FEWO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la condition féminine
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 28 septembre 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je vous souhaite la bienvenue.
Nous aurons aujourd'hui une réunion très intéressante. Tout d'abord, nous avons pour la première fois la parité hommes-femmes parmi les membres du Comité. En effet, je souhaite la bienvenue à Chris Bittle, Jean Rioux et Garnett Genuis, qui se joignent à nous aujourd'hui. C'est vraiment merveilleux.
De plus, nous entendrons, de YMCA Canada, Ann Decter, directrice, Plaidoyer et politiques publiques, et Raine Liliefeldt, directrice des services et du développement des membres. Nous aurons aussi, par vidéoconférence, Stephanie Guthrie, qui était la plaignante dans le procès de harcèlement criminel R. c. Elliott, qui a eu lieu devant la Cour de justice de l'Ontario.
Je vous souhaite la bienvenue, mesdames. Stephanie, vous avez 10 minutes pour présenter un exposé. Nous entendrons ensuite les représentantes de YMCA Canada, qui disposeront de cinq minutes chacune. Après, les membres du Comité auront des questions à vous poser.
Bonjour, Stephanie. Vous pouvez commencer. Vous avez 10 minutes.
Merci beaucoup. Je remercie le Comité de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui.
La dernière fois que j'ai témoigné, c'était au cours d'un procès pour harcèlement criminel contre un homme qui suivait inlassablement tous mes mouvements en ligne et m'envoyait une foule de messages importuns. Compte tenu de mon expérience, je crois fermement que le système de justice pénale n'est pas un moyen constructif de combattre la cyberviolence contre les femmes et les filles. La criminalisation de ce comportement est une approche réactive qui ne met pas fin aux souffrances et qui, en fait, peut dans certains cas prolonger le supplice pour les femmes et les filles en ligne.
Enfin, à cause des préjugés qui existent dans notre société et nos services de police, une approche de criminalisation tend à incarcérer et à pénaliser d'une manière disproportionnée des Autochtones et des personnes racialisées tout en traitant avec beaucoup d'indulgence les hommes blancs de la classe moyenne qui sont responsables de la cyberviolence. Comme d'autres qui ont témoigné devant le Comité sur le même sujet, je crois que la meilleure façon de prévenir la cyberviolence est de recourir à des initiatives d'éducation permanente fondées sur la recherche. Je crois aussi que nous avons besoin, pour les survivantes, d'interventions non accusatoires qui visent en priorité à reconnaître le tort causé et à y mettre fin plutôt qu'à punir les personnes responsables de ce tort et de leur demander d'en rendre compte à l'État plutôt qu'à leur communauté ou aux gens auxquels ils ont nui.
Tandis qu'elle me préparait à témoigner dans mon propre procès, la procureure de la Couronne m'a dit une chose que je n'oublierai jamais. Elle a dit: « Souvenez-vous que la seule opinion qui compte est celle du juge. » Pour moi, cet énoncé est un exemple typique des nombreux problèmes que j'ai dû affronter dans le système de justice pénale. Si l'opinion du juge est la seule qui compte, qu'advient-il de l'opinion de la personne qui a subi le tort? Qu'arrive-t-il si le juge n'a pas une connaissance suffisante des questions en jeu dans le procès? Que se passe-t-il si le juge ne saisit pas les nuances de l'expérience d'une personne qui doit vivre avec une couleur de peau ou un corps différents du sien?
Tout d'abord, soyons francs. L'opinion du juge, même si c'est la seule qui compte, ne se forme pas dans le vide. Elle est influencée par le statut du juge dans la société, ainsi que par les opinions et le statut social des agents de police qui mènent l'enquête et de l'avocat qui plaide dans l'affaire. Aucun être humain n'est exempt de préjugés, et nos préjugés sont modelés par les stéréotypes, les normes et les différences de pouvoir qui se manifestent dans la société où nous vivons. Si un juge, un agent de police ou un avocat ne connaît pas intimement les réalités de la vie d'une jeune femme, je dirais en toute franchise qu'ils ne sont pas qualifiés pour évaluer le « danger objectif » des situations que connaissent en ligne les jeunes femmes et les filles.
Deuxièmement, les travailleurs juridiques n'ont souvent pas les connaissances numériques spécialisées…
Nous avons des difficultés techniques. Je vous prie d'attendre quelques instants pendant que nous rétablissons le son.
Nous allons interrompre provisoirement votre témoignage pour entendre la représentante de YMCA Canada.
Vous pouvez commencer, Ann. Vous avez cinq minutes.
Bon après-midi. Je m'appelle Ann Decter. Je suis directrice, Plaidoyer et politiques publiques, à YWCA Canada. Nous appartenons toutes deux au bureau national de la YWCA, et non de la YMCA. Nous devons souvent faire cette mise au point.
Je suis heureuse de voir tant d'hommes s'intéresser à la violence contre les jeunes femmes et les filles.
Depuis près de 150 ans, YWCA Canada s'efforce d'améliorer la vie des jeunes femmes et des filles…
Voulez-vous redonner la parole à Steph? Ce serait peut-être plus facile pour elle.
Ce serait effectivement plus facile pour elle. Est-ce d'accord? Stephanie, vous pouvez poursuivre votre exposé.
Nous n'avons pas encore de son.
Très bien. Le son est maintenant rétabli. Je m'excuse de cet incident. Nous allons donc vous écouter de nouveau.
Vous n'avez pas à vous excuser.
Je ne suis pas sûre de ce que vous avez entendu en dernier. Le point suivant que je vais aborder concerne le fait que les travailleurs juridiques n'ont souvent pas les connaissances numériques spécialisées qui sont essentielles pour comprendre les cas de cyberviolence. Indépendamment de ce qu'ils pensaient du verdict prononcé dans mon procès, de nombreux observateurs ont noté que la décision du juge témoignait d'une compréhension très limitée du fonctionnement d'Internet et particulièrement de Twitter, réseau dans lequel le harcèlement a eu lieu.
Je dois cependant dire très clairement que le juge a fait de très grands efforts pour comprendre le fonctionnement de Twitter puisqu'il a posé de nombreuses questions. Il a été très minutieux. Toutefois, on n'apprend pas à utiliser Twitter en posant des questions. On ne peut apprendre qu'en utilisant Twitter soi-même.
Témoignant à la barre, j'ai expliqué ce que signifiait un point placé devant un nom d'usager dans un gazouillis. J'ai montré comment on peut bloquer un utilisateur et ce qu'on peut réaliser en le faisant, c'est-à-dire pas grand-chose. J'ai expliqué le sens de l'émoticône qui tire la langue.
Mais comment expliquer à quelqu'un qui n'a jamais utilisé Twitter ce que peut ressentir une personne pour qui Twitter est le principal moyen d'expression et de communication avec le monde? Comment lui expliquer à quel point une personne peut être affectée dans sa vie lorsqu'elle n'est plus en mesure d'utiliser librement Twitter et lorsqu'elle a peur chaque fois qu'elle se branche parce qu'elle ne sait pas sûre si son harceleur ne sera là pour la narguer. La réponse, c'est que c'est impossible. Pourtant, cet individu qui n'a jamais utilisé Internet aura le pouvoir officiel de déterminer ce qui vous est arrivé sur Internet. Il comparera Twitter, qui est une société privée, à une place publique. Il interprétera votre décision d'ouvrir un compte public sur Twitter comme une invitation faite aux gens de venir s'asseoir dans votre salon, sans reconnaître que vous devriez avoir la possibilité de chasser ces gens de chez vous s'ils se comportent d'une manière qui vous fait peur.
Autrement dit, cet individu pourra essentiellement conclure que vous l'avez bien cherché, que ce genre de traitement était prévisible et donc tolérable, et qu'il incombe à la victime potentielle de faire tout en son pouvoir pour empêcher les autres de s'attaquer à elle.
La nature accusatoire du système de justice pénale fait que les survivantes sont constamment soumises à un examen minutieux de leurs actes, examen auquel, dans bien des cas, l'accusé n'est pas lui-même soumis. Dans ce cas, le système de justice pénale ne fait que se conformer au modèle consistant à blâmer la victime et aux normes de comportement impossibles que notre société impose déjà aux survivantes de la violence fondée sur le sexe. Il ne fait aussi que reproduire l'indulgence comparative manifestée envers les responsables de cette violence.
Le juge a estimé que ma peur était déraisonnable parce qu'il m'arrivait de m'en prendre violemment à l'homme qui me harcelait. Les juges sont appelés à appliquer une norme objective pour déterminer si les sentiments d'une victime sont raisonnables. Raisonnable… C'est un drôle de mot subjectif, n'est-ce pas? Il est facile de voir comment des stéréotypes sociétaux relatifs au bon comportement d'une victime et à ce qui distingue une bonne d'une mauvaise victime forment la base de ces jugements.
En réalité, le système de justice pénale fétichise une forme d'objectivité qui, dans bien des cas, n'existe pas. Il faut en effet reconnaître que de nombreux crimes liés à la violence interpersonnelle, y compris ceux qui s'inscrivent dans la catégorie de la violence fondée sur le sexe, comme la cyberviolence, comportent une importante part de subjectivité. Nous parlons de sentiments, de l'interprétation des sentiments des autres, de l'intuition basée sur une communication non verbale. Souvent, il n'y a ni preuve irréfutable ni raisonnement objectif qui permettent d'évaluer la situation.
Même mon juge a déclaré dans sa décision que son point de vue de la loi était modelé par sa vision de la société qui, à son tour, dépendait de sa situation sociale, en l'occurrence comme homme. Citant la décision d'un autre juge, il a dit: « Nous pouvons essayer de voir les choses aussi objectivement que nous le voulons. Il n'en demeure pas moins que nous ne les verrons jamais autrement qu'avec nos propres yeux. » Cela ne l'a pas empêché de trouver déraisonnable la crainte que je ressentais pendant que j'étais, comme il l'a volontiers reconnu, harcelée par un homme vulgaire et déséquilibré.
Dans mon propre cas, je me demande souvent ce qui serait arrivé si mon harceleur avait été un jeune homme noir au lieu d'un homme blanc d'âge mûr de la classe moyenne ayant un emploi de col blanc. Je me demande quelle aurait été la réaction de la police si je n'avais pas été une femme blanche instruite de la classe moyenne. En fin de compte, un principe juridique n'est qu'un principe. La façon dont il est appliqué en pratique et non sur papier tend à varier avec le pouvoir relatif des parties en cause.
Je comprends pourquoi les droits de l'accusé sont théoriquement primordiaux dans une affaire criminelle. Les enjeux sont élevés puisque l'accusé risque la prison et un casier judiciaire. Ce sont des facteurs qui pèsent lourd.
Je peux vous dire tout de suite que je ne me suis pas adressée à la police parce que je voulais que mon harceleur soit jeté en prison. Je ne cherchais pas à détruire sa réputation. Je voulais simplement qu'il me laisse tranquille.
J'avais déjà tout fait pour atteindre ce résultat, mais en vain. J'avais besoin d'aide. Je voulais que des tiers interviennent pour m'appuyer et m'aider à lui faire comprendre tout le mal qu'il me faisait. Je suis une femme de la classe moyenne. Depuis que j'étais enfant, on m'a toujours dit que si j'avais besoin de protection et de sécurité, je devais appeler la police. En le faisant dans ce cas, j'ai fait monter les enjeux à un niveau que je ne souhaitais pas. Ils ont atteint un niveau assez élevé pour décourager à jamais beaucoup d'hommes qui usent de violence et d'intimidation de reconnaître le mal qu'ils causent car, s'ils le faisaient, ils courraient le risque d'aller en prison. De plus, en m'adressant à la police, j'ai perdu la possibilité de parler ouvertement de ce qui m'était arrivé. C'était la première fois que je le faisais. J'ai remis mon récit officiel de l'histoire à un juge, c'est-à-dire à un homme dont l'opinion était la seule qui comptait, un homme qui n'avait pas vécu une situation de ce genre et qui ne comprenait pas beaucoup des particularités de l'affaire.
Que serait-il arrivé si j'avais eu accès à des options d'intervention n'impliquant pas des conséquences telles que l'incarcération, mais qui auraient pu mettre fin au harcèlement et amener le coupable à reconnaître le mal qu'il faisait? Je peux vous dire que je n'aurais pas hésité un instant à y recourir. J'ai parlé à de nombreuses survivantes qui pensent la même chose.
Les processus de justice réparatrice et transformatrice offrent des approches de ce genre, mais les programmes correspondants sont rares, manquent de financement, n'acceptent qu'un nombre extrêmement limité de clients et aboutissent à des résultats qui n'ont souvent pas le même caractère de légitimité sociétale que ceux des poursuites criminelles.
Les pratiques réparatrices et transformatrices offrent des modèles de justice qui, d'après la recherche, correspondent mieux au genre de soutien que la plupart des survivantes recherchent lorsqu'elles s'adressent à la police. Ces processus sont ancrés dans les pratiques des communautés autochtones et des gens de couleur. Ils offrent des moyens plus sûrs aux survivantes qui ne se sentent pas en sécurité lorsqu'elles prennent contact avec la police à cause de la violence — historique et actuelle — des interventions de la police auprès de communautés telles que les Noirs, les Autochtones, les travailleuses du sexe, les personnes sans papiers et les personnes transgenres.
Les survivantes de la cyberviolence ont besoin de soutien pour guérir. Il faut aussi rappeler aux responsables de cette violence que les survivantes sont humaines et ont le droit de vivre en paix. Je ne crois pas que le système de justice pénale puisse faire ces deux choses. Comme survivante tant de la cyberviolence que de la violence du système des tribunaux criminels, je voudrais que des ressources de l'État actuellement consacrées à la mise en vigueur de la loi et à la justice pénale soient attribuées à des processus holistiques de guérison et de responsabilité axés sur les survivants et sur le traitement des traumatismes.
Je vous remercie.
Je vous remercie de nous avoir fait part de votre histoire. Vous nous avez présenté un excellent exposé.
Nous allons maintenant passer à YWCA Canada — je vous remercie de m'avoir corrigée — en commençant par Ann. Vous avez cinq minutes.
Bonjour. Je vous remercie de nous avoir invitées à prendre la parole devant le Comité aujourd'hui.
Depuis près de 150 ans, YWCA Canada s'efforce d'améliorer la vie des jeunes femmes et des filles grâce à des programmes, des projets et des initiatives de défense de politiques. YWCA Canada est la plus grande organisation canadienne qui aide les femmes et les enfants qui veulent échapper à la violence. À ce titre, nous croyons qu'il est hautement prioritaire de mettre fin à la violence contre les jeunes femmes et les filles. L'habilitation des filles, le développement du leadership chez les jeunes femmes, le changement des attitudes sociétales, l'incitation à adopter des politiques et des programmes d'éducation visant la prévention de la violence ainsi que les programmes et les outils novateurs font tous partie des stratégies comprises dans notre approche.
Pour prévenir la violence contre les jeunes femmes et les filles, nous avons besoin de réaliser dans la société un changement d'attitude semblable à celui qui s'est produit à l'égard de la conduite en état d'ébriété et de l'usage du tabac dans les lieux publics. Des campagnes de sensibilisation à long terme ont joué un rôle essentiel dans la réalisation de ces changements. Elles seront aussi indispensables pour prévenir la violence.
Ces campagnes doivent être associées à des programmes préventifs et à des mesures de soutien à l'intention des jeunes femmes et des filles victimes de violence. Pour combattre cette violence, il faut s'engager à réaliser la réconciliation et l'inclusion et combattre particulièrement les formes systémiques et individuelles de violence dirigées contre les jeunes femmes et les filles autochtones.
L'habilitation des jeunes femmes et des filles nécessite des programmes et des espaces favorisant le leadership, l'autonomisation et l'affirmation de soi. Ces programmes sexospécifiques doivent prévoir des espaces plus sûrs pour permettre aux jeunes femmes de parler sans entraves de sujets tels que la prévention de la violence qui sont adaptés aux filles et aux jeunes femmes.
Grâce à notre initiative Place aux filles, des jeunes de 12 à 17 ans développent des qualités de leadership en animant des manifestations organisées à l'occasion de la Semaine annuelle sans violence de la YWCA mondiale. Le programme CentreFilles de YWCA Canada constitue une occasion de sensibiliser les gens à la violence et à ses causes profondes grâce à des ateliers et des projets. De plus, notre prochain Guide des droits destinés aux filles, aux jeunes femmes et aux jeunes non conformistes de genre habilitera les filles en leur donnant accès à des renseignements sur leurs droits.
La prévention de la violence contre les jeunes femmes et les filles nécessite aussi de changer le comportement des hommes et des garçons. À ce chapitre, l'une des principales questions qui se posent est liée au consentement à l'activité sexuelle. Dans une culture de consentement, tout le monde — juges, avocats de la défense, équipes universitaires de sports et agents de police — comprend, respecte et applique la loi du consentement, à savoir que les deux personnes doivent consentir à l'activité sexuelle, que le silence ne veut pas dire oui, que seul un oui signifie oui et qu'il est illégal d'avoir des contacts sexuels avec une personne qui n'y consent pas, qui est inconsciente ou dont les facultés sont trop affaiblies pour qu'elle puisse donner un consentement volontaire.
Les normes sociales doivent changer grâce à l'éducation axée sur le consentement dans les écoles publiques et les campus postsecondaires et grâce à une formation obligatoire au leadership et à la mise en vigueur dans les services de police et les tribunaux, les sanctions pouvant aller jusqu'à la révocation des juges qui n'appliquent pas la loi.
Des stratégies de sensibilisation du public sont nécessaires pour que la honte engendrée par une agression sexuelle soit ressentie par l'agresseur et non par la victime, de façon à confirmer qu'il n'est pas plus honteux d'avoir subi une agression sexuelle que d'avoir été victime d'un vol de voiture ou d'un cambriolage. Il est honteux et criminel de commettre une agression sexuelle.
Les filles et les jeunes femmes ont besoin d'un foyer sûr et accueillant. La plupart des filles qui quittent la maison le font pour échapper à la violence sexuelle. D'autres cherchent à fuir l'homophobie. Les filles et les jeunes femmes métisses, inuites et des Premières Nations peuvent quitter des foyers d'accueil ou des foyers de groupe ou grandir sans soins et sans appuis.
Pour les adolescentes, l'itinérance comporte des risques de violence, d'exploitation sexuelle, de toxicomanie et d'incitation au crime. Les adolescentes qui ont connu l'itinérance soulignent la nécessité de prévoir des logements pour filles seulement où elles peuvent vivre à l'abri du harcèlement et de la violence sexuelle. Les refuges d'urgence pour jeunes femmes sont également très importants. Partout dans le pays, les centres locaux de YWCA Canada ont établi pour les jeunes mères et leurs enfants des programmes en résidence comprenant le logement, le soutien, des services d'aiguillage pour les études, des services de défense d'intérêts ainsi qu'un soutien lors de la sortie.
L'application primée Alarme de sécurité de YWCA Canada est un outil innovateur qui renforce la sécurité des jeunes femmes. Elle est gratuite et peut être téléchargée sur les téléphones portables iPhone, BlackBerry et Android pour envoyer un courriel d'urgence avec coordonnées de géolocalisation à un contact prévu d'avance et passer un appel à un numéro préprogrammé. L'application dirige aussi l'utilisateur vers le plus proche centre d'accueil des victimes d'agressions sexuelles, lui indique les numéros d'urgence à appeler et les adresses de centres médicaux et de cliniques du voisinage. Elle offre en outre une foule de renseignements sur la santé des femmes et les ressources médicales auxquelles elles peuvent recourir.
Enfin la campagne #PAScorrect de YWCA Canada vise à faire participer le grand public à la recherche de la violence contre les femmes dans la culture populaire, les médias sociaux, les vidéos de musique, les spectacles télévisés et les jeux et à encourager les gens à dire que la violence n'est pas acceptable.
La campagne #PAScorrect a pour but de favoriser une société qui, au lieu de faire preuve de violence contre les femmes, les encourage à jouir pleinement de leurs droits et libertés.
Je vous remercie.
Bon après-midi. Je m'appelle Raine Liliefeldt. C'est un honneur pour moi de m'adresser à vous sur le territoire traditionnel des Algonquins et des Anishinabe.
Je suis ici pour vous peindre un tableau. Coup de pinceau.
J'ai dû aller à l'école tous les jours avec une autre fille qui me traitait de vipère. J'avais l'impression que si je ne l'arrêtais pas, si je la laissais m'intimider avec ses amies, ce ne serait pas aussi dur que dans la vraie vie. Coup de pinceau.
Pendant que j'examinais un cas et qu'on me disait de me tuer, de me couper la gorge, etc., les écoles, ma famille et la police n'ont rien fait d'autre que de hausser les épaules. Mes amies ont essayé de m'aider à mettre fin à ce qui se passait.
Au Canada, les jeunes femmes et les filles sont exposées à une violence délibérée à cause de leur sexe. Les technologies de l'information et des communications ainsi que la prolifération des médias sociaux ont offert de nouvelles occasions et ont permis de faire différents efforts pour combattre la violence contre les femmes et les filles. Lorsque des femmes et des filles sont chassées d'Internet, elles perdent la capacité de faire partie des tribunes où se déroulent de plus en plus de débats publics. Voilà pourquoi YWCA Canada a lancé une initiative destinée à mieux comprendre et appuyer les jeunes femmes.
Le Projet déclic, qui crée un monde numérique plus sûr pour les jeunes femmes, est une initiative nationale pluriannuelle dirigée par YWCA Canada et financée par Condition féminine Canada. Même si je parle de filles et de jeunes femmes, nous reconnaissons dans notre travail que la cyberviolence a des répercussions considérables sur les jeunes transgenres et non-conformistes de genre.
Essayons de regarder les choses de plus près. Nous entendons par « cyberviolence » tout acte nuisible commis au moyen de la technologie des réseaux. Nous avons choisi d'utiliser ce terme parce qu'il reflète le tort sérieux que ces comportements peuvent causer. Cela comprend les nombreux comportements souvent qualifiés de cyberintimidation, comme la diffusion de rumeurs au sujet d'une personne, l'usurpation de leur identité en ligne, la diffusion de photos intimes ou embarrassantes, le fait de leur adresser des messages menaçants ou des propos sexistes, le fait de les suivre ou de les épier, etc. Tous ces actes peuvent être le fait de pairs, d'amis, d'étrangers ou d'amoureux. Il importe de reconnaître que la cyberviolence est souvent liée à de la violence hors ligne. Le harcèlement en ligne peut facilement se manifester hors ligne lorsque les harceleurs rendent publics des renseignements personnels ou quand une relation violente se manifeste en ligne.
La cyberviolence affecte la vie quotidienne des jeunes femmes et des filles. Les filles sont beaucoup plus susceptibles que les garçons de trouver qu'Internet est un endroit peu sûr pour elles. Beaucoup plus de filles que de garçons craignent d'être lésées si elles parlent en ligne à quelqu'un qu'elles ne connaissent pas. Une jeune sur trois qui est victime de violence en ligne présente des symptômes de dépression. Le harcèlement et les relations violentes en ligne peuvent avoir des effets qui se manifestent pendant des années ou même pendant toute la vie. À part son impact émotif, la cyberviolence réduit l'horizon des femmes en les forçant à quitter les espaces où elles ne se sentent pas en sécurité ou ne pensent pas être les bienvenues.
Le Projet déclic fait ressortir le besoin d'une vision axée sur le genre pour comprendre la violence en ligne. Il formule des recommandations pour toute une gamme de secteurs publics et privés, comprenant les établissements d'enseignement, les parents, les conseillers, la police et le secteur des technologies de l'information et des communications, ou TIC.
Dans le cadre de nos travaux, YWCA Canada a réuni des dirigeants de plus d'une douzaine d'organismes de TIC. La table ronde, comme nous l'avons appelée, vise à susciter un changement systémique en matière de cyberviolence contre les jeunes femmes et les filles. Guidés par la direction de YWCA Canada et par le lien avec la question à l'étude, les membres de la table ronde ont convenu d'échanger des connaissances et des ressources parmi eux ainsi qu'avec des étudiants, des stagiaires, des employés et des collègues afin de développer une culture d'empathie partout dans le secteur et de faire preuve de leadership en matière de responsabilité.
Voici comment vous pouvez nous aider. Pour susciter des changements systémiques et mettre fin à la cyberviolence contre les filles et les jeunes femmes, nous recommandons au gouvernement d'appuyer une formation axée sur les femmes pour la communauté juridique et les organismes de mise en vigueur des lois et de travailler avec des personnes qui ont connu la cyberviolence dans un esprit de collaboration et sans porter de jugements; de modifier la définition de violence et de harcèlement dans le Code criminel et d'y inclure la cyberviolence afin de mieux protéger les jeunes femmes et les filles; de maintenir le financement des travaux réalisés par YWCA Canada de concert avec le secteur des TIC afin de créer un monde numérique plus sûr; et de financer la première conférence intersectorielle nationale sur la sécurité en ligne, sous la direction de YWCA Canada.
La cyberviolence touche de nombreuses femmes et filles qui quittent les réseaux sociaux après avoir été victimes de harcèlement. Nous aurons manqué à notre devoir de protection de la démocratie si nous permettons que le harcèlement et d'autres formes de cyberviolence empêchent les filles et les femmes d'exercer pleinement leurs droits. Il incombe au gouvernement de veiller à ce que les filles et les femmes se sentent en sécurité partout, aussi bien en ligne que hors ligne. Essayons de peindre ensemble un tableau différent.
Je vous remercie.
Excellent exposé. Très bien.
Nous allons maintenant passer aux questions en commençant par M. Fraser. Vous avez sept minutes.
Très bien. Merci beaucoup, madame la présidente.
Ma première question s'adresse à vous, madame Guthrie, mais je voudrais commencer par remercier toutes nos invitées pour les renseignements qu'elles nous ont présentés.
Au cours de votre exposé, vous avez dit que nous devrions retirer des ressources consacrées au système de justice pénale et à la mise en vigueur de la loi pour financer une stratégie axée sur les victimes et sur le traitement des traumatismes. Pouvez-vous nous donner une idée du contenu de cette stratégie? Vous avez affirmé en particulier que s'il y avait eu un service que vous auriez pu appeler, vous n'auriez pas hésité un instant à le faire. Avez-vous d'autres suggestions quant aux caractéristiques qu'aurait un tel service?
Bien sûr. Il y a un certain nombre d'exemples et beaucoup de moyens différents de mettre en place un processus réparateur.
L'un des modèles possibles comprendrait un choix de recours. Un représentant du bureau du procureur de la Couronne prendrait contact avec la survivante et lui offrirait le choix entre des poursuites au criminel, une procédure civile ou un processus réparateur. La survivante choisirait. Ensuite, si la personne réputée responsable du tort consentait aussi au processus réparateur, les deux parties prendraient part à une conférence de médiation de concert avec des amis et des membres de la famille qu'elles auraient choisis pour les assister. La conférence serait conçue pour permettre à la victime de parler du tort qu'elle a subi, des actes qu'elle reproche à l'autre partie et des mesures que celle-ci aurait à prendre pour réparer le tort infligé. Ces mesures pourraient revêtir différentes formes. Il pourrait s'agir d'une indemnisation financière pour la thérapie que la victime a dû suivre, ou encore d'excuses publiques. D'autres formes sont également possibles, l'idée étant de faire en sorte que la victime ait une impression de justice et puisse travailler avec la personne responsable pour réaliser les changements voulus.
Dites-moi si je fais fausse route. Compte tenu de l'expérience que vous avez acquise en essayant d'expliquer Twitter à une personne qui ne l'avait jamais utilisé, j'imagine qu'il faudrait une forte dose de formation pour les gens qui participeraient au processus réparateur pour s'assurer qu'ils comprennent les différents aspects des réseaux sociaux du XXIe siècle.
Absolument. Si j'en avais le pouvoir, j'exigerais que toute personne travaillant pour le système de justice pénale ou pour le système d'éducation, surtout si elle est appelée à avoir des contacts avec des jeunes, connaisse bien ces plateformes. Il ne suffit pas de connaître d'une façon générale les médias sociaux. Personne ne devrait s'occuper d'un cas de cyberviolence sur Twitter sans connaître le fonctionnement de ce réseau et sans l'avoir soi-même utilisé. Je crois vraiment qu'un minimum de compétence est nécessaire dans un certain nombre de secteurs différents afin de combattre efficacement la cyberviolence.
Cela fait une bonne entrée en matière en vue des questions que j'ai à poser aux représentantes de YWCA Canada. Merci beaucoup de votre présence au Comité.
Vous avez parlé toutes les deux de l'importance qu'il y a à familiariser les établissements concernés avec les caractéristiques générales de la violence contre les femmes et aussi avec les technologies modernes et leurs répercussions sur ce problème. Vous avez mentionné en particulier, je crois, les organismes d'exécution de la loi, les campus et les tribunaux comme exemples d'établissements. Pouvez-vous nous donner une idée des autres communautés que nous devrions essayer d'éduquer au moyen d'une campagne de sensibilisation d'une forme ou d'une autre?
Dans le cadre de notre travail lié à la cyberviolence, nous avons essayé d'établir des contacts avec ceux que nous appelons les « adultes fiables », c'est-à-dire les parents, les enseignants, les conseillers, en fait, n'importe quelle personne à qui des jeunes femmes pourraient s'adresser pour obtenir des renseignements ou déclarer un incident. Bien souvent, avant qu'une affaire n'atteigne le stade de l'accès au système de justice, les jeunes femmes prennent directement contact avec leurs parents, avec un enseignant ou quelqu'un d'autre en qui elles ont confiance. Pour nous, cela représente vraiment un important point de départ. Nous développons actuellement des ressources de concert avec l'organisation HabiloMédias justement pour offrir une base d'information aux adultes fiables.
C'est un peu cela. C'est aussi le fait que nous insistons pour soutenir les gens et pour éviter de blâmer ou de porter un jugement. Par conséquent, il s'agit non seulement de combler le fossé numérique, mais aussi de savoir comment aborder les problèmes lorsqu'ils se posent.
Vous avez aussi mentionné — comme beaucoup d'autres témoins, je crois — que ce qui se passe décourage les jeunes femmes de maintenir leur présence sur la nouvelle plateforme sociale qui semble tellement importante. Beaucoup d'autres témoins nous ont dit la même chose. Pouvons-nous adopter des stratégies qui encouragent les femmes à continuer à participer aux nouvelles discussions, à la nouvelle économie et aux nouvelles plateformes sociales que nous avons?
Les représentantes de YWCA Canada pourraient peut-être commencer, mais je voudrais aussi connaître votre avis, madame Guthrie.
Il y a quelques éléments à ce sujet. L'un d'eux consiste à aider des jeunes femmes à saisir des occasions pour apprendre le codage, c'est-à-dire ce qui se passe en coulisse au niveau technologique, et étudier ou travailler dans les domaines des sciences, de la technologie, du génie et des mathématiques.
Quelques-uns de nos YWCA travaillent ainsi avec des jeunes femmes pour leur permettre de mieux comprendre l'environnement. Nous collaborons également avec l'organisme Ladies Learning Code pour aider des jeunes femmes à apprendre le codage, à créer elles-mêmes leurs propres espaces et à comprendre ce qui est possible. C'est un moyen.
La table ronde du secteur des TIC que Raine a organisée comprend des représentants de Facebook et Microsoft. Nous aimerions avoir davantage de coopération de la part de ces organisations, mais nous ne progressons que très lentement à cet égard.
Internet s'est développé un peu comme le Far West. C'est un lieu de liberté où chacun peut faire n'importe quoi. Les participants se rendent compte petit à petit de la nécessité de tenir compte d'une certaine responsabilité sociale. J'espère qu'un jour, ils accorderont autant d'importance à cette question qu'au développement de la technologie.
Il est très difficile de répondre à cette question car, très honnêtement, je crois que cela revient à changer les normes sociales, les attitudes et les esprits, ce qui ne se réalisera qu'en sensibilisant les gens individuellement. Je crois que les plateformes sociales dominantes sont essentiellement gérées par des groupes homogènes formés surtout de jeunes hommes blancs. Souvent, ces gens ne comprennent pas vraiment ce que représente le harcèlement en ligne.
À mon avis, les modérateurs auraient besoin d'une bonne formation sur une base permanente non seulement sur le harcèlement en ligne, mais plus généralement sur les moyens de combattre l'oppression. Je crois vraiment qu'ils ne comprennent pas les risques que courent en ligne les femmes et les filles ainsi que les non-conformistes de genre.
Même si mon temps de parole est écoulé, je voudrais, à titre de jeune homme blanc, vous remercier d'avoir éclairé ma lanterne.
Je vous ai laissé un peu plus de temps.
C'est maintenant au tour de M. Genuis. Vous avez sept minutes.
Merci beaucoup, madame la présidente. C'est vraiment un honneur pour moi d'avoir la possibilité de faire un remplacement dans votre comité.
Avant d'être élu, j'ai siégé pendant quatre ans comme bénévole au conseil d'administration d'une grande organisation de ma circonscription, le Saffron Centre, qui sensibilise les gens au consentement et qui s'occupe également d'orientation.
J'ai beaucoup aimé écouter les témoins. J'aimerais, au moins pour commencer, explorer un peu cette question de sensibilisation du public, de changement des attitudes relatives au consentement et peut-être essayer de déterminer ce que nous pouvons faire à cet égard.
Madame Decter et madame Liliefeldt, vous avez parlé de l'importance qu'il y a à renseigner les gens sur le consentement, mais il conviendrait aussi de contrer ou d'essayer d'arrêter les messages négatifs relatifs au consentement que reçoivent les jeunes d'autres endroits.
Ma participation à l'organisation que je viens de citer m'a permis de me rendre compte que les premiers renseignements que beaucoup de jeunes garçons obtiennent sur la sexualité viennent d'images sexuelles violentes glanées sur Internet. C'est un problème réel parce que beaucoup de leurs perceptions concernant le sexe se fondent sur ces images qu'ils ne peuvent pas vraiment comprendre en l'absence de toute espèce de contexte.
Vous venez de dire qu'Internet s'est développé un peu comme le Far West. En même temps, il y a d'autres pays qui interviennent davantage dans ce domaine.
J'aimerais d'abord connaître votre avis sur ce que nous, législateurs, et la société civile pouvons faire pour contrer certains de ces messages négatifs. Je voudrais ensuite vous interroger sur les aspects positifs de la sensibilisation au consentement.
Au sujet des jeunes garçons qui trouvent leurs premiers renseignements sur le sexe dans les sites pornographiques d'Internet, je dirais que la solution consiste à les éduquer plus tôt en mettant à leur disposition un meilleur contenu. Le nouveau programme d'éducation sexuelle du gouvernement de l'Ontario est un exemple parfait de ce dont nous avons besoin. En réalité, tout tourne autour du consentement.
J'ai déjà travaillé dans une garderie. Il est possible d'apprendre aux enfants dès ce stade à demander la permission avant de toucher quelque chose ou quelqu'un et avant de prendre quelque chose. C'est vraiment le consentement dans sa forme la plus élémentaire.
Même s'il peut être difficile pour un législateur d'avoir de vrais contacts avec les gens, le mieux que vous puissiez faire, c'est enseigner une saine sexualité au plus jeune âge possible.
Comme je viens de l'Alberta, je ne connais pas bien les détails du programme ontarien, mais je pense que nous convenons tous de l'importance qu'il y a à inculquer le principe du consentement, au moins dans les programmes scolaires. C'est l'aspect positif, mais, pour moi, c'est aussi l'aspect le plus facile, même si ce n'est pas toujours vrai. Nous devrions tous apprendre aux jeunes le plus tôt possible ce qu'est le consentement.
Même si le consentement est enseigné à l'école, les jeunes garçons ont toujours la possibilité d'accéder à des images très crues qui peuvent leur sembler plus directement accessibles que ce qu'ils entendent dire à l'école. Croyez-vous que nous devrions en même temps envisager des stratégies visant à limiter l'accès à de telles images, du moins pour les mineurs?
Il n'y a pas de doute que, comme parent, je choisirais cette voie. Je parlerais à mon garçon — si j'en avais un — si c'est là qu'il va chercher ses renseignements sur le sexe. Toutefois, dans une assemblée législative, ce serait peut-être un sujet épineux. S'il fallait encadrer cela, il faudrait s'attaquer aux images d'exploitation et à celles qui suscitent la haine et la misogynie plutôt qu'à la représentation d'actes sexuels.
D'accord. Je reviendrai sur ce point. J'ai l'impression qu'il est nécessaire de mettre les parents dans le coup. Nous devons envisager de renseigner les parents sur ce qui se passe en ligne, qu'il s'agisse de littératie numérique ou simplement des choses qui font partie de la culture des jeunes.
Pouvez-vous nous dire quelques mots de l'éducation des parents et des moyens d'obtenir leur engagement pour qu'ils puissent aussi soutenir leurs enfants?
L'une de nos recommandations, dans le guide sur les adultes fiables que nous préparons à l'intention des filles, est de ne pas attendre pour agir qu'un problème urgent se pose. Il faut créer une culture dans laquelle ces questions font constamment l'objet de discussions. Il y a des moyens d'amorcer la conversation en chargeant le lave-vaisselle, en attendant l'autobus ou en regardant la télé afin d'aborder ces sujets.
Nous recommandons aussi de donner aux parents des renseignements sur l'hypermasculinisation et l'hypersexualisation pour qu'ils puissent avoir des conversations de ce genre.
Il y a aussi un autre aspect important du travail que nous faisons: les moyens de favoriser l'esprit critique chez les jeunes et les adultes.
Merci beaucoup.
Comme il me reste encore un peu de temps, je vais poser une question à Mme Guthrie.
J'ai trouvé intéressants vos propos concernant les pratiques réparatrices dans le système de justice. Ces pratiques, je suppose, se fondent sur l'hypothèse que l'accusé reconnaît ses torts. Il doit être disposé à accepter le processus réparateur et ses résultats. J'imagine que, dans beaucoup de cas, il ne voudra pas le faire.
J'aimerais savoir si vous avez des observations à formuler sur cet aspect. Peut-on envisager d'apporter des modifications au système de justice pénale? Je pensais même à la question classique des juges par opposition aux jurys. Les jurys ont peut-être une meilleure connaissance du vécu des gens. Je ne sais pas. Vous voudrez peut-être donner votre avis sur ces deux questions.
Vous avez parfaitement raison de dire que les pratiques réparatrices ne peuvent pas marcher s'il y a quelqu'un qui n'est pas disposé à reconnaître ses torts. Cela dit, beaucoup de gens refusent de dire qu'ils ont mal fait parce qu'ils craignent d'être jetés en prison, d'être mis au ban de la société ou de subir d'autres conséquences. La recherche confirme ce point de vue.
Si les gens qui ont causé un tort ont la possibilité de recourir à un programme sans craindre d'être incarcérés, s'ils peuvent au contraire compter sur un certain soutien de la communauté en reconnaissant leur responsabilité, la recherche montre qu'ils seraient nombreux à accepter un processus réparateur. D'ordinaire, ils sont disposés à y consentir si un tel processus leur est offert.
Je remercie tous les témoins.
Comme vous avez pu le voir, notre temps de parole est court. Je vais commencer par vous poser des questions auxquelles vous pouvez répondre par oui ou par non. Si vous ne pouvez pas le faire, dites-le-moi. Ensuite, nous pourrons causer un peu plus longuement.
Madame Guthrie, vous avez parlé de littératie numérique. Puis-je supposer que vous recommandez que les travailleurs de l'éducation publique, de la police et du système de justice reçoivent une formation dans ce domaine?
Ma question suivante adresse aux représentantes de YWCA Canada. En fonction de votre expérience de la prestation de services partout dans le pays et du travail dans tous vos réseaux, avez-vous pu constater que les victimes ont un accès égal aux services, à la justice et à des moyens de protection où qu'elles vivent dans le pays?
J'aimerais savoir ce que nous pouvons faire pour relier les services entre eux. En effet, nous sommes au niveau fédéral, mais beaucoup des choses dont nous parlons échappent complètement à la compétence fédérale. Ottawa peut montrer un certain leadership en incitant les provinces à conjuguer leurs efforts pour mettre en oeuvre quelques-unes des pratiques exemplaires que Mme Decter a mentionnées, comme la sensibilisation au consentement dans le système d'éducation de l'Ontario ou la propagation de la littératie numérique.
Ma question s'adresse à celle de vous trois qui voudra répondre. Pouvez-vous nous décrire les avantages d'une coordination nationale des stratégies, surtout que YWCA Canada est signataire d'un projet de plan d'action national pour mettre fin à la violence contre les femmes et les filles?
C'est intéressant. Je viens tout juste de rédiger un mémoire pour la Stratégie fédérale contre la violence fondée sur le sexe. C'est ce que nous obtiendrons au lieu d'un plan d'action national pour mettre fin à la violence contre les femmes et les filles. La stratégie recommande de définir des normes nationales en collaboration avec les provinces et les territoires. L'accès à un refuge, par exemple, est très différent selon qu'on se trouve à Toronto ou à Inuvik… Dans les collectivités éloignées, c'est très difficile. Dans les très petites localités, le refuge peut consister en une chambre dans la maison de quelqu'un. On se sert même de cellules de prison, la prison elle-même pouvant consister en une chambre dans une maison. Il faut parfois mettre des femmes dans un avion pour les envoyer dans un lieu sûr. Voilà les situations auxquelles nous avons affaire.
Il y a beaucoup de travail à faire en général au sujet des normes. Je crois que des normes nationales constitueraient vraiment une excellente initiative. À cet égard, le gouvernement fédéral devra jouer un rôle de leadership et de coordination pour amener les provinces et les territoires à accepter une forme quelconque de normes. Il faudra aussi prévoir davantage de financement pour les territoires.
Nos autres invitées ont-elles quelque chose à ajouter au sujet des avantages d'un leadership fédéral visant à relier les services relevant de la compétence provinciale ou territoriale?
Cela aurait aussi l'avantage de permettre un échange fructueux d'idées, chacun pouvant se renseigner sur ce qui se passe dans d'autres provinces et d'autres régions, ce qui peut accélérer le changement. Nous sommes une organisation nationale, mais il est évident qu'il est beaucoup plus difficile pour nous de faire passer un message dans tout le pays que ce ne l'est pour le gouvernement fédéral, s'il le fait à l'occasion d'une rencontre des ministres chargés de la condition féminine ou des ministres de la Justice.
J'ai une autre question à poser aux représentantes de YWCA Canada. Croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait revoir les mécanismes du système de justice, y compris la police, les poursuites et les mécanismes de justice alternative, parallèlement à l'examen de ces questions de cyberviolence?
Avez-vous des observations à formuler au sujet du taux de déclaration des cas de cyberviolence par les victimes? Cela a-t-il à voir avec leur perception de la façon dont la police écoutera leur histoire et les traitera?
Nous tenons des consultations avec des jeunes femmes un peu partout dans le pays dans le cadre de notre évaluation des besoins. D'après ce que nous avons appris, les jeunes femmes tendent à ne pas déclarer les incidents, de sorte que nous n'avons pas de données qualitatives. De plus, d'après ce que j'ai tiré de conversations avec des agents de la Police provinciale de l'Ontario, la police elle-même ne dispose que de données quantitatives très limitées. En fonction de ce que nous avons entendu, il semble bien que les jeunes femmes ne font pas de déclaration à cause des situations dont elles sont témoins lorsque des femmes sont assez courageuses pour parler de leurs mésaventures.
Avez-vous entendu parler de bons exemples de programmes scolaires sur la cyberviolence, la littératie numérique ou la culture du consentement? Avez-vous de bons modèles à recommander?
Il y a à Ottawa une organisation, HabiloMédias, qui a mis au point toute une gamme de ressources vraiment intéressantes pour les parents et les enseignants. Je crois que ces ressources sont utilisées dans certaines collectivités, mais pas partout. Je n'ai pas d'exemples précis d'écoles qui encouragent la littératie numérique, mais je pense que cela se fait. Toutefois, nous pouvons certainement convenir qu'il reste encore beaucoup plus à faire.
Avez-vous l'impression que certains enseignants font preuve de leadership à titre individuel, mais que c'est plus par conviction personnelle que pour se conformer à une directive de leur conseil scolaire ou de leur système provincial d'éducation?
Absolument. Il y a aussi la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, qui a pris l'initiative de distribuer des ressources à ses membres. Je pense que les progrès découlent d'initiatives particulières de personnes ayant des qualités de leadership, mais il n'y a pas encore de compréhension systémique de la littératie numérique.
Je vous remercie toutes les trois de votre présence au Comité. J'ai beaucoup appris en vous écoutant.
Madame Guthrie, je vous félicite pour le courage que vous avez montré en agissant comme vous l'avez fait et en continuant à parler de cette affaire. J'aimerais connaître votre avis sur d'éventuelles mesures législatives fédérales pouvant aider à instruire des cas comme le vôtre. Je sais que vous préférez une approche réparatrice de la justice. Si vous aviez été en butte au même harcèlement hors ligne, auriez-vous pu recourir à des mécanismes différents qui n'existent pas dans le cas du harcèlement en ligne?
Ces mécanismes n'existent probablement pas.
C'est une bonne question.
En réalité, la loi est conçue pour englober toutes les formes de communication. Les dispositions relatives au harcèlement criminel sont rédigées de façon à s'appliquer aux communications en ligne. Je ne pense donc pas que le problème se situe au niveau de la loi. Dans mon cas, la procureure de la Couronne a fait tout ce qu'on pouvait attendre d'elle. Je crois donc que le problème est attribuable à la façon dont le système est conçu: dans le processus établi, personne n'est chargé de soutenir la survivante ou de défendre ses intérêts.
Comme je l'ai déjà dit, je comprends les raisons pour lesquelles le système a été conçu ainsi, mais cela signifie que, dans les situations de violence axée sur le sexe, le système ne fait que perpétuer l'injustice qui existe.
Exactement. Il y a vraiment beaucoup de personnes qui m'ont dit qu'elles ne voulaient rien dire à cause de la façon dont j'ai moi-même été traitée.
Je ne sais pas si c'était vous, mais nous avons parlé de modérateurs pouvant atténuer la cyberviolence en ligne et de l'avantage qu'il y aurait à avoir plus de femmes qui embrassent une carrière dans les domaines des sciences, de la technologie, du génie et des mathématiques. Avez-vous des suggestions à faire au sujet des modérateurs en ligne? Il y a un équilibre fragile à trouver entre la modération et la liberté d'expression. Je me demande donc si vous avez des suggestions concernant les modérateurs.
Pour moi, l'équilibre passe par le respect des droits de la personne. S'il y avait une compréhension plus profonde et plus nuancée des droits de la personne chez les modérateurs de, mettons, Facebook ou Twitter, il deviendrait évident que si quelqu'un vous adresse un tweet parlant de votre vagin puant ou de quelque chose de semblable, ce serait en fait une violation de vos droits humains. Trop souvent, de tels messages ne sont pas pris au sérieux sur ces plateformes; ils ne sont pas considérés comme une forme de message haineux. Voilà, à mon avis, où se situe le manque de compréhension.
Je vous remercie.
La question suivante s'adresse aux représentantes de YWCA Canada.
Vous avez un programme intitulé Point tournant que vous mettez en oeuvre dans neuf provinces et un territoire. Il y a une chose qui est ressortie lors des consultations tenues par la ministre: c'est le besoin d'un plus grand nombre de programmes spécialement adaptés aux habitants du Nord.
Comment envisagez-vous vos programmes de lutte contre la violence axée sur le sexe? Utilisez-vous les mêmes formules partout dans le pays? Avez-vous des difficultés dans certaines collectivités? Est-ce que cela impose de faire des adaptations?
Les programmes Point tournant sont en fait conçus spécialement pour chaque collectivité et chaque YWCA. Ils se fondent sur les besoins locaux et les reflètent.
C'est là que cela commence, je suppose. Si une collectivité a un besoin pressant de programmes de soutien de ses filles et jeunes femmes, l'intervention antiviolence de YWCA Canada prend la forme d'un programme Point tournant. Nous avons aussi des programmes Point tournant axés sur l'emploi. Il s'agit de reconnaître les besoins des femmes de la collectivité et de les refléter. Ces programmes peuvent donc être adaptés selon l'endroit du pays où ils sont mis en oeuvre puisqu'ils sont axés sur la collectivité.
La question s'adresse à vous deux.
À votre avis, y a-t-il des moyens d'agir sur les médias sociaux pour qu'ils combattent la violence fondée sur le sexe? Au cours de la dernière réunion, Carol Todd et Leah Parsons nous ont parlé des sociétés de téléphonie cellulaire. J'ai noté que BellMédia a un programme extraordinaire intitulé Cause pour la cause qui sensibilise les gens aux maladies mentales. Croyez-vous que des programmes de sensibilisation de ce genre pourraient servir à combattre la violence fondée sur le sexe?
Nous recourons beaucoup aux médias sociaux dans notre travail pour faire la promotion de ce que nous faisons. Nous nous en servons pour rendre publics nos documents de politique générale, nos communiqués, nos programmes et nos projets. Vous les trouverez donc sur Facebook et Twitter. Je n'ai pas commencé à utiliser les autres programmes, comme Instagram.
De plus, j'ai apporté quelques cartes. Nous avons Alarme de sécurité, application que vous pouvez télécharger sur votre téléphone. C'est un moyen dont les femmes peuvent se servir pour se sentir plus en sécurité. De plus, notre campagne #PAScorrect constitue un outil de littératie numérique dont on peut se servir en ligne pour dénoncer des images, des enregistrements vidéo ou des vidéos de musique empreints de violence. C'est un outil de rétroaction.
Pour nous, ce n'est pas seulement un problème; c'est aussi un outil. Je crois que c'est aussi le sens des propos de Steph, qui dit qu'elle a besoin d'accéder à Twitter pour vivre sa vie. La réaction à la cyberviolence ne doit pas consister à exclure les jeunes femmes et les filles du monde numérique. Il faut plutôt fixer certaines limites pour contrôler le comportement des utilisateurs.
Merci beaucoup.
Je vais commencer par des questions aux représentantes de YWCA Canada. Vous avez parlé de la campagne #PAScorrect, qui cherche à mettre en évidence la présence de misogynie et de violence dans beaucoup de spectacles, de vidéos de musique et de jeux vidéo.
À votre avis, quelles personnes seraient les mieux placés pour combattre ce message que toutes sortes de médias transmettent à nos enfants et à nos jeunes adultes? Quelle est la meilleure façon d'en parler aux enfants? Faudrait-il confier la tâche à la famille ou aux enseignants? Quelle est la meilleure méthode? Qui devrait être chargé de communiquer le message aux enfants?
Je crois que nous avons besoin d'une approche holistique. Nous transmettons toutes sortes de messages concernant la santé publique à différentes collectivités en parlant par exemple de la nécessité de se laver les mains. Cela a commencé avec les enfants. Aujourd'hui, le message atteint tous les lieux de travail. Je crois que c'est une responsabilité qui nous incombe tous. À tout moment et dans chacun de nos gestes, nous devons laisser une place à la compassion et à l'empathie. Cela devrait finir par toucher les activités en ligne et hors ligne pour qu'en fin de compte, les organisations et les établissements s'efforcent de susciter de l'empathie, de la responsabilité et de la compassion dans tous les travaux qu'ils réalisent. Voilà l'orientation que nous devrions emprunter.
Il devrait être relativement plus facile de coordonner ces choses dans les systèmes d'éducation et de santé qui disposent déjà de plateformes pour éduquer et faire passer des messages. Le plus grand problème que je dois affronter comme mère — c'est également le cas de beaucoup d'autres parents, j'imagine —, c'est le hiatus qu'il y a entre l'école et le reste. Une fois que les enfants sortent de l'école, ils sont constamment exposés à toutes ces choses.
Vous avez parlé de HabiloMédias. Que pouvons-nous faire pour que les parents soient plus au courant? Comment pouvons-nous leur apprendre les meilleures méthodes? Quelle est la meilleure façon de leur communiquer cette information pour qu'ils sachent comment protéger leurs enfants?
Je rêve du jour où, avec chaque achat fait chez Bureau en gros, Best Buy, Future Shop, nous trouverons dans la boîte un prospectus nous renseignant sur le code à observer en ligne et sur les adresses où nous pouvons trouver les renseignements dont nous avons besoin. Ce serait là avec chaque dispositif acheté. Cela donnerait aux parents et à tous les autres la possibilité de penser à toutes les questions liées aux pratiques en ligne et assurerait une meilleure compréhension des messages transmis sur les médias sociaux et du temps pendant lequel ils restent accessibles. Cela revient encore à la nécessité de faire preuve de responsabilité et d'empathie lorsqu'on se branche en ligne.
C'est une opinion personnelle. J'espère…
Je pense que nous avons tous des rêves de ce genre. Comment pouvons-nous réaliser de telles choses? Faut-il envisager une action du gouvernement fédéral? Est-ce que des organisations telles que YWCA Canada et d'autres organismes de portée nationale peuvent travailler ensemble à cette fin? Quelle solution faudrait-il adopter pour éduquer les parents? Quelle serait la première étape?
Je crois que l'initiative de Raine, qui essaie de réunir tout un secteur, est vraiment importante. On peut le constater en examinant les idées qu'elle a proposées, selon lesquelles nous avons besoin de l'intervention de tous ceux qui sont au courant de ce qui arrive dans le domaine et des grandes sociétés commerciales qui nous vendent tous ces dispositifs. Pour agir, nous avons besoin d'un certain financement fédéral, mais ce sont les partenariats de ce genre qui sont importants.
Je pense aussi que le gouvernement fédéral devrait songer à organiser quelque chose sur le modèle de la table ronde de Raine sur les technologies de l'information et des communications.
Nous avons vu ce qui est arrivé lorsque Facebook s'est présenté devant le CRTC. Ce n'est pas la bonne place. Une approche de coopération est nécessaire. Pour réaliser quelque chose, nous devons aborder les problèmes dans un esprit de collaboration.
D'une certaine façon, les fournisseurs de services Internet et les médias sociaux manquent de maturité. Nous devons les aider à évoluer et à se comporter comme le reste de la société afin qu'ils sachent faire la différence entre les choses qui conviennent et celles qui ne conviennent pas et qu'ils s'entendent tous pour s'abstenir de faire les choses qui peuvent causer du tort.
Nous avons besoin d'aide à cet égard. Je crois que le gouvernement fédéral peut être un chef de file dans ce domaine sans qu'il soit nécessaire pour lui de prendre des mesures punitives.
C'est tout le temps dont nous disposons.
De toute façon, merci beaucoup. Toutes celles qui ont témoigné aujourd'hui ont fait un travail vraiment superbe en nous faisant part de leurs idées.
Nous allons maintenant suspendre la séance pendant deux minutes en attendant l'arrivée du prochain groupe de témoins. Nous recommencerons à 16 h 30.
Nous sommes maintenant prêts à accueillir notre deuxième groupe.
Nous entendrons, du Centre canadien de protection de l'enfance, Lianna McDonald, directrice générale, et Signy Arnason, qui est également directrice, mais qui s'occupe particulièrement de Cyberaide, dont nous avons entendu parler la semaine dernière lorsque nous avons reçu des représentants de la GRC.
Lianna commencera par nous donner un aperçu, puis Signy présentera un exposé pendant 10 minutes. Ensuite, Lianna prendra de nouveau la parole pendant le reste de ses 10 minutes. Les membres du Comité auront alors des questions à poser.
Allez-y, Lianna.
Bon après-midi, tout le monde.
C'est une très importante occasion pour nous. Je vous en remercie sincèrement. Je sais que vous êtes à la fin de votre journée de travail. Nous aurons donc la possibilité d'avoir une bonne conversation sur le travail de notre organisation.
Les choses se passent vraiment bien. Depuis des années, nous présentons des exposés sur le problème de l'exploitation sexuelle des enfants en ligne, mais, compte tenu de la façon dont les choses se déroulent aujourd'hui, je voulais vous donner quelques renseignements généraux sur ce que nous faisons. Ensuite, Signy vous parlera plus particulièrement de ce que nous constatons tous les jours dans notre travail à Cyberaide.ca. Je reviendrai ensuite vous parler de l'industrie.
Nous sommes arrivées juste à point pour entendre vos derniers témoins répondre à vos importantes questions sur le rôle du secteur privé. Je reviendrai sur ce sujet, puis je conclurai en vous présentant cinq recommandations pointues.
À vous, Signy.
Bon après-midi. Je m'appelle Signy Arnason. Je suis directrice générale associée du Centre canadien de protection de l'enfance. Je suis aussi directrice de Cyberaide.ca.
Comme Lianna l'a dit, nous sommes une organisation nationale de bienfaisance qui consacre ses efforts à la sécurité personnelle des enfants. Le Centre canadien de protection de l'enfance offre des programmes et des services au public canadien, dont le site Cyberaide.ca qui permet aux gens de signaler les cas d'exploitation sexuelle d'enfants en ligne.
Au cours de ses 14 ans d'existence, notre centrale a reçu plus de 200 000 rapports provenant du public. Plus de 90 % concernaient des images et des vidéos d'exploitation sexuelle d'enfants, qu'on appelle ordinairement pornographie juvénile.
La pornographie juvénile consiste à enregistrer une scène au cours de laquelle un enfant est soumis à des actes d'exploitation ou de violence sexuelle. L'image ou la vidéo obtenue constitue un témoignage permanent de l'exploitation ou la violence et peut être diffusée indéfiniment en ligne. Pour produire l'image, un enfant fait l'objet d'une agression ou est amené à poser délibérément d'une manière sexualisée.
Nous publions des études à des intervalles de quelques années. En janvier 2016, nous avons produit un rapport qui résumait les renseignements reçus par notre centrale au cours des huit années précédentes. Dans ce travail, nous avons accordé une attention particulière aux images d'enfants soumis à des violences sexuelles. Le rapport passe en revue quelque 44 000 images et vidéos que notre centrale a classées dans la catégorie de la pornographie juvénile.
Le rapport présente un important aperçu de l'exploitation sexuelle des enfants et des actes de violence auxquels ils sont soumis. La dure réalité est que de très jeunes filles figurent dans une mesure disproportionnée dans ces images: 80 % des enfants qu'on y voit sont de sexe féminin. Parmi ces filles, 79 % ne semblent pas avoir atteint l'âge de la puberté, c'est-à-dire 12 ans, et, de ce nombre, près de 65 % semblent avoir moins de 8 ans.
La violence dont témoignent ces images est grave. La moitié des images évaluées par nos analystes représentent des scènes d'agression sexuelle ou d'agression sexuelle extrême. De plus, il était très alarmant de constater que plus l'enfant était jeune, plus les analystes étaient susceptibles de le voir subir des sévices sexuels. Quand les images montraient des bébés ou des bambins, dans 60 % des cas, ils étaient soumis à des agressions sexuelles ou à des agressions sexuelles extrêmes.
Il y a également un nombre disproportionné d'hommes qui apparaissent dans les images d'exploitation sexuelle d'enfants. D'après l'évaluation des analystes, un homme était visible dans 83 % des images. De plus, quand seul un adulte était visible avec l'enfant, 97 % des images montraient des scènes d'agression sexuelle ou d'agression sexuelle extrême.
Le site Cyberaide.ca reçoit également des rapports des Canadiens au sujet des enfants utilisés comme modèles sexualisés. On voit ces modèles sur des sites qui présentent des enfants complètement ou partiellement vêtus qui posent d'une manière hautement suggestive sans pour autant vanter un produit ou un service particulier autre que l'enfant lui-même. Notre centrale a commencé en 2006 à répertorier cette catégorie de sites Web et d'images. Bien que la définition canadienne actuelle de la pornographie juvénile soit assez vaste pour englober les cas les plus extrêmes d'enfants modèles sexualisés dans la définition du Code criminel, la majorité des images ne tombent pas sous le coup de la loi.
Au cours des trois dernières années, notre centrale a analysé près de 50 000 images d'enfants servant de modèles sexualisés. Cette dernière année, les analystes ont évalué 20 000 de ces images, dont 92 % représentaient des filles. La majorité de ces enfants, soit 76 %, n'ont pas atteint l'âge de la puberté, mais 40 % d'entre eux ont des poses sexualisées: sous-vêtements se limitant à un string, talons hauts et bas au genou apparaissent dans beaucoup d’images. Dans 10 % des cas, on trouve les images d'enfants utilisés comme modèles sexualisés sur des sites pornographiques pour adultes, ce qui semble suggérer que les enfants — et particulièrement les filles — sont des objets sexuels. Ces sites ont des répercussions négatives sur les croyances et les attitudes de la société envers les enfants en les traitant comme des objets et en banalisant l'intérêt sexuel pour les enfants.
En outre, comme l'ont déterminé diverses lignes de signalement dans le monde qui font à peu près la même chose que fait Cyberaide.ca, il y a eu de nombreux cas où les enfants identifiés dans les images d'exploitation sexuelle des enfants étaient d'abord des images sexualisées d'enfants qui posent. Ces images contribuent sans doute à alimenter la demande en images illicites chez les adultes qui ont une attirance sexuelle envers les enfants. En résumé, l'hypersexualisation des jeunes filles sous la forme de sexualisation d'enfants qui posent menace sérieusement la sécurité personnelle des enfants.
En ce qui concerne la cyberviolence, nous savons que les femmes et les jeunes filles sont particulièrement vulnérables. Dans certains cas, la violence est aux mains d'un adulte, et dans d'autres cas, elle est aux mains de pairs. Quand cette cyberviolence est perpétrée par des adultes, elle se manifeste souvent en ligne sous forme de leurre ou d'extorsion sexuelle.
Cyberaide.ca a constaté une augmentation inquiétante des cas signalés par des adolescents au sujet d'une extorsion sexuelle dans le cadre d'une diffusion directe en continu où des adultes se font passer pour des adolescents. Dans les plates-formes qui permettent aux utilisateurs de communiquer par vidéo, les délinquants filment souvent secrètement les adolescents. Ils induisent généralement les enfants en erreur au sujet de leur identité, puis les manipulent pour leur faire partager d'autres images ou vidéos sexuelles.
À l'heure actuelle, la ligne de signalement reçoit au moins 15 déclarations de cyberextorsion par mois, où le jeune a soit payé de l'argent pour faire arrêter les menaces, soit été obligé de produire d'autres images sexuelles à envoyer au délinquant, et l'a fait dans une certaine mesure. Bien que ce nombre puisse sembler insignifiant, nous savons que ce n'est qu'une infime partie de la réalité. La majorité de ces rapports, soit 70 %, concerne les jeunes filles.
Quand la cyberviolence est perpétrée par des pairs, elle se fait généralement sous la forme de sextage et de cyberintimidation. Dans leur évolution développementale, les jeunes recherchent l'indépendance, considèrent les relations avec leurs pairs plus importantes que celles avec leurs parents, manifestent un comportement visant à attirer l'attention et ont grandement besoin d'être acceptés, tous ces facteurs représentant des étapes normales de la croissance. Les jeunes sont aussi disposés à prendre plus de risques pour découvrir leur sexualité, sans se rendre compte des conséquences à long terme de leur comportement.
Quand ces attributs types de l'adolescence sont combinés à la disponibilité permanente de la technologie et de la nature définitive des images numériques, il est facile de voir que cela produit un raz-de-marée de préjudices sexuels, surtout pour les adolescentes.
Les jeunes filles subissent aussi le préjudice supplémentaire causé par l'humiliation quand les images et les vidéos sexuelles circulent parmi les pairs. La notion d'opprobre social accompagne encore la perception voulant que les femmes et les jeunes filles aient un comportement inapproprié si celui-ci va à l'encontre des attentes traditionnelles liées au comportement sexuel. Nous devons combattre les attitudes et les croyances qui encouragent la condamnation de la victime et l'attribution à celle-ci de désignations sexuelles dégradantes si nous voulons changer les préjudices causés aux jeunes — chose que la ligne de signalement voit jour après jour.
Pour terminer, notre organisme observe quotidiennement la prévalence de la violence et des sévices perpétrés à l'endroit des enfants, surtout les jeunes filles. Cyberaide.ca reçoit présentement, en moyenne, 3 300 déclarations par mois, et nous prévoyons voir ce nombre augmenter à l'avenir. L'avantage en évolution constante de la technologie, combiné à la protection qu'offre l'anonymat, a conféré aux délinquants un énorme avantage dans l'exploitation de l'innocence et de la vulnérabilité des enfants; nos statistiques font état de cette réalité.
Ma collègue vous parlera des mesures que nous recommandons à la fin de son exposé.
Je remercie les membres du Comité de m'avoir accordé leur temps et leur attention.
Faisant suite aux observations de Signy, j'aimerais ajouter une ou deux autres choses que je n'avais pas mentionnées pour que tout le monde comprenne bien clairement ce qu'il en est.
Notre organisme n'a aucun lien avec le gouvernement ni les corps policiers. Nous sommes un organisme caritatif, un organisme non partisan. Nous travaillons en étroite collaboration non seulement avec divers intervenants, mais aussi avec les gouvernements provinciaux pour explorer certaines solutions uniques dans le cadre des règlements, ou d'autres remèdes que nous pouvons mettre de l'avant pour la protection de nos enfants.
Comme je l'ai déjà mentionné, je suis la directrice générale du Centre canadien de protection de l'enfance, et j'ai été invitée à venir parler un peu de l'industrie.
Si j'ai bien compris, Leah Parsons et Carol Todd étaient toutes deux ici. Notre organisme a travaillé de près avec elles après le décès de leurs enfants, et avec de nombreuses autres familles. Je précise que nous travaillons assidûment tous les jours. C'est très différent des autres universitaires. Même si tout ce que nous présentons est fondé sur des données probantes, et nous produisons les statistiques, comme l'a mentionné Signy, notre organisme travaille réellement dans les tranchées. Nous travaillons directement avec les familles. Nous travaillons directement avec les jeunes qui s'adressent à nous parce qu'ils ont subi les retombées négatives d'une situation de violence sexuelle.
Je consacrerai quelques minutes à parler de la façon dont notre organisme collabore avec l'industrie et gère, ce que nous savons tous, ce qui est leur part de responsabilité dans la lutte contre la cyberexploitation sexuelle des enfants. Ensuite, je passerai à un ou deux autres points qui, à mon avis, sont tout à fait pertinents dans le cadre de vos délibérations.
Nous sommes convaincus que protéger nos enfants de la cyberexploitation sexuelle et traduire en justice ceux qui les victimisent exigent la démarche de collaboration que je viens de mentionner. Il ne suffit pas de penser que c'est la responsabilité des corps policiers seulement; nous n'allons pas nous sortir de cette situation par des arrestations seulement. Il ne s'agit pas d'attribuer la responsabilité à une industrie seulement, pas plus qu'il ne s'agit pour nous de mettre l'accent sur les parents qui doivent ensuite assumer l'entière responsabilité de déterminer, au gré des jalons que chaque âge représente, comment assurer la sécurité de leurs enfants. C'est certainement un problème que le Canada et aussi tous les autres pays ont de grandes difficultés à régler.
Qu'est-ce qui est arrivé? Il y a plusieurs années, nous avons créé la Coalition canadienne contre l'exploitation des enfants sur Internet, que nous pouvons appeler la Coalition. À toutes fins pratiques, c'est un groupe d'entités du secteur privé et du secteur public qui travaille de façon volontaire pour trouver des façons dont nous pouvons faire la guerre à la pornographie juvénile et à l'exploitation sexuelle d'enfants. Nous avons créé cet organisme en 2004. Il a pour mandat de concevoir et de mettre en place des solutions tangibles visant à éliminer le fléau de l'exploitation des enfants sur Internet. Je souligne une fois de plus que cela s'inscrit tout à fait dans le dilemme de la sécurité publique contre les priorités concurrentes en matière de protection des renseignements personnels. Il s'agit ici d'un groupe qui se rencontre volontairement pour collaborer. Nous nous rencontrons une ou deux fois par année.
En résumé, l'élément catalyseur de la création de cette coalition a été l'enlèvement et le meurtre subséquent, dont bon nombre d'entre vous se souviendront, d'une fillette de 10 ans appelée Holly Jones, à Toronto. Cette époque était une sorte de genèse de l'Internet; tout était en croissance exponentielle. Son ravisseur était M. Briere. Elle a été essentiellement une victime d'occasion. Cet homme a admis durant la procédure judiciaire qu'il regardait de la pornographie juvénile et, donc, elle a été une victime d'occasion. Suite à cette affaire, l'industrie a réagi et a compris — bien que nous considérions les firmes de télécommunication comme étant les conduits et les fournisseurs de contenu — qu'il fallait se réunir à une table.
Pendant les 12 dernières années d'exploitation de la Coalition, nous avons obtenu certains résultats considérables, et il est très important que vous puissiez entendre et analyser certaines de ces réussites, parce que le Canada a certainement été en tête de plusieurs travaux novateurs. Parallèlement, nous ne nous donnons pas des tapes sur le dos en disant qu'il n'y a plus rien à faire. Nous reconnaissons cela.
Une de nos plus grandes réalisations a été Cleanfeed Canada, en 2006. Il s'agit d'une initiative visant à réduire l'exposition des Canadiens à ce que nous appelons la pornographie juvénile, ou les images d'abus pédosexuel, en dissuadant les consommateurs et les distributeurs de telles images en bloquant au Canada l'accès à des sites Internet étrangers qui hébergent de la pornographie juvénile. Jusqu'à présent, nous avons une liste de 30 000 URL dans Cleanfeed. Les fournisseurs de services Internet participants bloquent aux consommateurs, à n'importe quel moment, l'accès à environ 600 sites Web figurant dans la liste de Cleanfeed, une liste que nous tenons à jour. Nous vérifions que les images publiées par les sites de cette liste sont typiquement les images d'enfants pré-pubertaires, et nous faisons en sorte quotidiennement d'empêcher les Canadiens d'avoir accès à ce contenu.
Nous savons que 80 % du contenu porte sur les fillettes; voilà pourquoi c'est un outil important dans la lutte contre ce problème précis.
Cleanfeed est un des exemples les plus importants du fait que la Coalition envisage des solutions d'envergure mondiale. Nous collaborons et continuerons de collaborer avec d'autres gouvernements pour envisager des solutions novatrices. Nous savons que nous ne réglerons pas le problème à force d'arrestations, et nous savons que c'est un problème grave. En ce qui concerne la notion de violence sexiste, il faut prendre le problème dans son ensemble. Il commence avec les fillettes et se poursuit jusqu'aux âges les plus avancés. L'Internet a, en réalité, comme l'a dit Signy, créé un véritable raz-de-marée.
Nous avons aussi collaboré avec les corps policiers pour créer ce que nous appelons la demande d'organismes d'application de la loi. La police a utilisé cette demande, avant le stade du mandat, pour obtenir des renseignements sur l'abonné à Internet. Comme on l'a déjà mentionné, l'anonymat crée un problème très grave quand la police peut voir une activité très perturbante, mais ne dispose pas de suffisamment de renseignements pour obtenir un mandat. Ce processus a été une réussite jusqu'au moment de la décision dans l'affaire Spencer, dont bon nombre d'entre vous êtes au courant.
Nous travaillons très fort. La Coalition se réunit régulièrement, et je suppose que vous êtes au courant de l'adoption en 2011 de la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur Internet par les personnes qui fournissent des services Internet. Les fournisseurs sont tenus d'aviser les corps policiers et, dans certains cas précis, notre organisme, s'ils sont avisés d'un incident concernant la pornographie juvénile sur Internet. Les organismes d'application de la loi au Canada reçoivent le gros de ces renseignements aujourd'hui.
Aussi, on peut affirmer que l'industrie a été très ouverte. Nous avons écouté ce qu'ont dit les témoins précédents au sujet de ce que les firmes de télécommunications peuvent faire. Elles sont très actives. Nous avons, jusqu'à présent, mené 15 campagnes nationales de concert avec de nombreux fournisseurs pour la sensibilisation du public au sujet de l'importance et de la démarche de la signalisation. Nous collaborons avec certaines de ces entreprises sur le plan des nouvelles acquisitions de technologie, comme un nouveau téléphone, et la connaissance des étapes de la croissance. Il faut voir les choses dans la perspective de l'âge approprié pour éduquer ces jeunes et armer leurs parents, ce qui est un défi continu.
C'était là certaines des choses que l'industrie fait présentement. Nous reconnaissons que c'est un dialogue mouvant avec les divers fournisseurs de services électroniques et fournisseurs de services Internet pour ce qui est de déterminer le rôle qu'ils peuvent avoir dans cet espace complexe.
Je voulais mentionner au Comité une ou deux choses qui sont reliées directement à ses travaux. En mai 2016, notre organisme a publié les constatations préliminaires d'un rapport que nous avons publié sur notre site, et que vous pouvez tous télécharger. Nous avons un résumé général, ainsi qu'un document exhaustif intitulé Les enlèvements d'enfants avec assassinat: Une étude canadienne. Avec cette étude, nous voulions examiner tous les cas répertoriés d'enfants canadiens de moins de 16 ans. Cela est tout à fait autre que la question de la disparition et du meurtre de femmes et d'enfants autochtones.
Nous avons examiné le cas de tous les enfants canadiens à compter de la création du CCPE pour nous dresser un tableau des enfants enlevés et des antécédents des délinquants, et pour repérer les stratégies d'intervention et de prévention. Vous pouvez accéder à ces constatations sur notre site.
Il reste deux dernières choses que j'aimerais mentionner. La première, c'est que nous procédons présentement à la première étude internationale sur la première génération des victimes de pornographie juvénile depuis le début d'Internet. Plusieurs de ces victimes ont maintenant 22 ans et plus. Nous rencontrerons un groupe de travail international ici à Ottawa la semaine prochaine, ce que nous attendons vivement.
Enfin, j'aimerais clore avec cinq recommandations précises.
Premièrement, nous encourageons le Comité à continuer à appuyer notre organisme, ce que le gouvernement du Canada a fait, dans ses efforts d'identification et de sauvetage d'un plus grand nombre encore des victimes figurant dans les images d'exploitation sexuelle des enfants, et de conscientiser davantage le public à l'égard de ce problème.
Deuxièmement, nous aimerions que notre agence reçoive un appui lui permettant de devenir le centre de ressources par excellence pour l'aide aux enfants victimes dont l'exploitation sexuelle a été enregistrée et se trouve présentement diffusée sur Internet.
Troisièmement, et c'est peut-être la recommandation la plus importante, nous aimerions que vous envisagiez une loi visant les communications et les enregistrements qui encouragent les préjudices aux enfants. Nous ne parlons pas seulement de la pornographie juvénile, parce que cet aspect est déjà couvert. Nous parlons des représentations d'agression sexuelle violente par des adultes, la réification des enfants, la commercialisation des enfants en tant qu'objets, ainsi que les communications au sein des réseaux pédophiles qui normalisent la vision déformée de la sexualité des enfants et guident leurs membres dans la façon de créer des leurres leur permettant d'accéder à ces enfants.
Quatrièmement, nous vous demandons d'appuyer les efforts liés à l'éducation sexospécifique. Les jeunes filles étant surreprésentées dans les images, nous aimerions voir produire des matériels d'éducation supplémentaires qui aideraient les enfants à comprendre ce qui n'est pas normal, à savoir quoi faire en cas d'exploitation sexuelle et quelles mesures prendre.
Enfin, la cyberviolence à l'endroit des jeunes filles devrait être considérée comme un élément précurseur de la cyberviolence à l'endroit des femmes. Par exemple, la façon dont elle est vécue, l'impact de la victimisation et les tactiques et recours disponibles pourraient être de plus grande portée pour les jeunes filles, compte tenu du fait qu'elles sont des enfants. De plus, il faudrait englober dans l'étude et l'évaluation la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.
En terminant, je vous remercie beaucoup de cette occasion de vous présenter tout ceci; nous répondrons avec plaisir à vos questions.
Merci beaucoup.
Ces renseignements sont très intéressants. Je sais que nous aurons une très bonne séance de questions.
Nous commencerons avec sept minutes pour Mme Nassif.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Je remercie les deux témoins de leur participation à nos travaux.
Je représente la circonscription de Vimy, à Laval. On y retrouve un organisme à but non lucratif, soit le Centre des femmes de Laval, qui vient en aide, avec les moyens financiers dont il dispose, aux femmes vulnérables. Il s'agit surtout de femmes de minorités ethniques, de membres de la communauté LGBT et de nouveaux arrivants.
J'ai assisté à plusieurs rencontres et j'ai entendu plusieurs histoires tristes. Je sais que vous intervenez davantage auprès de jeunes filles qui ont subi de la violence en ligne et ainsi de suite. Y a-t-il d'autres organismes au Québec, surtout à Laval, qui oeuvrent dans ce domaine?
[Traduction]
[Français]
Je peux m'exprimer en français, mais je suis plus à l'aise en anglais.
[Traduction]
Oui, nous avons...
Nous sommes certainement un organisme bilingue. Nous recevons plusieurs rapports du Québec. Nous travaillons avec la SQ et tous les corps policiers du Québec.
Nous nous voyons un peu comme des courtiers. Les gens qui sont confrontés à de très graves problèmes ont besoin qu'il y ait des organismes de base pour les appuyer; nous travaillons donc avec plusieurs organismes au Québec qui appuient les familles confrontées à toute une gamme de problèmes. Là encore, je précise que nous nous consacrons principalement aux enfants. Notre travail se fait dans ce contexte. Nous traitons avec les familles d'enfants disparus et d'enfants exploités.
La Fondation Marie-Vincent est un des merveilleux organismes avec qui nous travaillons au Québec, de même qu'Enfants-Retour. Il y a plusieurs organismes. Selon les besoins particuliers des personnes qui viennent à nous, nous faisons un triage puis les aiguillons vers les entités concernées.
[Français]
Récemment, à Laval, on a rapporté plusieurs cas de jeunes filles qui avaient fugué pour joindre des organisations de pornographie juvénile. Êtes-vous au courant de cette situation?
[Traduction]
Oui, nous le sommes. En plus de travailler directement avec les familles qui s'adressent à nous, nous sommes le portail d'accueil et le carrefour.
[Français]
En français, cela s'appelle Cyberaide.ca. Il y a beaucoup de gens qui viennent
[Traduction]
s'adresser à Cyberaide et signaler leurs cas.
En plus de tout cela, nous travaillons étroitement et spécialement avec les corps policiers. Les victimes peuvent avoir besoin de toute une gamme de formes de soutien. J'ai mentionné l'étude des victimes de première génération de pornographie juvénile. On nous a signalé un certain nombre de cas portant exactement sur ce dont vous parlez, ce que nous qualifierions d'« exploitation organisée ». Il s'agit de l'exploitation par plusieurs auteurs commettant des crimes à l'endroit soit d'un groupe, soit de plusieurs groupes d'enfants.
Nous avons probablement les données les plus solides dans les signalements que nous recevons et dans les renseignements détaillés se rapportant aux victimes elles-mêmes. Une des choses que nous essayons de faire en tant qu'organisme, c'est de trouver certaines des façons dans lesquelles la communauté policière a besoin de meilleures ressources pour traiter de certains de ces crimes, de trouver aussi certains des recours continus pour les victimes présentant des besoins particuliers.
Si une personne a vécu, disons, une agression sexuelle grave, c'est un incident répertorié. Même s'il n'y a aucun enregistrement de cette agression, celle-ci demeure un traumatisme. Ce que nous entendons de la population dont vous parlez, c'est qu'en raison de la propagation et de la distribution continue du matériel, leur passé est leur présent. Ces victimes ont besoin d'un soutien continu. C'est un problème très grand et très grave que nous devons examiner dans une optique bien plus large que nous l'aurions imaginé.
[Français]
D'accord. Je vous remercie.
Votre organisation mène notamment des activités de recherche sur les pratiques exemplaires visant à assurer la sécurité des enfants.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur certaines activités de recherche par rapport à la protection des jeunes femmes et des filles contre la cyberviolence dont on pourrait tirer des renseignements et s'inspirer pour une initiative gouvernementale, tant sur le plan préventif que réactif?
[Traduction]
Je vous remercie de cela.
J'ai beaucoup parlé d'intervention. Cinquante pour cent de notre mandat porte sur la prévention et l'éducation. Dans les rapports sur les valeurs sociales que nous avons distribués, vous pourrez voir un grand nombre de programmes.
Quant à votre question sur l'éducation, nous avons récemment créé un site, une ressource qui s'est révélée être la ressource la plus sollicitée. Elle s'appelle AidezMoiSVP. C'est une ressource que n'importe quelle jeune personne ayant subi les retombées négatives d'une image ou d'une action sexuelle peut consulter pour comprendre ce qu'elle peut faire, quels adultes sûrs sont disponibles et comment elle peut faire éliminer le contenu. Il n'est pas forcément vrai qu'il est permanent et qu'il ne va jamais être enlevé. On peut suivre y a un certain nombre d'étapes pour commencer à atténuer ces difficultés. C'est l'une de nos ressources. Elle est utilisée partout au pays. Dans tout le pays, des agents scolaires et des éducateurs l'utilisent.
Ensuite, nous avons deux autres ressources. La première traite de la question compliquée de l'âge de consentement et de l'âge de protection. Comme nous pouvons tous l'imaginer, les jeunes éprouvent de la confusion au sujet du développement sexuel. Il y a le développement du cerveau adolescent qui se combine à la technologie. Nous avons créé des programmes mis à l'essai et mis en oeuvre dans des projets pilotes et je communiquerai volontiers au Comité toute évaluation de ce que nous faisons dans nos programmes...
Le temps est écoulé.
Nous passons à Mme Vecchio, et si Mme Vecchio est disposée à prendre la suite, ça ira.
Merci beaucoup. C'était là des exposés extraordinaires que vous nous avez présentés aujourd'hui, et je les apprécie beaucoup.
Signy, vous parliez des prédateurs sexuels, ce qui nous inquiète beaucoup tous ici, puis du groupe d'âges auquel les enfants et les jeunes filles démontrent leur indépendance en prenant des poses et en faisant des choses comme cela. C'est là où nous avons arrêté lors de la dernière conversation, le moment où l'acte devient consensuel pour eux.
Quel est ce moment? Je sais qu'il n'y a pas « d'âge miracle », mais où se trouve la frontière entre l'exploitation d'enfants et le consentement? À quel âge peut-on s'attendre à ces changements?
Je vais ajouter une ou deux choses.
La réponse est, très simplement, ça dépend, et il n'y a pas de réponse.
Tout dépend du déséquilibre de pouvoir, du rapport de domination, de ce qu'ils font et des influences entourant ce qui se produit. Nous avons des lois qui traitent de certains aspects. Nous avons des dispenses d'âge intégrées qui permettent une exploration sexuelle saine. Nous ne cherchons pas à ce que les enfants n'aient pas de sexualité. Leur sexualité s'éveille quand ils deviennent adolescents. Il s'agit surtout de prendre en compte certaines des considérations.
À mon avis, c'est un domaine que le gouvernement pourrait examiner attentivement. Comment comprenons-nous cela? Quels sont les moyens par lesquels commencer à éduquer les enfants?
Commençons par voir ce qui est présenté dans les ressources que nous avons créées. Nous le faisons par le truchement de scénarios. Nous disons qu'un adolescent de 16 ans et une adolescente de 14 ans sont à une soirée, et nous décrivons la scène, ce qui se passe. Ils doivent apporter une certaine pensée critique à la résolution des problèmes.
Je crois aussi qu'on peut compter une histoire d'horreur, comme vous l'avez entendu; je suis macabre dans mes propos.
En bout de ligne, il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire pour habiliter les enfants, et nous sommes déterminés à présenter les relations saines, la façon dont les enfants méritent d'être traités, les attentes qu'ils doivent avoir en entreprenant une relation sexuelle, et l'aspect de tout cela.
Je ne crois pas que nous fassions un bon travail, parce que franchement, je ne crois pas que la plupart des adultes savent ce qu'est une relation saine.
Nous devons être prêts à éduquer les enfants au sujet du facteur qui s'ajoute à l'équation, la technologie, si mortelle soit-elle. Une fois l'image diffusée, c'est un gros problème. C'est là que nous voyons les Amanda Todd, les Rehteah Parsons. Selon leur âge, elles sont réellement convaincues que leur vie est foutue. C'est normal. C'est tout à fait normal.
Nous avons vraiment besoin de prendre les devants là-dessus, de mieux intervenir plus tôt, de les appuyer correctement, de prendre leurs préoccupations réellement au sérieux si nous voulons avancer le moindrement dans la question.
Excellent.
Vous avez mentionné la loi de 2011 qui obligeait les fournisseurs de services... Avez-vous vu une conséquence de cela? Les gens l'utilisent-ils? Obtenons-nous des résultats avec cette loi?
Oui, mais là encore, ça dépend. Tout dépend du fournisseur de contenu. Je crois qu'il y a là une certaine confusion; les fournisseurs de services Internet, qui sont les conduits, ne sont pas forcément les sociétés...
Ils ne fournissent pas le contenu. Les Facebook, les Twitter, les fournisseurs de contenu ont un rôle plus important.
Nous recevons des renseignements de nos partenaires policiers, certainement le CNCEE de la GRC, dont vous avez entendu parler l'autre jour, je crois. Ils ont eu toute une récolte dans les dossiers des cas signalés. Je crois aussi qu'il reste encore beaucoup d'éducation à faire au sujet de la façon dont nous procédons à cet égard. Rien qu'à regarder les boutiques de réparation d'ordinateurs et comment mobiliser les gens pour qu'ils comprennent...
Mon argument aujourd'hui, c'est que l'idée voulant que la pornographie juvénile est une image et un incident isolé est tout à fait erronée. Vous voyez bien, j'en suis sûre, qu'il ne s'agit pas seulement d'un enregistrement d'un enfant qui est exploité sexuellement, mais plutôt de la façon dont cet enregistrement circule, de la propagation, de la normalisation. Cet enfant est revictimisé chaque fois que quelqu'un regarde cet enregistrement. Il faut bien prendre conscience de la gravité du problème dont il est question ici.
Nous parlons de normalisation de l'hypersexualité. Nous parlons de fillettes. Vous parlez de fillettes entièrement habillées, ou simplement de poses sexuelles. Est-ce quelque chose de sain à enseigner à nos enfants? Comment faire comprendre à nos enfants qu'est-ce qui est sain et qu'est-ce qui n'est pas sain? Cela est-il normalisé ou augmentons-nous le risque pour eux? Que pensez-vous de cela, personnellement?
Nous avons les ressources requises pour faire face au problème précis dont vous parlez. Il n'est pas simple. Nous reconnaissons que c'est un processus d'éducation continu. Ce qu'une jeune de 13 ans et une jeune de 16 ans vivent est tout à fait différent; donc, la conversation sur à ce qui constitue une relation saine doit être adaptée à l'âge auquel ces enfants vivent la chose.
J'aimerais aussi souligner que quand Signy parle de sexualisation d'enfants qui posent, c'est tout à fait autre chose que les adolescents qui explorent leur sexualité et prennent des poses provocatrices et les affichent sur Internet. Ce sont deux choses tout à fait différentes.
Oui. Dans cette équation, les jalons du développement sont le facteur critique qui, je crois, n'est pas suffisamment pris en compte. Quand on prend les enfants — quand on regarde où ils en sont et où leur cerveau en est, ainsi que ce à quoi ils sont prêts —, il est clair que nous ne comprenons pas bien ces choses. Je crois que ces aspects peuvent commencer à façonner ce qui est approprié et inapproprié, en plus des autres facteurs, pour amener les enfants à faire confiance à leur instinct et à dire non quand on leur demande de faire les choses qui les mettent mal à l'aise.
Quand les filles tombent amoureuses, qu'elles pensent avoir rencontré la personne idéale et qu'elles s'aventurent à expérimenter, cela peut leur poser de très graves difficultés. En ce qui concerne le sexe et la sexualité, nous avons un énorme problème dans la société pour ce qui est du conditionnement des enfants, un problème qui rend très difficile la tâche de les élever.
J'aimerais dire une dernière chose, parce que je ne peux pas m'arrêter.
Toute cette question a un autre aspect — et vous en entendrez beaucoup parler —, celui de la littératie numérique. Ce n'est pas si simple. Les gens sont ce qu'ils sont. Dire que cela revient aux parents et que c'est leur responsabilité de surveiller leurs enfants tout le temps — eh bien, c'est impossible.
On ne peut pas dire aux parents canadiens qu'ils doivent assumer toute cette responsabilité, que ce fardeau leur appartient. C'est impossible. Quiconque a élevé un enfant sait parfaitement qu'on est parfois dupe. Il est impossible de tout savoir, pas plus qu'on est obligé de le faire.
Le temps est écoulé. Je suis vraiment désolée. Le temps presse beaucoup aujourd'hui parce que nous devons aller voter à 17 h 30.
Nous passons à Mme Malcomson, pendant les sept prochaines minutes.
Eh bien, c'est de la folie de s'en remettre aux parents, comme si c'était un problème parental. Nous avons tous grandi avec des parents qui savaient très peu ce que nous faisions en tant qu'adolescents, et vous pensez que vous allez savoir ce qu'ils font en ligne? Êtes-vous un peu fous?
Les parents doivent-ils être plus éveillés? Prenons, par exemple, la question de l'extorsion sexuelle. Les enfants sont dans leur chambre; ce sont des préados ou des ados, et ils sont en mode vidéo. Ils font des choses qui pourraient être provocatrices et de l'autre côté de la porte — nous avons vu un ou deux de ces cas — la maman dit: « C'est l'heure de dormir, maintenant », n'ayant aucune idée de ce que son enfant est en train de faire.
Je pense certainement qu'il faut insister davantage pour que les parents soient plus conscients de l'accès et de ce que font les enfants, mais leur transmettre toute la question comme si nous réglerions ce problème si les parents étaient plus attentifs est une absurdité. C'est complètement absurde.
Merci.
Je commencerai en disant que je vous suis très reconnaissante de votre travail et de votre exposé. Il était très puissant, et il était horrifiant, et nous avons besoin d'entendre ces deux aspects. Merci donc pour votre travail.
Je m'intéresse particulièrement au rôle que votre groupe a assumé sur le plan de la coordination des efforts nationaux pour la protection de l'enfance sous toutes ces formes. Je remarque que vous collaborez avec des organismes à but non lucratif, avec le gouvernement, avec l'industrie, avec les corps policiers, avec les éducateurs et avec les familles, et j'aimerais donc que vous me parliez davantage de votre expérience à ce niveau — savoir si vous avez repéré des lacunes, comment la collaboration fonctionne et s'il y a des moyens par lesquels le gouvernement fédéral pourrait régler certaines de ces lacunes de collaboration.
Je sais que vous ne le pouvez pas. Et c'est probablement le gros problème.
Le plus grand problème auquel nous sommes confrontés en tant qu'organisme se situe au niveau de la multitude des systèmes d'éducation provinciaux. Vous le savez bien, il n'y a aucun pouvoir fédéral, et le plus grand problème consiste à obtenir une cohérence dans les programmes éducatifs et à faire en sorte que ceux-ci soient utilisés. Nous collaborons avec les provinces et les territoires à cet égard. C'est un très grand défi. Les attentes d'une famille au Québec sont très différentes de celles d'une famille de Colombie-Britannique. C'est très important.
Il ne nous est pas difficile d'attirer les gens à la table. Nous n'avons aucune difficulté à amener les gens à collaborer et à vouloir appuyer le travail que nous faisons. Ce qui est difficile, au bout du compte, c'est d'arriver vraiment à toucher chacun des Canadiens d'une façon qui est la plus importante pour eux, d'une façon qui soit valable et d'une façon qui les aide à assumer leur rôle de parents et à être capables de protéger leurs enfants.
Nous cherchons toujours à obtenir des modifications législatives. Nous avons un plan d'action fédéral que nous avons déposé l'an dernier, et nous vous l'enverrions volontiers. Il est affiché sur notre site Web. Dans ce plan, nous demandons que des mesures législatives concrètes soient adoptées.
L'essentiel, en fin de compte, c'est que les personnes les plus importantes proches d'un enfant aient la possibilité de protéger cet enfant, d'arrêter ou de découvrir toute chose qui soit leur cause du tort, soit les prive d'un moyen quelconque de protection. Comment procédons-nous à cette conscientisation du public? Dans un certain sens, comme je l'ai mentionné, l'accessibilité à ce point de contact est probablement ce qu'il y a de plus important. En fin de compte, par contre, nous estimons que les éducateurs dans les écoles, ceux qui sont avec les enfants tous les jours, ont un rôle considérable et nous n'avons pas encore déterminé précisément comment faire en sorte que chaque enfant au Canada ait accès à ce genre d'éducation.
Je m'en tiendrai là. Vous nous avez dit tout ce qu'il y a d'essentiel, et je sais que nous sommes à court de temps, mais je vous remercie.
Merci, madame la présidente.
Même chose pour moi. Je vous remercie beaucoup de votre temps. Merci de la vision et de la compassion que vous apportez à cette question. Merci beaucoup.
Je sais que nous avons beaucoup parlé de l'éducation, et je suis très heureux que vous précisiez à quel point il est absurde et ridicule de mettre toute la responsabilité sur le dos des parents.
J'aimerais revenir un peu sur ce que vous avez dit plus tôt. J'avais ma propre firme de services Internet. J'ai travaillé dans l'industrie de la câblodiffusion pendant 15 ans. J'aimerais parler un peu de Cleanfeed.
Vous avez mentionné 600 sites. Vous avez dit « plusieurs » fournisseurs. J'aimerais voir tous les fournisseurs du Canada participer. Si j'ai bien compris, c'est une mesure volontaire. Comment pouvons-nous la rendre obligatoire? Il est absurde que nous permettions aux fournisseurs de contenu de l'étranger de faire cela et que nous ne fassions rien pour les arrêter. Que pouvons-nous faire?
Signy peut en parler.
Voici un des problèmes que nous voyons. Cela remonte — et je crois que c'est un débat plus large que nous, en tant que communauté globale, n'avons pas réglé — à ce à quoi le public s'attend sur le plan de la confidentialité par opposition à la sécurité publique.
Nous avons pour position que tous les enfants ont le droit d'être protégés et d'être en sécurité. Mais quand nous entrons dans toute cette conversation au sujet du cryptage et de qui devrait avoir accès à quels renseignements, la conversation devient plus large et beaucoup plus complexe.
Quand nous avons mis cela sur pied, nous savions que si nous n'en faisions pas un système volontaire, nous aurions eu de l'opposition de la part de nombreux défenseurs des libertés civiles qui se seraient retournés et auraient dit: « Où est la surveillance judiciaire dans ce que vous faites? », et donc, nous avons dû commencer au seul point de départ possible.
Cleanfeed est la façon dont nous pouvons faire cela d'une façon qui permettrait aux personnes examinant la situation de dire « Nous sommes d'accord », et c'est donc ce que nous avons fait. Revenant à ce que vous avez dit, je crois qu'un dialogue véritable s'impose au sujet de la collision entre ces droits. Je crois qu'il faut aussi avoir un débat sur le fait que les fournisseurs de services Internet sont réglementés dans une certaine mesure par le CRTC et d'autres organes de réglementation, alors que les fournisseurs de contenu ne le sont pas.
En ce qui concerne ce qu'a dit Lianna, Cleanfeed a fait l'objet d'un examen poussé parce que l'accès à la pornographie juvénile est essentiellement illégal au Canada. C'est comme les matières radioactives. Ce que nous avons mis sur la liste était très étroit et, comme Lianna l'a mentionné, c'était volontaire. Nous avons la plupart des FAI. Je dirais que nous avons probablement une couverture de 90 % chez les Canadiens en ce qui concerne Cleanfeed, mais nous aimerions certainement voir participer les petits fournisseurs et certains des plus gros fournisseurs qui traînent la patte.
Mme Todd et Mme Parsons ont parlé des images qui sont en ligne présentement.
Il y a deux choses. Premièrement, il y a une loi qui rend illégal le partage de ces images. De nombreux fournisseurs affirment ne pas savoir que c'est illégal.
Deuxièmement, j'aimerais que vous me disiez ce que vous pensez au sujet du retrait de ces images. Les difficultés que représente le retrait de ces images semblaient inquiétantes.
En conséquence directe d'un certain nombre de tragédies, au nombre desquelles nous incluons Amanda Todd et Rehtaeh Parsons, et en nous appuyant sur ce que nous voyons entrer avec la ligne de signalement, nous avons créé un site auxiliaire appelé AidezMoiSVP. Nous avons fait cela expressément parce que nous savons que quand les ados s'adressent à nous avec leurs préoccupations, ils sont désespérés, certainement, mais je peux vous assurer que ce qu'ils demandent d'abord n'est pas la participation de la police ou leur dénonciation à leurs parents. Leur première demande est: « Oh mon Dieu, aidez-moi à faire disparaître ce contenu et à pouvoir continuer ma vie. »
Cela ne justifie pas ce que font les jeunes, mais c'est la première chose qu'ils nous demandent quand ils s'adressent à nous.
C'est un service que nous avons mis sur pied comme premier point de contact pour tenter de nous attaquer à cette question, sachant que les unités chargées de l'exploitation des enfants dans le pays ont une énorme charge de travail avec les gens qui commettent des délits concrets contre de très jeunes enfants. C'est une question très importante, mais si vous leur demandez d'accorder aux ados diffusant des images sexuelles plus de priorité qu'aux cas qu'ils ont en main, vous les mettez au pied du mur; voilà pourquoi nous avons créé AidezMoiSVP comme premier point d'entrée.
Ensuite, si le cas comprend des menaces ou de l'extorsion, il atteint un niveau différent, un seuil tout à fait différent en ce qui concerne l'activité criminelle qui pourrait se dérouler dans ce contexte. C'est là que l'intervention de la police devient justifiée. On a créé ce site précisément pour appuyer et aider les jeunes qui se sentent acculés et qui veulent que le contenu soit retiré.
Il y a deux autres choses.
Premièrement, l'avis et le retrait. Nous déclenchons cela chez les fournisseurs pour qu'ils retirent le contenu. Nous avons un taux de réaction d'environ 95 % pour ce qui est du retrait du contenu une fois l'avis présenté.
L'autre chose, que nous commençons tout juste, c'est le fait que notre organisme travaille à un tout nouvel outil global visant à réduire l'accessibilité pour le public des images d'exploitation d'enfants sur Internet. Nous espérons pouvoir le montrer au cours des six prochains mois.
Nous n'avons probablement pas le temps maintenant, mais plus tard, pourriez-vous présenter au Comité vos recommandations concernant Facebook, Twitter et les lois sur la protection des renseignements personnels que ces organismes ne respectent pas? Pour que cela soit clair dans le compte rendu, ils ne respectent pas ces lois. C'est dans la publicité, et c'est blessant. Donc, si vous avez des recommandations précises à ce sujet, communiquez-les au Comité ou, si elles font partie de votre trousse législative; nous devrons étudier cet aspect.
Nous continuerons les questions aussi longtemps que possible. Nous passons maintenant à M. Genuis pendant cinq minutes.
Je vous remercie toutes les deux de votre témoignage.
J'aimerais vous poser quelques questions au sujet des modèles internationaux de surveillance en ligne et de ce genre de choses, parce que j'ai trouvé un article, Mme Arnason, dans lequel vous avez parlé du modèle britannique — cela remonte à 2013 — et exprimé un optimisme prudent à cet égard. Si je comprends bien le modèle britannique, il s'agit du filtrage proactif avec l'option pour les gens de choisir une vaste gamme de matière de toutes sortes. Cela se fait présentement de façon volontaire, mais il y a un débat continu au sujet de la possibilité d'une loi.
Je me demande si vous avez continué à suivre l'évolution du modèle britannique et pouvez nous dire à quel point, d'après vous, certaines de ces leçons pourraient s'appliquer chez nous.
Je ne sais pas où en est le modèle britannique, ni même s'il a été adopté; je m'intéressais à la notion voulant qu'on puisse mettre des filtres à l'avant-plan puis offrir la possibilité de ne pas les accepter, ce qui, sur le plan de l'exposition et de ce que nous voyons se produire dans certaines maisonnées, était une chose intéressante à envisager.
Mon observation se rapportait surtout au fait que quand on regarde autour de nous les autres modèles utilisés dans le monde, il y a certainement des choses qui méritent d'être prises en considération. Je ne saurais vous dire où en est ce modèle, à moins que vous ne puissiez me le dire vous-même.
Je suis désolé de vous poser une question très précise. Je ne veux surtout pas vous mettre sur la sellette. Je suis simplement curieux de savoir s'il y a des modèles utilisés par les autres pays qui accomplissent quelque chose que nous ne faisons pas ici et dont nous devrions nous inspirer.
Je crois que ce que vous verriez serait une des choses dont nous parlons dans notre plan d'action fédéral. Nous avons cerné 10 points dans ce document, et mis quelques-uns en relief.
En bref, comme je l'ai dit à une de vos collègues ici, nous cherchons à déterminer certains moyens d'utilisation de la technologie au Canada qui seront, d'après nous, des chefs de file dans le monde pour un début de résolution à ces problèmes. Parallèlement, nous prêtons attention à certains éléments législatifs très intéressants à l'heure actuelle, et il y a des lacunes qui doivent être comblées.
Dans le contexte plus large de ce débat et de cette conversation, ces aspects nous conféreront une partie du pouvoir dont nous avons besoin pour punir ceux qui font une utilisation malveillante et abusive de la technologie et exploitent les enfants, et aussi pour nous permettre de mettre fin à l'exploitation des enfants. Nous vous présenterons volontiers certaines des choses qui se préparent. Notre organisme surveille également très étroitement ce qui se passe dans le monde. Nous présenterons certaines de ces choses novatrices à Interpol en novembre. C'est avec plaisir que nous verrons ces recommandations diffusées dans ce groupe.
C'est excellent.
J'apprécie la notion de ne pas mettre tout le poids sur le dos des parents. Je suis un jeune parent. J'ai des enfants d'un an et de trois ans. J'écoute avec grande nervosité tout ce débat sur ce qui se passe.
Pouvez-vous donner quelques conseils stratégiques que moi-même et les parents en général pourrions suivre pour être plus efficaces dans nos efforts de réduction des risques pour nos enfants, compte tenu de tout ce que nous entendons?
Je parlerai des petits, parce que j'ai un enfant de six ans.
Tout d'abord, vous ne commencez pas cette conversation quand ils ont déjà atteint la pré-adolescence. Dès qu'ils touchent à la technologie — un enfant de trois ans joue avec un iPad —, vous commencez à aborder ce sujet et ce dialogue. Il est réellement important, je crois, que les enfants s'habituent à vous entendre parler de ce qu'ils font en ligne, et que votre curiosité et votre intérêt à l'endroit de ce qu'ils font ne sont pas chose nouvelle.
Je crois qu'une partie de leur attitude défensive vient du fait que, brusquement, les parents s'y intéressent. Ces parents sont terrorisés, ils deviennent agressifs, et les enfants les repoussent; ça ne les regarde pas. Ensuite, l'enfant devient un ado, et il ne veut plus rien vous dire au sujet de ce qui se passe. Je ne dis pas que vous ne serez pas repoussé, mais ce ne sera pas quelque chose de bizarre pour cet enfant de vous entendre parler de ces préoccupations.
Comme nous l'avons mentionné, notre matériel traite des différents âges, reconnaissant le fait que vous pouvez imposer des règles rigides à un enfant de 8 ans; bonne chance d'essayer de le faire avec un enfant de 13 ans. Ça ne marche pas. Votre message doit évoluer au fur et à mesure que l'enfant vieillit. Si vous ne tenez pas compte de cet aspect, vous aurez des problèmes.
Vous ne pouvez pas vous cacher derrière votre ombre. Ce n'est pas un problème qui se limite aux enfants marginalisés; cela arrive à tous les enfants, qu'ils soient exploités par quelqu'un en ligne, ou qu'ils soient exploités sexuellement. Ce n'est pas un problème qui n'arrive qu'à un certain segment donné de la population ou ailleurs dans le monde.
Tout d'abord, j'aimerais vous remercier toutes les deux du travail que vous avez accompli et pendant si longtemps. Honnêtement, je ne peux imaginer faire face aux genres de choses que vous avez vues pendant si longtemps. Je vous félicite toutes les deux de vos efforts.
Tandis que j'écoutais, j'ai été sur AidezMoiSVP. C'est une ressource extraordinaire. C'est merveilleux. Combien de gens en sont au courant?
Oui. C'est extraordinaire.
Cela m'amène de fait à une de mes questions. Estimez-vous que vous disposez de suffisamment de ressources pour accomplir votre travail, faire en sorte que les enfants sachent qu'il y a un site Web comme celui-ci sur lequel ils peuvent aller obtenir les ressources dont ils ont besoin?
Non.
Nous nous débrouillons très bien. Notre slogan est « Vous en obtenez plus que pour votre argent ». Nous sommes heureux. Notre mission est l'élément moteur de nos activités. Nous recevons un financement du gouvernement fédéral, duquel nous sommes très reconnaissants. Nous avons demandé une augmentation du financement, mais nous devons aussi être sages. On ne peut pas simplement consacrer des sommes infinies à cet effort. Nous devons aussi être très intelligents.
Nous retirons une très grande satisfaction du fait que notre relation avec la communauté policière est très solide. Tous les agents scolaires — pour en revenir à votre observation — utilisent AidezMoiSVP, parce qu'ils reçoivent les appels. Ils canalisent toute cette information.
Nous distribuons, gratuitement, des millions d'articles tous les ans aux éducateurs, ce qui est énorme. Nous essayons de déterminer comment gérer cela, sachant que ça ne sera jamais assez. Nous devons travailler de façon intelligente, avec assiduité, mais pas forcément dans cet ordre.
À l'heure actuelle, nous étudions certaines des solutions dont j'ai parlé. Voilà bien longtemps que nous faisons ce que nous faisons. Récemment, nous avons évalué la situation et commençons à examiner les taux de rendement pour déterminer sur quoi nous devons consacrer ces ressources. Oui, nous avons demandé une certaine augmentation du financement, mais nous reconnaissons aussi qu'il ne peut être infini. Nous avons compris cela. Nous travaillons là-dessus.
Quand nous avons entendu la GRC ici, les témoins ont été très réticents à nous dire où étaient les lacunes au niveau des lois. La matière que vous nous fournissez nous renseignera-t-elle là-dessus?
Bon.
Les témoins que nous entendons n'ont des données que pour les âges de 13 ou 15 ans et plus. Je crois que Statistique Canada recueille des données sur les jeunes de 15 ans et plus. Il semble y avoir une véritable lacune de renseignements sur les enfants de 13 ans et moins. Ai-je raison? Vous suivez cela, mais pour ce qui est des autres organismes... Les enfants accèdent beaucoup plus jeunes à Internet, mais nous ne suivons pas ce qui se passe à ces âges.
Nous le faisons. C'est une des choses que nous devons probablement mieux faire, parce que nous l'utilisons pour canaliser. Nous menons des groupes consultatifs étudiants pour les jeunes enfants partout au Canada. Nous tenons ces groupes dans les écoles. Nous recueillons les renseignements qui nous aident à cerner les changements dans les tendances. Ce à quoi était confronté un enfant de 4e année il y a trois ans est très différent de ce à quoi il est confronté aujourd'hui. Les enfants sont sur Snapchat en 4e année.
Nous adaptons les choses aux besoins. Il pourrait y avoir quelques avantages, mais nous devrions faire preuve d'une grande prudence dans la façon dont nous structurons la recherche ou l'évaluation à faire, le degré de délicatesse à consacrer à la formulation de ces questions, et ce que nous voyons exactement.
Il y a une énorme différence entre contempler ce que font les enfants sur le plan de la technologie et les problèmes auxquels ils sont confrontés, et examiner la question de la façon dont les enfants sont victimes de violence sexuelle et d'exploitation sexuelle, parce qu'un grand nombre de facteurs différents interviennent à ce niveau. On bénéficie toujours de meilleures données et de meilleurs renseignements. Nous les recueillons rigoureusement. Je n'hésiterais pas du tout si ces limites étaient mises en place.
Avez-vous beaucoup d'activités avec les jeunes d'âge universitaire, ou vous concentrez-vous principalement sur les enfants?
Les enfants.
On nous l'a demandé, cependant, à cause de la question de l'âge de consentement, et les facteurs qui entourent le oui positif ne sont pas si simples. Par exemple, si une jeune personne est en état d'ébriété, elle ne peut en aucun cas donner son consentement. Nous nous insérons en quelque sorte dans ce dialogue, parce que nous voyons de l'extérieur que cela va devenir un problème.
Merci beaucoup. C'était un témoignage fantastique. Il a été très utile. Il m'est très difficile en tant que présidente de vous arrêter alors que j'aimerais entendre les autres réponses que vous pourriez avoir, mais je vous invite à envoyer à la présidence les documents dont nous avons parlé.
J'aimerais dire aux membres du Comité qu'à la prochaine réunion, nous accueillerons l'Association interparlementaire Canada - Royaume-Uni pendant la première heure. Ses représentants viendront parler des pratiques exemplaires visant l'élimination de la violence à l'endroit des femmes. Leur présence a été organisée précédemment.
Ensuite, pendant la deuxième heure, nous accueillerons le réseau Les enfants et les jeunes dans des contextes difficiles. Ce sera excellent.
Je crois que nous aurons une réunion en sous-comité avant cela, parce que le Comité de liaison nous a demandé de planifier toutes les dépenses de voyage que le Comité prévoit jusqu'à la fin juin. Je sais que plusieurs personnes ont demandé que d'autres témoins soient ajoutés à l'étude actuelle, et nous avons quelques personnes qui ont demandé de comparaître devant le Comité. Nous inscrirons ce comité directeur à l'horaire.
Sinon, je vous revois à la prochaine réunion.
La séance est levée.
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