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Merci monsieur le président.
Honorables députés, mesdames et messieurs, je m'appelle Frank Pinhorn. Je suis le directeur exécutif de l'Association canadienne des chasseurs de phoques à Terre-Neuve-et-Labrador.
L'ACCP a été établie en 1981 en tant que groupe de défense des intérêts de tous les phoquiers. Nous avons comme principal objectif le redéveloppement d'une industrie qui a été paralysée à la fin des années 1960 et au début des années 1970 par des groupes de défense des droits des animaux. C'est un gros défi.
Quand on examine la chasse aux phoques à Terre-Neuve-et-Labrador, on constate que cette province compte plus de 10 000 chasseurs de phoques détenteurs de permis. Pour la plupart de ceux qui vivent de la mer et sont des phoquiers commerciaux, environ un tiers de leurs revenus proviennent de la chasse aux phoques. C'est un tiers de leurs recettes. Voilà le contexte d'aujourd'hui.
D'abord, j'aimerais vous remercier de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. J'aurais préféré être accompagné de quelques chasseurs de phoques, mais le printemps de 2014 tire à sa fin et certains bateaux n'ont toujours pas pu partir pour la chasse en raison de glace abondante. Du fond de White Bay jusqu'aux environs de St. Anthony, on n'a toujours pas accès à l'océan en raison de la glace. On me dit que, cette année, la glace mesurait jusqu'à 10 et 12 pieds d'épaisseur. Voilà donc où nous en sommes.
Comme je l'ai dit, j'aurais aimé être accompagné de quelques phoquiers afin qu'ils puissent vous parler de l'importance de cette industrie à Terre-Neuve-et-Labrador.
Pour ce qui est du projet de loi la Loi concernant le Règlement sur les mammifères marins, on y propose que la distance d'observation de la chasse aux phoques soit augmentée d'un demi-mille marin à un mille marin. L'Association canadienne des chasseurs de phoques demande depuis des années que le ministère des Pêches fédéral adopte une approche plus rigoureuse pour ce qui est de l'attribution de permis et la surveillance des activités de ceux qui observent la pêche aux phoques. Trop souvent, ces personnes se retrouvent là uniquement pour interférer et perturber les chasseurs de phoques qui essaient de gagner leur vie en exerçant une activité légitime pour subvenir aux besoins de leur famille et de leur collectivité.
L'Association canadienne des chasseurs de phoques est tout à fait en faveur du projet de loi de M. Greg Kerr, qui permettra d'accroître la distance entre les observateurs de la chasse aux phoques et les équipes de chasseurs. Le projet de loi assurera davantage de protection et de sécurité pour toutes les parties. Toutefois, le projet de loi ne s'applique qu'aux observateurs non titulaires de permis. Il devrait cependant être élargi pour viser également les observateurs titulaires de permis, qui, à l'heure actuelle, peuvent se rendre à moins de 10 mètres d'un bateau de chasse aux phoques, soit à quelque 30 pieds.
Le règlement actuel fait en sorte que les phoquiers et les observateurs titulaires de permis sont trop près les uns des autres, surtout si on songe au milieu où ils évoluent, à l'utilisation d'armes de gros calibre et de navires puissants. Cela ne permet pas d'assurer quelque sécurité que ce soit, ni pour les phoquiers ni pour les observateurs.
En outre, le projet de loi n'est qu'un geste vide, à moins qu'on ne jette un regard d'ensemble et que l'on mette l'accent sur l'état de l'industrie de la chasse aux phoques actuel à Terre-Neuve-et-Labrador ainsi qu'ailleurs. On peut dire, sans risque de se tromper, que cette chasse n'est qu'une pâle copie de ce qu'elle était et que nous nous retrouvons sur le bord d'un désastre économique et écologique qui pourrait s'avérer catastrophique pour nos populations rurales.
Examinons ce qui s'est passé au cours des 20 dernières années. De 1995 à 2006, les pêcheurs de Terre-Neuve-et-Labrador récoltaient 100 % de leurs quotas. Pendant 11 ans, nous avons capturé 100 % de ce qui était permis. Les prix allaient de 40 à 100 $. Il y a eu un point culminant à 115 $ en 2006. Le taux de participation était essentiellement complet pour l'ensemble des phoquiers commerciaux qui voulaient s'adonner à cette chasse. Il y a eu jusqu'à 2 000 bateaux sur la mer pour une année donnée. Il y avait cinq usines de transformation en pleine production et des centaines d'employés. Un des éléments clés de ces 11 années, c'est que l'industrie de la pêche commerciale durable a permis de garder le troupeau — et je parle ici de phoques du Groenland — dans une fourchette de 5 à 5,5 millions de bêtes. Pendant 11 ans, la population est restée assez stable.
Maintenant, que s'est-il produit après 2006? Il y a eu une récession mondiale, qui a duré pendant deux à trois ans. Mais au cours des huit dernières années, nous n'avons récolté que de 10 à 15 % des quotas autorisés, soit 400 000 phoques pour les cinq dernières années, je pense, ce qui fait en moyenne de 40 000 à 60 000 phoques. Sur ces huit années, l'an dernier nous avons récolté 91 000 bêtes. Cela veut dire que nous avons laissé dans l'eau environ 3 millions de phoques qui n'ont pas été capturés.
Au cours de ces huit années, les prix ont fluctué entre 20 et 35 $. Mais, il ne faut pas oublier qu'auparavant il s'était situé entre 40 et 115 $. Les taux de participation n'ont jamais été aussi bas. Et il ne reste qu'une usine de transformation en production partielle.
Le troupeau de phoques du Groenland a connu une augmentation et est passé de 5,5 millions de bêtes à plus de 8 millions. L'hiver que nous venons tout juste d'avoir était probablement un des pires en 40, 50 ou 60 ans, d'après ce qu'on me dit. Les phoquiers me disent que c'est la première fois de leur vie qu'ils se rendent dans les aires de chasse aux phoques et que chaque femelle mature avait eu un bébé phoque, chacune, sans exception. Les conditions de glace étaient parfaites pour les phoques. Ils se sont rendus très loin sur la glace très épaisse, de sorte que personne n'a pu les atteindre.
Si l'on additionne le total des phoques du Groenland, des phoques à capuchon et des phoques gris, cela s'élève à environ 10 millions de phoques. L'impact sur l'écosystème est dévastateur, et il est urgent de corriger la situation.
Les pêcheurs commerciaux de phoques tirent environ un tiers de leurs revenus de cette activité. Si le pêcheur de St. Anthony qui possède un bateau d'une trentaine de pieds peut s'adonner à la chasse aux phoques au printemps et récolter de 900 à 1 200 phoques, il obtiendra un revenu brut d'environ 40 000 $ avec quatre hommes d'équipage. Cela signifie qu'il peut commencer sa saison de façon positive plutôt que d'être, comme on le dit à Terre-Neuve, « dans la cale ». Ce revenu est essentiel, puisque cela lui permet de préparer son bateau pour la pêche du crabe et de la crevette, notamment. Cela veut dire qu'il peut payer ses assurances, qu'il peut acheter du carburant. C'est un bon départ pour sa saison.
Il y a aussi autre chose qu'il faut signaler et que me disent les phoquiers, c'est-à-dire que les estomacs des phoques sont pleins de crevettes et de crabes, même les jeunes brasseurs. Il vient tout juste d'avoir une réduction du quota de pêche de la crevette de 10 000 tonnes, à l'instar de ce qui s'est produit au cours des cinq dernières années avec les quotas de crabes surtout dans les zones 2J et 3K le long de la côte du Labrador et jusqu'au cap Bonavista. Les ressources de crabes dans ces régions ont connu une diminution d'au moins 30 à 40 % au cours des cinq dernières années.
Il est primordial de trouver un équilibre dans cet écosystème et de chasser des phoques, afin de les mettre en marché pour que nous puissions avoir une industrie viable et rentable.
Nous nous adonnons à la chasse aux phoques à Terre-Neuve-et-Labrador depuis des centaines d'années. Le 19 juin, on inaugurera un monument commémoratif à Elliston. C'est un monument d'environ 3 millions de dollars à la mémoire de ceux qui sont morts sur le SS Newfoundland et le Southern Cross. La pêche aux phoques est tout aussi importante aujourd'hui qu'elle l'était en 1914 et dans les années 1850. C'est un élément crucial de notre substance et de notre culture et il faut le maintenir.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à notre invité, M. Pinhorn d'être venu faire cet exposé aujourd'hui.
Votre exposé était intéressant, et j'ai quelques questions sur le projet de loi et certaines choses que vous avez dites pendant votre déclaration préliminaire.
Nous avons exprimé notre appui au projet de loi . C'est une question de santé et de sécurité. Le projet de loi vise à faire en sorte que ceux qui s'adonnent à la chasse aux phoques ne soient pas mis en danger en raison de la façon dont la chasse est gérée. C'est ce que nous avons indiqué.
J'ai essayé d'obtenir une réponse de la part du ministère pour connaître les raisons pour lesquelles il a modifié le règlement et savoir ce qui s'est passé pour qu'il considère qu'il est nécessaire de faire passer la distance d'un demi-mille à un mille marin. Y a-t-il eu des incidents ou quelque chose du genre? On m'a répondu qu'il n'y en avait pas eu, mais que cela pourrait se produire, et c'est très bien.
Mais quand on a appris que ce projet de loi allait être déposé et qu'on a commencé à faire des appels, on a pu obtenir le point de vue de ceux qui font partie de votre industrie. Une des choses qu'on a entendues, c'est que maintenant, il y a des problèmes quant à l'application des règlements actuels. Je pense que vous l'avez mentionné, si nous voulons que ce ne soit pas un exercice vide, il faudra que les règles soient complètement appliquées. Je me demande si vous pouvez me faire part de vos observations là-dessus.
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La raison pour laquelle nous appuyons ce projet de loi en principe, c'est que lorsque nous faisons valoir les droits de l'industrie de la chasse au phoque, il est rare qu'on rencontre des gens qui sont du même avis. Le député Kerr était intéressé à déposer ce projet de loi en vue d'accroître la distance, et c'est une mesure pertinente dans les endroits où les personnes non titulaires de licences peuvent avoir accès à des zones où il y a la chasse au phoque.
Ce que nous espérons, c'est que maintenant les 10 mètres passeront à un mile en vertu du projet de loi, on pourra tenir à distance les groupes de protection des droits des animaux. Parce que ces groupes se rendent près des chasseurs, ils peuvent les entourer et les empêcher de retourner à leur bateau. Quand on se retrouve sur la mer où il y a de la glace et toutes sortes de facteurs, cette distance n'est pas suffisante.
Pour ce qui est de la surveillance aérienne, les gens viennent en hélicoptères et font du vol stationnaire au-dessus d'une équipe pendant quatre, cinq ou six heures d'affilée, et cette équipe a de la peine à chasser parce que tout ce qu'elle fait est filmé. Le MPO prend ces vidéos, et si jamais quelque chose ne correspond pas aux règlements, l'équipe pourrait être accusée. Ces films sont transmis au MPO, qui s'en sert pour assurer l'application de la loi. Mais si les gens ont des caméras, ils peuvent filmer à de très grandes distances, de sorte que de nos jours, il n'est pas nécessaire de se trouver à moins de 10 mètres d'un bateau de pêche. Voilà l'élément crucial. Il ne suffit pas de viser uniquement les observateurs non détenteurs de permis; il faut viser ceux qui en détiennent également.
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Le SS
Newfoundland a perdu 74 ou 75 marins. Ils sont tous morts de froid sur la glace.
Ensuite, le SS Southern Cross, qui comptait je crois 154 marins à bord, a sombré. Il semblerait que les épontilles du navire n'étaient pas en bonne condition et se soient déplacées. Le navire était chargé à pleine capacité, en route au large de la côte Sud et a chaviré avant de sombrer, avec 154 marins à bord. En tout, je pense que 251 marins sont morts au cours de 1914.
John Crosbie est le président honoraire du groupe. Avec des gens d'affaires, il a créé un comité, dont je fais partie. Ensemble, ils ont recueilli plus de 3 millions de dollars. Ils vont ériger un monument commémoratif, et le nom de chaque marin mort dans l'industrie de la chasse aux phoques va figurer sur ce monument, il va donc y avoir...
Il y a l'histoire de M. Crewe et de son fils. Son fils est parti sur la glace quand il avait 16 ans. Un an avant, M. Crewe avait dit qu'il ne retournerait jamais sur la glace. Lorsque sa femme a entendu que leur fils de 16 ans allait partir à la chasse aux phoques, elle s'est tournée vers John Crewe et lui a dit qu'il devait l'accompagner afin de s'occuper de lui lorsqu'il serait sur le bateau et en train de chasser le phoque. Le jeune homme est mort de froid dans les bras de son père. C'est l'histoire qui est relatée par Cassie Brown dans son livre, Death on the Ice.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Merci, monsieur le président. Bonjour à tous et à toutes.
Comme vous le savez, je suis Trevor Swerdfager, sous-ministre adjoint de la Gestion des écosystèmes et des pêches pour le secteur des opérations.
Au nom de notre ministre, l'hon. Gail Shea, je voudrais remercier les membres du comité de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui au sujet de ce projet de loi d'initiative parlementaire, soit le projet de loi .
J'ai le plaisir d'être accompagné de trois de mes collègues agents des pêches, soit M. Jean-François Sylvestre et M. Yves Richard, tous les deux de la région du Québec, et M. Randy Jenkins, qui travaille à l'administration centrale.
Comme vous le savez certainement, le Programme de conservation et protection du ministère des Pêches et des Océans est responsable de l'application de la Loi sur les pêches, de la Loi sur les espèces en péril et, de façon plus générale, de la réglementation fédérale en matière de ressources naturelles.
Étant donné que notre effectif comprend plus de 600 agents des pêches actifs, ces derniers assurent une forte présence à l'échelle nationale. Ils représentent souvent le ministère et, en fait, le gouvernement dans les nombreuses petites communautés d'un océan à l'autre et à l'autre.
Comme les événements tragiques survenus à Moncton, la semaine dernière, nous l'ont rappelé, les personnes chargées de faire appliquer les lois, que ce soit pour assurer notre sécurité ou pour protéger notre patrimoine naturel, acceptent d'exécuter des tâches et d'affronter des dangers vraiment remarquables, même si nous l'oublions souvent.
Je suis donc très heureux et fier d'être ici aujourd'hui, avec trois de nos meilleurs agents des pêches, non seulement pour parler de ce projet de loi, mais aussi pour souligner l'importance que nous accordons à cet élément des opérations et du mandat de notre ministère.
[Traduction]
Pour ce qui est de la question qui nous intéresse, je prendrai simplement quelques instants de votre temps pour vous faire quelques déclarations préliminaires. En quelques mots, dans le domaine de la gestion des pêches, et plus particulièrement celui de la chasse aux phoques, le ministère a deux principales préoccupations: la conservation de la ressource et la sécurité des gens qui en vivent. Comme mon ministre l'a indiqué ailleurs, notre ministère croit fermement que le projet de loi nous permettra de mieux atteindre ces deux objectifs.
Comme vous le savez, le projet de loi propose des modifications au Règlement sur les mammifères marins afin d'augmenter d'un demi-mille marin à un mille marin la distance minimale séparant un observateur sans permis d'un chasseur de phoques. Comme vous l'avez entendu, bien que les violations de cette disposition soient rares, quand elles se produisent et que les gens sont déterminés à perturber une activité de chasse légale, ils mettent en danger la vie des chasseurs de phoques, des agents d'application de la loi comme ceux qui m'accompagnent aujourd'hui, ainsi que celle des membres d'équipage des navires de la Garde côtière.
Les agents qui m'accompagnent aujourd'hui connaissent bien ces risques de par leur vécu et ils se feront un plaisir de vous les décrire si vous leur posez des questions à ce sujet. Nous avons aussi déposé auprès du comité un certain nombre de photos qui peuvent illustrer certaines questions opérationnelles; si le président le souhaite, il peut les faire circuler dans la salle pour que les gens les voient.
Pour ce qui est du projet de loi lui-même, nous sommes d'avis que les changements qu'il propose, bien que modestes, permettraient de mieux nous outiller pour gérer l'accès à la pêcherie des phoques et de mieux mettre en application les lois afin de protéger la sécurité non seulement des chasseurs de phoques, mais aussi de notre personnel d'application de la loi.
Comme les membres du comité le savent, un navire peut couvrir un demi-mille en quelques minutes, ce qui laisse au personnel d'application de la loi peu de temps pour réagir à ses mouvements. Cette nouvelle disposition donnerait aux agents du temps supplémentaire pour réagir aux incursions au-delà du périmètre d'observation et donnerait aux navires de la Garde côtière davantage de temps pour manoeuvrer et se positionner. Cela nous donnerait aussi du temps supplémentaire pour informer les chasseurs du danger possible en leur permettant de se rendre sur leurs navires ou sur terre pour y être en sécurité, selon le cas. Nous sommes d'avis que la sécurité des chasseurs et des gestionnaires de la pêcherie en serait améliorée.
Ne vous y trompez pas, le ministère appuie le droit des gens d'observer la chasse au phoque. Pour nous, nous ne souhaitons pas débattre de cette question. En fait, nos règlements permettent clairement aux observateurs d'obtenir un permis. Les demandeurs de permis font l'objet d'un processus de sélection rigoureux afin de s'assurer que les gens n'ont pas l'intention de perturber l'activité de chasse.
Cette disposition réglementaire précise est fort bien respectée. Selon nous, elle fonctionne relativement bien. Nous devons nous assurer que les mesures réglementaires nécessaires sont en place pour bien contrôler ceux qui ont l'intention de perturber des activités légales de chasse au phoque. Nous pensons que ce projet de loi nous aidera à y parvenir.
Comme je l'ai dit, les agents qui m'accompagnent ont une grande expertise pratique, plus particulièrement en ce qui a trait au Farley Mowat et à d'autres incidents survenus par le passé et qui risquent de se produire dans l'avenir.
Nous serons ravis de répondre à vos questions.
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Nous avons un brise-glace de type 1200, qui est habituellement dédié à la surveillance de la chasse au phoque. C'est un gros bateau. Il a à son bord une équipe composée de six à dix agents des pêches et d'un superviseur. Un hélicoptère y est basé en permanence, tandis qu'un ou deux autres sont basés sur terre. J'aborderai aussi la question de la surveillance à l'intérieur du golfe, qui relève davantage de mon domaine d'expertise et dont j'ai l'expérience.
L'endroit où les agents des pêches sont déployés dépend de la mouvée de phoques. Par mouvée, on entend la plus grande proportion de phoques. C'est là qu'on retrouve les chasseurs. Habituellement, les chasseurs sont presque tous au même endroit, soit à l'intérieur du golfe, en fonction de la migration des phoques.
Les équipes d'agents des pêches sont déployées en hélicoptère lorsque les conditions de glace sont suffisantes ou sécuritaires. Les agents des pêches vont procéder à des vérifications à bord des bateaux de pêche et de chasse afin d'assurer le respect de la réglementation sur la chasse au phoque. Ils vont aussi surveiller les observateurs avec permis et ceux sans permis qui voudraient pénétrer à l'intérieur de la zone d'un demi-mille marin. C'est ce dont nous sommes venus parler aujourd'hui.
La chasse peut prendre différentes proportions. Comme on l'a vu ces dernières années, et quelqu'un en a parlé tout à l'heure, le marché n'est pas tellement lucratif et les coûts sont élevés pour les pêcheurs ou les chasseurs qui veulent se rendre à l'endroit où se trouvent les phoques. Au cours des dernières années, l'intensité de la chasse n'a pas été aussi grande qu'elle l'a déjà été.
Il faut aussi considérer que, durant les trois années précédant celle qui vient de se terminer, les conditions de glace n'étaient pas non plus propices. Dans ce contexte, la surveillance n'a pas eu l'importance qu'elle a pu avoir entre les années 2005 et 2008, alors que les conditions de glace étaient bonnes, que les phoques étaient au rendez-vous et que le marché était florissant.
Pêches et Océans Canada s'est doté d'un plan national de surveillance pour la chasse au phoque. Il s'agit d'un plan d'activités qui prévoit les effectifs et l'équipement nécessaires. Si l'état des glaces ne permet pas que les hélicoptères se posent, on a recours aux bateaux qui sont sur le brise-glace.
Monsieur Sylvestre, j'ai pris connaissance de votre intervention. Comme je suis le porte-parole de mon parti en matière d'affaires autochtones, j'espère que vous allez me pardonner si, à certains moments, je tourne les coins ronds.
Si j'ai bien compris, dans le cas où le projet de loi serait adopté et mis en oeuvre, le pouvoir coercitif serait exercé d'abord et avant tout par votre organisation. Pour ma part, je suis natif de Manicouagan, où les berges couvrent des milliers de kilomètres. Dans des communautés de la Basse-Côte-Nord comme Ekuanitshit , les gens se nourrissent encore de phoque?
Je vois que cette situation ouvre tout de même la porte à une interaction. On voit sur le terrain que les gens peuvent s'approcher sur la glace. À Atshuk, il est passablement facile de s'approcher de ces lieux. Comme il y a de la glace, on peut s'approcher et voir les phoques à l'oeil nu.
Votre organisation exercerait donc un pouvoir coercitif pour que les paramètres du projet de loi C-555 soient respectés.
Vous avez parlé des effectifs. Rappelez-moi à combien ils se chiffrent.
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Oui. Je viens d'un détachement qui a connu un incident tragique.
Pour ce qui est de la règle des 10 mètres, lorsque j'étais en formation, on a appris que dans ce rayon, si une personne en possession d'un couteau ou de tout autre type d'arme vient vers vous et que vous portez une arme courte, premièrement votre sécurité va être compromise et, deuxièmement, les gens que vous tentez de protéger voient leur sécurité aussi compromise.
Mais ce que je vois dans les photos ici est un grand nombre de navires, probablement dans un rayon de plus de 10 mètres. Pourtant, les navires peuvent servir d'armes, pour simplifier, et cela a déjà été le cas. Lorsque vous êtes sur un navire ou une banquise, comment vous sentez-vous lorsque les choses dégénèrent? Avez-vous l'impression que votre sécurité est en jeu? Y a-t-il des cas où des agents ont pratiquement mis leur vie en danger? Ou avez-vous connu quelque perte que ce soit?
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Il faut apporter une précision à ce sujet.
En ce qui a trait aux photos soumises aujourd'hui, il s'agit de cas impliquant le Farley Mowat. Ces gens n'avaient pas de permis d'observation et ne pouvaient même pas se trouver à 10 mètres des lieux. Il faut donc faire la distinction. Si vous le désirez, on pourra parler plus tard de ces photos.
Parlons de ceux qui possèdent le permis leur donnant le droit de s'approcher à 10 mètres du lieu de la chasse. Habituellement, on rencontre tous ces gens et l'expérience nous a montré qu'il ne s'agit pas du même type de gens ou qu'ils ne sont pas tous présents dans le même but. Il peut y avoir certaines confrontations entre les chasseurs et les gens qui ont un permis d'observation à 10 mètres de distance. En effet, cela empêche les chasseurs de faire leur travail. Ils ne font pas leur travail aussi bien quand une caméra qui les filme se trouve à 10 mètres au-dessus de leur tête ou à côté d'eux par rapport à quand ils sont tout seuls sur la banquise.
Cependant, le danger que nous courons, à titre d'agents des pêches, est le même que lorsque nous montons à bord d'un bateau de pêche au crabe ou autre, parce qu'il y a une multitude d'armes sur l'embarcation. Tous les pêcheurs ont des couteaux et, bien souvent, ils ont des armes à feu à bord. De plus, on rencontre souvent des pêcheurs qui sont sous l'influence de la drogue. Je ne parle pas uniquement des chasseurs de phoque. Il faut assurer la sécurité des agents de la paix pour n'importe laquelle de leurs tâches. Les tâches les plus banales peuvent probablement être les plus dangereuses qu'ils vont exécuter dans une journée.
Pour ce qui est de la distance de 10 mètres, les gens ont été soumis à des vérifications de sécurité avant d'obtenir leur permis. Ils sont sur les lieux avec des règles très strictes. Cela n'empêche pas le fait qu'il pourrait y avoir une altercation avec un agent ou un pêcheur. Il faut aussi savoir que les chasseurs ont des armes entre les mains. Il faut faire la part des choses et faire la différence entre une surveillance ou une observation de protestation et une observation servant davantage à documenter la chasse. Ceux qui ont des permis sont possiblement opposés à la chasse, mais ils ne sont pas nécessairement là pour poser des gestes radicaux contre les chasseurs.
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Sur la photo 7 — et je crois que c'est bien à celle-là que vous faites allusion —, ce n'est pas un harpon, mais un canon à eau. Par contre, cela a exactement le même effet. Dans la séquence de photos que vous voyez, le
Farley Mowat fonce sur le bateau de pêche en provenance du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, et est sur le point de déployer le canon à eau sur les pêcheurs.
Cependant, il y a plus dangereux encore que le canon à eau. Vous allez voir une série de photos où apparaissent de petites embarcations. À la gauche complètement de la photo 10, par exemple, à gauche de la flèche jaune, vous voyez le Farley Mowat. Quelques secondes avant, les pêcheurs étaient sur la glace, alors que le bateau approchait. Là, on est clairement à l'intérieur du demi-mille. C'est vraiment très près. Cette journée-là, j'étais à bord du bateau de surveillance, et nous avons joué au chat et à la souris tout l'après-midi pour éviter que ce bateau ne cause des dommages. Puis, il a été arrêté. Bien sûr, tous les règlements, accords ou autorisations venant de la haute direction nous permettaient de mettre fin à l'infraction. Le bateau a donc été arrêté. J'ai été le premier à monter à bord du Farley Mowat pour mettre les membres de l'équipage en état d'arrestation. Ils ont été emmenés à bord de notre bateau, soit le brise-glace. Le Farley Mowat a été remorqué jusqu'au quai de Sydney. Des poursuites ont été déposées dans les jours qui ont suivi. Effectivement, la vie des pêcheurs a cette fois été mise en danger.
Comme vous le voyez sur la photo, il y a deux bateaux de pêche: un rouge et un bleu de la même grosseur, soit d'environ 45 pieds. Ces gens ont déclaré avoir eu réellement peur pendant la journée. Certains nous ont dit que le Farley Mowat avait effleuré leur stabilisateur. Le stabilisateur, ce sont les grands bras qu'on déploie de chaque côté du bateau pour le stabiliser. Le Farley Mowat était passé à quelques centimètres du stabilisateur. Ces gens ont eu peur. Ils étaient réellement heureux que nous puissions être présents ce jour-là pour mettre fin à l'infraction, leur permettre de vaquer à leurs occupations et de gagner leur vie.
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J'aimerais renchérir sur ce que disait M. Jenkins.
Il y a une communication constante entre les gens à bord du brise-glace qui gèrent les opérations et ceux qui émettent des permis d'observation. Cela a pour but de s'assurer qu'un nombre trop élevé de permis d'observation ne sera pas émis et d'éviter ainsi qu'il y ait trop de gens pour observer quelques bateaux. Ce genre de communication existe déjà.
Il est évident que si quelqu'un ayant un permis suit un chasseur, cela peut causer des problèmes. Pour les chasseurs, ce n'est pas simple de travailler dans un tel contexte. Le fait d'avoir une personne qui les filme avec une caméra peut engendrer un stress supplémentaire chez les chasseurs. Les conditions de la chasse au phoque ne sont pas simples. Il peut y avoir de très grandes étendues de glace ou de tout petits morceaux de la grandeur de trois ou quatre tables. Les pêcheurs sautent du bateau sur la glace pour chasser les phoques. Il est sûr que ce n'est pas simple.
Lorsque nous rencontrons les chasseurs, nous essayons de les sensibiliser à cette réalité et de leur faire comprendre que s'ils font leur travail adéquatement et qu'ils utilisent des méthodes d'abattage qui sont humainement acceptables et reconnues par l'industrie, les observateurs n'auront rien à rapporter après leur journée d'observation. Nous essayons de les sensibiliser à cet égard afin qu'ils puissent quand même travailler de façon sécuritaire. J'avoue cependant que ce n'est ni simple, ni facile.
Ça, c'est pour ceux qui ont un permis d'observation. Quant à ceux qui n'ont pas de permis, ce sont d'autres problèmes qui se présentent. Nous avons parlé aujourd'hui des gens qui n'avaient clairement pas l'intention de respecter la réglementation et qui avaient pour objectif de perturber l'activité des chasseurs. C'est là une tout autre facette de l'encadrement de la chasse au phoque.
Au cours de ma carrière précédente, je m'occupais de conservation de la faune et de communication en matière de chasse. Je suis actuellement le président du caucus conservateur de la chasse et de la pêche.
Lorsque j'examine le passé du mouvement de défense des droits des animaux, je vois que leur modus operandi est très clair. Tout d'abord, ils commencent par remettre en question la viabilité de la chasse. Ensuite, ils veulent qu'on la rende plus humaine. J'ai examiné d'anciens procès-verbaux, et j'ai pu voir que votre ministère s'est considérablement efforcé de s'assurer que la chasse soit faite dans le respect et encadrée par des règles scientifiques. Mais clairement, le but ultime de ces groupes de défense des droits des animaux, qui sont extrêmement riches, consiste à mettre un terme à la chasse au phoque.
À la lumière de votre expérience sur la glace avec ces groupes, est-il juste de dire que leur objectif ultime est de mettre un terme, point, à la chasse au phoque et que leurs motivations n'ont rien à voir avec le respect et la viabilité de cette activité?