Passer au contenu
Début du contenu

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 071 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 11 mars 2015

[Enregistrement électronique]

  (1605)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Il s’agit de la séance no 71 du Comité permanent des finances. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, notre étude porte sur l’impact des bas prix du pétrole sur l’économie canadienne.
    Je tiens à remercier nos témoins de se joindre à nous cet après-midi à Ottawa. Je m’excuse du retard occasionné par le vote et je crois comprendre que nous devrons voter de nouveau, mais nous vous savons vraiment gré d’être venus.
    Nous accueillons d’abord M. Jean-Thomas Bernard de l’Université d’Ottawa. Nous accueillons aussi M. Philip Cross, de l’Institut C.D. Howe; le professeur Wade Locke de l’Université Memorial de Terre-Neuve; M. Steven Ambler, également de l’Institut C.D. Howe; et, enfin, M. Craig Wright, premier vice-président et économiste en chef de RBC Groupe financier. Bienvenue.
    Je crois comprendre que M. Randall Bartlett, du Groupe financier Banque TD, a dû nous quitter en raison d’une urgence personnelle, alors nous espérons que ce n’est rien de trop grave.
    Vous disposez chacun de cinq minutes. Si vous pouviez parler moins longtemps, nous vous en saurions gré.

[Français]

     Professeur Bernard, vous avez la parole.
    Je vais seulement faire quelques brefs commentaires.
    J'aimerais rappeler ce qu'on entend par la « maladie hollandaise ». C'est le fait que l'accroissement de l'exploitation d'une ressource naturelle ou d'un ensemble de ressources naturelles cause une hausse du taux de change, ce qui induit une baisse relative du secteur manufacturier. C'est la définition standard.
    Un de mes collègues a analysé le phénomène de façon très assidue. Il a essayé de mesurer cet effet sur l'économie canadienne pour la période de croissance des années 2000. Son étude montre qu'environ 42 % de l'effet induit sur le secteur manufacturier attribuable à la hausse du taux de change provient de la hausse du prix des matières premières.
    Il y a des débats sur le mécanisme qui cause cet effet négatif pour le secteur manufacturier, mais en général, on met l'accent sur la hausse des prix internes des services au Canada par rapport à ce qui se passe ailleurs, hausse qui induit un effet négatif pour l'ensemble du secteur manufacturier.
    J'aimerais rappeler deux autres points qui ne sont pas souvent mentionnés par rapport à ce débat.
    Le professeur James Hamilton a observé une relation négative entre la hausse du prix du pétrole et l'activité économique à l'échelle mondiale. C'est un effet de plus sur les manufacturiers canadiens. En effet, si la hausse du prix du pétrole a un effet négatif sur l'activité économique à l'échelle mondiale, cela entraîne évidemment un effet négatif sur le secteur manufacturier canadien, indépendamment de tous les autres effets qui peuvent se produire.
    Il faut aussi se rappeler que le Canada est un grand pays et que les coûts de transport sont relativement plus importants pour l'économie canadienne que pour les autres économies des pays industrialisés. Donc, une hausse du prix du pétrole se répercute sur le secteur du transport, ce qui crée des difficultés additionnelles pour les manufacturiers canadiens.
    Le dernier point concerne un débat qui a cours parmi les économistes en ce qui a trait à l'effet de cette diminution relative du secteur manufacturier ou l'effet sur la productivité générale de l'ensemble de l'économie canadienne. J'aimerais simplement dire que cette question n'est pas réglée, même si on entend assez souvent des commentaires au sujet de cette relation.

  (1610)  

    Je vous remercie de votre présentation.

[Traduction]

    Merci de m’avoir invité, surtout de m’avoir placé à côté de mon directeur de thèse à l’Université Queen’s. Je m’attends à recevoir une note à la fin de ma présentation.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Philip Cross: Si on m’interrompt en plein milieu, vous saurez pourquoi.
     J’ai fourni une version écrite de ma présentation en français et en anglais, alors pour faire court, je ne la lirai pas. Il y a deux ou trois points principaux que je voulais porter à votre attention. Premièrement, cette industrie est cyclique. Elle a connu des baisses marquées en 1986, en 1998 et en 2009. J’aimerais parler de celle de 1998. Elle ressort parce que c’est l’époque où la production de pétrole brut classique a atteint un sommet au Canada et que nous avons commencé à nous en remettre à long terme aux sables bitumineux pour obtenir notre pétrole.
    L’importance de cet exemple est qu’il montre que même lorsque les prix sont bas, d’autres variables peuvent être très importantes pour déterminer la voie que prendra cette industrie, comme des changements au plan technologique ou au plan de la politique fiscale. En 1998, l’Alberta a modifié ses règles concernant les redevances pétrolières, ce qui a contribué à l’essor de cette industrie. Le public a tendance à s’attacher uniquement au prix, et ce n’est pas le seul facteur à prendre en considération à long terme.
    L’autre point que j’aimerais porter à votre attention est que les récessions dans le secteur des ressources en général, et dans l’industrie pétrolière en particulier, diffèrent grandement des récessions dont nous avons l’habitude. J’ai été responsable de l’analyse du cycle économique. J’ai étudié les récessions pour Statistique Canada. Je déterminais leur début et leur fin. J’ai passé beaucoup de temps à les étudier. Normalement, une récession dans l’industrie automobile et l’industrie de l’habitation est caractérisée par une réduction massive de la production et de l’emploi. C’est différent dans le secteur des ressources.
    Qu’est-ce qui se passe dans le secteur des ressources? J’ai distribué un graphique pour montrer ce qui s’est produit dans l’industrie de la fabrication par rapport à l’industrie pétrolière au cours des dernières décennies. Vous pouvez voir que lorsque la production pétrolière diminue, les baisses sont très faibles, de l’ordre de 1 à 2 %. Dans cette industrie, les récessions influent davantage sur les prix et les profits que la production et l’emploi.
    La dynamique de ces récessions est très différente. Il y aura une production réceptive à long terme au fur et à mesure que l’investissement se tarit, mais pas la baisse marquée de la production que l’on observerait dans l’industrie du montage automobile ou celle de l’habitation. Je vous rappelle que les récessions dans le secteur des ressources sont très différentes des récessions dans bien d’autres industries.
    Merci beaucoup, monsieur Cross.
    Nous allons maintenant entendre le témoignage de M. Locke.

  (1615)  

    Pour faire court moi aussi, je vais simplement passer en revue deux ou trois diapositives. Je vous ai fourni une série de diapositives complète.
    Je ferais remarquer que l’industrie pétrolière et gazière a été de la plus haute importance pour Terre-Neuve-et-Labrador. Depuis que l’industrie a été fondée en 1997, nous avons produit environ 1,5 milliard de barils de pétrole, ce qui représente 110 milliards de dollars. Nous avons perçu des redevances de l’ordre de 18 à 19 milliards de dollars et avons fait des investissements de l’ordre de 34 à 35 milliards de dollars dans le développement et les activités courantes.
    Environ 4 % de notre main-d’oeuvre travaille directement à Terre-Neuve tandis que 4 ou 5 % de nos effectifs travaillent en Alberta, dans l’industrie des sables bitumineux. L’incidence immédiate de la chute du prix du pétrole se traduira par les mises à pied et les reports de projets en Alberta. Cela aura des répercussions dramatiques et remarquables sur notre économie en particulier. Ensuite, les effets se feront sentir sur le Trésor. Nous accusons maintenant un déficit considérable, que nous devrons gérer, à cause du prix relativement faible du pétrole. Pendant les quatre dernières années, le prix du baril de pétrole se situait autour de 105 $, mais cela a changé soudainement. Nous traversons une période de changements importants au plan des dépenses et au plan fiscal.
    Hibernia est le deuxième gisement exploité dans l’histoire canadienne. Sa production est moins importante que celle de Pembina, mais l’Est canadien produit une quantité appréciable de pétrole. Je ferais remarquer que les répercussions sur le Canada se feront d’un certain nombre de façons. La première se fera sentir pas le truchement de la péréquation, en raison de la baisse des revenus pétroliers attribuables à la baisse des prix du pétrole de l’Alberta, de Terre-Neuve, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique. Les effets se feront sentir dans deux ans, par le truchement, notamment, de la réduction des paiements versés à l’Ontario au titre de la péréquation.
    C’est intéressant de regarder les prévisions. Nous nous attendons à commencer à retrouver l’équilibre d’ici la fin de l’année. Gardez à l’esprit que toute cette perturbation dans le secteur pétrolier et gazier est attribuable à une offre excédentaire de 1 à 2 % qui a entraîné une chute des prix de 60 %.
    C’est difficile à comprendre. Il y a aussi beaucoup d’incertitude en ce qui touche les prévisions concernant l’offre, en grande partie en raison de la production du pétrole de schiste. D’ici à 2020, nous prévoyons que la production augmentera à 100 millions de barils par jour comparativement aux 93 à 94 millions de barils actuels. On ne sait pas exactement d’où proviendra ce pétrole. L’on s’attendait à ce qu’il vienne, en grande partie, de l’Irak et de la Libye, et ce n’est pas la totalité de ce pétrole qui provient du schiste.
    Un autre point que j’aimerais faire remarquer est qu’une bonne partie des économies dont il est question s’agissant du schiste ont déjà été réalisées. On a fait des forages aux endroits idéaux ou aux endroits 10 fois plus productifs que la marge. Ce n’est pas du tout clair que l’on puisse continuer de produire dans cette mesure. En fait, les chiffres les plus récents publiés il y a quelques jours dans le rapport de forage tiré de l’étude d’impact environnemental montrent qu’en avril, nous nous attendons à une baisse de la production dans trois des quatre principaux projets d’exploitation du schiste. On part du principe que la demande n’augmentera pas non plus en Europe, au Japon ou ailleurs. Il suffirait d’un changement minime à l’un de ces endroits pour enregistrer une hausse des prix très marquée.
    En ce moment, nous avons un problème à court terme; la question est de savoir pour combien de temps. Le problème à long terme est qu’il n’y a pas suffisamment de pétrole de schiste ou d’autres sources de rechange aux prix actuels pour que cela se produise. Si les prix devaient rester à 60 $, nous aurions aussi des problèmes à Terre-Neuve au plan de l’exploitation extracôtière.
    Je vais en rester là. Merci.
    D’accord. Merci beaucoup de votre présentation.
    Nous allons maintenant entendre le témoignage de M. Ambler.
    Mes commentaires s’appuieront sur le document que j’ai fourni, qui était, en gros, le Verbatim publié le 2 mars par l’Institut C.D. Howe. Vous en avez peut-être reçu des copies à l’avance. Si tel n’est pas le cas, vous trouverez le document sur le site Web de l’institut.
    Encore une fois, pour faire court, je vais laisser un tas de sujets de côté.
    Mes commentaires s’appuient sur la réunion que nous avons tenue avant l’annonce des taux d’intérêt de janvier par la Banque du Canada et aussi sur la compilation des présentations écrites des membres du conseil de politique monétaire à l’Institut C.D. Howe. Nous avons convenu que l’incidence globale de la chute récente des prix du pétrole est négative.
    Chez les membres du conseil de politique monétaire, le degré de pessimisme variait. Ils ont tous convenu, cependant, que la plupart des répercussions négatives influeraient immédiatement sur l’économie canadienne, tandis que les répercussions positives sont plus incertaines et généralement sujettes à des retards plus longs.
    Je remarque en passant, et avec intérêt, que la propre évaluation que la Banque du Canada a faite de l’incidence de la baisse des prix du pétrole est plutôt négative, alors que le dernier procès-verbal du Federal Open Market Committee montre que son évaluation de l’incidence sur l’économie américaine est, tout compte fait, positive. Or, je sais qu’il existe de nombreuses différences structurelles entre les deux économies, mais si l’on prend l’importance du secteur pétrolier dans les deux, au Canada, il représente 3 %, ce qui donne une incidence globale négative, tandis qu’aux États-Unis, il représente environ 1 % du PIB. Alors la meilleure solution se trouve peut-être entre les deux, à 2 %.
    Si la situation est compliquée, c’est en raison des liens complexes entre les intrants et les extrants entre, d’une part, le secteur pétrolier et, d’autre part, divers secteurs de l’économie, comme ceux de la fabrication et des transports. Nous avons toute une liste de répercussions potentiellement négatives ou positives.
    Je vais passer aux incidences positives potentielles, qui résultent surtout de la dépréciation réelle du taux de change qui a accompagné la récente baisse des prix du pétrole et qui a été, en fait, stimulée d’environ deux ou deux cents et demi de plus le dollar grâce à la réduction, en janvier, des taux d'intérêt par la Banque du Canada. L’on pourrait s’attendre à une hausse de la demande d’exportation, des incitatifs pour que l’industrie de la fabrication et d’autres industries augmentent leurs capacités de production, et une nouvelle préférence des consommateurs pour les produits canadiens au détriment des importations.
    Pour ce qui est des répercussions de cette réalité sur le plan des politiques, un message fort que j’aimerais vous transmettre — et il s’agit plus d’une opinion personnelle que de l’opinion générale du conseil — est qu’il ne faut jamais tirer de conclusions des changements de prix. C’est, en quelque sorte, un message d’introduction économique de base.
    Afin d’analyser les répercussions à moyen et à long terme sur les prix changeants, par exemple, des exportations canadiennes, il est primordial de savoir dans quelle mesure la diminution des prix du pétrole est un facteur lié à l’offre, avec une offre croissante découlant d’investissements précédents — le soi-disant gaz de schiste et la fracturation hydraulique — ou si la diminution du prix reflète la faible croissance prévue de l’économie mondiale. Bien entendu, comme les experts sont, en fait, divisés à ce sujet, votre point de vue sur des éléments comme les exportations canadiennes futures pourrait être beaucoup plus optimiste ou pessimiste.
    À mon avis, une recommandation fondamentale que nous avons faite est que la Banque du Canada soit très explicite lorsqu’elle évalue les raisons de la chute récente des prix du pétrole. Je crois que certains membres du conseil craignaient que la réduction des taux résulte d’une évaluation pessimiste des perspectives de croissance économique mondiale, et cela pourrait influer négativement sur les attentes relatives à l’inflation pour l’économie canadienne.
     De mon côté, je recommande aussi que l’on fasse preuve de prudence et que l’on réfléchisse longuement à la politique monétaire, car j’estime que les erreurs les plus importantes qui ont été commises à cet égard au cours des 45 dernières années — non seulement au Canada, mais dans le monde entier — ont été, en gros, le défaut de répondre adéquatement aux chocs des prix pétroliers.

  (1620)  

    Cela comprend la grande inflation des années 1970 — tout le monde n’est pas d’accord, par contre — et même le fait que, alors que le revenu nominal aux États-Unis baissait rapidement, la réserve fédérale américaine a maintenu les taux d’intérêt à un niveau assez élevé en 2008 par crainte de l’inflation à une époque où le prix des produits et du pétrole étaient à la hausse.
    Merci beaucoup pour votre présentation.
    Nous allons maintenant entendre le témoignage de M. Wright.
    Merci, monsieur le président, et merci aussi aux membres du comité. Je suis ravi de pouvoir être ici et je me réjouis à la perspective de répondre à vos questions.
    Pour enchaîner sur ce que Steve a dit, les estimations quant aux répercussions varient grandement. Je pense qu’elles vont de légèrement négatives à très négatives, la tendance la plus à la baisse semblant être celle de la Banque du Canada. Nous estimons qu’elles sont légèrement négatives, ce qui, je crois, se rapproche plus des estimations du ministère des Finances à l’échelon fédéral.
    Lorsque l’on étudie les répercussions sur l’offre et la demande, il faut prendre trois choses en compte. Quelle est la cause? Comme Steve l’a suggéré, c’est différent si cela vient d’un côté plutôt que de l’autre. Nous pensons que la plupart des conséquences que nous voyons sont attribuables à l’offre excédentaire; le prix est ajusté en conséquence. En cas de brusque variation de la demande, on ferait le suivi de la faible demande pour l’ensemble de nos exportations, pas seulement au plan des ressources énergétiques; cette demande est répartie et plus négative. Il y a ensuite les questions de la profondeur et de la durée.
    Souvent, on se rend compte que la meilleure solution pour régler le problème de la baisse des prix du pétrole est la baisse des prix du pétrole, car les marchés répondent. Les prix réduits stimulent la demande. Bien des pays produisent du pétrole, mais ce sont tous les pays qui utilisent les produits pétroliers. Nous constatons aussi une réduction de l’offre. Certaines données sur le nombre de forages suggèrent que cela est déjà en train de se produire. Cette réduction jette les bases du rétablissement des prix du pétrole. Nous croyons que cela se fera au cours de la deuxième partie de l’année et au début de l’année prochaine. Tels sont les aspects économiques des prix du pétrole. Bien sûr, la politique des prix du pétrole est fort différente, ce qui explique pourquoi l’incertitude est si élevée.
    Lorsque nous examinons l’incidence sur l’économie, nous tenons compte de l’incidence réelle et de l’incidence nominale. L’incidence réelle sera négative en ce qui concerne les investissements dans l’énergie, c’est-à-dire les répercussions négatives à Terre-Neuve-et-Labrador, en Alberta et, dans une moindre mesure, en Saskatchewan.
    Il y a des compensations. Selon nous, elles offrent un allégement fiscal important aux consommateurs, en particulier ceux des États-Unis, qui dépenseront cet argent, rehaussant ainsi les exportations canadiennes. Cela a aussi des répercussions positives pour les Canadiens. Comme ils consacrent moins d’argent à l’achat d’essence, ils peuvent se servir des sommes qu'ils économisent pour se procurer d’autres biens.
    C’est aussi conforme à la faiblesse du dollar canadien. Nous ne connaissons pas tous les facteurs qui stimulent le dollar canadien — ils sont nombreux —, mais sur une longue période, nous observons un lien assez serré entre les prix du pétrole et celui des produits et le dollar canadien en général, ce qui en fait donc une devise plus concurrentielle. La perception de ces compensations laisse entendre que les choses s’amélioreront au plan des exportations, que les dépenses des consommateurs devraient s’accroître et que les investissements dans les secteurs autres que l’énergie devraient aussi s’améliorer au fil du temps.
    Le côté nominal est celui où l’on peut observer l’incidence la plus marquée et c’est le prix de ce que le Canada produit. Le prix de nos produits baisse, alors nous constatons que le PIB nominal diminue. Cette baisse se traduit par une réduction des bénéfices des sociétés et des revenus gouvernementaux. Leurs retombées économiques potentielles dépendent en partie des mesures que prennent les sociétés en ce qui concerne les suppressions de postes ou ce que les gouvernements font lorsque la ligne productive semble être un peu affaiblie. Y a-t-il des hausses d’impôts ou des réductions de dépenses? Je crois que c’est le risque qu’il faut prévoir.
    La plupart des provinces qui ont été touchées sont plus solides que d’autres au plan fiscal. Je crois que les chiffres fédéraux sont fiables au plan des excédents pour l’avenir.
    Le risque, tel qu’il a été suggéré plus tôt, est que l’on connaisse les incidences négatives à court terme et que les compensations soient moins certaines et qu’elles apparaissent à moyen terme. Cela maintient l’incertitude à un niveau assez élevé.

  (1625)  

    Merci beaucoup de votre présentation.
     Nous allons commencer la ronde de questions de cinq minutes avec M. Cullen.
    Merci, monsieur le président. Merci à nos témoins. Je trouve que c’est incroyablement stimulant d’essayer de comprendre ce que nous montrent les indicateurs.
    Je veux d’abord clarifier un point. Je crois que nous avons assisté à un type de lutte entre les membres de l’Institut C.D. Howe, ou plutôt de « débat ».
    Dans votre rapport, monsieur Ambler, je crois que vous en avez parlé et je veux comparer vos propos à ceux de M. Cross concernant le temps nécessaire pour ressentir les effets sur les industries des ressources naturelles.
    Monsieur Cross, de manière générale, vous avez dit que le secteur des ressources naturelles ne réagit pas immédiatement et rapidement à un changement de prix comme celui-là.
    Cependant, dans votre rapport, monsieur Ambler, il a été convenu que:
Autrement dit, l’incidence négative pourrait se manifester plus rapidement que le prévoient les modèles traditionnels, car les sociétés ajustent rapidement leurs plans d’immobilisations.
    J’ignore s’il y a contradiction, mais dans votre témoignage d’aujourd’hui, monsieur Cross, vous avez parlé d’une tendance dans le secteur des ressources naturelles à délaisser moins rapidement certains investissements.
    Monsieur Ambler, les économistes que vous avez consultés ont parlé du caractère unique du secteur, qui est capable de se remettre beaucoup plus vite et de ressentir ces répercussions négatives plus rapidement.
    Vous ai-je bien compris, monsieur Cross, ou suis-je dans l’erreur?
    Clarifions d’abord la situation. Steve est ici pour parler officiellement au nom de l’Institut C.D. Howe, tandis que je suis venu témoigner à titre personnel. Il se trouve que je suis chercheur à l’institut, mais je n’ai pas coordonné ma réponse avec la sienne, comme vous l’avez peut-être remarqué. Je ne crois pas que nos propos soient contradictoires.
    Je fais valoir que l’on ne voit pas les compressions. Lors de la récession de 2008-2009 dans les industries de l’habitation et de l’automobile, les mises en chantier de maisons ont chuté de 35 % et la production sur les chaînes de montage d’automobiles aussi. La production de pétrole ne chutera pas de 35 % cette fois-ci.
    Le système est trop dynamique.
    Ce n’est pas vraiment le fait qu’il soit trop dynamique, car le pétrole exige beaucoup d’investissements. Une fois qu’une usine de traitement de sables pétrolifères est mise en marche, elle n’est jamais arrêtée, sauf dans les circonstances les plus extrêmes.

  (1630)  

    Vous annulez de futures…
    La première chose que vous remarquerez est une réduction des investissements. En 2008-2009, nous avons vu dégringoler la production et les investissements dans le secteur automobile. À ce stade, dans l’industrie pétrolière, vous verrez peu ou pas de changement dans la production, mais vous remarquerez une baisse importante des investissements, ce qui fera baisser la production future, mais pas actuelle.
    Chers collègues, j’entends la sonnerie. Puis-je présumer que l’on consent à poursuivre nos travaux pour l’instant?
    Des voix: D’accord.
    Merci, monsieur le président. Merci de votre réponse, monsieur Cross.
    Le débat concernant la réaction du côté de l’offre ou de la demande semble… Il est question d’économie, alors nous ne cherchons pas à dégager un consensus, mais il serait fondamental de comprendre le mieux possible cette question particulière pour ensuite déterminer les mesures que le gouvernement fédéral peut prendre dans un budget.
    Y a-t-il une corrélation entre le fait de comprendre la cause de la chute des prix et d’avoir la confirmation d’avoir vu juste et le type de budget qui, selon vous, devrait être dressé, ou n’existe-t-il aucun lien entre les deux?
    S’il l’on prend le côté de l’offre, cela change-t-il la portée et la nature de toute initiative budgétaire ou économique éventuelle du gouvernement? Est-ce la même chose dans le cas contraire?
    J’avais mentionné un déséquilibre au chapitre de l’offre plutôt qu’au chapitre de la demande.
    Je pense que si nous examinons les données enregistrées pendant l’année 2014, nous constatons que l’offre devançait la demande. Comme je l’ai laissé entendre plus tôt, l’écart n’était pas énorme, mais nous avons vu les prix régresser légèrement, et c’était logique. Comme je le fais observer, cela prépare le terrain pour le rétablissement éventuel des prix du pétrole. Si vous examinez certaines des enquêtes et certains des intrants du processus de prévision budgétaire, que ce soit à l’échelle provinciale ou fédérale, vous constaterez qu’on prévoyait initialement un rétablissement.
    Puis, on a remarqué — ou, pour être plus exact, on a omis de remarquer — qu’un ralentissement était survenu le 27 novembre. La réunion de l’OPEP a eu lieu ce jour-là. L’OPEP fait ce qu’elle fait habituellement, et je pense que tout le monde supposait qu’elle prendrait ses mesures habituelles. Cependant, elle ne l’a pas fait en raison de certains sujets d’inquiétude, de l’existence de théories conspirationnistes ou de la force motrice de cette tendance, quelle qu’elle soit. Je crois que les perspectives quant au prix du pétrole sont encore plus incertaines que d’habitude, parce qu’elles ne dépendent pas nécessairement des seuls facteurs économiques, mais aussi d’enjeux politiques.
    L’un des membres de notre dernier groupe d’experts a indiqué qu’en parlant de la possibilité de produire 300 000 ou 400 000 barils supplémentaires par jour, les Saoudiens avaient déclenché la réaction la plus vigoureuse qu’un non-événement ait jamais provoquée. Les marchés ont réagi, ce que nous avons remarqué. Le caractère politique de cette réaction est important, car il influe sur l’économie et sa production.
    Si on laissait l’économie se débrouiller par elle-même et le marché réagir comme bon lui semble, le proverbe répandu qui dit que, pour remédier aux faibles prix du pétrole, il faut produire du pétrole se révélerait véridique. L’ajout de facteurs géopolitiques, comme les agissements des Saoudiens et des Russes, à cette équation ne risque-t-il pas, à tout le moins, de perpétuer ces prix, de l’ordre de 50 $ par baril? Est-il raisonnable de le supposer compte tenu de la combinaison de ces deux éléments?
    Oui
    En effet.
    Quelques membres du conseil ont émis l’hypothèse selon laquelle certains pays, notamment la Russie et l’Iran, ont essentiellement des besoins fixes à satisfaire en matière de revenus provenant des redevances, dans la mesure où ces pays ne font pas l’objet de sanctions. On suppose que la courbe d’offre de pétrole de pays comme la Russie et l’Iran pourrait être inclinée vers le bas. C’est ce qu’accomplit la politique, n’est-ce pas? À mesure que les prix régressent, ces pays doivent extraire plus de pétrole pour satisfaire leurs besoins en matière de revenus.
    Ce qui a pour effet d’abaisser encore plus les prix du pétrole ou de les maintenir au même niveau.
    Exactement. Cela accroît certainement l’incertitude.
    Merci.
    Merci, monsieur Cullen.
    Nous allons passer à M. Saxton.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également nos témoins de leur présence parmi nous aujourd’hui.
    Je partagerai mon temps avec Mme Bateman.
    J’adresse ma première question à Steven Ambler de l’Institut C.D. Howe.
    Monsieur Ambler, cette baisse du prix du pétrole est-elle étrange ou différente de celles du passé? Ou partage-t-elle les caractéristiques des baisses précédentes?
    Je pense que sa structure présente des différences. Je veux dire que le prix du pétrole a reculé plus rapidement et plus fortement que lors des baisses précédentes.
    Craig a mentionné l’OPEP. La part de la production mondiale de pétrole attribuable à l’OPEP a en fait considérablement diminué. Même si les Saoudiens ou l’OPEP souhaitaient réduire leur production pour faire remonter les prix du pétrole, ils n’ont plus autant d’influence sur ces prix.
    Je pense que des différences existent.

  (1635)  

    Merci.
    Craig, j’ai également une question à vous poser.
    Selon vous, quelle incidence cette correction des cours du pétrole aura-t-elle sur le PIB du Canada de cette année?
    Elle a eu un léger effet négatif sur le PIB réel. Comme je l’ai fait observer, il est clair qu’elle aura des répercussions négatives qui ne tarderont pas à transparaître, et c’est la raison pour laquelle la plupart des gens ont connu un premier semestre faible. Les aspects positifs, comme la croissance des exportations et les investissements dans les secteurs non énergétiques, se manifesteront avec un peu de retard. Nous pensons qu’une grande partie de ces effets bénéfiques seront enregistrés dans le secteur manufacturier. Si vous examinez le rééquilibrage qui est survenu d’une province à l’autre, vous constaterez que le niveau de l’Alberta et de Terre-Neuve-et-Labrador a été abaissé alors que celui de l’Ontario a été élevé afin de tenir compte de la reprise dans le secteur manufacturier imputable à l’économie américaine et à la valeur plus concurrentielle du dollar canadien.
    Cela a donc eu un léger effet négatif sur le PIB réel et un effet plus important sur la valeur nominale de notre production.
    Enfin, que prévoyez-vous qu’il adviendra des prix du pétrole dans trois ans?
    Nous croyons qu’ils augmenteront.
    La valeur moyenne du baril depuis le début de l’année s’élève à 53 $, et nous pensons que, l’année prochaine, elle s’élèvera à 77 $. Nous estimons que, pendant la première moitié lente de l’année, le prix du baril pourrait même s’abaisser par rapport à sa valeur actuelle et devenir légèrement inférieur à 50 $, puis il augmentera pendant la deuxième moitié de l’année ainsi que pendant l’année prochaine. Nous croyons toujours qu’à long terme, la vitesse de croisière des prix du pétrole sera plus élevée.
    Autrefois, nous pensions qu’un baril était censé coûter 25 $. Par contre, l’OPEP visait un prix oscillant entre 22 et 28 $. Maintenant, nous pensons que, compte tenu des taux de croissance économique différents à l’échelle planétaire, des coûts plus élevés des capitaux, des découvertes plus modestes, etc., son prix devrait probablement augmenter et s’établir à long terme dans la fourchette de prix allant de 70 à 80 $.
    Merci beaucoup.
    C’est merveilleux.
    Je vous remercie tous d’être venus, et je vous prie d’accepter nos excuses les plus sincères pour l’abrégement de la séance.
    Monsieur Cross, vous avez parlé du caractère cyclique de l’industrie, et vous avez fait allusion à d’autres moments où des fluctuations incroyables ont été enregistrées. Toutefois, vous avez ensuite fait observer que le prix du pétrole n’était pas le seul élément qui fluctuerait à long terme. Je me demande, monsieur, si vous pourriez me fournir des renseignements supplémentaires à ce sujet.
    Bien sûr.
    Je pense que l’histoire est très révélatrice. Pour reprendre l’ancien dicton selon lequel il ne faut jamais gaspiller une bonne crise, je dirais que l’industrie n’a pas gaspillé la crise de 1998. Alors même que les prix du pétrole chutaient jusqu’à 10 $ par baril, je pense, l’industrie a entrepris, pendant cette période, une conversion remarquable en passant d’une production conventionnelle à une production non conventionnelle. Les producteurs sont arrivés à le faire parce qu’ils ont changé de technologie. À l’époque, ils utilisaient les anciens excavateurs à roue-pelle pour extraire le pétrole des sables bitumineux. Puis quelqu’un a eu l’idée de gratter ces sables, de les déposer dans d’énormes camions et de les livrer directement aux usines de valorisation. À la même époque, l’industrie est devenue plus rentable en raison de l’adoption en 1998 de changements au régime albertain de redevances.
    Nous avons tendance à être obsédés par les prix, mais ce n’est pas le seul facteur à surveiller. Cette industrie est en train de subir des changements technologiques. Plus de la moitié de la production canadienne de pétrole provient des sables bitumineux, mais bientôt plus de la moitié de cette production sera produite sur place au moyen du drainage gravitaire renforcé par la vapeur. Chaque fois que des photos de l’exploitation des sables bitumineux paraissent dans les journaux, on voit toujours des camions gigantesques, entre autres choses. Bientôt, ils devront mettre à jour ces photos. L’industrie sera très différente et beaucoup moins visible dans les années à venir.
    Craig, vous pourriez peut-être parler également de cet aspect positif.
    Je précise brièvement que, si vous examinez la période de 1998 à 1999, vous constaterez que la chute des prix avait été beaucoup plus importante. Entre le sommet et le creux, les prix avaient régressé de 70 %. La page couverture de la revue The Economist affichait un prix du baril de pétrole inférieur à 10 $. Cette fois-ci, les prix ont reculé d’un peu plus de 50 %. Le déclin est donc moins spectaculaire.
    Pendant la période de 2008 à 2009, une crise financière sévissait. Par conséquent, il était difficile d’emprunter. La récession mondiale, la crise financière et la déflation — et toutes les histoires d’horreur relatées — créaient beaucoup d’incertitude. Malgré tout cela, on a observé une hausse de la production albertaine de pétrole pendant cette période.
    En ce qui concerne les observations formulées plus tôt à propos de la conversion observée, je dirais qu’il n’y a jamais de bons moments pour subir un choc de ce genre. Toutefois, nous remarquons plus de changements chez les producteurs non conventionnels que chez les producteurs conventionnels. Les périodes de production durent de 40 à 50 ans et, pendant ces périodes, les producteurs sont habitués de traverser des hauts et des bas. Nous sommes un peu plus à l’abri maintenant que nous l’étions, il y a peu de temps de cela.

  (1640)  

    D’accord, merci.
    Nous allons passer à M. Brison.
    Monsieur Locke, de nombreux Canadiens de l’Atlantique travaillent dans l’industrie pétrolière et dans le domaine des sables bitumineux et, par le fait même, ils versent des impôts à nos gouvernements provinciaux, ils remboursent des prêts hypothécaires et ils paient leur voiture, etc. Cela représente une grande partie de notre économie. Avez-vous effectué des analyses afin de déterminer l’importance de cette contribution à notre économie, et à quel point les gouvernements provinciaux et nos économies sont à la merci de mises à pied dans ce secteur? Par exemple, la société Suncor a annoncé qu’elle éliminerait 1 000 emplois. Avez-vous tenu compte de l’incidence des revenus et des avantages économiques engendrés par les gens qui travaillent dans l’industrie pétrolière?
    Nous sommes en train de procéder précisément à cette analyse pour la province de Terre-Neuve. En ce qui concerne les Canadiens de l’Atlantique qui travaillent en Alberta, selon les chiffres les plus récents recueillis par Statistique Canada, ils sont 25 000. C’est donc un nombre substantiel. Ce sont les gens qui font des allers-retours par avion qui seront touchés par ces mises à pied, et cela aura de graves répercussions sur les régions rurales de votre province et de la nôtre, en particulier sur le cap Breton et les côtes ouest et sud de Terre-Neuve.
    Bien sûr, très tôt chaque lundi matin ces gens s’envolent avec moi à destination d’Ottawa, où ils prennent une correspondance vers l’ouest.
    Monsieur Cross, vous avez déclaré qu’une des conséquences positives des bas prix du pétrole pourrait être une réévaluation fondamentale de la stratégie fiscale globale du gouvernement de l’Alberta. Ce gouvernement présentera un budget le 26 mars. Vous avez omis de mentionner le gouvernement fédéral. Il semble qu’il soit également en train de procéder à une légère réévaluation de sa stratégie fiscale. Je suis curieux de savoir pourquoi vous n’avez pas mentionné le gouvernement fédéral, qui a, en fait, retardé la présentation de son budget en raison de la chute des prix du pétrole.
    Je ne l’ai pas fait parce que je ne crois pas que le problème soit aussi grave pour le gouvernement fédéral. Compte tenu de la possibilité, par exemple, que le gouvernement de l’Alberta adopte une taxe de vente ou qu’il utilise plus efficacement son Fonds du patrimoine, je dirais que la situation semble exiger une intervention beaucoup plus… je ne veux pas employer le mot « radicale », mais cette intervention de la part du gouvernement de l’Alberta devra être beaucoup plus fondamentale. Selon moi, il ne s’ensuit pas qu’une réévaluation fondamentale des stratégies du gouvernement fédéral soit nécessaire. La situation n’a pas des conséquences financières aussi importantes pour le gouvernement fédéral.
    Pour en revenir à votre question précédente concernant les aspects interprovinciaux, je dirais que c’est une question qui tourmente Statistique Canada. Combien de travailleurs de l’Alberta arrivent de Terre-Neuve par avion? Il n’y a vraiment aucune façon de mesurer cela. C’est un problème dont nous discutons longuement au sein de notre organisation. Si, pendant la semaine où le sondage est mené, vous êtes en Alberta, nous vous attrapons là-bas et vous répondez au sondage, eh bien, vous serez considéré comme un travailleur de l’Alberta. Si nous vous attrapons à Terre-Neuve pendant votre semaine de relâche, que nous vous demandons si vous travaillez à temps plein, et que vous répondez par l’affirmative, vous serez considéré comme un employé terre-neuvien. Cela crée de véritables problèmes pour les statisticiens. La compilation de statistiques n’est pas aussi simple que beaucoup de gens le pensent. Leur cueillette est un travail compliqué.
    Il serait utile d’avoir accès à cette information afin de comprendre la vulnérabilité relative des diverses provinces. Revenu Canada devrait pouvoir nous donner une idée de l’endroit où les gens produisent leur déclaration de revenus.
    Je crois que cette source d’information sera probablement plus fiable, parce que Revenu Canada demandera aux gens où ils ont gagné cet argent. Les salaires seront déclarés par l’employeur, et sa province différera de la province de résidence de l’employé.
    Vous avez dit qu’en fait, le gouvernement n’avait pas beaucoup de raisons de réévaluer son plan financier. Dans ce cas, avez-vous une idée de la raison pour laquelle le gouvernement a retardé la présentation de son budget?
    Comme je travaille pour Statistique Canada, je me suis beaucoup éloigné du processus politique au fil des ans, et j’en suis très à l’aise et heureux.
    Comme les experts reconnaissent que l’incidence d’une baisse du prix du baril de WTI sur le PIB, puis sur les recettes du gouvernement, n’est pas linéaire, certaines analyses leur ont permis de déterminer qu’une baisse du prix de WTI d’un dollar entraînerait une réduction du PIB d’environ un milliard, selon l’endroit sur la courbe où cette baisse se produit. Mais il est certain que pour chaque recul d’un dollar, les recettes du gouvernement fédéral chutent en proportion.
    La mise à jour économique fédérale présentée à l’automne était fondée sur un prix du baril de pétrole de 81 $. Selon vous, quelles répercussions les prix actuels du pétrole auront-ils sur les recettes fédérales?

  (1645)  

    Et à qui posez-vous...?
    À Craig.
    Je pense que l’indication est correcte. Comme je l’ai déclaré, cela aura un effet sur le PIB nominal, et je répète que nous disposons d’un éventail d’estimations du PIB nominal. Par conséquent, au cours de la réunion prébudgétaire avec le ministre, nous aurons toutes nos prévisions les plus récentes en main. En ce qui concerne le PIB nominal, il a augmenté d’un peu moins de 4,5 % l’année dernière, et sa croissance cette année s’élève à un peu moins de 2 %. Par conséquent, nous envisageons un recul du PIB nominal de deux points de pourcentage, qui se traduira par un changement d’une ampleur semblable.
    Comme vous le savez bien, le gouvernement fédéral dispose de tableaux portant sur les sensibilités des perspectives financières, qui vous permettront de déterminer la sensibilité financière d’une réduction du PIB nominal de 1 %. Donc, nous sommes 2 % plus bas que nous l’étions il n’y a pas si longtemps, et je pense que c’est probablement la bonne façon d’aborder le problème. Ensuite, vous pouvez vous servir des formules et des chiffres fiscaux pour effectuer des calculs.
    Compte tenu du point de départ, nous disposons de neuf mois de données pour l’exercice financier qui prendra fin en mars et, à notre avis, les recettes devancent d’environ 11 milliards de dollars celles de l’année dernière pour la même période. Par conséquent, ces recettes fournissent un coussin, auquel s’ajoute l’ajustement en fonction du risque, qui est prévu exactement pour ces genres de surprises.
    D’accord, merci.
    Chers collègues, il reste environ 14 minutes avant le vote. Je recommande que nous poursuivions la séance, et je continuerai d’occuper le fauteuil tant qu’un député de l’opposition restera dans la salle. Si des députés souhaitent revenir après le vote, ils peuvent le faire. Je ne vais pas retenir les députés ici, mais, pour être franc, cette discussion est intéressante. Nous pouvons demeurer ici à condition que nous soyons en quelque sorte jumelés. Toutefois, je ne vous retiens pas. Trois députés de l’opposition et un certain nombre de députés conservateurs sont présents. Tant qu’un député de l’opposition restera ici, je resterai aussi, et je vous laisserai vous jumeler ou non comme bon vous semble.
    Nous allons maintenant passer à M. Van Kesteren.
    Merci, monsieur le président.
    Je dois vous avouer que j'attendais avec impatience ce moment où nous pourrions accueillir les économistes. Et je suis surpris du calme relatif qu'ils affichent. Je crois que la plupart des Canadiens sont un peu préoccupés par les prix du pétrole. Nous sommes en terrain inconnu. En fait, c'est une situation que nous avons déjà vue, mais je trouve votre attitude rassurante dans une certaine mesure. Je dois en effet avouer que je m'inquiète un peu, moi aussi.
    Il y a certains aspects que j'aimerais que vous clarifiiez. Je voudrais savoir où l'effet négatif se fera le plus sentir. Est-ce que ce sera dans la production de pétrole de schiste aux États-Unis ou dans celle des sables bitumineux et des ressources extracôtières? Quel est le secteur qui sera le plus touché?
    Je ne pose pas la question à quelqu'un en particulier.
     Monsieur Cross, vous semblez vouloir donner une réponse.
    Je vais me risquer. Il reste de 30 à 40 ans d'exploitation aux sables bitumineux. Vous et moi pourrions nous lancer dans l'exploitation du pétrole de schiste. Avec 1,5 à 2 millions de dollars, nous pourrions avoir notre propre chantier de fracturation. Cet argent peut fructifier assez rapidement. Avec les sables bitumineux, vous devez investir des milliards de dollars, et ce, dès le début. C'est pour cette raison que j'affirme qu'une fois que vous avez fait ces investissements, vous n'avez aucune raison de reculer. Tous les coûts ont déjà été assumés; ce qu'il vous faut, ce sont des recettes pour les rembourser.
    Étant donné ce besoin d'investissement initial, le secteur du pétrole de schiste est, selon moi, plus vulnérable que celui des sables bitumineux.
    L'autre chose que je trouve plutôt surprenante, c'est l'absence de consensus au sujet de ce qui est en train de se passer. Je ne suis pas économiste, mais j'ai lu tout ce que j'ai pu sur la question et j'avoue n'avoir rien trouvé pour expliquer cette conjoncture.
    Je pense que l'on pourrait demander si ce qui arrive est une réaction à la tentative des Saoudiens de faire tomber la production de pétrole de schiste — vous avez plus ou moins répondu à cela, mais j'aimerais une réponse plus claire —; n'est-ce pas quelque chose qu'ils pourraient régler assez facilement en réduisant un tant soit peu la production? Il semble qu'il ne faut pas une très grande fluctuation pour faire chuter les prix. N'est-ce pas une situation qu'ils pourraient corriger assez rapidement?
    Vous posez la question à M. Cross?
    À n'importe qui.
    Craig aimerait dire quelque chose.
     Je vais poursuivre dans la même veine que M. Cross à propos du pétrole de schiste. L'immobilisation pour ce type d'exploitation est un peu plus modeste, mais une fois que vous commencez à produire, vous ne pouvez pas arrêter. Et comme les coûts d'exploitation sont plus élevés, le prix de vente au seuil de rentabilité est plus élevé que pour les autres types de production. Avec le pétrole de schiste, une bonne partie des capitaux réunis vient des marchés du crédit. Alors, ce n'est pas seulement une question de correction des prix. Le crédit s'est aussi resserré parce que les exploitants ont tendance à s'adresser au marché à haut rendement. Ils sont par conséquent frappés à la fois par les bas prix — qui sont en dessous du seuil de rentabilité — et par le fait que les marchés financiers et l'accès au crédit se sont resserrés, ce qui n'est pas le cas ailleurs dans le monde.

  (1650)  

    Se peut-il qu'il y ait une certaine manipulation de la part des marchés?
    Monsieur Locke, je pense que vous...
    En réponse à votre question de départ, j'allais simplement dire que cela dépend de l'estimation que vous faites quant à la durée du changement de prix. Si vous croyez qu'il s'agit d'un phénomène momentané, votre réaction sera différente de celle que vous aurez si vous estimez qu'il s'agit d'un phénomène qui durera. Si vous pensez que le prix va rester longtemps à 50 ou 60 $, cela modifiera votre réaction à bien des égards.
    Il n'est pas faux de dire que la production de pétrole de schiste peut démarrer et s'arrêter plus rapidement que celle des autres types d'exploitation. En fait, ce qui s'est produit, c'est que les exploitants du schiste ont creusé leurs puits, mais sans les terminer, puisque les deux tiers de leurs coûts sont dans la réalisation des dernières étapes. Si vous croyez que les prix vont augmenter, vous serez mieux avisés d'attendre six mois, de dépenser le tiers, et... Ce que certains ne comprennent pas à propos de ce type d'exploitation, c'est que la moitié de la production se fait durant les trois premières années. Alors, si vous croyez que les prix vont augmenter et que la moitié de votre production se fera durant les trois premières années, vous aurez tout intérêt à attendre que les prix augmentent.
    Mais tout se joue dans votre façon de réagir à la chute des prix. Croyez-vous qu'il s'agit d'un phénomène passager, à moyen terme ou à long terme? Si vous croyez que c'est un phénomène qui durera, il se peut très bien que vous mettiez un stop à de nombreux projets qui pourraient aller de l'avant — des projets qui ne sont pas actuellement en mode production, mais qui pourraient l'être.
    D'accord. Il me reste une minute et c'est cette question que je voulais vous poser plus que tout autre.
    Nous venons de parler d'une partie de l'équation. L'autre est que la production réelle est en train de tomber, que les PIB du monde entier sont en déclin. Avez-vous de vraies statistiques au sujet de la production chinoise?
    Aussi, dans quelle mesure pouvons-nous vraiment nous fier aux chiffres que nous relaient les Américains? Connaissons-nous les vrais chiffres pour la Chine? Connaissons-nous les vrais chiffres pour les États-Unis? Est-ce possible que ce ne soit que le résultat d'un recul bien réel de la production mondiale? Monsieur Ambler, vous semblez impatient de répondre.
    Veuillez être brefs.
    Monsieur Cross.
    Comme je suis statisticien, je vais me risquer là-dessus. Les statisticiens raffolent de ces industries qui n'ont pas beaucoup de producteurs. Il s'agit essentiellement d'oligopoles. L'industrie idéale pour Statistiques Canada est l'industrie automobile. Il suffit d'enquêter sur six producteurs pour avoir un recensement.
    Ce sont des sociétés de taille. Je crois que les données sont extrêmement fiables. Où que ce soit, l'industrie produit de très bonnes données en la matière. Le nombre de personnes que vous devez sonder est limité. Je crois que les données nord-américaines à ce sujet sont très bonnes, voire partout dans le monde. Tout comme l'industrie automobile, c'est l'une des meilleures industries qui soient.
    D'accord, merci.
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à M. Cullen.
    Je crois, monsieur Cullen, que vous et moi allons simplement échanger nos séries de questions de cinq minutes.
    Cela me convient tout à fait.
    J'aimerais parler du secteur manufacturier pour un instant. Nous avons passé passablement de temps sur la question du pétrole, mais ce que le comité essaie de faire de façon extrêmement restreinte, c'est d'avoir une idée de la situation actuelle de l'économie du pays et d'évaluer comment le gouvernement fédéral doit réagir. Voilà où nous nous situons en tant que décideurs.
    J'ai bien entendu la mise en garde d'une réaction exagérée qui nous a été servie par l'exemple américain et d'autres exemples. J'aimerais toutefois savoir ce que vous pensez de la situation actuelle du secteur manufacturier.
    Permettez-moi d'abord de mettre les choses en contexte. Premièrement, il faut reconnaître que le Canada a perdu un nombre important d'emplois dans ce secteur depuis les six, sept ou huit dernières années. Je crois que Statistiques Canada fait état d'environ 400 000 emplois perdus. C'est le chiffre que nous utilisons. Historiquement et habituellement, le scénario d'un dollar à 80 ¢ et d'une croissance de plus de 4 % du marché américain agit rapidement sur le secteur manufacturier canadien; nos produits sont moins chers et les consommateurs américains sont au rendez-vous.
    Deux choses me préoccupent à cet égard. Notre secteur manufacturier est-il actuellement dans une impasse structurelle? Nous avons vu une augmentation de la production l'an dernier, mais il semble que les emplois n'ont pas vraiment suivi. Deuxièmement, il semble que les consommateurs canadiens perdent sur deux fronts avec ce scénario particulier: tout ce qui est importé est plus cher et le niveau d'endettement des consommateurs canadiens est incroyablement élevé. Il atteint en fait un niveau record, n'est-ce pas monsieur Cross?
    Tout à fait.
    D'accord. Il y a donc ce niveau d'endettement très élevé des consommateurs canadiens. À quoi les entreprises manufacturières canadiennes, ces entreprises qui génèrent de la plus-value, s'intéressent-elles à l'heure actuelle? Est-ce que l'effet net de ce scénario particulier — le bas prix de l'énergie, le bas prix du pétrole et la baisse de la valeur du dollar — est une bonne chose pour le secteur manufacturier? Quand allons-nous voir un retour de l'embauche? Quand allons-nous récupérer les 400 000 emplois perdus ces dernières années? En fait, je crois que la question devrait être: « Allons-nous les récupérer? »

  (1655)  

    Permettez-moi de commencer.
    Nous avons réalisé une étude sur les perspectives d'avenir du secteur manufacturier dans le contexte du déclin des prix du pétrole et nous avons tenu compte de certains aspects. C'est plutôt le changement structurel qui a fait que l'industrie manufacturière est différente, dans la mesure où elle n'est pas en position pour reprendre du poil de la bête durant cette période.
    Ce que nous avons constaté, c'est que l'industrie automobile, qui compte pour 15 % de l'économie canadienne, se bute à des limites de capacité. Si vos valeurs de référence pour les limites de capacité sont celles d'avant la crise, sachez qu'elles sont déjà revenues à ce niveau. Les entreprises peuvent allonger les quarts de travail et les périodes de production. Et si cela ne fonctionne pas, elles peuvent investir, ce qui est...
    Ont-elles encore l'espace pour le faire?
    Oui.
     Nous avons vu certains investissements dans l'industrie automobile, mais avant que les fabricants se mettent à embaucher des travailleurs par milliers...
    Oui. Il reste que 85 % du secteur n'est pas de l'industrie automobile. Or, nous avons constaté que c'est dans cette portion du secteur que les industries fonctionnent majoritairement à capacité réduite par rapport aux régimes d'avant la crise. C'est du moins le cas de 15 des 16 industries que nous avons examinées, je crois. Pour ce qui est de savoir quand ces niveaux d'utilisation reviendront, je peux vous confirmer que certains signes pointent dans cette direction. Nous en avons eu un aperçu l'an dernier, puisque les livraisons manufacturières ont connu une hausse d'un peu plus de 5,5 % alors qu'elles n'avaient pas bougé durant l'année précédente.
     Pour en revenir à votre commentaire sur la restructuration, la production manufacturière par rapport à la taille du PIB a continué à diminuer. Ainsi, en 2002, le secteur manufacturier représentait 16 % de l'économie; aujourd'hui, il est à 11 %. Outre la récession mondiale, l'une des choses qui se sont produites durant cette période a été l'appréciation générale du dollar canadien. Maintenant, c'est surtout l'appréciation du dollar américain qui doit retenir notre attention. Le volume est plus important que le prix, mais la monnaie s'en va aussi dans la bonne direction. Voilà pourquoi je pense qu'il faut s'attendre à un rebondissement du secteur manufacturier. C'est déjà commencé.
    Mais vous n'envisagez pas un retour aux niveaux de 2006, par exemple.
    Non.
    Vous ne croyez pas que nous allons récupérer les 400 000 emplois qui ont été perdus...
    Non. Je crois qu'il y a un aspect cyclique et un aspect structurel.
    Je vois.
    Le secteur manufacturier connaît des rebondissements cycliques et des déclins de longue durée.
    Un rebondissement cyclique...
    Et un déclin de longue durée.
    D'accord.
    De plus, il y a eu un déclin de longue durée en ce qui concerne la portion occupée par le secteur manufacturier dans la production totale, mais cela n'a pas grand-chose à voir avec l'emploi par rapport à la production. Je crois que c'est une réalité dans toutes les économies industrialisées. Ce n'est plus un secret pour personne: le secteur manufacturier accroît sa productivité, mais il le fait avec moins d'employés. Même si la production manufacturière retrouve sa vitesse de croisière d'avant, il ne faut pas s'attendre à ce que les emplois suivent la même tendance. C'est ce qui se passe au Canada, mais aussi aux États-Unis, au Royaume-Uni, bref, partout.
    Monsieur Bernard.
    Je voulais simplement mentionner que l'industrie canadienne des pâtes et papiers — qui a déjà été une énorme industrie — continue à péricliter. Elle ne se remettra pas sur pied de sitôt, car nous assistons à un changement structurel en ce qui concerne la transmission de l'information.
    Le secteur manufacturier des États-Unis exécute à l'heure actuelle un retour en force, mais je ne m'attends pas à ce que cela se produise au Canada, du moins, pas avec une telle vigueur, puisque la reprise chez nos voisins du Sud est essentiellement due à la baisse considérable du prix de l'essence qu'occasionne l'extraction du pétrole de schiste. Ce phénomène a engendré un véritable boom dans l'industrie chimique. Je ne m'attends pas à ce qu'il y ait quelque chose de semblable au Canada.
    Monsieur Cross.
    De plus, je ne m'attendrais pas à une réponse aussi vigoureuse qu'avant 2008, car l'une des stratégies que le secteur manufacturier a adoptées au cours de la dernière décennie pour assurer sa survie et s'adapter à la valeur élevée du dollar a été de délaisser les marchés d'exportation des États-Unis et de se tourner vers l'approvisionnement des industries énergétiques de l'Ouest. Or, de toute évidence, cette demande ne sera plus aussi forte. Nous avons encore beaucoup d'entrées sur les marchés d'exportation des États-Unis, mais moins qu'avant. Par conséquent, le rebondissement annoncé dans l'industrie manufacturière ne sera pas aussi important que celui des années 1990, par exemple.
    Ce que je crois comprendre, c'est que, historiquement, lorsque les choses qui favorisent le secteur des ressources et, notamment, le secteur pétrolier — le fait d'être en mesure de vendre du pétrole alors que la valeur du dollar est haute et d'avoir une forte production mondiale —, lorsque ces choses tombent, c'est-à-dire lorsque les prix de l'énergie et la valeur du dollar dégringolent, l'économie canadienne s'adapte et rééquilibre le tout. Et j'insiste sur l'aspect brouillon de mon analyse.
    Par conséquent, lorsque vous parlez des changements structurels — de ce déclin de longue durée — et du fait que le secteur manufacturier du pays est fortement axé sur le secteur des ressources, cela signifie que si les ressources perdent des investissements et que le secteur manufacturier accuse un déclin structurel, ce rééquilibrage de l'économie... Ce n'est pas comme si les emplois perdus dans les champs de pétrole pourront être récupérés en Ontario ou au Québec, comme cela a pu se produire il y a 20 ou 25 ans.

  (1700)  

    Je m'efforce de ne pas succomber à l'idée qu'au Canada, le secteur des ressources et le secteur manufacturier s'opposent l'un à l'autre.
    Ce n'est pas qu'ils s'opposent l'un à l'autre, mais plutôt que les facteurs qui influencent les deux ont parfois des effets opposés. Un dollar plus élevé a un effet sur le secteur des ressources...
    N'oubliez pas que notre secteur manufacturier a beaucoup changé au cours de la dernière décennie. L'industrie du vêtement a disparu. Les industries axées sur la forêt — le bois d'oeuvre, la pulpe et le papier — ne reprendront pas la place qu'elles ont déjà occupée. Il y a eu des virages structurels.
    Ce qui les a remplacés... Plus de la moitié de l'activité manufacturière est maintenant axée sur les ressources — les grandes raffineries de pétrole, les produits chimiques, les métaux de première fusion — et les biens d'équipement. Le secteur manufacturier a connu toute une transformation, transformation qui le lie d'encore plus près au secteur des ressources.
    Ils vont de pair.
    Ou de grandes parties correspondent à ce secteur.
    Évidemment, nous avons encore une industrie automobile très importante, et des industries profitent de la faiblesse du huard et de la reprise de l’économie américaine. Ce n’est tout simplement plus une partie aussi importante du secteur manufacturier qu’à l’époque.
    J’aimerais revenir sur une question qu’a posée M. Cullen.
     Les fabricants n’ont pas profité de la hausse du dollar pour moderniser leur machinerie et leur équipement, alors qu’ils auraient dû le faire. Cela vous préoccupe-t-il? Les entreprises profitent peut-être maintenant de la faiblesse du dollar pour faire des exportations, mais l’acquisition de machinerie et d’équipement aux États-Unis est bien entendu maintenant plus dispendieuse.
    La semaine dernière, je crois, Statistique Canada a publié les plus récentes données sur la productivité de la main-d’oeuvre au Canada. Depuis cinq ans, notre productivité dépasse en fait celle des États-Unis, et ce, même avec une année sans augmentation.
    En 2014, la productivité de la main-d’oeuvre a augmenté de 2,5 %. Nous avions hâte de voir un tel regain de la productivité depuis un certain temps. Il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas au sujet de ce qui stimule la productivité, mais nous constatons généralement une hausse absolue et relative des investissements. La taille absolue et relative de l’économie est un bon indice d’une reprise de la productivité.
    En ce qui concerne les investissements depuis la crise, le Canada et les États-Unis font bonne figure sur ce plan parmi les pays du G7. Bref, je crois que nous avons fait des investissements appréciables durant cette période, et nous commençons peut-être enfin à en récolter des dividendes en ce qui a trait à la productivité. Compte tenu de la valeur du dollar, le coût de la main-d’oeuvre nuit à la compétitivité. C’est toujours un défi, même s’il est moindre qu’il y a quelque temps.
    Je suis d’accord, et j’ajouterai que je crois que votre perception se fonde sur ce qui s’est passé avant 2008. Les gens étaient réticents à investir, parce que beaucoup d’industries fermaient en fait leurs portes dans les secteurs du vêtement, du papier, etc. Ensuite, il y a bien entendu eu la grande récession en 2008 et 2009. Personne ne voulait investir dans le secteur manufacturier canadien au beau milieu de cette crise. Cependant, depuis 2009, les investissements ont augmenté chaque année dans le secteur manufacturier. Nous sommes pratiquement revenus à ce que nous avions avant la récession. C’est lié à la restructuration de l’industrie et à la croissance dans les ressources et les industries des biens d’équipement.
    Par contre, je conviens qu’il y a un manque de compréhension quant à l’ampleur de la restructuration dans le secteur manufacturier et que ce secteur a une meilleure productivité que le secteur manufacturier américain. Nous devons revoir notre discours à cet égard.
    Je vous en remercie.
    Le deuxième point que je voulais faire valoir, monsieur Ambler, concerne le rapport de l’Institut C.D. Howe. Il est écrit:
Un membre du Conseil a recommandé que la Banque précise si elle attribue la chute récente du prix du pétrole aux effets de l’offre ou de la demande.
    Si vous prenez les pages 7 et 8 du document que M. Locke a présenté au comité et que vous examinez en particulier la hausse de la production aux États-Unis, il me semble, à première vue, que ce soit lié aux effets de l’offre et non de la demande.
    Quelqu’un aimerait-il faire un commentaire à ce sujet, ou tout le monde pense-t-il que ce sont les effets de la demande et non de l’offre qui ont entraîné la chute spectaculaire des cours?

  (1705)  

    Je crois que c’est un peu des deux.
    Selon ce que j’en comprends, c’est qu’il y a eu une énorme accumulation non planifiée de pétrole non vendu. Nous entendons du moins des histoires concernant des navires affrétés qui se promènent en attendant que les stocks diminuent. D’après moi, il y a aussi quelque chose qui se passe du côté de la demande.
    Il y a bien entendu la révolution de la facturation hydraulique et du gaz de schiste. Il y a donc eu un changement vers la droite dans la courbe d’offre. Par contre, je crois que la croissance de la demande en raison d’une faible croissance dans l’ensemble de l’économie mondiale a également eu une incidence.
    D’accord.
    Quelqu’un d’autre aimerait-il faire un commentaire à ce sujet?
    Il est évident que les effets de l’offre ont été plus importants que ce que les gens avaient prévu. La demande est en croissance, mais elle est moindre que ce que les gens avaient anticipé. La majorité des effets sont liés à la demande. Pour ce qui est des personnes qui utilisent des pétroliers pour l’entreposage, il y en a de moins en moins.
    Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration, selon le plus récent rapport sur le forage qui a été publié il y a deux jours par l’EIA, nous devrions commencer à voir une diminution de la production en avril. Nous prévoyons que la productivité dont les gens parlent dans le secteur du pétrole de schiste ne pourra pas contrebalancer la diminution dans les installations de forage pétrolier. Même si les stocks s’accumulent aux États-Unis et ailleurs dans le monde, nous nous attendons à ce qu’ils commencent à diminuer.
    Très bien.
    La période qui s’étend de 2010 à 2014 a été très inhabituelle dans l’industrie pétrolière, parce que nous avions des prix très élevés — soit environ 105 $ le baril, parfois même 110 $ et parfois un peu moins — par rapport aux autres périodes. Nous devons remonter au choc pétrolier de 1979 pour trouver de tels prix.
    Les prix étaient très élevés et stables. Les gens de l’industrie et le gouvernement en sont venus à la conclusion que les prix étaient élevés et qu’ils continueraient d’être stables. Ce n’est pas la réalité des cours du pétrole, lorsque nous les examinons sur une longue période.
    Nous revenons à la manière habituelle de l’industrie; ces prix élevés et instables ont fait exploser l’offre, mais la demande n’a pas suivi. Voilà pourquoi les cours ont chuté.
    Je vais poser une dernière question.
    Monsieur Wright, je crois que vous avoir entendu dire que la meilleure chose pour des cours du pétrole bas, ce sont des cours du pétrole bas. J’ai en quelque sorte posé la question hier... À mon avis, vous avez entendu aujourd’hui certains commentaires, à savoir qu’un simple changement dans certains comportements des Saoudiens et de l’OPEP serait le meilleur remède à court terme pour les prix.
    Hier, l’un des témoins a dit que les Saoudiens ne possèdent pas les leviers politiques qu’ils avaient auparavant, en raison des changements dans la dynamique et la composition des producteurs mondiaux actuels. Êtes-vous d’accord ou en désaccord avec cette déclaration?
    À mon avis, diverses théories peuvent expliquer pourquoi les Saoudiens n’ont pas fait en novembre dernier ce qu’ils ont l’habitude de faire. Je crois que c’est lié à ce qui se passe dans le secteur du pétrole de schiste aux États-Unis. Évidemment, les États-Unis ont besoin de pétrole, mais les Américains en consomment moins, et les importations aux États-Unis continuent de diminuer par rapport à la consommation globale.
    Les Saoudiens ont davantage peur de perdre des parts de marché ailleurs dans le monde, comme en Chine. D’après moi, ils essaient d’écarter, même au sein de l’OPEP, certains producteurs qui ont des coûts plus élevés. Pour faire leurs frais, les Saoudiens doivent vendre le baril à près de 10 $. Cependant, sur le plan fiscal, c’est beaucoup plus élevé, parce qu’ils ont énormément de dépenses sociales. Ils pigent dans leurs précédents excédents, et cela ne pourra pas durer éternellement. Je crois que c’est principalement une question de part de marché, mais un tel jeu à ses limites même pour l’Arabie saoudite.
    D’accord. Merci.
    La parole est de nouveau à M. Cullen.
    Merci.
    J’aime bien ce comité; c’est...
    Oui, en effet. Nous ferons ainsi à partir de maintenant.
    Oui. Nous aurons peut-être quelques autres votes.
    Nous vous en sommes reconnaissants. Certains d’entre nous trouvaient dommage d’avoir un tel panel d’experts, de devoir aller voter et revenir au comité et de ne pas profiter de vos observations. Heureusement, tout est enregistré, et nous y aurons accès.
    J’aimerais revenir sur les attentes concernant la croissance de l’emploi pour la présente année. Nous avons vu en 2014 ce que certains ont appelé une croissance anémique de 0,7 ou de 0,8 %, et nous pouvons ajouter à cela, comme la CIBC l’a récemment souligné, le ralentissement générationnel dans la qualité des emplois au Canada.
    Présumons que le baril vaut 50 $ et que le dollar vaut 80 ¢, et nous pouvons envisager une hausse selon ce que font ou ne font pas les Russes. Compte tenu des circonstances actuelles, quelles sont vos attentes en ce qui concerne l’économie canadienne et la croissance de l’emploi pour le reste de l’année? Ces facteurs améliorent-ils les perspectives en ce qui a trait à la croissance de l’emploi dans l’économie ou ces facteurs réduisent-ils vos attentes pour l’année?
    Quelqu’un aimerait-il faire un commentaire à cet égard?

  (1710)  

    Pour ce qui est des perspectives de l’emploi, nous avons cette année une légère accélération, comme vous l’avez mentionné. Nous avons connu une croissance mensuelle timide l’année dernière qui se chiffrait à environ 10 000 emplois en moyenne par mois. Nous avons eu un solide mois de janvier, et les chiffres pour février seront publiés vendredi, mais nous constatons des changements... Nous avons une croissance de 2,4 % cette année. Cela représente donc de 15 000 à 20 000...
    Ce 2,4 %, est-il révisé?
    Ce sont nos prévisions de croissance actuelles.
    Ont-elles été révisées à la baisse?
    Nous produisons des prévisions trimestrielles, et les prochaines devraient être publiées demain. Ce sont des prévisions macroéconomiques complètes qui se fondent sur les données mondiales, américaines, canadiennes et provinciales. Nous faisons seulement des prévisions quant aux provinces sur une base trimestrielle. De nos dernières prévisions trimestrielles en décembre jusqu’à nos prévisions qui seront publiées demain, nos prévisions de croissance sont passées de 2,7 à 2,4 %.
    C’est un peu supérieur à la tendance. À moins d’avoir une telle productivité sur une base continue, notre limite de vitesse se situe à environ 2 %. Tant que la croissance de l’économie est un peu supérieure à la limite de vitesse, le taux de chômage continuera de diminuer. Si la croissance de l’économie est de 2,5 %, nous croyons que cela représente une tendance d’environ 15 000 emplois par mois.
    Vous avez parlé de l’excellent mois de janvier. Cependant, vos prévisions tiennent-elles compte des types d’emplois créés? Nous avons vu une perte nette pour ce qui est des emplois à temps plein et un gain net d’environ 50 000 emplois à temps partiel et...
    Vous pouvez le voir de diverses manières. J’ai tendance à examiner le tout sur une base annuelle. Ensuite, nous pouvons étudier la situation pour la période qui a suivi la crise. Ce que nous avons constaté, c’est qu’un peu plus de 80 % des emplois gagnés au cours de cette période ou de la plus récente année sont des emplois à temps plein et non des emplois à temps partiel. De plus, ces emplois se trouvaient davantage dans le secteur privé que dans le secteur public.
    Le nombre de travailleurs autonomes a aussi augmenté. Je crois que c’est probablement un défi démographique. Au fil du temps, nous constaterons que plus de gens resteront sur le marché du travail plus longtemps, et cela nous fait dire que le travail à son compte est loin d’être une mauvaise chose. À mon avis, tout emploi est un bon emploi.
    Bien entendu. Cependant, en gros, les emplois à temps partiel et le travail à son compte étaient traditionnellement considérés comme des emplois plus précaires, n’est-ce pas? N’est-ce pas le cas du point de vue de la banque?
    Je ne partage pas cette opinion.
    J’aimerais faire un commentaire.
    J’ai écrit hier ce que nous pourrions qualifier de lettre d’opinion très enthousiaste dans le Financial Post concernant le rapport de la CIBC sur l’emploi. Premièrement, les emplois à temps partiel et le travail à son compte ont atteint des sommets il y a 20 ans et occupent depuis une part de moins en moins grande dans le secteur de l’emploi. Bref, l’idée que les emplois se déplacent vers cette main-d’oeuvre précaire est fausse; cela ne fonctionne pas. Statistique Canada ne produirait jamais un tel indice. En principe, c’est un indice très faible.
    Vous tenez des propos incendiaires, monsieur Cross.
    Qui plus est, je mâche mes mots aujourd’hui comparativement à ce que j’ai écrit dans ma lettre d’opinion. Je vous invite à la lire.
    Je vais le faire. Je crois que le ministre des Finances a qualifié cela de situation économique bidon.
    L’un des problèmes dans notre société, c’est la prolifération de faux savoirs et de données bidons. Je crois que c’est ainsi que je l’ai dit.
    Vous avez été cité hier à la Chambre, n’est-ce pas?
    Je ne suis pas à l’affût de ce qui se passe à la Chambre.
    Je crois que vous l’avez été par le ministre des Finances.
    Quelle bonne série de questions.
    Cela vous plaît-il?
    En examinant bien le tout, nous constatons que le taux de chômage chez les adultes au Canada est inférieur à 6 %.
    Est-ce le véritable taux de chômage?
    C’est le taux de chômage chez les adultes.
    Est-ce vraiment le taux de chômage chez les adultes ou est-ce...? Ce taux inclut-il les gens qui ont cessé de chercher du travail et les chômeurs de longue date?
    Non.
    D’accord.
    Par contre, ce taux n’a jamais été aussi bas. Nous pourrions en débattre.
    Je crois avoir dit que pratiquement toute la croissance depuis quatre ans provient des emplois dont les salaires sont de plus de 20 $ et particulièrement de ceux dont les salaires sont de plus de 30 $ l’heure. Compte tenu de ces données, comment pouvez-vous me dire que la qualité de l’emploi a atteint un creux sans précédent? Je me le demande. Vous ne dites pas seulement que la qualité est mauvaise; vous affirmez que c’est la pire de tous les temps et que c’est pire qu’en 1982 et en 2008. À Statistique Canada, si quelqu’un m’avait présenté une telle chose, j’aurais cru à une plaisanterie.
    Je vous encourage à trouver de meilleures mesures que cet indice.

  (1715)  

    Les sentiments de la CIBC sont maintenant à jamais froissés. Les gens de la CIBC ne produiront plus jamais de prévisions.
    Monsieur Locke, vous avez dit plus tôt dans votre témoignage qu’une offre excédentaire de 1 à 2 % a entraîné une baisse de 60 % des cours. Est-ce exact? J’essaie de penser à un autre produit qui est aussi volatil.
    C’est ce qui est survenu. Nous parlons de 1 à 2 millions de barils par jour en fonction d’une production quotidienne de 93 à 94 milliards de barils, et les cours ont chuté de 60 %.
    Par contre, une autre différence de 1 ou de 2 % n’entraînerait pas une autre diminution de 60 %, parce que ce n’est pas lié à... ou l’est-ce? J’essaie de penser à un autre produit ou à une autre ressource naturelle dont les prix diminueraient.
    Cette diminution ne correspond pas à l’élasticité de la demande.
    D’accord.
    Tout cela provient des effets de la demande. L’élasticité de la demande est de 0,1. Nous serions donc en droit de nous attendre à pouvoir écouler une offre excédentaire de 2 %. Une baisse de 20 % du prix serait suffisante pour y arriver, parce que cela provient de la demande. Bref, si l’offre avait des effets, il faudrait une hausse correspondante. C’est donc étrange...
    C’est étrange. Il doit y avoir quelque chose d’autre.
    Il doit y avoir quelque chose d’autre.
    J’aimerais revenir sur un élément. Le président en a également parlé. Ma question s’adresse à vous et à M. Wright. Je ne prétends aucunement avoir d’expertise dans le marché pétrolier.
    Les Saoudiens semblent prétendre qu’ils vont poser des gestes; or, ils n’ont pas nécessairement fait grand-chose, selon l’un de nos témoins d’hier, qui est dans le secteur de l’énergie. J’ai oublié la citation exacte, mais le témoin a dit que c’était peut-être en effet la plus importante inaction de l’histoire du marché pétrolier, à savoir que les Saoudiens disent une chose à l’OPEP et que le marché réagit ensuite.
    J’aimerais revenir sur un aspect, à savoir si le problème provient de l’offre excédentaire ou de la demande, parce qu’actuellement les contrats à terme continuent de miser sur des barils à 50 $, et cela ne peut pas uniquement s’expliquer par une offre excédentaire de 1 ou de 2 %, n’est-ce pas? Cela semble être une perte de valeur incroyable pour un produit transigé mondialement, tout simplement parce qu’il y a une offre excédentaire de 1 ou de 2 % sur le marché. Il semble que des gens fassent également de la spéculation, ce qui laisse croire que cette situation serait peut-être aussi, en partie du moins, une combinaison de préoccupations liées à la demande dans le marché. Ai-je tort? Est-ce que je lis ce que j’entends...?
    Comme Steve l’a dit plus tôt, je crois que c’est lié à la demande et à l’offre. Je dirai qu’il est encore tôt. Si nous examinons les cours du pétrole en 2014, nous avons connu des ralentissements et des surprises quant à la demande. Les États-Unis ont affiché une croissance négative au premier trimestre. C’était lié à la météo, et la situation s’est depuis rétablie, mais c’était une mauvaise surprise. La croissance de la Chine s’est stabilisée à un niveau plus durable. La zone euro a continué d’éprouver des difficultés. Bref, cela a permis de créer un écart entre l’offre et la demande. Les prix de l’énergie ont commencé l’année à plus de 100 $ le baril et ont baissé jusqu’à 75 $ le baril en novembre, puis la situation a complètement changé après le 27 novembre. C’est à ce moment que, je crois, la joute politique dans le marché pétrolier a débuté. Il y a aussi la spéculation et bon nombre d’autres questions non économiques qui ont propulsé encore plus les cours vers le bas, et il faudra attendre d’avoir le champ libre avant de voir le tout rebondir.
    Merci, monsieur Cullen.
    Je vais reprendre la parole. Premièrement, quelqu’un aimerait-il faire un bref commentaire concernant les effets sur le marché immobilier canadien, des effets que nous pouvons voir?
    Tout le monde est évidemment aux aguets. Je crois que nous en avons vu les premiers effets dans les statistiques pour décembre, janvier et février en Alberta. À cet égard, je crois que c’était une question de confiance. Le choc a été spectaculaire, et la confiance a été ébranlée, compte tenu de tous les autres chocs subis. Le prochain aspect à surveiller est l’emploi, et je crois que c’est la clé pour le marché immobilier, parce que le marché immobilier est intrinsèquement lié au marché de l’emploi. Si nous avons raison et que la croissance de l’emploi se poursuit, le taux de chômage continuera de descendre en deçà de la moyenne des 20 dernières années. Cela nous fait dire que les conséquences sur le marché immobilier ne seront pas profondes, et nous croyons que le plus grand risque, même si cela concerne davantage l’année prochaine et l’année suivante, proviendra d’une hausse des taux d’intérêt plutôt que de ce choc.
    Merci.
    Monsieur Cross, dans votre déclaration, vous avez dit qu’il ne fallait pas exagérer notre dépendance globale à l’égard du pétrole. L’extraction du pétrole représente environ 3 % du PIB du Canada, tandis que la part de l’ensemble des activités liées à cette ressource, y compris l’investissement, est de 6 %. En comparaison, la production et l’investissement dans le secteur de la fabrication comptent pour 11,7 % du PIB total, tandis que la part du logement est de 6,8 %.
    Selon ce que je lis, je crois que vous conseillez notamment aux gouvernements de ne pas réagir de manière excessive et de réaliser une évaluation réaliste de la taille de l’industrie et de ses effets. Vous semblez souligner que les effets sont évidemment différents sur le plan de la fiscalité dans les provinces comme la mienne, comme en Alberta.
    Tout le monde peut répondre à ma question. Le budget fédéral sera évidemment présenté au printemps. Quels conseils nous donneriez-vous en ce qui a trait à la taille de l’industrie pétrolière et à la manière dont le gouvernement devrait réagir dans son prochain budget?
    Commençons par vous, monsieur Cross.

  (1720)  

    À mon avis, c’était en gros en réponse à l’idée que le Canada est devenu un État pétrolier, en raison de la croissance importante de la production de sables bitumineux dans cette industrie en général depuis une décennie. Je suis tout à fait d’accord. Je me souviens qu’à l’automne Jack Mintz s’était fait demander si le dollar canadien était une pétromonnaie. J’ai trouvé qu’il avait très bien répondu. Il a dit que, si c’est le cas, elle n’est pas très bonne. Si nous sommes un État pétrolier, nous ne faisons pas très bonne figure.
    Nous ne le sommes pas. Il est vrai que l’industrie pétrolière a connu une croissance fulgurante et que le secteur des ressources a généralement progressé. Ce que les gens ne se rappellent pas, c’est que cette industrie s’était grandement contractée durant les années 1990. D’après moi, une grande partie de la croissance dans le secteur des ressources se voulait tout simplement le retour vers une économie équilibrée entre les ressources et la fabrication qui sous-tend traditionnellement la prospérité au Canada. Je croyais qu’il était dangereux de devenir trop dépendant de la faiblesse du dollar et de la croissance dans le secteur manufacturier. Je pense que cela s’est confirmé, premièrement, par la débâcle dans le secteur des TIC en 2000 et les problèmes constants dans les secteurs du textile et des produits forestiers.
    Selon moi, nous avons vu un rééquilibrage adéquat; nous nous sommes éloignés de la fabrication et nous sommes revenus vers les ressources. Je ne pense pas que nous soyons trop dépendants des ressources. Le secteur manufacturier demeure une plus grande industrie que le secteur des ressources. À mon avis, les gens ne devraient pas perdre cela de vue. Nous ne sommes pas l’Alberta, qui est dépendante du secteur des ressources.
    Merci.
    Monsieur Locke, avez-vous des conseils pour la suite des choses?
    Certainement. Je conseillerais au gouvernement et à l’industrie de ne pas laisser des problèmes à court terme dicter la donne concernant les plans à long terme. Vous devez évaluer si les prix resteront bas encore longtemps et en déterminer les effets. Si c’est un problème qui durera un, deux ou trois ans, nous ne devrions pas réduire nos dépenses. Nous ne devrions prendre aucune mesure draconienne. Nous devrions essayer de gérer la situation et de traverser cette période du mieux que nous le pouvons.
    Bref, je crois que mon conseil est de ne pas laisser les problèmes à court terme dicter les stratégies à long terme.
    Merci.
    Monsieur Wright, allez-y.
    Je crois avoir une opinion similaire; je vous conseille de maintenir le cap et de ne pas vous laisser distraire. Je préférais que le Canada continue d’améliorer sa limite de vitesse, qui est de 2 % pour le Canada en ce qui concerne la croissance de la main-d’oeuvre et la productivité. Je crois que c’est la manière de faire croître l’assiette économique, ce que nous souhaitons tous.
    Cela signifie des allégements fiscaux, une réforme fiscale et des allégements réglementaires, mais cela veut aussi dire qu’il faut continuer de mettre l’accent sur l’amélioration de la productivité et en particulier sur les petites et moyennes entreprises canadiennes, étant donné que 99,8 % de nos entreprises ont moins de 500 employées. Si nous les aidons à croître, cela fera augmenter la productivité, ce que nous souhaitons tous.
    Merci.
    Monsieur Cross, il me reste environ 10 secondes, si vous voulez ajouter quelque chose.
    J’aimerais tout simplement dire que l’année 1986, à l’instar de l’année 1998, a également été instructive. En 1986, les prix ont tellement chuté rapidement que les gens voulaient mettre fin au projet Hibernia. Le gouvernement a dû renflouer le projet. Cela s’est avéré une décision très éclairée.
    Cela revient à dire de ne pas paniquer.
    Merci.
    Nous devrions avoir le temps de faire une autre série de questions pour le NPD et le Parti conservateur.
    Monsieur Dionne Labelle.

[Français]

     Je n'étais pas là pendant un moment. Je vous salue donc de nouveau, messieurs.
    J'ai lu avec attention le document de l'institut C.D. Howe. En ce qui concerne la politique monétaire, vous êtes très critiques concernant la baisse de l'indice de la Banque du Canada. Or j'ai surtout remarqué dans votre document que votre comité sur la politique monétaire comprend 12 économistes et que ces derniers ne s'entendent pas.
    Le document montre effectivement que vous ne vous entendez pas sur les effets qu'aura la baisse du pétrole sur les provinces. Est-ce que celles-ci doivent hausser leurs taxes ou cumuler des déficits? Il y a une discussion au sein de votre comité à ce sujet. Concernant les attentes inflationnistes, il n'y a pas de point de vue uniforme. Selon votre document, il n'y a pas de consensus sur l'ampleur des effets positifs sur l'économie. Vous ne vous entendez pas non plus sur l'effet de la baisse sur la stabilité de l'économie canadienne.
     Quand nous avons insisté pour que cette étude réunisse des experts, nous souhaitions savoir vers quoi nous nous dirigions, mais nous semblons recueillir une réponse différente d'un économiste à l'autre.
     J'émets ce constat avec sympathie, mais il reste qu'il nous est difficile de voir ce vers quoi nous nous dirigeons si le prix se maintient à 50 $ pendant quatre ou cinq ans.

  (1725)  

    Je pense que nous nous entendons tous, ici autour de la table, pour dire qu'il y a beaucoup d'incertitude concernant les effets positifs. Chaque individu a sa façon de pondérer les incertitudes, mais je crois qu'il y a tout de même un consensus à savoir que, pour l'économie canadienne, l'impact global est négatif. Cela dit, les avis divergent effectivement en ce qui a trait à la taille de cet impact négatif. Enfin, nous sommes d'accord que les impacts positifs sont davantage à moyen et à long terme et que leur taille est aussi plus incertaine.
    Êtes-vous d'accord pour dire que la baisse du prix du baril de pétrole va stimuler l'économie mondiale de manière générale?
    Oui, il est certain que, pour un pays ou un bloc de pays non producteur de pétrole, l'impact est positif. Je crois que le Canada a de la chance en ce sens que les États-Unis sont son partenaire principal. C'est là où, semble-t-il, la croissance réelle sera la plus forte au cours des deux ou trois prochaines années.
     Certains pays ou groupes de pays qui ne produisent pas de pétrole, notamment le Japon, la Chine et la zone euro, traînent malheureusement de la patte, mais pour d'autres raisons.
    En effet.
    Il est certain que la baisse du prix du pétrole les aide, mais ils souffrent d'une foule d'autres problèmes structurels, malheureusement.
    Oui, j'en conviens avec vous.
    Je ne me rappelle pas lequel d'entre vous a dit — et j'ai bien aimé ces propos — qu'on surestimait l'impact du secteur pétrolier sur l'ensemble de l'économie canadienne. On a parlé plus tôt de pourcentage du PIB. La Banque du Canada dit que c'est 6 %. Il est certain que cela représente 14 % de nos exportations, mais dans l'ensemble, le Canada reste relativement équilibré sur le plan économique.
     Est-ce que j'ai bien compris votre point de vue?
    Oui, je crois que c'est moi qui ai dit cela.
     Je vais juste répéter que, même avec la forte croissance, en partie en réaction à la baisse de la production des ressources, l'idée qui a cours est qu'on est plus dépendant qu'auparavant à l'égard des ressources, particulièrement dans le secteur pétrolier. C'est relativement minime par rapport aux secteurs manufacturiers ou de l'habitation, notamment.
    ... l'ensemble des forces de l'économie.
    Le gouvernement a 23 %, par exemple.
    La Banque du Canada dit qu'il y aura un ralentissement de la croissance, mais pas une inversion. On se dirigera vers une croissance, mais plus lentement.
    Oui. Selon la meilleure estimation de la Banque du Canada, d'ici la fin de l'année, la croissance de l'industrie pétrolière sera réduite de 0,3 %, ce qui n'aurait pas été le cas s'il n'y avait pas eu de baisse dans ce secteur.
    Merci.
    Merci, monsieur.
     Monsieur Saxton, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    J’ai une question pour Craig Wright. Craig, quel effet le bas prix du pétrole aura-t-il sur les consommateurs? Je sais que dans ma circonscription de North Vancouver les consommateurs économisent de 20 à 25 $ chaque fois qu’ils font le plein d’essence. Remarquez que cela a diminué au cours des dernières semaines, parce que le prix a en fait passablement augmenté. Je crois que le litre d’essence se vend actuellement à environ 1,25 $. Constatons-nous que ce revenu disponible additionnel est dépensé dans d’autres secteurs de l’économie?

  (1730)  

    Lorsque nous nous sommes penchés sur les effets des cours du pétrole, j’ai souligné certains avantages. En particulier, nous avons examiné les économies réalisées sur l’essence aux États-Unis. Nous sommes arrivés à des économies nettes pour les consommateurs américains d’environ 150 milliards de dollars. Au Canada, la baisse des cours du pétrole n’entraîne pas une diminution équivalente du prix de l’essence. Comme vous l’avez sous-entendu, les prix ont tendance à baisser plus lentement qu’ils grimpent, mais nous avons évalué que les économies réalisées par les consommateurs canadiens équivalent à des réductions d’impôt de 11 milliards de dollars. Cela ne peut pas nuire.
    Je crois me rappeler que nous avons discuté plus tôt du rapport dette-revenu. La croissance des dépenses des consommateurs a ralenti. La réduction d’impôt provenant des réductions à la pompe amortira ce ralentissement, mais nous constatons que la croissance des dépenses des consommateurs correspond davantage à la croissance des revenus au lieu d’accroître encore plus l’endettement. Le rapport dette-revenu est préoccupant, et nous aurons d’autres données demain, ce qui laisse entendre que ce rapport atteindra encore une fois un niveau record. Les consommateurs ralentiront davantage la croissance pour la faire correspondre aux revenus, mais les prix à la pompe amortiront ce ralentissement.
    D’accord. Merci.
    Monsieur Locke, j’ai une question. Vous avez parlé des effets qu’a la chute des cours du pétrole sur l’économie de Terre-Neuve et le budget du gouvernement, étant donné qu’il est le principal bénéficiaire des redevances. Qu’est-ce que le gouvernement fédéral peut faire de plus à cet égard? En avons-nous fait suffisamment? Est-ce davantage rendu un problème provincial?
    C’est davantage un problème provincial. Je ne pense pas que nous, en tant que pays, puissions faire quoi que ce soit à ce sujet. Ce que j’espère, c’est que l’industrie adopte une perspective à plus long terme en ce qui concerne ce qui se passe vraiment. Les gens réagissent aux fluctuations à court terme des cours comme s’il s’agissait d’un phénomène à long terme, et il y a beaucoup d’incertitudes à ce sujet. Si vous examinez les facteurs sous-jacents qui déterminent les prévisions concernant l’offre, ces facteurs vous donneront beaucoup de raisons de vous inquiéter. Sur ce plan, il y a beaucoup d’incertitude et de volatilité. Les gens réagissent, en raison de l’incertitude et des risques, et ils essaient de traverser cette période du mieux qu’ils peuvent en exerçant leur pouvoir discrétionnaire. Cela aura des conséquences à long terme pour la société et la province.
    Y a-t-il eu des congédiements massifs à Terre-Neuve? Dans l’affirmative, les employés congédiés se sont-ils fait dire d’être prêts à être réembauchés dans un proche avenir? Quelle est la situation?
    Il y a certainement eu des gens qui n’ont pas été rappelés pour retourner travailler en Alberta. Il n’y a pas beaucoup de réduction dans les activités à Terre-Neuve. Un projet a été retardé d’un an, soit l’expansion du projet White Rose. Pour l’heure, il n’y a pas eu de changements fondamentaux dans la province. Par contre, ce serait inquiétant que des investissements dans de nouveaux projets soient retardés — et il y en a beaucoup —, parce que cela aurait des conséquences à long terme pour la province et l’ensemble du pays.
    D’accord. Merci beaucoup.
    Monsieur Cross, dites-moi ce que nous réserve l’économie canadienne cette année. Que prévoyez-vous en ce qui a trait aux taux de croissance?
    Je suis pratiquement tenté de laisser Craig répondre à cette question.
    Je suis ravi de dire...
    J’essaie de poser des questions à tout le monde.
    Comme j’ai travaillé à Statistique Canada, je n’ai que très peu de réflexes en ce qui concerne les prévisions et l’élaboration des politiques.
    Mon impression générale... J’ai produit un indicateur avancé qui a diminué de 0,2 % au cours du dernier mois. En gros, c’est en raison des prix des produits de base. Si nous les excluons, l’indicateur augmente de 0,3 %. Je suis d’accord avec l’idée générale que les coûts seront concentrés au début. Nous aurons un premier trimestre faible, puis nous verrons les effets positifs sur les dépenses des ménages et particulièrement la croissance américaine. Dans l’ensemble, je suis assez optimiste en raison tout simplement de l’économie américaine; elle plafonne à 1,5 ou à 2 % depuis des années, mais le consensus semble être que la croissance finira par atteindre plus de 3 %. Les chiffres sur l’emploi aux États-Unis sont très bons. Bref, je crois que cela nous aidera.
    Vous ne vous attendez donc pas à ce que la situation du pétrole entraîne un grave ralentissement économique.
    Non. J’ai vu le sondage dans les journaux, à savoir que la majorité des Canadiens pensent que l’économie est en déclin, et vous dites que les gens tirent des conclusions hâtives des marchés boursiers et des fluctuations du dollar. Cette situation fait couler beaucoup d’encre. Elle a un gros effet sur les prix; c’est une grande histoire. Par contre, ceux qui prétendent que cela causera le déclin de l’ensemble de notre économie exagèrent l’importance de ce secteur dans notre économie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Saxton.
    Au nom du comité, je tiens à remercier les gens qui ont témoigné aujourd’hui. Nous vous remercions énormément de vos réponses à nos questions. Si vous voulez nous faire part d’autre chose, veuillez faire parvenir le tout à la greffière. Nous nous assurerons de le transmettre à tous les membres. Merci de votre patience à l’égard des deux votes.
    Chers collègues, si les membres du sous-comité veulent bien rester, nous mettrons fin à la séance du comité, puis nous passerons à la séance du sous-comité. Merci.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU