FOPO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des pêches et des océans
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 24 mars 2015
[Énregistrement électronique]
[Traduction]
Nous allons commencer la séance d'aujourd'hui. Avant d'écouter les témoignages ce matin, j'ai une petite question d'ordre administratif à régler. Une motion a été distribuée, je crois. Quelqu'un voudrait-il en faire la proposition?
Mme Davidson propose:
Que le budget proposé de 3 600,00 $, pour l'examen du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières, soit adopté.
Monsieur Chisholm, vous pouvez intervenir à propos de la motion.
Elle vise à couvrir les dépenses des témoins qui comparaîtront devant le comité dans le cadre de l'examen du projet de loi S-3.
Merci, Georges.
Je tiens à remercier nos témoins de prendre le temps de comparaître devant nous aujourd'hui. Comme vous le savez sans doute, nous discutons du projet de loi à l'étude S-3. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir témoigner et répondre aux questions des membres du comité malgré vos horaires chargés. J'ignore si vous avez déterminé lequel d'entre vous va commencer ce matin.
Monsieur McGuinness, je vous invite dès que vous êtes prêt à nous présenter votre déclaration liminaire.
Avant toute chose, je vous remercie infiniment de m'avoir invité. Je me suis dit que j'allais d'abord introduire brièvement le Conseil canadien des pêches, ou CCP, après quoi j'entrerai dans le vif du sujet.
Le CCP est une association commerciale nationale située ici, à Ottawa — ma participation d'aujourd'hui n'occasionnera donc aucune dépense. Nous représentons l'industrie d'un océan à l'autre, notamment en Colombie-Britannique, dans les eaux douces des Prairies, en Ontario, au Québec, dans les Maritimes, à Terre-Neuve-et-Labrador et au Nunavut. Nos principaux piliers, c'est-à-dire les gens qui versent mon salaire, sont en fait ce que nous appelons des sociétés intégrées verticalement de l'industrie de la pêche. Cette appellation désigne des entreprises qui possèdent leurs propres bateaux de pêche et usines de transformation, et qui participent à la commercialisation.
Nous sommes également très fiers de représenter de grandes coopératives de pêcheurs. Il s'agit d'usines de transformation du poisson qui appartiennent à des associations de pêcheurs du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve-et-Labrador et du Nunavut.
Nous avons également une catégorie spéciale pour les flottes. Nous représentons la BC Seafood Alliance, qui possède 80 % des bateaux autorisés par le ministère des Pêches et des Océans, ou MPO. Dans le Canada atlantique, nous représentons les industries de la pêche hauturière de la crevette, du poisson de fond et du pétoncle.
En somme, nous avons divers membres, et nous nous attaquons aux enjeux nationaux et internationaux qui ont une incidence sur notre industrie. Nous ne nous mêlons pas des questions relatives aux allocations des pêches, comme les quotas et ce genre de choses. C'est probablement la raison pour laquelle nous avons survécu depuis 1945. En fait, nous existons depuis 1915, mais nous avons changé le nom de l'organisation pour le Conseil canadien des pêches en 1945.
J'aimerais également parler de la International Coalition of Fisheries Associations, une coalition internationale d'associations nationales de pêche telles que le CCP. L'association américaine est le National Fisheries Institute, et celle du Japon, la Japan Fisheries Association. Ces trois associations sont d'ailleurs les membres fondateurs de la coalition. Au moment de la création de l'organisation, les États-Unis et le Japon étaient les deux premiers marchés de fruits de mer en importance dans le monde, et le Canada était le plus grand exportateur de poisson.
Nous avons décidé de créer une organisation de cette envergure lorsque nous avons remarqué que l'Assemblée générale des Nations Unies de même que le secteur de la pêche de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, ou OAA, se lançaient dans des politiques des pêches et des problèmes de gestion des pêches qui allaient avoir une incidence sur les pêches commerciales du monde entier. Lorsque nous avons examiné les règles du jeu, nous avons remarqué qu'un certain nombre d'organisations environnementales mondiales, comme le Fonds mondial pour la nature et Oceana, étaient enregistrées auprès de ces institutions. Nous avons donc jugé nécessaire qu'une association commerciale mondiale représente le point de vue de l'industrie de la pêche commerciale.
Les négociations de l'ONU et de l'OAA se déroulent évidemment entre les États membres, mais dans le cadre des rencontres, il est toujours prévu à l'ordre du jour de donner la parole aux organisations non gouvernementales, ou ONG, qu'elles soient environnementales ou industrielles, qui peuvent alors commenter les délibérations et faire des suggestions. La International Coalition of Fisheries Associations a donc toujours envoyé un représentant à ces réunions pendant les négociations.
Notre coalition réunit désormais 16 associations nationales du Canada et des États-Unis en Amérique du Nord; des pays scandinaves en Europe; du Japon et d'autres pays de la région Asie-Pacifique; et quelques associations africaines. Je préside actuellement la coalition. Pour toutes sortes de raisons, les membres m'ont réélu à ce poste ces cinq dernières années.
En ce qui a trait au projet de loi à l'étude, même s'il modifie la Loi sur la protection des pêches côtières, nous parlons bel et bien de l'accord de l'ONU sur les mesures du ressort de l’État du port.
Les mesures que l'OAA a prises en ce sens étaient vraiment en réponse à une campagne de sensibilisation très réussie d'ONG vouées à l'environnement qui visait à s'attaquer au problème de pêche illicite, non déclarée et non réglementée, ou INN. Bien sûr, les ONG du secteur de la pêche sont très astucieuses. Elles reconnaissent la grande précarité du secteur de la vente au détail des principaux pays, comme le Canada et les États-Unis en Amérique du Nord, et les pays européens.
Tout d'abord, le marché du détail est très ciblé, quoiqu'il ne le soit généralement pas autant qu'au Canada. Nous avons essentiellement cinq détaillants nationaux au Canada. Les États-Unis ont de grands détaillants aussi, mais leur marché est un peu plus fragmenté. Aussi, bon nombre de pays européens, comme l'Allemagne, le Royaume-Uni et d'autres, ont des détaillants de premier plan. Le milieu environnemental a exercé des pressions soutenues auprès des détaillants pour leur faire comprendre que la pêche INN est un véritable problème pour notre industrie.
Au bout du compte, il était dans notre intérêt d'essayer de régler le problème émergeant de pêche INN — tant pour les organismes de gestion de pêches comme le MPO que pour l'industrie. Ce que nous avons constaté, c'est que le projet d'accord sur les mesures du ressort de l'État du port a vu juste, dans la mesure où l'on insiste désormais sur la pêche hauturière et le transfert de poissons pêchés illégalement en haute mer. Nous appuyons donc cet accord sans réserve.
En ce qui concerne la Loi sur la protection des pêches côtières, je dois admettre que le Conseil canadien des pêches ne s'est pas penché sur les aspects juridiques des modifications devant être apportées à la loi afin de pouvoir ratifier l'accord sur les mesures du ressort de l'État du port. L'industrie de la pêche au Canada est reconnaissante que l'Association canadienne de droit maritime, ou ACDM, s'attarde à cette question. Je tiens d'ailleurs à féliciter le comité d'avoir invité son représentant à commenter le projet de loi.
Le problème qui survient lorsque nous essayons de régler le problème de la pêche INN au moyen d'un accord international comme l'accord sur les mesures de l'État du port, c'est que la procédure est très longue. Les négociations ont été longues, et il faudra encore du temps avant que l'accord ne soit ratifié par un nombre suffisant de pays pour dire que c'est la bonne façon de régler le problème de pêche INN. Compte tenu du délai, le milieu environnemental ne ferme pas l'oeil et continue son travail. Il a d'ailleurs exercé une pression énorme auprès de l'Union européenne, désormais le plus important marché de fruits de mer au monde, afin qu'elle prenne des mesures radicales pour s'attaquer au problème.
Il y a deux ou trois ans, l'UE a bel et bien pris des mesures unilatérales en ce sens. Elle a décidé que tout le monde était coupable de pêche INN jusqu'à preuve du contraire. Elle a donc adopté une loi visant à ce que toute cargaison en provenance du Canada, des États-Unis ou d'ailleurs soit certifiée. Dans notre cas, le MPO doit attester à l'aide d'un certificat que le bateau ayant pêché le poisson détenait un permis du MPO, que la pêche était permise au moment où le poisson a été capturé, et que le nombre de poissons capturé respectait le quota.
Lorsque cette exigence a été imposée, l'industrie de la pêche et le CCP étaient en pleine crise puisque notre marché n'a rien à voir avec celui de l'Islande ou de l'Alaska, disons, où les pêches sont très regroupées. En fait, le MPO surveille 150 types de pêches, ou dispose de plans de gestion des pêches, et 87 % des bateaux auxquels il délivre des permis mesurent 45 pieds et moins.
Essayer de respecter cette exigence a été un défi incroyable pour nous. Je dois d'ailleurs admettre que c'est un des faits saillants du rendement du MPO depuis les deux ou trois dernières années, puisqu'il s'est vraiment retroussé les manches. Il a embauché une excellente entreprise canadienne de taille moyenne spécialisée en informatique, qui a miraculeusement tout regroupé et créé un programme informatique nous permettant de ne rien manquer, de respecter l'échéance et de délivrer le certificat, ce qui nous permet de continuer à exporter dans l'UE. Ces activités se déroulaient initialement à Ottawa, mais le bureau est désormais sur la superbe Île-du-Prince-Édouard, où il continue d'accomplir un travail remarquable.
Des pressions ont également été exercées aux États-Unis à propos d'une mesure unilatérale. Lorsque le pays a pu aller de l'avant aux termes de sa loi Magnuson-Stevens sur la pêche, il a décidé de mettre en place sa propre mesure unilatérale différente de celle de l'UE, compte tenu des pressions.
Les Américains sont d'avis que nous sommes innocents jusqu'à preuve du contraire. La National Oceanic and Atmospheric Administration, ou NOAA, qui est l'organisation américaine d'administration des pêches, vérifie ce qui se passe dans les milieux de pêche INN, puis identifie les pays qui, selon elle, ne s'attaquent pas véritablement au problème au sein de leur industrie. Elle avise ensuite le pays en question, puis entreprend des consultations afin de l'amener à améliorer ses pratiques — en le menaçant bien sûr de lui refuser l'accès au marché s'il ne change rien. Puisque les États-Unis représentent un marché de 20 milliards de dollars qui importe 90 % de ses poissons et fruits de mer, c'est toute une menace.
Lorsque les Américains se sont aventurés sur cette voie, nous avons échappé un soupir de soulagement puisque nous savions que nous ne serions pas ciblés, compte tenu de notre réputation et de notre régime de gestion des pêches très rigoureux. En fait, les États-Unis ont identifié six pays en 2011, et cinq d'entre eux n'avaient pas amélioré leurs pratiques en 2013 et sont demeurés sur la liste. Les États-Unis négocient actuellement avec 10 pays, disons, pour les inciter à mettre à jour leurs mesures relatives à la pêche INN.
Ces mesures sont en place depuis un certain nombre d'années. Encore une fois, les groupes environnementaux américains, plus particulièrement le Fonds mondial pour la nature et Oceana, n'étaient pas très ravis de la situation puisque le pays ne semblait prendre aucune mesure importante autre que de discuter avec les entreprises. Les groupes ont donc exercé de très fortes pressions auprès du secrétaire d'État Kerry, du Massachusetts, faisant valoir que le gouvernement américain doit prendre des mesures un peu plus musclées, quelque chose comme l'UE, qui impose au moins un certificat d'importation. Le sénateur Kerry est convaincu que c'est une bonne cause. Je pense que nous pouvons presque dire qu'il cherche à laisser sa marque au Massachusetts.
Les États-Unis ont créé un groupe de travail présidentiel sur la pêche INN en juin 2014, qui s'est attardé à un certain nombre de questions. Le CCP et la International Coalition of Fisheries Associations ont joué un rôle à ce chapitre. Le groupe de travail et le président ont fini par convenir d'un plan d'action.
J'aimerais simplement porter à votre attention que, dans le cadre du plan d'action, les États-Unis s'engagent à ratifier l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port. Le secrétaire d'État a d'ailleurs pour mandat de parcourir le monde pour encourager les pays à signer l'accord. Il soulèvera également la question dans le cadre des négociations commerciales d'aujourd'hui et de demain.
Si vous voulez bien me permettre de conclure...
La pêche INN n'est pas vraiment un problème en Amérique du Nord, étant donné que les détaillants qui souhaitent pénétrer le marché canadien doivent vraiment obtenir une reconnaissance en matière de développement durable ou un certificat.
Le Canada doit donc ratifier l'accord s'il souhaite conserver son image de chef de file. C'est d'autant plus important que les États-Unis s'y intéressent désormais. Si un nombre suffisant de pays ratifient l'accord, il est à espérer que nous pourrons discuter avec l'UE afin de l'inciter à laisser tomber son exigence en matière de certificat.
Veuillez m'excuser d'avoir pris autant de temps. Je suis prêt à répondre aux questions.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'avoir invité aujourd'hui l'Association canadienne de droit maritime, ou ACDM, à discuter du projet de loi S-3. Je suis particulièrement ravi d'être aux côtés de mon confrère, M. McGuinness. Comme il l'a dit, alors que le Conseil canadien des pêches s'attarde au contexte et aux problèmes sous-jacents, l'ACDM examine plutôt la formulation. J'espère donc que nos exposés seront complémentaires.
Ma présentation comportera trois brefs segments. Je vais commencer par un survol rapide de l'ACDM. En deuxième lieu, je confirmerai essentiellement notre appui du projet de loi. Troisièmement, j'aimerais vous rappeler qu'une disposition du projet de loi pourrait être améliorée, comme nous l'avons exprimé devant le Sénat. En revanche, notre appui ne dépend pas du tout de cette recommandation.
Pour commencer, l'ACDM regroupe des spécialistes du droit maritime qui exercent leur profession et un certain nombre d'entreprises et d'associations de l'industrie maritime. Nous comptons actuellement 14 membres semblables qui représentent un vaste échantillon de l'industrie du transport maritime. Je peux nommer les 14, mais pour vous donner une idée du genre d'organisation dont il s'agit, l'Association des armateurs canadiens et la Fédération maritime du Canada en font partie.
L'ACDM découle de la participation du Canada au sein d'organisations internationales de droit maritime. Plus particulièrement, le Comité maritime international est une organisation internationale qui a été créée en 1897 dans le but de favoriser l'uniformisation et la réforme du droit et du commerce maritimes à l'échelle internationale. L'ACDM représente donc le Canada au sein du Comité maritime international. Elle s'intéresse notamment au droit maritime national, et un de ses objectifs est l'uniformisation. L'ACDM s'intéresse depuis quelque temps au projet de loi S-3 puisqu'il mettrait essentiellement en oeuvre un traité international favorisant l'harmonisation des lois. Nous le surveillons et avons proposé des mesures semblables au Sénat. Nos représentants ont également discuté en conférence téléphonique avec le MPO à propos de l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port, et de sa mise en oeuvre.
Le comité des pêches de l'ACDM a présenté un certain nombre de comptes rendus à ses membres sur la progression du projet de loi, et aucun d'entre eux n'y a réagi négativement. L'ACDM est d'accord sur le principe qui sous-tend l'accord. En fait, puisque certains pays ne contrôlent pas réellement leurs bateaux de pêche, nous convenons que l'État où le poisson est débarqué, y compris le Canada, doit prendre des mesures afin de limiter la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, ou INN.
L'ACDM appuie fortement l'initiative du MPO, qui souhaite lutter contre ces activités INN au moyen de la mise en oeuvre du projet de loi.
Même si nous appuyons le projet de loi S-3, un détail du libellé pourrait selon nous être amélioré. L'article 8 du projet de loi propose de modifier l'article 13 de la Loi sur la protection des pêches côtières. La disposition reprend le libellé de la loi actuelle qui permet la remise du bateau de pêche ou des autres biens saisis sur fourniture d'une garantie que le ministre juge acceptable quant au montant et à la forme. Le consentement du garde-pêche est également nécessaire pour la remise du bateau saisi. Ce libellé ressemble beaucoup à celui du paragraphe actuel 71(2) de la Loi sur les pêches.
En fait, un tribunal de la Nouvelle-Écosse a examiné ce paragraphe de la Loi sur les pêches dans le jugement R. c. McDonald de 2002, qui a été entériné par la cour d'appel. Dans cette décision, le juge observe que la loi omet de faire déterminer judiciairement la possession provisoire de ces articles importants. Le juge critique essentiellement le libellé du paragraphe 71(2) de la Loi sur les pêches, qui est sensiblement le même que celui de l'article 13 de la Loi actuelle sur la protection des pêches côtières. L'ACDM trouve donc le moment bien choisi pour modifier la disposition actuelle. Nous partageons l'avis du juge de l'affaire R. c. McDonald.
L'ACDM est d'avis que les articles 71 de la Loi sur les pêches et 13 de la Loi sur la protection des pêches côtières comportent une lacune fondamentale puisqu'ils prévoient qu'un bateau peut être remis sur fourniture d'une garantie dont le montant et la forme sont acceptables aux yeux du ministre plutôt que du tribunal. Comme je l'ai dit, au moins un tribunal a jugé que la disposition signifie qu'il n'est pas nécessaire de remettre le bateau si aucune forme de garantie n'est acceptable aux yeux du ministre.
Nous proposons donc une légère amélioration du projet de loi. L'article 13 pourrait être modifié un peu comme le gouvernement l'avait proposé en 2007, lorsqu'il a envisagé de changer le paragraphe 71(2) de la Loi de 2007 sur les pêches. C'était le projet de loi C-32, qui est malheureusement mort au Feuilleton, de sorte que la modification n'a jamais été mise en oeuvre.
Mais l'intervention nécessaire est très simple. Il s'agit simplement de faire en sorte que le montant et la forme de la garantie soient déterminés par un tribunal plutôt que par le ministre.
Lorsque le gouvernement du Canada saisit un bateau de pêche dans l'attente d'un procès, il peut s'écouler une à deux années, et même plus dans certains cas pour que l'affaire se rende devant les tribunaux. Le problème, c'est que le propriétaire du bateau saisi ne peut pas utiliser son bien pendant ce temps, de sorte que l'équipage se retrouvera fort probablement sans emploi. Compte tenu de la présomption d'innocence jusqu'à preuve du contraire de notre système judiciaire, il semble problématique d'empêcher l'utilisation d'un bateau dans l'attente du procès. C'est en fait une sanction qui précéderait le verdict de culpabilité.
La Loi sur les pêches et la Loi sur la protection des pêches côtières ont toujours prévu des dispositions permettant aux propriétaires du bateau de verser une somme pour récupérer leur bien dans l'attente du procès. Dans un cas semblable, la sanction visée par la Couronne équivaut normalement à peu près à la garantie exigée pour la remise du bateau, et parfois légèrement plus. Cela permet donc de continuer à utiliser le bateau en attendant l'issue du procès.
Le problème du libellé actuel du paragraphe 71(2) de la Loi sur les pêches et de l'article 13 de la Loi sur la protection des pêches côtières, c'est qu'il dit essentiellement que le tribunal peut ordonner la remise du bateau, mais que c'est le ministre plutôt que le tribunal qui décide du montant et de la forme de la garantie. Le problème ici, c'est que le montant et la forme de la garantie devraient être déterminés par une personne impartiale et indépendante, comme un juge ou un tribunal administratif. Or, selon le libellé actuel de l'article 13, la responsabilité incombe essentiellement au ministre, ce qui signifie la plupart du temps que c'est le garde-pêche responsable de l'enquête qui déterminera le montant et la forme de la garantie.
La modification à la Loi sur les pêches qui devait être apportée grâce au projet de loi C-32 aurait substitué « tribunal » à « ministre ». Je comprends qu'aucun tribunal n'est associé à la Loi sur la protection des pêches côtières. Pour l'instant, l'ACDM est donc d'avis que l'article 13 pourrait simplement faire référence à un tribunal plutôt qu'au ministre.
J'ajouterais aussi que l'article 13 de la Loi sur la protection des pêches côtières exige le « consentement » du garde-pêche pour que le bateau soit remis. L'ACDM propose également de supprimer cette mention puisque, comme dans le cas du ministre, le garde-pêche n'est pas nécessairement une personne impartiale et indépendante. Nous sommes d'avis que le tribunal devrait encore une fois prendre la décision.
En résumé, monsieur le président, l'ACDM vous propose d'apporter cette légère modification afin de corriger ce qui nous semble surtout être une question de procédure. Nous croyons qu'il est temps de pallier ce que nous estimons être une petite lacune de la loi. Compte tenu de la présomption d'innocence jusqu'à preuve du contraire qui prévaut au sein de notre système judiciaire, nous croyons que le tribunal est le mieux placé pour déterminer le montant et la forme de la garantie, et que la modification améliorerait le projet de loi. Quoi qu'il en soit, l'ACDM accepte et appuie le principe régissant le projet de loi S-3.
C'est ce qui met fin à mon intervention, et je suis prêt à répondre aux questions. Merci.
Nous allons maintenant procéder à une série de questions de 10 minutes, à commencer par M. Chisholm.
Merci beaucoup, messieurs, de comparaître pour traiter du projet de loi S-3.
J'ai trouvé intéressant de consulter la transcription des séances que le comité sénatorial des pêches a tenues en 2013. J'ai quelques questions au sujet des exposés que vos organisations ont faits aujourd'hui et à l'époque.
Tout d'abord, monsieur Henley, le point que vous avez soulevé au sujet de l'amendement a déjà été abordé par votre collègue, M. Caldwell, en 2013. Il semble que ses propos n'ont pas été particulièrement bien reçus.
Des voix: Oh, oh!
M. Robert Chisholm: Je m'intéresse aux conséquences d'une poursuite potentielle si un amendement n'est pas apporté, compte tenu de ce que vous avez dit sur l'affaire R. c. McDonald en Nouvelle-Écosse. Quelles conséquences une telle poursuite pourrait-elle avoir si nous continuons de permettre au ministre et/ou à l'agent de protection, selon le cas, de déterminer le montant et la forme de la garantie?
C'est une bonne question, monsieur Chisholm.
Voici comment les choses se passeraient normalement en cour, si l'affaire se retrouve devant les tribunaux. En vertu des règles de la Cour fédérale, si un navire est saisi, par exemple, et qu'on intente une poursuite civile, le tribunal remettra le navire en échange d'une garantie d'une valeur équivalente à celle du navire, substituant essentiellement cette garantie au navire. Dans le cas d'une poursuite, nous pourrions croire que par souci d'équité, la procédure devrait être la même. Mais le problème fondamental ici, c'est que la cour est tenue, en vertu de la règle du précédent, de suivre ses précédents et ses règles, alors que ce n'est pas le cas pour le ministre. Ainsi, en théorie, le ministre ou l'agent des pêches pourraient fixer un montant prohibitif ou simplement refuser de remettre le navire en n'acceptant pas la forme de garantie, car ils ne sont pas assujettis au même désir de cohérence que les tribunaux.
Là où le bât blesse, comme le tribunal l'a souligné dans l'affaire R. c. McDonald, c'est qu'en fixant un montant prohibitif, on empêche essentiellement la remise du navire, ce qui est peut-être compréhensible si la violation alléguée est particulièrement grave. Mais si l'intéressé est finalement acquitté, il ne pourra utiliser son navire pendant peut-être deux ou trois ans.
Et est-ce que le fait que la sanction soit jugée très sévère pourrait avoir une incidence sur la décision finale de la cour?
Du point de vue de la justice naturelle, quand on exige une garantie, on substitut essentiellement cette forme de garantie au navire. Logiquement, on peut considérer que le maximum qu'on pourra jamais obtenir, c'est la valeur du navire, car si on entame des poursuites et que le tribunal décide de confisquer le navire, on n'aura rien de plus que le produit de la vente du navire.
Et franchement, je pense qu'il est probablement plus facile pour l'État de remettre le navire en échange d'une garantie en espèces ou quelque chose de semblable, car il n'aura pas à vendre le navire à la fin du processus.
D'accord.
Merci, monsieur Henley. En passant, j'espère que vos clients sont conscients de tous les efforts que vous avez déployés pour venir ici.
J'aimerais que les autres membres du comité sachent que M. Henley vient de Dartmouth et que sa rue n'a pas encore été déneigée. Tout le monde sait que cela ne concerne pas le gouvernement fédéral, et je vais m'empresser de passer un coup de fil aux agents municipaux pour leur indiquer qu'il faut corriger la situation.
Quoi qu'il en soit, merci, monsieur Henley, d'être venu.
Monsieur McGuinness, vous avez souligné que l'Union européenne et les États-Unis agissent unilatéralement pour lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. Vous considérez que cet accord international, si le Canada le ratifie et l'intègre à sa législation, pourrait faciliter les choses en atténuant en partie les difficultés que l'Union européenne, en particulier, fait subir à vos membres.
Vos membres doivent être un peu irrités que nous n'ayons pas accompli beaucoup de progrès. Nous voilà au printemps de 2015, et nous sommes encore loin d'avoir adopté ce projet de loi.
Eh bien, je devrais dire qu'essentiellement, nous oeuvrons dans le domaine des pêches depuis longtemps et nous savons que ces choses prennent du temps. Nos membres savent fort bien qu'il est difficile pour 90 pays de s'entendre à ce sujet. Mais il ne fait effectivement aucun doute que le vrai problème vient de l'approche que l'Union européenne a adoptée concernant la certification des importations. C'est une situation qui entraîne des coûts, des délais et de l'incertitude. Comme les exportations représentent 80 % des activités de notre industrie, nous nous heurtons à des problèmes comparables dans divers marchés. C'est donc un problème, mais nos membres ne nous pressent pas d'aller plus rapidement, car nous connaissons les difficultés avec lesquelles il faut composer.
Merci, et je remercie les témoins.
Monsieur McGuinness, vous n'êtes pas le premier président du Conseil canadien des pêches que je rencontre. J'ignore si vous connaissez Gus Etchegary, ancien président du Conseil canadien des pêches et également ancien dirigeant d'une des plus importantes compagnies intégrées de pêche du Canada, qui s'appelait Fisheries Products Limited avant d'être rebaptisée Fishery Products International. Avant d'entrer en politique, je l'ai aidé à écrire un livre intitulé Empty Nets: How Greed and Politics Wiped Out The World's Greatest Fishery. Je parle bien entendu de la pêche à la morue au large de Terre-Neuve-et-Labrador. Soit dit en passant, on a annoncé dans les nouvelles aujourd'hui que le moratoire de la morue du Nord instauré en 1992, qui devait durer 2 ans, sera probablement maintenu pendant encore au moins 10 ans. Si c'est le cas, ce moratoire qui devait durer 2 ans restera en vigueur pendant 33 ans.
Dans ce livre, M. Etchegary, ancien président du Conseil canadien des pêches, explique comment la surpêche, la pêche illégale et la mauvaise gestion ont anéanti la pêche à la morue. Après l'instauration du moratoire en 1992, on a principalement critiqué le fait que même si les Canadiens ont cessé de pêcher la morue du Nord et d'autres espèces menacées à l'intérieur de la limite de 200 milles, la pêche n'a pas cessé à l'extérieur de cette limite et se poursuit encore à ce jour. Des accusations sont régulièrement portées contre des navires étrangers à l'extérieur de la limite de 200 milles, mais on se demande quelles sanctions les pays concernés appliquent. À cela je réponds que presque rien n'empêche ces navires de continuer de s'adonner à la surpêche.
La pêche illégale à l'intérieur des eaux canadiennes n'est pas considérée comme un problème, puisque la Garde côtière canadienne et nos forces de réglementation s'occupent de la question. Tous les navires qui pêchent illégalement font l'objet de poursuites. La pêche illégale à l'intérieur de la limite de 200 milles... et vous avez raison de dire que la situation est différente aux États-Unis, car ce pays a la Magnuson-Stevens Act, mais son plateau continental ne s'étend pas au-delà de la limite de 200 milles jusque dans les eaux internationales. Le Canada est un des rares pays du monde qui se trouve dans cette situation. Je vous dis quelque chose que vous savez, monsieur McGuinness, mais je suis certain que bien des gens ici l'ignorent, particulièrement de l'autre côté.
La pêche illégale n'est pas un problème à l'intérieur de la limite de 200 milles, mais elle en est encore un à l'extérieur de cette limite. En quoi cette mesure législative, qui se fait attendre depuis des années et qui pourrait ne pas être mise en oeuvre avant des années, aide-t-elle le Canada à déposer des accusations et à intenter des poursuites concernant des navires étrangers qui croisent au-delà de la limite de 200 milles quand il y a un véritable de problème de pêche illégale? Que fera ce projet de loi pour mettre fin à des activités?
Je suis désolé, monsieur le président. J'espère que j'ai parlé suffisamment fort pour M. Kent. Monsieur le président, je sais qu'il a indiqué hier à la Chambre qu'il éprouve un problème auditif. J'espère qu'aujourd'hui, il m'a non seulement entendu, mais aussi écouté.
Merci.
Simplement pour clarifier les choses, vous avez tout à fait raison de dire que Gus Etchegary était président du Conseil canadien des pêches. Je suis le président actuel et Rob Morley, de la Colombie-Britannique, est l'actuel président du conseil d'administration.
Il ne fait aucun doute qu'au regard du déclin de la pêche à la morue en 1992, le Canada a imposé un moratoire sur la pêche à la morue de l'Atlantique. Puis, aux termes de l'accord de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, l'OPANO a peu après adopté un moratoire sur la pêche à la morue du Nord. Les régimes de gestion des pêches de l'OPANO et du Canada comprenaient tous les deux un moratoire.
Comme vous le soulignez, il y aura des cas de pêche illégale. C'est dans le cadre de notre adhésion à l'OPANO que nous avons des pouvoirs, car la Garde côtière canadienne, des aéronefs et d'autres moyens nous permettent d'assurer la surveillance et, espérons-le, de détecter les navires qui font de la pêche illégale à la morue et à d'autres espèces afin d'intervenir ensuite.
Vous avez tout à fait raison. Je céderai la parole à David pour qu'il se prononce sur la question, mais cet accord en soi n'augmente ou ne diminue pas les pouvoirs dont dispose le Canada pour intervenir non seulement dans ses eaux nationales, mais aussi à titre de membre de l'organisation de gestion des pêches régionale, comme l'OPANO. Cet accord lui confère davantage de responsabilités et de tâches concernant l'importation ou le transbordement de produits halieutiques au Canada. C'est ce qui est visé. À mon avis, c'est simple.
David, peut-être voulez-vous ajouter quelque chose.
Je pense que Patrick a absolument raison. En général, cette mesure législative ne change pas grand-chose à ce qu'il y a derrière la Loi sur la protection des pêches côtières et le traité de l'OPANO. Par contre, il renforce en quelque sorte ces mesures, car c'est maintenant le marché auquel le produit est destiné qui est visé. Au final, les poissons issus de la pêche INN sont ceux qui sont pêchés de cette manière. L'intention ici consiste à tenter de faire en sorte qu'il soit plus difficile de débarquer ces poissons, au moins dans les pays adhérant à l'OPANO et à l'Accord sur les mesures de l'État du port. Le Canada joue son rôle à cet égard.
Je conviens certainement qu'il n'y a pas beaucoup de poissons issus de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée qui sont débarqués au Canada. Mais si cette mesure est mise en oeuvre dans tous les pays qui ratifient l'Accord sur les mesures de l'État du port, cela favorisera une certaine augmentation, un pas à la fois.
Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, de comparaître. Je vous suis reconnaissant de témoigner, et particulièrement d'être venus ici dans des circonstances difficiles. Nous vous en remercions.
Permettez-moi de commencer brièvement par vous, monsieur Henley.
Nous avons pris en note vos observations sur l'article 13 proposé. Il semble que vous cherchiez une occasion de faire modifier cet article de la Loi sur la protection des pêches côtières depuis un certain temps, et vous pensez que cette occasion se présente peut-être ici. Nous en avons pris en note et devons y réfléchir un peu plus.
Le nouveau libellé que prévoit le projet de loi S-3 est-il nécessaire aux termes de l'Accord sur les mesures de l'État du port, que nous tentons de ratifier, pour mettre en place notre loi nationale? Est-il justifié de le garder ainsi afin de respecter les conditions de cet accord?
C'est une question très pertinente, monsieur Kamp. En fait, je me suis penché sur la question plus tôt. L'Accord sur les mesures de l'État du port n'entre pas tant dans les détails. Je ne peux que présumer que le libellé de l'article 13 proposé de la Loi sur la protection des pêches côtières s'est, à un moment donné, inspiré du libellé actuel du paragraphe 71(2) de la Loi sur les pêches. Mais pour répondre à votre question, cela ne serait pas exigé par l'Accord sur les mesures de l'État du port.
D'accord. Merci de cette réponse.
J'ai une autre question. Quand nous avons parlé aux représentants du ministère, ils ont indiqué qu'il conviendrait peut-être d'amender certains passages du projet de loi S-3. Je voudrais vous parler d'un de ces passages pour voir si cela a également attiré votre attention. Il s'agit de l'article 14 proposé, en vertu duquel, si je comprends bien — et corrigez-moi si je me trompe —, la loi modifiée autorisera les agents d'exécution de la loi à saisir des produits halieutiques et d'autres choses, peu importe l'endroit où ils se trouvent, essentiellement, que ce soit sur un navire ou dans un entrepôt. Mais d'après ce que je comprends, les témoins ont fait valoir qu'il n'était pas clair que les pouvoirs de confiscation prévus dans la loi s'appliqueraient à ce qui est saisi ailleurs que sur un navire. Ils ont donc proposé d'amender le projet de loi S-3.
Je me demande si vous auriez quelque chose à dire à ce sujet. Je sais que je vous prends peut-être par surprise, mais je me demande si vous vous êtes intéressé à la question également.
Nous n'avons pas décelé de problème à cet égard et nos membres n'ont pas soulevé la question. Mais un bref coup d'oeil à la disposition semble m'indiquer que la disposition s'applique aux navires de pêche; je peux donc voir où cela peut poser un problème si on envisage d'effectuer des saisies ailleurs. Je ne pense pas que nos membres aient vu cette possibilité.
D'accord. Je pense donc que nous examinerons la possibilité d'apporter un amendement à cet égard.
Monsieur McGuinness, je sais que vous possédez une vaste expérience dans ce domaine et j'apprécie le rôle que vous jouez au sein des International Coalition of Fisheries Associations. Est-il juste de dire que les 16 associations nationales que vous représentiez quand vous avez agi à titre d'observateur lors de la négociation et de l'élaboration de l'Accord sur les mesures de l'État du port étaient favorables à cet accord?
Je dirais que oui. Certaines d'entre elles sont restées coites, si l'on peut dire, sur le sujet, mais nous nous réunissons essentiellement une fois l'an, généralement à Rome, et nous tenons des réunions avec la FAO. Nos positions sont présentées sous la forme de résolution et sont adoptées ou non. La résolution relative au soutien de l'Accord sur les mesures de l'État du port a été adoptée. Je ne peux donc que présumer qu'elles y étaient favorables.
En ce qui concerne les 16 pays que nous représentons, je dois admettre que nous nous efforçons de recruter des associations de pêche qui, selon nous, satisfont aux normes qui conviennent au Conseil canadien des pêches et au National Fisheries Institute. Nous choisissons donc un groupe relativement trié sur le volet.
D'accord.
La pêche INN que l'Accord sur les mesures de l'État du port vise à éradiquer, du moins en partie, constitue selon moi un grave problème à l'échelle internationale. Il est toutefois vrai de dire que nous parlons d'une pêche qui s'effectue presque en haute mer. Est-ce exact? Il n'est pas question ici de pêche à l'intérieur de la zone économique d'un pays?
En réalité, ce sont principalement le groupe des ONG qui fait connaître le problème de la pêche INN, si l'on veut. La définition de ce qui constitue une pêche non déclarée et non réglementée est très vague. Pour notre part, nous parlons de pêche illicite. C'est quelque chose que l'on peut identifier.
Disons, par exemple, que les États-Unis ont le Ghana à l'oeil. Les poissons et fruits de mer constituent le plus important produit de protéine du monde, et les pays en développement occupent environ 60 % de ce marché. Au Ghana, par exemple, il pourrait y avoir une pêche artisanale qui est relativement importante pour l'économie et la situation du pays, et cette pêche n'est pas réglementée. Il n'y a pas de quota ou de mesure semblable. Cette activité n'est toutefois pas illégale, car les pêcheurs n'enfreignent pas la loi.
À mesure que nous progressons et une fois que nous aurons réglé la question, le secteur de la pêche devra se demander ce qu'il veut vraiment régler. Ce que nous voulons, c'est mettre fin à la pêche illicite, tant dans les eaux nationales qu'en haute mer. Par exemple, suite aux pressions que les groupes de défense de l'environnement ont exercées aux États-Unis pour régler la question de la pêche illégale, les groupes d'Oceana et du Fonds mondial pour la nature ont étudié 16 ou 17 pays, dont le Canada. Ils ont déterminé qu'environ 10 % des activités de pêche côtière au homard sont illégales au Canada. La pêche illégale ne connaît pas de frontière, si l'on peut dire. Essentiellement, le problème concerne la pêche dans les eaux nationales et en haute mer. Mais selon nous, c'est à la pêche en haute mer qu'il faut vraiment s'attaquer. Nous considérons que si nous pouvons nous concentrer sur cette pêche et sur le transbordement en haute mer, nous pourrons exercer une véritable pression à cet égard.
Pour ce qui est de dire si c'est un problème d'ampleur internationale, ce n'est pas nécessairement problématique en Amérique du Nord et dans les principaux marchés de l'Union européenne. C'est un problème dans les marchés véritablement en développement, comme la Chine. Ce pays est maintenant le troisième marché pour les poissons et les fruits de mer du Canada, après les États-Unis et le Canada. Avec les progrès étonnants en Russie... Eh bien, c'était la Russie
C'est dans ces régions que les poissons issus de la pêche INN sont réellement mis en marché et vendus. Au Canada, aux États-Unis, en Angleterre et en Allemagne, ces poissons constituent peut-être 2 ou 3 % du marché.
Non. Disons, par exemple, que quand les crevettes étaient dans la division 3M, le Bonnet flamand, nous avions un navire assujetti à un quota limité de crevettes. Il se rendrait donc à l'extérieur de la zone du Canada jusque dans la région de l'OPANO, qui est très réglementée.
Je pense que vous avez abordé la question, mais considérez-vous que l'Accord sur les mesures de l'État du port est avantageux pour les pays en développement, qui ont leurs propres problèmes et sont parfois incapables de respecter leurs obligations économiques, et encore moins leurs autres obligations, ici. Est-ce une bonne chose pour les pays en développement? Pensez-vous qu'ils puissent adhérer à cet accord pour résoudre le problème auquel, je présume, ils contribuent?
Les négociations ont duré longtemps, mais l'accord a essentiellement été signé par 90 pays, dont de nombreux pays en développement. Je pense que c'est à leur avantage, car s'ils le ratifient et disposent de l'infrastructure pour le mettre en oeuvre, ils auront quelque chose à présenter sur les marchés d'Amérique du Nord et d'Europe afin de prouver leur authenticité et d'autres qualités de cette nature.
Merci, monsieur le président, et bienvenue à nos témoins.
À titre d'exemple, monsieur McGuinness, les exportations de poissons du Ghana pourraient-elles légalement entrer au Canada en vertu de cette mesure législative parce que ce pays n'enfreint aucune loi? Est-ce le cas?
Je me demande, si l'OPANO a adopté un moratoire sur la pêche à la morue en même temps que nous... Nous n'avons pas le moindre pouvoir d'intervenir contre les navires qui font de la pêche illégale en haute mer à moins qu'ils n'entrent au port. Est-ce exact?
Il est difficile pour les pêcheurs d'accepter que nous imposions un moratoire sur la pêche à la morue alors que d'autres pays pêchent ce poisson, mais ainsi va le monde dans lequel nous vivons. Quand ces énormes chalutiers pêchent en haute mer, puis déchargent leurs prises sur d'autres navires qui accostent ensuite dans nos ports, je me demande comment ces prises sont certifiées. Comment procède-t-on du point de vue juridique pour s'assurer que ces poissons ont été pêchés légalement? Pourriez-vous nous donner des exemples à cet égard?
La FAO tente de dresser ce que nous pourrions appeler une liste noire, qui comprend essentiellement des navires et des bateaux de transbordement dont on sait qu'ils pêchent illégalement.
Si on détermine qu'il y a pêche illégale, qui a le pouvoir d'arraisonner le navire? Quelqu'un a ce pouvoir?
Cependant, l'Accord sur les mesures de l'État du port nous oblige à empêcher le navire de transborder ou d'entrer dans les ports canadiens, sauf à des fins d'inspection et de saisie.
Cela s'applique également au transbordement. Les mesures de l'État du port ne s'appliquent pas qu'au navire de pêche, mais aussi à tous les modes de transport que les pêcheurs illégaux pourraient utiliser afin de pénétrer le marché canadien.
D'accord, alors on le saurait si un grand chalutier pêchait en haute mer et transbordait les poissons sur un autre navire. On est censé le savoir si un poisson a été transféré de ce chalutier. Y a-t-il un moyen de le savoir? Y a-t-il suffisamment d'observateurs? Le gouvernement a réduit de 4 millions de dollars le budget du programme des observateurs... comme vous le savez. Est-ce que cela a des répercussions là-dessus ou pas? Doit-on injecter plus de fonds dans le programme des observateurs? Doit-on être mieux informés de ce qui se passe en haute mer?
Bref, si nous ne les attrapons pas à l'intérieur des 200 milles nautiques et qu'ils finissent par en sortir, nous ne sommes pas plus avancés.
Je dois ajouter que, pour l'OPANO et les organisations régionales de gestion des pêches auxquelles le Canada participe, la pêche illégale est une des grandes priorités. En gros, les différents pays collaborent plus efficacement à la surveillance et à la réglementation. On voit moins de contraventions infligées par le ministère des Pêches et des Océans. Il assure encore le survol, si je puis dire, de la région, entre autres choses.
L'amendement permettrait notamment d'exiger le retour du navire fautif à son port d'attache, aux États-Unis ou ailleurs, si les autorités canadiennes ou des observateurs l'interceptent. L'État concerné serait alors tenu d'inspecter la cargaison pour vérifier s'il y a eu ou non pêche illégale. C'est un tout nouvel outil pour l'OPANO. Nous avons malheureusement constaté que bon nombre des navires qui pêchent dans les eaux de l'OPANO sont subventionnés. Le Conseil canadien des pêches est d'avis que la façon la plus rapide de remédier aux pêches excessives en haute mer est de frapper d'interdit toute entreprise de pêche exploitant des navires en haute mer. En fait, le plan d'action...
N'importe quel navire tout court, en ce qui concerne les subventions.
Dans la grande majorité des cas, la pêche longue distance n'est pas rentable sans subvention. C'est pourquoi les Allemands l'ont abandonnée; même chose pour le Royaume-Uni, et nous ne pêchons pas en haute mer non plus. Pour nous, c'est très problématique. Malheureusement, dans le plan d'action du président Obama sur la pêche INN, une des mesures mises de l'avant consiste à éliminer les subventions qui contribuent à la pêche INN. Selon nous, la pêche INN se passe en haute mer et ces navires obtiennent des subventions aux carburants; sans ces subventions, il y aurait beaucoup moins de navires de pêche en haute mer.
Je crois qu'il y a moyen de remédier à la situation, pour que nous puissions un jour en sortir gagnants.
Afin de remédier aux problèmes que pose la pêche en haute mer, les pays concernés doivent... Parle-t-on des 90 pays ou des 16? Il serait préférable que ce soit les 90 pays, mais cela pourrait être long avant qu'on y arrive. Est-ce que nous entretenons de bons rapports avec la coalition de 16 pays que vous présidez depuis cinq ans? Y a-t-il des frictions? Je ne peux m'empêcher de penser à ce qui est arrivé en Espagne avec le problème de la pêche illicite et le reste.
J'aimerais que vous nous en parliez un peu.
C'est une bonne question.
C'est la position du Conseil canadien des pêches. C'est aussi celle de l'industrie de la Nouvelle-Zélande, qui fait aussi la pêche en haute mer, mais qui est d'accord pour dire qu'elle ne devrait pas être subventionnée. L'Espagne est aussi membre de notre coalition. Pour ce qui est de la coalition internationale, je ne peux pas militer en faveur de cette solution à titre de président de l'ICFA lorsque je traite avec l'ONU ou la FAO. Par contre, à titre de président du Conseil canadien des pêches, je peux faire valoir cette position auprès des gouvernements du Canada et des États-Unis, car le gouvernement américain, et son National Fisheries Institute, est de notre côté.
Comme vous le dites, parmi les 16, certains pays ne cautionneraient pas ce que je viens de dire.
J'imagine.
Si je vous ai bien compris, vous avez également mentionné que tout le poisson destiné au marché de l'Union européenne doit être certifié par le MPO. Est-ce que cela signifie que tout le poisson vendu en Union européenne doit être certifié par le pays exportateur? Pensez-vous que cela garantisse qu'aucun poisson pêché illégalement ne pénètre le marché européen? Cela m'étonnerait.
Oui, je suis d'accord avec vous, et c'est une partie du problème. Comme vous le savez, si le Canada prend un engagement, la diligence raisonnable veut que...
...nous fassions les choses correctement.
Dans bien des pays, je crois que les certificats fournis... En fait, l'Union européenne prend déjà des mesures à cet égard, car les certificats délivrés par certains pays sont douteux et pas vraiment conformes à la norme.
Je dois admettre qu'au Canada, le MPO a mis en place un système informatisé de délivrance de certificats qui est relativement sophistiqué. À l'époque, la NOAA, le conseil des pêches aux États-Unis — et je connaissais son directeur — avait beaucoup de mal à élaborer un système pour se conformer à l'initiative de l'Union européenne. Je leur avais dit qu'il y avait une excellente entreprise canadienne de TI qui pourrait les aider immédiatement.
Mais les États-Unis ont pu négocier une entente distincte avec l'Union européenne leur permettant essentiellement de fournir une liste de tous les navires autorisés par la NOAA. Si un de ces navires est identifié dans la documentation d'envoi, on juge que tout est conforme.
Dans notre cas, il s'agit plutôt d'une analyse plus approfondie, quoique rapide. On procède à de véritables vérifications. Au bout du compte, même si notre système est plus sophistiqué et complexe que celui des États-Unis, nous avons conclu qu'il faut toujours se soucier des vérifications, et nous avons les mesures et les connaissances qu'il faut pour bien faire les choses.
Merci, monsieur le président.
Merci aux deux témoins d'être ici aujourd'hui.
Ma question s'adresse à vous, monsieur Henley. C'est merveilleux que vous souteniez les grandes lignes du projet de loi, et je sais que M. Kamp a parlé brièvement de l'amendement que vous avez proposé. Puisque c'est le seul point qui vous préoccupe, je crois qu'il vaut la peine d'explorer la question davantage.
J'ai bien écouté votre témoignage concernant le qui, le comment et le quand en ce qui a trait à la pêche INN au Canada et aux parties concernées. Je comprends tout à fait votre point de vue pour ce qui est d'appliquer les règles de justice naturelle et de privilégier la décision des tribunaux plutôt que celle du ministre, d'où l'amendement de l'article 13.
Je présume que des saisies sont effectuées pour deux principales raisons, soit pour empêcher la continuation de l'infraction ou pour préserver tout élément de preuve qui pourrait s'y trouver.
À cet égard, on dit qu'en théorie, le ministre pourrait imposer des sanctions très coûteuses ou décider de ne pas libérer le navire s'il juge que la valeur monétaire n'est pas suffisante. La théorie, c'est parfait, mais il y a lieu de se demander comment les choses se passent en pratique.
Ma question s'articule autour de cette idée. Combien de fois le ministre a-t-il eu à prendre de telles mesures, mais aussi, à qui ont-elles été appliquées? S'agit-il de navires canadiens ou étrangers?
Si nous avons affaire à des navires étrangers, dans le meilleur des cas ou dans le pire, selon le point de vue, on retient la valeur monétaire du navire si c'est le montant que le ministre ou les tribunaux devaient établir, comme vous l'avez mentionné.
Mais si on a un navire international transportant des poissons qui proviennent de pêches INN, donc assujetti à une saisie — afin de prévenir la continuation de l'infraction et de préserver les éléments de preuve —, il serait préférable pour le Canada de garder le navire que d'obtenir sa valeur monétaire. Ainsi, on éviterait que le navire retourne en haute mer pour poursuivre ses activités illicites. Je présume que l'objectif derrière ce pouvoir discrétionnaire accordé au ministre est régi par la réglementation et les précédents en la matière, qui pourraient raisonnablement être établis simplement par les principes de justice naturelle. À mon avis, il serait de loin préférable que le Canada garde le navire, pour prévenir la continuation de l'infraction, plutôt que d'en saisir la valeur monétaire et de le regarder quitter les eaux canadiennes pour poursuivre les activités illicites pour lesquelles il a été saisi en premier lieu.
J'aimerais bien entendre vos commentaires à ce sujet.
Eh bien, je pense que c'est une préoccupation tout à fait légitime. Je pense que l'enjeu fondamental sous-jacent, c'est que la saisie d'un navire en attendant la tenue d'un procès par crainte qu'une autre infraction soit commise revient à présumer de la culpabilité des personnes en cause, ce qui va à l'encontre du principe de la présomption d'innocence. C'est là le problème sous-jacent.
Cela dit, s'il s'agit de récidivistes, je peux comprendre qu'il serait logique d'imposer des restrictions sur la mainlevée d'une saisie de bateaux si ces gens ont déjà été reconnus coupables de pêche illégale ou non déclarée. Par rapport à la présomption d'innocence — s'ils sont présumés innocents et s'ils n'ont commis aucun acte illégal jusqu'à ce qu'ils soient déclarés coupables —, la véritable préoccupation, c'est qu'on pourrait les priver de leur mode de subsistance, en particulier s'ils sont acquittés.
C'est une question d'équilibre, et dans une poursuite civile, cet équilibre a toujours préséance sur la sécurité, ce qui revient essentiellement à permettre l'exploitation du navire. Je dirais simplement que dans le cas d'un récidiviste, la solution serait de maintenir la surveillance et de l'arrêter de nouveau.
Le projet de loi pourrait comporter des dispositions supplémentaires qui permettraient au ministre ou aux tribunaux de ne pas autoriser la mainlevée d'une saisie de bateaux, sous garantie, en cas de condamnation antérieure.
Très bien. Évidemment, dans le contexte canadien — tant à l'échelle fédérale qu'à l'échelle provinciale —, ce n'est pas la seule mesure législative autorisant la saisie de biens personnels pour empêcher la poursuite d'une infraction, ou si le ministère public ou l'enquête démontrent qu'il y a des motifs raisonnables et probables de croire que le bien saisi permettra de prouver la perpétration de l'infraction devant les tribunaux.
La saisie et la rétention d'un bien quelconque — soit pour l'utiliser comme preuve, soit d'abord pour empêcher la poursuite d'une infraction — ne sont pas en soi une violation du principe de la présomption d'innocence jusqu'à preuve du contraire. Toutefois, il subsiste une disposition qui permet au propriétaire de présenter une demande devant les tribunaux pour que le bien lui soit rendu, n'est-ce pas?
Dans un tel cas, si ce mécanisme de protection existe, le ministre irait à l'encontre d'une décision d'un tribunal s'il décidait après coup d'établir une structure de coûts prohibitive ou s'il refusait simplement d'établir un montant acceptable. Ne seriez-vous pas d'accord avec cette affirmation?
Monsieur Leef, c'est aussi pour cette raison que l'ACDM ne s'oppose pas au projet de loi, même si cet amendement n'est pas adopté. En fait, nous y sommes très favorables. C'est simplement une préoccupation. De toute évidence, nous nous attendons à ce que le ministre et les agents des pêches agissent de façon raisonnable et réfléchie. C'est davantage une question d'uniformité. Donc, ce n'est pas une préoccupation majeure.
Cela nous ramène à ma question initiale. Étant donné que nous ne faisons que présenter des hypothèses sur les problèmes qui pourraient survenir, quelle expérience pratique avons-nous de l'application de cette mesure à ce jour? Le savons-nous?
C'est une bonne question. Je n'ai pas de détails sur les saisies comme telles. Le ministre ou les fonctionnaires du ministère pourraient peut-être vous fournir une réponse.
Très bien. Je vous remercie.
Me reste-t-il un peu de temps, ou ai-je terminé?
Il me reste trois minutes; très bien. Poursuivons.
Merci; je vous suis reconnaissant de vos commentaires à ce sujet. Comme vous l'avez indiqué, ce n'est pas crucial, mais c'est certainement un point pertinent dont il faut tenir compte.
Pouvez-vous nous parler de ce qui empêche actuellement que soient pratiquées des activités de pêche INN au Canada? La question s'adresse à vous deux: en quoi la pêche illicite non déclarée et non réglementée nuit-elle au Canada dans ses rapports avec d'autres pays? Quelle est son incidence sur le contexte canadien et sur les pêcheurs et les producteurs canadiens?
Comme vous l'avez dit, c'est difficile à mesurer dans le cas de nos principaux marchés. Ce n'est pas un problème aux États-Unis et au Canada, par exemple.
En Chine, par contre, le marché est en expansion et cela nous préoccupe. Il a connu une forte croissance. C'est notre troisième marché en importance. En Corée du Sud, les débouchés sont plus nombreux. Dans ce marché, c'est un problème. Le marché vietnamien est un marché important pour nous.
On parle des ventes dans nos 10 marchés les plus importants. Il y a deux ou trois marchés clés en croissance, en particulier dans la région de l'Asie-Pacifique.
Si la Russie reprend ses activités de pêche INN, ce sera un problème.
Freiner la pêche INN n'est pas seulement un objectif louable et essentiel. Cette pêche représente manifestement un certain pourcentage du marché. Quelle est son incidence sur le marché, à votre avis? Le déclin de ces activités entraîne-t-il une hausse des prix, ce qui pourrait être avantageux pour notre industrie sur le plan des ventes sur le marché? Quelle est l'incidence sur le marché?
Quoi qu'il en soit, certains de ces produits non réglementés ont un effet sur le prix courant et les parts de marché.
En ce qui concerne les pêches sauvages, en particulier, je dirais que c'est une question de prix. Si nous parvenons à ces activités et à éliminer ces produits du marché, le prix des produits canadiens offerts sur ces marchés augmentera.
Ce n'est pas seulement une question de gestion; c'est lié à des facteurs économiques.
Vouliez-vous ajouter quelque chose, monsieur?
Je dirais que cela aurait pour effet — en théorie, du moins — d'augmenter la quantité de poisson pouvant être récolté légalement, en particulier les stocks chevauchants. La pêche INN diminue les stocks de poissons qui pourraient être pêchés dans notre zone économique exclusive.
C'est un bon point.
Étant donné le rôle de chef de file que joue le Canada par rapport à ces enjeux précis, quelle est la réputation de l'industrie canadienne des pêches quant au respect des règles et de la réglementation qui sont établies?
Je pense que nous jouissons d'une bonne réputation, tant pendant les réunions de l'ONU que pendant celles de la FAO. Le Canada s'est révélé être un porte-parole cohérent sur ces enjeux. En fait, il a traité des problèmes et de ce qui est réalisable ou non, de façon plutôt détaillée. Le Canada a fait preuve d'une grande cohérence pendant ces réunions et on le considère comme un chef de file. De plus, il parvient très bien à rallier les pays aux vues similaires à cette cause.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Dans un article paru en 2014 dans Le Devoir, la FAO, c'est-à-dire l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, a publié par voie de communiqué les affirmations suivantes:
[...] la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) se serait intensifiée au cours des vingt dernières années, en particulier en haute mer [...]
Cela fait écho aux inquiétudes de mon collègue M. Cleary. Je poursuis:
[...] et elle atteindrait désormais 11 à 26 millions de tonnes de poisson capturé de façon illicite chaque année, pour une valeur comprise entre 10 et 23 milliards de dollars [...]
C'est énorme. L'article se poursuit ainsi:
Les diverses estimations disponibles indiquent qu'au moins 25 % de la pêche mondiale serait illégale ou non répertoriée. Selon la FAO, cette pratique «met en danger les conditions d'existence des populations dans le monde, menace les précieuses ressources marines et porte atteinte aux efforts réalisés et à la crédibilité mesures de gestion».
Un problème majeur a été identifié par la FAO dans ce dossier, et à ce sujet, l'article dit ce qui suit:
Les États ont déjà l'obligation de tenir à jour les registres de leurs navires ainsi que les informations sur leur permis de pêche [...] Toutefois, de nombreux bateaux se livrant à des activités de pêche illicites déjouent ces mesures par la pratique du «flag hopping», ou changement fréquent de pavillon, ce qui compromet les efforts de lutte contre la pêche INN.
Est-ce que le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières permet, ne serait-ce qu'un peu, de s'attaquer à des problèmes majeurs de ce genre? Dans le cas contraire, quelles mesures intelligentes pourrions-nous prendre dans le cadre d'un prochain projet de loi pour s'attaquer à la source du vrai problème qui menace les stocks de pêche au Canada et partout dans le monde?
[Traduction]
J'ai deux commentaires. Le premier est qu'il faut comprendre que ce genre d'estimations indiquant que la pêche INN représente 25 % de la pêche mondiale n'ont pas vraiment été prouvées. Certains croient que ce taux est particulièrement élevé.
L'autre problème, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, c'est qu'il faudra, un moment donné, définir ce qu'est la pêche INN. À titre d'exemple, un bateau de pêche enregistré dans un pays de pavillon de complaisance comme le Bélize et qui est exploité pendant la haute saison — entre autres choses — n'est pas réglementé, par définition, car les pays de pavillon de complaisance ne surveillent pas les activités de leurs navires de pêche.
Nous devons vraiment commencer à nous attaquer à ce genre de problèmes.
[Français]
Avez-vous des idées de ce qui pourrait être fait concrètement sur le plan législatif pour s'attaquer au problème? Je pense à nos pêcheurs en Gaspésie, qui ne verront peut-être même pas leurs petits-enfants pêcher la morue tellement le problème perdure. Nous avons le devoir de présenter un début de solution concrète.
[Traduction]
Eh bien, parmi les mesures concrètes qui pourraient être prises, il y a les subventions pour les navires de pêche en haute mer. On pourrait aussi déclarer que l'enregistrement de navires sous pavillon de complaisance est illégal, par définition. Ce sont là des mesures très strictes qui pourraient avoir une incidence directe sur la pêche INN.
Il serait toutefois difficile d'obtenir un consensus à cet égard. J'ai laissé entendre que si nous pouvions convenir d'entreprendre ce type de dialogue afin d'intervenir plus directement, des coalitions de groupes environnementaux actifs et de pays halieutistes comme le Canada, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis pourraient être créées.
Il ne fait aucun doute que s'il est appliqué intégralement, l'Accord sur les mesures de l'État du port serait efficace, parce que la perspective d'être connu comme étant quelqu'un qui pratique la pêche INN et de ne pas pouvoir vendre ses produits dans les marchés clés aura un effet.
[Français]
Cela pourrait contribuer un peu à régler le problème.
Monsieur Henley, votre association suggère de modifier le libellé du projet de loi de manière à éliminer l'exigence que le garde-pêche consente à la remise du bateau. Pourriez-vous m'expliquer le raisonnement derrière cela?
J'aimerais beaucoup que M. McGuinness réagisse à vos propositions d'amendement au projet de loi, qui me semblent très défendables.
[Traduction]
Merci, monsieur Lapointe. Votre question semblait porter sur la modification de l'étiquetage. Je ne suis pas certain que nous ayons soulevé ce point, mais toute mesure qui indiquerait...
[Français]
La note que j'ai ici dit ceci: « [...] de manière à éliminer l'exigence que le garde-pêche consente à la remise du bateau ». Il n'y a pas de notion de labelling.
Je ne sais pas si c'est un problème de traduction, mais j'aimerais que cela ne soit pas compté dans mon temps de parole.
[Traduction]
Monsieur Henley, je pense qu'il a fait allusion à la partie de votre commentaire qui portait sur l'agent des pêches.
Je suis désolé; je comprends, maintenant.
En ce qui concerne l'agent des pêches, le problème est aussi que l'exigence du consentement n'est pas liée à une entité indépendante et impartiale, comme une cour ou un tribunal.
Par rapport au commentaire de M. McGuinness, j'ajouterais que vous avez, à mon avis, souligné la difficulté fondamentale du droit international: aucun pays ne peut exercer un rôle de policier à l'extérieur de ses frontières. Tous les pays de l'OPANO — et du monde — sont confrontés à ce problème, et la collaboration internationale par l'intermédiaire d'accords de ce genre est la seule façon de le régler. Comme M. McGuinness l'a souligné, conclure un accord international peut être très difficile, et c'est pourquoi cela a tendance à se faire graduellement.
L'ACDM considère que la modification de la Loi sur la protection des pêches côtières pour mettre en oeuvre l'Accord sur les mesures de l'État du port est l'une de ces étapes fondamentales. Certes, cela ne nous permet pas d'atteindre l'objectif, mais cela nous rapproche du but.
Merci, monsieur le président.
J'aurais seulement deux ou trois brèves observations de suivi. Dans une analyse des plus simplistes, le secteur de la pêche pourrait être divisé en deux parties: les États du port et les États du pavillon. Si les pavillons de complaisance n'existaient pas, les problèmes liés à la pêche en haute mer pourraient être réglés si tous les États du pavillon étaient tenus responsables et s'ils respectaient, par exemple, le Code de conduite pour une pêche responsable, que le Canada prend très au sérieux. Je pense que beaucoup de pays n'y accordent pas autant d'importance que le Canada.
Toutefois, ce n'est pas la réalité; nous devons donc régler le problème lié aux États du port. Je suppose que nous essayons de rendre la situation moins viable sur le plan économique pour les entreprises indésirables qui pratiquent la pêche INN. Pêcher en haute mer dans le but de ramener un produit à un port pour le vendre à profit doit être une opération très coûteuse. Pour que la pêche en mer soit rentable pour ces entreprises, elles doivent trouver des économies, et ces économies découlent d'activités illicites, je suppose.
C'était simplement un commentaire. Vous pouvez présenter aux observations ce sujet, si vous le souhaitez.
Monsieur McGuinness, vous sembliez plutôt mécontent de l'action unilatérale de l'UE visant à régler le problème. La pêche INN en fait partie, mais il y a aussi la réponse à la demande croissante des consommateurs à l'égard de la traçabilité, notamment. Je suis certain que vous n'êtes pas contre, mais je trouve qu'il est intéressant de souligner que même si, au fil des ans, la pêche INN était à l'avant-plan, en quelque sorte — corrigez-moi si j'ai tort —, certains navires liés à la pêche INN battaient pavillon de pays européens, comme l'Espagne.
J'aimerais avoir vos commentaires sur l'un ou l'autre de ces aspects.
Premièrement, par rapport à la viabilité économique de la pêche en haute mer, une des choses qu'on observe, comme vous l'avez mentionné, c'est que la Chine est en voie d'y parvenir ou de s'en approcher. C'est une préoccupation. Actuellement, la Chine envoie des bateaux de récolte dans certaines régions, et ces bateaux sont presque exploités 24 heures sur 24, 7 jours par semaine. La Chine a établi un mécanisme de transbordement en mer. Essentiellement, des navires cargos chinois rencontrent les navires de pêche chinois en haute mer, puis transportent la récolte à la destination choisie, quelle qu'elle soit. En quelque sorte, cela réduit la distance qu'il faut parcourir pour rapporter le produit au pays après la récolte, ce qui est évidemment très coûteux. C'est une préoccupation croissante, car si cela se produit, cela entraînera l'institutionnalisation d'une pratique de pêche en haute mer qui est peut-être logique sur le plan économique, mais sans les conséquences économiques.
Quant à votre deuxième point, vous avez tout à fait raison. En ce qui concerne l'initiative américaine, par exemple, il est intéressant d'examiner la situation et de déterminer quels pays ne pratiquent pas une bonne gestion des navires de pêche INN. Les États-Unis tiennent actuellement des discussions avec l'Espagne, le Portugal et l'Italie, qui font partie des 10 pays ciblés par les États-Unis depuis 2011. La France a déjà figuré sur cette liste, mais après des discussions avec ce pays, les États-Unis ont reconnu que quelque chose avait été mal interprété, et la France a été retirée de la liste.
Donc, en raison de sa position, l'UE se retrouve essentiellement dans une situation délicate, en ce sens que les milieux environnementaux, entre autres, ont très bien accueilli l'adoption unilatérale de l'exigence de certification des importations, mais qu'elle doit tout de même poursuivre les négociations avec les États-Unis concernant trois pays européens de façon à améliorer son bilan en matière de pêche INN.
Or, il faut savoir que l'UE a évité, en quelque sorte, que des pays comme le Canada entreprennent des recours auprès de l'OMC en adoptant simplement ce genre de réglementation, qui s'applique à la communauté des importateurs. Ses 27 pays membres ont ensuite comme directive de reproduire les mesures imposées par l'UE. Ils le font, mais ils ne les appliquent pas vraiment. C'est un problème, car selon les règles de l'OMC, toute exigence liée à l'accessibilité des importations au marché doit également s'appliquer à la production intérieure.
Merci beaucoup, monsieur Kamp.
Messieurs, au nom du comité, je tiens à vous remercier d'être venus aujourd'hui, d'avoir pris le temps de présenter vos exposés et de répondre aux questions des membres du comité. Nous vous en sommes très reconnaissants. Merci beaucoup.
Comme nous n'avons pas d'autres travaux, la séance est levée.
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