FEWO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la condition féminine
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 9 février 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour chers collègues. Nous sommes heureux d’être de retour et d’étudier la question de la sécurité économique des femmes au Canada.
Aujourd’hui, nous avons plusieurs témoins venant d’universités. Ici présent, nous avons Richard Nesbitt, professeur à la Rotman School of Management de l’Université de Toronto. Bienvenue Richard.
Présente également, Marjorie Griffin Cohen, professeure émérite à l’Université Simon-Fraser. Nous sommes ravis de vous compter parmi nous aujourd’hui.
Commençons avec Richard.
Vous disposez de sept minutes.
Merci, madame la présidente.
Permettez-moi de commencer par quelques observations inspirées du mémoire que j’ai présenté. Je suis très heureux d’avoir la possibilité d’être ici.
Je vous parlerai aujourd’hui de certains éléments de la recherche que nous avons réalisée à la Rotman School pour un livre intitulé Ascent. Ce livre sera publié en juin par Wiley. Je l’ai écrit en collaboration avec Barbara Annis. Barbara est une experte renommée du domaine de la diversité des genres et je suis très fière d’avoir eu la chance de travailler avec elle.
Pendant des décennies, la lourde tâche d’atteindre la parité hommes-femmes dans les postes de direction, que ce soit dans le milieu des affaires et de l’éducation ou au gouvernement, a été imposée carrément et injustement aux femmes. De l’autre côté, très peu d’attentes — voire aucune — ont été placées sur les épaules des hommes quant à ce qu’ils pourraient ou devraient faire pour soutenir et défendre l’accès des femmes aux postes de direction.
Pour changer le cours des choses, nous devons démontrer de façon réaliste le bien-fondé en utilisant des preuves provenant d’un nombre important d’experts en la matière et défendre une idée qui interpelle les gens qui occupent des postes de pouvoir. Qui sont ceux qui occupent des postes de pouvoir? Des hommes, bien entendu. Voilà la difficulté que nombre de personnes qui ont tenté de provoquer un changement dans ce dossier ont été incapables de surmonter.
Les hommes ont joué un rôle très important pour amener les changements de taille requis pour que les femmes puissent avoir accès à des postes où elles peuvent exploiter leur plein potentiel. Ce sont les hommes qui ont adopté la loi donnant aux femmes le droit de vote et ce sont eux qui ont voté cette loi. Comment le savons-nous? Eh bien, comme les femmes n’avaient pas le droit de vote, les hommes étaient les seuls à pouvoir le faire.
Qu’en est-il de tous ces hommes qui ont marché pour l’Equal Rights Amendment aux États-Unis? Aussi, qu’en est-il des chambres de commerce qui ont récemment voté pour mettre fin au processus d’exclusion des femmes en vigueur depuis des dizaines d’années? Bien entendu, ce sont les hommes qui sont à l’origine de ces changements.
Nous observons de plus en plus que les hommes dans des entreprises partout dans le monde se rendent compte que le partage du pouvoir avec les femmes permet d’obtenir un rendement financier supérieur. Pratiquement toutes les études réalisées depuis les années 1980 sur le rendement financier des entreprises qui comptent des femmes dans leur conseil d’administration et dans les postes de direction corroborent ces observations.
Beaucoup de dirigeants aujourd’hui sont conscients de cette valeur économique. Or, la plupart des hommes ne sont pas conscients du rôle qu’ils ont à jouer pour que cela se concrétise. Si vous souhaitez que votre entreprise obtienne le meilleur rendement possible, vous devez embaucher des femmes et promouvoir une meilleure représentation hommes-femmes dans les postes de direction et aux sièges d’administrateurs.
Dans le cadre de notre recherche, nous avons compilé des douzaines d’études portant sur l’incidence de la diversité des genres aux conseils d’administration et à la direction. Parmi les 60 études examinées — à l’exception de deux —, il ne fait aucun doute que cette incidence est positive. Les deux études faisant exception n’étaient pas négatives, mais étaient plutôt neutres; l’une provenait de l’Indonésie et l’autre de l’Afrique du Sud. Toutes les autres études étaient systématiquement positives.
Cependant, personne n’a dit qu’il fallait commencer à choisir aléatoirement les employés pour améliorer les résultats du conseil d’administration et de l’équipe de direction. Il faut chercher des candidats diversifiés qui pourront apporter une contribution. De cette façon, les retombées seront plus grandes que si l’on continue d’utiliser les mêmes critères éculés du passé.
Malheureusement, encore aujourd’hui, parmi les diplômés à la maîtrise en administration des affaires, seulement 30 % sont des femmes. Il est donc difficile d’atteindre une parité hommes-femmes, s’il y a seulement 30 % de femmes dans le bassin de candidats. Pourquoi ne pas élargir le bassin? Dans les programmes de baccalauréat en commerce, on retrouve 57 % de femmes. Alors, pourquoi ne pas embaucher ces diplômées et investir un peu plus dans leur formation?
On pourrait très bien commencer avec le conseil d’administration. Permettez-moi d’en parler quelques instants. Les conseils d’administration ont beaucoup de pouvoirs. Nous appelons ces pouvoirs la gouvernance d’entreprise. Voyons comment ils peuvent avoir une incidence sur la diversité des genres. Tout d’abord, les conseils choisissent leur propre représentation hommes-femmes. Ils dressent leur propre liste d’administrateurs qu’ils présentent aux actionnaires pour un vote. En regardant où nous en sommes aujourd’hui, nous constatons que la plupart des conseils n’ont pas de problème avec la sous-représentation des femmes, et ce, de manière assez significative.
Les administrateurs décident si le PDG sera un homme ou une femme. Ils sont les seuls à pouvoir embaucher un PDG. Alors, dès qu’il y a un changement à ce poste, ils ont le pouvoir d’embaucher un homme ou une femme. Par ailleurs, selon les bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise, ils devraient disposer d’une liste de candidats en tout temps. Le conseil d’administration influence directement et indirectement la composition de l’équipe de la haute direction. Ultimement, c’est le PDG qui embauche l’équipe de la haute direction, mais le conseil supervise ces embauches dans la majorité des entreprises et, donc en définitive, il influe sur l’équilibre hommes-femmes de l’équipe de la haute direction.
Enfin, il s’agit d’un cercle vicieux. Plus vous nommez de femmes dans les postes de la haute direction, plus il y aura de candidats pour les sièges au conseil d’administration, car ces femmes auront l’expérience requise pour y siéger. L’incidence sera automatique et améliorera la situation dans son ensemble.
Je terminerai en posant une question évidente. Quelles sont les probabilités selon vous qu’il y ait une diversité des genres au sein de l’équipe de gestion s’il n’y en a pas au sein du conseil? Voilà la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Selon nos recherches sur les grandes entreprises inscrites dans l’indice S&P/TSX 60 au Canada, il existe une corrélation mathématique directe entre le nombre de femmes siégeant au conseil d’administration et le nombre de femmes occupant des postes de la haute direction. Il faut compter un an. Lorsque vous nommez des femmes au conseil d’administration, vous commencerez à voir un an plus tard le nombre de femmes au sein de l’équipe de la haute direction augmenter.
Tous les efforts qu’une entreprise déploie pour modifier la représentation hommes-femmes au sein de son conseil en valent vraiment le coup puisqu’ils influeront en définitive sur la direction de l’entreprise et amélioreront le rendement financier et d’autres aspects importants pour les entreprises.
En somme, il ne tient qu’aux hommes de joindre leurs efforts à ceux des femmes pour concrétiser cette amélioration. Il ne tient qu’aux hommes dans les postes de pouvoir de veiller à ajouter des femmes à leur conseil d’administration et, ultimement, à leur équipe de direction. Il ne tient qu’aux hommes de partager la direction avec les femmes dans leur entreprise. Nous devons agir maintenant.
Merci beaucoup.
La parole est maintenant à Marjorie Griffin Cohen.
Marjorie, vous disposez de sept minutes.
Je ne vais aborder que trois sujets aujourd’hui. Il y a tant à dire sur cet enjeu, mais je vais me concentrer sur l’inégalité entre les sexes en ce qui a trait à la ségrégation en milieu de travail. Je vais me pencher sur les métiers spécialisés du bâtiment, le travail des adolescents et un problème observé avec un programme gouvernemental dont vous n’avez peut-être jamais entendu parler.
Il est important de parler des métiers spécialisés du bâtiment puisque le Canada s’est engagé à investir plusieurs milliards de dollars dans un avenir rapproché pour améliorer son programme d’infrastructures. Il semble que la majorité des travaux seront effectués par le secteur privé dans le cadre de partenariats public-privé. Le programme touchera certains services sociaux, mais il portera principalement sur les infrastructures physiques: les routes, les ponts, le transport, le réseau d’aqueduc et, peut-être même, le logement social.
Ces domaines sont tous dominés par une majorité écrasante d’hommes. Ils représentent 97 % de l’ensemble des travailleurs. Ce déséquilibre s’explique par de nombreuses raisons, mais le gouvernement peut changer le cours des choses. Voici un exemple d’une solution qui a bien fonctionné. Prenons le projet de construction de l’autoroute de l’Île de Vancouver mené à Vancouver dans les années 1990. Le tracé de la route passait par un territoire appartenant aux Premières Nations. Des mesures d’équité ont donc été prises. À cette époque, le gouvernement était également très attaché au respect de l’équité. On a obtenu de très bons résultats avec le programme de formation pour les Premières Nations et les femmes, ce qui a mené à un programme pour les autoroutes. Au départ, le secteur privé et les syndicats ont opposé une certaine résistance. Personne ne voulait de ces mesures. Néanmoins, comme le gouvernement y attachait beaucoup d’importance et comme il pouvait influer sur la main-d’œuvre — influence qui est trop complexe et qui prendrait trop de temps à expliquer —, le programme a bien fonctionné.
Je dis seulement qu’il y a moyen d’y parvenir au Canada avec des accords de projet. Le gouvernement doit insister sur ces exigences dans le cadre des partenariats public-privé. D’ailleurs, il faudrait le faire puisque le gouvernement fédéral investira des sommes colossales dans ces projets. Il faudra que le gouvernement exerce une pression suffisamment forte au départ pour y parvenir, car ni les entrepreneurs ni les syndicats ne souhaitent ces mesures. Il sera extrêmement important que les accords soient assortis de clauses précises sur l’embauche fondée sur l’équité en matière d’emploi, laquelle devra être appliquée en priorité par rapport aux autres types d’embauche. Les plus hauts échelons de direction devront également montrer leur appui à ces clauses. À l’époque du projet, le premier ministre de la province était également favorable à l’équité.
L’initiative a donc été une très grande réussite. Au début, les femmes représentaient 2 % de la main-d’œuvre et elles ont atteint 20 % à un moment donné. Bien entendu, un nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir et a fait capoter toutes ces initiatives. Les initiatives n’ont pas été maintenues, mais elles avaient donné d’excellents résultats.
Passons au travail des adolescents. J’ai étudié toutes ces questions et c’est pourquoi j’en parle aujourd’hui. Nous en savons toutefois très peu sur la situation actuelle. Dans deux provinces au Canada, l’âge minimum pour travailler n’est que de 12 ans et Statistique Canada recueille des données seulement à partir de 15 ans. Nous ne savons donc pas vraiment quelle est la situation actuelle.
Nous observons toutefois que dès un très jeune âge, les travailleuses doivent déjà faire face à des désavantages. Elles sont plus susceptibles d’avoir un emploi que les hommes. En moyenne, elles gagnent moins que les adolescents de sexe masculin. Elles sont plus susceptibles également d’avoir plusieurs emplois et de travailler pendant toute l’année que les jeunes hommes. De plus, leur nombre se concentre dans moins de professions et de catégories d’emploi que les hommes.
Essentiellement, je veux dire que nous en savons trop peu sur la question. La surreprésentation des femmes dans ce domaine peut être attribuable à l’importante hausse des coûts par suite des mesures d’austérité en éducation. Plus de femmes doivent donc travailler plus longtemps qu’auparavant, parce qu’elles gagnent moins, etc. Il faut se pencher sur la question.
Enfin, permettez-moi de parler des Chaires de recherche du Canada. En 2008, j’ai déposé conjointement avec six autres professeurs titulaires au Canada une plainte pour atteinte aux droits de la personne contre Industrie Canada en raison de la nature discriminatoire du programme des Chaires de recherche du Canada. Ce programme est entièrement couvert par le gouvernement. Nous avons gagné. Nous avons obtenu un règlement en 2006 et le gouvernement n’a pas respecté ses obligations.
Nous observons systématiquement que les universités ne respectent pas les cibles fixées. Je dois dire qu’en plus, la barre est extrêmement basse. Ces cibles se fondent sur le pire calcul possible. Elles sont donc mauvaises et les universités ne les atteignent même pas. Aucune sanction n’est imposée aux universités contrevenantes.
En passant, je vous ai remis un exemplaire de cette étude pour que vous puissiez en faire une analyse plus approfondie. Nous sommes à même de faire en sorte que le programme de Chaires de recherche du Canada réponde aux exigences du règlement de 2006 en matière de droits de la personne.
Par ailleurs, soit nous mènerons l’affaire devant les tribunaux, soit nous retenterons la médiation. L’affaire est en cours et les médias en parleront bientôt. Il serait bien de s’y attaquer.
Nous devons revoir la méthodologie servant à définir les populations cibles. Nous devons nous assurer que les administrateurs des Chaires de recherche du Canada respectent le règlement obtenu, et ce, de façon rapide et prospective. Ils font tout le contraire actuellement.
Beaucoup de ceux qui obtiennent une chaire de recherche du Canada n’ont pas présenté leur candidature. Ce n’est qu’une affaire de contacts. Nous devons nous assurer qu’il y a un processus de mise en candidature, car actuellement le processus est défaillant. Il est également limité. À titre d’exemple, les femmes sont... Vous ne pouvez même pas présenter une demande pour le niveau inférieur si vous obtenez votre doctorat dans plus de 10 ans. Ce critère pose problème puisque beaucoup de jeunes femmes ont des enfants et doivent attendre avant de présenter une demande.
Je termine en réitérant qu’il incombe au gouvernement fédéral de veiller à ce que ses propres programmes fassent la promotion de l’équité pour les groupes protégés par la loi canadienne sur les droits de la personne. Il devrait également aller plus loin et s’assurer que ses investissements — qu’ils soient pour la gestion d’une crise, le changement climatique ou les programmes d’infrastructures — respectent les critères d’équité applicables.
Excellent. Merci beaucoup.
Je souhaite la bienvenue à mes collègues, Ted Falk et Greg Fergus, qui se joignent au Comité aujourd’hui. Commençons par mon amie du Parti libéral, Mme Nassif. Vous avez sept minutes.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Je remercie aussi tous les témoins.
Ma première question s'adresse à M. Nesbitt.
En 2014, vous avez reçu le prix Visionary de l'organisation Women in Capital Markets pour votre travail sur la question de la mixité au sein des équipes de direction et des conseils d'administration.
En quoi la performance financière des entreprises ayant des équipes de direction et des conseils d'administration mixtes diffère-t-elle de celle des entreprises ayant des équipes de direction et des conseils d'administration à prédominance masculine?
[Traduction]
Je vous remercie pour cette question.
Évidemment, les entreprises qui sont dotées d’une équipe de direction ou d’un conseil d’administration diversifiés obtiennent de meilleurs résultats financiers que les autres: leurs revenus sont plus élevés, leur rendement du capital est meilleur et leur croissance et leurs gains sont plus élevés. Leur rendement environnemental et dans les périodes de stress — par exemple, si le PDG démissionne — est également meilleur que les autres. De nombreuses raisons expliquent ces résultats.
Il faut notamment atteindre une masse critique minimum quant à la diversité au conseil. Selon certaines études, il faut qu’au moins trois femmes siègent au conseil d’administration et qu’elles représentent au moins 30 %. C’est la combinaison hommes-femmes qui entraîne l’amélioration. Avec seulement des femmes ou seulement des hommes, vous ne pouvez y parvenir. Il faut une combinaison des deux.
[Français]
Quels avantages non financiers, s'il y en a, les équipes de direction et les conseils d'administration mixtes procurent-ils à leur entreprise ou à leurs employés?
[Traduction]
Évidemment, les avantages sont considérables. Dans de nombreuses entreprises, comme les entreprises de services financiers, la majorité des employés sont des femmes. Comme nous le savons, plus de 50 % des diplômés dans les universités sont maintenant des femmes et, dans les dix prochaines années, ce pourcentage sera de 60 %. Nous observons un univers entier de femmes qui ont la capacité de contribuer, mais leur accès à des postes de direction est toujours limité.
Je crois que leur nombre est incroyable... Il y a également la question de la justice sociale. Je crois qu’il est très important de motiver tous ses employés en créant un environnement d’équité.
J’ai parlé principalement du rendement financier, parce que, honnêtement, c’est ce qui interpelle les hommes dans les postes de pouvoir.
[Français]
Merci.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Griffin Cohen.
L'ouvrage intitulé Public Policy For Women: The State, Income Security, and Labour Market Issues, que vous avez récemment publié, porte sur des enjeux de politiques publiques qui ne tiennent pas compte des besoins des femmes.
Selon vous, quelles sont, le cas échéant, les politiques publiques du gouvernement fédéral qui ne tiennent pas compte des besoins des femmes? Quelles mesures le gouvernement fédéral pourrait-il prendre pour corriger ces lacunes?
[Traduction]
Le gouvernement fédéral prend certaines mesures, mais il n’est pas très efficace en général. Prenons la vérification sexospécifique. Généralement, les vérifications sont faites après coup et changent peu de choses. Elles n’aident pas beaucoup.
Il faut essentiellement s’assurer que l’examen de l’incidence sur les femmes que ce soit d’une politique publique ou d’une loi soit réalisé à une étape où il est encore possible de changer les choses.
Nous aurons à traiter de très importants dossiers dans l’avenir, que ce soit les enjeux commerciaux, le changement climatique ou des enjeux très précis relatifs à l’emploi. Le gouvernement devra avoir un portrait clair des incidences de ces enjeux sur les femmes.
J’ai parlé de trois volets où le gouvernement fédéral pourrait agir sur des enjeux précis relatifs au travail. Il ne s’agit cependant que d’une goutte d’eau dans l’océan de ce qui pourrait être fait. C’est une question de volonté et de leadership de la part du gouvernement.
En passant, pour répondre à la question sur les femmes aux conseils d’administration, il est très important que les gouvernements nomment des femmes aux conseils et aux commissions. Cette stratégie pourrait être très efficace. S’il le fait, nous verrons de plus en plus d’entreprises offrir par exemple des garderies à leurs employés.
[Français]
D'accord.
Ma question s'adresse à vous deux.
Quels défis les milieux majoritairement masculins, en particulier celui des affaires et les domaines des sciences, des technologies, du génie et des mathématiques, présentent-ils aux femmes qui souhaitent se former dans ces secteurs et y travailler, le cas échéant?
[Traduction]
C’est un problème auquel les gens font face depuis longtemps. Les obstacles sont énormes dans les universités. Ils sont en partie attribuables au financement de la recherche. On tente souvent de les expliquer par le fait que les femmes choisissent les domaines où elles gagneront le moins et où elles auront le plus de mal à trouver un emploi. Ce n’est pas le cas. Des femmes courageuses sont parvenues à faire une incursion dans des domaines dominés par les hommes.
C’est là que les politiques publiques peuvent réellement changer le cours des choses. J’ai cité en exemple les Chaires de recherche du Canada puisque la cible est de 30 % et qu’elle n’est même pas atteinte. Ce pourcentage est très bas par rapport au nombre de femmes qui détiennent un doctorat. C’est le genre de situation que l’on peut corriger par des mesures venant des échelons supérieurs. Il faudra que les échelons supérieurs et inférieurs s’efforcent de régler ces inégalités. Les femmes peuvent exercer des métiers spécialisés et sont heureuses de le faire. Elles ne peuvent simplement pas obtenir d’emploi lorsqu’elles choisissent ces métiers.
Merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir aujourd'hui pour partager avec nous votre expertise dans ce domaine.
Mes premières questions sont pour Richard Nesbitt.
Pouvez-vous nous dire ce que vous avez constaté dans le cadre de vos études sur les facteurs qui empêchent les femmes d'accéder à des postes de haut niveau au sein d'entreprises.
Les choses commencent à changer, mais très lentement.
Il y a aujourd'hui des modèles de rôles très inspirants. Il est important d'avoir des modèles féminins dans des postes supérieurs, non seulement pour les femmes, encore plus pour les hommes. Il est important que les hommes voient des femmes exercer des postes de pouvoir pour se sentir à l'aise avec cette idée. C'est ce qui est en train de se passer.
Si vous lisez mon mémoire, vous verrez que la première chose que je recommande, c'est d'ajuster l'« appareil », pour utiliser notre jargon. Nous entendons par là les obstacles à l'entrée des femmes. Au sein des sociétés, des universités et du gouvernement, il existe une pléthore de politiques, de procédures et de processus qui découragent carrément les femmes de poser leur candidature. Tout cela leur complique la tâche.
Un bon exemple de cela est une soirée de recrutement où les seuls recruteurs présents sont des hommes qui regardent une partie de hockey en vidéo pour se divertir. Il y a peut-être un joueur étoile de hockey parmi eux. On ne peut pas parler d'une pratique d'exclusion délibérée, mais nous avons constaté que cela crée un environnement où les femmes ne se donnent même pas la peine de postuler. La première chose à faire consiste donc à ajuster l'appareil ou le système.
J'aimerais revenir à l'observation de l'autre intervenante selon laquelle le gouvernement fédéral possède suffisamment de ressources pour faire avancer les choses sans engager de frais, c'est-à-dire pour faire en sorte que tous les conseils d'administration des sociétés d'État et d'autres organismes gouvernementaux soient mixtes. À mon avis, ce devrait être leur objectif. Je pense que cet objectif finira par être atteint. Premièrement, cela obligerait les gens à s'y conformer — et ils n'ont aucune raison de ne pas le faire. Deuxièmement, cette mesure impulserait un changement à l'intérieur même de l'organisation.
Monsieur Nesbitt, vous préconisez la diversité homme-femme. Je pense qu'elle existe déjà. La plupart des conseils d'administration se composent d'hommes et de femmes. Êtes-vous en train de dire que vous souhaitez la parité et non seulement la diversité?
Si vous aviez un conseil d'administration composé uniquement de femmes, vous n'obtiendriez pas un aussi bon rendement qu'avec un conseil diversifié composé d'hommes et de femmes.
Bien entendu. Comment mesurez-vous la parité par rapport à un ensemble de compétences et d'aptitudes?
Comme je l'ai dit dans mon allocution, vous ne pouvez pas simplement sortir dans la rue et embaucher ces gens. Vous avez besoin de personnes qui ont une bonne connaissance des affaires, de l'industrie et de la régie des sociétés. Or, ces personnes existent. Je laisserais les conseils d'administration faire leur choix, mais je pense qu'ils doivent être tenus d'atteindre un certain objectif.
Vous êtes certainement d'accord pour dire que la diversité homme-femme est très importante, mais que les compétences le sont tout autant. N'êtes-vous pas d'avis que nous devons tenir compte des deux facteurs, sans donner préséance à l'un par rapport à l'autre?
Tout à fait. L'un des problèmes que connaissent les conseils d'administration aujourd'hui, c'est que même les hommes qui en font partie ne possèdent pas les compétences requises...
Des voix: Oh, oh!
M. Richard Nesbitt: ... pour comprendre ce que fait la haute direction.
Je vous prie donc de ne pas imposer cette exigence aux femmes qui viennent d'être nommées à un conseil d'administration, vous devriez également l'imposer aux hommes qui y siègent déjà.
Je suis d'accord. C'est pourquoi je me trouve privilégiée de faire partie d'un caucus conservateur où les hommes et les femmes sont tous d'égale compétence.
Ma prochaine question, monsieur Nesbitt, concerne ce dont les femmes ont besoin pour réussir à ces postes de haut niveau.
Je la pose également à vous, madame Griffin Cohen.
Bon nombre des femmes entrepreneures avec lesquelles je me suis entretenue ainsi que diverses personnes à la recherche de postes de haut niveau au sein d'entreprises ou de conseils d'administration m'ont dit être favorables au mentorat. C'est un souhait que j'entends tant et plus. J'aimerais beaucoup savoir quel est, selon vous, le principal besoin exprimé par les femmes.
Le mentorat n'est pas une mauvaise chose, mais il ne pose aucun risque pour le mentor. Aujourd'hui, il est préférable de parler de « parrainage ». Le parrainage sous-entend que la personne qui recommande la femme — une jeune femme, par exemple — prend un risque. Dans le cadre de mon travail au sein du secteur, j'ai réussi à promouvoir des femmes à des postes de pouvoir, tout en prenant un risque, puisque nul ne sait si elles réussiront ou échoueront. Voilà ce qu'on entend par parrainage. C'est la même chose pour les hommes: ils peuvent faire l'affaire ou non, mais vous devez prendre le risque. C'est ce qu'on appelle le parrainage. C'est beaucoup plus important que le mentorat. Le mentorat est une solution de facilité qui donne bonne conscience aux entreprises et à ceux qui y ont recours. Il ne change pas vraiment la donne. Les hommes sont de plus en plus nombreux à adhérer au principe du parrainage. Personnellement, je dois promouvoir des hommes et des femmes à des postes d'influence, et cette pratique peut vraiment changer la donne.
Je vous remercie pour cette question.
Je veux simplement faire écho aux propos de M. Nesbitt parce qu'ils sont importants.
Je me rappelle qu'un de mes mentors m'a demandé un jour... Je suis économiste, et c'était une pratique inhabituelle à l'époque où j'ai obtenu mon diplôme. J'ai l'habitude de dire que je n'ai pas eu de mentors, mais plutôt des « tourmentors ».
Des voix: Oh, oh!
Mme Marjorie Griffin Cohen: Quoi qu'il en soit, je pense que beaucoup de femmes ont vécu cette expérience.
À mon avis, il est d'une importance capitale d'éduquer les conseils d'administration et les équipes de gestion d'entreprises, si c'est ce que vous voulez dire. Même dans le milieu des commerçants, vous devez éduquer les employeurs. Les syndicats ont fait de grands progrès à cet égard, mais nous devons enseigner aux employeurs ce que cela signifie que d'embaucher des femmes. Nous avons également besoin d'une masse critique de femmes. Si vous nommez une femme ici et une autre là, cela ne changera pas grand-chose, mais si vous réalisez la parité ou presque, les choses changeront alors.
Excellent.
C'est maintenant au tour de ma collègue, Mme Malcolmson, de prendre la parole durant sept minutes.
Merci, madame la présidente.
Je remercie également nos deux témoins.
Madame Griffin Cohen, j'aimerais revenir sur les aspects de la précarité des emplois dont vous avez parlé dans votre témoignage et votre mémoire.
Nous avons entendu le ministre Morneau dire que les Canadiens doivent s'habituer à la précarité, parce qu'elle deviendra la norme et que nous devons l'accepter. Nous entendons certes de jeunes Canadiens parler d'une épidémie d'emplois précaires au Canada, mais cette étude démontre que ce problème touche les jeunes et les femmes de manière disproportionnée — 39 % des Canadiens de 15 à 19 ans occupent un emploi précaire.
Compte tenu de la surreprésentation des femmes dans le secteur des services, pouvez-vous nous en dire plus sur notre exposition à ce problème dans le contexte des accords commerciaux et expliquer quelle pourrait être son incidence sur les emplois et la sécurité économique des femmes, si nous ne protégeons pas cette sécurité dans les accords commerciaux que nous signons?
La situation est passablement complexe pour les femmes en ce moment.
Avant la mise en oeuvre des accords de libre-échange, nous avions compris que nous allions devoir diriger les femmes vers certains types d'emplois et de secteurs. Cela s'explique par le fait que nous allions perdre le secteur manufacturier qui employait des femmes. C'est ce que nous avons fait. Nous avons perdu des femmes dans le secteur manufacturier parce que bon nombre d'entre elles travaillaient dans des usines de vêtements et de textiles ainsi que dans le secteur des bottes et chaussures et des petits appareils électroniques. Cette perte a été très lourde. Un gros changement s'est également produit dans le domaine du traitement de données qui, à l'époque, était... Nous avions des lois qui nous obligeaient à faire ce travail ici. Ce n'est plus le cas maintenant. Tout cela a été délocalisé. Les femmes ont donc perdu des emplois dans des secteurs importants.
Il est très difficile de décrire ce qui se passe aujourd'hui, parce qu'on ne sait pas ce qu'il adviendra des accords commerciaux. Notre économie s'est tellement transformée au cours des 25 dernières années. Il sera de plus en plus inquiétant de penser à ce que nous réserve l'avenir. Je ne peux spéculer tant qu'on ne saura pas ce qui nous attend.
Nous avons probablement raison de nous inquiéter de tout ce qui risque de... Nous avons un système d'emploi fortement axé sur la séparation des sexes. On ne le dirait pas, surtout pour la plupart d'entre nous qui évoluons dans des domaines où la mixité homme-femme va de soi, mais en général, cette caractéristique s'est intensifiée. Les emplois sont plus précaires. Malheureusement, malgré la présence de plus en plus de femmes dans les syndicats, on constate quand même un déclin en raison de la structure de la population active. D'une certaine façon, la précarité croissante du travail signifie moins de protection.
Tout au long de la période d'austérité amorcée dans les années 1990, les travailleurs ont été de moins en moins protégés par des lois provinciales sur les normes de travail et par les codes du travail. Les femmes en ont souffert beaucoup, notamment les très jeunes travailleuses parce qu'elles n'ont pas bénéficié de ces mesures minimales de protection.
Pouvez-vous également nous donner plus de détail sur les pratiques discriminatoires des chaires de recherche du Canada que vous avez déjà décrites? Quelles conséquences cette discrimination a-t-elle eues sur les étudiantes et les jeunes chercheures?
C'est une excellente question. Je n'ai pas réfléchi à ce que cela signifie pour les chercheurs eux-mêmes, mais je pense qu'il y a matière à réflexion. Il y a moins de modèles de rôle pour les jeunes et leurs professeurs ont de moins en moins de temps pour faire de la recherche. C'est pourtant un rôle important de ces chaires de recherche. Les chercheurs disposent beaucoup de temps pour les sujets qui revêtent une importance pour eux, mais ils ne traitent pas nécessairement de sujets liés aux femmes. Néanmoins, les étudiants n'ont pas accès à ce type de recherche de fond, et cela aura un impact sur eux.
Merci d'avoir soulevé la question. Je l'ajouterai à la liste la prochaine fois que nous irons en médiation.
Merci pour votre travail.
Richard Nesbitt, vous avez affirmé que pour accroître le nombre de femmes dans des postes de gestion, nous devons nous pencher sur les pratiques non concurrentielles ou inacceptables en matière de congé de maternité.
En début de semaine, nous avons entendu le témoignage de Willem Adema, de l'OCDE. Il a soutenu que le congé parental doit être utilisé pour encourager les hommes à participer aux soins aux enfants. Cela pourrait régler certains des problèmes d'inégalité homme-femme que l'on connaît actuellement.
Pouvez-vous nous expliquer ce que peuvent faire les hommes pour supprimer l'obstacle à la participation des femmes à l'économie; en particulier, que devons-nous faire pour encourager les hommes à prendre leur congé parental? Il ne s'agit pas simplement de prolonger la durée du congé de maternité, mais d'offrir un congé parental tout spécialement aux hommes. Comment ces mesures pourraient-elles modifier l'équilibre en milieu de travail?
Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais dans le livre que je rédige avec Barbara Annis, je fais remarquer que j'étais dans la trentaine lorsque j'ai compris pour la première fois pourquoi nous devions concentrer nos efforts sur la situation des femmes dans des postes de gestion. À cet âge, je ne m'intéressais pas au congé de maternité jusqu'au jour où certaines de mes employées m'ont fait comprendre l'importance de cet enjeu. Elles m'ont convaincu que c'était aussi une question importante pour moi.
Je le répète, il faut ajuster l'« appareil ». Il faut revoir attentivement la teneur des politiques relatives au congé de maternité. On ne parle pas seulement du congé de maternité en soi, mais la manière dont s'effectue le retour au travail des femmes. Celles-ci représentent 60 % de l'ensemble des diplômés universitaires et de nombreuses compagnies essaient d'embaucher entre 40 et 50 % de femmes parmi leurs recrues, mais il n'en reste pas moins qu'au fur et à mesure que les femmes prennent de l'ancienneté, nous en perdons un certain nombre à chaque étape du processus.
Vous devez apporter des corrections au système. Il faut trouver un moyen de faciliter le retour au travail des femmes d'expérience à la fin de leur congé de maternité. À cet égard, une partie de la solution consiste à permettre aux hommes de partager le congé parental à temps égal.
Dans le domaine des services financiers, c'est une pratique largement répandue. Le fait qu'un homme s'absente pour prendre un congé parental n'est pas mal vu.
Il faut que cette politique soit intégrée à l'ensemble de l'économie. Premièrement, je recommanderais au gouvernement fédéral d'inciter les organismes sous son contrôle à l'adopter et de montrer lui-même l'exemple. Je crois également que la question du congé de maternité sert souvent d'argument aux personnes en position d'autorité pour démontrer que les femmes ne peuvent pas progresser dans leur carrière. Ce n'est pas vrai.
En réalité, si une femme prend un, deux ou trois ans de congé de maternité dans le cadre d'une carrière échelonnée sur 30 ans, l'impact est minime. Ce sont les autres facteurs sociaux, notamment les raisons qui dissuadent les femmes de retourner au travail après un congé de maternité et celles qui dissuadent les hommes de partager le congé parental, qui importent surtout. Le gouvernement fédéral devrait exercer son leadership dans ce domaine.
Je remercie nos deux témoins de leur présence ici ce matin.
Madame Griffin Cohen, je vais commencer par vous. Vous avez soulevé des points intéressants.
Premièrement, concernant les pratiques discriminatoires des chaires de recherche du Canada, je suis curieux de savoir s'il existe une différence entre les établissements d'études de premier cycle, qui comptent une plus forte une proportion de femmes, et les établissements d'études supérieures. Dans l'Est, nous avons surtout des établissements d'études de premier cycle. J'aimerais savoir s'il existe des établissements qui s'en tirent bien.
Il y a des endroits qui s'en tirent relativement bien, mais comme la barre est loin d'être élevée, il n'y a pas vraiment de quoi se réjouir.
Comme vous, j'ai l'intuition que la situation est peut-être plus difficile pour les établissements de petite taille, mais bon nombre d'entre eux s'en tirent mieux que les grands. Si vous consultez leur rendement sur le site du programme des CRC, vous verrez que certains obtiennent d'assez bons résultats.
Comme je le disais, notre travail portait sur toute personne protégée par des droits de la personne. Les femmes sont les principales concernées, et c'est dommage parce que d'autres groupes sont aussi traités très injustement par les CRC. Les femmes devraient être mieux traitées dans les universités.
Une partie du problème réside dans le fait qu'il y a une grande divergence entre les organismes subventionnaires. Les femmes présentent des demandes de subvention auprès de certains genres d'organismes, par exemple, ceux qui financent la recherche canadienne en sciences sociales et en sciences humaines, par opposition à ceux qui financent la recherche scientifique et médicale. Ces organismes subventionnaires reçoivent beaucoup moins d'argent. Il y a donc une discrimination à ce niveau également.
Sur le site des CRC dont vous venez de parler, peut-on trouver une analyse qualitative qui expliquerait pourquoi certains établissements obtiennent de meilleurs résultats que d'autres?
Ils ne donnent que les résultats bruts — c'est tout — et expliquent comment ils atteignent un objectif. J'insiste sur le fait que cet objectif est incroyablement bas.
J'ai également une question pour vous, monsieur Nesbitt.
Vous avez parlé de la disposition sur l'équité en emploi dans le cadre d'un projet clé en matière d'infrastructure. J'ai eu l'occasion de participer à une étude sur les ententes sur les retombées locales qui laisse entendre que la diversité homme-femme ou l'emploi de différents groupes marginalisés de la population pourraient être intégrés au processus d'appel d'offres concurrentiel. Pensez-vous que cela pourrait également aider à faire grimper les chiffres?
Je crois qu'il existe une différence entre un processus d'appels d'offres concurrentiel, où l'équité est un enjeu concurrentiel, et un processus où elle est obligatoire. Si vous obligez tout le monde à intégrer, tous les soumissionnaires devront s'engager à cet égard d'une manière ou d'une autre.
Merci beaucoup. J'y reviendrai si le temps me le permet.
Monsieur Nesbitt, j'aimerais revenir sur certains points que vous avez soulevés au sujet des conseils d'administration. Vous nous avez fourni des renseignements fort intéressants sur l'influence que les femmes peuvent avoir sur les conseils et le rôle que jouent les hommes qui y siègent pour favoriser la diversité. Du point de vue du gouvernement fédéral — oublions, pour l'instant, les sociétés d'État et les organismes gouvernementaux — au lieu de nous contenter de dire aux entreprises du secteur privé que c'est dans leur propre intérêt de le faire, que pouvons-nous faire d'autre pour encourager le secteur privé à prendre ces décisions?
La Commission des valeurs mobilières de l'Ontario fonctionne selon le modèle « se conformer ou s'expliquer » sur la base d'un minimum de 30 % de femmes dans les conseils d'administration, et cela me semble être un excellent premier pas pour s'attaquer aux causes profondes du problème. Ceci a eu des répercussions concrètes sur le nombre de femmes dans les conseils d'administration, et ce, même si bien des entreprises ne se sont pas encore conformées. Je pense que 45 % des entreprises cotées à la bourse de Toronto ne comptent aucune femme à leur conseil d'administration.
Ceci soulève le problème des quotas. Dans le secteur public — et je crois aux marchés, évidemment — l'effet des quotas est amplement documenté. Le meilleur exemple est la Norvège, où on a imposé aux conseils d'administration un quota de 40 %. Malheureusement, il en est résulté que la moitié des entreprises ont cessé d'être cotées en bourse pour devenir des entreprises privées. Le quota ne s'était appliqué qu'aux sociétés publiques.
Il faut éviter les conséquences indésirables. Par ailleurs, les quotas dévalorisent toutes les personnes et tous les candidats au conseil car on ignore si leur place au sein de celui-ci tient au quota ou pas. Je crois qu'il est préférable de donner l'exemple et d'encourager les gens qui soutiennent la présence de femmes dans les conseils — et ils sont nombreux, hommes et femmes, à le faire — et d'appuyer ces personnes afin qu'elles donnent l'exemple.
J'aimerais revenir aux sociétés et aux agences de l'État qui ont une autorité directe sur le gouvernement fédéral. Voyez leur composition.
Merci beaucoup. Je pense que c'est un excellent départ. Je veux seulement m'assurer que nous tirions tous les avantages de cet énorme changement.
Nous avons entendu bon nombre de témoignages, incluant le vôtre, sur l'avantage concurrentiel des femmes à l'étape du baccalauréat. Croyez-vous que le gouvernement fédéral puisse faire quelque chose pour profiter de l'avantage dont disposent les femmes au début de leur éducation et faire en sorte que cela se traduise par des postes de direction autres que les postes de gestion intermédiaire où l'on semble perdre des personnes talentueuses?
Une fois de plus, donner l'exemple signifierait que, lorsque le gouvernement fédéral octroie des fonds à une institution ou à une industrie, il devrait rendre l'obtention de ces fonds conditionnelle à l'atteinte de la parité ou de la quasi-parité entre les genres. Les marchés sont très importants. Si le seul endroit où je puisse obtenir cet argent est à l'université, et que je propose des candidats des deux sexes et que j'atteins la quasi-parité entre les sexes, alors vous pouvez être certain que c'est ce que les gens feront. Si cette exigence est absente, l'autre témoin nous affirme que ce n'est pas le cas.
L'autre solution est de donner l'exemple et de continuer à favoriser la diversité des genres dans les agences fédérales afin que plus de femmes atteignent les échelons supérieurs. Ces femmes siégeront donc aux conseils, et ceci créera un cercle vertueux. Il ressort assez clairement que les femmes ont tendance à engager plus de femmes dans les entreprises où celles-ci sont sous-représentées. Par conséquent, il est souhaitable de créer ce cercle vertueux.
Nous allons passer au second tour de questions de cinq minutes, en commençant par mon collègue, M. Falk.
Merci, madame la présidente.
Professeur Nesbitt, je vais commencer avec vous. J'ai été président du conseil d'une institution financière d'une valeur de 4 milliards de dollars pendant 17 ans. Il s'agit d'un conseil actuellement composé de neuf membres, dont trois sont des femmes. Nous avions l'habitude de concevoir des matrices lors de la recherche de candidats. De votre point de vue, quel poids doit-on accorder au genre d'une personne en regard de ses compétences? Quelle serait votre opinion là-dessus?
Je ne renoncerais pas aux compétences pour un genre en particulier. Ça peut sembler ironique, mais on n'a pas besoin de faire cela. Il y a beaucoup de femmes compétentes sur le marché. Il est possible qu'il faille chercher ailleurs que dans les écoles de commerce et parmi les anciennes présidentes-directrices générales, car seuls 5 % des PDG sont des femmes. Par conséquent, si vous avez comme critère une expérience préalable comme PDG d'une société cotée en bourse, vous ne trouverez pas beaucoup de femmes.
Pourquoi pas la présidente d'un hôpital? Pourquoi pas la présidente d'une université? Ou encore la présidente d'une organisation culturelle? Ces personnes ont des qualifications exceptionnelles et beaucoup d'expérience. J'oserais même dire qu'elles ont des compétences égales ou supérieures à celles de certains hommes. À trois sur neuf, on atteint les 30 % magiques, et en théorie, vous devriez en avoir constaté les avantages. Vous en auriez constaté encore davantage si vous vous étiez approché des 50 %.
Merci.
Vous avez glissé sur le sujet de la difficulté à attirer des femmes dans ce domaine de travail particulier. Constatez-vous des changements positifs sur le marché du travail actuel?
C'est très positif, en fait. C'est lent dans certains cas, mais très positif. Nous savons que les banques ont atteint leur objectif de 30 % assez facilement quant à la diversité des genres. Elles devraient commencer à en voir les bienfaits. En Ontario, il y a la loi de la Commission des valeurs mobilières selon laquelle les sociétés publiques doivent « se conformer ou s'expliquer ». Il y a plus de gens qui pensent et qui parlent comme moi. J'ai des partenaires dans l'industrie et je ne suis pas le seul homme à penser de cette façon. Les hommes s'affairent à promouvoir et à parrainer activement. Je dirais qu'à ce sujet, nous sommes au début d'une vague de changement qui aura cours pendant les 10 prochaines années.
Merci.
Professeur Cohen, j'aimerais vous poser quelques questions. Vous avez parlé de la participation des femmes dans les métiers. Je possède une entreprise de construction lourde. Nous engageons des conducteurs d'équipement; nous engageons des travailleurs. Peu de femmes postulent pour ce genre d'emplois. Pouvez-vous expliquer un peu ce phénomène?
Je ne suis pas étonnée, car il y a un processus d'élimination qui s'effectue dès la formation d'apprenti — et pas pour les travailleurs, de toute évidence. Il y a un délai dans l'embauche. Elles doivent se soumettre au processus et elles sont tout au bas de la liste. Elles ne sont pas sélectionnées. C'est très difficile, et ça, c'est s'il y a un syndicat. En l'absence de syndicat, on ignore sur quoi repose le processus d'embauche. Cependant, c'est extrêmement difficile. Particulièrement pour les électriciennes, les plombières, d'autres métiers de la construction, les menuisières... Beaucoup de femmes suivent une formation d'apprenti, mais elles ne peuvent pas obtenir de formations d'apprenti rémunérées et cela les décourage. Ou encore elles les obtiennent à des salaires très bas, moindres que ceux des hommes. De plus en plus de métiers de la construction ne sont pas syndiqués de nos jours, ce qui pose également problème.
À cause de cela, il y a toutes sortes de barrières à l'emploi. On pourrait être proactif si on voulait s'y consacrer, car il y a des institutions qui forment les femmes et qui sont constamment à la recherche d'endroits où obtenir une formation d'apprenti. C'est difficile pour les femmes d'obtenir une formation d'apprenti en milieu de travail.
Nous avons engagé des femmes comme camionneuses et comme conductrices d'équipement, et notre industrie voit de plus en plus de femmes accéder à ce domaine de travail. En ce qui a trait à la conduite d'équipement, elles sont très capables et tout aussi habiles que qui que soit d'autre, mais le problème que nous rencontrons parfois est qu'une fois qu'elles ont obtenu le poste, elles veulent un traitement spécial quand vient le temps de pelleter du gravier qui ne serait pas tombé de la boîte lors du déversement. Elles croient qu'elles n'ont pas à faire cela et pensent que quelqu'un d'autre dans l'équipe devrait le faire.
Merci à vous deux de votre présence.
Monsieur Nesbitt, j'aimerais parler un peu plus des conseils d'administration. Nous avons un projet de loi devant le Parlement en ce moment qui traite de la diversité dans les conseils d'administration. Il s'agit du modèle « se conformer ou s'expliquer » que vous avez mentionné. Lorsque la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a parlé de « se conformer ou s'expliquer », elle n'a vu qu'une augmentation de 1 % du nombre de femmes dans les conseils d'administration. Quand le rapport est sorti, il y a eu un article sur le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario qui avait tenté de recruter trois femmes pour siéger aux conseils, sans quoi l'entreprise allait être radiée de la bourse. C'était là leur suggestion. Vous n'avez pas l'air d'être un adepte des quotas obligatoires. Il semble que « se conformer ou s'expliquer » ne fonctionne pas nécessairement. On l'a utilisé en Norvège. Vous avez mentionné qu'il ait également été utilisé en France. Avez-vous des observations à ce sujet?
Oui, je serais en désaccord avec toute conception selon laquelle il faudrait radier une société de la bourse. Radier une société et l'éloigner de la gouvernance et de la transparence d'une entreprise publique est, en apparence, négatif, alors je ne vois pas cela comme...
Le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario constitue un investisseur et un actionnaire importants. Il peut choisir d'investir — ou de ne pas le faire — dans toutes les sociétés qu'il veut. C'est là une solution plus efficace à ce problème. Si les investisseurs comprennent, et ils commencent à le comprendre, que les entreprises dont la direction est plus diversifiée ont un meilleur rendement, ils déplaceront leur argent vers ces sociétés plus diversifiées. Ce serait là le meilleur incitatif au changement pour les conseils et les PDG.
« Se conformer ou s'expliquer » constitue un pas dans la bonne direction car il faut que les gens soient tenus responsables. Malheureusement, dans les faits, ce sont des avocats qui rédigent les « explications ». Si vous tentez de lire certaines des « explications », elles ont de toute évidence été écrites par des avocats, et il n'y a pas d'autre « explication » que celle qu'ils se sont conformés en s'expliquant.
Ceci illustre le problème d'utiliser la loi pour tenter de forcer les gens à faire des choses qu'ils ne veulent pas réellement faire. Ce qu'il faut, c'est faire en sorte qu'ils veuillent le faire. Et ils voudront le faire parce que cela améliorera leur entreprise et leur performance financière, et qu'alors, ils pourront continuer à recevoir du financement pour la recherche de la part du gouvernement. Ils voudront le faire parce que le gouvernement est propriétaire de l'entreprise et que celui-ci leur dit de le faire, qu'il est actionnaire et qu'il a le droit de lui dire de le faire. À mon avis, c'est la meilleure voie à suivre.
« Se conformer ou s'expliquer » est un pas dans la bonne direction — je ne dis pas que ce n'est pas le cas — mais ne vous attendez pas à des changements concrets. C'est le marché qui va opérer des changements.
Et qu'en est-il des cibles? Croyez-vous que nous devrions avoir des cibles pour ce que nous souhaitons voir arriver?
Pour ce qui est d'une cible au gouvernement fédéral — et je dois dire que l'approche du premier ministre Trudeau dans ce gouvernement a été très encourageante, mais l'effet est limité — il vaut mieux donner l'exemple.
J'ai ma propre cible pour tout ce que je dirige. J'essaie d'atteindre la parité homme-femme parce que je crois qu'ainsi, mon entreprise fonctionnera mieux. Je dirige un institut de recherche à présent appelé le Global Risk Institute, qui est paritaire. Je crois que les cibles sont excellentes. Tous les PDG devraient avoir des cibles, et pas seulement au sommet, mais à tous les niveaux de l'organisation. Tous les conseils d'administration devraient avoir des cibles.
Je pense que le gouvernement peut donner l'exemple, en annonçant une cible de 50 % pour l'ensemble de ce qu'il dirige dans la sphère gouvernementale fédérale.
J'aime le hockey, en passant, j'irais volontiers. Dans ma circonscription, toutes les filles des Oakville Hornets adoreraient également.
Quand je suis allée à un souper donné par Catalyst l'an dernier et que j'ai parlé au président de General Motors, il disait la même chose que vous: que c'est bon pour les affaires d'avoir des femmes à la direction et dans les conseils d'administration. Pourquoi ce message n'est-il pas entendu? Les gens qui le font savent qu'ils obtiennent de meilleurs résultats, mais cela ne semble avoir aucun effet sur les 45 % d'entreprises qui n'ont aucune femme dans leur conseil.
La réponse est que le message se fait entendre. Catalyst a fait du bon travail afin de s'assurer que les grandes entreprises agissent en ce sens.
Je pense que l'on peut séparer les hommes en trois groupes différents: les 20 % qui sont très actifs dans le parrainage des femmes, qui y croient et qui agissent; les 20 % qui n'y croient pas et ne feront rien en ce sens, et qui occupent aujourd'hui des postes de pouvoir; et les 60 % du centre. Pour les hommes au centre, tout cela est bien, mais ils ne savent pas quoi faire et ne savent pas que c'est leur responsabilité. Nous disons à ces 60 % d'hommes que c'est là leur responsabilité.
Je dirais à General Motors, puisqu'ils y croient, voyons un peu leurs gestes concrets. À quoi ressemble leur conseil d'administration, leur haute direction, la hiérarchie dans leur gestion? En passant, General Motors a fait de très bonnes choses, tout comme de nombreuses sociétés. Je crois que le progrès est en cours. Il est trop lent pour certaines personnes, par contre.
C'est excellent.
Très bien. Nous avons le temps de prendre une dernière question de cinq minutes, alors monsieur Falk, vous pourriez obtenir réponse à votre question.
Parfait, merci, madame la présidente, c'est ce que je vais faire.
Je vais retourner à la professeure Cohen et lui reposer la question. Nous embauchions des femmes dans...
... des postes de camionneuse, et elles ne voulaient pas toujours faire tout le travail. Nous leur payions un salaire égal.
Je tiens à dire que c'est le genre de chose que nous avons entendue au début de la construction de l'autoroute de l'Île de Vancouver, et que par la suite, les employeurs et les syndicats étaient tous deux très, très satisfaits de ce qui s'était passé. Les femmes avaient été embauchées et l'entreprise était heureuse de les réembaucher par la suite. Alors, je ne sais pas, peut-être êtes-vous tombé sur une femme paresseuse, peut-être avez-vous mal entendu l'histoire, qui sait? Mais peu importe ce qui s'est passé, ce n'est pas nécessairement ce qui se passe à chaque fois, et les femmes ne sont pas nécessairement des traînardes.
Je voudrais ajouter une chose. Il existe des lois sur l'équité en matière d'emploi au Canada, et c'est là une chose dont le gouvernement fédéral doit se souvenir. Nous pouvions autrefois compter sur le Programme de contrats fédéraux, qui prévoyait que toute personne qui travaillait pour le gouvernement fédéral, qui avait obtenu un contrat, devait avoir une idée de ce qu'allait être son programme d'équité. Ce programme est maintenant tombé en désuétude, mais on pourrait le remettre en vigueur: c'est un outil très, très important, car si le gouvernement dépense de grosses sommes et paie quelqu'un pour quelque chose, il pourrait s'assurer de sa responsabilité quant à l'équité pour toutes les personnes protégées par la législation sur les droits humains.
D'accord, merci.
Professeur Nesbitt, je reviens vers vous. Je suis monté dans un avion la semaine dernière et il y avait deux dirigeants qui entraient eux aussi, un homme et une femme, et l'homme s'est assis à côté de moi dans la section affaires, tandis que la femme a continué en lui demandant: « Eh bien John, tu ne vas pas laisser ton siège à une femme? », puis s'est rendue en classe économique.
Pourquoi ferait-elle cela?
Les êtres humains ont des failles. Et en passant, nous pourrions avoir une histoire sur un homme qui a fait quelque chose de fâcheux, pas vrai? Alors je ne crois pas que l'on puisse s'appuyer sur des circonstances particulières, et je pense que nous devons garder un certain sens de l'humour à propos de tout cela.
Ça fait partie de la nature humaine de dire que j'aimerais m'asseoir en classe affaires, sauf que ma politique stipule que je dois aller vers le fond de l'avion. Il faut savoir prendre une blague.
Merci.
Monsieur Nesbitt, je fais de la recherche en sociologie, alors je comprends qu'en recherche, nous devions justifier certaines variables de contrôle. Et, bien entendu, on peut interpréter la recherche de plusieurs façons. On peut y lire des choses, si c'est là ce que l'on souhaite.
Je suis curieuse quant aux études que vous avez réalisées. Avez-vous étudié tous les secteurs du spectre, et êtes-vous arrivé au même résultat, c'est-à-dire qu'approximativement le même nombre d'hommes et de femmes entraîne toujours une plus grande productivité, sans égard au secteur observé?
En règle générale, nous nous fions à d'autres chercheurs, et ils étudient le plus souvent des sociétés publiques, car c'est là qu'il est possible d'obtenir des données, et ils le font sur une base géographiquement diversifiée. Alors, cela s'applique à la Chine aussi bien qu'à l'Europe ou au Canada. J'ai bonne confiance que ces résultats sont assez clairs et universels.
Certaines personnes diraient que vous ne mesurez pas une relation de cause à effet, que vous ne faites qu'observer un phénomène. Je pense que c'est une échappatoire. Si 58 études sur 60 concluent que cela va améliorer votre entreprise, je pense que c'est une preuve suffisante que cela va effectivement améliorer votre entreprise.
C'est plus difficile en sciences sociales, comme vous le savez sûrement, de prouver une relation de cause à effet. Mais je pense qu'on peut être relativement certain qu'il y a une relation, particulièrement lorsqu'on se rend compte qu'il y a un lien mathématique entre l'ajout d'une femme et l'amélioration accrue de son entreprise. Mais cet argument refera toujours surface. Et si nous laissons dire que cela ne prouve pas de relation de cause à effet, et que par conséquent nous devrions ignorer les études, je pense que c'est une échappatoire.
S'il vous plaît, notre séance est terminée, malheureusement.
J'aimerais remercier nos témoins. Si vous pensez à quelque chose qui pourrait nous aider dans notre étude, n'hésitez pas à soumettre votre idée à la greffière.
En ce qui a trait au Comité, la greffière m'a informée que le budget de l'étude était maintenant disponible. On parle de 39 200 $. Une vraie aubaine. Même si vous n'avez pas pris connaissance du budget, je peux accepter une motion aujourd'hui pour l'approuver. Toutefois, si vous le préférez, je peux vous en faire parvenir une copie, que vous pourrez examiner, en vue de soumettre une motion mardi prochain.
J'entends que c'est cette dernière option que vous privilégiez. D'accord. Nous vous enverrons une copie.
Nous allons suspendre la séance pendant que nous changeons de groupe. Merci encore à nos témoins.
Nous sommes prêts à passer au deuxième groupe d'experts.
Nous aurons le grand plaisir d'entendre des témoignages par téléconférence aujourd'hui, notamment celui de Tammy Schirle, professeure associée au département d'économie de l'Université Wilfrid Laurier, qui se joindra à nous par vidéoconférence dans un moment. Il y a aussi Margot Young, professeure à l'Université de la Colombie-Britannique, qui mérite probablement une médaille, parce que si l'on tient compte de la différence d'heure, il est assez tôt pour elle.
Margot, vous méritez une étoile pour être avec nous si tôt ce matin.
Nous sommes aussi privilégiés d'avoir Ramona Lumpkin, rectrice de l'Université Mount Saint Vincent, ici en personne avec nous aujourd'hui.
Nous allons commencer, chacune d'entre vous ayant sept minutes pour présenter ses observations, en commençant par Mme Schirle.
Merci de me donner l'occasion de témoigner devant vous. J'occupe actuellement les fonctions de professeure associée en économie à l'Université Wilfrid Laurier. Je suis spécialisée en économie du travail, avec un accent particulier sur les enjeux liés aux politiques publiques, au genre et à la retraite.
De façon générale, je crois que la sécurité économique des femmes s'est beaucoup améliorée au cours des 50 dernières années. Selon moi, cela est attribuable pour une large part à l'activité accrue des femmes sur le marché du travail, ce qui leur donne droit à une rémunération, des pensions et d'autres revenus, indépendamment des décisions de leur conjoint.
Durant le peu de temps que j'ai, j'aimerais soumettre trois éléments à l'attention du Comité. Tout d'abord, j'aimerais proposer des améliorations à la prestation fiscale pour le revenu de travail, qui favoriseraient une plus grande indépendance des femmes dans leurs décisions professionnelles. En deuxième lieu, j'aimerais proposer un examen général des prestations fondées sur le revenu qui sont mises à la disposition des femmes plus âgées. En troisième lieu, j'aimerais vous faire part de mes travaux actuels concernant les écarts salariaux entre les sexes, afin de démontrer que l'avantage salarial dont jouissent les professions à prédominance masculine n'est pas simplement le reflet des compétences plus grandes nécessaires pour occuper ces professions.
J'aimerais tout d'abord parler de la prestation fiscale pour le revenu de travail ou la PFRT. La PFRT est un crédit d'impôt non remboursable qui vise à offrir un allègement fiscal à certaines personnes qui ont un faible revenu annuel. Dans le cadre du programme actuel, ces personnes profitent d'une subvention salariale de 25 %, qui augmentera pour passer à 26 % en 2019. Cette subvention salariale a pour effet de faire augmenter le taux de rémunération effectif, et des données montrent que cela incite les travailleurs dont la rémunération est faible à travailler davantage pendant une année. Ainsi, la PFRT peut favoriser l'activité sur le marché du travail et entraîner une plus grande sécurité économique à l'avenir.
Toutefois, deux problèmes se posent concernant la PFRT. Tout d'abord, dans le cas des femmes mariées, l'admissibilité dépend du revenu du couple. En pratique, cela signifie que le taux de rémunération effectif d'une femme à faible revenu dépend des décisions de son conjoint. En général, on s'attend à ce que les politiques qui ont des répercussions sur les incitatifs sur le marché du travail soient axées sur la personne plutôt que sur la famille, au moment de l'évaluation du revenu, en vue de promouvoir et d'appuyer l'équité entre les sexes.
En deuxième lieu, dans les cas où les deux conjoints sont à faible revenu, seulement un membre du couple peut demander la PFRT. Cela signifie qu'une femme doit négocier avec son conjoint pour être admissible à la prestation. Encore une fois, cela signifie que le taux de rémunération effectif d'une femme à faible revenu dépend des décisions de son conjoint.
C'est pourquoi je propose que l'article 122.7 de la Loi de l'impôt sur le revenu soit modifié, afin que l'admissibilité à la PFRT dépende de la situation individuelle plutôt que de celle du couple.
J'aimerais maintenant parler des prestations fondées sur le revenu qui sont mises à la disposition des personnes plus âgées. Le système de revenu de retraite au Canada a été conçu pour une large part dans les années 1960 et 1970. Nombre de ses caractéristiques rendent compte de l'organisation des familles à ce moment-là. Le système doit être mis à jour pour mieux correspondre à la structure familiale actuelle et future. Par exemple, j'aimerais mentionner la prestation disponible en vertu de la partie III de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Lorsque le conjoint ou la conjointe d'un bénéficiaire est âgé de 60 à 64 ans, ou qu'une veuve est âgée de 60 à 64 ans, un supplément de revenu ou une prestation est disponible. Cette politique reconnaît le fait que la plupart des femmes sont plus jeunes que leurs maris, et que le taux d'activité sur le marché du travail est limité parmi les générations plus âgées.
Toutefois, les femmes à faible revenu de 60 à 64 ans qui sont divorcées ou qui ne se sont simplement jamais mariées ne profitent pas de prestations similaires. De façon générale, je crois qu'il serait utile de procéder à un examen sérieux des diverses politiques de soutien des Canadiens plus âgés qui sont intégrées dans notre système fiscal et notre système de revenu de retraite. Il existe de nombreuses possibilités de mieux cibler les personnes qui en ont le plus besoin, de rendre le système plus transparent pour les contribuables, et de le mettre à jour pour mieux répondre aux besoins des générations actuelles et futures de femmes.
Enfin, j'aimerais mentionner la recherche sur les écarts salariaux entre les sexes que je mène actuellement. Comme vous le savez, les femmes ont en moyenne une rémunération horaire inférieure à celle des hommes. Les économistes passent beaucoup de temps à décortiquer cette différence et à comprendre ce qui la motive. Une chose est claire toutefois: la ségrégation professionnelle est à l'origine d'une part importante de cet écart salarial.
Nous nous demandons si l'avantage salarial dont jouissent les professions à prédominance masculine est justifié, certains emplois nécessitant davantage de connaissances, et les employeurs devant raisonnablement verser des salaires plus élevés pour les emplois qui nécessitent un niveau élevé de compétences. Nous avons examiné séparément des industries et constaté que les différentes industries exigent et valorisent des compétences différentes. Nos résultats montrent clairement que l'avantage salarial des hommes n'est pas justifié sans distinction. Il existe une poignée d'industries dans lesquelles l'avantage salarial semble justifié, du fait que l'on verse une rémunération plus élevée pour des compétences plus grandes. Toutefois, dans de nombreuses industries, la partie de l'écart salarial attribuable à la ségrégation professionnelle ne correspond pas à un écart entre les sexes dans les compétences. Il s'agit simplement d'un avantage dont jouissent les professions à prédominance masculine qui, de notre point de vue, ne peut pas être expliqué.
Étant donné que ces travaux sont en cours, à partir des données confidentielles de Statistique Canada dans notre centre de données de recherche, je ne peux pas présenter de résultats détaillés pour le moment, mais je peux vous faire parvenir un exemplaire de notre rapport en mars.
Je suis d'avis que les recherches que nous effectuons pourraient servir de données probantes pour l'élaboration de nouvelles politiques d'équité salariale appliquées au niveau de l'industrie dans le secteur privé. Même si ce domaine relève pour une large part des provinces, il existe des possibilités au sein de l'administration fédérale de faire progresser l'équité salariale dans le secteur privé.
Je vous remercie de votre attention aujourd'hui. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à Margot Young, à distance, à l'Université de la Colombie-Britannique. Vous avez sept minutes.
Pouvez-vous tourner votre microphone, s'il vous plaît? Nous ne vous entendons pas. C'est bien, nous allons vous donner du temps pour arranger cela avec vos experts de l'audiovisuel.
En attendant, nous allons passer à Mme Romana Lumpkin. Vous avez sept minutes.
Merci beaucoup et merci de l'occasion que vous me donnez de parler devant ce comité aujourd'hui, dans le cadre des travaux importants qu'il mène.
Ma présence ici aujourd'hui est inattendue. Je devais rencontrer hier Elizabeth May, Marilyn Gladu et Sheila Malcolmson concernant leurs travaux dans le cadre du caucus des femmes de tous les partis, en rapport avec ceux que je mène avec Universités Canada, et Marilyn m'a dit: « Oh, êtes-vous libre demain matin? » Je l'étais, alors je suis ici et ravie d'y être.
Je collabore avec Universités Canada, et je siège à son conseil d'administration. Les travaux que nous menons depuis presque deux ans déjà visent à favoriser le leadership des femmes dans les universités canadiennes. Nous reconnaissons que, comme dans de nombreux autres secteurs, le leadership des femmes dans les universités canadiennes ne progresse pas depuis presque deux décennies. À l'heure actuelle, environ 20 % des 97 recteurs d'universités au Canada sont des femmes, comme c'est le cas depuis deux décennies. Nous nous demandons pourquoi. Nous nous inquiétons des tendances et des forces qui s'exercent et nous sommes d'avis que nous devrions les examiner, les analyser et tenter de les modifier. Nous tentons aussi d'obtenir des conseils et du soutien d'autres groupes de défense du leadership des femmes, et nous souhaitons que, grâce aux travaux que nous menons, des progrès importants commencent à se faire sentir.
On pourrait penser que dans le domaine de l'enseignement supérieur où, comme nous le savons, plus de la moitié des diplômés de premier cycle sont maintenant des femmes et où la participation de celles-ci augmente rapidement dans de nombreux domaines, cela aurait une incidence sur le leadership, ce qui n'est pas le cas.
Mon université, l'Université Mount Saint Vincent, depuis sa création au milieu du XIXe siècle, a toujours mis l'accent sur les femmes dans des postes de leadership. L'université a été fondée par les Soeurs de la Charité d'Halifax et, en fait, a été le premier collège décernant des grades aux femmes dans le Commonwealth britannique. C'est donc dire que nous avons un mandat très fort de faire progresser les femmes dans le leadership.
Nous avons la Chaire pour les femmes en sciences et en génie de l'Atlantique. Nous avons discuté plus tôt ce matin de la nécessité de faire progresser les femmes en sciences et en génie, ainsi que du travail qui a été accompli à ce chapitre, et cette chaire... qui offre à la fois des possibilités de recherche et des camps aux filles, de la 7e ou de la 8e année, et qui fait la promotion de la persévérance en mathématiques et en génie. Nous croyons que ce genre de choses fera une différence à long terme.
Nous avons aussi le Centre for Women in Business, le seul centre universitaire destiné aux femmes d'affaires au pays, qui effectue des travaux intéressants depuis de nombreuses années maintenant, dans des domaines comme la diversité des fournisseurs, et qui envisagent d'exiger des entreprises qui obtiennent des contrats fédéraux qu'elles favorisent la diversité dans les fournisseurs qu'elles recrutent.
De nombreux éléments sont en jeu en ce qui a trait aux problèmes auxquels nous faisons encore face au sujet de la participation économique des femmes au bien-être de notre pays et des possibilités des femmes en matière de leadership. Nous avons de toute évidence réalisé des progrès au cours des 150 dernières années, mais nous avons atteint un plateau, dans nombre de cas, et les progrès semblent maintenant plus lents qu'auparavant.
Nous sommes nombreuses à déployer des efforts, tout comme votre comité, qui a toute notre gratitude, pour cerner les causes et, ce qui importe davantage, tenter de trouver des solutions. Certaines des causes sont structurelles, et nous disposons d'une somme considérable de recherches pour le démontrer. Le professeur Nesbitt a parlé d'« appareil ». Une autre métaphore qu'une de mes collègues a utilisée et que j'aime beaucoup est la suivante « Ce sont les hommes qui ont construit le terrain de jeux »: l'équipement, les glissoires, les balançoires, tout est conçu pour correspondre aux modèles traditionnels de participation des hommes à la population active. Je crois qu'il est important de souligner, et le professeur Nesbitt l'a aussi mentionné, qu'il n'y a pas de complot pernicieux de la part des hommes qui ont construit le terrain de jeux pour garder les femmes à l'écart. On a seulement intégré cette notion. Il semble normal que les choses soient organisées de cette façon.
Nous devons commencer à décortiquer cette question et déterminer ce qui, en fait, n'est pas naturel, mais acquis, et ce qui peut être changé. Par exemple, compte tenu de la façon dont les choses sont structurées, et en partie en raison des responsabilités domestiques et familiales qui continuent d'incomber aux femmes dans une large mesure, ces dernières n'ont pas nécessairement l'occasion de réseauter en dehors des heures de travail, de se réunir avec d'autres et d'établir des contacts professionnels, ni d'établir des liens avec des personnes pouvant leur servir de mentors ou de parrains. Il existe un domaine où mon université offre un diplôme, à savoir l'accueil et le tourisme, et dans ce domaine, pour progresser, il faut travailler dans différents marchés, en occupant des postes de plus en plus élevés. Encore une fois, selon le modèle traditionnel, les hommes déménagent avec leur famille, mais les femmes sont moins mobiles, beaucoup moins bien préparées pour déplacer leur famille avec elles pour leur travail. Cela n'est pas seulement vrai dans l'industrie de l'accueil, mais aussi dans le secteur bancaire. Cela se vérifie dans de nombreux secteurs.
Est-ce que mon temps de parole est terminé?
Même si je n'ai pas eu beaucoup de temps pour me préparer, j'ai de toute évidence quand même des choses à dire. La raison est en partie culturelle et plus subtile. Je crois certainement, et mon expérience le confirme, que la voix de l'autorité est une voix d'homme. C'est ce que nous entendons. Il y a encore beaucoup de jeunes femmes auprès de qui je fais du mentorat à l'université qui viennent me voir et qui me parlent de leur manque de confiance, du fait qu'elles ne croient pas pouvoir s'avancer et dire: « Comptez sur moi, je suis prête à faire le travail. » Elles n'ont pas cette confiance innée comme, je crois, de nombreux jeunes hommes. Il existe beaucoup d'autres différences culturelles subtiles, que nous devrons aussi tenter de modifier. Je vais m'arrêter ici.
Excellent.
Nous allons maintenant revenir à Margot Young, à l'Université de la Colombie-Britannique.
Vous avez la parole.
Merci. C'est un réel plaisir pour moi de pouvoir m'adresser au Comité ce matin.
Mon expérience professionnelle est axée sur les questions d'égalité des femmes, et plus particulièrement dans les domaines du droit constitutionnel, des droits internationaux de la personne, ainsi que de la justice sociale et du droit en général. J'ai travaillé avec un certain nombre de groupes militant en faveur de l'égalité des femmes, tant à l'échelle nationale que provinciale, et plus particulièrement en rapport avec les droits des femmes et l'obligation du Canada envers les Nations unies en ce qui a trait à ces droits.
J'ai fait parvenir mes observations de ce matin à chacun d'entre vous, ainsi qu'un ensemble de documents concernant le sujet que je vais aborder. Mon courriel se trouve probablement parmi les dizaines d'autres que vous recevez dans vos boîtes de courriel parlementaires.
Aujourd'hui, je veux presser le Comité de recommander que le gouvernement fédéral élabore et mette en oeuvre une stratégie nationale pour l'égalité entre les sexes. Je souhaite soulever trois points en rapport avec ce sujet.
Tout d'abord, j'aimerais parler brièvement de la raison pour laquelle une stratégie nationale pour l'égalité entre les sexes est souhaitable. En deuxième lieu, je voudrais aborder certaines caractéristiques particulières du cadre en matière de droits de la personne que devrait comporter une telle stratégie. Je souhaite aussi mentionner quelques enjeux clés qui devraient être inclus dans la stratégie.
Tout d'abord, pourquoi voulons-nous une stratégie nationale pour l'égalité entre les sexes? Les discussions concernant les inégalités hommes-femmes, comme celle que nous avons eue ce matin, font souvent référence à la notion d'inégalités systémiques. Il s'agit de la reconnaissance que les institutions et les structures de la société, politiques, économiques et sociales, donnent lieu à des inégalités dans les résultats, indépendamment de la discrimination ou de la volonté individuelle.
Il s'agit d'un ensemble complexe de pratiques institutionnelles, d'attitudes et de stéréotypes, de structures économiques et de modèles de relations sociales, qui rend compte de la façon la plus significative, la plus prévisible et la plus insoluble qui soit, des inégalités dont font l'objet les femmes.
Ainsi, la politique qui porte sur les inégalités dont font l'objet les femmes doit comprendre plusieurs thèmes, et elle doit permettre d'évaluer comment ces différents mécanismes systémiques s'additionnent et se renforcent les uns les autres. Cela signifie que l'efficacité de l'élaboration et de la mise en oeuvre d'une politique pour résoudre les inégalités dont font l'objet les femmes repose sur une intention stratégique cohérente et coordonnée. La détermination des objectifs stratégiques, les étapes des mesures à prendre et la coordination législative sont des outils clés pour la mise en oeuvre efficace d'une politique dans ce domaine.
Le gouvernement fédéral au Canada a déjà reconnu la sagesse de cette approche pour résoudre ces problèmes complexes et, à cet égard, s'est engagé à adopter une stratégie nationale sur le logement et une stratégie nationale de réduction de la pauvreté.
Selon la même logique, le temps est maintenant venu de mettre en oeuvre une stratégie pour l'égalité entre les sexes. L'élaboration d'une telle stratégie signifiera que les politiques seront plus efficaces et plus cohérentes et enverra le message que le gouvernement prend au sérieux son obligation en matière d'égalité hommes-femmes, et qu'il s'engage à procéder à des changements.
Le deuxième point que je souhaite soulever a trait aux façons dont la stratégie nationale pour l'égalité entre les sexes contribuera au respect des obligations du Canada en matière de droits internationaux de la personne et, je dirais aussi, de ses obligations constitutionnelles en matière d'égalité.
Comme vous le savez tous, en 1980, le Canada a signé la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. En tant qu'État signataire de cette convention, le Canada doit, tous les quatre ans, même si dans les faits ce n'est pas réellement tous les quatre ans, subir un examen périodique devant le comité qui gère la Convention. Le dernier examen a eu lieu l'automne dernier, et le 18 novembre, le comité chargé de la CEDAW a diffusé ses constatations concernant le Canada.
Dans ces constatations, le comité souligne, de façon importante, que le gouvernement du Canada doit mettre en oeuvre une stratégie, une politique et un plan d'action à l'échelle nationale en matière d'égalité entre les sexes, qui portent sur les aspects suivants:
les facteurs structurels à l'origine des inégalités persistantes, y compris les formes de discrimination croisées contre les femmes et les filles, avec un accent spécial sur les groupes désavantagés de femmes et de filles, y compris les femmes et les filles des Premières Nations, inuites, métisses, afro-canadiennes, handicapées, migrantes, réfugiées, demandeuses d'asile, chefs de famille monoparentale, lesbiennes, bisexuelles, transsexuelles et intersexuées.
Il est donc clair que ce comité d'experts des droits des femmes, mandaté par les États-Unis, est d'avis qu'une stratégie nationale pour l'égalité entre les sexes constitue la meilleure façon pour le Canada de répondre à ses obligations en matière de droits de la personne en vertu de la Convention. De fait, les femmes canadiennes sont d'accord avec cela.
Il y a un peu plus d'une semaine, une campagne nationale a été lancée, et des dizaines d'organisations représentant des milliers de femmes ont signé une lettre au premier ministre demandant une stratégie nationale pour l'égalité entre les sexes. Un certain nombre d'éléments clés font qu'une telle stratégie s'apparente à un document du domaine des droits de la personne ou aux résultats d'un cadre en matière de droits de la personne. Je n'ai pas le temps d'en parler en détail, mais j'en dresserai simplement la liste.
Tout d'abord, évidemment, le contenu et les questions abordées rendent compte des droits des femmes, ce qui signifie essentiellement que ceux-ci ne sont pas laissés de côté ou instrumentalisés au profit d'autres objectifs, comme les contraintes budgétaires ou d'autres objectifs stratégiques.
En deuxième lieu, un cadre en matière de droits de la personne exige, comme le montre la recommandation des Nations unies au Canada, un engagement à donner suite de façon prioritaire aux problèmes des femmes les plus vulnérables et marginalisées, et un engagement à entendre ce que les femmes ont à dire, au moment de structurer la stratégie.
Enfin, nous savons que les droits de la personne imposent des devoirs collectifs au gouvernement. Ce dernier a l'obligation de fournir les conditions propices à l'égalité, et une stratégie doit comporter des mécanismes de reddition de comptes, des repères, des mécanismes de supervision et des échéances efficaces, qui font en sorte que la politique est efficace.
En dernier lieu, j'aimerais mentionner simplement quelques questions de fond sur lesquelles une stratégie nationale pour l'égalité entre les sexes devrait porter. Évidemment, il ne s'agit pas là des seules questions essentielles. Parmi les documents que j'ai fait circuler figurent certains émanant de l'Alliance féministe pour l'action internationale, une liste des recommandations stratégiques du comité de la CEDAW, ainsi qu'une liste des dispositions qui pourraient être prises par le gouvernement fédéral au cours des 12 prochains mois.
Certains expriment la nécessité clé et centrale d'un cadre national en matière de services de garde, qui assure à toutes les femmes canadiennes un accès universel, facile et abordable à ces services. Le rôle que le gouvernement national joue en ce qui a trait à l'assurance-maladie est équivalent au rôle que nous souhaitons qu'il joue au chapitre de la garde des enfants. Tant que des services de garde de qualité ne seront pas universellement accessibles, il ne sera pas possible de progresser sur les autres fronts dans le domaine de l'inégalité économique des femmes.
En deuxième lieu, des logements appropriés représentent évidemment une préoccupation clé. Le rapporteur spécial des Nations Unies nous a mentionné que le Canada vit une crise du logement. Nous avons besoin d'une approche sensible à la spécificité des sexes dans le cadre de l'élaboration de la stratégie nationale sur le logement.
De même, la stratégie nationale de réduction de la pauvreté doit rendre compte du fait que la pauvreté chez les femmes est plus profonde et diffère de la pauvreté chez les hommes. Ce sont les femmes qui sont les plus pauvres parmi les pauvres, et nous devons adopter une optique sensible à la spécificité des sexes au moment de l'élaboration de la stratégie nationale de réduction de la pauvreté.
Enfin, j'aimerais conclure simplement en soulignant que les stratégies nationales portent sur des domaines importants et, à l'heure actuelle, sur les échecs du respect des droits de la personne. Il faut aussi assurer une coordination entre les stratégies. Les préoccupations en matière de droits de la personne sont reliées; les systèmes ne fonctionnent pas isolément, mais en réseau. Les stratégies doivent rendre compte de cela. J'ai déjà mentionné comment les stratégies en matière de logement adéquat, de droit à un logement adéquat, et de droit à la sécurité du revenu, doivent nécessairement tenir compte de la spécificité des sexes. Nous devons reconnaître cela lorsque nous abordons les inégalités auxquelles font face les femmes et lorsque nous élaborons des stratégies pour les éliminer. Il faut créer une synergie productive entre des mesures clés de l'égalité en respectant les droits des femmes et, réellement, la clé de tout cela, du point de vue de ce Comité, repose sur une supervision organisée qu'une stratégie nationale pour l'égalité entre les sexes réfléchie peut offrir.
Merci.
Je vous remercie.
Nous allons commencer notre première ronde de questions avec Mme Ludwig. Vous avez sept minutes.
Merci pour toutes vos présentations. Je vais adopter une approche légèrement différente dans mes questions, qui porteront davantage sur la situation dans les universités. Au Canada, nous nous tournons souvent vers les universités en matière de leadership, et nous savons, par Statistique Canada, que plus de la moitié des étudiants des programmes de premier cycle, et même ceux de nombreux programmes de deuxième cycle, sont des femmes, mais au niveau du doctorat, nous voyons une baisse. Nous savons aussi, statistiquement, qu'il y a une augmentation marquée de l'enseignement en ligne à l'échelle nationale. C'est donc dans cette optique que je vais poser mes questions.
J'ai obtenu mes deux premiers diplômes, coup sur coup, à l'Université de Guelph. J'ai obtenu le troisième de façon combinée, alors que j'étais mariée et que j'avais deux enfants. Lorsque j'ai fait mon doctorat, j'ai définitivement vu une différence entre le nombre de femmes et d'hommes dans les programmes. Par ailleurs, lorsque j'étais doyenne associée de faculté dans une université de la côte Est, j'ai constaté qu'un certain nombre des femmes qui étaient recrutées travaillaient à temps partiel. C'est l'autre élément sur lequel je veux mettre l'accent, l'enseignement à temps partiel.
J'aimerais savoir, selon votre expérience, si l'enseignement à temps partiel, ainsi que l'enseignement en ligne, contribuent à alimenter l'insécurité économique des femmes.
Je suis heureuse d'avoir la possibilité de parler de l'enseignement en ligne ou technologique, plus particulièrement en ce qui a trait à mon propre établissement. Nous avons été la première université du Canada atlantique à offrir des grades au moyen de cours télévisés, il y a presque 30 ans. Le but était principalement de rendre l'enseignement supérieur plus accessible pour les femmes, en raison de notre mission particulière. L'université est publique maintenant, mais je crois qu'elle appartenait toujours aux Soeurs de la Charité à ce moment-là. Nous sommes évidemment passés des cours télévisés à l'apprentissage en ligne, et nous offrons des programmes combinés en salle de classe et en ligne. Il est évident que pour de nombreuses mères qui travaillent, pour de nombreuses femmes, cette souplesse et cet accès sont essentiels pour qu'elles puissent poursuivre des études supérieures. Les cours offerts en ligne comportent un avantage économique pour les femmes et les personnes qui sont dans les tranches de revenu plus faible. Ce mode d'enseignement peut réellement faciliter l'accès aux étudiants.
Je vais voir si mes collègues veulent ajouter quelque chose.
Si je peux intervenir aussi, en ce qui a trait à l'enseignement à temps partiel, ma recherche a porté sur les expériences des enseignants à temps partiel en ligne, et nombre d'entre eux m'ont parlé de l'isolement physique, et aussi du fait qu'en faisant un doctorat, de nombreux étudiants présument qu'ils auront accès à la permanence. Malheureusement, nous voyons bien dans les universités publiques au Canada que ce n'est pas le cas. Nombre de ces personnes réussissent, en cumulant les charges de cours, à tirer un revenu de l'enseignement en ligne à temps partiel, sans avantages ni retraite. Même si, généralement, les universités au pays ont des politiques quant au nombre maximum de cours en ligne que quelqu'un peut donner dans une université, elles ne tiennent pas compte, ou ne peuvent tenir compte, du nombre de personnes qui enseignent dans plusieurs universités et collèges en même temps, non seulement au Canada, mais à l'échelle internationale. Ces personnes ne peuvent pas établir de relations de mentorat avec leurs pairs ou avoir les échanges approfondis qu'elles auraient avec eux si elles se trouvaient sur place à l'université.
C'est vrai. Chez nous, la plupart des cours en ligne sont donnés par des professeurs à temps plein; cela fait partie de leur charge de travail normale. Ces deux modèles se recoupent donc.
Je vais me pencher pendant quelques instants sur les professeurs à temps partiel. Les statistiques montrent bien qu'au pays et que dans l'ensemble de l'Amérique du Nord un pourcentage croissant de cours sont donnés par des enseignants à temps partiel. Cela est assez partagé. En droit ou en médecine, par exemple, il y a des praticiens. Il peut y avoir des raisons valides d'avoir recours à des professionnels et de considérer cela comme une contribution à leur profession. Ce qui se produit, c'est qu'avec les changements qui ont touché le financement universitaire au cours des dernières décennies, la capacité de recruter des professeurs permanents et d'investir dans leur formation, et si les choses tournent bien, ce qui se passe habituellement, la perspective que ces professeurs passent leur vie dans l'établissement représente le risque financier le plus grand que les universités prennent, si vous voulez. Les universités tentent de plus en plus de réduire ce risque en ayant recours à des enseignants à temps partiel, jusqu'à ce qu'elles soient certaines que le nombre d'inscriptions est suffisant dans un domaine, par exemple, pour justifier l'ajout d'un poste à temps plein.
Désolée, je devrais laisser mes collègues répondre aussi.
Je vais intervenir, si vous le permettez.
Je préside actuellement le comité sur la situation de la femme à l'Université de la Colombie-Britannique, et je siège aussi à un certain nombre de comités universitaires sur l'équité et la diversité. La situation des femmes au sein du corps professoral alimente dans une large mesure ma réflexion dans la partie administrative de mon travail. Je commencerais par dire qu'il existe des problèmes importants d'égalité entre les sexes dans nos universités, tant dans le corps professoral que dans la cohorte étudiante.
En ce qui a trait au corps professoral, je ne nommerai que quelques-uns des enjeux auxquels nous faisons face actuellement à l'Université de la Colombie-Britannique. Le premier est l'ascension plus lente des femmes dans la hiérarchie. Prenons le nombre de femmes parmi les chargés d'enseignement. Vous verrez qu'il diminue au fur et à mesure de la progression vers des postes de titulaires. Les femmes sont moins susceptibles de devenir professeures titulaires au sein du corps professoral et, lorsque cela arrive, cela prend plus de temps.
Le sujet de l'enseignement à contrat est important, de même que celui des chargés de cours à temps partiel. Ces emplois sont un genre d'emplois [Note de la rédaction: inaudible] pour les personnes qui ont un doctorat et qui souhaitent occuper un emploi menant à la permanence, mais qui se voient plutôt accorder des contrats d'enseignement qui, essentiellement, sont source d'exploitation et permettent de combler les besoins de l'université au chapitre de l'enseignement, sans offrir le genre d'avantages que comporte un emploi permanent. Les personnes qui occupent des postes d'enseignement à contrat n'accèdent pas de façon prévisible et fiable à des postes permanents; pour nombre d'entre elles, il s'agit de faire le travail pour l'université, avec une rémunération plus faible et une charge de travail plus importante, sans la perspective du genre de cheminement ou de progrès académique auquel on s'attend habituellement.
Nous faisons aussi face à des problèmes d'équité salariale, particulièrement parmi les professeurs à contrat, mais aussi chez ceux qui aspirent à un poste permanent.
Je vais clore le sujet du corps professoral en mentionnant, et je crois que vous avez déjà entendu parler de la discrimination fondée sur le sexe...
Désolée, votre temps de parole est écoulé.
Nous allons maintenant passer aux questions de Mme Harder; vous avez sept minutes. Merci.
Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Ma première question est pour Tammy Schirle. Vous avez parlé de l'avantage salarial des hommes et du fait qu'il n'est pas justifié. Je me demande si vous pouvez élaborer un peu sur ce sujet. Dans votre explication, pouvez-vous parler des secteurs ou des domaines particuliers où cela se produit?
Nous en sommes à une étape de notre recherche où nous tentons de déterminer les industries où le problème de l'avantage salarial des professions à prédominance masculine, qui ne peut être justifié, est le plus répandu. La construction est l'un des domaines qui reviennent fréquemment. La construction de bâtiments est un secteur où cela semble se produire. Il ne semble pas y avoir ce type d'avantage dans les domaines s'apparentant aux services professionnels et techniques. Il n'y a pas de différences entre les professionnels correspondant à des différences de compétences dans le secteur des soins de santé. Les écarts n'y sont pas importants, et il ne semble pas y avoir le même genre d'avantage salarial pour les hommes.
Nous tentons maintenant de déterminer comment évaluer les industries qui semblent avoir les problèmes les plus importants et de définir cela un peu mieux.
Toujours à ce sujet, lorsque vous parlez d'un secteur comme la construction, je crois que s'il en est un qui nous saute tous aux yeux c'est bien celui-là. Il s'agit probablement d'un exemple qui nous viendrait tout naturellement à l'esprit.
Je suis curieuse de savoir si vous basez votre comparaison sur un homme et une femme ayant exactement le même ensemble de compétences pour déterminer qu'il existe une différence dans le salaire que gagnent ces personnes dans le secteur de la construction. Est-ce cela que vous évaluez?
Essentiellement, oui. L'exercice est un peu difficile. Il s'agit d'un exercice statistique, ce qui fait que la correspondance n'est pas facile à établir. Néanmoins, nous avons créé des mesures fondées sur la motricité fine, la force physique, les compétences sociales, les compétences interpersonnelles et les compétences analytiques qui sont nécessaires pour occuper un emploi. C'est ce que nous appelons une CNP, un niveau professionnel à quatre chiffres assez détaillé. Nous pouvons l'utiliser pour comparer les emplois à prédominance masculine et ceux à prédominance féminine. Lorsque le niveau de compétences global est similaire pour ces aspects, nous constatons des taux de rémunération différents.
D'accord, merci beaucoup. Cela m'éclaire.
Ma prochaine question est pour Mme Lumpkin.
Merci d'avoir pu vous joindre à nous à la dernière minute. Nous sommes heureux de vous avoir ici.
Vous avez commenté le fait que les femmes n'ont souvent pas le courage ou la confiance nécessaire pour tenter de décrocher des postes de niveau plus élevé. Je suppose que vous pourriez dire cela. Je me demande si vous pouvez nous expliquer à quoi tient la réticence des femmes.
Je crois que le problème est essentiellement culturel. Comme c'est le cas pour de nombreuses différences entre les sexes, toutefois, il est difficile de cerner les aspects nature contre culture de façon définie pour chaque profession. Il est toutefois évident que les filles et les jeunes femmes veulent avoir toutes les compétences nécessaires pour occuper un poste particulier avant de proposer leur candidature.
Prenons l'exemple d'une équipe autour d'une table qui procède au lancement d'un projet. Les jeunes hommes, lorsqu'ils connaissent à 60 % ce qui doit être fait, lèvent leur main et disent « J'aimerais essayer », tandis que les femmes restent assises là et attendent d'avoir l'impression de détenir 100 % ou 120 % des compétences requises avant de se porter volontaires. Cela se passe tant chez les jeunes que chez les gens plus âgés.
Je crois qu'une intervention est de toute évidence nécessaire. Une partie du problème se situe probablement à l'école, et l'autre partie, à la maison. Nous devons être extrêmement conscients de cette tendance et nous devons commencer à intervenir à un très jeune âge, afin d'encourager les filles à prendre des risques et à essayer des choses qu'elles ne sont pas absolument certaines de réussir.
Parmi les sujets abordés par M. Nesbitt dans la présentation précédente figurait le parrainage, l'accompagnement des femmes pour leur permettre de décrocher ces postes. Croyez-vous que cela pourrait être utile pour aider les femmes à atteindre ces niveaux et à avoir davantage de confiance et de courage pour proposer leur candidature?
Absolument. Les projets pilotes de parrainage qui ont eu lieu ont été très rassurants. J'ai pris connaissance de l'un de ces projets récemment, dans un rapport d'entreprise, une jeune femme ayant mis au défi et sollicité d'autres personnes dans l'entreprise pour une activité de parrainage. On choisit de parrainer une femme, puis on désigne quelqu'un d'autre et on demande à cette personne qui elle veut parrainer. Je crois que nous devons faire un effort conscient pour passer du mentorat au parrainage et que cela peut faire une grande différence.
D'accord.
J'aimerais aussi avoir votre point de vue à ce sujet. Diriez-vous qu'une femme ou qu'un homme est plus susceptible de se proposer pour parrainer une femme?
Selon les études que j'ai consultées, il est peut-être un peu plus difficile pour un homme de parrainer une femme. De nombreux aspects culturels entrent en jeu... Les hommes font le même genre d'activités. On a parlé de hockey; les hommes vont au hockey ensemble. Les activités ont tendance à être divisées entre les sexes, ce qui fait qu'une personne d'un sexe donné est plus à l'aise avec une personne du même sexe. Je crois que les hommes craignent peut-être d'être vus comme des prédateurs. Il est donc important de signaler aux hommes qu'il est approprié de parrainer des femmes, afin que cela soit davantage accepté.
J'ai certainement vu beaucoup de parrainage femme-femme pendant ma carrière. Je fais partie de l'International Women's Forum, par exemple, où tous les efforts sont faits pour identifier et faire participer des femmes plus jeunes, et ne pas se limiter au mentorat, mais avoir recours au parrainage.
Merci, madame la présidente.
Je remercie Margot Young de la Allard School of Law de l'Université de la Colombie-Britannique. Je suis heureuse de vous entendre souligner la nécessité pour le Canada de respecter ses promesses à l'endroit des Nations unies, qui remontent à des décennies, ainsi que de votre adhésion aux principes du comité des Nations unies visant à mettre fin à la discrimination envers les femmes. Dans le rapport publié en novembre, il est mentionné que les gouvernements conservateurs et libéraux successifs ont échoué à respecter ces engagements. Chaque jour cette semaine, nous avons pris connaissance de cas d'échecs dans le suivi des plaintes d'agression sexuelle par les services de police. Je note que la CEDAW des Nations unies a indiqué que, si nous avions un cadre national pour mettre fin à la violence contre les femmes incluant l'intervention des services de police, le gouvernement fédéral devrait assurer le leadership pour que les réponses de la justice et de la police tiennent compte des traumatismes et des différences hommes-femmes, et que le niveau de formation soit constant.
Si le Canada avait pris les devants dans ce domaine, pouvez-vous vous imaginer quelle tournure la réaction de nos pays à la violence sexuelle et au viol aurait prise?
Je crois que la réponse dans ce cas est évidente. Si nous avions pris les devants dans ce domaine, avec un système de justice pénale axé sur la victime, qui comprend la nature systémique des différences hommes-femmes, ainsi que le genre de culture du viol qui caractérise notre nation et d'autres, je crois que nous aurions mieux réussi à respecter nos obligations en matière de droits de la personne et que le taux de plaintes d'agression sexuelle soumises à la police et jugées comme non fondées aurait diminué. Il s'agit d'un problème avec lequel nous sommes aux prises partout au Canada. Nous luttons contre cela à l'Université de la Colombie-Britannique. Je siège au comité directeur du recteur chargé de l'élaboration d'une politique en matière d'agressions sexuelles pour l'université maintenant. Cela soulève une série de questions réellement difficiles, mais essentiellement, il est important d'être conscient et systématique, afin de se défaire des stéréotypes sexistes qui existent dans ce domaine de la loi, ainsi que dans sa mise en oeuvre et son application à tous les niveaux.
Merci.
J'aimerais aborder un autre domaine de votre travail, un domaine qui a aussi fait l'objet de commentaires de la part des Nations unies, à savoir les répercussions, particulièrement sur les femmes autochtones, des changements climatiques et des investissements dans les projets d'extraction de ressources.
J'aimerais connaître votre avis sur la façon dont des projets, comme les nouveaux projets de construction d'oléoducs et les mégaprojets de construction, ainsi que d'autres projets de développement à base de ressources, peuvent avoir des répercussions négatives sur la sécurité économique des femmes autochtones en particulier.
Je peux parler de cela de façon générale. Il existe beaucoup d'ouvrages publiés qui documentent cette question en rapport avec des défis climatiques particuliers, mais il est vrai que les femmes sont vulnérables de façon distinctive et différente aux ravages que provoque la dégradation du climat. Cela est particulièrement vrai pour les femmes autochtones, qui vivent souvent à proximité de sites importants d'industries spécialisées en extraction. Nous constatons que la vulnérabilité des femmes est économique. Les genres d'emplois qui sont générés par ces industries font en sorte que les répercussions économiques des fluctuations que subissent ces emplois sont souvent ressentis de façon distincte et négative par les femmes.
Je vais pousser un peu plus loin ce scénario. Je crois qu'il est bien connu que les femmes ont une vulnérabilité physique plus grande aux toxines environnementales. Les conséquences pour la santé reproductive des femmes autochtones qui vivent à proximité de ces sites d'extraction industriels sont assez significatives dans les faits aussi. Différentes populations autochtones au Canada sont affectées de façon disproportionnée et négative par la contamination environnementale, non pas uniquement celle attribuable aux industries d'extraction, mais aussi celle liée aux rejets ou aux toxines, aux fuites et à ce genre de choses.
Cela souligne encore une fois la nécessité de penser aux conséquences différentes pour les hommes et pour les femmes et d'adopter une perspective qui nous permet d'évaluer les conséquences inégales entre les sexes en fonction d'une gamme d'options stratégiques. Si l'on y pense bien, une stratégie nationale pour l'égalité entre les sexes permettrait ce genre de réflexion systématique concernant cet enjeu susceptible de réellement améliorer la situation des femmes au Canada.
Merci. J'admire les efforts que vous déployez dans les domaines de la défense et de la recherche, parce qu'il faut dépasser ce plateau que nous avons atteint.
Je vais maintenant passer à Mme Lumpkin. Merci d'être ici avec nous aujourd'hui.
J'aimerais commencer par un exemple du milieu universitaire, en réponse aux commentaires de mon collègue député Falk concernant les femmes dans la construction. L'université dans la circonscription que je représente est l'Université de Vancouver Island. Les personnes qui assurent la formation des conducteurs de machinerie lourde me disent que celle-ci est de plus en plus coûteuse et complexe au niveau technique. Toute cette génération qui est formée a grandi avec les jeux électroniques. Dans ma région, on dit que les compagnies minières et forestières sont biaisées en faveur des femmes dans leur recrutement, parce que ces dernières sont plus respectueuses de ce matériel très coûteux. Elles sont moins brusques, ce qui réduit le nombre de machines qui se renversent, etc.
Mais je vais vous laisser cela, pour vos travaux sur le secteur universitaire et de leadership.
J'aimerais en apprendre un peu plus au sujet du travail que vous avez fait à Halifax, particulièrement auprès du YWCA. Peut-être pourriez-vous soumettre au Comité quelques réflexions concernant les difficultés économiques de certaines des femmes auprès de qui vous avez personnellement fait du mentorat et, en premier lieu, les effets de la pauvreté sur leur capacité à entrer sur le marché du travail.
Je vous remercie. C'est avec plaisir que je vais vous parler de cela.
Je siège à un comité consultatif du YWCA d'Halifax. Il s'agit d'un programme qui est destiné aux femmes à faible revenu très marginalisées, qui les aide à acquérir certaines compétences de base, la confiance, la rédaction d'un curriculum vitae, et même la façon de s'habiller pour passer une entrevue, afin qu'elles puissent avoir une expérience de travail et obtenir la sécurité économique pour elles-mêmes et, dans nombre de cas, pour leurs enfants.
Les femmes qui participent à ce programme ont fait face à des défis extrêmes. Le programme dans sa forme actuelle, qui est financé par le gouvernement fédéral, leur permet d'obtenir des affectations de 12 semaines, afin d'acquérir une expérience de travail dans des lieux comme des bibliothèques et des établissements de soins pour personnes âgées, ou auprès des sans-abri. Nombre d'entre elles souhaitent travailler avec des enfants dans des centres de la petite enfance. Ce programme fait prendre conscience à notre groupe consultatif de la pente énorme que les femmes doivent gravir, et je vais vous donner un exemple à cet égard.
Récemment, au sujet des 12 femmes participantes, l'employée qui s'occupe du programme a dit qu'il s'agissait du groupe le plus enthousiaste et engagé avec lequel elle avait travaillé au sein du programme. Les femmes sont toujours présentes pour suivre la formation. Toutefois, elle a eu beaucoup de difficulté à leur trouver des affectations de travail parce que, dans ce cas, ce qui n'est toutefois pas caractéristique du programme, sept d'entre elles ont des dossiers criminels. Elles ont été accusées d'agression ou de vol. Qui sait ce qui se cache derrière cela, et qui connaît le genre de désespoir qui les a amenées à avoir des démêlés avec la justice? Ces femmes sont donc triplement désavantagées, même lorsqu'il ne s'agit que d'obtenir une affectation de travail. Nous mettons toutes l'épaule à la roue afin de trouver des employeurs qui les accueilleront et leur fourniront cette expérience de travail. En fin de compte, elles pourraient être admissibles à un pardon, etc. Il s'agit de femmes qui ont des enfants...
Merci et je vais partager mon temps de parole avec M. Fergus.
Je pourrais probablement vous poser cette question à toutes les trois, mais je vais demander à Mme Young.
Étant donné que nous parlons de la sécurité économique des femmes, pensez-vous à une loi que nous pourrions peut-être améliorer et qui aurait le plus d'impact sur la sécurité économique des femmes?
Il est facile de lancer un appel au gouvernement fédéral pour qu'il mette en oeuvre et encourage des services de garde universels. Cela ferait une différence énorme pour la sécurité économique de nombreuses femmes, particulièrement celles à la tête de familles monoparentales.
De nombreuses données montrent que les gens ont de la difficulté à obtenir un emploi rémunéré en raison de leurs besoins au chapitre des services de garde, de l'inaccessibilité de ces services et du fardeau économique important qu'ils imposent aux ménages, lorsqu'ils sont disponibles.
Il a été toujours très difficile, au chapitre des relations fédérales-provinciales, de mettre sur pied un programme universel de services de garde. J'ai notamment suggéré par le passé que plutôt que de tenter de créer un système fédéral universel, il conviendrait peut-être mieux d'utiliser ces fonds pour des services mieux ciblés et davantage axés sur le revenu individuel que sur le revenu familial, et de s'assurer que de bonnes subventions sont mises à la disposition des femmes qui veulent faire carrière, mais dont les possibilités salariales ne leur permettent pas de couvrir les coûts des services de garde. Il s'agit d'une option à envisager dans ce contexte.
Parmi les enjeux liés à la garde des enfants figure le fait qu'il n'existe pas de solution universelle. Les personnes qui travaillent dans certains métiers ou dans les services de police, par exemple, et qui ont des postes de travail de nuit, ont parfois beaucoup de difficulté à trouver des services de garde et à poursuivre leur carrière.
Je vais passer la parole à mon collègue.
Merci beaucoup.
Avant de commencer, je dois préciser que j'ai déjà été en rapport avec Mme Lumpkin. Dans mon ancienne vie, je travaillais dans le secteur universitaire et j'ai eu l'occasion de visiter l'Université Mount Saint Vincent où j'ai pu collaborer étroitement avec elle. J'ai toujours apprécié son leadership.
Madame Lumpkin, M. Nesbitt, un témoin du précédent groupe d'experts, a souligné combien il était important d'atteindre un certain seuil, une masse critique, selon ses termes, pour que les femmes occupent des postes de leadership au sein de conseils visant à améliorer le rendement organisationnel, ainsi que le rendement en général.
Merci aussi pour vos observations préliminaires. Je note que le tiers du conseil d'Universités Canada est composé de femmes rectrices d'universités, ce qui est formidable. Je présume qu'il s'agit probablement aussi de la moyenne dans d'autres organisations représentant des établissements postsecondaires.
Pouvez-vous nous indiquer comment les universités, dont on s'attend à ce qu'elles soient des chefs de file dans ce domaine, pourraient dépasser les 20 %, qui ne représentent certainement pas une masse critique?
Je dis cela en toute humilité, parce que la Chambre des communes du Canada ne compte que 27 % de députés de sexe féminin, et s'est maintenue en deçà de ce pourcentage jusqu'à la dernière élection. Nous n'avons donc pas de leçons à donner aux autres. Je me demande si vous avez des réflexions à ce sujet.
Je vous remercie de votre question, Greg. C'est exactement à cela que nous travaillons.
Par exemple, l'une des choses que nous allons faire, c'est rencontrer des entreprises de recherche qui guident les universités dans le recrutement pour les postes de cadre, afin de voir si nous pouvons apprendre d'elles quelque chose au sujet des biais inconscients, des obstacles qui touchent le recrutement. Je suis heureuse de dire que...
Exactement, des terrains de jeux conçus par les hommes.
En fait, je suis heureuse de vous informer que l'automne dernier, dans le cadre de notre réunion nationale d'Universités Canada, nous avons recruté quelqu'un pour qu'il nous forme relativement à ce biais inconscient. Environ 60 recteurs d'universités, souvent de sexe masculin, ont participé à cette formation. Cela a été une grande leçon d'humilité. Vous pensez: « Oh, je ne suis pas biaisée », mais en fait, lorsque vous creusez, vous vous rendez compte que l'être humain a toujours tendance à se tourner vers ce qui lui est familier.
Nous avons été nombreux à revenir dans nos établissements avec des notions du biais inconscient. Je crois qu'il y a certainement des choses importantes à faire à ce chapitre.
Peut-être pas dans le secteur universitaire, mais pour les nominations à des conseils, je commence à croire que nous sommes peut-être prêts pour des quotas. Je sais que ce que je dis peut paraître provocateur, mais nous avons vu que la politique « se conformer ou s'expliquer » de la CVMO n'a fait bouger l'aiguille que de 1 %.
Le premier ministre a décidé de nommer un cabinet constitué à parts égales d'hommes et de femmes. Vous pouvez appeler cela un quota, mais les femmes qui ont été nommées me semblent très qualifiées.
Lorsque j'ai rencontré Anita Vandelbeld, présidente du caucus national des femmes libérales, à l'automne, elle m'a mentionné que celui-ci compte maintenant plus de ministres que tout autre caucus libéral et qu'il procède à une analyse comparative entre les sexes presque naturellement.
Parfois, il est nécessaire d'intervenir, et je serais curieuse de voir ce qui arriverait si l'on adoptait des quotas.
Je vous remercie beaucoup.
Madame Schirle et madame Young, avez-vous des avis à ce sujet, particulièrement sur ce dernier point? En sommes-nous arrivés à devoir songer à des quotas, ou sommes-nous encore dans le contexte « se conformer ou s'expliquer »?
Je ne crois pas que le contexte « se conformer ou s'expliquer » a des effets. Les quotas sont complexes, mais je crois qu'ils sont nécessaires, ne serait-ce que pour disposer d'objectifs très clairs, en vue de procéder à une vérification auprès des employeurs, pour s'assurer qu'ils se conforment.
Il s'agit d'un concept difficile à appliquer, particulièrement dans le secteur privé. Je crois que le défi le plus grand est de convaincre le secteur privé d'emboîter le pas.
Je suis d'accord. Je crois que les méthodes que nous utilisons ne fonctionnent de toute évidence pas et qu'il est temps de penser à des quotas.
Il existe toute une gamme de façons différentes de mettre en oeuvre des quotas. En présence d'une approche sensible et structurée, nous pouvons faire beaucoup mieux pour obtenir le genre de résultats au sujet desquels nous, à tout le moins, avons pris des engagements.
Excellent.
Notre temps est à peu près écoulé pour aujourd'hui.
J'aimerais remercier tous nos témoins de leur présence, et plus particulièrement Ramona Lumpkin, à qui j'ai fait une demande expresse hier après-midi lorsqu'elle s'est présentée à mon bureau. J'ai reconnu sa vaste expérience et je lui ai dit: « Nous devons à tout prix vous avoir au sein de ce groupe ».
Si vous pensez à quelque chose qui pourrait être utile au Comité, dans la poursuite de cette étude, n'hésitez pas à en faire part à la greffière. Je vous remercie encore de ce que vous faites pour faire progresser la situation économique des femmes. Passez une excellente journée.
Merci aux membres du Comité.
La séance est levée.
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