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Mesdames et messieurs, je vous remercie de nous avoir invité à prendre la parole dans le cadre de cette consultation.
Je suis le président de la FQSA, la Fédération québécoise pour le saumon atlantique. Cet organisme sans but lucratif existe depuis plus de trente ans et il représente l'ensemble des acteurs liés au saumon au Québec. La mission de cette fédération porte sur tout ce qui touche le saumon, à savoir sa conservation, sa protection et sa mise en valeur.
Notre intervention d'aujourd'hui va porter sur trois points, soit l'importance économique du saumon atlantique au Québec, la gestion et la mise en valeur des stocks et l'aquaculture du saumon au Québec.
Faisons une mise en contexte de la situation économique du saumon au Québec. En 2012, les dépenses des pêcheurs québécois ont généré 573 millions de dollars et 160 millions de dollars de revenus fiscaux pour les gouvernements, en plus de permettre la création de plus de 9 000 emplois. De ces apports économiques, le saumon atlantique représente un PIB et des revenus fiscaux de plus de 35 millions de dollars, en plus de maintenir plus de 400 emplois.
Pour les régions salmonicoles du Québec, le saumon génère des revenus de l'ordre de 26 millions de dollars. Le saumon est l'espèce pour laquelle les retombées quotidiennes sont de loin les plus importantes, ce qui est attribuable à l'importance des dépenses quotidiennes observées. En moyenne, il génère 730 $ par jour, soit 10 fois plus que la deuxième espèce pêchée au chapitre des revenus au Québec, soit le doré.
En ce qui a trait à la gestion et à la mise en valeur des stocks, j'aimerais faire une petite mise au point. Le Québec a adopté en 1984 la gestion rivière par rivière comme principe de gestion de ses rivières à saumon, contrairement au gouvernement fédéral, qui, lui, a adopté un système de gestion uniforme en imposant la remise à l'eau de tous les grands saumons partout dans les provinces de l'Atlantique. À partir de ce principe, chaque cours d'eau est exploité selon ses propres caractéristiques. La mise en application d'une telle approche est nécessairement plus complexe que celle du gouvernement fédéral et, de plus, elle requiert un certain nombre de conditions préalables.
Notez qu'à cet égard, le Québec est avantagé par le fait que beaucoup de ses rivières à saumon sont de faible superficie. Elles sont donc vraisemblablement peuplées de peu de stocks différents. Également, une grande partie d'entre elles font l'objet d'une gestion très serrée grâce à la présence d'organismes à qui on a délégué l'autorité gouvernementale dans le cadre de l'administration de la pêche sportive et de la protection de la ressource.
À une certaine époque, l'ouverture de la saison de pêche n'avait lieu que si les autorités compétentes jugeaient qu'une rivière pouvait supporter un certain niveau de prélèvement de saumon, dont le contrôle était assuré par les mesures d'application générale quant à la saison de la pêche et les limites quotidiennes et saisonnières de captures. Le seul choix possible pour ces gestionnaires de la ressource qu'est le saumon était d'ouvrir ou de fermer la pêche en fonction de l'état des stocks dans une rivière donnée.
La remise à l'eau des captures ouvre la possibilité d'une pêche sans prélèvement ou à des prélèvements dirigés vers un certain segment de population. La graciation est de plus en plus répandue au Québec et la majorité des pêcheurs de saumon la pratiquent. Depuis plusieurs années, la FQSA fait la promotion auprès de l'ensemble des saumoniers du Québec des bonnes manières à utiliser pour pratiquer la remise à l'eau. Elle le fait en collaboration avec la FSA. Une vidéo a été produite à ce sujet. Dans ce contexte, la FQSA considère que la remise à l'eau sous une forme ou une autre s'avère l'un des outils de choix pour la gestion des populations de saumon.
Comme on peut le constater, le système actuel de gestion fine rivière par rivière permet au Québec de suivre l'évolution en temps réel des montaisons de saumon et de décréter, s'il y lieu, la remise à l'eau en cours de saison, comme on l'a fait en 2014 à la suite des recommandations de la FQSA. En corollaire, dans le contexte des faibles montaisons de saumon en 2014 et à titre de précaution, la FQSA a résolu de maintenir la remise à l'eau obligatoire des grands saumons pour l'ensemble des rivières du Québec, à l'exception des celles situées dans le Nord québécois, et ce, jusqu'à ce qu'un nouveau plan de gestion du saumon atlantique soit en vigueur.
La FQSA est grandement préoccupée par le maintien des populations de saumon et elle est favorable à l'utilisation des modalités de gestion qui vont assurer la pérennité de cette espèce tout en permettant un développement économique durable.
En ce qui a trait à la création d'habitats salmonicoles, la FQSA gère actuellement un programme de mise en valeur des habitats du saumon atlantique sur la Côte-Nord afin de compenser les impacts résiduels de l'aménagement du complexe hydroélectrique de la rivière Romaine sur les diverses espèces de salmonidés.
En 2011, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, Hydro-Québec et la FQSA signaient une entente de collaboration pour élaborer, mettre en oeuvre et gérer ce programme de 10 millions de dollars sur 10 ans. Dans le cadre de ce programme, le saumon atlantique a été retenu comme une espèce à privilégier à cause de sa grande valeur écologique et socioéconomique sur la Côte-Nord.
Ce programme poursuit les cinq objectifs suivants: premièrement, contribuer à la consolidation ou à l'expansion des populations de saumons atlantiques; deuxièmement, créer ou améliorer la production des habitats du saumon atlantique; troisièmement, acquérir les connaissances nécessaires à la planification et au suivi de la performance des projets; quatrièmement, protéger la ressource saumon et, cinquièmement, favoriser la participation des communautés locales et des organismes gestionnaires des rivières.
Une des particularités du programme est qu'il peut financer jusqu'à 100 % des coûts des projets, qui sont répartis en quatre volets, à savoir les projets majeurs, les projets communautaires, les projets scientifiques et les projets d'entretien des ouvrages majeurs. Nonobstant le fait qu'il peut financer jusqu'à 100 % des projets, le programme a généré des investissements supplémentaires de l'ordre de 30 % de la part des promoteurs ou d'autres bailleurs de fonds. De plus, par ces investissements, le potentiel de développement des populations de saumons qui sera généré est de l'ordre de 10 000 saumons par année.
Présentement, il n'y a qu'un programme de ce type en vigueur au Québec et il ne suffit pas à la demande de la seule région de la Côte-Nord. Les besoins en matière d'aménagement de l'habitat des rivières à saumon des régions de la Gaspésie, du Bas-Saint-Laurent, de Charlevoix et du Saguenay-Lac-Saint-Jean sont également très grands et présentent un bon potentiel de développement des populations. On estime à environ 15 millions de dollars les besoins en investissements pour mettre en valeur les habitats du saumon dans ces régions. Ces investissements massifs dans l'amélioration de la qualité ou de la disponibilité des habitats permettraient assurément de consolider et de développer nos populations de saumons atlantiques, tel que le démontre l'actuel Programme de mise en valeur des habitats du saumon atlantique de la Côte-Nord.
Dans le cadre de la réalisation de l'aménagement du complexe hydroélectrique de la Romaine, un deuxième programme a été mis en place. Ce programme est doté d'une enveloppe de 20 millions de dollars sur 20 ans. Une société a été formée pour gérer ce programme et la FQSA en est le mandataire. La FQSA fournit donc l'ensemble des services administratifs de cette société. Le projet vise à reconstituer une population de saumons dans la rivière Romaine.
Je vais maintenant aborder la question de l'aquaculture du saumon.
L'élevage du saumon en cages, dans les pays où il se pratique, a entraîné de vives discussions entre producteurs industriels et environnementalistes. Même s'il produit moins de saumon atlantique d'élevage que la Norvège ou le Chili, le Canada est néanmoins le troisième producteur mondial de cette espèce avec 8 % de la production mondiale. Ces cages marines sont concentrées sur la côte ouest et sur la côte est, notamment dans la baie de Fundy, qui touche les rives du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador.
Compte tenu des problèmes d'ordre environnemental comme la pollution locale des milieux marins et les répercussions biologiques, notamment la propagation de parasites et de maladies et la pollution d'ordre génétique des populations sauvages liée au phénomène des échappées, de tels élevages de populations de saumons sauvages et de salmonidés en général sont proscrits.
Dans une résolution, la FQSA demande que le gouvernement entreprenne les actions suivantes: premièrement, imposer un moratoire sur tout nouveau projet d'élevage de salmonidés en cages marines; deuxièmement, exercer un meilleur contrôle sur les installations d'élevage en cages marines existantes; troisièmement, mettre en place un audit environnemental et économique pour tous les sites en production; quatrièmement, diminuer progressivement le nombre de sites d'élevage de salmonidés en cages; cinquièmement, établir et mettre en oeuvre un programme de conversion des élevages en cages marines en installations sur terre, comme cela se pratique dans différents États, dont la Virginie.
À la suite de ces prises de position, la FQSA a transmis des lettres aux instances gouvernementales fédérales et, à ce jour, nous n'avons reçu aucune réponse concrète.
Au Groenland, la pêche au saumon atlantique est faite principalement d'une façon artisanale à l'aide de petites embarcations et de filet à mailles. Depuis 1998 et en vertu d'une entente de l'OCSAN, aucune pêche commerciale et aucune exportation n'est autorisée. Les pêcheurs peuvent conserver leurs prises pour leur consommation personnelle ou les vendre au marché local et aux restaurants pour assurer la subsistance de leur communauté, qui est souvent isolée.
Étant donné que les habitants du Groenland détiennent un droit historique de capturer des saumons et que le Conseil international pour l'exploitation de la mer, ou CIEM, approuve un prélèvement de l'ordre de 20 tonnes métriques, nous ne pouvons remettre cette pratique en question.
Depuis une dizaine d'années, on remarque une augmentation de la quantité de saumons prélevés au Groenland. En 2014, ces prélèvements étaient de l'ordre de 58 tonnes. La FQSA se questionne fortement au sujet du suivi de ces prélèvements. Le gouvernement du Canada, par sa présence à l'OCSAN, devrait s'assurer de maintenir les niveaux de récolte prévus par le CIEM, soit 20 tonnes métriques, ainsi que la fiabilité des résultats qui sont fournis par le Groenland.
Compte tenu du fait que le Canada exploite, sous certaines conditions, les ressources naturelles de l'Atlantique Nord, comme le fait le Groenland, il serait intéressant que le gouvernement entame des pourparlers avec le Danemark et le Groenland en dehors de l'OCSAN sur ce problème particulier. Des solutions diplomatiques et socioéconomiques pourraient être envisagées afin de diminuer la pression sur les stocks de saumons fréquentant les côtes du Groenland. Il faut savoir que les pêches du Groenland affectent directement les populations de saumons du Québec.
En dernier lieu, je vais parler de la capacité d'améliorer la pêche récréative.
La pêche au saumon est un droit public qui appartient à l'ensemble de la collectivité québécoise. Le modèle de gestion de la pêche sportive du saumon au Québec est assez unique en Amérique du Nord, tant dans sa composante de gestion biologique des stocks de saumons que dans sa composante socioéconomique. Cette dernière a ceci de particulier qu'elle fait intervenir des instances communautaires et privées dans l'offre de pêche au saumon, une ressource qui demeure toutefois publique. Cependant, les changements sociétaux que vit le Québec, notamment sur le plan du vieillissement de sa population, se répercutent sur les pêcheurs de saumon.
Les quatre caractéristiques importantes du secteur de la pêche au saumon se résument ainsi. Premièrement, la ressource est dans un état précaire, mais elle permet que soit maintenue une activité économique intéressante. Deuxièmement, la clientèle des pêcheurs est vieillissante, et même si elle est fidèle, on détecte des signes d'essoufflement et de désaffectation. Troisièmement, le réseau des fournisseurs de services est bipolaire, c'est-à-dire que quelques entreprises sont florissantes, mais qu'un très grand nombre d'entre elles vivotent à cause des ressources insuffisantes. Quatrièmement, l'industrie de la pêche au saumon est elle-même à maturité en raison de l'état de la ressource, mais l'acceptation de plus en plus grande de la remise à l'eau des prises permet de maintenir une offre de pêche encore intéressante.
Depuis quelques années, on remarque au Québec une augmentation de l'intérêt pour la pêche à la mouche. Cet intérêt, conjugué à une plus grande pratique de la remise à l'eau, devrait permettre au secteur de la pêche au saumon de se maintenir et possiblement de se développer en fonction des populations de saumon atlantique. Pour profiter de cet intérêt, des campagnes de promotion devraient être organisées pour maintenir et développer l'apport économique généré par la pêche au saumon au Québec, particulièrement dans plusieurs régions éloignées.
Finalement, un plus grand accès à du financement de projets, comme le Programme de mise en valeur des habitats du saumon atlantique de la Côte-Nord, permettrait une plus grande production de saumon et d'importantes retombées économiques pour les régions du Québec.
Je vous remercie beaucoup.
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Bonjour. Je vous remercie de votre invitation à m'adresser au comité aujourd'hui.
Mon nom est Marc Plourde. Je suis président-directeur général de la Fédération des pourvoiries du Québec. Cette organisation existe depuis 1948. Elle représente et regroupe 350 entreprises de pourvoiries et 12 associations régionales. Sa mission est de représenter et de promouvoir l'intérêt collectif de ses membres dans une perspective de développement durable.
Au Québec, il existe une définition légale de ce qu'est une pourvoirie. Une pourvoirie est une entreprise qui offre, contre rémunération, de l'hébergement ou des services, ou de l'équipement pour la pratique, à des fins récréatives, des activités de chasse, de pêche et de piégeage. Au Québec, un peu plus de 600 pourvoiries sont actives. Notre réseau accueille annuellement plus de 425 000 personnes qui viennent pratiquer des activités de chasse, de pêche, de piégeage et de récréation en nature. La Fédération des pourvoiries du Québec est le plus grand réseau d'hébergement en milieu naturel. Au Québec, on parle de 5 000 unités d'hébergement et de plus de 32 000 lits.
Il existe deux types de pourvoiries au Québec. Dans les deux cas, elles offrent de l'hébergement puisque cela fait partie de la définition légale. Nous avons des pourvoiries à droit non exclusif, qui ont une vocation de mise en valeur économique. Elles sont situées en majorité sur les terres du domaine de l'État. Il y a aussi des pourvoiries avec droit exclusif. Elles ont également un mandat de mise en valeur économique, mais aussi de protection du territoire.
Le terme « pourvoirie à droit exclusif » ne signifie pas qu'il y a une exclusivité d'accès aux territoires, mais qu'une exclusivité s'applique à la pratique des activités de chasse et de pêche.
Il y a environ 180 pourvoiries à droit exclusif au Québec. Elles couvrent des territoires qui varient de 2 km2 à plus de 400 km2, pour un total de près de 25 000 km2, au Québec, de territoires destinés à des fins de pourvoirie à droit exclusif.
Il y a environ 420 entreprises à droit non exclusif qui sont, comme je le disais, principalement situées sur des terres du domaine de l'État. Cependant, un certain nombre d'entre elles sont situées sur des terres privées. Par ailleurs, plusieurs entreprises sont situées sur des rivières à saumon.
Parlons de la gestion de la pêche en pourvoirie. Tout d'abord, les pourvoiries sont soumises à l'obligation de produire un rapport annuel d'activité. Toutes les pourvoiries remettent donc au gouvernement un registre de la clientèle, un registre des captures. Elles font état également des aménagements fauniques et des ensemencements qui sont effectués sur leur territoire. Les pourvoiries à droit exclusif ont un plan de gestion qui est révisé aux trois ans et qui est soumis au ministère. Le plan de gestion est basé sur des inventaires et sur la connaissance disponible sur l'écologie et la biologie des plans d'eau sur le territoire. Chaque pourvoirie a des objectifs de gestion qui sont fixés en fonction des connaissances et des suivis d'exploitation qui sont effectués d'année en année. Toutes nos pourvoiries membres offrent la possibilité de faire de la pêche. Plus de 256 000 pêcheurs fréquentent les pourvoiries. Les revenus estimés sont supérieurs à 75 millions de dollars.
Parmi les espèces les plus recherchées, les plus populaires dans nos pourvoiries au Québec, il y a tout d'abord l'omble de fontaine, que l'on appelle communément la truite mouchetée au Québec. Il y a également les populations de doré et de brochet, des populations de carnassiers qui sont extrêmement prisées, de même que de touladi. Dans le Nord du Québec, on trouve l'omble chevalier. Évidemment, comme je le précisais, une trentaine de pourvoiries offrent la possibilité de faire de la pêche au saumon.
Parlons du profil de la clientèle dans les pourvoiries. Nos chiffres les plus récents datent de 2011. Les visiteurs des pourvoiries ont alors contribué à près de 1 200 000 jours d'activités. Près de 80 % de ces activités sont pratiquées par des résidents du Québec, environ 5 % par des gens du reste du Canada, 10 % par des gens provenant des États-Unis et 6 % par des gens provenant de pays outre-mer. On voit qu'un peu plus de 20 % de la clientèle qui fréquente les pourvoiries vient de l'extérieur du Québec.
Évidemment, la pêche en pourvoirie représente l'activité la plus populaire: elle génère au-delà de 65 % de l'ensemble des jours d'activité en pourvoirie.
À l'égard de la gestion de la pêche, la FPQ est l'un des membres fondateurs de la Table filière de l'aquaculture en eau douce du Québec. Presque tout le poisson ensemencé dans nos pourvoiries provient des piscicultures privées.
Les pourvoiries représentent environ 60 % du marché du poisson d'ensemencement au Québec, soit quelque 425 tonnes par année. Il y a 125 pourvoiries qui ensemencent certains de leurs plans d'eau, principalement avec l'omble de fontaine. Dans ces pourvoiries, la technique la plus utilisée est le dépôt-retrait. Nous travaillons avec nos gens pour augmenter le taux de recapture par la pêche sportive, afin qu'il y ait un maximum de retour sur les ensemencements. Les retombées économiques des ensemencements en pourvoirie sont évaluées à plus de 40 millions de dollars par année.
Je vais maintenant parler des enjeux de notre secteur.
Au Québec, il y a un enjeu lié à la protection des sources indigènes. On est particulièrement vigilants pour ce qui est de maintenir les populations et les souches indigènes. On veille à ne pas utiliser à des fins d'ensemencement un nombre de plans d'eau plus élevé que nécessaire. Il y a un enjeu particulier qui concerne les bassins allopatriques d'omble de fontaine. Il s'agit de populations d'omble de fontaine pures, c'est-à-dire qui ne cohabitent pas avec d'autres espèces. On parle notamment de ce qu'on appelle le croissant Vermeil et les Monts-Valin dans les régions du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord. C'est quelque chose qui nous caractérise au Québec et qu'on souhaite protéger.
Les espèces envahissantes sont un autre enjeu. J'y inclurais les maladies qui peuvent être apportées par ces espèces à cause de l'utilisation de poissons appâts, entre autres. Au Québec, il y a des discussions actuellement sur la nécessité d'être prudents à cet égard. On a récemment interdit l'importation de poissons appâts au Québec. Là encore, il faut préserver les espèces indigènes.
Il y a une crainte concernant le réseau fluvial: la carpe asiatique semble avoir atteint les Grands Lacs. Pour nous, c'est une menace très claire.
Concernant les enjeux sur lesquels on commence à réfléchir, j'ajouterais l'impact des nouvelles technologies sur le succès de pêche. Les sonar sont de plus en plus perfectionnés, ce qui a pour effet d'augmenter sensiblement le succès de pêche. Il faudrait évidemment faire preuve de prudence à cet égard.
Je vais parler des grandes tendances en pourvoirie. La pêche à la mouche fait l'objet d'un regain de popularité. Auparavant, elle était associée à la pêche au saumon, mais de plus en plus, cette pêche est développée pour d'autres espèces. Les jeunes sont particulièrement attirés par ce genre de pêche. Comme je l'ai dit plus tôt, il y a un enjeu lié à la relève de la clientèle. La génération des baby-boomers vieillit et elle constitue une part importante de la clientèle. Il y a donc une préoccupation relative au renouvellement de cette clientèle.
La pêche à la mouche est une tendance qui prend de l'ampleur. Elle est intéressante pour nous parce qu'elle attire particulièrement les jeunes. La pêche à la mouche est souvent associée à la pratique de remise à l'eau des prises ou à la graciation, comme on l'appelle au Québec. Cette pratique pourrait diminuer la pression exercée sur les populations de poissons dans nos plans d'eau.
La pêche se pratique de plus en plus dans un contexte d'activités multiples. Les jeunes de 25 à 44 ans sont toujours intéressés par la pêche, mais beaucoup plus dans un contexte où ils peuvent pratiquer d'autres activités en milieu naturel.
Cela occasionne un changement dans les pratiques traditionnelles de nos clients qui, habituellement, faisaient des séjours de pêche pure et dure de trois, quatre ou cinq jours. Aujourd'hui, il faut agencer nos produits, en pourvoirie, et offrir d'autres activités associées à la découverte du milieu naturel et à l'observation de la faune, ainsi que des activités plus sportives. Finalement, nous remarquons...
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Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir invité à votre comité.
Je m'appelle Jean Lévesque et je suis président de l'Association des pêcheurs du lac Saint-Pierre. Mon collègue, M. Marcel Bouchard, est aussi membre de notre association.
L'Association des pêcheurs du lac Saint-Pierre a été fondée en réaction à la décision prise par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec d'imposer un moratoire de cinq ans sur la pêche à la perchaude. Le mécontentement était tel que, après seulement 15 jours, nous dépassions le cap des 1 000 membres. Pour la première fois, une organisation démocratiquement élue représentait pêcheurs sportifs, commerciaux, pourvoyeurs, centres de pêche, détaillants commerçants et fournisseurs de services, élus municipaux et associations régionales pour leur donner un droit de parole. Actuellement, nous sommes près de 1 900 membres.
Au cours de l'hiver suivant, l'Association des pêcheurs du lac Saint-Pierre a effectué, avec la collaboration de ses membres, une étude sur le nombre de prises et de remises à l'eau par permis de pêche pour les espèces suivantes: le doré, la perchaude, le brochet et la lotte. Cette cueillette de données a servi exclusivement à quantifier quotidiennement l'impact de la pêche blanche sur la ressource, ainsi qu'à mesurer l'abondance ou la diminution de certaines espèces dans l'ensemble du lac Saint-Pierre. Vous trouverez le document en pièce jointe que nous vous avons fait parvenir.
Quel plan d'eau extraordinaire que ce grand lac peu profond, si propice à l'abondance de tout: poissons, canards, mammifères, des plus petits aux plus grands, la qualité de l'eau faisant partie du quotidien. La qualité de cet environnement en fait un bijou extrêmement rare et à conserver absolument.
Après l'ignorance totale de précautions à prendre pour empêcher la détérioration de la qualité par les rejets d'eaux grises et même noires en provenance des usines et des municipalités, après la négligence de surveillance des rejets des navires empruntant le Saint-Laurent, sans oublier les raffineries de Montréal-Est, voilà que le ministère de la Défense nationale s'est permis, sans vergogne, d'utiliser ce trésor de l'environnement comme un dépotoir à obus.
Plus ou moins 400 000 de ces projectiles de toutes sortes ont été tirés dans le lac, dont plus de 8 000 potentiellement dangereux parce que chargés d'explosifs non amorcés ou tout simplement défectueux, sans qu'on y fasse à peu près rien, sauf le noter dans un registre. Selon nos lois actuelles, une telle attitude est criminelle et mérite des amendes sévères pouvant aller jusqu'à la prison. Aujourd'hui, les responsables annoncent fièrement qu'ils en ont récupéré 80 récemment. À ce rythme, ils auront terminé la récupération en l'an 4975.
Puis, ce fut la période d'érosion des rivages, des îles et des berges des affluents. Les causes sont connues: le non-respect et la négligence dans l'application des règlements de base qui régissent la navigation autant commerciale que de plaisance. Une embarcation de plaisance typique d'aujourd'hui produit autant de vagues que beaucoup de grands navires. Le responsable n'est ni blâmé ni puni. La conséquence principale est l'obstruction des embouchures de rivières, la réduction du courant et l'accumulation de sédiments provenant de drainages agricoles qui produit un environnement de rêve pour les cyanobactéries.
Au cours des années 1980 arrive une nouvelle nécessité, celle de débloquer les rivières, le plus tôt possible au printemps, en utilisant les fameux aéroglisseurs de la Garde côtière. Bien sûr, on a protégé les chalets et les résidences construites dans les zones inondables. Cependant, cette pratique a eu des conséquences désastreuses. La plaine inondable du lac Saint-Pierre, comme son nom le dit, a absolument besoin de ces crues printanières pour éliminer les végétaux en décomposition dans les baies et entrées de rivières. Comme conséquence, nous sommes en train de perdre ces baies si favorables à la faune et à la reproduction des perchaudes, qui se sont remplies à vue d'oeil, depuis les 10 dernières années. Des exemples frappants sont la baie de Lavallière et surtout la baie de Saint-François qui sont dans un piteux état.
Au cours des années 1940, 1950 et même 1960, le lac Saint-Pierre pouvait facilement supporter la pêche commerciale artisanale qui s'est pratiquée au lac à cette époque et qui était sans conséquence sur les populations de poissons. C'est alors qu'arriva la demande pour l'esturgeon, surtout fumé, et la découverte par les Américains du Nord, près de notre frontière, de la très grande finesse de la perchaude, surtout en filet. On s'est alors équipé: bateaux plus grands, moteurs plus puissants, verveux beaucoup plus grands pour une capacité accrue et pêche sur les frayères où les prises étaient très faciles et surtout abondantes.
Soudain, la population de poissons s'est mise à diminuer. On a amélioré les techniques et maintenu le rendement en ignorant les alarmes. Cependant, au cours des années 1980, on débuta les enquêtes et les études auprès des pêcheurs sportifs tout en exigeant des statistiques volontaires de la part des commerciaux. La qualité de la pêche continua de diminuer. Des pêcheurs commerciaux rapportèrent que la pêche à la perchaude dans les coulées, les fossés et les entrées de rivières au printemps ne donnait plus rien, alors que ces endroits étaient les endroits traditionnels pour la production de cette espèce.
Il fallait désormais pêcher ailleurs, plus au large, pour réussir des prises alors que c’était si facile auparavant.
Quelles sont les causes de la destruction de ces endroits privilégiés? La principale est connue: la transformation complète des pratiques agricoles autour du lac. Au lieu de récolter du fourrage ou des céréales à paille, la mode est au maïs, qu'on cultive en alternance avec le soya. Éthanol, rendement et prix de vente intéressants ont modifié notre agriculture traditionnelle au profit de l’agriculture industrielle. Pour ce faire, on a pris les moyens qui s’imposaient: drainage à outrance, élimination des fossés, utilisation d’herbicides, fongicides, insecticides, engrais chimiques, et j’en passe. Par rapport à ce qu'il était il y a 20 ans, le rendement par âcre des terres « modernes » a au moins doublé. Les producteurs agricoles n’ont rien fait qu’il ne leur ait été permis. Il faut blâmer les gestionnaires qui, par crainte des revendications du tout-puissant syndicat bien connu, ont fermé les yeux. Tant pis pour l’environnement; les poissons peuvent bien aller ailleurs.
C’est alors que les responsables provinciaux de l’environnement, de la faune, des pêcheries et de l’alimentation se sont réveillés, mais en retard, comme toujours. Au Québec, c'est une tradition de réagir, mais pas d’agir. On a donc réglementé la pêche plus sévèrement, mais les études ne démontrent aucune amélioration. On a racheté les permis et éliminé plus de 80 % de la pression de pêche commerciale sans plus de résultats. On a banni la pêche durant la fraie, mais rien n'a changé. En dépit d’une opposition spectaculaire, on a imposé aux pêcheurs sportifs une aire faunique communautaire. Enfin, les faiseurs de miracles ont été trouvés. Ils vont sauver le lac, les poissons et la pêche. Cette aberration nous coûte, à nous, les pêcheurs, plusieurs milliers de dollars annuellement pour absolument rien.
Des règlements archaïques ont été mis en vigueur, par exemple l'imposition d'une longueur minimum. En fait, on a dit aux pêcheurs de conserver les plus grands géniteurs matures et de remettre à l’eau les moyennes et petites prises, et ce, même si le risque de mortalité était très élevé. Plusieurs croient que le contraire aurait dû être proposé. Ces mesures n’ont absolument pas amélioré la situation. En fait, une aire faunique n’a pas sa place dans un plan d’eau ouvert comme le fleuve Saint-Laurent. Il y a tant d’obstacles à la réalisation d’aménagement faunique localement. On n'a ni la capacité, ni les budgets, ni l’autorité, ni la ferme intention de régler les vrais problèmes environnementaux du lac Saint-Pierre. Le ministre de l’époque a été complètement berné par les promoteurs de ce concept, qui nous a plutôt donné l’impression de vouloir se débarrasser de la patate chaude, le lac Saint-Pierre, maintenant qu’il est dans un état lamentable.
On a alors commandé des études et engagé à grands frais des sommités. On a demandé des études plus poussées sur des sujets particuliers. Était-ce pour se faire dire ce que l’on voulait entendre? On ne le saura jamais, mais on se sert de ces soi-disant expertises pour punir les coupables, c'est-à-dire les pêcheurs. C’est si simple: on ferme la pêche. Tant pis pour l’économie locale et les retombées économiques affectées par cette décision. Mais, il y a un « mais ». Tout d’abord, le ministère ne s’occupe même pas de sa création, l'aire faunique, avant de prendre des décisions de ce genre. On fonce. Il faut bien admettre que cela ne sert à rien. Puis, on rapporte que les études des savants prédisent l’effondrement des stocks de poissons.
J’ai mentionné plus haut que je pêche au lac depuis plus de 50 ans. Je n’ai jamais pêché dans les endroits où les engins de mesure et de capture ont été installés, pendant des années. Voulez-vous savoir pourquoi? Parce que ce ne sont tout simplement pas des endroits qui en valent la peine. La perchaude est très sélective quant à son milieu de vie. Cependant, je n’ai jamais vu ces équipements dans des endroits favorables. Pourquoi? C'est un mystère. Les savants sont bien trop occupés, imbus d’eux-mêmes, bien trop capables et informés pour consulter ceux qui sont allés à l’école de la nature et qui peuvent leur montrer qu’ils en savent au moins autant que n’importe qui sur le milieu qu’ils fréquentent depuis tant d’années. Ne croyez-vous pas qu’une telle coopération aurait été utile?
Dans un imprimé publié au moment de l’annonce du moratoire sur la pêche à la perchaude, le ministère a affirmé lui-même que les causes de la détérioration de l’habitat du lac étaient multiples: les changements climatiques, le bas niveau de l’eau, l’environnement favorable à la croissance de bactéries et la surpopulation de cormorans à aigrettes, qui sont de grands consommateurs de perchaudes. Voilà une preuve qu’ils étaient pourtant bien informés de la situation.
Pourquoi n’ont-ils pas agi quand il était encore temps? Nulle part dans leurs affirmations il n’est question de la surpêche ni même de la pêche. Pourtant, la seule mesure à avoir été prise en panique a été la fermeture de la pêche, non seulement de la pêche commerciale, mais aussi de la pêche sportive, qui rapporte beaucoup plus encore à l’économie.
En réponse à une question que j'ai posée lors d’une rencontre informative tenue au cours du printemps dernier et portant sur les garanties que cette mesure offrait quant à l'amélioration de la situation, on a répondu qu'elles étaient nulles, qu'on ne savait pas. Or on pénalise quand même; il faut bien punir les « responsables », et ce, même si on admet par écrit et ouvertement qu’ils ne le sont pas.
Au sujet des cormorans, on nous a jeté de la poudre aux yeux avec un essai d’abattage de 600 cormorans à aigrettes qui nichaient surtout dans les îles, qui a été effectué par des employés du ministère. Lors de cet essai d’abattage, les analyses stomacales ont indiqué que 60 % du contenu était composé de perchaudes d’environ deux ans. En période de migration, de la mi-août à la fin de septembre, entre 5 000 et 6 000 cormorans sont présents au lac Saint-Pierre. Nous estimons qu'environ 30 tonnes de perchaudes de deux ans sont mangées annuellement par les cormorans.
Compte tenu de tous les autres facteurs qui entravent la reproduction maximale de la perchaude, cette prédation excessive nuit à un rétablissement des stocks de perchaudes. À notre avis, il serait primordial de diminuer cette prédation par un contrôle par abattage plus rigoureux que l’essai qui s’est effectué au cours de l’année 2012. Avant de dépenser des centaines de milliers de dollars dans des aménagements d’aires de reproduction, il faudrait d’abord diminuer de façon systématique la population de cormorans à aigrettes. Au Québec, il n’y a pas moyen de prendre le taureau par les cornes quand vient le temps de régler un problème. C’en est devenu ridicule.
Bien que la pêche soit permise aux deux extrémités du lac sans autre restriction que la limite de 50 perchaudes sans restriction de dimension, des enquêtes ont démontré que les perchaudes de Saint-Nicolas, près de Québec, remontent jusqu’au lac Saint-Pierre. Il est facile d'en déduire que celles en aval le font également.
La quantité de perchaudes adultes prises annuellement en pêche sportive est d’environ 4 tonnes avec un quota de 10 poissons par jour par permis, ce qui est la limite permise au lac Saint-Pierre. Cela représente des retombées économiques de 4 millions de dollars par année pour une région qui en a grandement besoin. Les spécialistes et les chercheurs, malheureusement, n’en sont pas à une aberration près.
En conclusion, je dirai que nous sommes témoins du jeu de l’autruche. Les autorités se sont enfoui la tête dans le sable quand le taux de pollution est devenu intolérable dans le lac Saint-Pierre, quand la Défense nationale s’en est servi comme s'il n'était pas entouré de localités et de citoyens, quand l’agriculture s’est complètement transformée, quand on a permis de la construction dans la plupart des zones inondables autour du lac, quand on empêche la crue printanière indispensable et quand on continue à maintenir le cormoran à aigrettes, une espèce dont la population double aux deux ans, quand on hérite de moyens de gestion, de surveillance et de protection de la faune de second ordre, et j’en passe.
Est-il trop tard? Non, il n’est jamais trop tard. Les résultats spectaculaires obtenus dans les Grands Lacs et l’exemple particulier du lac Érié en sont des illustrations. Il faut le vouloir cependant. Il n’est pas indispensable d’investir des sommes astronomiques chaque année pour en venir à ces fins, mais il faut le vouloir et s’assurer qu'il y a une coopération entre tous les intervenants et tous les usagers.
Ce n’est pas en pénalisant les pêcheurs sans garantie de succès qu’on obtiendra leur faveur et leur coopération de bonne grâce. Il faudrait se convaincre que, oui, l’environnement est politiquement rentable. De notre côté, il faut convaincre nos concitoyens d'élire des politiciens qui en sont conscients. Ces même politiciens devront utiliser le pouvoir qui leur est prêté pour se faire obéir par leur personnel qui, lui, n'a pas été choisi par les contribuables.