visant à accélérer la transmission des déclarations de transactions douteuses dans le sillage des attaques à Ottawa et à Saint-Jean-sur-Richelieu en octobre dernier. Notre but était de fournir toute l'aide que nous pouvions, dans le cadre de notre mandat, à nos partenaires des services policiers et des organismes de sécurité nationale afin de prévenir une autre attaque, au Canada ou à l'étranger. Je suis heureux de pouvoir vous dire que la déclaration des transactions douteuses a augmenté de 22 % en octobre 2014 et que l'information que nous avons reçue d'entreprises de tout le pays s'est révélée utile pour nos services de renseignement. Grâce aux entreprises qui ouvrent ainsi la voie, le régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme fonctionne donc bien lors de telles attaques.

[Français]

     Monsieur le président, la menace terroriste est bien réelle. Un certain nombre de personnes font face à la justice pour des actes terroristes qu'elles envisageaient de commettre ici, au Canada. Je sais que les membres du comité connaissent le cas présentement en cours relatif aux deux personnes censées avoir comploté pour faire exploser des bombes fabriquées au moyen d'autocuiseurs à l'extérieur de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique.
    De même, il y a quelques semaines, des représentants de l'Agence des services frontaliers du Canada ont arrêté une personne soupçonnée de vouloir faire exploser le consulat américain et d'autres immeubles dans le district financier de Toronto. Finalement, en septembre dernier, un résidant d'Ottawa entraîné en Afghanistan a plaidé coupable à des accusations de terrorisme devant une cour d'Ottawa et a reçu une peine de 24 années d'emprisonnement pour ses crimes.
    Après les attaques qui ont eu lieu au Canada l'automne dernier, le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité — le SCRS — a confirmé que son organisation avait identifié plus de 130 Canadiens qui s'étaient rendus à l'étranger pour soutenir des activités extrémistes. Nous ne devons pas perdre de vue le fait que ces mêmes personnes reçoivent de l'entraînement, qu'elles sont équipées et radicalisées davantage, et qu'elles peuvent revenir au Canada en tout temps. En fait, le SCRS a indiqué qu'au moins 80 de ces personnes sont de retour au pays.
    La menace que présentent les combattants étrangers et d'autres extrémistes violents a lourdement été ressentie cette année en France, où les terroristes qui ont attaqué la publication Charlie Hebdo étaient présumés avoir des liens étroits avec des groupes terroristes étrangers.
(0905)
     La nature internationale du terrorisme s'applique également à son financement. Nous savons que le financement du terrorisme provient de sources illégitimes et légitimes. Nous savons également qu'une certaine partie des fonds recueillis pour financer ces crimes violents provient du Canada ou y transite. Il suffit de songer au cas de Momin Khawaja qui, en 2008, a été reconnu coupable, entre autres, de fournir des fonds pour faciliter des activités terroristes.

[Traduction]

    Grâce aux quelque 20 millions de déclarations de transactions financières que nous recevons chaque année des entreprises, le CANAFE est en mesure de produire des données financières exploitables qui aident les services de police et les organismes de sécurité nationale à protéger le Canada et les Canadiens. Ces données nous permettent d'établir des liens entre des personnes et des groupes au Canada et à l'étranger qui soutiennent des activités terroristes, et donc de détecter le financement de ces activités.
    L'an dernier, nous avons été à l'origine de 1 143 communications de renseignements financiers pour aider nos partenaires du régime dans leurs enquêtes sur le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme et les menaces à la sécurité du Canada. De ces communications, 234 portaient sur le financement du terrorisme et des menaces à la sécurité du pays. Cela représente plus d'une communication sur le financement du terrorisme par jour ouvrable.
    En avril 2014, les Équipes intégrées de la sécurité nationale de la GRC en Ontario et au Québec ont reconnu notre contribution à une enquête sur le financement du terrorisme visant IRFAN-Canada, une organisation que l'on présume liée à l'entité terroriste Hamas. La GRC a aussi reconnu la contribution du CANAFE au projet Smooth après l'arrestation de deux personnes accusées de complot en vue de perpétrer un attentat terroriste contre un train de passagers de VIA se déplaçant de New York vers Toronto.
    Le renseignement financier est devenu un élément important des enquêtes de nos partenaires des services policiers et des organismes de sécurité nationale. Le CANAFE a communiqué différentes informations dans le cadre des efforts plus vastes déployés par le gouvernement pour lutter contre le terrorisme et ceux qui soutiennent ces activités, au pays et à l'étranger.
    Compte tenu de la nature complexe et transnationale du terrorisme, nous maintenons des relations de travail très solides et productives avec nos partenaires des services policiers et des organismes de sécurité nationale. Nos données financières ne sont exploitables que dans la mesure où elles concordent étroitement avec les priorités de nos partenaires. Nous collaborons aussi de près avec d'autres unités du renseignement financier partout dans le monde afin d'échanger de l'information et de l'expertise, ce qui élargit d'autant notre portée tout en enrichissant notre analyse des transactions financières internationales. Dès que nous avons entendu parler de la prise d'otages à Sydney, en Australie, et des attaques à Charlie Hebdo, en France, nous avons effectué de la recherche proactive sur des cibles à un niveau tactique et avons offert de l'aide. Nos alliés ont fait de même après les attaques au Canada l'année dernière.

[Français]

    Dans le cadre de notre mandat, nous produisons également des rapports classifiés de renseignement stratégique sur des activités présumées de financement du terrorisme et sur les grandes tendances dans le domaine. Par exemple, nous avons effectué une analyse stratégique géospatiale des flux financiers vers la Syrie qui présentent un risque élevé en analysant les déclarations de télévirements internationaux.
    Grâce à notre travail sur le renseignement financier tactique et stratégique, nous avons assumé un rôle de leadership dans le cadre des efforts internationaux déployés par le Groupe d'action financière, le Groupe Egmont des unités internationales du renseignement financier et d'autres organisations, afin de faciliter la lutte contre le financement du terrorisme partout dans le monde.
(0910)

[Traduction]

    Le succès du régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme dépend du dévouement de toutes les parties concernées — des entreprises aux premières lignes du système financier canadien aux procureurs qui font condamner les criminels qui recyclent des fonds et financent le terrorisme. Ensemble, nous produisons d'importants résultats pour les Canadiens.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Cossette, pour votre exposé.
    Chers collègues, nous allons poursuivre avec les questions du comité, en commençant par M. Cullen. Ce sera des interventions de six minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
    Permettez-moi de commencer avec cette observation. L'idée que des fonds canadiens pourraient être transférés à l'étranger pour financer des attaques perpétrées au Canada ou ailleurs nous préoccupe tous, nous, les membres du comité, mais aussi tous les députés et l'ensemble de la population canadienne. Merci pour le travail que vous faites.
    Nous devons tâcher de poser des questions qui nous permettront de comprendre où se situent les lacunes et de déterminer ce que nous pouvons améliorer. Ma première question s'adresse à vous, monsieur Stewart. J'ai écouté votre exposé et j'ai suivi votre mémoire écrit. Vous avez parlé de vérifications constitutionnelles, mais je n'ai rien vu de cela dans votre mémoire. Pourriez-vous répéter cette partie? Je crois que vous avez formulé ces commentaires en français pendant votre exposé.
    Je pense que vous faites référence au fait que le CANAFE est assujetti à un examen du commissaire à la vie privée.
    Oui, c'est possible. Il se peut que j'aie manqué cette partie dans le mémoire écrit qui a été remis au comité. Pourriez-vous m'indiquer où je peux voir ces commentaires? Je pourrais ensuite passer à d'autres questions.
    En gros, c'est que nous devons respecter la répartition constitutionnelle des pouvoirs prévue par la charte et les droits des Canadiens en matière de protection des renseignements personnels, alors c'est ainsi qu'est conçu le régime. Il n'y a pas d'examen actif à cet égard.
    Il y en a un ou pas?
    Il n'y en a pas. Il serait intégré au processus plus large des examens quinquennaux.
    Pourquoi n'y en a-t-il pas? J'essaie simplement de comprendre, et je ne prétends absolument pas avoir votre expertise dans ce domaine. Pourquoi ne pas procéder à un examen actif de la répartition des pouvoirs? Ce sont des pouvoirs extraordinaires qui permettent de scruter les données financières de quelqu'un et d'en faire le suivi. Pourquoi ne pas examiner les choses de plus près? Pourquoi attendre aux cinq ans?
    Je ne suis pas certain de comprendre ce que vous voulez dire par « examen actif ». Le régime lui-même est assujetti à différents examens, notamment l'examen quinquennal du Parlement, alors j'estime que c'est un cycle d'examen approprié. Il faut comprendre que le CANAFE, et nous sommes ici aujourd'hui pour représenter le régime et le rôle du CANAFE, n'est pas autorisé à aller chercher des renseignements personnels.
    Voulez-vous ajouter quelque chose?
    Si je le puis, monsieur le président, j'ajouterais premièrement que ce sont les différents secteurs financiers du Canada qui fournissent des renseignements au CANAFE. Techniquement et légalement, nous n'avons pas la capacité d'accéder aux comptes bancaires des Canadiens. Toutes les données dont nous disposons nous proviennent des entreprises, et l'échange se fait selon certains critères. Il peut s'agir de critères objectifs, par exemple les transactions supérieures à 10 000 $ pour les transferts de fonds électroniques, car les débours excédant 10 000 $... La première chose à préciser est que nous n'avons pas accès directement à ces renseignements financiers.
    Est-ce que le CANAFE a déjà demandé de pouvoir accéder directement à cette information...
    Non.
    ...pour obliger les avocats chargés des dossiers à divulguer les renseignements?
    Non, en fait la loi a été conçue précisément pour que le CANAFE soit la seule organisation pouvant accéder à ces données. Ni les forces policières ni le SCRS n'ont accès à nos bases de données. C'est la première des choses.
    Aussi, c'est que nous ne pouvons divulguer les renseignements concernant le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes qu'à des fins de sécurité nationale. Si l'information peut s'avérer utile à une enquête et à des poursuites, nous allons la divulguer. Autrement, elle est gardée confidentielle.
    Vous avez parlé entre autres des attaques en France et en Australie. Est-ce que le CANAFE a divulgué des renseignements aux autorités dans l'un ou l'autre de ces cas?
    Si nous avons des renseignements pertinents dans nos bases de données, oui, nous les divulguons, mais je ne veux pas faire de commentaires sur des cas précis.
(0915)
    C'est davantage un commentaire de nature générale, je suppose.
    Comme nos séances sont publiques, il est difficile de savoir ce que vous pouvez divulguer ou non, car il est question de renseignements confidentiels. L'objectif est de savoir si notre régime est efficace, alors pouvez-vous me dire si des renseignements ont été divulgués à vos organisations concernant les attaques à Ottawa, par le CANAFE ou les traités d'entraide juridique? Est-ce qu'on a pu retracer la provenance de fonds employés pour commettre l'attaque du 22 octobre grâce à nos régimes?
    Je ne peux formuler de commentaires sur cet événement précis. Je peux cependant vous dire que nous avons effectivement divulgué des renseignements, et les renseignements divulgués sont soit une série de transactions, soit des données que l'institution financière nous a signalées parce qu'elle les jugeait douteuses. Par exemple, cela peut être que M. Untel a transféré tel montant d'argent.
    Ce sera compliqué pour nous, et très compliqué pour vous, je présume. Vous avez tous les deux fait référence à des attaques hautement médiatisées qui ont eu lieu ici et à l'étranger, et vos commentaires semblaient insinuer qu'il y avait peut-être un lien avec le financement d'activités terroristes, mais nous ne le savons pas. Nous ne savons pas si l'attentat d'octobre a été financé comme une activité terroriste. Est-ce que des fonds en provenance du Canada ont été transférés entre différentes institutions, ici et à l'étranger, pour financer l'attentat contre Charlie Hebdo ou celui commis en Australie? Est-ce qu'il y a des répercussions pour le Canada? Vous comprenez la question. Il est difficile d'évaluer si le régime est efficace si nous ne pouvons pas savoir si quelque chose est arrivé ou non.
    Pourriez-vous répondre brièvement à la question, s'il vous plaît?
    C'est que le CANAFE n'est pas un organisme d'enquête. Il reçoit effectivement des renseignements, qu'il transmet au SCRS, à la GRC ou aux services de police locaux. C'est en combinant les données sur les transactions financières et ce que savent les forces de l'ordre au sujet d'un individu qu'on peut découvrir certaines choses. En soi, les transactions ne révèlent pas nécessairement qu'il y a eu financement d'activités terroristes. Le financement du terrorisme peut avoir des sources légitimes — le salaire d'un particulier, par exemple — ou illégitimes, c'est-à-dire des fonds obtenus grâce à des activités illicites. Les transactions et les renseignements concernant une personne peuvent ensemble révéler quelque chose, mais les transactions à elles seules ne démontrent pas nécessairement que les fonds ont été utilisés à des fins répréhensibles.
    Merci.
    Monsieur Saxton, nous vous écoutons.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse au ministère des Finances.
    Monsieur Stewart, pouvez-vous nous dire où se situe le Canada par rapport à ses partenaires du G7 en ce qui a trait au financement d'activités terroristes?
    J'aimerais pouvoir vous donner une réponse quantitative, mais je ne peux pas.
    Sur le plan de la qualité, le régime du Canada est comparable à ceux des autres pays du G7. J'utilise comme référence l'examen du Groupe d'action financière, qui a été mené en 2011 puis complémenté en 2014. Notre régime est entièrement conforme aux normes du Groupe d'action financière. En ce sens, notre régime est rigoureux et efficace.
    Par rapport à la quantité de transactions, où nous situons-nous?
    Je l’ignore. Mais, pour répondre à cette question et en partie à la question précédente, le ministère des Finances est responsable du cadre et de la réglementation du régime ainsi que de la loi qui le régit. Nous n’avons pas accès à l’information opérationnelle. Puisqu’il regroupe un large éventail de partenaires, le régime découpe cette information, et avec raison. Le CANAFE obtient des informations des institutions financières et les transmet aux organismes d’application de la loi. Je vous recommande de poser ces questions sur l’information opérationnelle à la GRC, au SCRS et à l’ARC. Notre ministère ne fait pas le suivi du flux des transactions.
    Cela dit, nous avons mené un examen et sommes à préparer un rapport d’évaluation globale des menaces et vulnérabilité. Dans ce contexte, et avec l’aide de tous les partenaires du régime ainsi que certains partenaires externes, nous estimons que, de façon générale, le risque en matière de financement du terrorisme est plutôt faible comparativement à d’autres pays.
    Pourriez-vous nous parler un peu plus du rôle que joue le ministère des Finances dans la lutte contre le financement du terrorisme?
(0920)
    Nous sommes à la tête du régime qui compte 11 partenaires. Nous sommes membres du Groupe d’action financière où nous représentons le Canada. Le ministre des Finances est chargé de l'application de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et des règlements connexes. Nous coordonnons continuellement les réunions et les représentations du régime à l’extérieur.
    Merci.
    Ma prochaine question s’adresse aux représentants du CANAFE.
    Monsieur Cossette, y a-t-il une méthode privilégiée pour le transfert de fonds? Est-ce, par exemple, par voie électronique? Quelle est la façon la plus utilisée pour le transfert de fonds?
    Le transfert de fonds peut se faire de différentes façons, y compris par voie électronique. Il peut se faire également par la contrebande d’espèce, par l’échange de biens ou par un mécanisme informel où un individu donne de l’argent à un parent au Canada qui lui connaît quelqu’un à l’étranger. Dans ce cas, l’agent n’est jamais transféré, mais il y a une promesse de transfert. Essentiellement, les terroristes et les blanchisseurs d’argent utilisent tous les moyens à leur disposition. Il serait très difficile de déterminer quelle méthode est la plus utilisée.
    Y a-t-il eu une augmentation de l’utilisation des monnaies virtuelles, comme le bitcoin?
    Pas nécessairement. Selon nos fonds de données, je dirais non.
    Luc, aurais-tu quelque chose à ajouter à ce sujet?
    Vous n'avez rien remarqué en ce sens.
    Pourriez-vous nous dire où vont les fonds transférés aux terroristes?
    L’argent peut être acheminé à différents groupes par différents moyens. Certains individus transportent l’argent avec eux afin de financer leurs propres opérations à l’étranger. En fait, il est très difficile de définir qui reçoit quoi. Le SCRS serait peut-être mieux placé pour vous répondre, mais dès que l’argent quitte le Canada, nous avons une idée où il se retrouvera, si c'est dans une institution financière. Mais, par la suite, il est impossible de le savoir.
    D’accord. Est-ce que vous collaborez avec vos homologues étrangers?
    Oui. Nous sommes membres du Groupe Egmont, une organisation qui regroupe 147 pays, y compris le CANAFE. D’ailleurs, nous avons conclu un protocole d’entente avec 90 de ces pays.
    Donc, oui, nous partageons régulièrement de l’information avec eux.
    Partagez-vous également des pratiques exemplaires?
    Effectivement. En fait, nous apprenons les uns des autres. Dans le cadre du comité plénier du Groupe Egmont qui aura lieu en juin, CANAFE animera un séminaire sur le financement du terrorisme pour le compte du groupe.
    Finalement, il est souligné sur votre site Web que la plupart des transactions sont pour de petits montants. De combien parle-t-on?
    C’est un des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Les transactions de plus de 10 000 $ — c’est le seuil actuel — nous sont automatiquement déclarées. Nous savons que le financement du terrorisme se fait à plus petite échelle. Puisque nous n’avons pas accès aux transactions de moins de 10 000 $, il est impossible de quantifier les montants. Nous ne sommes informés que des transactions de 10 000 $ et plus. Toutefois, nous savons que des individus financent personnellement des montants de 300 $, 400 $, 1 000 $ ou 2 000 $.
    Avez-vous songé à modifier ce seuil de 10 000 $?
    En fait, avec notre partenaire financier, nous cherchons à réduire le seuil des transferts électroniques de fonds à 0 $. Pour le moment, c’est impossible, pour toutes sortes de raisons, notamment pour des raisons techniques. Nous n’avons pas les moyens techniques d’analyser un fonds de données aussi gigantesque. Nous recevons déjà 20 millions de déclarations par année. Avec un tel changement, ce nombre pourrait passer à 60, 70 ou même 80 millions de déclarations. Nous devons disposer de la capacité nécessaire pour conserver un tel fonds de données et nous y travaillons.
    Merci, monsieur Saxton.
    Monsieur Brison, vous avez la parole.
    Monsieur Cossette, vous dites qu’en octobre 2014, le nombre de transactions douteuses a augmenté de 22 %. Est-ce attribuable à une augmentation des activités de financement du terrorisme ou à une augmentation des activités des organismes d’application de la loi?
    À mon avis, monsieur le président, cette augmentation s’explique par deux choses. Premièrement, immédiatement après la fusillade survenue à Ottawa, nous avons transmis un courriel à toutes les entités déclarantes — étant donné que le nom de l'auteur avait été rendu public — leur demandant d’accéder à leurs fonds de données et de nous transmettre toute information relative à cet individu, pourvu qu’elle semble indiquer un possible blanchiment d’argent ou un possible financement du terrorisme. Donc, toutes ces entités ont été appelées à contribuer à l’effort. Elles nous ont transmis des informations, ce qui explique l'augmentation considérable des activités à ce moment. Deuxièmement, au cours des derniers mois, nous avons amorcé une sorte de tournée éducative, appelons-la ainsi, de toutes les entités déclarantes afin de leur montrer à quoi ressemble une déclaration d’opérations douteuses bien faite et de leur expliquer pourquoi il est nécessaire qu’elles produisent ces déclarations, et quels sont les indicateurs qu’elles peuvent utiliser pour déterminer s’il s’agit ou non d'opérations douteuses de financement du terrorisme.
    Ces deux choses ont contribué à une augmentation considérable des déclarations d'opérations douteuses, qui sont très révélatrices.
(0925)
    Une augmentation du nombre de déclarations ne signifie pas nécessairement qu’il y a une augmentation du nombre de transactions.
    Vous avez raison. Selon nous, une augmentation du nombre de déclarations peut s'expliquer par une augmentation du nombre d’activités, mais elle peut également s’expliquer par le fait que nos efforts correspondent davantage à ce que recherchent les organismes d’application de la loi. Nous sommes beaucoup plus à l’écoute de leurs besoins qu’auparavant.
    Étant donné la portée mondiale des institutions financières canadiennes et l’augmentation du nombre de paradis fiscaux, y a-t-il un chevauchement entre vos activités ou les activités conçues pour identifier le financement du terrorisme et celles conçues pour identifier les individus qui utilisent les paradis fiscaux pour éviter de payer des taxes au Canada? Y a-t-il un chevauchement de ses activités?
    Dans le cadre de notre relation avec l’ARC, nous divulguerons de l'information dans le cas de deux types de transactions. Lorsque nous recevons une déclaration de transactions douteuses, nous avons la capacité de divulguer cette information à l’ARC s'il s'agit de blanchiment d’argent ou d’évasion fiscale. Puisque notre mandat concerne le blanchiment d’argent, la transaction douteuse doit être liée au blanchiment d'argent ou à l'évasion fiscale.
    C’est le premier mécanisme à notre disposition, et nous l’utilisons. Nous avons déjà divulgué ce genre d’information à l’ARC par le passé.
    L’agence a-t-elle une obligation réciproque envers vous?
    Non.
    Depuis le 1er janvier 2015, l’ARC reçoit directement des entités déclarantes des rapports sur les transferts de fonds internationaux.
    Quelle est la raison d’ordre public qui explique que l’ARC n’est pas tenue de vous transmettre des informations sur de possibles activités de financement du terrorisme comme vous le faites pour l'agence lorsqu’il est question d'une évasion fiscale potentielle?
    L’ARC doit transmettre ces informations aux organismes d’application de la loi et agences de sécurité nationale avec lesquels elle collabore. Il s'agit d'un partenariat homogène. À moins de mener une analyse portant précisément sur les transferts de fonds internationaux, il est difficile pour l’ARC de distinguer le financement du terrorisme. L’agence se concentre principalement sur l’utilisation d’organisations à but non lucratif pour le financement illicite.
    Selon vous, le projet de loi C-51 aura-t-il un impact sur vos activités de suivi du financement du terrorisme?
    Pas du tout.
    D’ailleurs, CANAFE dispose de tous les outils nécessaires pour recevoir et divulguer l’information. Le projet de loi C-51 n’a aucun impact sur notre organisation. Nous conservons nos pouvoirs.
    Vous avez dit que vous alliez vous exprimer ouvertement, mais que vous ne pouviez pas fournir certains renseignements confidentiels.
    Seriez-vous en mesure de fournir au ministre plus de détails, par exemple, sur les algorithmes utilisés pour déceler le financement du terrorisme?
    Nous ne divulguons pas nos opérations au ministre des Finances. Nous ne divulguons ni noms, ni aucun détail sur les sommes d'argent.
    Nous divulguons des documents stratégiques sur les tendances, par exemple, mais aucune information sur les noms, les transactions ou les adresses, notamment — c’est exactement pour cela que la loi existe. La loi précise clairement qui peut recevoir l’information, et les ministres ne figurent pas sur la liste.
(0930)
    Merci, monsieur Brison.
    Monsieur Adler, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Madame et messieurs les témoins, merci d’avoir accepté notre invitation. Avant de passer à mes questions, j’aimerais lire quelques citations.
    D’abord, nous savons tous que les djihadistes radicaux ont déclaré la guerre au Canada. Nous sommes tous d’accord. L’EIIL a dit que ses membres viendraient à l’ouest pour boire notre sang.
    J’aimerais vous citer les propos d’un porte-parole de l’EIIL, Abu Mohammad al-Adnani, qui a dit:
Si vous pouvez tuer un infidèle américain ou européen — surtout un méchant et dégoûtant Français — ou un Australien ou un Canadien, ou n’importe quel autre infidèle parmi les infidèles qui nous font la guerre, incluant les citoyens des pays qui font partie de la coalition contre l’État islamique, fiez-vous à Allah et tuez-le d’une façon ou d’une autre.
    C’est la menace terroriste à laquelle nous sommes confrontés, et pas seulement au Canada, mais partout dans le monde.
    J’aimerais d’abord m’adresser à M. Cossette. Sortons des sentiers battus. Nous croyons que les gens et les organisations recueillent des fonds de façon traditionnelle, c'est-à-dire, en sollicitant de toutes sortes de façons. Mais, il y a d’autres façons de financer le terrorisme à l’étranger. Par exemple, il y a la « société légitime » qui dit oeuvrer dans le secteur de l’exportation et qui expédie de la marchandise destinée à être vendue à l’étranger pour financer des activités terroristes. Au Canada, cette société semble légitime.
    Que font les organismes d’application de la loi à ce chapitre?
    Étant que nous ne voyons que les rapports d'opérations financières, nous connaissons évidemment l'identité de ceux qui effectuent ces opérations, mais le simple examen des opérations ne nous permet absolument pas de déterminer si une opération est illégitime ou légitime. Il nous est toujours difficile de répondre lorsqu'on nous demande si nous effectuons un suivi du financement des groupes terroristes. Lorsque les gens font des opérations, ils ne se présentent pas comme des membres d'une organisation donnée. Donc, encore une fois, l'obtention de preuves quelconques découle de l'amalgame des données sur les transactions et les informations fournies par les organismes d'application de la loi.
    De prime abord, le simple examen des opérations ne prouve pas nécessairement qu'il y ait des activités illicites ou du financement d'activités terroristes. Le rapport comprend les opérations et les noms. En fait, si les organismes d'application de la loi nous demandaient si nous avons des informations sur Gérald Cossette, par exemple, nous étudierions la base de données pour trouver des opérations qui pourraient nous amener à soupçonner des activités de blanchiment d'argent. Les demandes des organismes d'application de la loi peuvent être plus précises; ils pourraient nous donner des informations sur le dossier sur lequel ils travaillent. Dans un tel cas, nous examinerions la base de données pour déterminer si les informations que nous avons pourraient leur être utiles, en fonction de ce qu'ils recherchent.
    Donc, l'amélioration des communications entre les organismes d'enquête et les divers organismes, c'est mieux. Bien.
    Absolument. En fait, le CANAFE, par exemple, est membre à part entière de l'Association canadienne des chefs de police. Nous participons donc aux réunions d'orientation sur les priorités et les opérations.
    Pour revenir à ce que vous avez dit précédemment, même s'il ne renforçait pas vos propres pouvoirs, le projet de loi C-51 renforcerait l'objectif global, qui est de cibler les activités terroristes et le financement du terrorisme au Canada.
    Monsieur le président, cette question ne relève pas de mon mandat, mais permettez-moi de répéter que le CANAFE dispose de tous les pouvoirs dont il a besoin pour recevoir et divulguer les informations pertinentes.
    Je suis conscient que vous ne pouvez parler qu'au nom du CANAFE, mais vous avez convenu qu'une amélioration de la communication et des pouvoirs accrus sont préférables et donneraient de meilleurs résultats, et c'est ce que permettrait le projet de loi C-51.
    Plus la collaboration avec nos partenaires est étroite, mieux c'est pour le régime.
    D'accord. Très bien; merci.
    Dans la société, on voit partout des affiches où il est écrit « Si vous voyez quelque chose, parlez-en ». Nous faisons appel à la vigilance de la population et lui demandons de signaler les activités suspectes. Par exemple, si une personne soupçonne qu'une activité quelconque est liée au financement du terrorisme, à qui doit-elle le signaler? Pouvez-vous décrire le processus d'enquête et parler de ce qui pourrait en découler? Comment un particulier peut-il lancer le processus?
(0935)
    Veuillez répondre en 30 secondes seulement, s'il vous plaît, monsieur.
    Essentiellement, monsieur le président, une des premières étapes est de communiquer avec les autorités locales d'application de la loi, avec les services de police. Si vous voyez quelque chose et que vous voulez le signaler, communiquez d'abord avec la police.
    Les gens peuvent aussi en informer volontairement le CANAFE. Ils peuvent se rendre sur notre site Web et nous envoyer leurs observations. Le CANAFE analyse ensuite ces informations. Si nous avons des motifs raisonnables de croire que ces informations et les données sur les opérations financières que nous avons peuvent être utiles dans le cadre d'une enquête sur le financement d'activités terroristes, nous envoyons ces renseignements aux organismes d'application de la loi et au SCRS, au besoin. Ensuite, je pense qu'il revient au SCRS et aux organismes d'application de la loi de faire enquête, car cela ne relève pas de nous.
    Il est important que les citoyens se manifestent et informent le CANAFE directement.
    Ils peuvent se rendre sur notre site Web.
    Merci.
    Chers collègues, je crois savoir que certains d'entre vous souhaitent se rendre à la Chambre pour entendre la déclaration sur le prolongement de la mission en Irak et la possible intervention en Syrie. Je cherche à connaître la volonté du comité. La déclaration aura lieu à 10 heures. Je ne sais pas si tous les membres du comité ou seulement quelques-uns d'entre eux souhaitent y assister. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Monsieur Cullen.
    Je me suis aussi renseigné à ce sujet auprès de quelques personnes. Nous accueillons d'importants témoins, mais il y aura une série de discours importants à la Chambre à compter de 10 heures. Je suis moi-même déchiré sur la question, car j'aimerais entendre les témoignages, mais il faut aussi tenir compte de l'obligation d'être à la Chambre pour quelque chose qui est manifestement important pour le pays.
    Je ne sais pas s'il y a moyen de concilier les deux. Les discours commenceront probablement après la période des affaires courantes, à 10 h 5. Monsieur le président, si le comité décidait de poursuivre ses travaux jusqu'à 9 h 45 ou 9 h 50, nous pourrions ensuite nous rendre à la Chambre. Cela serait-il acceptable? Nous l'avons déjà fait dans le passé; des membres du comité avaient poursuivi la réunion. Je ne suis pas certain qu'il y a... Je serais plus porté à vouloir me rendre à la Chambre, mais je souligne encore une fois que nous accueillons des témoins importants pour notre étude.
    Très bien. Y a-t-il d'autres commentaires?
    Monsieur Saxton.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis d'accord sur ce point. Je pense que la Chambre est saisie d'un enjeu important et que tous ceux qui veulent y aller devraient pouvoir le faire. Nous pourrions chercher à savoir si certains souhaitent rester ici pour poser des questions aux témoins. Si un nombre suffisant de gens souhaite rester, nous pourrions continuer. Autrement, nous devrions tous y aller, je pense. Je laisse à la présidence le soin d'en décider.
    Non; comme vous le savez, le président ne prend aucune décision unilatérale.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: L'option est la suivante: ceux qui veulent y aller y vont, et ceux qui veulent rester pour poser des questions aux témoins restent, mais pour cela, il faut trois membres du comité.
    Une voix: Nous en avons au moins un.
    Le président: Très bien. Je resterai, manifestement; cela fait donc deux. Quelqu'un d'autre souhaite rester?
    Très bien, monsieur Van Kesteren; nous resterons tous les trois, du moins jusqu'à...
    Dans ce cas, monsieur le président, peut-on convenir qu'il n'y aura aucune motion ni aucun vote?
    Très bien. Y a-t-il consentement unanime pour qu'il n'y ait aucune motion ni aucun vote?
    Monsieur Cullen.
    Monsieur le président, je m'interroge sur le temps nécessaire, étant donné que les trois chefs — et Mme May aussi, je pense — prononceront un discours. Je ne suis même pas certain qu'il y a une limite de temps. Je pense que le premier ministre et le chef de l'opposition peuvent parler aussi longtemps qu'ils le veulent. J'aimerais savoir si nous devrons revenir.
    Non. Après votre départ, la réunion se poursuivra jusqu'à l'heure prévue.
    Monsieur Saxton.
    Après mûre réflexion, je pense que nous devrions tous aller à la Chambre, mais je laisse mes collègues en décider. Évidemment, s'ils veulent rester, ils le peuvent, mais...
(0940)
    Eh bien, le comité doit indiquer au président ce qu'il souhaite faire. Manifestement, si la majorité souhaite mettre fin à la séance, c'est ce que nous ferons.
    Monsieur Van Kesteren.
    Oui, le secrétaire parlementaire a possiblement raison. Nous pouvons toujours demander aux fonctionnaires de revenir. Ce n'est pas comme si nous les avions fait venir de Vancouver, comme nous l'avons fait dans le passé. Il ne semble pas y avoir un consensus très fort. Je me rangerais donc à l'avis du secrétaire parlementaire. Mettons fin à la séance. C'est ce que je propose.
    Très bien. Est-ce convenu?
    Des voix:Oui.
    Le président: Merci.
    Nous passons à M. Dionne Labelle, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Messieurs, bonjour.
    Ma question s'adresse au représentant du CANAFE.
    Vous avez parlé de la nouvelle mesure qui impose aux institutions financières, bancaires et autres institutions de déclarer les transferts de 10 000 $ et plus à l'étranger. Vous avez mentionné un chiffre de 20 millions de ce genre de déclarations par année. Ai-je bien compris ce chiffre?
    Nous recevons 20 millions de déclarations en tout. Cela ne comprend pas seulement les télévirements internationaux, mais également toutes les sortes de déclarations.
    Évidemment, vous avez une grille d'analyse pour classer ces télévirements. De ce nombre, quel est le montant transféré à des organismes financiers en Irak, en Syrie ou en Libye, où les places financières sont gelées et où il n'y a pas de possibilité de transfert pour nos banques canadiennes? Pouvez-vous nous donner un montant qui aurait été transféré vers un de ces trois pays?
     Je ne peux pas confirmer de montant. Cependant, nous pourrions le vérifier.
    Je peux vous dire, par contre, qu'au cours des dernières années, le nombre de transferts vers la Syrie est presque tombé à zéro. Les montants destinés à la Syrie étaient minimes, soit dit en passant. Étant donné que nous avons 225 millions de rapports dans notre banque de données, nous ne considérons pas toutes les données. Cette information est donc fondée sur un échantillonnage. Les données semblent suggérer que les transferts ne se font plus vers la Syrie, mais vers certains villages ou villes turcs et irakiens situés à proximité de la Syrie. Il reste que le nombre de transferts est et a toujours été très petit.
    Avez-vous remarqué une augmentation des transferts vers la Turquie?
    Ou, mais il s'agit entre autres de transferts vers les organisations humanitaires, étant donné que de l'aide humanitaire est en effet dispensée en Turquie.
    D'accord. Je comprends.
    Par ailleurs, vous recevez environ 42 000 ou 43 000 rapports des services frontaliers. Dans le cas des gens qui quittent le pays avec 10 000 $ ou plus, classez-vous ces rapports selon la destination prévue pour ces voyageurs? Avez-vous une grille d'analyse à cet effet?
    Pas nécessairement. Cela a peut-être été fait sur le plan stratégique, mais pour notre part, nous suivons les transferts individuels, c'est-à-dire les transactions entre les individus ou entre les entités, si ce sont des compagnies.
    Par conséquent, la grille d'analyse est conçue en fonction d'un certain nombre de facteurs et elle est ajustée selon la demande que l'on nous fait. Par exemple, comme je le disais plus tôt, si la GRC nous demandait de l'information sur Gérald Cossette, nous lui communiquerions uniquement l'information pertinente dans le cadre de son enquête ou d'une poursuite judiciaire. Autrement dit, nous n'utilisons pas nécessairement toute l'information disponible. Il faut qu'elle suscite un soupçon quant au blanchiment d'argent ou au financement du terrorisme.
    Parmi ces 43 000 personnes, croyez-vous que certaines étaient parties à destination de pays qui sont présentement en guerre contre le djihad?
    C'est possible, mais la transaction elle-même ne démontre pas cela.
    Quels sont les éléments du rapport que vous recevez des services frontaliers?
    Il s'agit de rapports qui concernent l'individu et le montant. La destination finale n'est pas connue. Même si une personne quitte le Canada pour aller aux États-Unis, il est possible qu'elle aille par la suite un peu partout dans le monde. Il est impossible — du moins pour nous — de connaître la destination finale du voyageur.
(0945)
    Ma question s'adresse au représentant du ministère des Finances.
    Vous avez parlé de la possibilité que le Canada gèle des biens appartenant à des groupes, personnes ou entités qui appuient le djihad.
     Quelle est la valeur des biens qui ont été gelés à ce jour?
    Nous n'avons pas de données. En fait, les données sont rapportées à la GRC ou au Service canadien du renseignement de sécurité, mais elles ne sont pas rendues publiques.
    Si je comprends bien, ces données existent, mais vous ne les avez pas. Vous les avez transférées aux services frontaliers.
    Ce n'est pas le ministère des Finances, mais le ministère des Affaires étrangères ainsi que le ministère de la Sécurité publique qui sont responsables de ces deux lois. En vertu de celles-ci, les personnes qui sont au courant d'avoirs se trouvant dans des banques et pouvant appartenir à des groupes terroristes inscrits doivent rapporter la chose à la GRC ou au Service canadien du renseignement de sécurité. Nous ne disposons pas de cette information au ministère des Finances.
    D'accord.
    Merci, monsieur Dionne Labelle.

[Traduction]

    Madame Bateman, allez-y, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins. Je vous présente mes excuses pour l'interruption à venir.
    Mme Nadeau vient de parler de l'importance du signalement aux autres organismes. Vous l'avez mentionné, monsieur Stewart.

[Français]

    C'est également le cas pour M. Cossette et sans doute pour M. Beaudry.

[Traduction]

    J'aimerais d'abord m'adresser à M. Stewart pour savoir précisément comment fonctionne cet échange de renseignements. Nous avons toujours tendance à penser que les gouvernements mettent en place des silos qui ne favorisent pas l'échange de renseignements. En supposant que des renseignements doivent être communiqués, quel est le processus? J'aimerais savoir comment cela fonctionne, à qui vous communiquez les renseignements, et à quel moment. Je suppose que vous me direz seulement ce que vous êtes autorisé à divulguer, mais il me semble logique que ce soient là des renseignements que vous ne souhaitiez pas conserver. Espérons que cela ne fonctionne pas à sens unique au sein du CANAFE aussi.
    Monsieur Stewart, voulez-vous commencer?
    D'accord; merci.
    Je dois malheureusement vous dire que le fonctionnement du régime ne relève pas du ministère. Nous ne jouons donc aucun rôle quant au fonctionnement des organismes d'application de la loi et des organismes d'enquête.
    Certes, mais à qui communiquez-vous des renseignements, le cas échéant?
    Si nous recevions des renseignements, nous les transmettrions à la GRC, évidemment.
    Très bien. Je suis comptable agréée de profession. Au pays, il est possible que d'autres comptables aient accès à des renseignements. Je sais qu'il faut respecter la confidentialité des renseignements des clients, mais on parle de terrorisme, dans ce cas-ci.
    M. Rob Stewart: En effet.
    Mme Joyce Bateman: Donc, quels sont vos critères, si vous découvrez quelque chose? Êtes-vous à l'écart?
    Comme je l'ai indiqué, notre rôle est quelque peu effacé. Évidemment, mon collègue et le CANAFE oeuvrent dans le domaine de l'échange de renseignements. C'est leur rôle. On revient à une question qui m'a été posée plus tôt: le régime a mené à l'adoption de normes concernant la vigilance à l'égard de la clientèle, et nous essayons de conseiller les entités déclarantes. Plus de 30 000 entités déclarantes travaillent avec le CANAFE — ou pour le CANAFE, d'une certaine façon. Ces entités sont chargées de déterminer, au mieux de leurs capacités, s'il y a un risque ou un soupçon, puis d'en faire rapport au CANAFE. Ensuite, le CANAFE analyse le dossier et communique les renseignements, au besoin. Il existe un important mécanisme pour la communication des renseignements des entités déclarantes au CANAFE, puis du CANAFE aux organismes d'application de la loi.
    Monsieur Cossette, nous pourrons en parler davantage dans une minute, mais en ce qui concerne l'échange de renseignements avec l'ARC, vous avez mentionné plus tôt que vous avez deux critères à cet égard, dont l'évasion fiscale manifeste. Ne serait-il pas préférable de communiquer d'abord avec l'ARC au sujet de l'évasion fiscale? Examinez-vous le dossier vous-mêmes?
(0950)
    Nous recevons divers genres de rapports. Il y a notamment les déclarations d'opérations douteuses. Dans ces déclarations, la banque ou l'institution financière — cela pourrait être une banque ou un courtier en valeurs mobilières — indique les opérations qui sont considérées comme suspectes, et donne les motifs de ces soupçons. Ces organismes peuvent avoir décelé un écart entre les revenus et le salaire, ou avoir découvert que des gens transfèrent des fonds dans divers comptes bancaires à l'étranger dans des pays reconnus comme étant des paradis fiscaux, par exemple. Ils peuvent nous communiquer ces renseignements. Si les informations nous portent à croire qu'il y a des activités de blanchiment d'argent, nous pouvons décider d'en informer l'ARC. À titre d'exemple, une disparité entre les revenus et le salaire — une partie des revenus pourrait être de source illicite — pourrait laisser croire à des activités de blanchiment d'argent, ce qui est aussi le cas des transferts de fonds vers les paradis fiscaux.
    Vous évaluez toutefois le risque d'évasion fiscale?
    Nous examinons les risques, les cas suspects, puis l'ARC mène sa propre enquête en fonction de ses propres critères.
    Très bien.
    Nous avons divers organismes d'application de la loi. Il y a l'Agence des services frontaliers du Canada, la GRC et le SCRS. Pourriez-vous nous parler brièvement de votre collaboration avec ces organismes?
    La loi nous autorise à faire rapport auprès d'une multitude d'organismes d'application de la loi, comme vous l'avez indiqué, soit la GRC, l'ASFC, l'ARC et le SCRS, mais aussi auprès des services de police municipaux, s'ils sont concernés et si la divulgation des renseignements est exigée. S'il s'agit de financement d'activités terroristes ou d'une question de sécurité nationale, nous informerions aussi le SCRS. Toutefois, en raison de la nature des renseignements dont nous disposons et de la façon dont nous les avons obtenus, nous devons être prudents et nous assurer que les informations que nous transmettons aux organismes d'application de la loi sont valides en vertu de notre loi. Elles pourront ainsi être recevables si ces organismes choisissent de les présenter au tribunal. Nous devons avoir cela à l'esprit lorsque nous divulguons des renseignements.
    Merci, madame Bateman.

[Français]

    Je cède la parole à M. Côté.
     Je vous remercie beaucoup.
     Je voulais poser une question concernant une recommandation du comité du Sénat, qui avait fait une étude à ce sujet.

[Traduction]

    Un instant, monsieur Côté.
    J'ai cru comprendre que nous resterions jusqu'à 10 h 5, n'est-ce pas?
    Je croyais que la séance devait se terminer à 9 h 50. Je pensais que c'était ce qui avait été convenu.
    Je suis désolé, monsieur Côté.
    Je tiens à présenter des excuses aux témoins; nous devons mettre fin à la séance plus tôt que prévu. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus aujourd'hui et d'avoir répondu à nos questions.
    Chers collègues, je suppose qu'il est temps de nous rendre à la Chambre.
    Merci. La séance est levée.
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