Nous sommes ravis d'accueillir aujourd'hui deux représentants du New Leaf Program: M. Harvey Bate, coprésident du conseil d'administration, et Mme Cathy Grant, directrice.
Nous étions censés recevoir une représentante de Babely Shades, mais malheureusement, pour cause de maladie, elle ne se joindra pas à nous.
Il s'agit de notre premier groupe de témoins de la journée. Nous allons commencer, comme d'habitude, par un exposé de 10 minutes de Cathy et Harvey, puis nous passerons aux questions.
La parole est à vous, Harvey.
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À notre connaissance, New Leaf est le plus ancien programme d'intervention pour hommes au Canada. Nous avons ouvert nos portes en avril 1987. Fait très intéressant: M. Bob Whitman, qui a créé et dirigé le programme jusqu'à ce qu'il prenne sa retraite il y a un an et demi, l'a fondé en ayant des discussions avec la collectivité. Il a reconnu qu'il y avait un manque sérieux. Le refuge pour femmes battues recevait plein de femmes différentes, ce qui était le but, mais les agresseurs étaient souvent les mêmes. Le personnel du refuge a compris que quelqu'un devait travailler avec les hommes, sinon le flux de victimes demeurerait constant. Bob a senti que c'est ce qu'il voulait faire.
Il a été très surpris qu'on lui répète à de nombreuses reprises que les hommes ne viendraient pas, qu'ils ne parleraient pas de leurs relations et qu'ils ne changeraient pas. Il n'acceptait pas ces affirmations parce qu'il avait foi en eux. Il croyait qu'au contraire, les hommes viendraient, qu'ils parleraient et qu'ils changeraient parce qu'au bout du compte, les hommes veulent des relations saines et exemptes de violence, mais ils ne savent pas comment s'y prendre.
Il a dû diriger le programme bénévolement pendant quatre ans, dans des sous-sols d'église, avant d'enfin recevoir du financement de base, avant de réussir à prouver, vraiment, que les hommes viendraient. Si vous le construisez, ils viendront.
Depuis ces débuts, nous avons évolué et nous offrons maintenant un programme incroyable. Je vais d'abord vous lire notre énoncé de mission:
Permettre aux hommes d'assumer la responsabilité de leurs comportements violents et entraîner un changement social afin d'éliminer le déséquilibre des pouvoirs sous-jacent. Fournir de l'appui aux hommes et les guider pour veiller à la transformation réelle et à long terme de leurs attitudes et de leurs comportements à l'égard des femmes, ainsi que de l'image qu'ils ont d'eux-mêmes.
Notre mission est basée sur la philosophie féministe selon laquelle les femmes ont le droit de décider de leur vie et de vivre dans des relations libres de mauvais traitements. Ce sont les fondements du programme.
Nous faisons uniquement du travail de groupe. Nous nous assoyons en cercle parce qu'à notre sens, la violence familiale est un problème social. Nous travaillons beaucoup avec les gens; notre programme vise vraiment à appuyer les hommes et à les aider à apprendre comment parler à d'autres hommes de leurs relations et du rôle de parent de manière constructive.
Nous avons constaté que si on met à la disposition des hommes un endroit sûr où ils peuvent réellement parler, ils le font. Nous offrons deux groupes ouverts par semaine. Les hommes sont obligés de participer à au moins une rencontre, et ils peuvent choisir laquelle. Puisque nous fonctionnons de cette façon, nous n'avons pas de listes d'attente. Un homme pourrait nous appeler aujourd'hui et participer à une rencontre ce soir même, une fois que nous nous sommes entretenus avec lui, parce que nous reconnaissons qu'il est irrespectueux de faire attendre quelqu'un qui nous appelle en état de crise.
Habituellement, quand les hommes nous appellent, des choses négatives ce sont déjà produites. Ils sont souvent en état de crise. Ils ont peur et ils n'ont nulle part où aller; nous les acceptons donc sur-le-champ. Nous leur offrons des services de prévention de suicide, d'intervention en situation de crise ou d'assistance au besoin, mais surtout, nous les intégrons immédiatement au groupe pour qu'ils puissent discuter avec d'autres hommes qui ont vécu des situations très semblables et qui se trouvaient dans le même état qu'eux à leur arrivée.
Le programme est très efficace, et puisque les groupes sont ouverts, un homme qui en est à sa première visite se trouve dans la même pièce qu'un homme qui participe depuis des semaines, des mois ou même des années. Nous ne fixons pas de termes; nous demeurons un endroit sûr pour tout le monde. Une fois qu'ils ont participé au programme, tout ce qu'ils doivent faire, c'est nous appeler, se présenter et parler. Nous avons un client qui participe au programme depuis plus longtemps que j'y travaille, et je suis arrivée il y a 17 ans et demi.
Nous travaillons très fort pour que les hommes assument la responsabilité de leurs actions. Nous leur disons qu'ils ne sont pas entièrement responsables de tout ce qui ne fonctionne pas dans la relation, mais qu'ils doivent assumer l'entière responsabilité du rôle qu'ils y jouent.
Nous travaillons avec eux à long terme. Nous essayons de les faire participer pendant six à douze mois parce que le changement est un processus qui prend du temps. Quarante pour cent de nos clients ont été dirigés vers nous par les services de protection de l'enfance et 40 %, par les services correctionnels. Bon nombre de nos clients amènent leurs fils, leurs frères, leurs collègues et leurs amis; de plus en plus d'hommes viennent donc d'eux-mêmes. Nos activités comprennent aussi l'aiguillage auprès des partenaires, des séances d'information pour les femmes, des conférences de cas, des réunions de coordination pour les dossiers à risque élevé et la gestion des dossiers à risque élevé.
Quand Bob a lancé le programme, l'âge moyen des participants était de 45 ans. Aujourd'hui, la majorité de nos clients ont moins de 30 ans et même moins de 25 ans. C'est très excitant, car cela signifie qu'ils viennent à nous quand ils sont jeunes, avant d'avoir causé des dommages pendant des années à leur famille et à eux-mêmes. Pour de nombreuses raisons, cela nous donne espoir.
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C'est une bonne transition vers le sujet que je veux aborder. Puisque nous tentons d'entraîner un changement social, nous essayons de faire de la prévention. Malheureusement, nous n'avons pas toujours le temps.
Un des programmes que nous venons de lancer est un projet pilote appelé « Changing Male Conversations », ou « Modifier les conversations masculines ». Il est financé par l'organisme Centraide du comté de Pictou plutôt que par nos fonds ordinaires. Il a été conçu pour faire participer les jeunes hommes à des discussions sur des sujets précis, des discussions nécessaires pour qu'ils adoptent des attitudes positives à l'égard des femmes et pour qu'ils aient de bonnes relations avec elles. Le but est de s'attaquer aux problèmes à l'échelle sociale, à une époque où la technologie et les médias sociaux donnent un accès illimité non seulement à l'information, mais aussi à des images et à des attitudes très troublantes par rapport aux femmes.
Nous en avons parlé avec des intervenants sociaux, nous avons compilé les recherches et nous avons conçu un programme d'une certaine durée destiné à un groupe de jeunes hommes. La collectivité a collaboré un peu.
De plus, nous nous sommes rendus dans les écoles et nous avons commencé à parler aux jeunes hommes dans un contexte social. Nous avons aussi intégré un processus d'évaluation. Notre objectif principal était d'avoir des échanges positifs avec les jeunes hommes, des discussions sur ce qui serait normalement des sujets de conversations de vestiaires, de « garçons qui se conduisent comme des garçons », dans le but de leur fournir des renseignements. Nous avons engagé une conversation avec eux. Nous avons choisi de travailler avec les élèves de la 7e et de la 11e année pendant un an.
Les sujets que nous avons abordés comprenaient le consentement, l'agression sexuelle, la violence sexuelle, le respect dans une relation saine, le développement de la dépendance à la pornographie, les conséquences de la dépendance, les répercussions de la violence intergénérationnelle, les raisons du caractère généralisé de la violence des hommes, les mesures qu'un homme peut prendre pour ne pas être violent et les façons dont un homme peut réagir à des situations violentes. Voilà la majorité des sujets abordés.
Jusqu'à maintenant, les réactions des jeunes sont phénoménales, et l'ouverture dont les élèves de la 7e année ont fait preuve durant les conversations nous a stupéfaits. Nous sommes encore au milieu du projet.
Je vois que ma minute est écoulée; permettez-moi donc de dire que le financement est évidemment un de nos obstacles principaux. La province paye le salaire de deux employés; toutefois, pour accomplir tout notre travail, nous devons diviser ces fonds pour payer trois employés à temps partiel afin d'avoir une personne supplémentaire qui s'occupe des groupes et de certaines autres tâches.
Un problème que nous avons actuellement, surtout relativement au système juridique, c'est que les procureurs de la Couronne, les avocats de l'aide juridique, les juges et les travailleurs des services correctionnels négocient souvent les plaidoyers des hommes qui agressent des femmes. Par exemple, ils déclarent que si l'homme participe, disons, à six séances du programme New Leaf, ils vont surseoir à la peine. Malheureusement, cela amoindrit notre travail. Nous croyons que le changement doit se faire à long terme; cela amoindrit donc le travail que nous pouvons faire avec les hommes pour apporter des changements significatifs.
Un autre élément, c'est que nous n'avons pas le temps de faire d'autres projets comme celui visant à modifier les conservations masculines. Nous estimons que la prévention est essentielle au changement; il faut donc des fonds et du temps.
L'autre chose que je voulais ajouter, c'est que nous avons maintenant un site Web. L'adresse est www.newleafpictoucounty.ca. Nous avons inclus « pictoucounty » parce que je pense qu'il y a maintenant une compagnie aérienne qui s'appelle NewLeaf et nous recevions trop de visites de personnes qui cherchaient des vols.
Des voix: Oh, oh!
M. Harvey Bate: Je pense que c'est tout le temps que j'avais.
Merci beaucoup, madame Grant, merci beaucoup, monsieur Bate, d'être ici aujourd'hui. Je suis originaire du comté de Pictou et je sais que vous accomplissez du bon travail là-bas. Je suis ravi que vous soyez ici pour permettre à notre groupe de profiter de votre expérience et de votre expertise comme nous entreprenons notre étude visant à prévenir la violence envers les jeunes femmes et les filles.
Mes premières questions porteront sur le programme « Changing Male Conversations » parce que cela ne fait pas partie de votre mandat de base. Un des points qui ont été soulevés dans des questions ou des témoignages précédents, c'est que souvent, les programmes conçus pour provoquer un changement de culture chez les jeunes hommes n'atteignent pas nécessairement les bonnes personnes; par exemple, les jeunes hommes qui viennent visionner une vidéo ou assister à une présentation sur un campus au sujet de la prévention de la violence ne sont pas ceux qui risquent personnellement d'être violents.
Avez-vous conçu le programme de façon à atteindre les groupes à risque?
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Ce n'est pas suffisant de punir ou d'emprisonner ces hommes. Pour apporter un changement réel, il faut travailler avec ce groupe d'hommes.
Notre pays ne compte pas beaucoup de programmes d'intervention auprès des hommes. Nous avons beaucoup plus de services destinés aux victimes. Nous pouvons continuer à aider les victimes, mais cela n'empêchera pas les hommes de se comporter de la sorte, et il nous faut donc plus de services pour les hommes. Si ce service doit être obligatoire, soit.
Comme nous l'avons dit, l'une des difficultés, c'est que le changement doit être véritable. On ne peut pas faire participer un homme qui est violent depuis 20 ans à six séances de gestion de la colère et s'attendre à ce qu'il arrête comme ça, n'est-ce pas?
Je travaille dans le domaine de la protection de l'enfance, et nous savons que le récidivisme est une certitude pour ce qui est de la violence conjugale. S'il y a de la violence une fois, vous savez qu'il y en aura une, deux, trois, quatre ou cinq fois. Il faut que ce soit des changements véritables. Ce serait ma seule recommandation.
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Merci beaucoup. Merci d'être venus aujourd'hui.
Nous avons un programme qui s'appelle Changing Ways à London, en Ontario. C'est un programme particulier qui oeuvre auprès de certains élèves, dont des jeunes garçons qui se sont mal comportés envers de jeunes filles.
Quels sont certains des facteurs clés? Bien souvent, les gens diront que les enfants ont grandi dans un foyer violent et qu'ils ne connaissent que la violence, que c'est un phénomène qui se reproduit.
Pensez-vous que c'est toujours le cas? Quels sont certains des facteurs déclencheurs? Que pensez-vous engendre cette violence? Est-ce parce que ces enfants ont été élevés dans un foyer où la violence était normale? Y a-t-il des facteurs que vous constatez dont nous devrions prendre connaissance, en tant que jeunes mères et épouses, afin que nous puissions renseigner les femmes?
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Le programme New Leaf de la côte Est du pays que vous décrivez me semble très semblable à un programme qui existe sur la côte Ouest, dans ma circonscription, à Nanaimo, en Colombie-Britannique. C'est une ville d'environ 100 000 habitants.
La Haven Society, au cours de la dernière année, a fait savoir que c'est dans les premières 24 heures qui suivent le départ d'une femme d'une relation violente, que le conjoint, car c'est presque toujours la femme qui quitte l'homme, se montre particulièrement réceptif à l'intervention, afin de changer sa façon de faire et de trouver un moyen de se réconcilier. Puisque les femmes retournent si souvent à une relation violente, le personnel de Haven oeuvre pour rendre le retour des femmes aussi sûr que possible. Mes connaissances remontent à une conversation que j'ai eue il y a un an, donc il se peut que certaines de ces pratiques aient changé.
J'aimerais savoir si ce que je vous décris vous est familier et si vous avez des observations là-dessus. Lorsque les employés de ce refuge créent un plan de départ pour la femme afin qu'elle et ses enfants puissent venir au refuge en toute sécurité, elle laisse chez elle une petite carte. La carte dit: « Tu peux communiquer avec moi par personne interposée à ce numéro de téléphone. S'il te plaît communique avec moi en passant par cette personne dans les prochaines 24 heures. J'aimerais te parler des raisons pour lesquelles je suis partie. J'aimerais te l'expliquer, et j'aimerais trouver une façon de rendre la vie sûre pour nous et pour nos enfants. »
Ainsi, les hommes viennent à ce qui était un refuge des femmes. En fait, ils ne s'y rendent pas physiquement, mais ils participent au processus. Je sais que les refuges pour femmes de tout le pays manquent cruellement de ressources, mais s'il est possible de cultiver des relations sûres et respectueuses chez les hommes, on a l'espoir en bout de ligne de réduire la charge de travail avec le temps.
Le programme s'appelle « Les hommes choisissent le respect ». Les hommes, comme vous l'avez dit, doivent choisir d'y participer, mais ils doivent être motivés. Ils espèrent pouvoir garder leur famille ensemble, ou sauront au moins qu'ils auront essayé.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez et si cela ressemble à certains des programmes dont vous avez entendu parler.
Je sais que sur la côte Ouest, le plus gros problème, c'est le financement. Vous avez dit la même chose, que le manque de personnel est votre obstacle le plus grand. Quelles sont les contraintes qui vous empêchent d'offrir le genre de programme holistique qui aiderait toutes les familles au final?
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Nous n'avons pas comme seul problème le manque de personnel. Notre financement n'a pas augmenté depuis 29 ans. Nous recevons le même budget pendant toutes ces années.
En ce qui concerne ce dont vous avez parlé, je connais notre programme et je peux en parler fort de mes connaissances. Nous ne cherchons pas à garder les familles ensemble. Si c'est bien cela ce qui se produit, tant mieux, mais parfois le tort fait est trop grand. Si un homme nous arrive en pensant que nous l'aiderons à récupérer sa famille, il faudrait régler tout un autre ensemble de problèmes avec lui. C'est à lui de réfléchir et de reconnaître que son comportement a été son choix. Voilà la différence qui distingue notre programme. Nous ne cherchons pas à garder les familles ensemble. Nous voulons que les gens réfléchissent, se tiennent responsables et ensuite avancent d'une façon positive.
Nous collaborons de près avec le refuge des femmes. Nous organisons ensemble des séances d'information destinées aux femmes. Nous discutons de la participation des hommes au programme et de leur absence. Nous reconnaissons que la femme doit souvent prendre des décisions très difficiles. Plus la femme disposera de renseignements justes, plus les décisions qu'elle prendra seront sûres.
Notre programme met l'accent sur la sécurité. C'est notre ligne de conduite. Une fois que la sécurité est établie et que les gens obtiennent les services dont ils ont besoin, ils peuvent avancer, et nous les appuyons dans leurs choix en ce qui concerne leur famille.
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Nous pourrions travailler beaucoup plus auprès des jeunes.
La Law Foundation nous avait donné une subvention pour ce travail, mais ces fonds sont épuisés. C'est le seul travail de prévention que nous faisons, et nous continuons à chercher des façons de poursuivre nos efforts.
J'ai conçu et mis en oeuvre un programme d'éducation des enfants il y a quelques années, lorsque nous avons reçu des fonds. Il existe de nombreux programmes formidables dans le domaine, mais celui-ci reposait sur la prémisse que la famille avait été violentée. Les autres programmes ont comme présomption que le foyer est un endroit sûr.
Les hommes devaient arrêter de minimiser leurs actions et de nier leurs problèmes avec leurs partenaires, car nous les acceptions comme participants au programme d'éducation des enfants afin qu'ils puissent se concentrer sur leurs enfants. Les hommes se présentaient une heure plus tôt que prévu. Le groupe se réunissait pendant deux heures, et je les renvoyais chez eux une heure après que le groupe aurait dû quitter, en leur disant que je devais rentrer chez moi pour voir mes enfants.
Bon nombre d'entre eux ont pleuré lors de la dernière rencontre, et je leur ai dit que je ne partais pas, qu'ils pouvaient toujours venir voir le groupe et me poser des questions. Le programme a eu des répercussions énormes sur ces hommes, parce qu'ils étaient maintenant en mesure de participer aux discussions avec la mère de leurs enfants, qu'ils soient toujours en couple ou non, et comprendre ce qu'elles leur racontaient. Nous communiquions également avec les femmes et leur transmettions les mêmes renseignements qu'aux hommes, afin que les hommes ne puissent pas utiliser ces renseignements pour miner les femmes ou saborder leurs efforts, car c'est toujours un problème. Ces relations ont été malsaines et...
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Nous espérions élaborer un manuel dans le cadre du programme Changing Male Conversations. Grâce à ce changement, le programme pourrait être offert dans toutes les écoles, mais évidemment pas par l'entremise du programme New Leaf. Cependant, si nous avions du financement supplémentaire, nous pourrions à tout le moins l'offrir là où c'est possible.
Il y a environ six mois, l'un de nos employés de longue date, Ron Kelly — pas celui que Cathy a mentionné — a pris sa retraite. Il a réduit ses heures de travail. À l'occasion, nous recevions des appels d'écoles pour travailler individuellement avec de jeunes hommes à titre préventif. Il a dit qu'il serait obligé de réduire le nombre de jeunes hommes avec qui il travaille, alors il est passé à 25 jeunes hommes.
Nous avons réduit le nombre, mais nous faisons encore ce type de travail. Nous avons cinq, six ou sept jeunes hommes qui éprouvent des problèmes de gestion de la colère et qui ont eu des problèmes avec des jeunes femmes dans les écoles. Nous travaillons avec eux individuellement car personne d'autre peut le faire ou ne le fera.
Nous pourrions faire beaucoup plus si nous avions plus de financement et plus de personnel.
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Merci beaucoup de votre observation.
Je tiens tout d'abord à vous remercier pour le travail que vous faites, car un grand nombre de personnes qui ont comparu devant nous dans le cadre de cette étude parlent de stratégies sur la façon dont les femmes et les filles peuvent se protéger, notamment en évitant d'aller en ligne ou de faire certaines choses qui sont très risquées. L'idée d'éduquer les filles et les femmes sur la façon d'éviter les préjudices plutôt que d'éduquer les hommes à ne pas causer des préjudices est, à mon avis, une excellente approche.
Je suis très intéressée par une chose que vous avez dite, à savoir que lorsque les hommes s'adressent à vous, ils sont en crise, et vous faites de la prévention du suicide.
Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Ce n'est généralement pas ce à quoi nous pensons. Nous pensons davantage que les hommes qui se manifestent sont plus résistants, ce qui nous ramène peut-être à votre observation initiale sur les hommes qui ne s'adressent pas à vous. Ceux qui sont en crise et qui s'adressent à vous le font-ils sur une base volontaire? Comment intervenez-vous exactement dans ces cas-là?
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Les hommes en crise qui font appel à vous viennent de partout. Ils viennent peut-être d'être arrêtés et libérés de prison, ou ils sortent du tribunal et leur nom est mentionné sans arrêt à la radio. Ils ne sont pas autorisés à retourner à la maison. Ils ne peuvent pas aller chercher leurs outils. Ils ne peuvent pas voir leurs enfants. Ils sont en crise.
Lorsqu'une relation prend fin pour une raison ou une autre, ou lorsqu'un incident très fâcheux et terrible survient, qu'il y ait eu de la violence physique ou non, nous sommes très bons pour faire du mal à l'autre avec nos propos, entre autres. Ces hommes sont gênés, horrifiés, mal à l'aise, fâchés, mêlés, peinés; ils ont l'impression d'avoir tout perdu.
Pour tous ceux qui se présentent à notre programme, nous sommes prêts à consacrer tout le temps qu'il faut pour les écouter, discuter avec eux et vérifier les ressources qu'ils ont. Malheureusement, notre étage de services de santé mentale a fermé ses portes, alors le programme ne dispose plus de ces ressources. Nous transférions souvent les hommes de la salle d'entrevue directement au troisième étage où ils pouvaient obtenir l'aide immédiate dont ils avaient besoin en matière de santé mentale.
Je pense que c'est en grande partie le fait qu'ils savent que quelqu'un les écoutera pour qu'ils n'aient pas à continuer à se défendre. Quelqu'un les écoute enfin.
Ils peuvent nous téléphoner. Nous mènerons une entrevue avec nos clients qui sont en crise. Ils voient et entendent très tôt que nous nous soucions vraiment d'eux, et ils reconnaissent que les hommes dans le groupe le savent également. Tous ceux qui se présentent comptent pour nous, et nous le leur faisons sentir de bien des façons différentes. Pour un grand nombre d'entre nous, c'est tout ce dont nous avons besoin. Parfois, je dirai même, « Je vais croire en vous jusqu'à ce que vous soyez assez fort pour croire en vous-même », ce qui les aide grandement lorsqu'ils voient que vous pensez ce que vous dites.
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Merci beaucoup à chacun de vous d'être ici aujourd'hui et de nous avoir accordé de votre temps. Je sais que votre temps est précieux.
Plus particulièrement, je veux reconnaître le fait que vous faites tous un travail remarquable. Merci du travail que vous accomplissez pour faire du Canada un pays meilleur. Plus particulièrement lorsque vous parlez de vos employés, des ressources à votre disposition et de la façon dont vous gérez ces ressources, vous vous en tirez très bien. Je pense que ce travail doit être salué, alors félicitations.
Ma première question s'adresse à vous, Harvey. Vous êtes celui qui avez soulevé ce point, mais je vous invite tous les deux à répondre à ma question. Quelle est l'incidence que la pornographie et d'autres images ou les médias ont sur les perceptions que les hommes, voire les jeunes garçons, ont à l'égard des femmes?
J'ai fait quelques recherches sur l'incidence de la pornographie. J'ai examiné des études qui ont été réalisées et qui remontent aux années 1980 et 1970, mais rien n'a été fait d'un point de vue gouvernemental pour régler ces problèmes. Ma question comporte quelques volets, et nous devrons y répondre rapidement car je dispose de peu de temps.
Premièrement, d'après vous, quelle incidence la pornographie et les images intimes ont-elles sur les jeunes hommes et les garçons? Deuxièmement, que pouvons-nous y faire?
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Merci, madame la présidente.
Le thème abordé par Collectivité ingénieuse de la péninsule acadienne est l'examen des problèmes que les jeunes femmes doivent surmonter et la manière d'appliquer plus uniformément des stratégies efficaces dans les universités et les collèges afin d'éviter la violence faite aux jeunes femmes sur les campus. On parle, notamment, de la culture du viol, et de la définition et de la perception du consentement.
Nous allons débuter par des observations et des opinions sur notre territoire régional, le Nord-Est du Nouveau-Brunswick. Sa population compte près de 50 000 personnes et est composée à plus de 50 % de femmes. Nous avons deux campus, un universitaire et l'autre collégial.
Au Nouveau-Brunswick, en 2011, 539 agressions sexuelles ont été rapportées à la police. On sait que 90 % des agressions sexuelles, en moyenne, ne sont pas rapportées. Le nombre de 539 agressions pourrait donc facilement signifier 5 000 agressions, en réalité.
Parlons des études et de la recherche dans la région. Seulement quelques études ont été réalisées sur le sujet de la violence faite aux femmes dans la région. Ces initiatives visaient surtout à définir le sujet et à identifier les services existants. La plupart de ces initiatives datent de 10 à 15 ans, environ. Il y a un besoin évident d'une mise à jour de ces études.
Les médias sociaux sont la méthode de communication préférée des jeunes d'aujourd'hui. Ils constituent aussi un appât de choix pour les agresseurs sexuels. Les médias sociaux doivent être abordés comme des véhicules de risque et comme des véhicules de la lutte proactive contre la violence.
Dans la péninsule acadienne, il existe des services pour les femmes victimes de violence. Leurs cas sont traités dans le cadre général de la violence familiale et conjugale.
Selon une étude régionale, un taux élevé de jeunes utiliseraient le sexe pour obtenir un échange de services. Il serait de mise de voir quel est le rapport de ce phénomène avec l'utilisation des médias sociaux et de voir quelle est leur incidence sur les agressions.
Selon l'instance d'intervention auprès des femmes victimes de violence dans la région, les jeunes femmes représentent un groupe spécifique de victimes parce qu'elles en sont à leur première étape en tant qu'adultes et à leur première expérience de vie en dehors du noyau familial. Il faudrait donc établir une stratégie efficace et efficiente auprès de ce groupe de personnes. Il en va de même pour les jeunes hommes susceptibles d'être agresseurs.
Il semble y avoir une discordance entre l'avis des intervenants de première ligne et celui des personnes interrogées sur les campus. Cette discordance porte sur la satisfaction envers les initiatives pour lutter contre la violence faite aux femmes.
En ce qui a trait aux observations et aux opinions sur nos deux campus, l'ampleur de la violence faite aux femmes sur nos deux campus semble être inconnue. On attribue cette méconnaissance à la non-dénonciation. Les observations et les opinions sur la violence faite aux femmes semblent se concentrer sur le spectre du silence, sur la non-dénonciation. On semble d'avis que le silence et la non-dénonciation sont des indices inquiétants dans la lutte contre la violence.
En ce qui a trait à la sensibilisation, des mesures sont adoptées par les deux campus dans le cadre de sessions d'information, par exemple, sur la Politique et les règlements en matière de harcèlement sexuel et sexiste. Le tout est en vigueur sur les deux campus.
Toutefois, il y a une différence surprenante dans la fréquence de la révision des politiques, qui semble plus fréquente sur le campus collégial, c'est-à-dire une fréquence annuelle. Sur le campus universitaire, il semble que la politique n'ait pas été révisée depuis plusieurs années, ce qui démontre un évident manque de mise en commun des efforts d'uniformité des stratégies entre les campus.
Concernant les statistiques sur les cas de violence sexuelle, des représentants universitaires représentent leur institution lors d'initiatives liées au sujet de la violence faite aux femmes. À titre d'exemple, il y a des marches de sensibilisation.
Toutefois, les données reçues par l'administration du campus concernant les actes de violence sur le terrain ne sont pas divulguées à ces représentants. Il faudrait donc qu'un protocole de diffusion des données recueillies soit établi.
Il n'existe pas de lien de concertation ou de collaboration entre les deux campus, en ce qui concerne la violence faite aux femmes.
Les intervenants des campus universitaires interrogés ne connaissent pas les objectifs clairs, nets et précis des gouvernements en ce qui concerne la lutte contre la violence faite aux jeunes femmes. Ils ne connaissent pas, notamment, la notion de « culture du viol » ni la définition et la perception de « consentement ». Il y a un besoin de concertation de ce côté.
Comment définir la culture du viol et la notion de consentement? La question de la culture de viol n'est pas abordée par les campus. La perception du consentement fait actuellement l'objet d'une recherche à l'Université de Moncton, et le campus de notre région y participe. Toutefois, le campus collégial n'y participe pas.
Voici la liste de nos recommandations:
Premièrement, que le gouvernement fédéral mette en place un dispositif de « chapeautage » sur la violence faite aux femmes, afin d'assurer plus d'uniformité et de mise en commun des stratégies avancées par les différentes instances provinciales et régionales, et que les communautés universitaires et collégiales y aient une place de choix.
Deuxièmement, que le gouvernement fédéral mette en place un mécanisme en vue d'encourager les provinces à coordonner des actions régionales visant à briser les cadres du sentiment de culpabilité de la femme et la « protection involontaire » des conséquences de la dénonciation pour les agresseurs.
Enfin, troisièmement, que le gouvernement fédéral sollicite les diffuseurs de médias sociaux à devenir partenaires dans la lutte contre la violence faite aux femmes.
Merci.
D'abord, nous remercions le Comité de l'invitation à cette séance pour présenter davantage nos travaux et nos réflexions à la suite de l'enquête ESSIMU, soit l'enquête « Sexualité, sécurité et interactions en milieu universitaire ». Cette enquête visait spécifiquement à établir un portrait des violences sexuelles en milieu universitaire au Québec. La présentation d'aujourd'hui nous permettra de vous exposer les principales constatations, et les recommandations qui ont découlé de ce travail.
ESSIMU est une récente étude réalisée auprès de 9 284 personnes qui étudiaient ou travaillaient dans les universités du Québec. Douze chercheurs et six universités ont participé à l'étude avec notre partenaire de la communauté, le Regroupement québécois des CALACS. Je vous fais part de quelques constatations.
D'abord, les violences sexuelles en milieu universitaire touchent directement un grand nombre de personnes qui travaillent ou étudient dans les universités du Québec. Selon notre étude et les participants, une personne sur trois rapporte avoir déjà vécu un type de violence sexuelle à l'intérieur du milieu universitaire, depuis son entrée à l'université, et une personne sur quatre rapporte avoir vécu un type de violence sexuelle au cours de la dernière année. Alors, ces gestes sont encore présents et récents.
En ce qui concerne les stratégies, des services de soutien doivent être accessibles et confidentiels pour l'ensemble des personnes qui souhaiteraient y avoir recours.
Il y a aussi une autre donnée. Selon notre recherche, la victime type est une étudiante et les gestes de violence sexuelle sont posés par un autre étudiant. L'étude met aussi en lumière plusieurs situations dans lesquelles la victime est une étudiante et la personne qui commet des gestes est un enseignant. Cette réalité ne doit pas être occultée, non plus, dans toutes ces réflexions.
Selon les résultats, des groupes sont également plus susceptibles de subir de la violence sexuelle en milieu universitaire. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à subir les violences sexuelles. Il y a aussi les personnes appartenant à une minorité de genre et à une minorité sexuelle, les étudiantes internationales et les personnes vivant avec un certain handicap. Nous nous devons donc de répondre aux besoins de ces groupes et d'offrir un soutien adapté à leur réalité.
Lors de notre étude, il a été possible de vérifier dans quel contexte ont eu lieu les différentes situations de violence sexuelle. Premièrement, les situations se sont produites très majoritairement à l'extérieur du campus universitaire, donc dans le cadre d'activités sociales ou festives. En deuxième lieu, ce sont durant les activités d'enseignement, donc durant les cours et les stages de recherche. Il est important de tenir compte de cette réalité dans toutes les différentes stratégies qui seront établies. On parle beaucoup des activités d'intégration, ou des initiations. Cela peut bien sûr arriver durant ces événements, mais ce n'est pas le cas de la majorité des situations. Les stratégies doivent donc couvrir l'ensemble des situations où les violences peuvent se produire.
Les violences sexuelles en milieu universitaire ont plusieurs conséquences. Nous n'allons pas les énumérer toutes. Je crois que le Comité, de par ses travaux, s'est très bien rendu compte de l'ampleur des conséquences des violences sexuelles. Par ailleurs, plus spécifiquement en milieu universitaire, des conséquences sont liées au parcours d'études des jeunes femmes. Des étudiantes interrompent leurs études en raison de situations vécues dans le milieu universitaire. Il existe donc des conséquences qui sont très spécifiques au milieu universitaire.
Notre étude ne traite pas seulement des victimes directement touchées. Une personne sur cinq avait déjà reçu les confidences d'une autre personne de l'université qui avait vécu des violences sexuelles. Par ailleurs, une personne sur sept a déclaré avoir déjà été témoin d'un type ou d'un autre de violence sexuelle à l'intérieur du milieu universitaire.
Nous croyons que ces personnes ont un rôle actif à jouer dans la prévention, la sensibilisation et la lutte contre les violences sexuelles. Les stratégies à mettre en oeuvre doivent également les inclure.
Avant de laisser la parole à ma collègue, je terminerai en disant que l'étude démontre malheureusement que plusieurs préjugés persistent. On parle ici de préjugés contre les victimes, principalement, donc de préjugés qui ont comme effet de culpabiliser, de responsabiliser les victimes, et, inversement, de déresponsabiliser les agresseurs à l'égard des gestes qu'ils ont commis. Les stratégies doivent également prendre en compte ces préjugés, qui portent préjudice aux victimes, essentiellement.
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Les résultats de nos recherches nous ont permis de constater que beaucoup de victimes gardent le silence, ce qui n'est pas très surprenant. En fait, 85 % des personnes qui ont répondu à notre sondage en ligne n'ont jamais signalé la situation aux autorités de leur université. Ce constat, cette réalité, doit nous interpeller. Cela nous amène à nous poser des questions, notamment sur le sentiment de méfiance qu'entretiennent les victimes de violence sexuelle en milieu universitaire à l'égard des institutions.
C'est pourquoi une stratégie devrait miser sur l'importance de se doter de mécanismes légaux obligeant les établissements d'enseignement postsecondaire à lutter contre les violences sexuelles en milieu universitaire. Ces mécanismes, lois ou règlements devraient vraiment mettre en lumière la responsabilité des institutions universitaires. Dans ces conditions, ces dernières recevraient probablement davantage de plaintes.
La culture du viol, c'est aussi la culture du silence. Ainsi, bien souvent, les rares personnes qui signalent les agissements de leurs agresseurs ne sont pas tenues informées de la nature des sanctions imposées aux harceleurs ou aux agresseurs. Dans ces circonstances, les institutions invoquent la confidentialité et la nécessité de respecter la vie privée, etc. Or tout cela pose problème à plus d'un titre.
D'abord, cela pose un problème d'impunité, d'autant plus que les recherches démontrent que les agresseurs sont bien souvent des récidivistes. Cela pose aussi un problème très concret, à savoir que les victimes peuvent croiser de nouveau leur agresseur sur le campus ou dans le cadre de leurs activités en milieu universitaire. En effet, les violences sexuelles perpétrées en milieu universitaire ont ceci de particulier que la victime et l'agresseur partagent les mêmes lieux. Le problème relatif aux sanctions et aux questions de confidentialité doit interpeller les universités, mais il doit aussi, à certains égards, toucher les lois canadiennes.
J'aimerais également souligner la nécessité d'appliquer une logique de transparence. Lorsqu'une situation de violence est dénoncée et traitée, il semble important de communiquer les résultats du traitement de la plainte. Cela cadre avec la logique voulant qu'on lutte contre l'impunité. Le fait de favoriser le signalement et de communiquer publiquement les résultats du traitement de la plainte, incluant les faits reprochés et la sanction, aurait notamment pour effet de faire savoir aux victimes que la situation de violence et d'injustice dont elles ont fait l'objet a été reconnue et prise en compte par l'institution, voire par l'État. Cela aurait aussi pour effet de rassurer l'ensemble de la communauté universitaire sur le fait que tout serait mis en oeuvre pour que ce problème soit véritablement éradiqué. Enfin, probablement à titre de prévention, selon cette logique de transparence et non cette culture du silence, cela aurait un effet dissuasif intéressant.
Concernant l'enjeu du sous-signalement, il y aurait lieu d'informer la population étudiante, au moyen de toute sorte d'activités de sensibilisation et de formation, de toutes les façons possibles de signaler un événement. Il ne s'agirait pas seulement des mécanismes officiels ou judiciaires, mais de toute sorte d'autres modalités permettant qu'on prenne en compte leur expérience et qu'on reconnaisse celle-ci en tant que problème inacceptable.
La sensibilisation pourrait effectivement porter sur un ensemble d'autres éléments, mais j'imagine qu'on pourra revenir notamment sur le sujet de la culture du viol à la période des questions.
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Je vais essayer d'être brève. Ce qui est à l'oeuvre dans nos sociétés est ce qu'on appelle en français les rapports sociaux de sexe — nous pourrions appeler cela autrement. Les violences sexuelles en milieu universitaire n'échappent pas à ce cadre. Il s'agit d'une idéologie qui serait un peu de l'ordre de la culture du viol. Elle est vraiment constituée de rapports de division, de hiérarchie, c'est-à-dire des rapports inégalitaires entre les femmes et les hommes. Cela inclus aussi les personnes issues de minorités de genre. Bref, il y a ce type de socialisation.
Tout à l'heure, ma collègue évoquait l'importance de faire de l'éducation quant à l'établissement de rapports égalitaires dès le plus jeune âge. Il ne s'agit pas seulement de faire de l'éducation à la sexualité, mais vraiment à l'égalité. Il faut penser l'autre comme un autre soi-même. Il faut donc amener les garçons à considérer les femmes comme leurs égales, comme d'autres eux-mêmes, et de ne pas structurer toute leur vision du monde en fonction des sexes.
Je pense que c'est vraiment un enjeu crucial. Pour avoir travaillé sur différents problèmes autour de la violence à caractère sexuel dans différents contextes, nous en revenons toujours à cela. C'est toujours une question d'égalité, de rapports entre les sexes ou les genres.
Donc, il y a le problème de la socialisation fondée sur des mentalités. Il faudrait circonvenir l'exploitation de cette inégalité. Après, s'ajoute tout ce que charrie cette notion de culture du viol qui a été évoquée et qui fait les manchettes à l'heure actuelle. Elle me semble intéressante aussi.
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La question de la pornographie déborde certainement du cadre de notre intervention d'aujourd'hui, qui porte sur la violence en milieu universitaire. Cependant, comme le cadre élargi est la question de l'égalité entre les sexes et entre les genres, c'est sûr que nous ne pouvons pas faire l'économie d'une réflexion qui inclut l'exploitation sexuelle et la pornographie. Il existe des divisions idéologiques pour appréhender la pornographie: est-elle en soi une violence ou pas.
Je crois que vous avez remarqué qu'il y avait un problème de représentation. Il y a aussi un problème lié au fait que la majorité de la pornographie devient de plus en plus violente. Elle reste centrée sur la sexualité masculine, c'est-à-dire une certaine dimension associée à la virilité et à la performance.
Tout cela n'est pas du tout en voie de mener à des relations égalitaires ni de mener à des relations où le social ne serait pas divisé en deux catégories d'êtres humains, les hommes et les femmes, mais où il offrirait plutôt une multitude de possibilités en termes d'épanouissement personnel. Prenons un exemple concret sur l'estime de soi. Si on voit une amie faire son éducation sexuelle en regardant de la pornographie où elle voit une certaine représentation de la femme dans ces nombreuses productions, c'est sûr que cela nous interpellera à tous les niveaux de la société, que ce soit comme amie, comme parent ou peu importe le lien.
Alors, oui, ce problème est à lier à la violence sexuelle, à mon avis.
En fait, nous avons demandé aux personnes qui ont répondu à notre questionnaire si elles avaient un handicap. Ceci nous a permis de voir un peu qui étaient les personnes répondantes.
Le fait de vivre avec un handicap, qu'il soit physique ou mental, accroît la vulnérabilité des personnes. C'est corroboré par plusieurs études. Il faudra s'attaquer avec sérieux à ce problème.
Par ailleurs, il est bien évident que les étudiantes handicapées sont vulnérables de facto. Elles projettent une vulnérabilité dont peuvent tirer profit des prédateurs ou des personnes qui abuseront du fait qu'elles ont moins de réseaux, qu'elles sont moins mobiles ou qu'elles ont plus de difficulté à obtenir des résultats à la hauteur de leurs espérances ou de celles du système, par exemple.
Dans notre rapport, nous allons traiter plus particulièrement des résultats de recherche relatifs à ce problème.
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Oui. Je vais parler de la situation particulière au Québec. Nos collègues pourront parler de leur région.
Cela prend des investissements importants. Ici, au Québec, nous avons le Regroupement québécois des CALACS, qui comprend une quarantaine de centres d'aide. Cependant, certains de ces centres ont de longues listes d'attente. Cela peut prendre jusqu'à un an, un an et demi, pour être accueillie. De notre côté, à l'université, lorsque des étudiantes viennent nous voir pour avoir des services de soutien, nous les référons aux CALACS. Ce sont quand même les endroits où se trouve l'expertise depuis 40 ans. Il faut donc s'appuyer aussi sur ces organismes qui détiennent l'expérience depuis bon nombre d'années. Nous les référons donc aux CALACS et elles se retrouvent inscrites à une liste d'attente qui peut aller jusqu'à un an. Alors, quand on parle d'accessibilité, il y a certainement des efforts et des investissements à fournir pour faire en sorte que les victimes puissent recevoir de l'aide rapidement. C'est une priorité en ce qui concerne l'accessibilité.
Merci de votre question, parce que cela nous permet de réaffirmer les grands besoins. Au cours des dernières années, les besoins ont augmenté, mais pas nécessairement le financement.
Le plus grand besoin d'une personne qui a vécu une agression sexuelle en milieu universitaire est de sentir qu'on se concentre sur elle. On parle beaucoup de la réponse judiciaire, de l'aider à porter plainte, de l'accompagner dans son cheminement. Oui, il faut permettre une démarche sécuritaire si la personne veut bien aller porter plainte, mais je crois qu'elle a surtout besoin d'être soutenue, d'être crue et d'être rapidement prise en charge.
Au palier universitaire, l'agression semble beaucoup plus passée sous silence et non dénoncée. En ce qui concerne la violence conjugale et familiale, nous en entendons beaucoup plus parler en région. Les intervenants sont beaucoup plus actifs. Toutefois, aux paliers universitaire et collégial, on semble se dire que, oui, des gestes ont été posés, mais cela ne va pas plus loin. Il n'y a pas de dénonciation, ou presque pas. Comme je le disais, c'est passé sous silence.
Sur le plan régional — je veux faire un lien avec ce que mes consoeurs du Québec disaient plus tôt —, il y a un besoin en matière de soutien. Il y a plusieurs années, nous avons fait l'expérience de mettre en place un système qu'on appelait « aide au niveau primaire », de soutien communautaire de femmes à l'endroit d'autres femmes, et cela fonctionnait très bien. Je crois qu'aux paliers universitaire et collégial, nous aurions besoin d'un système qui s'apparente à cela.
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Je peux peut-être répondre, partiellement en tout cas.
En ce qui concerne le problème du soutien financier, il y a la question de la volonté politique et celle relative à la réputation des établissements. S'il n'y a pas de chiffres, il n'y a pas de problème. S'il n'y a pas de problème, cela ne risque pas de nuire, par exemple, aux inscriptions, au recrutement de professeurs, etc. C'est un aspect du problème. L'autre aspect, c'est que nous sommes dans une conjoncture économique où tout ce que les décisionnaires dans les universités nous disent, c'est qu'ils n'ont pas de moyens.
Par exemple, à l'UQAM, nous avions considéré il y a trois ans, avec des responsables haut placés de l'institution, la création d'un CALACS extra-campus. Ce centre aurait été financé, ou en tout cas soutenu, par l'université, de manière à ce que les victimes puissent obtenir un service adéquat, comme l'a mentionné ma collègue plus tôt. Ce service n'aurait pas été situé sur le campus, parce qu'une structure sur le campus soulève un sentiment de méfiance. Tout de suite, la question financière a été invoquée. C'est donc vraiment un souci. C'est difficile de dire aux universités qu'elles doivent faire ceci et cela; mettre en place un bureau d'intervention digne de ce nom; mener des campagnes de sensibilisation; faire de la prévention; mettre en oeuvre des politiques; et trouver l'argent nécessaire dans des budgets déjà extrêmement serrés. Je crois qu'il y a certainement moyen pour elles de réorganiser certaines affaires, mais ...
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Excusez-moi, mais le temps de parole est écoulé.
Je voudrais remercier tous les témoins aujourd'hui. C'était magnifique et très intéressant.
[Traduction]
J'aviserais les membres du Comité qu'en raison de la venue des athlètes et des entraîneurs olympiques et paralympiques, nous annulerons la séance de mercredi, même si le sous-comité se réunira au cours de la dernière heure de la présente séance. Vous avez encore l'occasion de présenter des motions sur nos sujets d'étude de la prochaine session à la greffière afin qu'elle les fasse traduire, ou vous pouvez les présenter lorsque la date de la séance sera fixée.
Je tiens à vous rappeler que l'activité Hope in High Heels a lieu jeudi. Nous nous retrouverons donc à la Flamme du centenaire à midi. Amenez votre personnel et des collègues députés pour prendre part à cette marche de solidarité visant à mettre fin à la violence envers les femmes. Si jamais vous vous posez la question, Mme Nassif et moi-même ne marcherons pas en talons hauts, mais nous partagerons beaucoup d'espoir et de solidarité avec vous.
Une fois encore, merci à tous.
[Français]
Bonne journée.
La séance est levée.