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Merci beaucoup de me donner l’occasion de présenter les recommandations d’Oxfam sur la sécurité économique des femmes au Canada.
Pas plus tard qu’hier, nous avons publié notre carte de pointage sur le suivi des mesures adoptées par le gouvernement pour faire progresser les droits des femmes et l’égalité des sexes. Bien que le gouvernement ait pris des mesures importantes pour avancer ses idées féministes, la sécurité économique des femmes continue d’accuser du retard. Comme vous pouvez le constater, cette étude est importante et tombe à point.
En janvier, Oxfam a révélé que deux milliardaires sont plus riches que le tiers inférieur de la population canadienne. L’iniquité grandissante nuit aux progrès dans la lutte contre l’iniquité, notamment en ce qui concerne les femmes autochtones qui continuent de composer la majorité des pauvres du monde. Tout comme au Canada, partout dans le monde, les travailleuses sont les moins payées et elles jouissent d’une sécurité minimale, y compris la sécurité physique.
Dans notre modèle économique actuel, les femmes constituent une main-d’oeuvre bon marché dont on se sert pour maximiser les profits des actionnaires, ce qui explique pourquoi la croissance économique n’entraîne pas nécessairement une baisse de l’iniquité et ne suscite aucun espoir de se sortir de la pauvreté. Certes, une participation égale des hommes et des femmes à l’économie stimule la croissance économique, mais, à elle seule, la croissance ne permet pas de faire progresser l’égalité entre les sexes.
C’est la raison pour laquelle nous demandons à ce que des progrès soient réalisés dans les cinq domaines suivants afin que la croissance soit réellement inclusive. Premièrement, le gouvernement doit s’assurer que les travailleurs touchent un salaire minimum vital. Les femmes représentent jusqu’à 60 % des travailleurs touchant le salaire minimum au Canada. Elles sont souvent obligées d’accepter un emploi mal rémunéré et précaire, car elles ne disposent pas du même filet de sécurité, en partie en raison des difficultés qu’elles ont à avoir accès à l’assurance-emploi. De plus, lorsqu’elles ont des avantages, ceux-ci sont insuffisants pour leur permettre de joindre les deux bouts. Il n’existe aucun endroit au Canada où le salaire minimum constitue un salaire vital. Sans un salaire minimum vital, les femmes n’ont aucune chance de se sortir de la pauvreté ou d’arriver à l’égalité économique par le travail.
Il faut protéger les droits des femmes d’organiser. Bon nombre des secteurs où les femmes dominent la main-d’oeuvre ne sont pas syndiqués, ce qui contribue aux faibles salaires. Au Malawi, Oxfam a travaillé avec des partenaires afin de former une grande coalition dans le but de faire augmenter le salaire des femmes dans le secteur du thé. Grâce à une organisation et à des démarches collectives, la coalition a réussi à faire augmenter les salaires minimums.
Nous demandons au gouvernement de s’engager à offrir un salaire minimum vital et à s’assurer d’octroyer ces contrats à des employeurs offrant un salaire minimum vital. Les provinces et le secteur privé doivent lui emboîter le pas. Nous demandons également au gouvernement de soutenir le droit des femmes d’organiser au pays en augmentant le budget annuel de Condition féminine Canada à 100 millions de dollars, et en investissant 100 millions de dollars par année dans des organisations, des réseaux et des mouvements de défense des droits des femmes.
Deuxièmement, le gouvernement doit faire de l’équité salariale une priorité. Les Ontariennes devront travailler jusqu’à 79 ans pour toucher, à vie, le même revenu que les hommes qui prennent leur retraite à 65 ans. C’est 14 ans de plus. Dans 469 des 500 métiers suivis par Statistique Canada, les femmes gagnent moins que les hommes. Cette disparité salariale est encore plus évidente chez les femmes radicalisées et autochtones et chez les immigrantes. De plus, les femmes sont confrontées à un défi supplémentaire: elles entrent et sortent du marché du travail pour prendre soin de leurs enfants, de personnes âgées et de personnes malades, souvent sans bénéficier de l’assurance-emploi, ce qui signifie que leurs revenus sont considérablement réduits.
Les femmes âgées vivant seules sont parmi les plus pauvres au pays. Nous demandons au gouvernement d’accélérer le pas et de proposer une mesure législative sur l’équité salariale. Le gouvernement doit utiliser tous les outils à sa disposition pour s’assurer que toutes les provinces adoptent une mesure législative sur l’équité salariale. De plus, le gouvernement doit baisser le seuil pour l’admissibilité à l’assurance-emploi et établir celui-ci en fonction des besoins et non des revenus. Il doit également bonifier le Régime de pensions du Canada et les prestations du Supplément de revenu garanti.
Troisièmement, le gouvernement doit s’attaquer de façon exhaustive à la violence envers les femmes. Les taux de violence familiale et sexuelle demeurent élevés au Canada. Toutes les nuits, 3 491 femmes dorment dans une maison de refuge, avec leurs 2 724 enfants, afin de fuir cette violence. Les femmes autochtones sont trois fois plus susceptibles que les femmes non autochtones d’être victimes de violence. La violence fondée sur le sexe a un impact considérable sur la sécurité des femmes, et l’insécurité économique des femmes les rend plus vulnérables à cette violence. De plus, l’absentéisme et le mauvais rendement qui découlent de cette violence augmentent pour les victimes les risques de mesures disciplinaires et de perte d’emploi.
Nous demandons au gouvernement d’élaborer et de mettre en oeuvre un plan national contre la violence envers les femmes. La stratégie fédérale en matière de violence fondée sur le sexe est certes un pas dans la bonne direction, mais il faut adopter un plan d’action national global pour assurer aux femmes de partout les mêmes niveaux de services de protection. Nous demandons aussi au gouvernement de prendre exemple sur le Manitoba et d’adopter une mesure législative permettant aux victimes de prendre congé sans risquer de perdre leur emploi.
Quatrièmement, le gouvernement doit investir dans l’économie des soins. Que ce soit dans un pays riche ou un pays pauvre, la prestation de soins non rémunérés est assurée de manière disproportionnée par les femmes. Au Canada, les femmes passent 3,9 heures par jour à la prestation de soins non rémunérés comparativement à 2,4 heures pour les hommes. Les normes sociales sont en partie responsables de cet écart.
Oxfam offre le programme We Care dans 12 pays. Ce programme vise à sensibiliser les communautés et à solliciter leur participation au dialogue et à la formation afin de changer la mentalité en ce qui a trait aux travaux ménagers. Grâce à ce programme, les femmes font de meilleurs choix quant à la façon d’occuper leurs temps libres. Ce changement de mentalité envers le statut de la femme au sein de la famille a également permis de faire baisser le taux de violence. Ce genre de changement de mentalité doit également s’opérer en ce qui a trait aux préjugés sexistes qui existent au Canada. Nous ne pouvons pas continuer d’investir dans des secteurs à prédominance masculine au détriment de l’économie des soins.
Nous demandons au gouvernement de maintenir et d’accroître le financement dans les services de garde afin que tous puissent avoir accès à des services de garde de qualité d’ici 2020. Cette initiative doit être complémentée par d’autres initiatives visant à assurer un salaire minimum vital et l’équité salariale pour les travailleurs en garderie et supplémentée par des congés familiaux et des modalités de travail flexibles. Nous demandons aussi à ce que les services offerts aux Premières Nations et aux aînés soient bonifiés.
Cinquièmement, pour s’attaquer à l’insécurité économique des femmes, il faut un leadership national et international. À l’ère de la mondialisation, les facteurs qui alimentent l’insécurité économique des femmes sont les mêmes au Canada qu’ailleurs dans le monde. L’économie mondiale se bâtit sur le dos des femmes, car les entreprises procèdent à un nivellement par le bas des salaires et des normes du travail. Tous les pays doivent assumer leurs responsabilités et demander aux entreprises canadiennes de rendre des comptes sur leur empreinte mondiale.
Nous demandons au gouvernement d’étudier sérieusement la possibilité d’inclure la responsabilité des entreprises dans son programme féministe et de commander une étude pour trouver des façons de faire avancer cette question. Nous lui demandons également d’accroître graduellement l’aide internationale…
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Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, de nous avoir invités à participer à cette étude.
L’Alliance de la fonction publique du Canada est le principal syndicat de la fonction publique. Elle représente plus de 180 000 employés de partout au pays, dont environ 100 000 femmes.
Au cours de ses 50 ans d’histoire, l’AFPC a multiplié les efforts pour faire progresser les dossiers de l’égalité économique et de la sécurité des femmes au Canada. Toutefois, les femmes demeurent confrontées à des obstacles les empêchant de jouir d’une sécurité économique, y compris la disparité salariale entre les sexes, l’augmentation du nombre d’emplois précaires, le manque d’accès à des services de garde abordables et de qualité, et la violence familiale. Chacun de ces obstacles constitue pour nous une priorité.
Nous connaissons tous les statistiques relatives à la disparité salariale entre les sexes au Canada. Les femmes gagnent un peu plus de 70 % du revenu des hommes. Ce qui inquiète davantage, c’est le manque de progrès dans la réduction de cette disparité. D’ailleurs, les données nous indiquent que cette disparité s’accentue et nous savons qu’elle est plus marquée chez les femmes autochtones, radicalisées et transgenres, ainsi que chez les immigrantes et les femmes handicapées qui, en moyenne, gagnent moins et ont plus de difficulté à trouver un emploi décent.
Nous devons nous attaquer à la disparité salariale si nous souhaitons améliorer la sécurité économique des femmes. À cet égard, il est essentiel d’adopter une mesure législative sur l’équité salariale. L’adoption d’une mesure législative proactive obligerait les employeurs à revoir leurs pratiques de rémunération et à adopter un processus assurant aux femmes une parité salariale pour un travail équivalent.
Nous sommes fiers de notre bilan dans la quête de l’équité salariale. C’est en 1979 que nous avons déposé notre première plainte relative à l’équité salariale. Toutefois, nous savons que le système actuel de plaintes ne fonctionne pas. Il peut s’écouler jusqu’à 30 ans avant qu’une plainte ne soit résolue et que les femmes puissent obtenir une justice économique.
Une mesure législative sur l’équité salariale est une solution qui s’applique en amont et qui évite à chaque plaignante de devoir se battre pendant des années pour obtenir l’équité salariale.
Le gouvernement actuel s’est engagé à proposer une mesure législative proactive sur l’équité salariale en 2018, mais, pourquoi attendre? La carte routière pour une nouvelle loi a été présentée en 2004 dans le rapport du groupe de travail fédéral sur l’équité salariale.
Il est important de noter que la disparité salariale diminue lorsque les femmes occupent un poste syndiqué. La défense de la liberté d’association et des droits des syndicats est l’une des meilleures façons de réduire la disparité salariale entre les sexes. Toutefois, l’accès à des emplois de qualité est difficile en raison de l’augmentation spectaculaire du nombre d’emplois précaires au pays.
Les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’occuper un emploi à temps partiel imposé ou un emploi contractuel. Tout comme pour la disparité salariale, cette réalité touche davantage les femmes radicalisées, autochtones et handicapées, ainsi que les immigrantes.
Les compressions effectuées par le gouvernement conservateur précédent ont entraîné la perte de 24 000 emplois dans la fonction publique fédérale. Le gouvernement actuel a fait des progrès pour rétablir l’équilibre, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Il est inquiétant de constater que le nombre d’emplois à temps plein dans la fonction publique est en baisse, alors que le nombre d’emplois à temps partiel et occasionnels est en hausse.
Le gouvernement a de plus en plus recours aux employés occasionnels embauchés par l’entremise d’agences de recrutement de travailleurs temporaires. Comme le secteur public a joué un rôle essentiel dans l’amélioration de l’équité en matière d’emploi, l’augmentation du nombre d’emplois précaires dans ce secteur touche de manière disproportionnée les membres des groupes en quête d’équité, dont les femmes.
Alors qu’il poursuit ses efforts pour rebâtir la fonction publique fédérale, le gouvernement doit encourager la création d’emplois permanents, sinon le recours aux emplois précaires, qui nuisent à la sécurité économique des femmes, se poursuivra.
Le manque de services de garde abordables constitue également un obstacle à la sécurité économique des femmes. En l’absence de services de garde ou de congé parental, si un parent doit rester à la maison pour prendre soin des enfants, cette responsabilité tombe presque toujours sur les épaules du parent qui gagne le moins, car les familles ne peuvent se priver du revenu plus élevé. Dans bon nombre de familles, c’est la femme qui se retrouve à l’écart du marché du travail.
De plus, alors que la participation des femmes au marché du travail a augmenté au fil des ans, celle des hommes à la prestation de soins n’a pas augmenté proportionnellement. Donc, le plus souvent, ce sont les femmes qui doivent jongler entre travailler et prendre soin des enfants et, de plus en plus, de parents âgés.
Cela signifie que la politique en matière de services de garde a un impact direct et disproportionné sur les femmes. Lorsque les gouvernements prennent des mesures pour rendre les services de garde accessibles, le taux de participation des femmes à la population active augmente de façon spectaculaire, ce qui permet d’améliorer le statut économique des femmes et de stimuler l’économie. Il suffit de se tourner vers le Québec pour voir l’impact positif de l’accessibilité aux services de garde.
Depuis 2014, les frais que doivent payer les parents pour avoir accès à un service de garde ont augmenté trois fois plus rapidement que l’inflation. Au Canada, pour avoir un service de garde, il faut presque toujours avoir de la chance ou avoir les moyens. C’est donc un service hors de la portée de nombreux citoyens.
Le soutien inadéquat du gouvernement envers les services de garde autorisés fait baisser les salaires et avantages des travailleuses des services de garde. La faible rémunération et les conditions de travail difficiles constituent des obstacles au recrutement et au maintien en poste d’éducateurs de la petite enfance qualifiés et, puisque les femmes composent la majorité du personnel des services de garde, cette faible rémunération contribue au maintien de cette disparité salariale entre les sexes.
Le gouvernement fédéral actuel a promis d’adopter des mesures pour offrir un apprentissage et une garde de jeunes enfants abordables, accessibles, inclusifs et de grande qualité. Des représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux travaillent à négocier un cadre qui servira de fondement à des accords de financement. Toutefois, nous nous inquiétons de la possibilité que ces accords renforcent le statu quo.
Pour le moment, les parents doivent se tourner vers le marché libre pour trouver des services de garde. Il s’agit de la principale cause de la crise actuelle des services de garde. Nous devons adopter un cadre fédéral, provincial, territorial qui transformera les services de garde en un service administré par le public.
Enfin, la violence familiale a un impact important sur la sécurité économique des femmes. Pour les victimes, les effets sont omniprésents dans tous les aspects de leur vie. Plus du tiers des victimes de violence familiale disent que leur rendement au travail en souffre, ce qui mène parfois à des mesures disciplinaires, y compris la perte d’emploi.
Afin de ne pas punir les femmes victimes de violence familiale, il faut élaborer pour les victimes des stratégies visant le milieu de travail, comme un congé payé pour les aider à prendre les mesures nécessaires pour refaire leur vie et se protéger contre des conjoints violents.
Je vous remercie de nous avoir donné l’occasion de témoigner.
Bonjour. Je vous remercie aussi de me permettre de vous faire part de mes observations dans le cadre de votre étude très importante.
Unifor est le plus grand syndicat du secteur privé au Canada, ou comme nous le disons souvent, principalement du secteur privé, car nous comptons quelques membres du secteur public. Nous regroupons 310 000 membres d'un océan à l'autre du Canada, dont environ 100 000 sont des femmes. Les membres que nous représentons, y compris les femmes, occupent des emplois dans des secteurs divers, allant du contrôle de la circulation aérienne à la vente au détail. De nombreuses femmes travaillent dans le secteur de la santé, ce qui ne vous surprendra pas; dans le secteur des services; dans les services de restauration et comme préposées au service à la clientèle. Nous représentons également des travailleuses de métiers spécialisés.
Vous avez reçu maints témoins. J'ai écouté les statistiques. Vous avez entendu beaucoup de données durant les semaines de votre étude. Je me suis présentée ici ce matin en me sentant un peu comme si j'allais subir un test. J'espère qu'on ne met pas vraiment en doute l'insécurité économique des femmes.
J'ai entendu une affirmation récemment qui m'a vraiment frappée: les femmes ne naissent pas vulnérables; ce sont les lois et les politiques qui les rendent vulnérables. Nous qui sommes réunis ici aujourd'hui, nous pouvons nous attaquer aux obstacles, qui sont propres non pas à l'inégalité des femmes mêmes, mais au système auquel elles sont confrontées.
J'aimerais me concentrer sur deux ensembles d'obstacles auxquels se heurtent les femmes de la classe ouvrière. On parle souvent des deux extrêmes: les femmes très vulnérables et les femmes hautes placées. Ces deux groupes méritent de l'attention, mais je tiens à ce que nous n'oublions pas la majorité des femmes qui travaillent et les répercussions que les politiques ont sur elles.
Unifor croit au syndicalisme social, ce qui veut dire que nous pensons que ce sont des êtres humains entiers qui vont travailler, et notre tâche consiste à examiner les répercussions des politiques à l'extérieur comme à l'intérieur du milieu de travail. La plupart du temps, ces deux aspects sont inextricablement liés. Nous nous penchons sur les indicateurs de l'égalité des femmes. Un grand nombre des enjeux dont il est question, comme la violence envers les femmes, touchent les femmes qui travaillent. Ainsi, en nous concentrant sur le milieu de travail, nous pouvons aussi trouver des solutions très concrètes et ciblées qui agiront sur ces enjeux énormes apparemment insurmontables.
Je ne veux certainement pas que vous pensiez que j'amalgame toutes les femmes de la classe ouvrière ou toutes les femmes qui travaillent. Moi qui suis lesbienne et mère, je sais que de nombreuses politiques n'ont pas la même incidence sur moi que sur mes collègues ayant une identité différente. Je sais aussi que les répercussions ne sont pas les mêmes pour moi que pour les femmes autochtones, racialisées ou trans. Or, nous pouvons trouver des solutions applicables à toutes, malgré les différences.
J'appuie la volonté du gouvernement de combler l'écart salarial entre les sexes, de réduire la ségrégation professionnelle, ainsi que d'éliminer le harcèlement sexuel et la violence. Je vais vous présenter des mesures concrètes que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour atteindre ces objectifs.
Les deux domaines principaux dont je vais parler sont l'accès à de bons emplois et l'équité au travail, ainsi que le soutien aux femmes qui quittent le milieu du travail. Selon nous, tout le monde a le droit d'accéder à un bon emploi, et chaque emploi peut être un bon emploi, un emploi digne et équitable, si des pratiques administratives et des règlements adéquats sont en place. Pour y arriver, il faudra des mesures concrètes, ainsi que des mécanismes d'application et de reddition de comptes.
Quelles mesures positives le gouvernement fédéral peut-il prendre? Je vais vous donner une liste, puis je vais vous parler de deux programmes uniques offerts par Unifor.
Vous devez renforcer les lois sur l'équité en matière d'emploi afin d'augmenter le nombre de femmes ayant accès aux postes traditionnellement occupés par des hommes, sans toutefois négliger les postes traditionnellement tenus par des femmes. Je ne veux pas ouvrir une porte et déclarer: « Allez trouver un bon emploi là-bas, et nous allons laisser tomber les domaines dans lesquels la majorité des femmes travaillent. »
L'accès est primordial, comme toutes les personnes ici aujourd'hui vous l'ont dit. Cela veut dire qu'il faut investir dans des services d'éducation et de garde des jeunes enfants universels, abordables, publics, de haute qualité et sans but lucratif. Encore une fois, les données du Québec montrent que les Québécoises, qui avaient la plus faible participation à la population active au Canada, ont atteint la plus haute participation en quelques années seulement, ce qui remet vraiment en question la notion que nous restons à la maison avec nos enfants uniquement parce que nous le voulons, plutôt que parce que c'est le moins mauvais des choix qui nous sont offerts.
Vous avez accueilli des représentants de Statistique Canada au début de votre étude. J'ai parcouru leurs observations; lorsqu'ils ont demandé qui travaille à temps partiel, la réponse était que ce sont les femmes. Pourquoi travaillent-elles à temps partiel? Elles choisissent de le faire. Une des données était que 25 % des femmes choisissent de travailler à temps partiel pour prendre soin de leurs enfants.
Je vous mets au défi de demander: « Si j'avais la possibilité de confier mes enfants à des services d'éducation et de garde de qualité sans y mettre toute ma paye, serait-ce vraiment mon choix, ou le choix est-il économique? », comme mes collègues l'ont dit.
Il y a aussi des mesures comme augmenter le salaire minimum à 15 $ l'heure, instituer un salaire vital, ainsi que lutter contre le harcèlement sexuel et la violence en milieu de travail, ce qui comprend l'atténuation des inégalités de pouvoir qui mènent le plus souvent à ces situations. La professeure Sandy Welsh de l'Université de Toronto a montré que les emplois précaires et à temps partiel, ainsi que les programmes comme celui des travailleurs étrangers temporaires augmentent les cas de harcèlement sexuel et de violence en milieu de travail.
En outre, il faut adopter des mesures législatives proactives en matière d'équité salariale; exiger la transparence salariale; écarter les obstacles à l'accès aux congés, comme les congés de maternité et parentaux; et, enfin, augmenter l'accès à la syndicalisation. C'est là un élément égalisateur essentiel pour les femmes et nécessaire pour que les droits n'existent pas seulement sur le papier.
Je ne vais pas entrer dans le détail de toutes ces recommandations, mais je tiens à souligner deux domaines dans lesquels je pense que nous avons quelque chose à offrir. D'abord, nos grands employeurs, y compris de nombreux employeurs fédéraux, ont un programme conjoint d'enquête pour les allégations de harcèlement. Nous avons constaté que ce programme, mené par l'employeur et le syndicat, a permis de réduire et de lutter contre le harcèlement sexuel en milieu de travail.
Ensuite, nous offrons le programme d'intervenantes auprès des femmes. Nous avons 350 intervenantes auprès des femmes dans des milieux de travail partout au pays. Leur rôle consiste principalement à aider et à appuyer les femmes victimes de violence familiale. Comme vous le savez sûrement, au Canada, une femme est tuée par son conjoint actuel ou un ancien conjoint tous les six jours, et ce sont surtout des femmes qui travaillent. Ce programme comprend l'évaluation des risques et la planification de la sécurité; il oeuvre également sur le plan des congés payés pour les victimes de violence familiale.
Les enquêtes conjointes, les intervenantes auprès des femmes et les congés payés pour les victimes de violence familiale sont des domaines dans lesquels le gouvernement fédéral peut agir.
La dernière chose dont je veux parler, c'est la bonification du RPC. Vous avez entendu que des femmes à la retraite vivent dans la pauvreté. Je félicite le gouvernement d'aller de l'avant avec la bonification du RPC, mais je dois souligner que le retrait de la clause d'exclusion est manifestement discriminatoire à l'égard des femmes. J'espère que vous pourrez corriger la disposition, car elle agit à l'encontre des femmes qui se retirent temporairement du marché du travail pour s'occuper de leurs enfants.
Merci à toutes de votre présence et de vos exposés éloquents.
Ma première question s'adresse à Mme Howard.
J'ai présidé le comité d'équité salariale, qui a mené une étude exhaustive. Notre recommandation finale était d'adopter une mesure législative proactive en matière d'équité salariale, qui reconnaîtrait que l'équité salariale est un droit de la personne ne pouvant pas être perdu dans une négociation. Pour ce faire, il faudrait notamment abroger la LERSP.
Quand l'Alliance de la Fonction publique a témoigné devant le comité, une des choses qu'on nous a dit — et c'est une des raisons pour lesquelles nous tenions à avoir assez de temps pour faire ce travail —, c'est qu'il s'agit d'un domaine très technique. Dans certains secteurs de la fonction publique, le système de classification des emplois n'a pas été actualisé depuis l'apparition de l'ordinateur personnel. Étant donné le temps qu'il faudra pour mettre ces processus en place, cette fois-ci, nous ne devons pas nous tromper. Presque tous les témoins ont dit sans ambages que la LERSP n'était pas la bonne solution et que cette fois-ci, nous devons veiller à adopter une mesure adéquate.
Je m'interroge sur ce que vous avez dit au sujet de précipiter la loi sur l'équité salariale. J'ai parlé à nombre de fonctionnaires. Je représente une circonscription d'Ottawa; ma circonscription compte donc beaucoup de fonctionnaires, et ils ont affirmé qu'une mesure de ce genre ne pouvait pas être prise rapidement. Cette fois-ci, la mesure doit être adéquate. Sinon, nous perdrons peut-être encore 10 ans à essayer de la renverser.
Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?
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Je suis tout à fait d'accord. Quelqu'un l'a déjà expliqué à l'inverse: que ce n'est pas à cause des femmes qui entrent dans une profession, mais des hommes qui la quittent; la valeur suit donc les hommes qui cherchent d'autres emplois. Avant, les hommes étaient commis de banque. Il existe de nombreux exemples de tels changements.
Au sujet de la ségrégation professionnelle, le comité du gouvernement de l'Ontario qui a mené des consultations dans le but de combler l'écart salarial entre les sexes a parlé de cloisonnement horizontal et vertical. Du point de vue horizontal, on voit qui occupe quelle profession. Ainsi, juste pour expliquer autrement ce que vous venez de dire, si l'on prend les enseignants, les infirmiers, les adjoints administratifs et les électriciens, on constate qu'il y a une asymétrie horizontale liée au sexe dans de nombreuses professions.
Ensuite, lorsqu'on considère les échelons de rémunération dans différents secteurs du point de vue vertical... Je n'adhère pas au rose et au bleu, et je crois en fait à une échelle des sexes, mais par souci de simplicité, disons que si l'on posait un collant rose et un collant bleu sur les postes, on verrait où les gens sont rassemblés en fonction de leur sexe. Je le répète, je ne suis pas convaincue que ce soit par choix. Je pense que l'équité en matière d'emploi se penche un peu sur cela. Même les employeurs sont surpris lorsque nous évaluons l'équité en matière d'emploi. Je ne crois pas qu'ils se disent: « Niain, niain, niain, nous allons flanquer toutes les femmes ici. » À mon avis, ce n'est pas ce que la majorité des employeurs pensent, mais ils sont étonnés par ce qui se produit. Les femmes elles-mêmes sont parfois étonnées. Donc, quand c'est possible... L'examen des systèmes touche cet élément. On obtient une vue d'ensemble beaucoup plus vaste des emplois que les gens occupent et on peut voir d'autres cultures.
Toutefois, aujourd'hui, les femmes sont regroupées dans les mêmes emplois partout dans le monde. D'après moi, c'est là que l'équité salariale entre en jeu — le travail de valeur égale. Considérons la valeur du travail accompli.
Je comprends ce que vous dites, mais je pense que souvent, dans ces conversations, nous devons reconnaître que certaines femmes veulent tout simplement être des mères et rester à la maison. Je suis revenue d'un événement aujourd'hui, à 7 h 30, où l'on parlait du temps que les parents passent à s'inquiéter et qui n'est pas payé. Je m'inquiète de tout, alors je devrais être milliardaire, en ce moment. Mais soyons honnête: comment attribuer une valeur pécuniaire à l'inquiétude? Nous parlons de tous les soins donnés sans rémunération.
Je suis restée à la maison pour prendre soin de ma mère après son triple pontage. J'étais le soutien de ma famille, mais j'ai choisi de rester à la maison parce que je savais que je pouvais prendre soin d'elle et que c'était ce qu'elle voulait. Si mon frère avait pris soin d'elle, il aurait été obligé de donner des soins alors que cela aurait été très inapproprié et difficile pour lui.
Je crois qu'il nous arrive de négliger la valeur de nos instincts maternels. Je pense qu'il est vraiment important, au moment de nous pencher sur ces choses, de tenir compte des instincts maternels, car honnêtement, je suis très chanceuse d'être une députée, mais je suis aussi très chanceuse d'avoir un mariage solide et cinq enfants. Nous pouvons faire les deux. Parfois, je pense que nous visons très loin, mais nous pouvons faire les deux. Ce sont mes préoccupations, quand nous parlons du coup de main qu'il faut. Parfois, nous avons besoin d'un coup de main, mais certaines d'entre nous peuvent et veulent faire les deux. Je pense que parfois, on cherche à donner l'impression que nous sommes écrasées alors que ce n'est pas le cas, car je sais que je peux franchir ces obstacles.
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En répondant à votre question sur le Québec, je me sens un peu comme Dre Danielle Martin quand, aux États-Unis, un sénateur américain l'a interrogée au sujet du terrible système de soins de santé canadien. Elle a dit qu'elle ne pouvait pas lui parler de ce problème, mais qu'elle pouvait lui parler des 43 personnes qui meurent chaque jour. Il y a peut-être une attente de deux ou trois ans au Québec, mais je peux vous dire qu'après sept ans, j'ai renoncé à accéder au programme de garde d'enfants de son école. Il y a des listes d'attente à l'échelle du Canada, et le Québec n'est absolument pas le pire.
Est-ce un système parfait? Absolument pas. Mais cela prouve qu'il est autofinancé, que vous y mettez de l'argent. Pour les femmes qui choisissent d'aller travailler — et je comprends ce que vous dites; que des femmes choisissent de s'occuper de leurs enfants à la maison et de ne pas aller travailler parce qu'elles ont ce choix —, leur revenu contribue au système de revenu.
Je crois en un système universel, plutôt qu'en un système ciblé. Je ne m'oppose pas à l'examen des piliers de l'investissement gouvernemental et des contributions parentales, de sorte qu'on ait une échelle mobile — du moins pour les parents. Je fais écho à ce que je sais que vous avez entendu déjà, et c'est que les programmes qui ciblent les personnes pauvres s'appauvrissent. Nous soutenons les organismes publics et sans but lucratif, car personne ne devrait faire de profits en s'occupant de mon enfant. Cependant, les études démontrent aussi que la qualité du service est meilleure quand il relève du secteur public ou d'un organisme sans but lucratif.
Par rapport à cela, quand les intervenants des services de garde ont de bonnes conditions de travail, il y a moins de roulement. Cela signifie que quand vient la fête des Mères, je n'ai pas besoin d'expliquer encore une fois, à une nouvelle personne, la configuration de ma famille, pour les cartes de fête des Mères — parce qu'il en faut deux. On respecte mes droits humains et ma famille.
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Merci, madame la présidente, et merci à nos invitées.
Je vais adresser ma première question à notre témoin d'Oxfam. Premièrement, je vous remercie beaucoup de faire porter sur un enjeu canadien l'attention d'Oxfam, un organisme de réputation internationale. C'est pour nous une excellente occasion de faire un examen réaliste qui nous permet de constater qu'il y a beaucoup de travail à faire ici même.
Votre « bulletin féministe » vient d'être publié, hier en fait, et dans ce bulletin, Oxfam interpelle le gouvernement en disant: « Peu de mesures tangibles ont été prises pour s'assurer que le travail des femmes est équitablement rémunéré et également valorisé. »
J'ai aussi votre rapport du mois d'octobre, intitulé « Shortchanged: Make Work Paid, Equal and Valued for Women ». Oxfam réclamait dans cela l'adoption de mesures législatives en matière d'équité salariale. Précisons que le gouvernement canadien a promis cela il y a quelque 40 ans, mais qu'on attend toujours.
Existe-t-il de réels obstacles à l'adoption immédiate de mesures législatives en matière d'équité salariale? Avez-vous entendu de vraies bonnes raisons d'attendre jusqu'en 2018?
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Il me revient à l'esprit que l'année passée, aucun témoin entendu par le Comité n'a demandé de délai correspondant à ce que le gouvernement propose maintenant, alors nous allons continuer de faire des pressions.
Je vais maintenant m'adresser à Jennifer Howard ou Lisa Kelly. J'aimerais que l'une de vous me réponde. Nous entendons beaucoup parler des modifications aux pensions que le gouvernement propose dans le projet de loi , et qui représentent une menace pour les régimes à prestations définies sur lesquels bien des femmes à la retraite comptent pour leurs revenus.
De nombreux électeurs de ma circonscription de Nanaimo-Ladysmith m'en parlent. On y trouve de très nombreuses personnes âgées et à la retraite. Ce que j'entends, c'est que la représentation des femmes est plus forte dans les régimes à prestations déterminées. Quand les choses ne vont pas bien, c'est surtout cela qui fait que les femmes à la retraite et les femmes âgées se retrouvent dans la pauvreté.
Cette semaine, nous avons reçu des copies de lettres adressées par le Congrès du travail du Canada et le Syndicat des métallos au ministre des Finances, , lui demandant de retirer le projet de loi et de protéger les régimes à prestations déterminées.
Pour le compte rendu, j'aimerais que vous expliquiez pourquoi ces changements sont si néfastes pour les femmes en particulier, surtout les femmes âgées sans autres sources de revenu, et que vous nous disiez ce que vous recommanderiez au gouvernement de faire pour protéger les pensions de ces femmes.
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À vrai dire, il y a environ deux semaines, nous avons négocié avec un de nos employeurs quatre semaines de congé payé pour les victimes de mauvais traitements.
Ces négociations portent souvent sur trois choses: la désignation d'une intervenante auprès des femmes, la création d'un congé payé pour violence familiale et la mise en place d'une protection contre les mesures disciplinaires. Il en est souvent question en cas d'absentéisme ou lorsque d'autres mesures disciplinaires sont prises, car il y a des répercussions au travail. Il arrive qu'une femme, et parfois un homme, vienne parler de sa vie familiale pour obtenir de l'aide.
C'est ce que nous avons négocié. On ne parle pas de gros chiffres. Les Australiens ont fait une autre étude sur le coût de ce congé dans leur système, et on parle en moyenne de deux jours. Les femmes peuvent comparaître devant un tribunal, et celles qui sont dans des refuges peuvent réorganiser leur vie, et cela signifie que le lien avec le milieu de travail est maintenu. Selon une étude, l'un des principaux indicateurs de sécurité est la sécurité économique. Ces choses sont vraiment liées. D'ailleurs, 8,5 % des femmes ont perdu leur emploi à cause de la violence familiale. Cette étude pancanadienne a été menée par l'Université Western Ontario et le CTC.
Cela peut faire l'objet d'une mesure législative. C'est ce que le Manitoba a fait. L'Ontario a un projet de loi d'initiative parlementaire, tout comme la Colombie-Britannique. Je pense que le gouvernement fédéral a envisagé cette possibilité dans le cadre des consultations sur les horaires variables. Ce n'est pas une chose qui se traduirait par un lourd fardeau pour les employeurs. Cette mesure montre, ce qui est très important, que les femmes disposent d'un soutien dans leur milieu de travail, et elle porte sur une chose qui peut avoir de graves conséquences sur leur vie, y compris leur vie professionnelle.
Je passe à ma prochaine question.
Jennifer, je pense que vous en avez parlé. Vous avez mentionné l'écart salarial et dit, entre autres choses, qu'il s'accentue. J'ai sous les yeux un graphique de Statistique Canada qui indique le contraire. Il a été créé en 2016 et indique que l'écart salarial avait atteint un plateau.
Je vais également attirer votre attention et l'attention des membres du Comité — seulement parce que vous avez parlé de différents gouvernements au pouvoir — sur le fait que la plus importante hausse du salaire des femmes a eu lieu sous Brian Mulroney, un conservateur. La deuxième a eu lieu sous Stephen Harper, qui est également conservateur. Je trouve cela intéressant. Je vous invite à jeter un coup d'oeil au graphique afin de voir la production pour les femmes et leurs salaires.
Je passe à ma troisième observation ou question. J'aimerais parler des emplois qui divisent les hommes et les femmes. Plus particulièrement, l'une des choses que j'entends sans cesse au sujet des femmes — et nous le voyons aussi dans les statistiques — concerne l'accès aux domaines de la science, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques et, bien entendu, l'accès à l'agriculture. Ce sont des domaines dans lesquelles nous voyons habituellement plus d'hommes que de femmes.
Diane, j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Comment pouvons-nous encourager et aider les femmes à se tourner vers ces différents domaines?
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Comme je l'ai dit, nous avons environ 350 intervenantes auprès des femmes d'un bout à l'autre du pays. C'est une chose qui est négociée auprès de l'employeur. L'employeur reconnaît l'intervenante, qui est une sorte d'intendante dont le rôle est d'aider les femmes et les hommes dans le milieu de travail, même si nous savons que la grande majorité des victimes de violence familiale sont des femmes. Des ressources sont mises à la disposition de l'intervenante, comme, chez les grands employeurs, une ligne téléphonique réservée ainsi que des moyens d'entrer en contact avec la personne. La victime et l'intervenante se rencontrent ou, dans le cas d'employés fédéraux qui travaillent un peu partout au pays, elles communiquent par téléphone.
Les intervenantes suivent un programme de formation de 40 heures offert par Unifor ainsi qu'une séance d'information annuelle pour connaître les éléments sous-jacents de la violence familiale, mais aussi les ressources disponibles dans leur collectivité. Elles finissent par très bien connaître les endroits où elles peuvent envoyer les femmes. Elles sont en mesure de les aider à gérer toutes les répercussions sur leur travail, par exemple l'absentéisme ou les problèmes de sécurité qui surviennent parfois.
Par exemple, nous avons eu le cas d'une femme qui travaille pour une compagnie aérienne. Son conjoint, qui avait été reconnu coupable de violence conjugale, s'apprêtait à sortir de prison. Comme elle travaillait dans un espace public, avant la libération de son conjoint, le syndicat a travaillé avec l'employeur pour déterminer à quel endroit elle pouvait travailler à l'abri du public.
Nous avons dû composer avec une situation similaire dans une maison de soins infirmiers, qui est un autre endroit accessible au public. Comment peut-on y planifier la sécurité? Quels protocoles doivent être suivis pour assurer la sécurité de la victime au travail?
En Ontario, il y a eu le meurtre de Theresa Vince et le meurtre de Lori Dupont dans un milieu de travail. En Colombie-Britannique, un gestionnaire a été tué lorsqu'il est intervenu dans une tentative de meurtre visant une employée. Ces choses se produisent dans des milieux de travail, et les intervenantes auprès des femmes reçoivent 40 heures de formation pour savoir quoi faire et comment communiquer avec les victimes.
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Je remercie les membres du Comité de leur invitation à comparaître et du travail qu'ils ont entamé dans ce dossier très important.
Je m'appelle Kate McInturff. Je suis chargée de recherche au Centre canadien de politiques alternatives.
Les membres du Comité doivent maintenant avoir entendu un certain nombre de recommandations concernant ce qu'ils devraient faire. Je vais donc prendre un moment pour parler du coût de l'inaction.
Même si les femmes sont autant scolarisées que les hommes, leur taux d'emploi est encore inférieur dans une proportion de 7 %. L'OCDE estime que cet écart coûte chaque année 8,7 millions à notre économie, et il nous donne la note « b ».
Les femmes qui ont un emploi sont deux fois plus susceptibles de travailler à temps partiel que les hommes. L'année dernière, plus de 700 000 femmes au Canada travaillaient à temps partiel contre leur gré. Parmi elles, 275 000 femmes ont affirmé que c'était attribuable au manque de services de garde. Si ces femmes qui travaillaient à temps partiel contre leur gré avaient travaillé à temps plein, elles auraient gagné 20,6 milliards de dollars supplémentaires l'année dernière.
Dans tous les secteurs d'emploi, les femmes gagnent moins que les hommes, peu importe leur âge ou leur niveau de scolarisation. Si les femmes qui travaillaient à temps plein l'année dernière avaient gagné le même salaire horaire que leurs homologues masculins employés à temps plein, elles auraient gagné 42 milliards de dollars supplémentaires. C'est le coût de l'inaction.
Pour changer les choses, nous devons nous attaquer aux causes profondes de l'inégalité économique, c'est-à-dire le travail non rémunéré, la ségrégation professionnelle et la violence.
Premièrement, les femmes au Canada continuent de consacrer plus de temps que les hommes à du travail non rémunéré. Tant qu'il y aura 24 heures dans une journée, ce travail non rémunéré limitera inévitablement le nombre d'heures qu'elles peuvent consacrer à du travail rémunéré. De plus, les femmes sont ainsi limitées dans le genre de travail rémunéré qu'elles peuvent faire. Nous voyons donc une concentration de femmes exercer des emplois qui leur permettent de faire leur travail non rémunéré. Ces emplois sont dans les domaines de l'infirmerie, de l'enseignement et de la vente au détail. Nous voyons aussi une surreprésentation de femmes qui travaillent à temps partiel.
Deuxièmement, il y a la ségrégation professionnelle. Au Canada, les hommes et les femmes ont tendance à exercer différents emplois. Plus d'une femme sur cinq ayant actuellement un emploi travaille dans le milieu de la santé et des services sociaux, ce qui ne devrait pas mener en soi à un écart de rémunération ou à un taux d'emploi différent si le travail des femmes était apprécié de la même façon. Ce n'est toutefois pas le cas. Les professions que les femmes sont les plus susceptibles de pratiquer comptent parmi les moins bien payées. À titre d'exemple, le revenu d'emploi médian des éducateurs de la petite enfance ou des préposés aux soins à domicile les destine à vivre sous le seuil de la pauvreté.
L'augmentation du nombre de femmes dans des secteurs d'emploi à prédominance masculine pourrait s'avérer avantageuse à long terme pour les femmes. Les choses changent toutefois très lentement. Par exemple, même si le gouvernement fédéral a investi près de 5 millions de dollars au cours des cinq dernières années dans des programmes visant à accroître la participation des femmes dans le secteur minier et le secteur pétrolier et gazier, la proportion de femmes dans ces secteurs est demeurée inchangée, à 19 %. Dans le secteur gazier et pétrolier, l'écart salarial parmi les travailleurs à temps plein reste un des plus importants sur le marché du travail, alors que les femmes gagnent 64 % du salaire de leurs homologues masculins. Je répète que ce chiffre renvoie aux travailleurs à temps plein.
De plus, nous constatons malheureusement que lorsque nous réussissons à intégrer plus de femmes dans des domaines traditionnellement masculins, la valeur que l'on accorde au travail diminue. L'année dernière, d'excellentes études publiées aux États-Unis ont montré qu'une augmentation du nombre de femmes dans un corps professionnel se traduit par une stagnation ou une diminution des salaires.
Troisièmement, la violence faite aux femmes est un problème économique. Même si les femmes victimes de violence fondée sur le sexe représentent tous les niveaux de revenu, il est évident que cette violence est aggravée par l'insécurité économique et qu'elle y contribue. Les refuges signalent invariablement que des femmes retournent dans des foyers violents parce qu'elles n'ont pas les moyens de partir. La violence peut leur coûter leur emploi, leur santé et leur éducation. Justice Canada estime que la violence faite aux femmes coûte plus de 12 milliards de dollars par année à notre économie.
Voici quatre mesures que le gouvernement fédéral peut prendre cette année pour améliorer la sécurité économique des femmes.
Premièrement, il peut investir dans un système universel de garderies de grande qualité géré par le secteur public, ce qui permettrait à un plus grand nombre de femmes de faire à nouveau un travail rémunéré. Cette mesure permettrait également aux travailleuses à temps partiel qui le souhaitent d'occuper un emploi à temps plein. De plus, les femmes monoparentales ne représenteraient plus le groupe de femmes confronté à un des plus hauts taux de pauvreté au Canada.
Deuxièmement, le gouvernement peut investir dans les secteurs où les femmes travaillent. Il est important et nécessaire d'investir dans l'infrastructure, mais les femmes ne représentent encore qu'une fraction des travailleurs dans les secteurs où des emplois seront créés. En investissant autant dans les secteurs où les femmes travaillent, nous verrions une augmentation du taux d'emploi, non seulement pour les femmes, mais aussi pour tous les autres. De plus, nous obtiendrions ainsi une économie diversifiée et, par conséquent, plus stable.
Troisièmement, le gouvernement peut déposer aujourd'hui une loi proactive sur l'équité salariale, ce qui se traduirait par une plus grande sécurité économique pour les femmes, par une croissance économique qui diminue les inégalités plutôt que de les accentuer et par une hausse des recettes gouvernementales.
Quatrièmement, le gouvernement peut mettre en oeuvre un plan d'action national pour mettre fin à la violence faite aux femmes, ce qui contribuerait à accroître la sécurité des femmes, tant à la maison qu'au travail, et à offrir un soutien adéquat aux victimes de violence.
Merci.
Je suis heureuse d'être ici avec ma collègue, Angella MacEwen, qui est notre économiste principale. Je m'appelle Vicky Smallman et je suis directrice nationale du Service de la condition féminine et des droits de la personne au Congrès du travail du Canada.
Le CTC est le porte-parole national de 3,3 millions de travailleurs au Canada. Il réunit des syndicats nationaux et internationaux, des fédérations provinciales et territoriales du travail ainsi que 130 conseils du travail régionaux, dont les membres travaillent dans pratiquement tous les secteurs de l'économie canadienne et exercent presque tous les métiers dans toutes les régions du Canada. Nous sommes heureuses d'être ici pour participer à votre étude sur la sécurité économique des femmes.
Dans notre déclaration, nous avons l'intention de mettre l'accent sur des solutions pour éliminer les obstacles systémiques à la sécurité économique des femmes. Les réalités et les obstacles à la justice économique auxquels les femmes font face sont bien documentés: un accès inégal à des emplois convenables; des taux de chômage, de précarité et de sous-emploi plus élevés; des taux de rétention et de promotion moins élevés; et des salaires inférieurs.
Les Canadiennes ont besoin de mesures pour renverser le statu quo. Les femmes ne jouiront jamais d'une justice économique à moins d'améliorer le sort de chacune d'elles, surtout celles qui sont le plus marginalisées. Nous savons que les obstacles à l'égalité sont plus importants pour les femmes des minorités visibles, les femmes autochtones et les femmes handicapées, ainsi que pour les mères monoparentales. Par conséquent, si nous mettons l'accent sur les femmes qui sont déjà privilégiées, disons, en veillant à ce qu'elles occupent un plus grand nombre de postes de direction, pour reprendre ce qui est dit dans l'étude, nous ne progresserons pas. Comme l'a dit Rosemary Brown: « Tant que nous n'y sommes pas tous parvenus, personne n'y est parvenu. »
Nous voulons présenter des initiatives simples et concrètes que le gouvernement peut prendre sur-le-champ. Premièrement, nous devons déposer une loi proactive sur l'équité salariale. On semble vous l'avoir déjà mentionné. Il n'est pas nécessaire que nous reprenions ce que les représentantes du CTC et d'autres témoins disent depuis 10 ans aux membres de votre Comité et du récent Comité spécial sur l'équité salariale.
Le gouvernement s'est engagé à déposer une loi proactive sur l'équité salariale, mais pas avant la fin de 2018. Nous craignons que ce délai ne permette pas d'adopter la loi d'ici les prochaines élections fédérales, ce qui signifie que les femmes devraient encore attendre avant que justice soit rendue. Le travail est déjà fait, grâce au Groupe de travail sur l'équité salariale qui a formulé des recommandations détaillées sur les mesures à prendre. Les syndicats et les autres experts sont prêts à participer à la rédaction de la loi, alors pourquoi attendre? Faisons adopter cette loi en 2017.
Deuxièmement, il est temps de signer et de financer un cadre national de garde d'enfants. Les services de garde aident les parents, plus particulièrement les mères, à participer au marché du travail. C'est avantageux pour tout le monde lorsque les parents vont travailler en sachant que leurs enfants s'amusent et apprennent dans un milieu sécuritaire. C'est bon pour les femmes, pour les enfants et pour l'économie, mais ce genre de services de garde est difficile à trouver au Canada, et il est difficile de se le permettre.
Le Conseil consultatif en matière de croissance économique a signalé récemment que l'accès répandu à des services de garde abordables au Québec en a fait un chef de file national en ce qui a trait à la participation des femmes au marché du travail. Nous savons que des négociations visant l'élaboration d'un nouveau cadre d'éducation préscolaire et de services de garde sont en cours, ce qui est formidable, mais nous devons nous entendre et accorder du financement aux provinces et aux territoires pour que toutes les familles canadiennes aient accès à des services de garde abordables. Faisons en sorte que cela devienne une réalité en 2017.
Troisièmement, il faut que le congé payé en cas de violence familiale figure dans le Code du travail. La violence familiale a également des conséquences à l'extérieur de la maison. Les gens en souffrent au travail, ce qui compromet leur emploi et leur sécurité. Selon une étude que nous avons menée dernièrement, un travailleur sur trois au Canada a été victime de violence familiale au cours de sa vie, et plus de la moitié des travailleurs ont affirmé avoir été victimes de violence dans leur milieu de travail ou à proximité. Le congé payé en cas de violence familiale peut aider à assurer la sécurité des victimes en leur donnant le temps nécessaire pour échanger avec la police ou des avocats, pour ouvrir de nouveaux comptes bancaires et pour trouver un nouvel endroit où vivre sans craindre de perdre leur emploi.
Le gouvernement du Manitoba a récemment adopté une loi qui donne à tous les travailleurs le droit de prendre cinq journées de congé payé en cas de violence familiale. C'est une première au Canada. Le gouvernement fédéral doit maintenant en faire autant en modifiant le code fédéral du travail. Faisons le nécessaire en 2017.
Nous devons aider les gens qui occupent un emploi précaire. La chose la plus importante que les gouvernements peuvent faire pour eux est d'offrir des services publics universels de grande qualité, comme des soins de santé et des services de garde. Par ailleurs, il est presque aussi important d'avoir une législation efficace en matière de normes d'emploi et d'assurer une mise en application proactive des normes.
Il est vrai que les normes d'emploi édictées par le gouvernement fédéral touchent moins de 10 % des travailleurs. Cependant, il est faux d'avancer que tous les emplois assujettis à la réglementation fédérale sont convenables. Il y a beaucoup d'emplois mal rémunérés dans le domaine bancaire, en télécommunications, dans les aéroports et dans les compagnies aériennes.
Au Canada, les femmes gagnent moins cher que les hommes qui ont une éducation similaire, et elles sont plus susceptibles d'avoir un revenu inférieur au seuil de la pauvreté. Plus de femmes que d'hommes occupent un emploi précaire mal rémunéré. Une femme sur trois gagne moins que 15 $ l'heure, comparativement à un homme sur cinq.
Nous pensons que le leadership du gouvernement fédéral, en établissant un salaire minimum de 15 $ et en mettant sur pied une équipe proactive d'application des normes d'emploi, aiderait non seulement les travailleurs à faible revenu des secteurs assujettis à la réglementation fédérale, mais donnerait aussi une orientation importante aux provinces.
Enfin, nous devons améliorer l'accès à l'assurance-emploi et veiller à ce que le programme remédie aux inégalités observées sur le marché du travail.
L'assurance-emploi pourrait contribuer de trois façons à la sécurité économique des femmes.
Premièrement, selon des travaux de recherche récents, les congés parentaux et les congés de maternité offerts au Québec aident davantage les familles à faible revenu que les programmes offerts dans le reste du Canada. Il y a plusieurs raisons à cela, notamment des conditions d'admissibilité moins strictes, un plus grand nombre de semaines supplémentaires de congé pour les parents n'ayant pas donné naissance — des semaines qu'ils perdent à défaut de les utiliser — et des taux de remplacement du revenu plus élevés pendant certaines parties de la période de prestations. Toutes ces raisons doivent être prises en considération.
Deuxièmement, il faut un supplément amélioré pour les personnes à faible revenu, qui serait versé en fonction du revenu de la personne plutôt qu'en fonction du revenu du ménage. À titre d'exemple, on pourrait fixer un plancher pour les niveaux de prestations.
Troisièmement, il faut améliorer l'accès aux avantages ainsi que le caractère équitable de l'assurance-emploi grâce à une condition d'admissibilité nationale uniforme de 360 heures.
Merci.
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Merci, madame la vice-présidente, merci à tous. Bonjour.
Je m'appelle Megan Hooft et je suis directrice adjointe de Canada sans pauvreté. Je suis accompagnée de ma collègue, Michèle Biss, qui est notre coordonnatrice de l'éducation juridique et de la mobilisation communautaire.
Nous sommes heureuses de présenter notre mémoire qui porte sur trois facteurs essentiels qui influent selon nous sur la sécurité socioéconomique des femmes, à savoir la pauvreté, la nécessité de faire respecter pleinement les droits de la personne et la reddition de comptes par le gouvernement.
Pour ceux qui ne connaissent pas Canada sans pauvreté, il s'agit d'un organisme caritatif constitué en vertu d'une loi fédérale qui se consacre à l'élimination de la pauvreté au Canada. Depuis sa création en 1971, notre organisme national de lutte contre la pauvreté a été dirigé par des gens ayant une expérience directe et concrète de la pauvreté. Cette expérience oriente tous les aspects de notre travail.
Les discussions portant sur les obstacles à la sécurité économique des femmes au Canada arrivent à point nommé. Nous célébrons demain la Journée internationale de la femme, et partout dans le monde, le mouvement féministe est animé d'un dynamisme que nous n'avions pas vu depuis un bon moment.
Dans le contexte canadien, nous semblons être prêts à nous engager dans la bonne direction pour assurer l'égalité des sexes. Notre s'est qualifié de féministe. Dans une lettre adressée aux responsables de la campagne ONE, il a reconnu que la pauvreté vise les femmes et qu'il n'existe aucun endroit dans le monde où elles ont autant de débouchés que les hommes.
En tant que membres d'un organisme national de lutte contre la pauvreté, nous nous réjouissons de ce genre de déclarations publiques. Nous croyons que nos chefs de gouvernement doivent également reconnaître que la pauvreté au Canada est semblable dans une certaine mesure à celle que l'on voit dans des pays en développement. Chez nous, la pauvreté repose sur le sexe des gens. Malgré la richesse économique du pays, les Canadiennes doivent composer de façon disproportionnée avec un taux de pauvreté élevé, des logements inadéquats, l'itinérance et la faim.
Les refuges accueillent deux fois plus de mères monoparentales que de parents issus de familles nucléaires. On estime que les quatre cinquièmes des femmes emprisonnées le sont à cause de crimes liés à la pauvreté. Les prestations d'aide sociale sont inadéquates au point où il n'y a qu'à Terre-Neuve-et-Labrador que les parents seuls reçoivent un soutien qui leur permet de vivre au-dessus du seuil de pauvreté.
Les chiffres sont particulièrement frappants quand ils portent sur les femmes issues de groupes marginalisés. À titre d'exemple, 36 % des femmes autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves sont pauvres. Le taux de pauvreté est également plus élevé chez les femmes âgées, qui représentent 73 % des aînés pauvres qui vivent seuls.
La réputation du Canada en tant que chef de file en matière de défense des droits des femmes est déconnectée de la réalité sur le terrain. En 1995, le Canada s'est classé au premier rang de l'indice d'inégalité de genre des Nations unies, mais il est depuis passé au 25e rang. Au cours des dernières années, l'approche du Canada pour s'attaquer à la pauvreté des femmes s'est révélée fragmentaire et axée sur les interventions d'urgence. Des banques alimentaires au manque de places dans les refuges, en passant par le peu d'argent destiné aux services de garde, les programmes disparates du gouvernement ne représentent que des solutions de fortune. Ils ne s'attaquent pas aux causes systémiques.
C'est une chose de dire que le Canada est un chef de file en matière d'égalité des sexes, mais c'est une tout autre chose d'agir en conséquence.
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Le monde s'attend à ce que le Canada fasse preuve de leadership, et le gouvernement a l'occasion d'éliminer les obstacles à l'autonomisation économique des femmes. Le Canada a une responsabilité partagée par rapport aux objectifs de développement durable, notamment pour ce qui est du premier objectif qui consiste à éliminer la pauvreté, et du cinquième objectif concernant l'égalité des sexes, ainsi que par rapport à ses obligations internationales en matière de droits de la personne.
En octobre 2016, le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes des Nations unies a évalué la conformité du Canada relativement aux droits économiques et sociaux des femmes. Le comité des Nations unies a présenté au Canada un certain nombre de recommandations concrètes, dont beaucoup ont été reprises par les témoins aujourd'hui. Ces recommandations visent directement les obstacles à la sécurité économique des femmes.
J'aimerais plus particulièrement attirer votre attention sur la première recommandation. Le comité demande au Canada de s'assurer que sa stratégie de réduction de la pauvreté et sa stratégie nationale du logement protègent les droits de toutes les femmes grâce à une approche axée sur les droits de la personne et des femmes.
La deuxième recommandation était que le Canada augmente le montant des paiements de transfert aux provinces et aux territoires, qu'il réserve suffisamment de fonds pour l'aide sociale et qu'il établisse des conditions relatives à ces paiements en fonction des droits de la personne.
La troisième recommandation était que nous intensifions nos efforts pour redonner vie à un nombre suffisant de garderies abordables et à des options de logement adéquates.
Ce n'est pas la première fois qu'un organisme des Nations unies nous présente ces recommandations. En fait, ces points ont été énoncés récemment devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, en février 2016.
Il est temps de reconnaître que les femmes ont des droits. Nous devons nous attaquer à la pauvreté compte tenu de nos obligations aux termes du droit international en matière de droits de la personne, et il faut que nos lois, nos politiques et nos programmes en tiennent directement compte. L'adoption de bonnes lois et de bonnes politiques constitue un premier pas, mais il est essentiel qu'elles reposent sur les droits internationaux de la personne.
Nous trouvons très encourageant que le Canada prenne déjà des mesures pour donner suite à certaines de ces recommandations du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et d'autres comités des Nations unies, plus particulièrement au moyen de l'engagement du ministre Duclos à créer une stratégie nationale du logement et une stratégie canadienne de réduction de la pauvreté.
En plus de ces mesures et d'autres initiatives prises par le gouvernement fédéral, y compris les éléments concernant les questions de genre que nous attendons dans le budget de 2017, nous recommandons également que votre comité demande au gouvernement du Canada de, premièrement, mettre en oeuvre un mécanisme d'examen pour évaluer, dans une optique axée sur les droits et le genre, l'ensemble des lois, des politiques et des programmes nationaux qui soutiennent les droits socio-économiques des femmes à la lumière des objectifs de développement durable et des obligations internationales en matière de droits de la personne. Ce mécanisme devrait assurer la contribution d'experts de la société civile et de femmes qui ont une expérience concrète de la pauvreté.
Deuxièmement, nous recommandons que le gouvernement du Canada s'assure que les stratégies nationales comme la stratégie nationale du logement et la stratégie canadienne de réduction de la pauvreté reposent sur un cadre de protection des droits de la personne qui renvoie directement aux obligations internationales en la matière ainsi qu'aux droits économiques et sociaux des femmes.
Nous vous remercions de nous accorder du temps et nous avons hâte de répondre à vos questions.
D'abord, même si, j'en conviens, l'offre d'emplois à temps plein n'est pas infinie, le gouvernement, nous l'avons vu, a fait des investissements pour créer des emplois, par exemple dans les secteurs qui profiteront des dépenses dans les infrastructures. Il faut plus d'investissements fédéraux, en collaboration avec les provinces, dans les services de santé et les services sociaux. Par exemple, je salue l'annonce de l'investissement de 3 milliards de dollars dans les soins à domicile, à cette réserve près que le salaire médian des aides à domicile est actuellement inférieur au seuil de pauvreté. Nous devons y réfléchir. Nous devons songer à investir dans un tel secteur tout en nous assurant que ça se traduira par des salaires décents.
À remarquer aussi que plus du tiers des femmes qui veulent bien travailler à temps partiel le font pour s'occuper de leurs enfants. Des investissements dans les garderies permettront de les libérer. Quand, dans les enquêtes sur la population active, on demande aux sondés qui travaillent à temps partiel les motifs de leur choix, les femmes ne répondent pas qu'elles ne peuvent pas trouver du travail à plein temps. C'est une réponse possible, et, d'ailleurs, beaucoup de femmes la donnent, mais les 275 000 femmes ne disent pas qu'elles ne peuvent pas trouver du travail à temps plein, mais qu'elles ne peuvent pas trouver de services de garderie. Nous en déduisons que des emplois les attendent, mais qu'elles ne peuvent pas en bénéficier faute de services accessibles de garderie.
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Au Canada, nous pouvons nous inspirer d'une excellente expérience naturelle, parce que le Québec a beaucoup investi dans des subventions aux garderies. Je suis sûre que mes consoeurs du Congrès du travail du Canada ont aussi une opinion là-dessus, mais cet exemple du Québec nous donne des leçons à méditer.
D'abord, les seuls frais d'exploitation d'un service de garderie (loyer, frais généraux, salaires des éducatrices, qui, en général, ne sont pas décents, et respect des règlements sur la sécurité) obligent essentiellement à facturer aux parents plus que ce qu'ils peuvent payer.
Mathématiquement, ça n'arrive pas, à moins de recevoir des subventions de l'État. Le marché n'y pourvoira pas, parce qu'une garderie ne peut pas joindre les deux bouts sans facturer aux parents des frais exorbitants.
L'autre leçon du modèle québécois est l'obligation de l'universalité. Je sais que certains disent que ce n'est pas juste. Cette discussion a eu lieu même au Québec. Les personnes bien rémunérées ne devraient-elles pas payer davantage? La réponse est qu'elles le font par les impôts qu'elles paient.
De plus, la non-universalité multiplie la paperasse, ce qui est très cher, et elle privera les Canadiens les plus pauvres de l'accès au service, faute d'adresse permanente, faute de pouvoir fournir tous les reçus demandés et faute de tous les documents nécessaires pour satisfaire aux critères du revenu.
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Merci beaucoup. J'aimerais remercier les témoins de leurs excellents exposés.
Dans l'ensemble, mes questions se concentrent sur les obstacles inconscients et structurels.
Madame Smallman, vous avez mentionné les obstacles systémiques.
Kate, en ce qui concerne la question des femmes et les métiers spécialisés, j'aimerais vous décrire un scénario. Dans le cadre d'une formation en métiers spécialisés au Canada, souvent, les étudiants étudient un certain nombre d'heures dans un collège et ils travaillent ensuite sur le terrain. Pour atteindre le niveau suivant, ils doivent retourner sur les bancs d'école. Dans ma province, le Nouveau-Brunswick — je vais utiliser cette province comme exemple —, lorsque les étudiants reviennent à l'école pour terminer le deuxième niveau du programme, ils doivent peut-être d'abord être admissibles à l'AE, et s'ils ne sont pas, ils doivent payer eux-mêmes les coûts liés au programme, et le cycle continue. Un grand nombre d'entre eux abandonnent donc avant la fin des quatre niveaux qui mènent à la spécialisation.
Selon votre expérience, le taux d'abandon est-il plus élevé chez les femmes? Nous savons qu'il est difficile d'accéder au premier niveau. J'ai observé une nette augmentation du nombre de femmes au niveau collégial, mais je n'observe pas la même tendance au moment de la remise des diplômes, et c'est à cause de ces niveaux. Pourriez-vous nous parler de la capacité d'un parent d'un ou deux enfants de retourner à l'école en comptant seulement sur des prestations d'assurance-emploi, et non sur un salaire régulier?
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Je ferai de mon mieux pour répondre à la question, car cela ne fait pas vraiment partie de mon domaine d'expertise.
J'ai passé un certain temps à examiner le secteur non traditionnel du pétrole et du gaz, parce que nous avons observé qu'on effectue des investissements en vue d'attirer les femmes dans ce secteur. Une très bonne étude a été menée sur les femmes dans le secteur minier, et ces femmes affirmaient que les deux obstacles principaux auxquels elles faisaient face étaient le milieu de travail hostile et l'absence de services de garde d'enfant et d'horaires de travail variables. Lorsque les sociétés minières qui les a embauchées cherchaient des employés pendant cette période — c'était en 2014, et le nombre d'emplois n'était pas à la baisse, mais plutôt à la hausse — et que ces femmes leur ont demandé si une politique ou un plan ou une mesure qui visait l'emploi des femmes avait été mise en oeuvre, elles ont découvert qu'aucune société ne l'avait fait et qu'aucune ne jugeait qu'il y avait des problèmes à cet égard.
Parfois, il s'agit de veiller à établir la communication, mais je pense également que nous voulons que les femmes soient en mesure de travailler dans les secteurs de leur choix et que nous devons les écouter. Si elles soutiennent qu'il y a un manque de service de garde d'enfant ou qu'elles n'ont pas accès à un service de garde d'enfant qui correspond à l'horaire exigé dans certains de ces métiers non traditionnels, ou que la nature saisonnière de l'emploi les force à alterner entre le retour à la formation et le travail, etc., et que les conditions de vie de ces femmes ne leur permettent pas de soutenir ce rythme en raison du travail non payé consistant à fournir des soins, nous devons réfléchir à la façon d'offrir des services de garde d'enfant à ces femmes. Ensuite, nous devons tenir compte des enjeux liés aux préjugés inconscients. Il ne s'agit pas de créer une relation conflictuelle. Il faut dire aux travailleurs qui exercent déjà ces métiers que les femmes sont des personnes très qualifiées qui souhaitent terminer le programme de certification et devenir leurs collègues, et qu'elles sont de bons collègues. Elles ne sont pas différentes de leur femme, de leurs soeurs et de leurs tantes. Il faut leur rappeler qu'ils n'ont qu'à envisager la possibilité que ces femmes puissent entrer dans l'édifice sans devoir passer par le vestiaire des hommes.
Il s'agit vraiment d'établir un dialogue et de répondre à ces femmes et de veiller à les écouter lorsqu'elles décrivent leurs besoins.
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J'aimerais ajouter qu'à mon avis, lorsqu'on pense à des mesures concrètes, on ramène cela à quelques piliers. Par exemple, il faut tenir compte des droits de la personne dans l'élaboration des politiques et des lois, et il faut commencer à réfléchir du point de vue des droits de la personne, de la question de l'égalité des sexes, soit à penser aux répercussions qu'ont ces politiques sur les gens concrètement.
Cela touche ce dont parlait Michèle — la surveillance, la présentation de rapports ponctuels, la transparence, le financement adéquat, et également l'inclusion des gens dans le processus pour savoir ce que cela signifie pour eux et quels sont les effets sur eux.
Si l'on va plus loin et qu'on examine ces politiques, comme celles qui concernent le salaire vital, elles indiquent en fait si elles répondent aux besoins des femmes, et une femme peut faire des observations là-dessus précisément, ou peut-être que son problème concerne les services de garde, et elle peut parler précisément de ce sujet. Or, si elle ne peut aller nulle part ailleurs qu'à Ottawa, et qu'il est impossible pour elle de revendiquer ses droits — droits au logement, à l'alimentation, à un niveau de vie convenable —, elle restera dans le cycle de la pauvreté.
Il faut mettre en oeuvre deux ou trois de ces mesures concrètes, et c'est ce qu'offre le cadre des droits de la personne.
Nous examinons la question de la participation des femmes à la vie politique.
Je souhaite la bienvenue aux déléguées du regroupement Héritières du suffrage qui sont ici. Je ne peux vous dire à quel point nous sommes enchantés de votre présence.
Ce qui se passe à la période des questions n'est pas à l'image de ce qui constitue la plus grande partie de notre vie de députés. C'est vraiment bien que vous soyez ici pour avoir une idée du caractère collégial des travaux que nous menons en comité et voir à quel point à titre de députés, tous partis confondus, nous passons la majeure partie de notre temps à collaborer.
Je vous ai déjà parlé. Nous allons procéder de la gauche vers la droite. Vous disposez chacune de trois minutes, et nous vous poserons des questions pendant 15 minutes par la suite.
Je veux dire aux membres du Comité que je sais que normalement, nous suivons une structure établie pour les questions. La greffière dressera une liste de personnes qui veulent poser des questions. Nous essayerons de nous en tenir à environ une question par parti, et de limiter les interventions à trois minutes, de sorte que nous assurions un certain équilibre.
Alana, bienvenue. Vous êtes la toute première déléguée d'Héritières du suffrage à témoigner devant un comité. Je crois comprendre que vous nous parlerez de la question de la violence contre les femmes. Alana, c'est à vous. Merci.
Je m'appelle Alana Robert. Je suis membre de la nation métisse du Manitoba. Je suis tellement fière d'être la première femme de ma famille qui étudie à l'université.
J'ai toujours voulu faire carrière en droit pour contribuer à la lutte contre la violence et l'exploitation graves que subissent des femmes autochtones dans notre pays. J'étudie présentement à l'école de droit Osgoode Hall.
Je me rappelle très bien le moment où ce rêve s'est confirmé, soit lorsque j'ai pris la parole à l'occasion d'une marche pour la défense des droits des femmes il y a à peine quelques années. Dans la foule, j'ai aperçu une jeune fille autochtone, âgée de huit ans peut-être, qui tenait une pancarte sur laquelle on pouvait lire « suis-je la prochaine? ». C'est à ce moment que j'ai compris que nos jeunes soeurs autochtones devraient pouvoir rêver à l'avenir plutôt que de rêver pour l'avenir, et j'ai donc commencé à essayer de créer un espace plus sécuritaire autour de moi pour les femmes qui m'ont entourée dans ma vie.
À l'Université du Manitoba, j'ai créé un groupe qui s'appelle Justice For Women. J'ai regroupé des organisations et des dirigeants de la collectivité pour créer des ateliers sur la culture du consentement.
Ces ateliers ont aidé à informer les étudiants sur la question du consentement et les manières dont on peut concevoir des programmes destinés aux étudiants pour réduire les risques de violence sexuelle. Puisqu'il y avait des réticences, j'ai revendiqué avec succès l'adoption d'une politique qui rend cette formation obligatoire pour les étudiants de toutes les facultés de la plus grande université de ma province.
J'ai ensuite conçu un centre de ressources pour les victimes de violence sexuelle qui est au service de notre population et j'ai obtenu des fonds pour son administration.
Ce travail a des répercussions chez moi, au Manitoba, mais il ne représente qu'un seul volet de ce que nous pouvons faire pour créer un environnement plus sécuritaire pour les femmes, en particulier les femmes autochtones, qui comptent un plus grand nombre de victimes de violence sexuelle.
Je connais des étudiantes qui, en classe, ne sont séparées que de quelques sièges d'un étudiant qui a commis un acte de violence contre elles, et des étudiantes qui ont recours aux services de Justice For Women parce qu'elles ne savent pas à qui s'adresser ou parce qu'il n'y a pas d'autres ressources.
Nos femmes sont laissées pour compte et beaucoup de travail nous attend. Le gouvernement peut aider des groupes de défense comme le mien à créer la première génération qui vivra dans un milieu exempt de violence contre les femmes.
Avec votre appui, nous pouvons élaborer une politique nationale obligeant tous les établissements d'études postsecondaires à offrir aux étudiants une formation complète sur le consentement, des centres d'intervention, et des ressources accessibles. Nous pouvons soutenir la création de centres communautaires offrant tous les services dans un même endroit où des femmes fuyant la violence peuvent se rendre pour obtenir des services d'assistance juridique, de consultation et de planification financière, et pour participer à des activités culturelles.
Cela peut réduire le risque que les femmes soient traumatisées de nouveau, ce qui se produit lorsqu'elles sont forcées de répéter leur histoire à maintes reprises. C'est d'autant plus important pour les femmes autochtones, qui sont particulièrement ciblées, pour que leur sécurité soit assurée.
Bon nombre de milieux dans lesquels vivent nos jeunes en général et nos jeunes femmes autochtones sont propices à la violence. Nos femmes sont capables de réaliser de grandes choses, ce qui peut se concrétiser si nous favorisons une vie en société qui les aide à s'épanouir pleinement.
Merci.
Bonjour. Je m'appelle Shania Pruden. Je représente la circonscription d'Elmwood—Transcona, à Winnipeg, au Manitoba.
Saviez-vous que selon l'Association des femmes autochtones, les femmes autochtones sont presque trois fois plus à risque d'être assassinées par un étranger que les autres femmes? C'est très difficile à accepter, car cela suscite de la peur chez bon nombre de Canadiennes autochtones, moi y compris.
Une tendance importante qui est observée, c'est qu'on véhicule des stéréotypes négatifs sur ces femmes disparues ou assassinées. Des gens disent « oh, elle avait couru après » ou « oh, elle avait fait une fugue » et même parfois « elle l'a mérité ». Qu'est-ce qui pousse quelqu'un à dire une chose pareille? On prend alors conscience du fait qu'au pays, il y a encore des gens qui n'ont que faire de l'égalité et de l'idée de faire du Canada un meilleur endroit, un endroit plus sécuritaire pour tous.
J'ai peur lorsque je descends de l'autobus et que je marche jusqu'à chez moi le soir, mais même en public, je perds ma confiance en moi. Mes parents m'ont dit à maintes reprises que je ne pouvais plus prendre un taxi en raison des événements qui se sont produits à Winnipeg récemment. Pourquoi en est-il encore ainsi en 2017?
Parmi les choses que je n'ai jamais dites à beaucoup de personnes, il y a les raisons pour lesquelles je m'habille de la façon dont je m'habille et j'agis de la façon dont j'agis. C'est que cela me fait sentir plus courageuse et en sécurité. Si je m'habillais comme une fille, les gens sauraient que je suis une fille et je me ferais sans doute harceler pour cette raison. Si je m'habille comme un garçon, personne ne me harcèlera. Les gens s'éloigneront rapidement, car ils se diront que je ne suis qu'un garçon. Pourquoi dois-je faire une telle chose pour pouvoir vivre sans danger?
La chose qui m'a le plus frappée, c'est la mort d'une fille de 15 ans. Elle s'appelait Tina Fontaine. On a retrouvé son corps dans un sac, dans la rivière Rouge. C'est terrible, car elle n'avait que 15 ans. Elle n'a pas pu obtenir son diplôme d'études secondaires, se marier ou fonder sa propre famille. On lui a volé sa vie.
Perdre une soeur, c'est difficile. Ma soeur aînée s'est suicidée, mais ma famille sait de quoi elle est morte. Pouvez-vous vous imaginer les pensées qu'ont les familles qui savent que leur fille, leur soeur ou leur mère se trouvent quelque part, mais qui ignorent si elles sont toujours vivantes.
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Je vous remercie tous beaucoup de m'accueillir ici aujourd'hui.
Je m'appelle Natasha Kornak, et je suis la déléguée des Héritières du suffrage pour la circonscription de Calgary Confederation.
Il y a à peu près un an, j'ai lancé la campagne Right2Know en Alberta, qui travaille à mettre fin à la violence sexuelle dans la province.
Je crois que trois éléments principaux sont essentiels pour éliminer la violence sexuelle et ses conséquences: éducation, création de ressources de santé publique fiables et réforme de notre système de justice dans le but de le rendre plus responsable envers les gens qui font des allégations d'agression sexuelle.
Mon activisme est axé avant tout sur une réforme du programme de santé sexuelle qui est enseigné aux jeunes en Alberta pour y inclure le consentement, les moyens de prévenir la violence sexuelle et d'affronter les conséquences de la violence sexuelle, et la façon de maintenir des relations saines. C'est une chose à laquelle je travaille à l'échelle provinciale avec l'aide de bon nombre de députés provinciaux exceptionnels de différents partis en Alberta.
Toutefois, je crois que le gouvernement fédéral a l'obligation et la capacité de contribuer en ce qui a trait au troisième pilier du plan que je viens de décrire: la réforme de notre système de justice.
Quand j'étais plus jeune, des garçons de ma classe s'en prenaient à moi. J'ai demandé l'aide de mes enseignants, qui m'ont dit que les garçons agissaient ainsi parce qu'ils « m'aimaient bien ». Nous mettons les agressions contre les femmes sur le même pied que l'affection, ce qui semble ridicule lorsqu'on le dit à haute voix. Or, nul besoin de regarder au-delà de notre système de justice pour constater que c'est le cas. Quand on pense au juge Robin Camp, de l'Alberta, qui a dit à une femme qu'en serrant ses genoux, elle aurait pu éviter de se faire violer, ou au juge Greg Lenehan, de la Nouvelle-Écosse, qui a déclaré qu'une personne en état d'ébriété peut accorder son consentement, on constate que notre système de justice laisse tomber les personnes qui ont le courage de faire des allégations d'agression sexuelle.
Aujourd'hui, je demande au Comité d'envisager de mener une étude sur la possibilité d'adopter une déclaration des droits pour les personnes qui survivent à la violence sexuelle et sur l'efficacité d'une telle mesure. À l'heure actuelle, la qualité des soins auxquels ces personnes peuvent avoir accès au pays varie grandement. Par exemple, bon nombre de gens qui vivent dans des collectivités rurales et du Nord, n'ont pas accès à des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et à une trousse médico-légale.
En outre, une enquête menée récemment par le Globe and Mail a révélé qu'en moyenne, une allégation d'agression sexuelle sur cinq est rejetée parce qu'on considère qu'elle n'est pas fondée, souvent en raison d'un manque de preuves matérielles. L'enquête a également révélé que les détectives du pays supervisent des dossiers de violence sexuelle sans avoir reçu de formation psychosociale appropriée.
Dans la salle d'audience — si une cause se rend aussi loin —, souvent, le résultat n'est pas meilleur. Dans certains cas, les juges refusent de permettre à un avocat de lire une déclaration de la victime au nom de la plaignante. Il y a des juges, comme les deux que j'ai mentionnés, qui menacent la personne plaignante comme si c'était elle qui était au banc des accusés, et qui mettent en doute ses comportements sexuels antérieurs, ce qui constitue une violation flagrante du paragraphe 276(1) du Code criminel du Canada. Il n'est guère étonnant que 90 % des femmes canadiennes ne dénonceront jamais les agressions dont elles sont victimes.
Une déclaration des droits des personnes survivantes devrait inclure, entre autres, ceci: le droit d'être avisé des options de dénonciation qui existent; le droit à la défense de la victime; le droit de demander que le détective qui supervise le dossier soit remplacé par un autre détective; le droit à des services de consultation et à des services médicaux accessibles; et le droit à ce que la trousse médico-légale soit conservée ou détruite à la demande de la personne survivante.
Depuis trop longtemps, notre système de justice traite l'agression sexuelle comme un crime mineur, comme une chose qui se règle avec une tape sur les doigts. Il ne fait aucun doute que pour cette raison, la violence sexuelle existe toujours dans notre pays, ce que notre gouvernement ne devrait pas tolérer. Nous avons l'obligation d'établir des dispositions visant à protéger les droits des personnes qui survivent à la violence sexuelle. Votre comité a l'occasion de changer les choses, et j'espère qu'il prendra des mesures en ce sens.
Merci beaucoup.
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Oui, madame la présidente.
En ce qui concerne votre première question, je crois que ce qu'il est vraiment important de dire, c'est que lorsque nous parlons d'autonomisation, nous parlons souvent des femmes. Je crois qu'on néglige souvent quelque chose dans cette discussion, surtout chez les dirigeants politiques, et je parle de l'intersectionnalité. Nous sommes toutes les trois d'origine autochtone. Je pense que quand nous parlons d'intersectionnalité concernant les femmes, nous devons parler de la mesure dans laquelle ces questions ont des conséquences pour les femmes à différents égards: femmes autochtones, femmes de couleur, membres de la communauté LGBTQ, et femmes bi-spirituelles. Tous ces différents éléments qui touchent les femmes forment un ensemble et divergent. Lorsque nous parlons d'essayer de susciter l'autonomisation chez les femmes, ces efforts ont différents effets selon les divers niveaux d'intersectionnalité. Voilà une chose qui est très importante. Nous ne pouvons pas mettre tout le monde dans le même panier, mais nous ne pouvons pas non plus faire de l'individualisation. Je crois que c'est une question très complexe, et c'est la raison pour laquelle je pense que les travaux de votre comité sont très importants.
Pour ce qui est de la question sur les mentors, j'ai la chance incroyable d'avoir été aidée par des politiciennes ces dernières années. L'une des plus importantes, c'est ma députée, de l'Alberta, Mme Leela Sharon Aheer. C'est l'une des personnes les plus extraordinaires à avoir appuyé cette campagne dès le début, et je suis tellement reconnaissante d'avoir son soutien. Une autre personne que je suis reconnaissante de connaître, c'est l'honorable , qui est probablement l'une des militantes féministes en politique les plus remarquables. Elle soutient également cette campagne. Je suis très choyée d'être influencée par ces femmes. J'ai hésité à même envoyer ma lettre au ministre de l'Éducation de l'Alberta pour exprimer mes inquiétudes au sujet de l'éducation sexuelle. Je me suis dit que si elles peuvent le faire, pourquoi ne le pourrais-je pas?
J'espère que cela répond à votre question.
Encore une fois, mesdames, merci de votre présence.
À titre d'information, dans ma carrière précédente, j'ai passé la majeure partie de mon temps à m'occuper de ce dont vous venez de parler. J'ai travaillé dans les forces de l'ordre pendant 35 ans, et j'ai eu affaire à un grand nombre de jeunes femmes qui ressentaient la même peur que vous avez ressentie beaucoup trop souvent. J'ai collaboré avec un certain nombre d'enseignants d'écoles secondaires et, ensemble, nous avons enseigné les droits sexuels et les responsabilités à cet égard dans le cadre du cours de préparation à la vie personnelle et professionnelle. C'était avant que vous naissiez. Ce que je trouve vraiment inquiétant, c'est que les choses ne se sont pas améliorées depuis. Vous faites toujours face aux mêmes difficultés. Le système de justice a une tâche ardue. Dans le milieu policier, nous sentons les mêmes difficultés.
L'honorable Rona a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui, nous l'espérons, permettra au moins de commencer à réformer le système de justice, comme vous le dites, Natasha. J'aimerais savoir ce qui en résulterait, d'après vous, et quelles autres mesures pourraient contribuer à la réforme du système de justice, à votre avis.
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C'est une question que j'ai portée à l'attention de la ministre de la Justice de l'Alberta, Kathleen Ganley. Elle ne s'est pas montrée très accueillante concernant ce que j'ai soulevé, mais je crois que c'est parce que c'est au fédéral qu'un tel projet de loi doit être adopté.
En fait, je vais rencontrer cet après-midi pour discuter du projet de loi. Je crois qu'il s'agit d'une première étape très importante. Comme je l'ai dit, les femmes qui dénoncent des agressions sexuelles sont souvent traitées comme si c'étaient elles qui étaient au banc des accusés. Je crois que cela s'explique par la sexualisation des femmes.
Je pourrais lancer une diatribe à ce sujet, mais je pense qu'il y a un autre élément concernant le système de justice qui commence dans les services de police.
Comme je l'ai dit, le Globe and Mail a publié un rapport et si vous ne l'avez pas lu, je vous encourage fortement à le faire. Il est intitulé Unfounded. On y indique qu'en moyenne, une allégation d'agression sexuelle sur cinq est rejetée parce qu'on considère qu'elle n'est pas fondée, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de preuves — matérielles ou circonstancielles — justifiant que des accusations soient portées. La plupart du temps, nous constatons que les policiers qui supervisent ces dossiers ne sont pas prêts à collaborer entièrement et qu'ils ont des doutes sur la victime dès le départ. Il faut d'abord que des dispositions soient adoptées à cet égard, à mon avis, de sorte que nous nous assurions que les causes sont entendues par un tribunal.
Si nous ne voyons pas de causes se rendre à l'étape des poursuites judiciaires, c'est entre autres parce que le système de justice coûte cher, et les gens considèrent qu'il ne vaut pas la peine d'utiliser l'argent des contribuables pour poursuivre un violeur. Cela nous ramène à la question de la sexualisation des femmes.
Les gens oublient que les agressions sexuelles coûtent cher. Elles coûtent 2 milliards de dollars par année à notre économie canadienne. On parle de frais médicaux, des coûts des médicaments pour traiter les infections transmissibles sexuellement, des grossesses imprévues, des services de consultation, des traumatismes et de l'absence au travail ou à l'école. Nous devons tenir compte de l'ensemble de la situation et faire en sorte que la justice soit un élément nous permettant de veiller à la santé et à la réussite des femmes et de tout le monde, mais surtout des femmes qui sont victimes de violence sexuelle.
Je suis désolée d'avoir fourni une si longue réponse.
Je vous remercie de votre présence et de vos témoignages. Je sais qu'un rapport sur la violence contre les jeunes femmes et les filles sera bientôt présenté au Parlement, et mes collègues du NPD s'inspirent de vos témoignages.
Je veux vous remercier tout spécialement, Shania, de représenter aussi bien Elmwood—Transcona — ma circonscription —, et d'avoir fait preuve d'autant de courage en nous racontant votre expérience personnelle. Je crois qu'il est important que nous la connaissions tous. Nous parlons souvent de ces questions sur le plan des politiques, et c'est un peu aride et cela a peu à voir avec les répercussions que de telles choses ont sur la vie des gens. Je vous remercie d'être parmi nous et de nous rappeler à quel point ces choses sont importantes et ce qu'elles signifient pour les gens sur le terrain.
Dans le but d'essayer d'intégrer à ce que nous faisons ici — qui a peu de choses à voir avec la vie de tous les jours des gens et est considéré comme tel — ce qui se passe sur le terrain, je me demande si chacune d'entre vous veut prendre un moment pour nous dire ce qu'elle pense, concernant une mesure concrète...
Nous parlons de problèmes et ce sont de graves problèmes, et bon nombre d'entre eux sont reliés, et il est parfois difficile de comprendre simplement par quoi il faut commencer. À votre avis, qu'est-ce qui constituerait une mesure utile que pourrait prendre le gouvernement — pour commencer — si nous voulons faire bouger les choses et avancer vers une culture plus sécuritaire pour les femmes? Comment pouvons-nous commencer à faire cela ici, à Ottawa? Quelles sont les premières étapes?
Alana pourrait commencer.
Merci.
Les conditions de vie de la plupart des Canadiens sont vraiment enviables. On a ici les meilleurs modèles de droits humains en matière de droits civils et politiques. Toutefois, encore en 2017, les droits économiques et sociaux sont relégués vraiment au deuxième plan. Ils ne sont pas protégés par la Charte canadienne des droits et libertés ni par aucune autre disposition législative canadienne, notamment le droit au logement convenable. J'insiste sur le fait qu'il est temps que cette situation change et que le droit au logement convenable au Canada reçoive une meilleure protection législative, voire constitutionnelle.
Aujourd'hui, je souhaite brièvement aborder la question des femmes et du logement. L'objectif de mon intervention est de vous communiquer que l'accès au logement convenable, sécuritaire et stable est nécessaire au développement et à l'épanouissement de chaque Canadienne, ainsi qu'à l'avancement de la condition féminine. En effet, 50 % des femmes au Canada sont locataires. Parmi elles, deux sur cinq dépensent plus de 30 % de leur revenu pour se loger, ce qui est effarant dans un pays aussi développé que le Canada. Il y a aussi le fait que l'accroissement de l'accès au logement va se faire d'abord et avant tout par l'augmentation du nombre de logements sociaux partout au Canada.
Compte tenu que les femmes sont plus vulnérables économiquement, notamment à cause des réductions importantes survenues dans les programmes provinciaux d'assistance sociale; compte tenu qu'à l'heure actuelle une pénurie de logements décents et abordables est causée notamment par l'embourgeoisement — ce qui réduit le nombre de logements disponibles — et surtout par le fait que, depuis les années 2000, le parc locatif canadien s'est principalement développé autour de la construction de condos luxueux et non de logements abordables pour les personnes qui en ont besoin; compte tenu qu'il existe une discrimination répandue en matière de logement à l'égard des femmes seules avec des enfants, des femmes autochtones et des femmes ayant recours à l'assistance sociale; compte tenu que ces trois éléments ont pour conséquence, dans plusieurs cas, de construire des obstacles parfois insurmontables pour les femmes qui cherchent à fuir la violence conjugale, en particulier les femmes immigrantes qui ont un filet social beaucoup plus limité; compte tenu que du fait de ces obstacles, de nombreuses femmes n'ont d'autre choix que de revenir ou de rester dans des milieux violents; compte tenu qu'autrement, les femmes se retrouvent souvent sans logement suffisant convenable pour elles et leurs enfants; compte tenu qu'il y a une augmentation du nombre de femmes itinérantes, particulièrement chez les immigrantes, les autochtones et les aînées, qui se retrouvent souvent sans revenu convenable pour pouvoir payer un logement; et, finalement, compte tenu que près de 95 % des organismes qui interviennent pour le logement des femmes ont été contraints, dans les dernières années, à refuser de loger des femmes par manque de places, je considère qu'il est nécessaire d'établir une stratégie pancanadienne sur le logement qui tienne compte de la situation particulière des femmes, en procédant par une analyse différenciée selon les sexes, et qui réponde au besoin criant d'augmenter le nombre de logements sociaux pour les Canadiens et les Canadiennes.
Merci.
Bonjour à tous. Je vous remercie infiniment de nous accorder de votre temps aujourd'hui. Je m'appelle Antu Hossain et je représente la circonscription de Beaches—East York.
J'aimerais vous parler de l'une des formes de violation des droits de la personne les plus condamnables au Canada, c'est-à-dire la détention de migrants. Je vais commencer par vous raconter l'histoire de Lucia Vega Jimenez. Lucia était une réfugiée mexicaine de 42 ans détenue par l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC, parce qu'elle ne venait pas du Canada. Même si Lucia a montré aux agents de l'ASFC les cicatrices d'incidents passés de violence conjugale, ils sont allés de l'avant avec sa déportation. Elle était détenue dans un centre de surveillance de l'immigration en attente de sa déportation quand elle s'est pendue. Ce n'est pas chose rare.
Entre 2006 et 2014, le gouvernement canadien a détenu 87 317 migrants, dont la majorité faisait partie de groupes racialisés. Au Canada, en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, les migrants sont détenus dans des centres de surveillance de l'immigration de sécurité moyenne ou dans des prisons provinciales de sécurité maximale s'ils présentent un danger pour le public, si leur identité n'est pas connue ou s'ils arrivent sans les documents requis.
Comme vous pouvez l'imaginer, ces raisons sont si générales et catégoriques que beaucoup de migrants peuvent être jugés dangereux. Pour empirer les choses, beaucoup de migrants se font refuser l'accès à des services juridiques. Ils n'ont donc pas accès à un traitement judiciaire juste, et certains migrants sont détenus depuis plus de 11 ans au Canada. Il est troublant que les migrants soient le seul groupe au Canada à être criminalisé pour des raisons d'immigration de nature clairement administrative.
Non seulement est-ce un problème, mais le Canada est le seul pays de l'OCDE à exercer la détention de durée indéterminée. Il n'y a pas de limite à la durée de détention après laquelle les migrants seraient libres, ce qui signifie encore une fois qu'ils peuvent être détenus plus de 11 ans ou indéfiniment.
Depuis 2000, 15 détenus sont morts pendant qu'ils étaient sous la responsabilité de l'ASFC, et 3 d'entre eux sont morts dans des prisons provinciales de l'Ontario. La cause de décès la plus commune, c'est l'inaccessibilité à des soins de santé, puis le suicide, deux causes souvent évitables, mais inexpliquées. La population la plus vulnérable est celle des mères monoparentales, des femmes enceintes et des enfants, et ce sont en majorité des personnes racialisées. Une sur trois est autochtone. Les femmes avec enfants doivent choisir entre garder leurs enfants avec elles en détention ou en être séparées. Ainsi, 232 enfants passent du temps dans des centres de surveillance de l'immigration.
Le fait de n'avoir aucune idée de sa date de libération cause de la détresse psychologique, des traumatismes et des dépressions, d'autant plus que les migrants ne peuvent pas être expulsés pour des raisons juridiques ou pratiques.
Après la mort de trois détenus à l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement libéral, trois migrants ont fait la grève de la faim afin d'exiger la fin des détentions de durée indéterminée et l'amélioration des conditions misérables d'emprisonnement, qui sont illégales. À l'époque, le avait annoncé son plan de réforme du système de détention des immigrants au Canada grâce à un investissement de 138 millions de dollars pour favoriser les solutions de rechange à la détention et reconstruire des centres de surveillance de l'immigration.
Cependant, cette proposition a été critiquée puisqu'elle ne s'attaquait pas à la cause principale de la détention de migrants et qu'elle se trouvait à accroître la capacité du Canada de criminaliser des migrants. Leurs défenseurs réclamaient une limite de 90 jours à la période de détention légale, après laquelle les migrants devraient être libérés, et un accès accru à des services de santé mentale.
Nous avons besoin de mesures pour nous assurer de la reconnaissance et du respect des droits de la personne et des besoins en matière de santé des migrants. Cela signifie d'adopter la durée limite de détention recommandée par les Nations unies, de permettre l'accès à des services de santé mentale et de cesser de mélanger les populations de migrants et de criminels.
Merci.
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[
Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]
Bonjour. Je m'appelle Teanna Ducharme. Mon nom traditionnel est Aygadim Majagalee, et je fais partie de la Nation Nisga'a, de la communauté de Gitwinksihlkw. Je représente aujourd'hui la circonscription de Skeena—Bulkley Valley.
Chères matriarches, distinguées témoins, soeurs, je me tiens devant vous aujourd'hui non seulement à titre d'héritière du suffrage, mais en tant que soeur en solidarité avec vous. Je suis une femme autochtone, et c'est pour moi un honneur d'être ici, d'être assise parmi vous toutes. C'est également un honneur qui vient avec beaucoup de responsabilités, des responsabilités non seulement envers mon peuple, mais aussi envers ma communauté, envers mes frères et soeurs autochtones, envers mes frères et soeurs canadiens et envers cette terre.
Plutôt que de vous parler des batailles des 100 dernières années, j'aimerais donner une nouvelle tangente à la conversation. J'aimerais que nous partions à la découverte des 100 prochaines années de possibilités, des 100 prochaines années de révolution. Imaginons un instant que cette révolution soit menée par des femmes. J'imagine un Canada qui respecte et honore les voix de tous les Canadiens en tant que partenaires égaux. J'imagine un Canada qui protège nos femmes et les défend. J'imagine un Canada faisant preuve d'un leadership fort, qui montre à quel point toutes les personnes sont égales.
Je souhaite vous parler aujourd'hui de toutes les connexions entre le pouvoir foncier et l'autonomisation des femmes. C'est une théorie que j'ai commencé à élaborer il y a quelques années, quand j'ai commencé à me demander pourquoi il y avait tant de violence envers nos femmes, tant de violence dans ma communauté. J'ai pris un pas de recul, je me suis mise en mode observation, puis je me suis rendu compte de toute la destruction de nos terres.
Comme vous le savez, la terre est une entité féminine. C'est notre Terre mère. Tant que le Canada permettra qu'on fasse ainsi violence à la terre, il permettra du même coup la perpétuation de la violence envers nos femmes. Nous devons apprendre à protéger la terre, parce que quand on protège la terre, on protège aussi les femmes.
L'une des façons des plus redoutables dont le Canada peut s'assurer d'honorer non seulement les droits des peuples autochtones, mais aussi les droits de la terre consiste à honorer la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je sais que le Canada déploie des efforts pour la mettre en oeuvre, mais nous devons vraiment y mettre plus de coeur. On parle de vérité et de réconciliation, mais nous n'en sommes pas encore à l'étape de la réconciliation, nous en sommes à l'étape du dévoilement de la vérité. Nous en sommes à un stade où vous créez un espace pour nous accueillir afin que nous venions vous dévoiler notre vérité, ce qui nous permettra de parvenir à la réconciliation, mais nous n'y sommes pas encore.
Par conséquent, je vous encourage toutes et chacune à aller voir vos communautés, à aller voir vos dirigeants et à commencer à leur poser des questions sur les moyens qu'ils prennent, chacun selon leur rôle, pour contribuer à la mise en oeuvre de cette déclaration ainsi qu'au dévoilement de la vérité et à la réconciliation.
Merci beaucoup.
[Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]
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J'aimerais d'abord remercier le Comité de nous accueillir et remercier le Parlement de nous avoir invitées cette semaine, nous, déléguées d'Héritières du suffrage. Je remercie aussi mes collègues d'avoir témoigné. On a mis le doigt sur des enjeux très importants.
Mon nom est Élisabeth Gendron, représentante de la circonscription de Trois-Rivières. Je suis ici pour vous parler d'accès à la justice. En effet, l'accès à la justice est un enjeu inquiétant au Canada et plus particulièrement au Québec. L'accès à la justice est très inégalitaire, surtout si on compare la situation des gens plus fortunés à celle des gens qui ont moins de moyens. Cette inégalité se constate également entre les hommes et les femmes. À la suite de ces constats, il est illogique de dire que notre système de justice est censé être l'assise de protection du citoyen vulnérable s'il échoue à remplir son rôle à cause de la complexité du processus judiciaire et du manque de ressources pour les plus démunis.
L'inégalité judiciaire des gens se voit particulièrement dans le domaine du droit de la famille, alors que les femmes vivent parfois des situations de violence conjugale et que le droit n'est pas adéquatement aménagé pour les protéger — elles et leurs enfants — d'anciens conjoints violents. De même, lors des procédures de divorce, il arrive souvent qu'elles n'aient pas accès à un avocat par manque de moyens financiers ou parce que le programme d'aide juridique est complètement débordé par les milliers de demandes reçues chaque année.
À titre d'exemple, en 2014, la clinique juridique Juripop, qui offre des services d'avocats à moindre coût, constatait dans son rapport annuel que la majorité de sa clientèle en droit familial était constituée de femmes mères de famille monoparentale avec un ou deux enfants. C'est une situation que j'ai pu constater moi-même lorsque j'ai effectué un stage au sein de cet organisme.
De même, en 2016, la Commission des services juridiques du Québec constatait qu'en matière familiale, civile et protection de la jeunesse, les femmes constituaient 62 % de sa clientèle.
Ce problème se voit aussi beaucoup dans le système de justice pénale. Le groupe qui était ici il y a peu de temps en a parlé. Les femmes sont statistiquement plus souvent victimes qu'accusées. En effet, en 2008, au Canada, en matière de crimes sexuels, 83 % des victimes étaient des femmes et plus du deux tiers d'entre elles étaient âgées de moins de 18 ans. Rappelons également qu'environ 88 % des crimes sexuels ne sont pas rapportés.
Or, le processus de poursuites pénales actuel est construit d'une telle façon qu'il écarte plus souvent qu'autrement la victime, ne la traitant que comme un simple témoin du crime et non comme une actrice centrale de la poursuite dont les intérêts doivent en tout temps être considérés lors de la détermination de la peine.
De même, il est inacceptable que les femmes soient peu prises au sérieux et que leur crédibilité soit sans cesse mise en doute par les décideurs et par les procureurs. Ces deux obstacles expliquent sans aucun doute que beaucoup de femmes sont réticentes à dénoncer les crimes dont elles sont victimes. La justice pénale doit évoluer et être réaménagée afin d'impliquer davantage les victimes, si elles le souhaitent, évidemment, pour qu'elles se sentent davantage écoutées. De plus, il faut sans aucun doute une modification des règles de preuve pour que les témoignages des victimes d'agression sexuelle ne soient pas systématiquement remis en question.
En terminant, je dirai que les femmes — plus particulièrement les femmes plus démunies — restent les mal-aimées du système de justice. Bien que plusieurs initiatives aient été prises au cours des dernières années pour tenter d'améliorer la situation, il est primordial d'attirer l'attention des élus, tous partis confondus, pour unir nos forces et régler ce problème et s'assurer d'avoir un système de justice véritablement représentatif et qui considère les intérêts de toute la population canadienne, y compris les femmes.
Je vous remercie.
Le simple fait que vous soyez ici aujourd'hui nous donne beaucoup d'espoir. Vous verrez, pendant toute la semaine, qu'il n'y a tout simplement pas assez de femmes ici. Il nous en faut plus; nous avons besoin de femmes passionnées qui comprennent notre société, comme vous l'avez montré de manière évidente.
J'aimerais poser une question à chacune d'entre vous, mais je crains d'être interrompue, donc je vais commencer par vous, Teanna. Vous avez dit que nous en sommes au stade du dévoilement de la vérité, mais non de la réconciliation. Il y a quelques années, je siégeais au comité de la condition féminine et nous avions fait une tournée du Canada. Nous avions parlé avec des femmes autochtones, des femmes dans des refuges et à des représentantes de diverses organisations. Toutes disaient qu'elles souhaitaient qu'il y ait une enquête, mais qu'elles avaient fait tellement de recherche et qu'elles avaient assez parlé aux familles pour savoir ce qui devait arriver. Elles savaient comment parvenir à la réconciliation.
Cependant, ce plaidoyer au nom de ces femmes a en grande partie été mis de côté. Je me demande quel est votre point de vue au sujet de ces femmes qui ont perdu des soeurs et des filles, pour qu'elles puissent orienter cette enquête?