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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 022 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 26 septembre 2016

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Français]

    Je souhaite la bienvenue à mes collègues.

[Traduction]

    Nous reprenons notre discussion sur la cyberintimidation. Nous sommes chanceux d'accueillir aujourd'hui Peter Payne, officier en charge, Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants, Centre de prévention du crime chez les jeunes et Kimberly Taplin, directrice, Services nationaux de police autochtones et services de prévention de crime, Centre de prévention du crime chez les jeunes. Nous accueillons également Shanly Dixon, enseignante et chercheuse, Projet de culture numérique, Atwater Library and Computer Center.
    Chacun disposera de 10 minutes pour nous présenter leur exposé. Nous passerons ensuite, comme d'habitude, aux questions des membres
    Madame Taplin, vous avez la parole.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, permettez-moi tout d'abord de vous remercier d'avoir invité la GRC à comparaître devant le comité.
    Je suis l'inspectrice Kim Taplin, et je suis directrice des Services nationaux de police autochtones et de la prévention du crime de la GRC. Je suis accompagnée aujourd'hui de l'inspecteur Peter Payne, officier responsable du Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants. Le mandat du Centre est de réduire la vulnérabilité des enfants à la cyberexploitation sexuelle en identifiant les enfants victimes, en faisant enquête et en aidant à la poursuite des délinquants sexuels, et en renforçant la capacité des services de police municipaux, territoriaux, provinciaux, fédéraux et internationaux par le truchement de la formation, de la recherche et du soutien aux enquêtes.
    Les jeunes sont une priorité stratégique de la GRC, et nous sommes toujours conscients de l'évolution rapide du rôle que jouent Internet et la technologie dans le quotidien de la jeunesse canadienne. Reconnaissant que l'éducation et la prévention sont des éléments clés de l'élimination de l'exploitation et de la violence, je suis heureuse d'avoir la possibilité de parler de la gamme importante de programmes et d'initiatives de prévention du cybercrime que la GRC appuie par l'intermédiaire du Centre de prévention du crime chez les jeunes des Services nationaux à la jeunesse de la GRC.
    Le Centre de prévention du crime chez les jeunes est le principal portail se rapportant aux jeunes qui offre un soutien aux personnes travaillant auprès des jeunes, ainsi qu'aux jeunes eux-mêmes, à leurs parents et aux agents de police de première ligne. Ce site Web contient divers outils et ressources visant à mobiliser efficacement les jeunes à I'égard des questions de criminalité et de victimisation, et à mettre en relief les quatre principales priorités de la Stratégie nationale sur la jeunesse de la GRC. Celles-ci sont l'intimidation et la cyberintimidation, la violence entre partenaires intimes, la consommation d'alcool et de drogue et la radicalisation des jeunes menant à la violence.
    On a cerné ces priorités après avoir analysé les statistiques annuelles sur la criminalité chez les jeunes, passé en revue les plans et priorités de rendement des détachements, consulté nos partenaires, parcouru les reportages qui ont fait les manchettes dans les médias au sujet de jeunes et, surtout, consulté les jeunes eux-mêmes.
    Pour chacune de ces priorités, on a élaboré des plans de cours, des exposés, des fiches de renseignements, des outils d'autoévaluation, des vidéos et des jeux interactifs. Tous ces outils utilisent un langage adapté aux jeunes et sont conçus de façon à attirer l'attention des jeunes.
    La GRC collabore étroitement avec ses partenaires pour veiller à ce que l'information diffusée soit exacte et tienne compte de l'environnement social actuel. Chaque année, de nombreuses campagnes dans les médias sociaux sont lancées à l'intention du jeune public. Ces campagnes ont pour but d'éduquer et de sensibiliser les jeunes, et de les habiliter à agir dans leurs collectivités.
    Les infractions de cyberviolence comprennent un éventail de crimes complexes qui exploitent la technologie par l'entremise de réseaux informatiques, comme la cyberintimidation et l'exploitation sexuelle d'enfants sur Internet. De plus en plus, les gens vivent au quotidien sans se déconnecter du Web; cette connectivité accrue favorise un meilleur anonymat, procure davantage de possibilités d'adopter des comportements à risque en ligne et réduit la responsabilisation. Internet et les innovations technologiques accrues mettent davantage les enfants à risque, car les inhibitions sont souvent réduites en ligne et un accès plus facile à des enfants non supervisés en découle.
    Pour vous donner une idée de l'ampleur du problème, en 2015, le Centre national de coordination contre I'exploitation des enfants a reçu 14 951 plaintes, rapports et demandes d'aide, ce qui représente une augmentation de 146 % depuis 2011. Au mois de septembre cette année, le Centre national de coordination contre I'exploitation des enfants a déjà reçu plus de 19 000 rapports.
    En plus du nombre de rapports qui ne cesse de croître, les organismes d'application de la loi doivent également composer avec des technologies de pointe de plus en plus évoluées chez les contrevenants. Souvent, les contrevenants ont une longueur d'avance en ce qui a trait à la technologie. On a qu'à penser aux techniques de chiffrement et d'anonymisation, par exemple. En se servant de ces outils, les contrevenants peuvent éviter la police plus efficacement, ce qui complique grandement les enquêtes.
(1535)
    Le Centre de prévention du crime chez les jeunes aborde la cyberviolence en visant l'éducation et la sensibilisation sur le sujet de la cyberintimidation, et en encourageant le développement de relations positives et saines. Comme je l'ai déjà mentionné, le Centre de prévention du crime chez les jeunes mène et appuie plusieurs campagnes dans les médias sociaux tous les ans.
    En février dernier, la GRC s'est jointe à la Fondation canadienne des femmes pour appuyer la campagne #AmourSain. Cette campagne d'un mois dans les médias sociaux encourageait les jeunes à se familiariser avec les 14 principes d'une relation saine, notamment j'exprimerai ce que je ressens, je ferai preuve de sincérité, je serai disposé à faire des compromis. Cette campagne promeut le principe voulant que la violence ne fait jamais partie des relations saines. Outre cette campagne, un message d'intérêt public auquel participe le joueur de hockey de la LNH Jordin Tootoo a été publié récemment, encourageant les jeunes hommes et garçons à mettre fin à la violence contre les femmes.
    La GRC mène aussi une campagne appelé « Billettiste ». Lancée l'an dernier dans le cadre de Semaine de la sensibilisation à l'intimidation, « Billettiste » est un jeu visant à mobiliser les jeunes au moyen des messages texte. Cet outil comporte une variété de scénarios d'intimidation. Les choix que les jeunes font en échangeant des messages texte sur leur téléphone avec leurs amis et d'autres déterminent la façon dont les scénarios se déroulent. Pour lancer l'outil, il suffit d'envoyer le mot INTIMIDATION au 38383. Jusqu'à présent, des enseignants, des agents de police et d'autres personnes travaillant auprès des jeunes ont utilisé cet outil. S'il nous reste du temps, je pourrai vous faire une démonstration de ce jeu.
    Un des principaux objectifs du Centre de prévention du crime chez les jeunes, c'est d'atteindre les jeunes dans la classe — capter leur attention tandis qu'ils sont dans un environnement d'apprentissage. Comme nos policiers éducateurs sont souvent invités à faire des exposés dans les classes sur divers sujets concernant les jeunes, on a mis au point l'initiative DiscussionsGRC. « DiscussionsGRC » est une série de vidéoconférences interactives en direct qui offrent aux jeunes des conseils et de l'orientation sur des questions importantes, comme l'intimidation, la cyberintimidation et les relations saines. Chaque séance de 90 minutes permet aux élèves de 6 classes au pays de participer. On encourage les élèves à interagir entre-eux par vidéoconférence sécurisée et par les médias sociaux. Un conférencier motivateur lance la conversation en racontant sa propre histoire, et encourage les élèves à agir et à s'exprimer sur la question en cause. À ce jour, nous avons mené six séances de DiscussionsGRC.
    Un des principaux atouts du Centre de prévention du crime chez les jeunes, c'est le vaste réseau d'experts en la matière et d'organisations partenaires auquel il est branché. La GRC collabore étroitement avec diverses organisations dont le mandat vise des questions liées aux jeunes, notamment la violence à l'égard des femmes et des filles. Grâce à ces précieuses relations, nous pouvons offrir des produits et services fondés sur des données probantes. Grâce également au nombre impressionnant de relations que nous avons forgées au fil des ans, nous pouvons assurer le fonctionnement de l'outil « Posez une question à un expert » offert sur notre site Web. Cet outil permet aux jeunes de poser à un policier ou à une autre personne exerçant un rôle lié à la police des questions portant sur la criminalité ou la victimisation chez les jeunes, et ce, de façon anonyme, par courriel. Bien que « Posez une question à un expert » ne soit pas un outil de signalement, nous mettons les jeunes préoccupés par la victimisation en communication avec leur service de police ou détachement de GRC local, les encourageons à parler à des organismes, comme Jeunesse, J'écoute, ou à signaler toute crainte d'exploitation d'enfants à Cyberaide.ca.
    Compte tenu de toutes les activités que mène le Centre de prévention du crime chez les jeunes, nous avons déterminé qu'il serait important d'obtenir le point de vue des jeunes. Depuis 2010, le Comité consultatif national sur la jeunesse de la GRC, composé de jeunes de 13 à 18 ans de partout au Canada, a fourni une perspective de ce que pensent et sentent les jeunes à l'égard des questions qui les touchent, comme la cyberviolence et la violence entre partenaires intimes. Reliés par le truchement d'un groupe Facebook privé, les jeunes sont encouragés à présenter, aux deux semaines, leurs opinions sur des activités, projets et idées du Centre de prévention du crime chez les jeunes. Nous intégrons leurs réponses dans notre Stratégie nationale sur la jeunesse, de même que dans d'autres politiques, programmes et procédures de la GRC qui pourraient toucher les jeunes. Tous les trimestres, nous publions à l'interne le Compte rendu des tendances jeunesse, un recueil de renseignements de source ouverte sur les dernières tendances chez les jeunes. II peut s'agir des dernières applications qu'ils téléchargent sur leur téléphone intelligent, du jargon qu'ils utilisent en ligne ou des films, chansons ou vidéos les plus cools qui les influencent.
(1540)
    Je vous remercie encore une fois de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui. Je serai ravie de répondre à toutes vos questions.
    Merci. C'était excellent.
    La parole est maintenant à Mme Dixon, pour 10 minutes.
    Merci infiniment de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui. C'est pour moi un véritable honneur d'être ici avec vous.
    L'une des choses essentielles que nous faisons dans le cadre du projet de prévention de la cyberviolence, c'est essayer d'amener les écoles et les établissements à définir la cyberviolence et à mettre en place une politique comportant des procédures et processus clairs, de même que des ressources. Quand nous essayons d'amener les gens à nommer la cyberviolence et à l'inclure dans leurs politiques anti-harcèlement et dans le manuel de l'étudiant, ce que nous entendons souvent, c'est: « Eh bien, ça s'est produit en ligne, alors ce n'est pas réel » ou « Cela ne s'est pas produit sur le campus, alors ce n'est pas notre problème ». Il faut commencer par reconnaître que la cyberviolence envers les filles et les jeunes femmes est inextricablement liée à la violence dans la réalité.
    De nos jours, pour bon nombre d'entre nous et en particulier pour les jeunes, il n'y a pas de ligne de démarcation entre ce qui se passe en ligne et dans la réalité. Les espaces virtuels sont omniprésents dans tous les aspects de la vie, car nous sommes continuellement connectés sur Internet, à nos communautés en ligne, et entre nous. Les conséquences physiques, psychologiques, émotionnelles et financières d'une expérience en ligne peuvent donc être profondes. Cela se produit en ligne et hors ligne. Par rapport à cela, la violence en ligne a pour effet de normaliser la violence hors ligne. Quand on est immergé dans une culture numérique qui montre comme étant quelque chose de normal, divertissant ou même drôle la violence sexuelle, la misogynie, l'objectivation de la femme, l'hypersexualisation des filles et la discrimination contre les LGBT+ et les personnes transgenres, ces représentations ou conceptions semblent courantes et même acceptables hors ligne.
    Les environnements et les communautés en ligne avec lesquels nous interagissons sont importants et ont de profondes incidences sur nos vies hors ligne. On peut penser que définir la cyberviolence et la politique à ce sujet est un principe plutôt simple, mais si cette définition se trouve dans le manuel de l 'étudiant ou dans une politique, les femmes peuvent s'en servir comme outil pour obtenir de l'aide et dire: « Il m'est arrivé ceci. Ce n'est pas acceptable. J'ai besoin d'aide. »
    La technologie envahit de plus en plus nos vies, et les concepteurs cherchent à rendre les interactions en ligne plus puissantes, significatives et réalistes; il est donc essentiel de prendre des initiatives concrètes et efficaces pour garantir que ces technologies sont conçues et intégrées dans nos vies dans le respect de l'éthique.
    La cyberviolence est semblable à d'autres formes de violence, en ce sens qu'elle s'inscrit dans un continuum allant des répercussions sociales très générales aux répercussions plus personnelles. À une extrémité du continuum, il y a l'hypersexualisation et l'objectivation des filles et des femmes en ligne, avec la culture populaire, les jeux vidéo et la pornographie; à l'autre extrémité se trouvent les actes de violence ciblés, comme les menaces et le harcèlement, la culpabilisation des victimes, la pornographie de vengeance, le harcèlement criminel, le leurre et la séduction. C'est sans fin. Nous voyons cela dans notre recherche et dans le travail que nous faisons avec les jeunes.
    Bien que toutes les manifestations de cyberviolence aient des effets négatifs, il est essentiel de mener des recherches qui contribueront à l'élaboration de stratégies nuancées et ciblées de manière à être efficaces. Il faut concevoir des interventions précises, selon ce que vous voulez cibler le long du continuum. Par exemple, avec une intervention par laquelle on réunirait l'industrie du jeu vidéo et les communautés des TIC en vue de discussions sur la prévention et l'élimination de l'hypersexualisation et l'objectivation des femmes, ou la violence sexuelle gratuite à des fins de divertissement, on agirait sur un élément du continuum différent, par rapport à une intervention qui viserait la mobilisation des connaissances des filles en matière de séduction et de leurre, ou qui servirait à fournir des politiques, des ressources et du soutien aux filles subissant de la cyberviolence.
    Il faut prendre des décisions concernant les mesures législatives à adopter, les politiques à concevoir, les initiatives éducatives ou la mobilisation des connaissances qui sont nécessaires, et le soutien et les ressources qu'il faut fournir aux personnes qui subissent de la cyberviolence.
    Pour arriver à tout cela, il faut davantage de recherche qualitative permettant de créer des stratégies à la fois efficaces et sensées pour les jeunes qui vivent directement ces problèmes. J'ai travaillé à des projets de recherche dans des universités et dans la collectivité, et je peux dire que les approches sont très différentes quand vous travaillez avec les filles et la culture numérique, avec des universitaires ou dans le cadre de projets communautaires.
    Je pense que nous devons créer des occasions de combiner les forces de ces perspectives — celles des universitaires, des organisations communautaires et des forces de l'ordre — afin de mener des recherches et de concevoir collectivement des stratégies tout en prêtant attention aux voix des filles et des personnes qui vivent directement ces problèmes.
    Des fossés culturels et socio-économiques se creusent en réponse aux fossés numériques. Grâce à nos initiatives de culture numérique, j'ai pu aller dans diverses écoles et organisations communautaires, dans des contextes culturels, sociaux et économiques variés. Je commence à réaliser qu'Internet n'est pas pareil pour tous. Dans les organisations où il y a une éducation à la culture numérique très présente et de grande qualité, les jeunes semblent être davantage en mesure de reconnaître la violence fondée sur le sexe et de négocier les situations dans lesquelles ils se retrouvent. Ils connaissent quand même la cyberviolence, qui leur cause toujours des difficultés. Ils n'aiment pas cela. Ils ne la comprennent pas nécessairement, mais ils reconnaissent que c'est un problème social et systémique, plutôt qu'un comportement normal et acceptable faisant partie de la vie de tous les jours en ligne.
(1545)
    J'ai constaté que dans les écoles et les organisations communautaires où l'éducation des jeunes à la culture numérique est absente ou très limitée, on parlait souvent des limites ou des risques des espaces en ligne, plutôt que des possibilités qu'ils offrent. Il faut à tous les niveaux une éducation à la culture numérique complète et approfondie afin de dénormaliser la cyberviolence grâce à un programme qui nous aiderait à comprendre les aspects économiques, sociaux, politiques et éthiques de la culture numérique. Cela pourrait exiger que ce soit intégré dans toutes les disciplines et dans divers aspects de l'éducation.
    Nous voyons parfois un écart entre la perception qu'ont les adultes de la façon dont les jeunes sont engagés dans la culture numérique et la réalité de ce que les jeunes vivent. Je m'inclus dans cela. Cet écart se traduit par des difficultés concernant la préparation de stratégies sensées aux yeux des jeunes, ainsi que la conception et la mise en oeuvre de politiques et de mesures législatives. Quand des jeunes s'intéressent à du contenu misogyne ou très sexualisé, c'est souvent à l'insu des chercheurs, des parents et des enseignants; parce qu'il s'agit de contenu controversé, c'est gardé privé ou secret. Quand des jeunes rencontrent des problèmes, ils vont souvent choisir de ne pas s'adresser à des adultes parce qu'ils craignent qu'on les blâme ou que les adultes interviennent d'une façon qui empirerait leur situation.
    Les filles disent souvent qu'elles ressentent de la pression à cause de l'hypersexualisation de la culture en ligne. Nous sentons souvent que la misogynie s'intensifie beaucoup, et nous nous demandons pourquoi. L'une des choses que nous avons remarquées dans notre travail, c'est que les personnes qui sont vulnérables hors ligne semblent souvent aussi être vulnérables en ligne. Nous remarquons que les jeunes dont l'univers hors ligne est limité, qui risquent d'être sous-qualifiés et sous-employés, et qui sont confinés à leurs voisinages sont aussi confinés dans leur univers en ligne.
    Par exemple, si vous allez constamment à du contenu en ligne qui reflète des normes très misogynes ou de la violence sexuelle, vous risquez de créer des bulles de filtres. Votre moteur de recherche vous donnera ce qu'il prévoit que vous voulez en fonction de vos clics antérieurs. Vous créez ainsi votre propre bulle qui exclut l'information ou les points de vue extérieurs qui ne vous intéressent pas particulièrement. Cela ne se fait pas que par algorithmes; il y a également vos choix particuliers, en ligne et hors ligne, et le pouvoir des pairs d'influencer le contenu que vous consommez et produisez.
    Le problème, c'est que les bulles de filtres tendent à vous isoler des idées opposées et des points de vue extérieurs plus généraux, et que vous avez tendance à interagir avec les personnes et les communautés qui ont les mêmes intérêts que vous. Ils font écho à vos points de vue. Parfois, cela peut devenir intense, et une personne qui a une expérience de vie limitée aura tendance à penser que tout se limite à cela et qu'il n'y a pas d'autre issue.
    Comment résoudre cela? Nous devons améliorer les compétences des personnes qui n'ont pas de culture numérique et travailler à utiliser la technologie pour aider les jeunes à rechercher consciemment des points de vue extérieurs variés et divergents, afin qu'ils puissent en venir à évaluer l'information d'un oeil critique. Quand je travaille avec des jeunes à risque que des adultes ont aidés à dénormaliser la cyberviolence fondée sur le sexe et à accéder à de l'information qui les intéresse pour l'évaluer d'un oeil critique, ils arrivent à mieux évoluer dans l'univers en ligne, mais en plus, ils participent à la conception de solutions. Ils discutent d'interventions comme l'approche du témoin, la façon de dénormaliser la cyberviolence fondée sur le sexe et la façon de soutenir les pairs qui subissent de la cyberviolence.
    Je pense que nous devons éduquer l'industrie. Le changement est possible, si nous éduquons l'industrie sur les incidences des espaces qu'ils créent et si nous incluons les concepteurs dans les discussions sur les possibilités de conception et sur les conséquences d'ordre éthique des choix de conception. Je pense que nous devons penser à la direction que la technologie prend. Avec les nouvelles technologies, et la possibilité de nouvelles manifestations de cyberviolence, personne ne peut prédire où cela s'en va ou comment les gens vont s'adapter à cela. En raison de la réalité virtuelle qui évolue énormément et qui devient de plus en plus immersive et réaliste, nous pourrions nous retrouver devant de tout nouveaux défis en matière de cyberviolence fondée sur le sexe.
    Merci beaucoup.
    Nous allons amorcer notre série de questions de sept minutes.
    Nous commençons par mon collègue, M. Fraser.
    Merci beaucoup.
    Je vais commencer par nos collègues de la GRC.
    L'une des choses qui sont ressorties de vos propos, madame Taplin, c'est la prolifération de plaintes concernant la cyberviolence ou le cyberharcèlement en ligne. Je pense que vous avez dit qu'il y en a eu environ 19 000. On dirait que le nombre de plaintes a pris des proportions astronomiques. Est-ce qu'il y a une raison pour cette croissance? Est-ce qu'il y a plus d'incidents?
(1550)
    Je vais laisser mon collègue répondre.
    L'augmentation ne touche pas strictement le signalement obligatoire. Au cours de la dernière année et demie, nous recevons beaucoup de signalements de la part de l'industrie privée concernant du matériel d'exploitation sexuelle d'enfants. Il y en a beaucoup qui viennent de là.
    Tout n'est pas lié à cela. Depuis 2014, nous avons reçu environ 8 500 plaintes. En 2015, nous en avons eu juste un peu moins de 15 000. En ce moment, nous nous situons autour de 19 000 plaintes. Qui sait jusqu'où ça ira? Il n'y a pas de doute: la tendance est à la hausse.
    Vous avez aussi mentionné plusieurs fois dans votre exposé que vous ciblez les jeunes au moyen de diverses initiatives d'éducation et de divers programmes. Ciblez-vous une fourchette d'âge en particulier? Un chiffre particulier?
    Oui. Nous ciblons tout le monde, tous les jeunes, mais notre programme de leadership pour les jeunes vise les jeunes de 13 à 18 ans, pour la saisie de...
    Est-ce qu'il y a une raison précise pour que cela commence à 13 ans, et non 9 ou 11 ans, par exemple?
    Je ne connais pas la réponse. C'est la fourchette d'âge que nous avons établie pour obtenir de l'information sur les stratégies que nous mettons en place.
    En ce qui concerne les efforts que vous essayez de déployer, est-ce qu'il y a des outils que vous n'avez pas, mais qui seraient utiles, des outils qu'il vous faudrait s'il y avait une réforme des politiques, ou des fonds additionnels que vous pourriez utiliser pour quelque chose en particulier?
    Je ne peux pas faire de commentaires sur les mesures législatives en particulier. Nous travaillons avec ce que nous avons. Nous créons du matériel et nous travaillons avec nos partenaires afin de tirer profit d'une démarche collective.
    Je m'adresse encore aux gens de la GRC. Une chose m'intrigue. Trouvez-vous que de nombreux incidents de cyberviolence viennent d'un autre territoire, de l'étranger, ou sont-ils surtout d'ici?
    Tous nos signalements sont internationaux. Nous recevons une bonne majorité de nos signalements du National Centre for Missing and Exploited Children, le NCMEC, aux États-Unis, ainsi que de Cyberaide, au Canada. Nous en recevons très peu du public. La plupart des signalements du public vont à Cyberaide, mais de tous ceux que nous recevons de nos partenaires, notamment Cyberaide et le NCMEC, une bonne majorité est diffusée à l'étranger.
    Je ne peux vous donner les chiffres à l'échelle du Canada, mais c'est partout. Cela ne se limite pas à une région géographique. C'est d'un océan à l'autre, ainsi que du nord au sud. C'est partout.
    Est-ce qu'il y a des outils qui pourraient être utiles, d'après vous, pour faire obstacle à de tels prédateurs potentiels de partout ailleurs dans le monde ou de partout au pays? Est-ce encore trop tôt, à l'aube de cette nouvelle phase de cyberviolence?
    J'aimerais qu'il y en ait. Cependant, pour le moment, nous poursuivons nos efforts avec nos partenaires. Il y a de la bonne collaboration avec nos partenaires d'application de la loi. Il y a toujours des défis avec la nouvelle technologie. Nous ne pouvons en suivre le rythme, mais nous faisons de notre mieux avec ce que nous avons.
    Merci beaucoup.
    Madame Dixon, vous avez parlé de l'importance de la recherche qualitative et de la collaboration entre les universitaires et les organismes d'application de la loi des collectivités. Est-ce qu'il y a des résultats de recherches qui souligneraient ce que nous pouvons faire maintenant pour améliorer les mesures législatives, les directives en matière de politiques, ou les initiatives de financement?
    Pour le projet sur la cyberviolence que Condition féminine Canada vient de financer, tout le monde devait soumettre une évaluation des besoins, et nous avons tous fait beaucoup de recherche pour ce projet. Les constatations et les recommandations découlant de ces projets se trouvaient sur un site Web que Condition féminine Canada a créé, et je pense qu'on y trouve beaucoup d'information, car c'est vraiment de la recherche nouvelle des organisations communautaires.
    En ce qui me concerne, je suis une chargée de recherche universitaire avec le groupe Technoculture, art et jeux, alors nous nous sommes associés avec mon organisation communautaire et avons réuni les chercheurs, la communauté et les universitaires. Je regarderais de ce côté.
    C'est le point de départ pour voir ce que nous savons maintenant et ce que nous pouvons faire.
    Oui. C'est la recherche la plus récente au Canada, à l'échelle du pays.
    Concernant les autres efforts de recherche qualitative qui pourraient être faits, faut-il dans une grande mesure faire des demandes de propositions de financement ou cibler des établissements d'enseignement pour leur demander de déterminer ce qu'ils peuvent faire à ce sujet? Est-ce qu'il y a une stratégie particulière qui serait d'après vous la plus efficace pour faire sortir l'information?
    Je crois que c'est la création de partenariats ou les propositions de subventions qui exigent que les établissements d'enseignement travaillent avec les partenaires communautaires, les partenaires de l'industrie et les partenaires sur le terrain. Ce que le milieu universitaire apporte, c'est la rigueur. Nous apprenons pendant des années à étudier et à entreprendre de la recherche, mais je pense que la collectivité contribue à la relation de confiance. Vous pouvez aller à des endroits et rencontrer des jeunes qu'il vous est impossible de rencontrer si vous travaillez au sein d'un établissement universitaire qui fait de la recherche. Je pense que la combinaison de ces deux choses et le financement de ce genre de recherche sont vraiment importants pour la compréhension de ce qui se passe réellement sur le terrain.
(1555)
    Madame la présidente, est-ce qu'il me reste du temps?
    Vous avez 50 secondes.
    Je vais poser une question qui demande une suggestion ouverte, dans ce cas.
    Si le gouvernement pouvait apporter le plus grand changement possible pour la mise en oeuvre de quelque chose de nouveau qui pourrait contribuer à réduire les cas de cybercriminalité, est-ce qu'il y a quelque chose qui se trouverait au sommet de votre liste? La question s'adresse à l'un de vous.
    Je dirais que sur le terrain, au sein des organisations communautaires, quand je parle aux jeunes, souvent, ils pensent que c'est normal et acceptable. Je pense qu'il s'agit simplement de passer le message selon lequel il faut dénormaliser la cyberviolence. Ce n'est pas un comportement courant. Cela ne prend pas racine en ligne. Nous devons leur expliquer que ce n'est pas normal. Ils pensent que la cyberviolence extrême représente un comportement normal.
    Je suis sûr d'avoir épuisé mon temps.
    Merci beaucoup.
    D'accord. C'est maintenant le tour de ma collègue, Mme Harder.
    Merci beaucoup.
    Je vais en fait poursuivre sur le même sujet, parce que c'était une excellente question. J'aimerais entendre votre point de vue aussi, celui de la GRC.
    Si je comprends bien, il est difficile de trouver les gens qui commettent ces crimes en ligne, et j'aimerais savoir comment nous pouvons adopter des mesures législatives qui vous équiperaient et qui vous donneraient le pouvoir nécessaire pour que vous fassiez votre travail plus efficacement.
    Tout ce que je peux dire, c'est que nous ne décidons pas les lois. Nous faisons de notre mieux, en collaboration avec nos partenaires. Nous déployons des efforts importants dans certains domaines, mais il est de plus en plus difficile de retracer les prédateurs. Nous réussissons à épingler certains d'entre eux.
    Pour revenir aux mesures de prévention, le site cyberaide.ca présente notamment l'initiative « Cleanfeed ». La population peut dénoncer les sites Web qui présentent du matériel de pornographie juvénile, dont l'accès est ensuite bloqué au Canada.
    Certains de ces outils et techniques sont très efficaces. On réussit donc à bloquer certains sites, mais on ne peut pas contrôler tout l'internet. On ne peut tout simplement pas le faire pour le moment.
    Est-ce que vous dites que notre seul espoir est d'éduquer la population et qu'on ne peut rien faire sur le plan législatif? Nous sommes des législateurs. Nous voulons apporter des changements à la loi pour vous permettre de faire votre travail efficacement.
    Notre rôle n'est pas de créer la loi. Peu importe la loi qui nous sera présentée, nous allons l'appliquer de manière appropriée.
    Je comprends, mais nous devons collaborer avec vous, les intervenants de première ligne, pour mettre en place des lois qui vous aident à faire votre travail. Autrement, nous allons adopter des lois stupides qui pourraient nuire à votre travail plutôt que de le faciliter. Je vous demande si vous êtes prêts à travailler avec nous à cet égard.
    Je suis ouvert à toute idée qui puisse nous aider. Tous les responsables de l'exécution de la loi seraient prêts à vous aider, mais à l'heure actuelle, nous travaillons en fonction des lois en vigueur. Si j'avais une réponse à vous donner, je le ferais. Nous travaillons en fonction des lois et politiques du gouvernement du Canada. Je ne peux pas vous dire ce que j'aimerais voir. Nous travaillons avec les lois actuelles.
    Ma prochaine question s'adresse d'abord à Mme Dixon.
    En ce qui a trait à la cyberviolence, pensez-vous qu'au lieu de poursuivre les prédateurs — ceux qui diffusent les images intimes des autres —, nous devrions nous affairer à rétablir une normalité dans la société, en expliquant aux jeunes filles et aux femmes qu'elles doivent être fières de leur corps et qu'elles peuvent le montrer, pour qu'on cesse d'associer le corps des femmes à la culpabilité et à la condamnation? Pensez-vous que l'éducation en ce sens pourrait être tout aussi efficace?
    Absolument. Lorsque je leur parle, les jeunes filles me disent qu'elles aimeraient qu'on prenne de telles mesures. Elles croient à ces principes en théorie, mais dans la vraie vie, c'est tout autre chose. Elles sont déchirées entre comment elles devraient se sentir en théorie et leur incapacité à agir comme elles le voudraient, de peur de se faire humilier et traiter de « salopes », de la pornographie vengeresse, etc.
    Mes échanges avec les jeunes filles ont donné lieu à des témoignages très poignants. Je parlais à un groupe de fille de 15 ans, et l'une d'elles a dit: « Vous savez, il faudrait qu'on accorde moins d'importance à cela. Il ne faut pas que notre vie soit gâchée à cause d'une photo intime. Cela ne devrait pas changer la façon dont on nous perçoit pour toujours. »
    Je crois que c'est un élément très important. Nous sommes tous des producteurs de contenu maintenant. Nous publions des choses, nous les diffusons, et je crois qu'il faut enseigner le plus tôt possible aux jeunes que le contenu que nous produisons entraîne des répercussions éthiques et forge l'environnement dans lequel nous vivons. Je crois que nous devons enseigner cela très tôt aux enfants. Je crois aussi qu'il faut l'enseigner à l'industrie, aux développeurs et aux concepteurs. Le contenu que nous créons n'est pas sans conséquence.
(1600)
    À votre avis, est-ce que ces crimes doivent faire l'objet de poursuites ou est-ce qu'ils devraient simplement être normalisés?
    Cela dépend, à mon avis. Je crois qu'il faut faire de la recherche, parce qu'on doit fixer des limites. On demande souvent aux jeunes ce qu'ils attendent de nous, quelles politiques ils souhaitent voir mises en oeuvre. Ils sont sur le terrain. Ils sont très intelligents et ont beaucoup de connaissances.
    Lorsque je fais mes recherches, je leur demande souvent: « Que pouvons-nous faire pour vous aider? Où se situe la ligne entre la politique, la loi et l'éducation? » Ils ont souvent une idée très claire au sujet de ces limites. Je crois que dans certains cas, il faut absolument poursuivre les auteurs de cyberviolence. Il y a des limites, c'est certain.
    Je pose la même question à la GRC.
    Pouvez-vous répéter la question?
    Certains croient que si on normalise tout simplement la diffusion d'images intimes par les filles et les femmes, alors, grâce à l'éducation, on ne les percevra plus comme étant honteuses. On pourrait éduquer les jeunes en ce sens. Je veux savoir si, à votre avis, c'est la meilleure façon de faire. Est-ce qu'on devrait emprunter cette voie en matière d'éducation?
    Par l'entremise du centre et de la GRC, nous mobilisons la communauté des jeunes et nos partenaires afin d'établir les mesures d'éducation les plus appropriées à des fins de sensibilisation. Nos consultations avec les jeunes orientent les mesures que nous prenons en ce qui a trait à l'éducation, à la sensibilisation et à la prévention. Je ne peux pas parler au nom des jeunes. Comme je l'ai dit, je me fie à ce qu'ils disent au sujet de l'approche qu'ils aimeraient qu'on adopte pour mieux répondre à leurs besoins.
    La parole est maintenant à Mme Malcolmson. Vous avez sept minutes, madame.
    Je remercie les témoins de leur travail.
    J'aimerais avoir l'avis de la GRC au sujet de la situation dans les diverses provinces pour les victimes qui font affaire avec la police municipale ou rurale. Est-ce que les victimes de cyberviolence peuvent s'attendre à un accès équivalent à la justice ou à une intervention uniforme de la part des policiers sans égard à leur lieu de résidence?
    La réponse à cette question est oui. La GRC offre un accès égal à tous les Canadiens. Aussi, par l'entremise d'initiatives comme cyberaide.ca, les Canadiens peuvent communiquer avec la GRC, sans égard à leur lieu de résidence. Je ne peux pas parler au nom des autres services de police, mais je peux vous dire ce qu'il en est à la GRC.
    La GRC dessert seulement certaines régions; avez-vous des programmes de transition ou des façons de... Ce que vous dites, c'est que vous ne savez pas comment cela se passe en dehors de la GRC. Donc les personnes qui obtiennent les services de la police municipale ou provinciale n'auront peut-être pas accès aux programmes de la même façon que s'ils avaient eu recours aux services de la GRC.
(1605)
    Je suis venue ici aujourd'hui pour parler au nom de la GRC uniquement.
    D'accord. Il semble que tout le monde peut avoir accès à votre bassin de ressources central par l'entremise de votre programme. Tout agent proactif au pays pourrait accéder aux ressources et à l'expertise que vous avez développées.
    Tous les policiers, parents et citoyens du Canada ont accès à ce site Web. Il est public.
    Avez-vous une idée du nombre d'utilisateurs de votre réseau, et si les services de police municipaux... Qui utilise votre réseau? Avez-vous des statistiques sur son utilisation par les gens sur le terrain, en dehors de votre service immédiat?
    Nous n'avons pas les moyens de distinguer l'accès interne de l'accès externe, mais je sais qu'en moyenne, le Centre de prévention du crime chez les jeunes reçoit 100 visites uniques chaque mois. Cela ne comprend pas le nombre de visiteurs récurrents. Bien sûr, pendant l'année scolaire, les visites sont beaucoup plus nombreuses et les ressources associées aux thèmes de l'intimidation et de la cyberintimidation sont les plus populaires.
    C'est du bon travail. Je suis encouragée de savoir que ces ressources existent.
    Madame Dixon, pouvez-vous nous dire quel partenaire pourrait vous aider à atteindre certains des objectifs que vous vous êtes fixés, qui semblent surtout être dans le domaine de la recherche et de l'éducation? Y a-t-il des modèles, des administrations provinciales qui misent sur ces questions et qui réussissent, par l'entremise de la recherche universitaire et du système d'éducation, qui offrent des programmes dont nous pourrions nous inspirer?
    Le plus important est probablement HabiloMédias, qui offre avec succès des initiatives en matière de littératie numérique. Il y a un projet d'eGirls — eGirls et la démocratie, je crois —, de l'Université d'Ottawa. Je pense que vous avez déjà parlé aux membres de ces groupes de recherche. Je travaille avec Technoculture, Art and Games, un organisme de recherche qui s'intéresse à l'industrie du jeu et à d'autres choses du genre, à l'Université Concordia...
    Permettez-moi de vous interrompre. J'aimerais en fait avoir un exemple au niveau du gouvernement. En tant que législateurs, nous sommes curieux de savoir ce qui relève du provincial et ce qui relève du fédéral. Avez-vous des exemples de gouvernements provinciaux qui appuient les programmes que vous avez décrits?
    Non, je n'ai pas de réponse à vous donner.
    Est-ce qu'il y a des conseils scolaires ou des systèmes d'enseignement public qui à votre avis font du bon travail dans les classes?
    C'est vraiment nouveau. Quand je vais dans les écoles — et nous travaillons présentement avec un collège qui souhaite devenir un chef de file dans ce domaine —, c'est difficile ne serait-ce que de nommer les choses, de les reconnaître, de les définir. Il n'y a aucun chef de file dans ce domaine qui me vient en tête.
    Nous tentons aussi de collaborer avec l'industrie du jeu vidéo. C'est tellement nouveau, et on fait face à beaucoup de résistance parce qu'on ouvre une vraie boîte de Pandore: il faut travailler, établir des politiques en matière de harcèlement, etc. Il faudrait peut-être un peu plus de pression de la part du gouvernement, pour inciter les gens à adopter des politiques et des stratégies à cet égard.
    Merci.
    Je reviens aux témoins de la GRC.
    Pouvez-vous nous parler des taux de condamnation ou des dossiers qui ont mené à des poursuites?
    Vous parlez des cas d'exploitation d'enfants?
    Il est difficile d'obtenir ces chiffres. Au centre national, nous n'obtenons pas les rétroactions de tous nos partenaires d'exécution de la loi, comme la GRC, les services de police municipaux ou les services de police provinciaux. Selon bon nombre de nos statistiques, le taux de retour est habituellement de 25 ou 30 %. C'est un enjeu permanent pour nous, alors je ne peux pas vous donner de statistiques claires. Vous feriez peut-être mieux de vérifier auprès de Statistique Canada. Parmi toutes les plaintes reçues en 2014, je crois que 4 000 rapports ont été produits, mais je ne peux vous donner le taux de condamnation connexe.
(1610)
    Est-ce que vous pourriez vérifier et transmettre cette information à notre greffière, pour faire un suivi par écrit? Est-ce que c'est possible?
    Ce serait très difficile. Nous avons ce problème depuis des années. Le principal problème, c'est la production de rapports par les autres services de police. Une fois qu'on diffuse le matériel, on n'a aucun contrôle sur ce qu'on obtient en retour. Je le répète, je pense que vous devriez consulter Statistique Canada à cet égard.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à Mme Vandenbeld. Vous avez sept minutes, madame.
    Je vous remercie de vos interventions très instructives.
    J'aimerais revenir sur la question des lacunes dans les lois. Je comprends très bien que vous ne vouliez pas vous prononcer sur les futures lois du Canada, mais y a-t-il des exemples au sein des administrations internationales — peut-être aux États-Unis, en Europe ou ailleurs — de mesures législatives ou de règlement, ou même d'idées seulement, qui sont utilisés par les services de police nationaux, qui pourraient être pertinents et servir d'exemple au Comité?
    Certains pays ont accès plus rapidement à l'information que le Canada, mais nous sommes assujettis à la loi actuelle.
    Dans certaines régions, les services de police peuvent obtenir de l'information du FSI plus rapidement que dans d'autres, mais c'est plutôt une question d'ordre géographique. Ce n'est pas associé à la loi. Nous disposons de 30 jours pour obtenir l'information. Dans certaines régions, cela dépend de la relation avec les tribunaux locaux. Certains organismes d'exécution de la loi obtiennent les renseignements en quelques jours, tandis que dans d'autres régions, les engagements des tribunaux sont plus stricts ou plus rigides, alors on peut attendre jusqu'à 30 jours.
    Avez-vous des idées?
    Mon domaine, c'est la prévention et l'éducation. Je ne participe pas à l'exécution de la loi.
    Vous avez parlé de technologie. Vous avez dit que le chiffrement et les autres avancées nuisaient à notre capacité de retracer les personnes.
    Est-ce que le gouvernement peut faire quelque chose dans le domaine de la recherche technologique pour avoir une longueur d'avance? Est-ce qu'il y a quelque chose qu'on peut faire pour s'adapter?
    J'aimerais qu'on puisse faire quelque chose, mais la réalité est qu'avec le « Web invisible », les techniques d'anonymisation, le chiffrement et les changements technologiques continus, c'est très difficile. Nous réalisons ces enquêtes, mais elles sont plus complexes et prennent beaucoup plus de temps. Un plus grand nombre de ressources aiderait sûrement, mais nous faisons de notre mieux avec la technologie que nous avons.
    Bien sûr, l'Internet ne connaît pas de frontières géographiques. Est-ce qu'il y a une certaine collaboration internationale à cet égard?
    Est-ce qu'on pourrait en faire plus pour faciliter la collaboration avec d'autres administrations dans le monde?
    Nous avons établi de solides partenariats avec tous les organismes d'exécution de la loi. Ce qui est bien, c'est que le centre existe depuis 2004. Nous avons renforcé ces partenariats au fil des années. L'accès est facile et tout le monde collabore.
    Je m'adresse maintenant à Mme Dixon.
    J'admire beaucoup votre recherche et votre travail. J'ai pris note de la discussion au sujet de l'espace public et de la normalisation de ce qui se trouve dans le soi-disant « monde non réel », le monde numérique et en ligne, qui est très réel pour nombre de ces jeunes.
    Cette question m'intéresse. Vous avez dit que les jeunes les plus vulnérables qui ont un comportement à risque au quotidien dans le monde réel — le monde physique — étaient aussi plus vulnérables en ligne. J'ai noté que votre travail portait aussi sur les services nationaux de police autochtones.
    Pardon, Kimberly, cette question vous est adressée. Est-ce que les jeunes autochtones s'exposent à de plus grands risques en ligne parce qu'ils ont des comportements plus à risque au quotidien dans le monde réel?
    Je ne suis pas prête à répondre à cette question aujourd'hui.
    Je n'ai pas étudié cette question sous l'angle du travail du Comité.
(1615)
    D'accord.
    Madame Dixon, vous avez parlé des jeunes à risque. Pourriez-vous nous en dire davantage? Nous avons des programmes. Nous avons entendu d'autres témoins nous parler des programmes destinés aux jeunes à risque et ils pourraient peut-être servir à améliorer la situation sur le Web.
    Je crois qu'on pourrait miser sur leurs connaissances de la littératie numérique et des enjeux numériques liés au sexe.
    Certains des jeunes que je rencontre dans les régions où le risque est plus élevé sont éduqués et bien informés, et leurs opinions et points de vue m'impressionnent. L'important, c'est d'offrir l'accès à un enseignement de qualité, d'avoir des adultes qui peuvent guider les jeunes et des mentors de tous les horizons.
    Parfois, je rencontre des jeunes à risque qui ne vont pas à l'école et qui n'ont pas d'emploi. Lorsque je vais dans les centres communautaires, les intervenants me disent que ces jeunes sont très engagés et très avisés. Ils vont en ligne et font trois choses: ils utilisent Facebook, ils jouent à des jeux vidéos et ils téléchargent de la pornographie.
    Ils ne sont pas avisés au même titre que les jeunes qui fréquentent une école qui enseigne la littératie numérique, où les professeurs apprennent aux jeunes comment obtenir toutes sortes de renseignements, comment faire une évaluation critique et comment utiliser toutes sortes de technologies de diverses façons.
    Je crois que c'est là que se trouve le grand écart culturel, et il se fera de plus en plus important, à mon avis.
    Où vont-ils chercher cette littératie numérique? Dans le système scolaire ou...
    C'est parfois le système scolaire ou parfois une très bonne maison de jeunes.
    L'organisation pour laquelle je travaille reçoit des demandes de la part des écoles, des centres pour les jeunes ou des organismes communautaires, souvent lorsqu'il y a un problème à régler ou lorsqu'ils ont besoin d'établir un programme. Nous arrivons là et nous tentons d'intégrer notre programme à des activités qui intéressent les jeunes. Nous misons sur leurs compétences.
    Avec quels groupes d'âge travaillez-vous?
    Je sais que le groupe consultatif jeunesse de la GRC vise les jeunes de 13 ans. On a dit plus tôt que certains des jeunes qui avaient accès à l'information étaient plus jeunes que cela. De quel âge parle-t-on?
    Le projet de lutte contre la cyberviolence financé par Condition féminine Canada vise les jeunes de 15 à 25 ans, mais mon organisation travaille avec les gens de 6 à 96 ans.
    Nous passons à la deuxième série de questions. Madame Vecchio, vous disposez de cinq minutes.
    Je vais commencer par vous, madame Dixon. Nous avons beaucoup parlé de banalisation. Ce genre de comportement suscitera-t-il, chez les jeunes filles et les femmes, des préoccupations à l'égard des prédateurs sexuels? Craint-on que cela puisse mener à la pornographie? Où se situe la zone grise? À quel moment cela franchit-il la limite de l'expérience et de la démonstration de sa propre sexualité pour devenir une inquiétude à l'égard des prédateurs sexuels qui cherchent à attirer les gens dans certaines activités ou des choses de ce genre? Quelles sont vos observations à ce sujet?
    C'est simplement ce que je constate dans mon travail quotidien. J'ai remarqué que plus d'écoles et de centres jeunesse sont aux prises avec le problème des jeunes filles — vulnérables — qu'on prépare et qu'on leurre en ligne. Récemment, je suis allée prononcer un discours dans une école secondaire. Deux élèves, des jeunes femmes, se sont inscrites dans cette école secondaire dans l'unique but de préparer d'autres élèves et de les leurrer pour qu'elles quittent l'école.
    Il s'agit d'une collectivité de la classe moyenne. Il importe de mener des campagnes d'information et de sensibilisation sur cet enjeu. Il y a une perception selon laquelle il n'est pas nécessaire, en ligne, d'avoir une certaine méfiance à l'égard des étrangers. On a vendu l'idée que les gens sont en sécurité et que ce n'est qu'une forme d'exploration de la sexualité, mais les prédateurs existent. Je pense qu'il faut informer les jeunes et les amener à reconnaître que c'est un problème réel.
    Dans une tout autre veine — dans une optique scientifique —, les algorithmes de Facebook et d'autres médias sociaux pourraient-ils être modifiés pour désélectionner le contenu hypersexuel, pornographique ou violent? Y a-t-il des mesures qui peuvent être prises par rapport à la désélection avec les algorithmes qui sont utilisés?
    La question s'adresse à vous, madame Dixon.
    J'ai des gens qui travaillent là-dessus. À l'Université McGill, un professeur en sciences informatiques cherche à créer des algorithmes ciblant les discours haineux. Je pense que nous devons être très prudents, car parfois, les algorithmes et les affordances intégrées à la conception entraînent des situations dont nous essayons de nous sortir. S'en remettre à Facebook pour la recherche de solutions me pose problème. Nous devons faire preuve d'une grande prudence quant aux orientations de ces solutions. Je pense qu'il y a certes là un potentiel, mais à mon avis, discuter de l'établissement de normes avec les entreprises des technologies de l'information et des communications ainsi qu'avec les concepteurs de jeux vidéo serait une avancée remarquable.
(1620)
    C'est formidable. Merci beaucoup.
    Je vais maintenant me tourner vers la GRC. Le projet de loi C-22, la Loi concernant la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur Internet par les personnes qui fournissent des services Internet, visait à protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle en ligne. Quels sont les résultats de cette mesure législative? Le savez-vous? Les résultats sont-ils positifs? Y a-t-il eu un effet? Pouvez-vous nous présenter vos constatations à cet égard?
    Les résultats ont été positifs, comme le démontre l'augmentation du nombre de signalements au cours de deux ou trois dernières années. L'industrie collabore activement et nous recevons plus de signalements. Voilà pourquoi j'ai indiqué que la tendance est à la hausse et que cela se poursuivra en raison du nombre accru de signalements venant de l'industrie.
    C'est formidable.
    Dans quelle mesure les efforts de sensibilisation de la GRC permettent-ils de réduire la cyberviolence ou la cyberintimidation? Si vous regardez les résultats pour les jeunes de 13 à 18 ans, avez-vous des indications quelconques ou des statistiques qui démontrent des résultats ou des effets positifs? Nous observons une augmentation du nombre de signalements, ce qui est positif, mais constatez-vous également que nos jeunes en discutent davantage et reconnaissent que c'est un problème?
    Nous n'avons pas de statistiques précises sur les effets de la sensibilisation à l'égard de la cyberviolence. Nous constatons toutefois que les jeunes en discutent, se manifestent et en parlent ouvertement. C'est prometteur. Les jeunes travaillent avec nous à l'élaboration d'initiatives d'information et de prévention qui pourraient mieux aider, selon eux, à sensibiliser les jeunes de ce groupe d'âge.
    Excellent.
    Très bien. Le temps est écoulé.
    Nous passons à Mme Damoff, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup à tous d'être ici aujourd'hui.
    Je crois que M. Fraser a posé une question sur les origines de la cyberviolence, et j'aimerais poursuivre dans la même veine.
    Je sais que vous avez mentionné que vous pouvez bloquer les sites lorsque ce sont des sites de l'extérieur du pays, mais les gens trouvent tout simplement un moyen d'y avoir accès. Lorsque vous menez de telles enquêtes, combien de prédateurs viennent de l'extérieur et combien sont au pays? Parmi ceux qui sont au pays, combien sont connus des victimes et combien sont des inconnus?
    Une bonne partie de l'exploitation des enfants sur Internet se fait à l'échelle mondiale. Cela ne se fait pas seulement au Canada. Souvent, le prédateur habite à l'étranger, tandis que la victime est au Canada, ou l'inverse. Notre but est donc de maintenir la collaboration avec les organismes d'application de la loi d'autres pays. Si nous parvenons à établir que le prédateur est en Allemagne et que la victime est au Canada, nous collaborons étroitement avec ce pays dans le cadre de notre enquête.
    Lors de vos enquêtes, où se trouve la majorité d'entre eux? Dans d'autres pays ou au Canada? Quelle est l'origine de la majorité des dossiers dont vous êtes saisis? S'agit-il d'enquêtes internationales ou d'enquêtes menées au Canada?
    C'est une combinaison des deux. Cela pourrait être des enquêtes internationales. Cependant, il est fréquent que cela touche plusieurs pays. Donc, il est possible que certaines situations ne se limitent pas au Canada, mais se déroulent à l'échelle mondiale. Nous avons de temps à autre affaire à des cas importants. C'est à la fois lié aux victimes et aux auteurs, pas seulement au Canada, mais partout dans le monde.
    Exactement. Une des choses que j'ai remarquées, c'est que Cyberaid a permis l'examen de 45 000 images; de ce nombre, 80 % étaient des images d'enfants de moins de 12 ans. Si c'est vraiment le cas, on peut conclure que c'est une tranche d'âge sur laquelle nous ne nous concentrons pas ou, du moins, une tranche d'âge sur laquelle nous ne semblons pas cibler nos mesures de sensibilisation. Les jeunes maîtrisent les technologies et partagent des choses à un âge de plus en plus précoce, mais il semble que c'est seulement lorsqu'ils atteignent l'âge de 13 ans qu'on commence à aborder ces sujets avec eux.
    Selon vous, y a-t-il un écart par rapport à ce genre de choses, ou s'agit-il simplement de deux types de crimes distincts?
    Nous faisons appel aux jeunes de 13 à 18 ans pour nos consultations. C'est avec eux que nous communiquons pour discuter des initiatives et des enjeux en matière d'application de la loi qui leur sont importants.
    Toutefois, notre matériel de sensibilisation et de prévention ne cible pas uniquement les jeunes de cette tranche d'âge, mais vise en fait à sensibiliser un public plus large. Cela dit, c'est auprès de ce groupe que nous tenons nos consultations.
    Selon vous, la sensibilisation des plus jeunes pose-t-elle problème? La société — et parfois les parents — conçoit mal que des jeunes puissent faire certaines choses; les parents ne veulent pas que leurs enfants en sachent plus au sujet d'Internet.
    Je n'ai aucune information qui m'indique que ce soit le cas.
(1625)
    Avez-vous un commentaire, madame Dixon?
    Je me demande si vous êtes d'avis que les nouvelles technologies auxquelles nous avons accès ont pour effet d'accroître la cyberviolence ou qu'elles ne sont que de nouveaux moyens employés pour commettre des actes de violence contre les jeunes femmes et les filles.
    C'est une question vraiment importante. Je fais ce travail depuis plus de 10 ans; mon doctorat portait sur l'adhésion des jeunes à la culture numérique. Nous croyions vraiment au mythe de la génération numérique et nous pensions que les jeunes allaient être des chefs de file. Nous avons pensé qu'ils agissaient à leur guise, mais qu'ils étaient foncièrement habiles. À mon avis, nous sommes peut-être restés en retrait et avons laissé les jeunes créer leurs propres normes sociales en ligne, des normes qui n'étaient peut-être pas aussi positives qu'on l'aurait espéré.
    Je suis une personne qui croit vraiment à l'égalité des chances. Je donne des cours sur la culture numérique, mais nous assistons déjà à l'émergence de certains problèmes.
    Je pense que c'est simplement lié à l'évolution de la structure de la société. Souvent, lorsque je discute avec des professeurs ou que je prononce des allocutions, je constate qu'ils ne veulent pas discuter des technologies avec les jeunes parce qu'ils pensent qu'ils sont plus compétents. Je suis d'avis que l'expérience de vie peut enrichir grandement la discussion; un professeur de philosophie éthique peut contribuer à la discussion en abordant cet aspect.
    Selon moi, l'émergence de la réalité virtuelle engendrera une recrudescence de la cyberviolence et l'émergence de nombreuses formes de cyberviolence. Des concepteurs de jeux vidéo ont exprimé leurs préoccupations au sujet de la cyberviolence contre les filles et les jeunes femmes qui pourrait découler de ces technologies émergentes. Je pense que ce sera un problème d'un tout autre genre.
    Merci.
    Le temps est écoulé.
    Je tiens à remercier nos témoins d'avoir comparu aujourd'hui et de nous avoir transmis leurs connaissances. Nous en sommes très reconnaissants.
    Nous allons suspendre la séance pour deux minutes.
    Nous allons laisser les témoins quitter la salle et permettre au prochain groupe de prendre place. Nous commencerons à 16 h 30 précises.
    Rachael.
    Avant de laisser partir les témoins, serait-il possible de demander qu'ils fournissent une réponse écrite pour ma question sur les mesures législatives qui pourraient être utiles à la GRC?
    Absolument. Nous vous enverrons la question, et vous pourrez répondre par l'intermédiaire de la greffière.
    Merci encore une fois.
    Madame la présidente, pourrions-nous rester deux minutes de plus, pour que je puisse poser une autre question?
    Le Comité est-il d'accord? Allez-y.
    Merci.
    Madame Dixon, l'inclusion de cours de littératie numérique dans les programmes des commissions scolaires et des provinces pourrait-elle aider à dénormaliser la violence en ligne?
    Je pense que ce serait utile.
    Merci.
(1625)

(1630)
    Reprenons; nous accueillons notre deuxième groupe d'experts. Nous avons l'extraordinaire chance d'accueillir aujourd'hui Mme Carol Todd, de l'Amanda Todd Legacy Society et Mme Leah Parsons, qui représente la Rehtaeh Parsons Society.
    Mesdames, bienvenue au Comité. Nous savons qu'il faut un courage remarquable pour venir ici et raconter votre vécu afin d'empêcher que d'autres jeunes filles vivent de telles tragédies. Nous vous en remercions.
    Nous entendrons d'abord vos exposés, puis nous passerons aux questions. Vous avez 10 minutes chacune.
    Nous débutons avec Mme Parsons.
    Merci de m'avoir invitée à parler aujourd'hui d'un sujet qui me tient beaucoup à coeur. Je m'appelle Leah Parsons. Je suis la mère de Rehtaeh Parsons. Rehtaeh s'est suicidée 17 mois après avoir été victime d'agression sexuelle. Rehtaeh a été agressée par quatre hommes en novembre 2011. Une photo a été prise et partagée à son insu et sans sa permission. Elle a abondamment circulé à son école et dans la collectivité. Ma fille a eu de la difficulté, sur le plan émotif, à retrouver son estime de soi. Cependant, chaque fois qu'elle tentait de prendre un nouveau départ, elle était confrontée à la réalité: elle changeait d'école, mais l'image continuait d'être partagée.
    Ce crime a été signalé à la police dans la semaine suivant l'incident, mais la photographie a continué de circuler et n'a jamais été retirée. Rehtaeh n'avait que 15 ans lorsqu'elle a subi ce traumatisme. À ce jeune âge, Rehtaeh commençait à peine à se définir en tant que personne. Quelques mois auparavant, elle avait terminé sa neuvième année avec des A dans toutes les matières et entrevoyait l'avenir avec espoir et optimisme.
    Sa santé mentale a commencé à se détériorer lorsqu'elle est devenue la cible d'actes de cruauté et de railleries. Cela s'est produit très rapidement. Ma fille si brillante et confiante a rapidement commencé à entretenir des pensées suicidaires. Elle était souvent envahie d'émotions diverses: panique, colère et tristesse. Elle n'avait tout simplement pas le temps et l'expérience de vie nécessaires pour comprendre qu'il était possible de traverser cette période trouble. Elle a commencé à avoir peur de ses propres pensées.
    Durant ces 17 mois de lutte, Rehtaeh n'a pu se soustraire au harcèlement que lui faisaient subir ses pairs, que ce soit en ligne ou en personne. Elle savait qu'elle n'était pas responsable de ce qui lui était arrivé, mais la société lui envoyait continuellement le message contraire. Les organismes censés assurer notre protection ne semblaient pas avoir la capacité ou la volonté de nous aider à traverser cette période tumultueuse. Nous avons été abandonnées à notre sort alors que nous cherchions désespérément des réponses et des conseils. Depuis que Rehtaeh nous a quittés, le 7 avril 2013, au très jeune âge de 17 ans, je me consacre à la prévention de l'exploitation par Internet et de la violence sexualisée, je milite pour la santé mentale des jeunes et je mène des campagnes de prévention et de sensibilisation concernant le suicide. Les cas d'Amanda Todd et de Rehtaeh ont mis en lumière les dangers des médias sociaux. Cela a eu des effets profonds. Il est devenu très clair que la société doit agir. Leur décès a également suscité d'importantes discussions dans les familles, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde.
    De nombreux changements ont eu lieu depuis, mais il reste beaucoup à faire pour protéger les filles et les femmes dans notre société. Maintenant que le problème est connu, l'incidence de la cyberviolence suscite davantage de discussions, mais nous devons continuer d'enregistrer des progrès pour éduquer et autonomiser les femmes. J'ai longuement réfléchi après avoir été invitée au Comité pour discuter des enjeux liés à la cyberviolence. Je ne cessais de penser aux nombreuses mères et jeunes femmes qui se tournent vers moi pour obtenir de l'aide et des conseils, qui racontent les mauvais traitements qu'elles ont subis et qui veulent désespérément que les choses changent afin que toutes les femmes — et elles-mêmes — puissent vivre en toute sécurité. Elles se sentent vulnérables et seules, et je sais exactement ce qu'elles ressentent. Souvent, les femmes qui expriment leurs préoccupations sont dénigrées et ne sont pas prises au sérieux.
    Qu'on tienne les femmes responsables des crimes dont elles sont victimes n'est pas un phénomène nouveau. Les femmes sont systématiquement marginalisées depuis des siècles. Toutefois, de nos jours, les médias sociaux transforment complètement la façon dont on cible les femmes. Il arrive fréquemment que des femmes me parlent de leurs inquiétudes quant à la diffusion non consensuelle d'images intimes et se disent la cible de cruauté et de violence sexualisée en ligne.
    Bien que plusieurs responsables des services de police et des écoles prennent la question au sérieux, nombre d'entre eux ne semblent pas savoir comment intervenir. Il arrive parfois que leurs commentaires culpabilisent la victime. On me répète sans cesse que les responsables conseillent aux femmes de ne pas aller sur Internet pour éviter d'être victimes de harcèlement. Quant aux photos partagées sur Internet, certains responsables conseillent simplement aux femmes d'arrêter d'échanger des photos intimes. Ce conseil n'est pas la solution; il ne fait que renforcer la mentalité de culpabilisation des victimes.
     Il semble aussi y avoir, au sein des services de police du pays, un manque de connaissances sur l'intégration du nouveau projet de loi C-13 dans le Code criminel du Canada, qui interdit le partage non consensuel d'images intimes.
(1635)
    Les organismes doivent faire de la connaissance et de l'application de la loi une priorité. Une fois qu'une image est diffusée en ligne, il demeure difficile pour de nombreuses femmes d'obtenir son retrait. Il ne semble pas y avoir de procédure uniforme pour le retrait des images diffusées en ligne; en outre, le processus semble très long.
    En ce qui concerne le harcèlement en ligne, il n'existe aucune loi pour protéger les filles et les femmes qui en sont victimes. La Cyber-safety Act de la Nouvelle-Écosse, qui a été adoptée en 2013 dans la foulée du décès de Rehtaeh, a été la première loi en son genre au Canada et visait à protéger les gens contre la cyberviolence. Cette loi a toutefois été abrogée, car elle était trop large. La ministre de la Justice de la Nouvelle-Écosse, Mme Diana Whalen, présentera une nouvelle mesure législative au printemps de 2017. Il s'agit d'un pas dans la bonne direction.
    Adopter de nouvelles lois et intervenir rapidement et efficacement ne sont que certaines façons de combattre la cyberviolence. On ne peut toutefois ignorer l'existence de mentalités sous-jacentes et profondément enracinées qu'il faudra de nombreuses années à contrecarrer. Les femmes sont toujours objectivées. Le message véhiculé quotidiennement par diverses sources, tel un bombardement incessant, c'est que les femmes ne sont pas assez ceci ou cela; on laisse sous-entendre qu'elles ne sont pas assez jolies, pas assez minces, pas assez sexy, pas assez intelligentes, etc.
    L'assimilation de ce message amène certaines femmes à avoir une piètre image d'elles-mêmes, un sentiment qui se manifeste parfois par la cruauté à l'égard d'autres femmes. On le voit notamment chez les adolescentes. Elles perçoivent les autres comme des concurrentes et font preuve de cruauté et de méchanceté à leur égard. C'était particulièrement évident dans la teneur des messages que ma fille a reçus.
    J'ai fait des études en psychologie. Il est facile, de ce point de vue, de constater qu'on ne peut accepter chez les autres ce qu'on n'aime pas chez soi-même. Il est par conséquent essentiel d'amener les jeunes filles à s'aimer elles-mêmes. L'acceptation des pairs est un aspect très important, et être victime de cyberviolence nuit à la santé mentale des jeunes filles. Nous devons redéfinir ce que signifie d'être une femme.
    Cela dit, on ne peut laisser la population masculine à l'écart du débat. Je suis toujours étonnée quand, après avoir prononcé un discours dans une école, des jeunes hommes viennent me voir pour me poser d'autres questions sur le consentement. Ils sont confus, parce qu'on ne leur a jamais expliqué en quoi consiste le consentement sexuel. Certains jeunes hommes sont convaincus que lorsqu'une fille refuse leurs avances sexuelles, il faut faire davantage de pressions.
    De nos jours, on voit couramment ce genre de comportement en ligne: les filles et les femmes subissent des pressions pour envoyer des images intimes d'elles-mêmes. Nous essayons d'enseigner aux filles ce qu'elles doivent faire pour assurer leur sécurité, mais nous ne leur apprenons pas à se valoriser. Nous faisons certainement fausse route pour ce qui est de la population masculine.
    Si les hommes considèrent toujours les femmes comme des objets, comment peuvent-ils les valoriser en tant qu'êtres humains? Rehtaeh a cessé d'être considérée comme un être humain le jour où on l'a qualifiée de « salope ».
    Je sais que si Rehtaeh avait été considérée comme un être humain plutôt qu'un objet de conquête, ce soir-là, en 2011, et que si ses pairs s'étaient rangés de son côté plutôt que de lui jeter le blâme, je ne serais pas ici pour vous parler aujourd'hui.
    Je sais que nous pouvons faire une différence dans la vie de chaque être humain, et nous devons agir maintenant. Beaucoup trop de jeunes se sont enlevé la vie en raison de la violence, quelle qu'en soit la forme.
    Je vous remercie de m'avoir permis de vous présenter mes observations.
(1640)
    Merci beaucoup.
    Madame Todd, vous avez 10 minutes.
    Merci de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité permanent de la condition féminine sur la violence envers les jeunes filles et les femmes au Canada.
    Je suis Carol Todd. Je suis enseignante en Colombie-Britannique, mais on me connaît mieux comme étant la mère d'Amanda Todd. Amanda est devenue une figure marquante dans le monde entier dans la lutte contre la cyberintimidation, la sextorsion et la pornographie vengeresse. Née le 27 novembre 1996, elle a eu une vie trop courte en décédant à l'âge de 15 ans. Le 10 octobre 2012, elle s'est enlevée la vie.
    En tant que mère, le chagrin d'avoir perdu ma fille ne me quittera jamais.
    Même si Amanda était beaucoup trop jeune pour mourir, elle a laissé un héritage grâce aux propos qu'elle a tenus dans une vidéo qu'elle a affichée sur sa chaîne YouTube, qui a été visionnée environ 40 millions de fois dans le monde entier. L'héritage est de promouvoir une sensibilisation et une éducation accrues en ce qui a trait aux problèmes entourant la cyberintimidation, à la sécurité sur les médias sociaux et, au final, à la santé mentale.
    De l'âge de 12 à 15 ans, Amanda a été victime de sextortion, d'intimidation, tant en ligne que hors ligne, et d'exploitation par Internet, et a souffert de problèmes de santé mentale. Il y a eu des signalements à la police et des changements dans les écoles pour contribuer à corriger ce qui se passait dans sa vie. La police a suggéré qu'elle cesse ses activités en ligne, ce qui, comme nous le savons maintenant, n'est pas la solution, puisque les jeunes pensent que l'appareil technologique qu'ils tiennent dans leurs mains est essentiel à leur vie. Pour les adolescents, c'est aussi indispensable que de l'oxygène, et sans cette technologie, ils pensent qu'ils ne peuvent pas exister. Les agents de police peuvent parfois être déconnectés de la réalité des adolescents et diront de façon cavalière aux parents, « Les adolescents seront toujours des adolescents », tout comme nous entendons souvent l'expression, « Il faut que jeunesse se passe ».
    Amanda souffrait d'un trouble de l'apprentissage lié au traitement du langage et avait reçu un diagnostic de trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention, de trouble de stress post-traumatique et de trouble d'anxiété, ce qui a eu une immense incidence sur sa vie. Elle a néanmoins trouvé un moyen d'avoir l'impression de réussir dans le monde grâce à la musique et au chant. Très jeune, elle diffusait ses chansons sur YouTube et a créé sa propre chaîne YouTube, où des gens — des étrangers — la complimentaient et l'invitaient à discuter avec eux sur des forums de discussion. Amanda et ses amis, membres de l'ère technologique, se sont joints à ces sites de discussion pour se faire de nouveaux amis et discuter de leurs chanteurs et de leurs célébrités préférés.
    À ce moment-là, nos connaissances de ce qui existait sur Internet n'étaient pas aussi vastes qu'elles le sont maintenant. Des mises en garde n'étaient pas aussi largement diffusées pour avertir les jeunes contre les profils inconnus, les prévenir contre les sites de médias sociaux visités par plein de prédateurs et les informer sur les façons de se protéger lorsqu'ils discutent avec des étrangers. À l'heure actuelle, il est toujours impossible de savoir exactement avec qui l'on discute en ligne. Par conséquent, des mises en garde contre les dangers que représentent les étrangers sont nécessaires et tout le monde doit bien comprendre ces dangers, des plus jeunes aux plus vieux.
    Amanda et ses amis ont divulgué des renseignements personnels à ces inconnus et ont découvert les côtés obscurs d'Internet, un terrain de jeu pour un prédateur où des étrangers peuvent s'en prendre aux enfants qui visitent ces sites de médias sociaux.
    Durant une séance de clavardage, quelqu'un a prétendu être un adolescent et a convaincu Amanda de lui montrer sa poitrine et, à son insu, a fait une capture d'écran. Ces gens recueillent et échangent des images de pornographie juvénile et les utilisent à des fins criminelles. L'image d'Amanda a été utilisée pour l'exploiter et a été affichée sur des sites de pornographie adulte et, plus tard, sur un réseau social pour que tout le monde puisse la voir. On a appris plus tard que le profil était prétendument lié à un homme de 35 ans qui se trouve actuellement dans une prison aux Pays-Bas en attente de son procès pour des crimes qu'il aurait commis contre une centaine d'autres victimes dans le monde entier.
    Lorsqu'il n'a pas obtenu ce qu'il voulait d'Amanda, et après la publication initiale, l'individu du profil m'a narguée en m'envoyant ce que ma fille avait fait. Lorsqu'une adolescente a raconté ce qui se passait à l'un de ses parents, l'incident a été signalé à la GRC, et des agents sont venus frapper à notre porte tôt ce matin-là. Amanda était ébranlée et se sentait mal, et la situation lui faisait peur, puisque nous ne savions pas où vivait cet individu. Après cet incident, ses pairs ont continué à la narguer et à la ridiculiser en personne, en ligne, à l'école et dans notre collectivité. Amanda se sentait impuissante, craintive, angoissée; elle ne voulait pas quitter la maison.
    Ce présumé profil créé par le prédateur a continué de suivre, de terroriser et de menacer Amanda sur les médias sociaux, même après qu'elle soit restée à l'écart des médias sociaux et ait cessé d'aller en ligne, comme on le lui avait recommandé. Lorsque nous lui avons permis d'aller en ligne à nouveau, l'individu a continué de la narguer, de la harceler et de la menacer. Amanda a changé d'école à maintes reprises, et nous savons maintenant que cette personne a créé une centaine de faux profils et la suivait.
    L'histoire a été documentée par The Fifth Estate dans des émissions intitulées « The sextortion of Amanda Todd » et « Stalking Amanda Todd: The Man in the Shadows », que tout le monde devrait écouter pour que nous puissions continuer à apprendre.
(1645)
    Lorsqu'Amanda n'était pas en ligne, les comportements violents se poursuivaient sur les médias sociaux. En ne sachant pas ce que l'on disait à son sujet ou qui écrivait ses propos, cela a exacerbé le problème de ne pas être en mesure d'offrir l'aide nécessaire pour régler la situation. Dans le cas d'Amanda, des gens ont continué ces comportements de façon anonyme et non anonyme. Mon enfant, qui était autrefois animée et aventureuse, est devenue recluse et triste, et elle se sentait seule. Le 14 avril 2014, la GRC a annoncé qu'une arrestation avait été effectuée en lien avec Amanda et 100 autres présumées victimes partout dans le monde. L'individu est actuellement en attente de son procès aux Pays-Bas et sera extradé au Canada à la fin de ces procédures pour répondre à des accusations d'abus et de sextorsion en ligne à l'endroit d'Amanda.
    J'ai eu l'occasion non seulement de voyager dans le monde pour partager son héritage, mais également, je l'espère, de sensibiliser les gens aux problèmes et aux préoccupations auxquels est confrontée notre génération de jeunes, ainsi que de fournir des renseignements à leurs parents et à leurs gardiens afin qu'ils puissent leur communiquer cette information pour les guider dans le chemin de la vie.
    Une personne m'a raconté comment elle s'est sentie après avoir suivi l'histoire d'Amanda. Elle estimait que cette histoire avait touché le coeur et l'âme de bien des gens en raison des différents éléments qu'elle contient. Lorsque je suis sur scène et que je m'adresse à des personnes de tous les groupes d'âge, de toutes les origines ethniques, de toutes les orientations sexuelles et de toutes les religions, je peux voir ce qu'elle veut dire. Amanda, avec le courage qu'elle ignorait avoir, s'est ouverte pour non seulement partager son histoire, mais pour aussi en exposer les différentes facettes.
    Nous avons pris conscience que ce qui est arrivé à Amanda peut arriver à n'importe qui. Comme Amanda l'a dit, tout le monde a sa propre histoire. Lorsque ces histoires sont rendues publiques, et que c'est votre enfant, vos proches ou vos petits-enfants qui sont en cause, elles sont souvent plus significatives. Nous entendons souvent des gens dire, « Cela n'arrivera pas à ma famille », « Pas à mon enfant » ou « Mon adolescente ne ferait jamais cela », jusqu'au moment ou cela nous arrive, et nous ne pouvons pas le croire. Personne n'est à l'abri de devenir une statistique. Nous ne pouvons pas attendre qu'un autre incident fasse les manchettes, et nous ne pouvons pas tomber dans le piège de dire, « Cela n'arrivera pas à ma famille ». Nous espérons que ces histoires ne surviennent dans aucune famille, mais c'est parfois le cas. J'en suis la preuve, et Leah aussi, tout comme bien d'autres, dont certains témoigneront devant votre Comité.
    En ce XXIe siècle, les jeunes filles, les femmes, les jeunes garçons et les hommes sont confrontés à bien plus de situations que nous il y a 30 ans pour ce qui est des comportements sexualisés et l'échange facile de renseignements intimes qui étaient autrefois gardés privés. Les propos d'Amanda dans sa vidéo sont ses déclarations personnelles en tant que victime. Si l'un de mes voeux pouvait être exaucé, ce serait qu'elle soit parmi nous pour expliquer l'importance de faire cette vidéo pour elle et ce qu'elle aimerait que nous apprenions de sa vidéo.
    J'utilise le flocon de neige comme exemple pour décrire à quel point tous nos enfants sont précieux et uniques. Un flocon de neige est unique. Il n'y en a pas deux semblables. C'est la même chose pour nos enfants; il n'y en a pas deux pareils. Un flocon de neige est brillant et magnifique, tout comme chacun de nos enfants. Malheureusement, ils sont tous fragiles. Peu importe à quel point nos enfants semblent être forts et solides en cette ère moderne, à quel point ils connaissent la technologie, ils demeurent nos enfants et nous devons prendre soin d'eux.
    Même à l'adolescence, lorsqu'ils veulent être complètement indépendants, ils ont besoin d'une étreinte, de notre tendresse et d'un endroit sécuritaire vers lequel se tourner. En tant que parents et de gardiens, c'est notre travail. Lorsque nous sommes occupés ou que nous portons notre attention sur les centaines de choses que nous devons accomplir chaque jour, nous oublions à quel point les petites choses comptent pour nous tous.
    Avant son décès, Amanda m'a surprise un jour en me demandant pourquoi je ne l'appelais pas mon flocon de neige adoré. Je ne m'étais pas aperçue que c'était un surnom qu'elle aimait.
    Pour terminer, je tiens à vous remercier tous du temps et des efforts que vous consacrés à élaborer des lois pour lutter contre les abus. Ce qui se passe dans notre société coûte la vie à un grand nombre de merveilleux enfants et de jeunes femmes au Canada. Pensez seulement que si vous vivez dans un pays comme les États-Unis et que vous recevez une contravention pour excès de vitesse, bien souvent, vous serez obligé de suivre un cours de quatre à six heures pour visionner des vidéos et apprendre à vous conduire correctement. C'est peut-être quelque chose que nous devons envisager dans notre pays pour les gens qui agressent des enfants et des jeunes femmes en ligne.
(1650)
    Au nom de nombreux Canadiens qui se soucient de notre pays, je félicite et je remercie le gouvernement canadien d'avoir inscrit la cyberviolence contre les jeunes filles et les femmes à son programme et de travailler à l'élaboration de meilleures stratégies et à l'atteinte de résultats futurs.
    J'aimerais également remercier toutes les collectivités dans le monde entier de l'appui qu'elles ont manifesté et du travail qu'elles ont accompli. Sans leurs voix, nous ne pourrions pas amener ce sujet à faire l'objet de discussions. Dans les fils de nouvelles des médias sociaux, nous voyons que nous avons lancé une conversation à l'échelle mondiale.
    Au nom de ma fille et d'autres concitoyens canadiens, je veux vivre dans un monde meilleur, exempt de victimisation, de crimes sexualisés et de cyberviolence. Nous devons travailler ensemble pour créer un endroit plus sécuritaire pour les Canadiens, car nous pouvons prévenir les actes de violence contre les jeunes filles et les femmes.
    Merci.
    Merci beaucoup, mesdames.

[Français]

    Nous allons maintenant commencer la période des questions et commentaires par M. Serré.
    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    Merci énormément d'avoir fait part de vos histoires aujourd'hui. Nous sommes désolés de votre perte. Je sais que vous avez pris le temps de venir témoigner devant nous aujourd'hui, et le courage dont vous faites preuve pour faire avancer ce dossier contribue à changer les choses partout au Canada et dans le monde.
    J'avais préparé une série de questions, mais après vous avoir entendu parler toutes les deux, et étant moi-même parent, je vois à quel point nous sommes impuissants dans une certaine mesure. Que pouvons-nous faire en tant que parents? Avez-vous une recommandation ou deux dont vous voudriez nous faire part en tant que parents?
    De toute évidence, je vous dirais d'avoir de nombreuses conversations avec vos enfants sur ce qu'ils doivent faire pour utiliser Internet de façon responsable, et il y a des stades de responsabilité. Bien des parents offrent un téléphone à leur enfant et il a accès à tout. Ils devraient plutôt commencer en leur donnant un accès très limité et discuter avec leur enfant d'être un citoyen responsable dans l'univers numérique, et poursuivre ces conversations et vérifier leur utilisation. Un grand nombre de parents ne peuvent pas suivre l'évolution de toutes les applications et de tout ce qui existe.
    Je pense que nous devons nous éduquer et suivre des ateliers destinés aux parents afin de connaître les applications existantes et de savoir ce que nous devons savoir, car il est difficile pour les parents de se tenir informés.
    J'ai trois pages supplémentaires, mais je ne vais pas toutes les lires. Je vais seulement lire les titres auxquels j'ai pensé car je réfléchissais à des solutions et à des façons dont nous pouvons travailler sur cet enjeu en tant que société.
    Les solutions passent par une augmentation de la sensibilisation et des ressources par l'entremise de l'éducation, les programmes scolaires, l'empathie sociale et des relations saines. Il y a aussi le signalement et l'application de la loi. Si un incident survient et qu'il est signalé, que va-t-il se produire après son signalement? Un très grand nombre de familles me disent qu'ils ont signalé l'incident, et leurs enfants se sont fait dire de cesser d'aller sur Internet. Quelle est la prochaine étape? C'est ma perte, et je la partage avec ces gens.
    Il y a des récits de survivants: nous entendons les témoignages de nombreuses personnes qui ont été victimisées, des jeunes filles, des jeunes femmes, des jeunes garçons et des hommes. Nous devons entendre leurs histoires, savoir comment ils ont survécu et entendre ce qui les a amenés à être résilients et forts. Écoutons leurs histoires.
    Il y a les médias sociaux et Internet. Les réseaux de médias sociaux doivent travailler davantage sur leurs répercussions sur la sécurité, sur ce qu'ils font et sur la façon dont ils le font.
    En ce qui concerne la pornographie sur Internet, plus de recherches poussées doivent être faites sur l'incidence sur les jeunes garçons lorsqu'ils regardent de la pornographie et sur la façon dont ces images changent la structure de leur cerveau et leurs comportements. Là encore, c'est lié aux comportements et aux relations.
    Nous devons changer les normes sociales pour pouvoir discuter librement de ces problèmes, car si nous ne pouvons pas en parler librement, nous ne pouvons pas trouver de solutions précises et positives.
    Nous devons solliciter l'opinion des jeunes, car les jeunes écoutent ce que les jeunes ont à dire. Ils n'écoutent pas toujours les gens plus âgés comme nous, qui sommes peut-être un peu plus avisés, mais nous pouvons certainement amener nos jeunes à assumer davantage un rôle de leadership.
(1655)
    À ce sujet, pour ce qui est de l'âge, on a dit tout à l'heure que la GRC a tenu des consultations avec des jeunes de 13 ans et des adolescents plus âgés. Nous avons notre propre comité sur la condition féminine qui discute avec des jeunes âgés de 15 à 20 ans. Que pensez-vous de tenir ces conversations plus tôt? En Ontario, l'éducation sexuelle fait partie du programme scolaire, ce qui a suscité une certaine controverse au sujet de l'âge. Que pensez-vous, toutes les deux, de l'âge pour commencer ces consultations?
    J'estime qu'il faut commencer ces discussions à un plus jeune âge, car les enfants en savent beaucoup plus que nous le pensons et ont accès à beaucoup de renseignements à un plus jeune âge.
    On m'a demandé de faire une conférence à une école devant des élèves de 5e et 6e année, bien que je m'adresse habituellement à des élèves de premier et de deuxième cycle du secondaire. J'ai un peu hésité au début, mais lorsque je suis arrivée dans la salle et que je leur ai demandé combien d'entre eux ont des téléphones cellulaires, 85 % ont levé la main, et ce sont des élèves de 5e année. Bien entendu, il faut changer un petit peu son langage, mais ces jeunes en savent beaucoup plus que nous le croyons, alors il est très dangereux qu'ils n'aient que l'appui de leurs pairs et aucune supervision des adultes. Je crois qu'éduquer les enfants à un plus jeune âge est un bon point de départ.
    Nous devons absolument sensibiliser les enfants à un plus jeune âge, et je me suis également rendue dans des salles de classe d'élèves de sept et huit ans. Nous voyons maintenant des enfants de deux et de trois ans dans des paniers d'emplettes qui ont les appareils de leurs parents dans les mains. Ces enfants connaissent mieux la technologie que nous tous, mais ils doivent apprendre les comportements appropriés et le respect. C'est pourquoi nous enseignons davantage au sujet de la résilience et des relations humaines dans les salles de classe, car lorsqu'un véhicule est impliqué dans un accident, nous ne blâmons pas la voiture, mais bien le conducteur. Lorsque nous parlons de la technologie et des applications — Facebook, Twitter, Snapchat, ou peu importe —, ce n'est pas vraiment l'application, mais le comportement derrière la technologie qui dictera ce qui va se passer à la personne. Nous devons vraiment discuter avec nos enfants de la façon dont les émotions, les relations et les comportements ont une incidence sur nous, et nous pouvons le faire avec des enfants dès l'âge de trois et de quatre ans qui sont de niveau préscolaire et avec des enfants de la maternelle et de 1re année, car tout commence déjà à cet âge.
    Vous n'aurez probablement pas le temps de répondre, madame Parsons, mais vous avez mentionné plus tôt le projet de loi C-13 et le fossé qui existe avec l'application de la loi. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Je reçois de nombreux messages de personnes qui demandent de l'aide, qui disent que leur image a été publiée sur Internet et qu'elles se sont adressées à la police. Tout récemment en Nouvelle-Écosse, il y a à peine deux semaines, des images intimes d'une jeune femme ont été affichées en ligne et les policiers n'étaient pas au courant du projet de loi, alors ils lui ont dit qu'ils ne pouvaient rien faire pour l'aider car elle avait partagé les images avec quelqu'un. Il est vraiment troublant de voir que les services... et je sais que certains services de police sont au courant du projet de loi, car j'entends également les histoires de personnes qui ont parlé aux policiers, qui se sont rendus directement à l'école et qui connaissaient l'existence du projet de loi. Mais ce sont certains groupes; ce ne sont pas tous les gens en uniforme. Ce n'est pas tout le monde qui est au courant, même dans les services de police.
    C'est seulement quelque chose que l'on me raconte régulièrement, alors j'étais vraiment bouleversée de l'apprendre il y a quelques semaines. Nous voilà ici, et ils ignorent l'existence du projet de loi. Ils ont maintenant présenté leurs excuses et ils sont intervenus.
(1700)
    Votre temps est écoulé. Je suis désolée.
    Madame la présidente, très brièvement, Mme Todd a mentionné qu'elle a trois autres pages de matériel écrit. J'aimerais inviter Mme Parsons et elle, s'il y a des renseignements qu'elles n'ont pas pu fournir, à les faire parvenir au Comité par écrit. Est-ce acceptable?
    Absolument. C'est tout à fait acceptable.
    Merci.
    Madame Vecchio.
    Dans un premier temps, comme tout le monde ici présent, je vous remercie infiniment d'être ici. Il est très important d'entendre vos témoignages car vous avez vécu la perte de vos filles. Comme bien d'autres membres ici présents autour de cette table, je suis un parent, alors je peux imaginer la douleur et la souffrance que vous avez ressenties et que vous ressentez sans doute encore aujourd'hui.
    Lorsque vous avez vécu ces expériences, et je ne veux en aucun cas sembler froide et horrible, car je sais que c'est un sujet qui vous touche profondément, avez-vous constaté que les questions de la cyberviolence et de la cyberintimidation sont plus souvent soulevées dans les discussions? L'éducation s'est-elle améliorée, ou pensez-vous que vous vous faites entendre, les gens en discutent, puis ils cessent graduellement d'en parler après une semaine ou deux et retournent à leur routine normale?
    Je pense que cela dépend de la province où l'on vit. Nous parlons de l'éducation et de son importance dans les programmes scolaires. Je sais qu'en Colombie-Britannique, où la technologie est maintenant intégrée au programme scolaire, nous avons le devoir de parler de la responsabilité, des émotions et des avenues comme celle-ci dans le monde numérique.
    De plus, je fais ces démarches depuis quatre ans, et je n'ai jamais pensé que je serais obligée d'effectuer des recherches dans ce domaine, mais lorsque je lis les fils de nouvelles, le sujet revient plus souvent dans les discussions sur la scène internationale. Je reçois également des messages de différentes personnes de partout dans le monde, alors c'est un sujet qui préoccupe énormément les gens, mais nous voulons vraiment mettre des mesures en place pour qu'il y ait davantage d'éducation et de sensibilisation à l'échelle mondiale.
    Leah.
    Je suis d'accord. Une fois de plus, cela dépend des écoles. Certaines écoles mettent beaucoup l'accent là-dessus. Elles n'abordent pas la question qu'une seule journée ou qu'une seule semaine au cours de l'année scolaire. Elles y reviennent constamment, mais cela ne semble pas être uniforme.
    Encore une fois, il est très important de mettre l'accent sur la question et de la rendre obligatoire. C'est un problème partout dans le monde. Nous recevons des messages venant des quatre coins de la planète, et nous sommes tous préoccupés par cette question.
    Vous êtes malheureusement devenue des porte-parole pour ce qui est de ce problème. Comme vous l'avez dit, je suis certaine que beaucoup de personnes se manifestent et s'adressent à vous.
    Avez-vous constaté, depuis votre propre expérience, une augmentation et une amélioration de nos services de soutien? Que pouvons-nous faire de mieux en tant que nation pour donner ce genre de soutien à nos jeunes victimes et à nos filles qui ont vécu la même chose que vous et vos deux filles?
    Nous continuons d'améliorer nos systèmes de soutien, mais il n'y en a jamais assez. On finit par écouter les histoires des familles. Elles savent comment signaler ce qu'elles vivent. Les enfants et les jeunes apprennent maintenant à en parler à un adulte en qui ils ont confiance afin de le signaler, mais ils disparaissent ensuite. Que sont-ils devenus? Qu'ont-ils fait?
    Dans les cas de victimisation et de traumatisme, les victimes qui sont suffisamment chanceuses voient leur agresseur être arrêté, mais le traumatisme se poursuit. Où est le counsellling? Où sont les ressources? Où est l'aide supplémentaire? C'est parfois prohibitif ou il y a une liste d'attente. Quand il est question de santé mentale, il n'y a pas de temps à perdre, car un jour, une semaine ou un mois peut faire la différence entre la vie et la mort.
    C'est à cette étape que notre système échoue selon moi. C'est à l'étape du soutien après le traumatisme. C'est ainsi pour l'intimidation, la cyberintimidation et les problèmes de santé mentale.
    Tout à fait. Merci beaucoup. Je vous écoute. Il faudrait en discuter en prenant le thé, car c'est très intime. Je vous en suis donc très reconnaissante.
    On parle beaucoup de la surveillance exercée par les parents. J'essaie de faire de mon mieux en vérifiant le téléphone cellulaire de mon jeune de 13 ans, et celui de mon jeune de 18, 19, 20 et 22 ans. Je ne vérifie plus le téléphone cellulaire de mon enfant de 22 ans. Que pouvons-nous faire pour être proactifs en tant que parents?
    Beaucoup de ces conversations commencent à la maison. Je sais que vous l'avez toutes les deux vécu. Je suis persuadée que vous voulez comme nous tous ce qu'il y a de mieux pour vos enfants, mais nous ne savons pas ce qui se passe. Quelles mesures pouvons-nous prendre selon vous ou quels conseils donneriez-vous aux parents à propos de leçons ou de choses que nous devrions améliorer? En tant que parents, nous ne savons vraiment pas ce qui se passe lorsque nous sortons à moins de tenir la main de nos enfants pendant les 24 prochaines heures, tous les jours. Quelles sont certaines de vos recommandations?
(1705)
    Je recommanderais de ne pas les laisser prendre leurs appareils dans leur chambre lorsqu'ils vont se coucher. Si vous commencez assez tôt, ils finiront tout simplement par s'habituer.
    Beaucoup de parents laissent leurs enfants apporter leurs appareils dans leur chambre. Ces appareils les privent non seulement de sommeil à cause de leur dépendance, mais ils créent également de très mauvaises habitudes.
    J'ai une fille de 12 ans. Elle vient tout juste de commencer l'école secondaire de premier cycle et n'a pas de téléphone cellulaire. Elle est la seule de son groupe d'amis à ne pas en avoir un. Elle me supplie tous les jours, et j'ai très peur.
    Je sais que je devrai tôt ou tard lui en donner un, mais, entretemps, je n'ai tout simplement pas encore fini d'en parler.
    Et vous n'êtes pas obligée.
    C'est certain.
    Madame Todd, avez-vous quelque chose à ajouter?
    J'en parle tout le temps. Il faut instaurer la confiance et la communication dans le milieu familial, ainsi que parler aux enfants à un jeune âge et faire en sorte qu'ils parlent à leurs parents en sachant qu'ils ne les jugeront pas ou ne seront pas fâchés contre eux. L'inverse est aussi vrai: lorsque les parents parlent à leurs enfants, les enfants doivent savoir qu'ils le font par amour, qu'ils ne veulent pas se glisser dans leur monde virtuel pour découvrir tout ce qu'ils font.
    Il existe différentes façons de gérer la question selon l'âge. Nous ne pouvons pas freiner la prolifération de la technologie. Elle s'accélère, et les parents et les adultes ne peuvent pas suivre le rythme auquel l'information circule. Nous devons éduquer nos parents et nos enseignants. Nous devons sensibiliser les collectivités, les forces de l'ordre et tous les autres intervenants à la façon d'en parler aux enfants, car les parents ne peuvent pas tout faire seuls. Il faut déployer un effort communautaire concerté pour informer nos enfants sur la façon de se comporter, sur ce qu'il faut faire et ne pas faire, sur ce qu'il faut faire avec ses amis et sur ce qu'ils ressentent.
    Votre temps est écoulé.
    Madame Malcolmson, vous avez la parole, pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais faire écho aux propos de mes collègues. Veuillez accepter mes plus sincères condoléances, et je vous suis très reconnaissante de votre travail de sensibilisation, de votre bravoure et du legs auquel vous travaillez. Merci.
    Madame Parsons, après avoir examiné la façon dont on s'est occupé du dossier de votre fille, le procureur général de la Nouvelle-Écosse a pris deux engagements: travailler avec tous les partenaires tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du gouvernement, plus particulièrement les services de police et le service des poursuites pénales; et améliorer les politiques et les procédures provinciales.
    Pouvez-vous nous dire si, de manière générale, vous avez l'impression que ce travail a été fait?
    Je pense que le travail n'a pas encore été fait. On se penche peut-être là-dessus.
    Je vais rencontrer la ministre de la Justice, Diana Whalen, dans quelques semaines, et je vais donc obtenir une mise à jour à ce sujet. Il y a beaucoup à faire.
    J'ai également lu que le procureur général et la ministre de la Justice ont dit que les efforts nécessiteront la participation et la coopération des parents, des écoles, de la police, des fournisseurs de soins de santé, des défenseurs des droits et des collectivités, qui devront tous travailler ensemble.
    Estimez-vous que ce changement a été apporté?
    Pas encore. C'est la raison pour laquelle j'ai un rendez-vous. Je vais obtenir une mise à jour. J'en saurai plus long après l'avoir rencontrée.
    Je sais qu'elle travaille à l'élaboration de la nouvelle loi sur la cybersécurité. Je sais aussi qu'on espère la déposer en 2017.
    Si vous vous faites une idée de ce qu'il en est, je pense que nous serions tous heureux que vous nous teniez au courant. Au niveau fédéral, nous ne savons pas toujours où en est cette coopération avec les enseignants et la police. Cela dit, nous pouvons encore faire preuve de leadership, et nous avons bon espoir qu'une stratégie nationale pourra jeter un pont entre les provinces.
    Mme Todd a parlé des améliorations apportées au système d'éducation de la Colombie-Britannique. J'ose espérer que lorsqu'une province ou même un conseil scolaire fait bien les choses, nous pouvons faire preuve de leadership au niveau fédéral en communiquant l'information, de sorte que toutes les familles dans l'ensemble des provinces puissent espérer avoir un accès commun et égal à la justice et à la prévention.
    Nous serions ravis que vous nous teniez au courant, si vous apprenez quelque chose.
(1710)
    Je vous assure que je le ferai.
    Madame Todd, je suis curieuse de savoir ce que vous disent les familles avec lesquelles vous êtes actuellement en contact.
    Commencent-elles à voir les résultats du programme de lutte contre la cyberviolence qui fait maintenant partie du curriculum de la Colombie-Britannique, et pensez-vous qu'un parent ou un enfant qui vit ce que votre fille a vécu a maintenant de meilleures chances d'obtenir le soutien nécessaire?
    Notre nouveau curriculum a été mis en oeuvre cette année. On parle de responsabilité à l'ère numérique, mais dans des régions distinctes. Une école peut décider ou non d'en parler. Elle peut le faire à 150 ou à 25 %.
    Nous devons faire participer les entreprises de télécommunications, qui distribuent des téléphones cellulaires et en vendent, ainsi que des forfaits, à nos familles, pour qu'elles puissent en discuter de manière plus approfondie, car nous ne pouvons pas nous contenter d'en parler dans les écoles. Je pense qu'il est presque trop tard. Les gens avec qui je suis en contact parlent de la cyberviolence à cause de l'histoire d'Amanda et de Rehtaeh, et de beaucoup d'autres personnes en Amérique du Nord. Comme je l'ai dit, on parle de cyberviolence. Les familles se sentent plus à l'aise de prendre les articles de presse sur le sujet et de dire: « As-tu vu cela? »
    Les histoires vécues ont des répercussions. C'est malheureusement ce que nous avons vécu. J'accepte toutefois que l'on raconte mon histoire si elle peut changer la vie d'une famille.
    C'est un peu le contraire de l'humiliation des victimes, n'est-ce pas? Vous sensibilisez vraiment les gens à la question.
    Je pense que oui.
    Certaines personnes s'en prennent à Leah et à moi en disant que nous faisons ces démarches pour être connues. Dans l'avion que j'ai pris pour venir ici, j'étais en pleurs. Je n'aurais vraiment pas dû devoir prendre l'avion et comparaître devant votre comité pour parler de ma fille et de la question à l'étude. Ma présence ici suscite chez moi beaucoup d'émotions, mais je vais tenir bon, me tenir debout. Comme je l'ai dit, si cela peut aider, je serai là.
    Je pense parler au nom de tous les membres du Comité quand je dis que nous avons maintenant une responsabilité commune en tant que législateurs. Nous vous avons invitée à raconter votre histoire. Nous l'avons entendue et nous sommes solidaires dans la recherche de solutions. Ce n'est pas seulement la responsabilité des parents.
    Pour terminer, si l'une de vous a des conseils à nous donner sur la question d'un accès égal à la justice peu importe où l'on vit au pays — qu'il soit question du système d'éducation, de la surveillance policière ou du mécanisme de condamnations —, je serais très heureuse de les entendre.
    Je pense que nous avons une structure cloisonnée. J'ai toujours dit que nous travaillons sur trois fronts isolés: la prévention, l'intervention et la réaction. Bien souvent, quand il est question de faire respecter la loi, nous réagissons. En tant que Canadiens, éducateurs, parents et membres d'une collectivité, nous devons faire de la prévention pour éviter que des gens, jeunes ou âgés, commettent une infraction criminelle à cause de leur comportement. Nous devons vraiment nous concentrer sur l'information que nous ferons circuler dans nos collectivités pour prévenir ce genre de situations — de l'information sur la façon de traiter les gens, les jeunes filles, les femmes et les garçons; nous mettons seulement l'accent sur les femmes, mais cela arrive également aux hommes. C'est une question de comportements et de mentalité par rapport à ce qui se passe.
    Il y a de grandes questions. Si nous notons toutes les questions, nous pourrons travailler pour trouver des réponses, mais il faut connaître les questions, car il se produit une myriade de choses, et extrêmement rapidement, à la vitesse de la lumière.
    Bien. Nous allons passer à Mme Nassif, pour sept minutes.
    Madame la présidente, j'aimerais partager mon temps de parole, s'il m'en reste, avec M. Fraser.

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    Madame Parsons, madame Todd, je tiens à vous remercier, pas en tant que parlementaire, mais en tant que mère de triplés. Quand mes enfants étaient adolescents, je me préoccupais toujours de la façon de les protéger, de ce qu'il fallait faire. Je ne dormais pas la nuit à défaut de savoir si je faisais la bonne ou la mauvaise chose. Dieu merci, ils sont maintenant de bons étudiants et de bons enfants.
    Je tiens à vous remercier de comparaître aujourd'hui devant notre comité pour nous faire part de ce que vous avez vécu dans le but de prévenir d'autres drames au Canada et partout dans le monde. Merci d'être ici.
    En tenant compte du contexte des cas d'intimidation d'Amanda et de Rehtaeh, avez-vous l'impression que la police et la collectivité ont suffisamment répondu à vos besoins? Sinon, qu'est-ce qui était absent de l'équation? Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez fait face pendant vos démarches qui n'étaient selon vous que des obstacles ou des lacunes qui devaient être surmontés, et qu'avez-vous à proposer?
(1715)
    Ma formation est en psychologie, et je pensais donc être bien équipée pour essayer de m'orienter et trouver de l'aide. Je n'aurais pas pu me tromper davantage. De nombreux intervenants travaillent en vase clos. Rehtaeh devait constamment répéter son histoire partout où nous allions et nous n'avons pas obtenu de soutien. Personne n'est intervenu pour dire que notre famille avait subi un traumatisme et qu'on devait soutenir ma fille, et pour nous indiquer vers qui nous tourner, c'est-à-dire les policiers, les conseillers, les fournisseurs de services aux victimes et ainsi de suite. On m'a laissé faire des appels et dire: « Je ne comprends pas; pourquoi la photo circule-t-elle encore; pourquoi ne questionnez-vous pas les garçons? » Il y avait énormément de questions à poser.
    Quand votre enfant est traumatisé, c'est toute la famille qui est traumatisée. Je me disais que nous pouvions passer au travers, que je savais comment naviguer dans le système, mais je n'en avais pas la moindre idée. Je me disais que j'avais les connaissances pour le faire, et je pensais ensuite à toutes les autres familles qui n'arrivent même pas au point où elles pensent savoir quoi faire. Que font-elles lorsqu'elles se heurtent au premier mur? C'était horrible.
    Les autorités ont enquêté et, une année plus tard, elles lui ont dit qu'elles ne faisaient rien et que la photo circulait encore. Pour moi, la première étape à la suite d'un signalement devrait être de mettre une équipe sur pied. C'est nécessaire, que des accusations soient portées ou non. Il faut avoir un système de soutien pour dire aux gens qu'ils recevront de l'aide, pour leur expliquer la prochaine étape et ce qu'ils doivent faire plutôt que d'avoir des policiers qui ne les prennent pas au sérieux et leur disent qu'ils ont d'autres dossiers, que ce n'est pas le leur, que c'était seulement des adolescents et qu'ils avaient consommé de l'alcool. À mon avis, c'est un immense obstacle, et c'est la première étape.
    Madame Todd, allez-y.
    Quand nous avons raconté notre histoire à l'organisme d'application de la loi, j'ai moi aussi senti au départ qu'on ne me prenait pas au sérieux. Dans le courant de la semaine qui a suivi le signalement de l'image, nous sommes allés parler à la GRC, qui nous a donné l'impression de percevoir Amanda comme une enfant dysfonctionnelle qui avait ses propres problèmes.
    Savez-vous quoi? Elle n'était pas une enfant modèle. Elle était nerveuse et riait donc à des moments inconvenants, et je crois qu'on a donc déduit qu'elle pourrait avoir des problèmes et que c'était sa faute. Ce n'était pas le cas. Je pense maintenant que, compte tenu du dénouement tragique, tout le monde examine son cas et dit: « Oh, nous aurions dû faire ceci; nous aurions pu faire cela. »
    La semaine suivante, j'ai reçu au moyen des réseaux sociaux le message d'une personne qui prétendait tout savoir sur Amanda. Je l'ai signalé à la police, qui m'a dit de tout simplement l'ignorer, de l'effacer et de bloquer l'utilisateur. J'ai ensuite appris trois années plus tard que le nom du profil était un des alias de la personne concernée. En tant que mère, je pense que j'aurais dû approfondir les choses. J'aurais dû en faire plus. J'aurais pu me faire justice moi-même, et j'aurais dû le faire, car c'était une question de vie ou de mort pour ma fille.
    Je crois que les gens de la GRC et des organismes d'application de la loi doivent être mieux formés en matière d'empathie. Ils doivent mieux savoir comment s'occuper des jeunes lorsqu'ils se rendent à un domicile. Une fois, Amanda a fait une surdose de pilules à cause des circonstances. Deux policiers sont venus chez moi, et j'avais l'impression qu'ils jouaient au bon et au mauvais policiers, car l'un d'eux est allé la chercher dans sa chambre et lui a demandé pourquoi elle voulait mettre fin à ses jours. Était-elle stupide? À quoi pensait-elle? J'ai demandé à l'autre policier pourquoi son collègue agissait ainsi. Voici ce qu'il m'a répondu: « Eh bien, c'est comme cela qu'il fait les choses, c'est ce qu'il fait. » Personne ne m'a demandé si ma fille avait déjà reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique. C'est la dernière fois qu'elle a voulu parler à un policier.
    Ils doivent être mieux formés et plus empathiques. C'est la partie dont je me souviens, qui me revient toujours à l'esprit. J'aurais peut-être dû intervenir. J'aurais peut-être dû dire quelque chose d'autre. Je ne peux pas revenir en arrière, mais je peux certainement aider à changer l'avenir.
(1720)
    Les personnes qui se sont retrouvées dans des situations aussi graves ont-elles suffisamment de ressources à leur disposition pour aider les victimes qui continuent d'être persécutées après le crime initial?
    Non. Non, il n'y a pas assez de ressources. Il n'y a pas assez de mesures d'indemnisation. Il n'y a pas assez de soutien offert aux victimes, non seulement aux victimes de cyberviolence, mais aussi aux victimes d'agression sexuelle et de viol. L'histoire se répète, et nous ne parlons pas seulement de jeunes filles. On peut être traumatisé pendant des années. Cela peut sortir 10 ans plus tard, et vers qui cette personne peut-elle se tourner pour obtenir de l'aide lorsqu'on lui dit que cela s'est produit il y a 10 ans et qu'elle devrait passer à autre chose? Nous devons bien réfléchir à la structure en place.
    Nous allons maintenant passer à notre deuxième série de questions en commençant par Mme Harder, pour cinq minutes.
    Tout d'abord, comme tous mes collègues, je voudrais vous remercier pour votre courage. C'est un plaisir de vous avoir ici avec nous aujourd'hui. C'est avec beaucoup de passion que nous avons entrepris cette étude et, chose certaine, vous faisiez partie des témoins que je voulais le plus entendre. Merci.
    J'aimerais que vous nous en disiez davantage sur les changements législatifs que vous aimeriez qu'on apporte. Vous avez fait allusion à plusieurs d'entre eux. Le fait que vous vous êtes adressées à la GRC et qu'on vous a plus ou moins prises au sérieux me préoccupe beaucoup. Par conséquent, je me demande comment on pourrait définir le processus à suivre dans ces cas-là. Autrement dit, lorsqu'une mère s'adresse à la GRC ou à un autre service de police parce qu'elle a des inquiétudes, comment devrait-on procéder? À quoi devrait ressembler le protocole? C'est vraiment ce que j'aimerais définir ici afin que le Comité puisse établir une stratégie concrète pour l'avenir.
    Je vous demande donc conseil à ce sujet. Vous êtes déjà passées par là. Pour l'avoir vécu, vous serez sûrement en mesure de m'éclairer. À partir du moment où une mère entre dans un poste de police et a cette conversation, à quoi devrait ressembler le processus? De plus, quelles mesures législatives doit-on mettre en place pour lui donner les moyens dont elle a besoin?
    Selon l'agent de police à qui elle s'adresse, la réponse sera différente. C'est là tout le problème: cela dépend de chaque policier. Si on a affaire à une image intime, par exemple, l'agent de police devra avoir été formé pour savoir comment réagir. Trop souvent, leurs opinions personnelles entrent en ligne de compte. Ce n'est pas uniquement une question de politiques et de procédures. Ils vont dire: « Mais pourquoi avez-vous partagé ces images intimes? » La façon de s'exprimer et d'accueillir les gens est très importante, parce que c'est ce qui va déterminer, dès le départ, le sérieux avec lequel ils traiteront la plainte. Encore une fois, ils doivent savoir qu'il y a une loi qui interdit le partage d'images intimes sans autorisation. Tous ceux qui s'occupent de ce type de crimes doivent être au courant de cette loi.
    Si vous franchissez ces deux premières étapes avec succès, je pense que la prochaine étape serait de déployer des policiers dans les écoles, parce que beaucoup d'enfants avec qui je m'entretiens partout au Canada croient que c'est illégal seulement en Nouvelle-Écosse. Je leur explique que non, que le Code criminel du Canada l'interdit... Et leur visage change. Il faut donc sensibiliser les jeunes dans les écoles afin qu'ils sachent que c'est très grave et que leur comportement ne demeurera pas sans conséquence.
    Selon moi, ce sont les premières étapes et aussi les premières embûches que l'on rencontre. Certains parents me disent : « Le policier était excellent, il connaissait bien la loi et l'a appliquée. Il a veillé à ce que l'image soit supprimée immédiatement. » Mais dans d'autres cas, c'est exactement le contraire qui se produit.
(1725)
    Je suis tout à fait d'accord avec Leah. Dans chaque province et dans chaque administration, la situation peut être différente. Si on s'adresse aux équipes spécialisées en cybercriminalité ou aux groupes intégrés de lutte contre l'exploitation des enfants, ils ont évidemment plus d'information sur la façon de traiter certains cas. Nous ne pouvons pas minimiser les cas qu'on nous soumet. Pas plus tard que la semaine dernière, une mère a communiqué avec moi après s'être adressée à Cyberaide.ca pour signaler une image de sa fille, mais on lui a répondu qu'on ne pouvait rien y faire parce que l'image apparaissait sur un site américain.
    Évidemment, il est question ici de deux pays, et on sait que les États-Unis sont un pays beaucoup plus vaste et beaucoup plus dense, mais le fait qu'il s'agisse d'un site américain ne devrait pas nous arrêter en tant que Canadiens. C'est d'ailleurs ce qui rend l'histoire d'Amanda si intéressante: l'individu en question se trouve de l'autre côté de la frontière. Lorsqu'on parle de lois et de mesures à prendre, les frontières ne doivent pas nous limiter. Internet n'a pas de frontières. En une minute, on peut voir n'importe qui partout dans le monde. Ce sont donc des choses dont il faut discuter. Nous devons adopter une loi qui suit l'évolution rapide de la technologie et tout ce qui se passe ailleurs dans le monde.
    Pour ce qui est des forces de l'ordre, notamment la GRC, elles doivent être au courant des avancées technologiques. Les policiers doivent apprendre à dialoguer et à poser les bonnes questions, mais aussi savoir que tout n'est pas nécessairement noir ou blanc. La personne qui fait une déclaration ne doit surtout pas se sentir dévalorisée.
    Très bien.
    C'est tout le temps dont vous disposiez.
    Je vais maintenant céder la parole à Mme Damoff pour cinq minutes.
    Merci à vous deux d'être ici aujourd'hui. Je crois savoir que l'une des pierres commémoratives de votre fille, Leah, vient d'arriver à Oakville, alors je suis heureuse d'apprendre que sa mémoire fera désormais partie de la culture de ma collectivité. J'estime que c'est une merveilleuse initiative, et je suis profondément touchée de savoir qu'elle fera partie de notre collectivité pour toujours.
    L'une d'entre vous a parlé de l'utilisation des téléphones cellulaires, et cela m'a amenée à réfléchir. Nous, en tant que gouvernement fédéral, réglementons l'industrie de la téléphonie cellulaire et, en fait, beaucoup de choses dont nous avons parlé aujourd'hui ne relèvent pas du gouvernement fédéral ni de notre compétence de légiférer. Alors selon vous, y a-t-il des changements que nous devrions apporter à la réglementation sur la téléphonie cellulaire en vue de lutter contre la cyberviolence et tout ce dont il est question aujourd'hui?
    Il y a quelques fournisseurs de service de téléphonie cellulaire au pays. Chacun d'entre eux semble avoir une plateforme différente. Il y en a un qui soutient la santé mentale et un autre qui mise sur la cybersanté et la sécurité dans les médias sociaux. Je considère qu'ils doivent tous être au même diapason et travailler sur le même sujet, étant donné qu'ils distribuent tous le même outil.
    Je siège au conseil consultatif de l'un de ces fournisseurs, et j'estime qu'il fait de l'excellent travail en informant les familles, les personnes âgées et les enfants d'âge scolaire au sujet de l'utilisation intelligente des médias sociaux. Je les félicite pour cela, parce qu'ils ont été les premiers à étendre cette initiative. Aux États-Unis, c'est plus vaste. Leur population est plus dense, et ils réussissent très bien à faire passer leur message.
    Nous devons trouver le moyen de transmettre cette information aux parents pour qu'ils puissent, à leur tour, informer leurs enfants.
    Avez-vous autre chose à ajouter?
    Non.
    En fait, j'aimerais partager mon temps avec M. Fraser.
     Avez-vous des questions, Sean?
    Bien sûr. Merci, encore une fois, d'être des nôtres aujourd'hui et de nous avoir raconté votre histoire. Je viens de la Nouvelle-Écosse, alors je connais très bien le cas de Rehtaeh, et j'étais également au courant de l'incident dont vous avez parlé plus tôt, le partage non consensuel d’images intimes, qui s'est produit il y a à peine quelques semaines dans ma collectivité, de même que les scandales survenus aux universités Saint Mary's et Dalhousie. Le traitement inadmissible des femmes en ligne et dans la vraie vie est devenu un fléau en Nouvelle-Écosse.
    Comme je n'ai que très peu de temps, je vais me concentrer sur un seul sujet. Vous avez toutes les deux mentionné la nécessité de dire aux filles qu'elles sont belles et qu'elles doivent s'aimer telles qu'elles sont, et que nous devrions inclure les garçons dans la conversation. J'ai l'impression qu'on aurait besoin d'une discussion publique ou d'une campagne de sensibilisation. Pourriez-vous nous décrire brièvement en quoi pourrait consister une telle campagne destinée à donner confiance aux jeunes femmes et aux filles puis à sensibiliser les jeunes hommes et les garçons à cet égard?
(1730)
    Je crois qu'on ne pourra jamais en faire assez, mais il y a des campagnes qui sont menées à l'heure actuelle par différentes organisations et entreprises et qui ciblent les filles. On ne dit pas assez à nos garçons qu'ils doivent respecter les filles et se comporter en gentlemen. Nous devons nous assurer que les garçons comprennent le message et qu'ils n'agissent pas comme des durs que rien ne peut arrêter. C'est donc là-dessus que nous devrions concentrer nos efforts.
    Madame Parsons, avez-vous quelque chose à ajouter?
    J'aimerais simplement dire que lorsque Rehtaeh est entrée à l'école secondaire, je savais très bien ce que je devais lui enseigner pour qu'elle soit en sécurité. Je savais que je devais lui expliquer certaines choses, notamment d'être prudente et de ne jamais être seule. Je considérais qu'elle avait une tête sur les épaules et qu'elle était très prudente, alors je me suis dit que tout irait bien. Je n'avais aucune idée que peu importe ce que je pouvais lui dire, elle ne serait jamais en sécurité. Chose certaine, elle n'était pas en sécurité lorsqu'on l'a mise dans une chambre et qu'on l'a laissée seule en compagnie de quatre garçons, car personne ne leur avait enseigné ce qu'était le consentement sexuel.
    Après les événements, l'un des garçons a communiqué avec moi. Il a essayé de m'expliquer qu'il n'avait pas violé Rehtaeh. Pourtant, il a exactement décrit comment il avait violé Rehtaeh. Il était visiblement très mal informé, et personne ne lui avait jamais dit ce que signifiait réellement le consentement sexuel. Il s'est donc incriminé lui-même sans le savoir.
    C'est très important. Je constate qu'on met énormément l'accent sur les filles et qu'on néglige les garçons. Il faut prendre le temps de bien leur expliquer comment ils doivent se comporter. À la suite de mes présentations, il y a des jeunes hommes qui viennent me voir pour me poser des questions. Je trouve cela très brave de leur part. Ils veulent en savoir davantage.
    C'est une très bonne façon de mettre fin à la discussion d'aujourd'hui.
    Mesdames, je tiens sincèrement à vous remercier. Comme tous les autres membres du Comité, je suis sûre que vos filles seraient énormément fières de voir tout ce que vous faites pour que leurs voix continuent d'être entendues et pour nous aider à mettre un terme à ces tragédies pour les autres jeunes filles.
    Allez-y.
    Leah et moi faisons souvent face à des obstacles lorsque nous voulons nous exprimer devant des écoles ou des organisations. Personne ne veut entendre parler de suicide ou de santé mentale. Toutefois, l'histoire de nos filles est bien plus profonde, et il y a des leçons à tirer de tout cela. En tant que parents, c'est frustrant de se faire dire qu'on ne peut pas se faire entendre dans le système scolaire ou à une quelconque assemblée parce qu'on va faire peur aux enfants. Ce n'est pas du tout le cas.
    Si une école ne prend pas de mesures pour aider les jeunes dans ce contexte, les jeunes vont apprendre ces histoires sur Internet, dans les journaux, à la radio ou à la télévision de toute façon. Je dois vous dire que cela nous blesse énormément lorsqu'on nous dit de telles choses.
    Nous vous invitons certainement à nous transmettre vos commentaires. S'il y a autre chose dont vous voudriez nous faire part, en plus des pages que vous n'avez pas eu le temps de nous présenter, je vous encouragerais à le soumettre à notre greffière.
    Merci de votre présence.
    Merci également aux membres du Comité.
    Mercredi, nous allons entendre les représentants de Cyberaide.ca, du YMCA de Halifax, du Centre canadien de protection de l’enfance et de la Coalition canadienne contre l’exploitation des enfants sur Internet.
    On se revoit mercredi.
    La séance est levée.
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