FEWO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent de la condition féminine
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 7 février 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Bonjour, chers collègues. Bienvenue.
Nous poursuivons notre étude de la sécurité économique des femmes. Je veux souhaiter la bienvenue au secrétaire parlementaire pour la Condition féminine, Terry Duguid.
Bienvenue, et nous allons pouvoir profiter de votre sagesse. Je vois que Kevin Waugh nous honore de sa présence aujourd'hui, lui aussi, alors je pense que nous avons encore la parité hommes-femmes. J'adore cela.
Aujourd'hui, nous accueillons Anuradha Dugal, qui est la directrice des Programmes de prévention de la violence à la Fondation canadienne des femmes. Nous accueillons également Ann Decter, qui est la directrice du Plaidoyer des politiques publiques du YMCA Canada. Nous attendons — par vidéoconférence de Paris, en France — Willem Adema, qui est économiste principal à la Division des politiques sociales de l'Organisation de coopération et de développement économiques, mais il ne s'est pas encore joint à nous, alors nous allons le garder pour la fin.
Nous allons commencer par la déclaration de Mme Dugal.
Vous disposez de sept minutes.
Merci, madame la présidente, et honorables membres du Comité. Je suis très enthousiaste à l'idée de comparaître devant vous et de vous parler de la parité hommes-femmes au Canada et, plus particulièrement — comme nous le voyons autour de la table —, de la représentation croissante des femmes à des postes de leadership. C'est un très bon départ.
Toutefois, je dois admettre que je n'apporte pas que de bonnes nouvelles. Nous constatons assurément qu'il y a au Canada de l'inégalité au chapitre de l'écart salarial entre les sexes, ce qui n'a pas changé. Nous observons un faible pourcentage de femmes dans les programmes de sciences, de technologie, de génie et de mathématiques et dans des postes de haute direction, et nous voyons encore des preuves de beaucoup de préjugés inconscients dans les façons dont les femmes sont traitées et dont elles vivent leur vie professionnelle.
Nous savons que l'inégalité économique découle de barrières systémiques et structurelles et qu'elle persiste malgré les indications claires du fait que nous profitons tous de l'égalité entre les sexes. Le Forum économique mondial, en particulier, souligne les nombreuses études qui confirment que la réduction de l'inégalité entre les sexes améliore la productivité et la croissance économique. Au Canada, les femmes continuent d'être marginalisées sur le plan économique, et surtout les femmes de couleur, les femmes autochtones, les femmes des régions rurales et nordiques, les femmes qui se désignent en tant que LGBTQ, les femmes âgées, les immigrantes, les femmes handicapées et les jeunes femmes. Simplement en guise d'exemple, les femmes autochtones sont deux fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les femmes non autochtones.
En outre, nous savons qu'il y a une certaine corrélation avec la violence. Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de subir de la violence dans leurs relations avec leur propre partenaire intime, et cela accroît leur vulnérabilité face à la pauvreté, en partie parce que cela mène à une situation où l'un des partenaires ne peut pas travailler. Le plus souvent, c'est la femme, car elle tente de s'éloigner d'un foyer de violence. Les familles dirigées par un seul parent affichent les taux de pauvreté les plus élevés, et la plupart des familles monoparentales sont dirigées par des femmes.
De nombreuses femmes, en particulier celles qui vivent dans la pauvreté intergénérationnelle ou qui sont moins éduquées, occupent plusieurs emplois à temps partiel à faible salaire afin de réussir à s'acquitter de leurs responsabilités, souvent en tant que femmes au foyer ou pour prendre soin d'enfants, d'une personne âgée ou d'autres membres de la famille. Par conséquent, elles sont souvent dans le secteur informel, ce qui entraîne une absence de mesures de protection, de droits, de services de soutien social traditionnel et d'avantages qui, autrement, les protégeraient. Dans notre publication intitulée Au-delà de la survie, publiée en 2010, nous avons déclaré qu'au Canada le travail non standard touche maintenant près de deux travailleurs sur cinq. Quarante pour cent des femmes de l'économie canadienne occupent un travail non standard. Environ le quart des travailleuses exercent un emploi à temps partiel, et elles comptent pour 70 % de la population active travaillant à temps partiel au Canada. Environ le quart de ces femmes ne peuvent pas trouver de travail à temps plein, et le reste choisit probablement de travailler à temps partiel afin de s'acquitter des responsabilités que nous avons mentionnées plus tôt.
Cependant, les femmes sont maintenant mieux éduquées que les hommes, ont presque autant d'expérience de travail et sont tout aussi susceptibles de mener une carrière rémunératrice, alors nous devons étudier les raisons pour lesquelles, une fois qu'elles obtiennent un poste stable assorti d'avantages sociaux et de sécurité d'emploi, les femmes pourraient également être défavorisées par des structures et des champs institutionnels sexistes et par des professions qui pourraient être dominées par les hommes plutôt que des champs et des professions qui sont dominés par les femmes, lesquels sont très souvent les domaines les moins rémunérateurs de notre secteur économique, c'est-à-dire le travail sans but lucratif, le secteur des services sociaux et le travail administratif. En outre, nous constatons encore que les femmes sont moins susceptibles d'être promues.
Nous finançons des programmes de développement économique. Nous nous concentrons sur les entreprises à vocation sociale, les sciences, la technologie, le génie et les mathématiques, les métiers et la technologie et l'accélération de l'entrepreneuriat pour les femmes. Voici ce que nous ont dit les femmes avant de s'inscrire aux programmes. Elles ont affirmé que 60 % d'entre elles...
Il est question de processus complémentaires. Il ne suffit pas de fournir aux femmes la sécurité économique grâce à un cours de formation en emploi; elles ont besoin de bien plus que cela. En s'inscrivant au programme, elles nous ont dit qu'elles avaient besoin de logements et d'un soutien social pour établir leur maison, avant même qu'elles puissent commencer à penser à leur propre sécurité d'emploi. Trente pour cent d'entre elles avaient besoin d'accéder à un avocat pour s'occuper de problèmes de droit familial, très souvent liés au divorce ou à la garde des enfants, ou de problèmes liés à l'aide sociale, et 10 % avaient besoin de fonds d'urgence pour s'occuper de problèmes de dernière minute. Nous avons également appuyé la mise en place de fonds de prêts d'urgence de partout au Canada. Certaines des femmes achètent des pneus d'hiver pour leur voiture afin de pouvoir se rendre au travail, et elles n'ont habituellement pas pu mettre d'argent de côté pour le faire. Certaines d'entre elles achètent un ordinateur afin de pouvoir se mettre au travail. Certaines paient pour suivre des cours collégiaux afin de mettre à niveau leurs compétences.
Notre recherche nous indique que les choix économiques des femmes sont façonnés par le contexte socioéconomique et politique dans son ensemble. Elles ont besoin de services de soutien leur permettant de faire la transition entre l'aide sociale et l'emploi. Elles ont besoin d'acquérir de nouvelles compétences. Elles veulent obtenir un emploi à temps plein et gagner leur vie convenablement. Elles veulent sortir de la pauvreté.
Nous finançons des programmes. Nous offrons une formation avec 100 organisations distinctes qui oeuvrent dans le domaine du développement économique communautaire partout au Canada. Elles signalent le besoin urgent de formation et de recyclage pour les femmes et d'un investissement dans leurs compétences en emploi qui leur permettraient de changer de milieu de travail.
C'est une question non pas de compétences préalables à l'emploi, mais de compétences polyvalentes qui les mèneront vers un autre emploi. C'est aussi une question de formation et d'expertise des personnes du secteur qui forment les femmes. Nous étudions la possibilité de former des femmes qui sont sous-employées ou sans emploi et d'offrir une formation à l'intention du secteur qui travaille auprès de ces femmes.
On suppose que le développement économique communautaire peut être non discriminatoire, et nous pensons que cette disposition ne tient pas compte du rôle que le sexe continue de jouer en façonnant la vie des femmes, non seulement du point de vue de chaque programme, mais de celui du secteur en entier. Afin de vraiment pouvoir parler de l'autonomie économique des femmes et de leur permettre d'apporter des changements positifs, nous devons organiser ces services de soutien complémentaires.
Nous offrons un programme qui renforce les atouts des femmes. Il est axé sur le soutien à long terme sur les services complémentaires. Il est personnalisé pour chaque femme, et il fournit des services de soutien juste-à-temps, y compris des éléments comme des mentors, des entraîneurs, des programmes de transition et — comme je l'ai mentionné — d'autres types d'aiguillages communautaires.
En guise d'exemple, pour les femmes qui ont suivi ce programme, à la fin nous avons été en mesure de déclarer qu'elles étaient plus employables, dans une proportion de 83 %. Celles qui ont obtenu accès à un mentor comptaient pour 81 %, et 65 % ont appris à s'y retrouver dans la bureaucratie, ce qui — nous le savons — constitue également une partie importante du fait d'avoir à se frayer un chemin vers le succès.
Elles ont également fait des gains du point de vue des actifs financiers. Celles qui ont lancé une petite entreprise comptaient pour 65 %. Celles qui touchaient un revenu plus élevé comptaient pour 51 %, et 44 % ont amélioré leur littératie financière, ce qui — nous le savons — constitue un besoin supplémentaire pour les femmes dans le cadre de leur transition vers la sécurité économique.
En conclusion, je vais mentionner quatre idées stratégiques. J'en ai beaucoup plus à dire à leur sujet, mais je vais simplement les mentionner sous forme de points saillants. Manifestement, il faudra s'organiser pour élargir l'assurance-chômage. Nous avons besoin de logements abordables pour les femmes, en particulier celles dont la transition vise à les éloigner de la violence. Je ne peux pas omettre la garde des enfants. Je vais le redire: la garde des enfants, et la garde des enfants. Nous avons besoin d'un programme de garde d'enfants acceptable, adaptable et efficient partout au Canada, et nous avons besoin d'une loi sur l'équité salariale applicable à l'ensemble du pays.
[Français]
Merci beaucoup.
Je cède maintenant la parole à M. Willem Adema, qui est économiste principal à l'Organisation de coopération et de développement économiques.
Bonjour, monsieur Adema. Soyez le bienvenu.
Vous disposez de sept minutes pour livrer votre présentation.
Merci beaucoup, madame la présidente.
[Traduction]
Merci infiniment de me recevoir. Je n'étais pas tout à fait certain de ce que supposait une audience au Parlement canadien, alors j'ai présenté un petit exposé — qui, je l'espère, vous a été distribué, à vous et à vos collègues — sur le travail que nous faisons, et j'ai essentiellement tenté de brosser un tableau de la situation du Canada comparativement à certains des autres pays de l'OCDE, puisque les comparaisons internationales sont notre gagne-pain. Je vais simplement présenter ces chiffres, puis je suis ouverte aux diverses questions, auxquelles je vais tenter de répondre plus tard.
Très rapidement, à la première page, j'ai recensé aux fins de l'exposé certains écarts entre les hommes et les femmes, entre les taux de participation à la population active et les taux d'emploi chez les hommes et chez les femmes. Vous pouvez voir que l'écart entre les sexes, du point de vue de la participation à la population active et de la participation à l'emploi, est plus petit au Canada que dans bien d'autres pays de l'OCDE, le Japon en particulier, mais un peu plus grand que celui que vous voyez, ici, pour la Suède.
Un autre élément que je voudrais souligner, à la page suivante — auquel l'intervenante précédente a déjà fait allusion —, c'est la différence entre les heures de travail des hommes et des femmes. Dans le premier diagramme, vous verrez la prévalence de l'emploi à temps partiel dans tous les pays de l'OCDE, pour les hommes et les femmes, et ici, encore une fois, vous pouvez voir que l'écart entre les sexes est plus petit que dans certains autres pays. Plus particulièrement, dans les pays européens, comme le Royaume-Uni et l'Allemagne, l'emploi à temps partiel — moins de 30 heures par semaine — est utilisé comme solution par des parents, mais principalement par des mères, pour établir un équilibre entre le travail et les obligations familiales.
Vous voyez, dans l'autre diagramme — et il s'agit d'une question qui, jusqu'à récemment, avait été un peu négligée, selon moi —, le fait de la prévalence des longues heures de travail. Les hommes sont bien plus susceptibles que les femmes de travailler pendant plus de 60 heures par semaine. Vous pouvez voir ici, encore une fois, qu'au Canada l'écart pourrait ne pas être aussi marqué que dans d'autres pays de l'OCDE, mais il est là, et il reflète les problèmes relatifs à l'égalité hommes-femmes sur le marché du travail.
Ces facteurs — combinés avec les choix passés des hommes et des femmes dans les domaines de l'éducation — contribuent à la persistance des écarts salariaux entre les sexes dans tous les pays de l'OCDE ainsi qu'au Canada, où il est tout juste inférieur à 20 %, ce qui est un peu plus élevé que la moyenne de l'OCDE, laquelle s'établit à un peu moins de 15 %. Vous pouvez voir qu'en Suède et en France l'écart salarial est remarquablement plus petit, et qu'au Japon, il est bien plus grand. C'est lié au fait que les Japonaises travaillent principalement dans le secteur atypique et qu'elles ont ainsi moins accès à des primes et à du soutien de leur employeur. Elles touchent un salaire fixe tout en travaillant au titre d'un contrat fixe qui est renouvelable chaque année, et elles affichent une bien moins grande progression de la rémunération que les femmes occupant des emplois semblables, sans compter les hommes.
À la page suivante, nous sommes en train de préparer un rapport de programme en vue de la réunion du conseil ministériel que nous tiendrons ici, en mai, et nous analysons les facteurs qui sous-tendent l'écart salarial entre les sexes. J'ai placé ici, sur le diagramme, une décomposition Oaxaca-Blinder, laquelle donne une certaine idée des facteurs qui sous-tendent les écarts salariaux entre les sexes. Comme vous pouvez le voir, de nombreux pays — c'est aussi le cas, un peu, au Canada —, les caractéristiques des travailleurs, y compris la scolarité, jouent en faveur des femmes et ont un effet positif sur l'écart salarial entre les sexes.
Toutefois, les longues heures de travail des hommes, les heures de travail à temps partiel des femmes et les caractéristiques relatives à l'emploi et à la profession des femmes ont une incidence négative sur l'écart salarial entre les sexes.
Ce qui est encore plus important, c'est que l'économétrie que nous effectuons ne permet pas de tenir compte de tous les facteurs non observables qui sous-tendent l'écart salarial entre les sexes. Vous pouvez voir qu'au Canada et au Royaume-Uni, nous pouvons expliquer une grande partie de cet écart salarial de façon économétrique, mais pas tout. Il est plus grand dans de nombreux autres pays, et cela révèle également — ce n'est pas l'équivalent, car, comme je l'ai dit, l'économétrie n'est pas parfaite — la persistance de la discrimination sur le marché du travail.
Enfin, voici certaines réflexions au sujet des politiques.
J'appuie le témoin précédent en ce qui concerne sa demande de services de garde d'enfants. La garde des enfants est un outil qui aide les deux parents à travailler. Je crois savoir que ces services d'éducation de la petite enfance pourraient être une responsabilité provinciale, au Canada, alors je n'ai rien mis dans le document. Dans la même veine, le congé parental est un levier important que les gouvernements devraient envisager afin de changer le comportement des hommes. Selon certaines recherches, la façon la plus efficace de le faire serait vers le moment de la naissance, afin que l'on puisse changer le comportement des hommes pour une période plus longue. Dans cette optique, environ 10 pays de l'OCDE ont maintenant adopté, sous une forme ou une autre, une période de congé qui est réservée aux pères, soit au moyen de primes, d'incitatifs financiers ou d'un quota accordé dans la loi sur les congés parentaux, que les pères peuvent utiliser, sans quoi ils le perdent. Le Québec offre un congé semblable d'environ six semaines, mais ce régime n'existe pas dans d'autres régions du Canada. Il est étonnant ou surprenant de constater que des pays comme le Japon et la Corée offrent la plus longue période de congé personnel pour les pères, c'est-à-dire environ un an. Cette politique est motivée par leur principale préoccupation au sujet du vieillissement de la population et des faibles taux de fertilité. La préoccupation tient au fait que les femmes ne peuvent pas établir un équilibre travail-vie de famille sans le soutien de l'homme. Par conséquent, la politique encourage maintenant les hommes à prendre congé pour s'occuper des enfants.
Je suppose que ce doigt signifie que je dois m'arrêter.
Oui, exactement.
Merci beaucoup; c'était excellent.
Nous passons maintenant à Ann Decter, qui représente YMCA Canada... et vous disposez également de sept minutes.
Bonjour. Merci d'avoir invité YWCA Canada à contribuer à cette étude.
Depuis la fondation de YWCA Canada, à la fin des années 1800, ses associations membres offrent des programmes et des services essentiels aux femmes et aux filles, notamment en étant le premier fournisseur de programmes d'emploi pour femmes en importance au Canada. Tout au long de l'histoire du Canada, nous avons milité en faveur de politiques qui améliorent la vie des femmes et des filles que nous servons.
En tant qu'association nationale fédérée, YWCA Canada a des priorités stratégiques qui sont établies par ses 32 associations membres, lesquelles travaillent dans neuf provinces et deux territoires. Nos priorités reflètent les besoins des femmes et des filles qui utilisent quotidiennement les services offerts par ces associations.
Nos priorités nationales actuelles comprennent le travail de réconciliation avec les femmes autochtones; l'inclusion des nouvelles arrivantes, des réfugiées et des immigrantes; la lutte contre la violence faite aux femmes; le service national de garde d'enfants; le logement et l'itinérance des femmes; et l'égalité économique des femmes. Notre perspective sur la sécurité économique des femmes est fondée sur ces priorités.
Comme elles comptent pour 51 % de la population du Canada, les femmes sont légèrement majoritaires, et c'est le cas depuis près de 40 ans. Dans l'ensemble, la population du Canada est vieillissante. Cinquante-cinq pour cent des personnes âgées du pays — celles qui ont 65 ans et plus — sont des femmes, et cette proportion augmente avec l'âge. Les femmes comptent pour 63 % des personnes âgées entre 85 et 89 ans et pour 72 % de celles qui sont âgées de 90 ans et plus.
L'emploi de femmes âgées a presque doublé au cours de la dernière décennie, mais le revenu annuel médian est inférieur de un tiers à celui des hommes, et elles sont deux fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté.
Les taux de pauvreté ont augmenté de façon marquée chez les femmes âgées qui ne font pas partie d'une union économique; ils ont triplé, passant de 9 % en 1995 à 28 % en 2015. Durant la majeure partie de cette période, les budgets du gouvernement du Canada ont entraîné une réduction marquée du filet social.
La sécurité économique varie grandement entre les populations de femmes du Canada. Les femmes autochtones sont la population qui s'accroît le plus rapidement, et sa structure d'âge diffère grandement des populations non autochtones ou d'immigrantes. Seules 6 % des femmes autochtones sont des personnes âgées, comparativement à 15 % des immigrantes; 27 % sont des filles autochtones âgées de moins de 15 ans, comparativement à 16 % de la population de femmes non autochtones. L'âge médian — l'âge auquel la moitié de la population est plus âgée et l'autre moitié, plus jeune — des femmes du Canada est 41 ans. Dans le cas des femmes autochtones, métisses et inuites, c'est 29 ans, soit 12 ans de moins.
Les statistiques au sujet des femmes autochtones décrivent les plus jeunes populations de femmes qui s'accroissent le plus rapidement au pays. Par exemple, le nombre de femmes autochtones dans nos prisons fédérales a augmenté de 97 % entre 2002 et 2012. Le Service correctionnel du Canada a décrit la femme autochtone moyenne incarcérée comme ayant 27 ans et une scolarité limitée, comme étant sans emploi au moment de son arrestation et comme une mère qui subvient seule aux besoins de deux ou trois enfants.
En plus des éléments qui suivent, les stratégies visant à assurer la sécurité économique des femmes autochtones du Canada devront comprendre tout: depuis le fait d'assurer le succès de l'enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées jusqu'au financement du bien-être des enfants et à la pleine utilisation du principe de Jordan, en passant par le fait d'honorer les femmes et leur famille, puis de mettre le pays sur la voie de la réduction de la violence contre les femmes autochtones, la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones — y compris le consentement libre, préalable et éclairé — et la pleine mise en oeuvre de l'ordonnance rendue par le Tribunal canadien des droits de la personne afin que le gouvernement fédéral mette fin à la discrimination contre les enfants autochtones. Cela exige le genre de changement fondamental au chapitre de la relation décrit par la Commission de vérité et de réconciliation.
Des augmentations stables de la participation des femmes au sein de la population active depuis les années 1950 ont donné au Canada une population active qui est pratiquement équilibrée en matière de genre. Durant la dernière décennie, les femmes ont constamment compté pour plus de 47 % des personnes employées au Canada. En 2015, la population comprenait davantage de femmes scolarisées en âge de travailler que d'hommes. Soixante-neuf pour cent des femmes âgées de 25 à 64 ans étaient titulaires d'un diplôme ou d'un certificat universitaire, collégial ou professionnel, comparativement à 64 % des hommes; pourtant les femmes travaillant à temps plein et toute l'année touchent environ 72 % du salaire des hommes qui font un travail comparable.
Au Canada, les femmes — en tant que population — sont maintenant mieux scolarisées que les hommes, mais touchent paradoxalement de plus faibles revenus et, par conséquent, sont plus pauvres et moins en sécurité d'un point de vue économique.
Comme on sait que la scolarité a une corrélation positive avec le revenu, il nous reste à nous demander pourquoi cette corrélation n'a pas lieu pour les femmes du Canada, quels obstacles empêchent leur sécurité économique et quelles mesures peuvent permettre d'éliminer ces obstacles.
Il y en a un grand nombre, et je vais en aborder deux ou trois aujourd'hui, dans la période dont je dispose.
Comme l'ont mentionné d'autres témoins, l'écart salarial entre les sexes est important au Canada. YWCA Canada recommande la légifération de l'équité salariale afin de combler cet écart. Le 5 octobre 2016, la Chambre des communes a promis de mettre en oeuvre une loi proactive sur l'équité salariale d'ici la fin de 2018. Le modèle d'équité salariale fondé sur les plaintes doit être remplacé par une loi l'établissant en tant que droit de la personne, et les recommandations du rapport du groupe de travail de 2004 sont un bon point de départ.
Afin d'obtenir la sécurité économique, les femmes ont besoin d'un accès sans entrave à des lieux de travail sécuritaires et à des mesures de protection au travail. Elles comptent pour la majorité des travailleurs touchant le salaire minimum — comme d'autres l'ont dit — et pour sept travailleurs à temps partiel sur dix. Quel que soit leur groupe d'âge, les femmes, environ quatre fois plus que les hommes, sont plus susceptibles de travailler à temps partiel. Une bonne proportion d'entre elles ont désigné des responsabilités personnelles ou familiales comme étant la raison pour laquelle elles le font. Seuls 2 % des hommes donnent la même raison.
Selon la juge Abella, les services de garde d'enfants sont la rampe qui mène à l'égalité des femmes. Il s'agit également de la clé de la sécurité économique pour les femmes qui ont des enfants. Ces services augmentent l'accès des mères à la population active et, comme en témoignent les données du Québec, constituent un outil antipauvreté éprouvé. Les services de garde à faible coût et à vaste portée du Québec confirment que la garde des enfants est une politique sociale efficace pour ce qui est d'enrayer la pauvreté chez les femmes, en particulier celles qui élèvent leur famille seules, en augmentant considérablement leur accès à l'emploi. Au Québec, entre 1996 — année de l'adoption des services de garde d'enfants en tant que politique sociale — et 2008, les taux d'emploi des mères d'enfants âgés de moins de six ans ont augmenté de 22 %. Le nombre de mères célibataires touchant de l'aide sociale a diminué de plus de moitié, passant de 99 000 à 45 000, et le revenu médian après impôt de ces femmes a augmenté de 81 %.
YWCA Canada recommande au gouvernement fédéral de procéder sans tarder à l'établissement d'un vaste accès national à des services de garde d'enfants à faible coût grâce à la mise en oeuvre du cadre de services de garde d'enfants promis. Compte tenu de la scolarité et de la situation d'emploi des femmes, l'absence d'un service de garde d'enfants national est une énorme lacune au chapitre des politiques sociales.
Le développement de la petite enfance pour les enfants autochtones doit être défini par leurs collectivités et tenir compte de la méfiance profonde envers tout type de réseau de service de garde national fréquenté par de jeunes enfants.
Merci.
Excellent.
Mesdames, les renseignements que vous avez présentés sont excellents. Nous avons votre présentation, monsieur Adema, mais j'ai reçu la demande de membres du Comité de vous demander d'envoyer vos notes à la greffière. Ce serait merveilleux.
Nous allons commencer notre première série de questions avec M. Serré.
[Français]
Monsieur Serré, vous disposez de sept minutes.
Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Je remercie infiniment les témoins des exposés qu'ils ont présentés aujourd'hui et de leur travail. Je suis tout simplement fasciné, et j'ai beaucoup de chance de siéger au Comité. Il y a tant à faire, et certaines mesures doivent être prises.
Il est évident que, du point de vue du Comité et — je présume — au cours des 30 dernières années, nous avons beaucoup entendu parler de ce que sont les problèmes. Nous nous concentrons beaucoup sur la comparaison de provinces à d'autres provinces, mais je veux adresser ma première question à M. Adema de l'OCDE.
Vous étudiez d'autres pays, les pratiques exemplaires d'autres pays, comme le Japon. Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet du problème de l'équité salariale entre les sexes? Vous avez mentionné certaines des recommandations, mais quel rôle précis estimez-vous que le gouvernement fédéral devrait jouer pour ce qui est de combler l'écart salarial entre les sexes au Canada, compte tenu de votre expérience auprès d'autres pays?
C'est une très bonne question, à laquelle il est difficile de répondre, dans la mesure où les gouvernements ne peuvent pas simplement réduire l'écart salarial entre les sexes comme cela, par l'adoption d'une loi. Comme vous le savez bien, beaucoup de gens au sein de la population active ont fait leur choix de formation il y a 20 ou 30 ans, et leur profil de carrière ne peut pas simplement être modifié du jour au lendemain.
Ce que les gouvernements peuvent faire, selon moi, c'est établir un pied d'égalité, pour ainsi dire. Dans les systèmes de congés parentaux, les gouvernements doivent tenter de mieux équilibrer la prise de congés entre les hommes et les femmes. Si on laisse le choix aux parents, ils choisissent généralement de laisser le partenaire qui touche la rémunération la moins élevée prendre le congé, puisque les coûts de renonciation sont moins élevés. C'est souvent la mère. On ne va pas provoquer un changement comme cela.
Si on veut changer ce comportement, on doit réfléchir aux programmes de quotas ou de primes afin de tenter d'encourager les hommes à prendre leur congé, eux aussi, ou à travailler à temps partiel, eux aussi, car tant que les employeurs s'attendent à ce que les femmes travaillent à temps partiel ou prennent des congés, ils sont susceptibles de moins investir dans les femmes que dans les hommes.
Voilà une chose.
Les services de garde d'enfants ont été mentionnés. Ils mettent les parents sur un pied d'égalité. Les deux peuvent ensuite participer à la population active. Du point de vue de l'écart salarial, au cours des dernières années, nous avons vu certains pays prendre des mesures afin d'accroître la transparence à l'égard des paiements versés au sein des entreprises, des pays qui tentent de forcer les entreprises d'une certaine taille, plus particulièrement, à publier la paie qu'elles versent aux hommes et aux femmes. La transparence salariale fait partie des aspects que les gouvernements pourraient améliorer directement.
Mais c'est compliqué, parce que, bien entendu, la paie est un enjeu dans les négociations de partenariats sociaux entre les employés et les syndicats. Les gouvernements ne peuvent pas simplement intervenir dans un système de négociation de convention collective pour dire qu'on doit faire ceci ou cela.
Merci.
Madame Dugal, vous avez suscité mon intérêt, plus tôt, quand vous avez parlé du fait que les femmes sont plus scolarisées que les hommes, puis vous avez mentionné un programme de recyclage pour les femmes. Pouvez-vous en dire un peu plus sur le succès que vous avez obtenu grâce à ce programme?
Oui, absolument. Nous nous concentrons sur le recyclage des femmes dans les métiers et la technologie. Plus particulièrement, nous nous penchons sur des programmes destinés aux femmes seulement. L'une des raisons pour lesquelles nous le faisons, bien entendu, tient au parti pris sexiste, que nous avons mentionné à de nombreuses reprises, au sein des industries qui sont habituellement plus attrayantes pour les hommes.
Nous estimons que le parti pris sexiste peut être atténué. Ces industries versent habituellement des rémunérations plus élevées — cela fait partie des raisons pour lesquelles nous les avons choisies — et présentent davantage de possibilités pour permettre aux femmes de faire des gains plus solides au chapitre de leur revenu au fil du temps. À Edmonton, par exemple, nous avons choisi Women Building Futures, une entreprise de la construction qui enseigne aux femmes des compétences en construction. En Nouvelle-Écosse, la WEE Society enseigne aux femmes des compétences en construction navale. Ces organisations ont également établi une relation avec leurs provinces en ce qui a trait aux compétences dont on a besoin dans la province en question à ce moment-là, ce qui les pousse également à s'assurer qu'elles établissent un effectif qui est réceptif aux organisations locales.
Toutefois, le parti pris sexiste dans le cadre des formations d'apprenti et des stages est un élément que nous n'avons pas été en mesure d'atténuer. Ces choses nécessitaient des politiques. Elles nécessitent des champions. Il faut que la population active comprenne des femmes qui vont continuer d'être des mentors auprès des femmes et encadrer ces femmes. Ce que nous avons découvert, c'est que cela doit se faire à long terme. On pourrait former une femme et lui trouver un emploi, mais, si elle ne dispose pas d'un système de soutien — ce qui, encore une fois, est une chose que se constituent habituellement les hommes qui entrent dans la construction ou dans les métiers... si elle ne dispose pas d'un tel soutien — qui n'existe habituellement pas —, elle ne réussira pas. Il faut trouver ces éléments.
Merci.
Comme il me reste une minute, je voulais obtenir un commentaire sur les congés parentaux. Comme je l'ai mentionné lors de la dernière séance, j'ai prix 10 semaines de congé pour mes enfants. C'était le maximum possible.
Je voudrais savoir si les trois d'entre vous auriez une recommandation à formuler concernant l'établissement d'un congé parental de un an pour les hommes, comme au Japon. S'agit-il précisément de quelque chose que vous inséreriez dans une recommandation adressée au Comité afin de retirer une partie de la stigmatisation? Serait-ce avantageux?
Un nouveau congé payé supplémentaire pour les hommes, qui leur serait offert à eux seulement? S'il s'ajoute au congé existant, oui.
Je pense que les données probantes indiquent que, s'il ne s'agit pas d'un congé que seuls les hommes peuvent prendre, il n'est pas utilisé dans la même mesure.
Salut. Merci beaucoup. Je vais commencer par l'OCDE.
Au mois de décembre, j'ai assisté au Forum mondial, en France, où on se concentrait vraiment sur l'économie de partage. Pouvez-vous nous parler rapidement de l'incidence de cette économie et des possibilités qu'elle présente pour les femmes?
Non, au sujet de l'économie de partage. Il s'agit de la possibilité de se lancer dans quelque chose comme Airbnb, si vous connaissez cela. Ce sont des occasions où les femmes peuvent créer des cycles d'affaires en offrant leurs propres produits et en créant une communauté de cette manière.
Je dois admettre que je n'ai pas assisté à ce forum en particulier. Ce que je sais, c'est que, lorsqu'il s'agit d'entrepreneuriat et d'initiatives, le rôle des réseaux de femmes et du mentorat est très important. Si votre définition du terme « partage », c'est le partage avec des collègues et avec des gens dans une situation semblable, il s'agit d'une voie à suivre.
Si je me penche sur le partage dans ce cas particulier, entre les sexes, je regarde les hommes et les femmes qui sont chez eux à tenter de partager le travail dans l'économie, mais aussi le travail à domicile. Divers pays ont entrepris des initiatives dans ce domaine. Nous sommes...
C'est fantastique. Je crois savoir que, dans toutes les cultures, nous devons étudier des éléments qui sont différents. Les choses sont différentes dans le pays où vous vivez et par rapport à la façon dont vous avez été élevé. Je sais que c'est beaucoup lié à cela.
Je veux passer à la Fondation canadienne des femmes et poser une question à sa représentante au sujet de ces programmes de culture du leadership. Pouvez-vous me donner des exemples de ces programmes et de la façon dont ils pourraient encadrer les gens qui souhaitent se lancer en politique, siéger à des conseils ou devenir des femmes entrepreneures? Pouvez-vous me donner une idée?
Absolument. Merci.
Nous avons un institut de leadership qui s'adresse précisément aux femmes. Il est mis à l'essai sur une période de trois ans. Vingt-cinq femmes par année se rendent au Coady International Institute et utilisent un modèle qui est très axé sur le leadership de direction. Il est orienté sur le soutien de leur leadership au sein d'organisations sans but lucratif. La raison pour laquelle nous l'avons créé, c'est que des groupes de développement communautaire nous avaient encouragés à tenter de combler une lacune au chapitre de la formation et de l'expertise en matière de leadership des femmes au sein des organismes sans but lucratif. Comme nous le savons, aucune planification de la relève n'a eu lieu dans ces organismes. Il y a un gros roulement de personnel aux échelons supérieurs.
Cela nous a montré l'importance du mentorat et de l'encadrement. Les femmes participent à un programme au début et à la fin, puis, durant l'année, elles exécutent elles-mêmes un projet de leadership au sein de leur collectivité. Elles disposent d'un mentor qui leur offre non seulement les conseils pour renforcer leurs atouts, que nous voyons dans le cadre des projets de gagne-pain durables, mais aussi des conseils relatifs à l'industrie en temps réel, ce qui est vraiment important pour elles. Ces mentors sont la clé de ce programme.
Pour l'instant, nous l'exécutons surtout pour des organismes sans but lucratif, mais nous constatons que les femmes qui participent à ces programmes nous déclarent des choses comme ceci: « J'ai maintenant l'impression que je pourrais me présenter en politique au conseil municipal » ou « J'ai l'impression que je pourrais poser ma candidature à un poste au conseil du refuge local. » Elles voient les atouts s'accroître dans tous les domaines, pas seulement dans leur vie professionnelle.
Merveilleux.
Je veux passer au YWCA. En tant que critique en matière de familles, d'enfants et de développement social, je fais beaucoup de choses en ce qui a trait à l'étude des possibilités de services de garde d'enfants et à la reconnaissance des distinctions entre les gens des milieux ruraux et urbains qui travaillent par quarts. Je viens d'une collectivité où il y a beaucoup de cela également.
J'ai beaucoup étudié le Québec — je sais que la ministre prévoit se pencher sur une stratégie nationale relative à la garde d'enfants —, et j'y ai observé certaines lacunes. Je pense que ce qui arrive, c'est que nous envions le Québec et que nous considérons son régime comme étant le meilleur; pourtant, nous voyons des listes d'attente de deux ans. Il n'y a pas assez de places. Nous reconnaissons également, en ce qui a trait aux impôts, que les gens paient de petites sommes en aval parce qu'ils sont imposés dès le départ dans le but de payer pour tout ce programme. En outre, la qualité est un élément qui attire mon attention. Je sais qu'en Ontario, où je vis, le ratio est de un pour cinq et des choses de ce genre.
Il est clair que ce programme de garde d'enfants comporte de grosses lacunes. Je ne dis pas qu'il ne s'agit pas d'une bonne chose, mais il y a des lacunes. Pouvez-vous formuler un commentaire à ce sujet? Vous semblez vraiment militer en faveur de ce programme. J'essaie de découvrir ce que nous tentons de faire mieux. Nous savons que le programme est correct, mais qu'il n'est pas ce qu'il devrait être.
Je vous rendais compte du succès que connaît le vaste réseau de services de garde à faible coût du Québec pour ce qui est de changer la position économique des femmes, pas d'une analyse détaillée de ce qui fait partie de ce programme. Je pense qu'il évolue. Il a commencé comme un genre de programme de luxe offrant de nombreux types différents de services de garde d'enfants, ce que personne d'autre au pays n'a tenté de faire dans le cadre du système.
Ce que nous avons observé au pays relativement aux services de garde d'enfants, c'est qu'au cours des 10 dernières années, après que le gouvernement fédéral a abandonné l'idée de mettre en œuvre un plan national, la pression sociale pour l'accès à ces services s'est exercée sur les provinces, et elles ont tenté de réagir...
Oui, alors ce n'est pas que le gouvernement fédéral va un jour offrir un système national et être le fournisseur de services, mais il faut un leadership national. Quatre provinces ont réagi en instaurant la maternelle à temps plein au cours des 10 dernières années. La pression perdure, et il s'agit d'une lacune au chapitre des politiques à l'égard de laquelle les mesures prises n'ont pas été suffisantes. Cela fait partie du manque de sécurité économique des femmes, qui les suit jusque dans leur vieillesse, dans la situation que j'ai décrite.
D'accord.
Je veux revenir sur l'assurance-emploi. Vous avez mentionné l'amélioration de l'assurance-emploi afin que nous puissions envisager d'autres possibilités. Quelles sont ces autres possibilités? Actuellement, nous avons les prestations de maladie, les prestations de maternité et parentales et les prestations de soignant. Quels sont certains des autres éléments que nous devrions y intégrer, selon vous?
Je pense qu'une chose dont on a besoin, c'est d'un fonds d'urgence pour les femmes. Certes, il existe des fonds de prêt d'urgence qui sont dirigés par des organisations individuelles. C'est beaucoup de pression pour chaque organisation que de diriger quelque chose comme cela, mais, lorsqu'on essuie une perte économique subite ou que l'on vit une crise soudaine dans sa famille, le besoin de ce fonds d'urgence afin de changer de lieu de vie ou que quelque chose soit fait rapidement...
À votre avis, cela devrait-il être fait par le truchement de l'assurance-emploi ou d'un programme fédéral?
Auparavant, quelques provinces étaient dotées — je suis désolée, mais je n'en connais pas tous les tenants et aboutissants — de fonds d'urgence offerts plus particulièrement aux femmes, en particulier dans certaines situations de violence, et qui les aidaient dans quelques provinces, mais...
Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins de leur travail.
J'ai une série de questions à poser à Ann Decter du YWCA.
La sécurité économique des femmes est très étroitement liée à leur capacité de vivre sans violence conjugale et sexuelle. Nous entendons dire que des femmes et des filles qui fuient des situations de violence familiale se voient refuser l'accès à des refuges. Pouvez-vous en dire un peu plus au sujet de la façon dont cette situation est liée à la pénurie de logements abordables pour les femmes?
Oui.
Nous savons qu'il y a une pénurie de logements abordables dans tout le pays. Les listes d'attente pour obtenir un logement social sont énormes. L'abordabilité des logements a subi un coup dur au cours de la dernière décennie, dans les grandes villes. C'est très difficile, alors l'une des choses qui se passent, c'est que les femmes ne peuvent pas quitter les refuges une fois qu'elles sont prêtes à partir. Selon la province, la situation varie. Elles pourraient y être pendant trois semaines ou six mois, mais, au moment où elles sont prêtes à retourner dans la collectivité et à vivre en sécurité, elles n'arrivent pas à trouver de logement abordable, alors il leur reste le choix de retourner vers l'agresseur, de devenir sans-abri ou de vivre dans l'itinérance cachée en déménageant chez des membres de leur famille.
Je soutiens que, si nous étendons l'accès aux logements sécuritaires et abordables pour les femmes qui quittent les refuges, nous pourrions soulager une partie de la pression exercée sur les refuges, et il serait possible pour davantage de femmes d'y entrer. À leur arrivée, elles seraient moins nombreuses à se voir refuser l'accès.
Je pense qu'au lieu d'étendre immédiatement la situation des refuges d'urgence, nous devrions donner de l'expansion au logement abordable, puis attendons de voir de combien d'autres places dans les refuges d'urgence on a besoin.
Dans le Modèle de Plan d'action national du Canada sur la violence faite aux femmes et aux filles, publié par le Réseau canadien des maisons d'hébergement pour femmes, le YWCA compte pour un contributeur et un partisan majeurs...
... et de nombreuses ONG l'ont approuvé. Il souligne que: « le coût total de la violence par un partenaire intime est évalué à 7,4 milliards de dollars par année » pour le Canada.
Pouvez-vous en dire plus au sujet de la façon dont la violence faite aux femmes les affecte dans l'économie et comment un plan d'action national — un plan non pas fédéral, mais national — visant à mettre fin à la violence faite aux femmes pourrait aider à protéger la sécurité économique des femmes?
Une chose qui arrive, quand les femmes fuient la violence et se rendent à un refuge, c'est qu'elles perdent leur emploi. Ce n'est pas le cas de toutes, mais je pense que c'est environ les deux tiers d'entre elles. Elles abandonnent leur revenu et doivent recommencer à la case départ. Évidemment, celles qui perdent leur emploi ont un long parcours à suivre afin d'obtenir un nouveau logement et de rétablir un revenu et un milieu de vie stables pour leurs enfants. Il peut y avoir un traumatisme à long terme. Il est certain qu'au Canada, nous avons besoin de logements plus favorables et de services tenant compte des traumatismes.
Je voudrais céder un peu la parole à Anuradha à ce sujet et voir si elle a quoi que ce soit à ajouter, car elle est la directrice de la prévention de la violence à la Fondation canadienne des femmes.
La chose que j'ajouterais, c'est que nous sommes membres d'un réseau national et international qui étudie la façon dont la violence faite aux femmes les affecte au travail, comment elle les distrait et leur fait perdre leur productivité au travail. En outre, ces femmes ne demandent pas nécessairement les promotions auxquelles elles ont droit et refusent de révéler leur situation au travail, car elles sont extrêmement préoccupées au sujet de l'effet que cette révélation aura sur la façon dont elles sont perçues au travail. Même si des politiques de RH pourraient être en place pour les appuyer, elles n'accèdent pas nécessairement à ces politiques.
Je pense que cela témoigne de certaines des importantes nouvelles dispositions législatives adoptées à des endroits comme le Manitoba et de ce qui est envisagé en Ontario afin d'accorder aux femmes un congé protégé dans les cas de violence faite aux femmes.
En ce qui concerne la loi qui sera adoptée, le Manitoba l'a mise en œuvre, et je crois que la Colombie-Britannique et l'Ontario ont adopté des projets de loi d'initiative parlementaire.
Les métallurgistes ont remporté un gain important à cet égard pas plus tard qu'il y a quelques semaines.
Pouvez-vous nous expliquer brièvement si vous estimez que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans la coordination et pour ce qui est de s'assurer que cette protection supplémentaire offerte aux femmes par le truchement de l'assurance-emploi et d'autres choses... que leur travail n'est pas en péril?
Il y a toujours de la place pour un leadership fédéral en matière de violence faite aux femmes, et je pense que ce leadership contribue grandement à l'établissement d'une norme et d'une attitude nationales. Il établit une norme à respecter par les gouvernements de l'ensemble du pays.
Je pense que la clé, c'est que le gouvernement fédéral travaille sur le harcèlement sexuel dans les lieux de travail régis à l'échelon fédéral. Selon moi, une grande partie des raisons non expliquées pour lesquelles les femmes ne progressent pas au travail, c'est... Nous n'avons pas vraiment abordé le harcèlement sexuel au travail comme raison pour laquelle les femmes ne progressent pas et ne sont pas à l'aise de le faire, mais nous l'avons observé. De Radio-Canada aux pompiers, en passant par les forces policières et la GRC, c'est tout le temps dans les actualités. Ces lieux de travail doivent vraiment changer, et tout ce que le gouvernement fédéral peut faire pour établir un ton et une norme à cet égard a vraiment de l'influence — je dirais — dans toutes les provinces.
J'estime que le Congrès du travail du Canada a beaucoup de mérite d'avoir vraiment fait avancer la cause de la formation des gens afin qu'ils puissent reconnaître la violence familiale au travail, reconnaître lorsqu'une personne la subit, et être en mesure de commencer à sonder et à obtenir du soutien.
Le Congrès a également mis en œuvre la disposition législative qui — pour ceux qui ne le savent pas — accorde 10 jours de congé dans les cas de violence familiale. Cette loi a maintenant été instaurée au Manitoba. Les gens travaillent là-dessus à d'autres endroits du pays; ils tentent également de négocier ce congé dans les conventions collectives afin que les femmes disposent d'un certain temps pour prendre congé et se ressaisir sans mettre leur emploi en péril. Cette loi va changer le taux de pertes d'emploi pour les femmes qui vont dans des refuges. J'en ai certes vu des cas personnellement.
J'ai une dernière question à poser.
Les femmes handicapées comptent parmi les populations les plus pauvres au Canada; leur taux de chômage va jusqu'à 75 % et elles affichent également des taux de violence familiale très élevés. Pourriez-vous nous expliquer un peu comment il serait utile d'amener le gouvernement fédéral à accroître le financement opérationnel afin d'aider à régler la situation, surtout en ce qui a trait aux places dans les refuges?
Partout au pays, essentiellement, nous disposons d'un système de services sociaux mature dans les refuges qui servent les femmes fuyant la violence, mais le système comporte assurément des lacunes. Dans le nord du Canada, par exemple, dans les collectivités rurales et éloignées, les femmes n'ont pas le même accès. Les femmes handicapées ne disposent pas du même accès, car les refuges ne sont pas nécessairement équipés pour les prendre en charge et, bien entendu, ils fonctionnent toujours selon des budgets extrêmement limités.
Compte tenu des dépenses qu'engage le gouvernement dans les infrastructures, il serait vraiment excellent que certains fonds soient affectés aux refuges et à l'accroissement de l'accès aux refuges pour les femmes handicapées.
J'espère également que le Comité va entendre le témoignage de représentants du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada afin de discuter de beaucoup de questions concernant les femmes handicapées.
Excellent.
Nous allons maintenant passer à ma collègue, Mme Vandenbeld, et je vais vous accorder du temps supplémentaire afin que vous puissiez informer le Comité au sujet de l'événement d'aujourd'hui.
Tout d'abord, je voulais simplement informer le Comité — je sais que la plupart d'entre vous le savez déjà — du fait que le lancement officiel du caucus de femmes parlementaires de tous les partis aura lieu aujourd'hui, à 15 h 30, dans la salle 356-S, qui est située du côté du Sénat, au troisième étage. J'espère que vous y serez tous.
J'ai deux ou trois questions à poser.
Monsieur Adema, je vois qu'à la page 5 de vos diapositives, vous abordez l'écart salarial inexpliqué. Je sais que certaines personnes ont dit: « Eh bien, cet écart est inexpliqué parce qu'il est fondé sur les choix personnels des gens. » Toutefois, ce que je vous ai entendu affirmer, c'est qu'il y a là un élément de discrimination et que parfois, comme les femmes font des heures moins longues, les versements de primes, les promotions et des choses de ce genre pourraient leur être moins accessibles.
Madame Dugal, j'ai également remarqué que vous aviez mentionné les préjugés inconscients. Je me demande si vous pourriez approfondir un peu la question de cet écart salarial inexpliqué du point de vue des préjugés inconscients, de la discrimination ou de facteurs socioéconomiques qui pourraient être en partie responsables de cet écart inexpliqué.
Peut-être que nous allons commencer par M. Adema.
Il s'agit d'un exercice d'économétrie. Essentiellement, nous pouvons utiliser diverses variables pour expliquer l'écart salarial, y compris la scolarité des travailleurs, l'emploi qu'ils occupent et le fait qu'ils font de longues heures ou de courtes heures de travail. Toutes ces variables sont incluses dans la régression économétrique, mais il y en a d'autres que nous ne pouvons pas inclure. Il est beaucoup plus difficile d'établir un modèle des attitudes à l'égard des femmes ou de leur progression professionnelle. Il est bien plus difficile d'établir un modèle des institutions sociales. Il y a le système d'avantages fiscaux. Est-il réellement neutre à l'égard des deux partenaires du couple qui travaillent dans une famille? Il y a divers facteurs que l'exercice économétrique ne saisit pas.
D'après ce diagramme, vous pouvez voir que, dans certains pays, la variable inexpliquée est bien plus importante que dans d'autres. Par exemple, en Corée, beaucoup de travailleurs sont liés par un contrat annuel qui est renouvelé, mais la progression de leur rémunération n'est pas aussi importante que dans le cas des travailleurs qui sont titulaires d'un contrat d'emploi à temps plein ou permanent, pour ainsi dire. La question que l'on se pose ensuite, c'est pourquoi nous avons cet écart salarial, puisque, dans l'ensemble, les jeunes Coréennes sont bien mieux scolarisées que les jeunes Coréens. Il y a un fossé des générations, c'est-à-dire qu'il y a 20 ou 30 ans, les femmes n'étaient pas en aussi bonne posture sur le plan de la scolarité, mais il y a aussi un élément de désavantage, une absence de volonté chez les employeurs d'investir dans les femmes, et les attentes sont encore très traditionnelles. Les employeurs coréens s'attendent encore à ce que leurs travailleuses quittent leur emploi lorsqu'elles tombent enceintes ou qu'elles prennent congé et ne reviennent peut-être pas, alors leur degré d'investissement est bien inférieur, mais il est très difficile de saisir ces éléments dans la régression économétrique.
Si vous me demandez ce que signifie le terme « inexpliqué », il désigne deux choses: l'économétrie ne permet pas de saisir un certain nombre de facteurs, mais il pourrait aussi y avoir un élément de discrimination sur le marché du travail. Malheureusement, je ne peux pas vous dire quelle est l'importance de cet élément particulier.
Les préjugés inconscients sont l'idée que nous avons tous, à l'intérieur de nous-mêmes, des attitudes et des façons de nous comporter à l'égard des gens, des jugements que nous portons à leur sujet, sans égard à ce que nos pensées supérieures nous disent de faire. Nous avons une croyance, en particulier lorsqu'il s'agit de promotion, surtout dans des situations d'embauche et plus particulièrement lorsque nous comparons... L'idée que, d'une certaine manière, une personne sera embauchée uniquement en fonction de son mérite... comme si nous pouvions faire cela, premièrement. Même quand, sur papier, deux personnes ont l'air identiques, des préjugés inconscients sous-tendent la décision prise pour départager deux candidats. Parfois, c'est bien plus qu'inconscient et c'est très évident, mais je pense que nous pouvons régler ces cas grâce à une formation et à des politiques de RH.
Je vais revenir sur certains exemples de YWCA Canada qu'Ann a utilisés au sujet du harcèlement sexuel et des façons dont les femmes sont traitées dans un lieu de travail qui leur dit qu'elles n'ont pas le droit de réussir, qu'elles ne peuvent pas progresser et qu'elles ne devraient pas demander de promotions. Ces choses ne sont parfois pas dites non plus dans un lieu de travail.
Merci. C'est très utile.
Madame Decter, j'ai été très étonnée par les statistiques que vous avez présentées au sujet du degré de pauvreté des femmes âgées célibataires, qui est passé de 9 à 28 % en 20 ans seulement. Je sais que l'augmentation du Supplément de revenu garanti pour les personnes âgées célibataires contribuera un peu à atténuer ce problème, mais y a-t-il d'autres choses que nous pouvons faire? Bien entendu, cela devient un cycle qui se perpétue, où les femmes font moins d'argent, occupent des emplois plus précaires, n'ont pas de pensions, puis, une fois qu'elles prennent leur retraite, bien sûr, elles vivent dans la pauvreté. Que pouvons-nous faire pour les personnes qui sont actuellement âgées et célibataires, ainsi que pour l'avenir?
Ce qu'il est possible de faire, actuellement, c'est un peu plus délicat, mais je crois vraiment que vous devriez examiner cette question de près. Il est certain que des logements plus abordables aideraient. Je crois que nous devrions envisager des logements abordables pour les personnes âgées.
On observe également une concentration, dans la population. Plus la population vieillit, plus les femmes y sont nombreuses. Nous avons besoin d'un grand nombre de solutions de rechange au système actuel, qui offrent le choix soit de survivre par ses propres moyens, soit de retourner vivre dans sa famille, soit de trouver une place dans un foyer de soins ou un établissement où les soins coûtent plutôt cher. Je crois qu'il serait vraiment utile que les femmes aient accès à davantage d'options leur permettant différents modes de vie ou de partage.
Je crois en effet que vous devriez examiner le RPC et ce qui se passe de ce côté-là. Vous pouvez voir que ce changement reflète en partie le passage du régime de pensions à prestations déterminées à un régime à cotisations déterminées. Vous obligez les gens à compter sur leur compréhension du marché boursier et à le maîtriser pour assurer leur sécurité au moment de leur vieillesse. Je crois que nous devrions ramener certaines des autres mesures qui existaient dans le passé.
Je m'adresse maintenant à notre ami de l'OCDE; vous avez parlé du Japon et du congé parental accordé aux hommes. Avez-vous des chiffres à ce sujet? Je suis allée là-bas, l'an dernier, et j'ai cru comprendre que les hommes qui en profitaient étaient en fait très rares.
C'est tout à fait vrai. Cette loi est entrée en vigueur en 2010, environ, et, selon les derniers chiffres, de 2 à 4 % des hommes japonais qui y ont droit en profitent. Le principal problème, c'est qu'une personne qui prend un congé est perçue comme mettant un frein à sa carrière.
Toutefois, certains indices permettent de croire qu'un changement s'effectue. Prenez la Corée; il y a environ cinq ans, quelque 2 % des hommes qui y avaient droit prenaient ce congé. Cette proportion est aujourd'hui de plus de 5 %. Qui plus est, les hommes coréens qui décident de prendre un congé prennent un long congé. En moyenne, leur congé dure environ huit mois, soit un petit peu moins seulement que le congé des femmes, et ces indices sont donc encourageants. Je ne dirais pas que c'est une avancée majeure, mais si cela peut favoriser une évolution des attentes en fonction des genres, dans ce domaine, cela pourrait faire des miracles à long terme.
Excellent.
C'est tout le temps que nous avions, mesdames et monsieur. Nous remercions tous les témoins de leur excellente contribution d'aujourd'hui.
Nous allons nous préparer à accueillir les prochains témoins.
Nous reprenons la séance avec notre deuxième groupe de témoins.
Nous accueillons Mme Rosalind Lockyer, cogestionnaire du Conseil économique des femmes, et Valerie Carruthers.
Les autres témoins viennent tout juste de passer la porte, je crois; je vais donc laisser d'abord la parole au Conseil économique des femmes, puis je vais présenter les autres témoins une fois qu'elles seront assises.
Vous avez huit minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
Bonjour, je m'appelle Valerie Carruthers et je travaille au Conseil économique des femmes. Je suis venue en compagnie de ma collègue, Rosalind Lockyer.
J'aimerais vous remercier de nous accorder de votre temps aujourd'hui.
Je vais surtout parler de la réforme de l'assurance-emploi. Cela fait 12 ans que je travaille auprès des femmes pour les aider à réintégrer le marché du travail. Je crois que je peux contribuer à la discussion.
Le premier sujet que je veux aborder, c'est l'admissibilité aux prestations d'assurance-emploi, et en particulier les emplois atypiques qu'occupent les femmes, des emplois à temps partiel où elles sont majoritaires. Mais qui a droit aux prestations du programme de l'assurance-emploi? Seulement 34 % des femmes peuvent toucher ces prestations. Le véritable problème, quand vous voulez aller sur le terrain pour offrir des programmes, c'est que, si les femmes n'ont pas droit aux prestations de l'assurance-emploi, elles sont privées de l'accès à une foule d'autres programmes. Il ne s'agit pas seulement de toucher des prestations d'assurance-emploi; le plus important, ce sont les programmes d'éducation postsecondaire et de formation.
Il y a énormément de gens qui veulent travailler. Mais ils n'ont pas la possibilité de financer leurs propres cours d'éducation ou de formation. Certaines de ces femmes ont vécu des situations difficiles. En fait, à l'échelle de la province, à l'échelle de l'organisme communautaire, nous devons concevoir des programmes qui comprennent nécessairement l'ajout d'un volet d'emploi rémunéré à notre intervention, tout simplement pour que les femmes soient admissibles à l'assurance-emploi et qu'elles puissent obtenir les prestations destinées à la formation. Nous devons utiliser les ressources de la collectivité et les ressources de la province tout simplement pour qu'elles soient admissibles à l'assurance-emploi et qu'elles puissent toucher des prestations pour la formation et l'éducation, et c'est une honte.
J'ai consulté de la documentation de recherche, car il arrive souvent que, quand nous travaillons sur le terrain, nous n'ayons pas une vue d'ensemble de la situation. J'ai examiné les sommes investies en 2015-2016. On dit ici qu'on a consacré 3,6 milliards de dollars à ces politiques visant le marché du travail. En 2016-2017, on a ajouté 125 millions de dollars de plus à cette somme. C'était pour aider les prestataires canadiens admissibles à l'assurance-emploi à suivre une formation et acquérir des compétences professionnelles, et cela passait entre autres par le financement de programmes collégiaux. Mais, si seulement 34 % des femmes peuvent en profiter, parce qu'elles sont admissibles à l'assurance-emploi, cela veut dire que la majorité des femmes n'ont pas accès à ces possibilités. C'est une véritable honte, je le constate.
J'aimerais aussi que vous sachiez une autre chose, et il en a probablement déjà été question ici; ces femmes-là n'ont pas non plus accès aux prestations spéciales lorsqu'elles ont des enfants. Elles sont laissées pour compte, et je dois chercher pour elles des solutions de rechange.
La dernière chose dont j'aimerais parler, je crois, c'est de l'appréhension et de la peur des gens qui dépendent d'un programme d'assurance-emploi. Il peut aussi s'agir d'un système provincial de soutien du revenu. Ces personnes craignent beaucoup que, lorsqu'elles se choisiront un emploi, même si un emploi leur est offert, même si elles peuvent faire ce travail, elles subiront des répercussions négatives, qui toucheront non seulement leurs prestations actuelles, mais aussi leurs possibilités d'accès futures.
Je vois des gens qui passent d'un système provincial à un système fédéral, reviennent au système provincial, et l'emploi qu'elles choisissent les ramène en fait en arrière. Il faut une plus grande coordination entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux de façon qu'une personne qui choisit un emploi, même s'il ne s'agit pas d'un emploi rémunéré ordinaire ou normal, n'est pas pénalisée et s'en tire en fait mieux du fait d'avoir choisi cet emploi.
Je vais maintenant laisser la parole à ma collègue, Ros.
Je vais présenter les choses sous un angle différent. J'ai passé la plus grande partie de ma vie d'adulte à travailler auprès de femmes très différentes les unes des autres et très vulnérables en essayant de les faire avancer grâce à ce que j'appelle un outil, c'est-à-dire le travail autonome. Je travaille beaucoup dans le nord de l'Ontario. C'est pour ce travail que je suis rémunérée, pour travailler dans toutes les régions du nord de l'Ontario, où la diversité est immense, et les distances géographiques, énormes. C'est de cette région que je parle.
J'aimerais féliciter le gouvernement en place d'avoir instauré un cadre national pour l'apprentissage et la garde des jeunes enfants et d'avoir promis d'investir une somme supplémentaire de 2,6 milliards de dollars jusqu'en 2019-2020. C'est très encourageant, mais j'aimerais répéter ce que Valerie vient de dire: il ne faut pas laisser pour compte l'énorme pourcentage de femmes qui ne répondent pas aux critères généraux relatifs à la garde des jeunes enfants. S'il est question d'un cadre national, il ne faut pas oublier d'y inclure les femmes qui sont des travailleuses autonomes. Bon nombre d'entre elles choisissent de devenir travailleuses autonomes aujourd'hui étant donné la situation précaire du marché du travail. Le travail autonome est un élément de cette situation, et ces femmes ont besoin de services de garde d'enfants de qualité, de services souples et abordables.
J'aimerais aussi, en particulier, m'arrêter sur la situation des femmes des Premières Nations, les femmes autochtones, étant donné que 51 % des entreprises indépendantes autochtones appartiennent en tout ou en partie à des femmes. Elles sont un moteur de l'emploi et elles offrent aux collectivités autochtones des débouchés; c'est pourquoi nous devons examiner leur situation.
Concrètement, ces femmes n'ont pas accès à des services de garde d'enfants de qualité, mais, dans les collectivités autochtones, les soins aux aînés sont aussi une priorité très importante pour les femmes autochtones. Si elles n'ont pas accès à du soutien à ce chapitre, elles ne pourront pas aller de l'avant et avancer sur le plan professionnel de la façon dont elles doivent le faire. Examinons la situation actuelle, à l'échelle du Canada; si nous ne tenons pas compte de ce potentiel immense, il n'arrivera rien. C'est très important.
En fait, étant donné l'évolution du marché du travail, selon certains rapports, puisque la technologie prend de plus en plus de place, les femmes seront les plus vulnérables, étant donné le type d'emplois qu'elles occupent. Allez dans un McDonald, commandez un hamburger: vous allez constater que la technologie a permis de supprimer un emploi, généralement un emploi occupé par une femme. Si nous voulons offrir un soutien social aux femmes, et c'est très important, nous devons tenir compte de ce segment de la population, et cela comprend le travail autonome.
J'aimerais prendre une petite minute pour parler des femmes entrepreneures et de l'innovation, puisque la tendance actuelle consiste à soutenir les entreprises par le truchement des incubateurs de l'innovation, centres d'innovation et ainsi de suite, des centres d'aide aux entreprises ordinaires. La tendance consiste à aider les entreprises mises sur pied par les jeunes, ce qui laisse bien des femmes de côté. Il s'agit d'entreprises axées sur l'innovation, la technologie, les programmes axés sur la science, la technologie, le génie et les mathématiques. Les femmes n'y ont pas leur place. Ces incubateurs n'englobent pas les femmes, cela va faire en sorte qu'une importante tranche de femmes ne pourront pas progresser dans notre économie en tant qu'entrepreneures.
Je termine là-dessus; vous pourrez me poser des questions à ce sujet.
C'est très bien.
J'ai le plaisir de recevoir également ici aujourd'hui la représentante de Women in Capital Markets. Nous accueillons Jennifer Reynolds, présidente-directrice générale. Nous accueillons également Jacqueline Neapole et Jane Stinson, de l'Institut canadien de recherches sur les femmes.
Nous vous donnons la parole, madame Reynolds, pour commencer. Vous avez sept minutes.
Merci. C'est un plaisir d'être ici.
Je vais surtout parler des femmes et du pouvoir — c'est mon domaine d'expertise — ou, plus spécifiquement, de l'absence de femmes aux postes de pouvoir. J'ai préparé quelques diapositives, mais je vais d'abord vous expliquer le contexte en vous donnant des chiffres.
Par rapport aux autres pays de l'OCDE, les chiffres du Canada ne sont pas reluisants. Les femmes ne représentent aujourd'hui que 12 % des membres des conseils d'administration dans les entreprises publiques ou les entreprises cotées à la bourse de Toronto. Vous voyez, sur le graphique, qu'elles sont tout au bout.
Dans certains pays, les femmes représentent de 30 à 40 %. Certains pays ont choisi d'imposer des quotas. Nous avons pris une autre direction. Nous avons choisi l'approche consistant à « se conformer ou s'expliquer ».
Les pays ont également agi bien plus tôt. Certains pays se sont intéressés beaucoup plus tôt que le Canada à la question de savoir pourquoi il n'y a pas davantage de femmes à des postes de responsabilité. Nous n'avons adopté le règlement que récemment, il y a deux ou trois ans.
Au Royaume-Uni, le principe de « se conformer ou s'expliquer » a bien fonctionné. La représentation des femmes aux conseils d'administration, qui était de 12 % en 2012, est de 26 % aujourd'hui. Cela peut fonctionner, mais nous n'avons pas vu beaucoup de progrès. À l'heure actuelle, au Canada, 45 % des conseils d'administration sont exclusivement formés d'hommes; 30 % comptent une femme. La composition de la direction n'a pas vraiment changé. Si vous demandez aux membres des conseils d'administration pourquoi on n'y compte pas de femmes ou selon quels critères les nominations sont effectuées, ils vous répondront: « Les nominations se font au mérite », ce qui suppose, évidemment, que 45 % des conseils d'administration ont jugé qu'il leur était impossible de trouver une femme méritant un siège à un conseil d'administration.
Nous savons tous que cet argument ne tient tout simplement pas la route. C'est ridicule. Il y a plein de femmes tout à fait qualifiées au Canada qui mériteraient de siéger à un conseil d'administration. Si vous avez besoin d'une recommandation, venez m'en parler. Ce n'est pas ça, le problème. Le problème, c'est la demande. C'est sous cet angle que nous devrions chercher à régler le problème, au pays, et nous devons reconnaître qu'il y a plein de femmes tout à fait qualifiées.
En ce qui concerne les progrès réalisés depuis l'adoption du principe de « se conformer ou s'expliquer », il y a eu une augmentation de 1 %. Nous étions à 11 % l'an dernier, nous en sommes à 12 % cette année. Ce n'est tout simplement pas suffisant. L'an dernier, 521 sièges ont été attribués, et seulement 15 % ont été attribués à une femme; nous voyons donc que les entreprises canadiennes n'accordent pas vraiment beaucoup d'attention au principe « se conformer ou s'expliquer ».
Je sais que le projet de loi C-25 va bientôt être adopté, et il ne changera rien aux renseignements que les entreprises publiques sont tenues de divulguer. Les grandes entreprises prennent la question plus au sérieux, mais cela fait longtemps qu'elles le font. Elles ont toujours mieux fait à ce chapitre. Elles se sont toujours occupées de ces choses.
L'économie canadienne est une économie de petites entreprises. C'est la réalité. Il faut que les entreprises canadiennes soient plus nombreuses à en tenir compte. On entend souvent la même excuse: « Eh bien, c'est que nous sommes une économie largement axée sur les ressources, et c'est ce qui nous en empêche, étant donné qu'il n'y a pas beaucoup de femmes dans le secteur des ressources. » L'Australie a réussi à faire passer ce pourcentage de femmes aux conseils d'administration de 8 % qu'il était en 2008 à environ 23 % aujourd'hui, et les pays dont l'économie est largement axée sur les ressources peuvent donc eux aussi faire des progrès. Le Canada pourrait certainement en faire lui aussi.
J'aimerais vous donner rapidement quelques statistiques de plus sur cette question des conseils d'administration.
Une partie du problème tient à la nécessité de se doter de politiques: est-ce que cette question est importante? Est-ce que vous vous en préoccupez? Vingt et un pour cent seulement des sociétés en question ont adopté une politique quelconque sur la mixité.
Ensuite, vous devez établir des cibles. Toutes les entreprises du Canada ont établi des cibles concernant leurs objectifs. Les Canadiens et les gens d'affaires, quand ils entendent le mot « cibles », comprennent immédiatement « quotas ». Il ne s'agit pas d'un quota, il s'agit d'une cible. Nous avons toujours des paramètres pour mesurer les choses, et les entreprises doivent le faire elles aussi. Nous devons commencer à réfléchir à cela. Les entreprises ne peuvent pas se contenter de dire, tout simplement: « Nous n'avons pas de politique. Nous n'avons pas de cibles. » Nous devons exiger davantage des sociétés canadiennes.
Le noeud du problème, c'est que les gens se demandent pourquoi ils devraient se préoccuper de cette question. De toute évidence, il y a ici un élément de justice sociale, mais il y a aussi un élément intéressant les entreprises. Il s'est fait beaucoup de recherches. Je suis convaincue que les personnes ici présentes en ont pris connaissance, et je ne les passerai pas en revue. Le Canada doit se préoccuper de cette question, car cela renforcera notre économie. Cela renforcera nos entreprises.
Nous laissons inutilisée la moitié de nos talents. Cela fait maintenant 25 ans que les femmes comptent pour plus de 50 % des diplômés universitaires; elles représentent aujourd'hui 62 % des diplômés. Nous décrochons 50 % des diplômes de maîtrise et, aujourd'hui, des diplômes de doctorat également. Et tous ces talents sont perdus. Nous représentons près de 50 % de la main-d'oeuvre et nous occupons environ 35 % des postes de cadres intermédiaires; cela fait d'ailleurs une vingtaine d'années — aux États-Unis, les femmes représentent 50 % des cadres intermédiaires — et pourtant, les femmes ne représentent que 18 % des postes de cadres supérieurs. Les chiffres n'ont pas bougé. Cela fait longtemps qu'ils n'ont pas bougé. Nous devons nous assurer que ces chiffres commencent à bouger, parce que tous ces talents, qui occupent des postes de cadres intermédiaires, sont gaspillés.
Il existe différents moyens pour vous de vous attaquer à ce problème. Je crois que nous tranchons trop souvent la question en disant que le problème, ce sont les bébés. C'est toujours ce que les cadres supérieurs me disent: c'est à cause des enfants, tout simplement. Bien sûr, c'est un aspect du problème, mais il ne s'agit pas seulement des enfants. Il y a toutes sortes d'obstacles structuraux dans les entreprises d'aujourd'hui qui nuisent à l'avancée des femmes.
Heureusement, je travaille dans un secteur qui, au sein du secteur financier général, s'intéresse de très près à ce problème. Il s'est fait d'assez bonnes choses. Deux ou trois institutions financières, aujourd'hui, en sont à environ 40 %, au chapitre de la représentation des femmes. Vous pouvez y arriver. C'est ça, mon point. C'est possible. Les entreprises font mieux les choses aujourd'hui et elles font des progrès, mais il faut un programme tout à fait officiel de gestion des talents. Je pourrais vous expliquer les différents types de politiques qui existent, s'il y en a qui veulent savoir quelles entreprises font quoi et quelles sont les pratiques exemplaires, mais je vais en rester là, sauf si vous avez des questions à ce sujet.
Ce dont nous avons besoin ici, en particulier, c'est de transparence. Si vous voulez savoir ce que vous pourriez faire, sur le plan public, il nous faut encourager la transparence. Il nous faut aussi un certain soutien pour l'approche « se conformer ou s'expliquer ».
Si cette approche a réussi, au Royaume-Uni, c'est que le gouvernement a décidé de publier chaque année ce qui s'appelle le rapport de Lord Davies, qui fait en réalité l'examen des mesures d'encouragement... Tout d'abord, les responsables ont fait le tour des intervenants du monde des affaires en général — les présidents des conseils d'administration, les chefs de la direction — et du secteur public pour les inciter à dire qu'il fallait s'intéresser à cette question, puisque cette question a une incidence sur les affaires. Le rapport est publié tous les ans. Le rapport joue quelque peu sur la dénonciation. Il dresse la liste des gens qui n'avaient rien fait alors qu'ils devaient faire quelque chose. On m'a dit qu'il était contraire aux principes des Canadiens de dénoncer les gens de la sorte, mais, vous le savez, nous devons le faire.
Le rapport expose également les pratiques exemplaires et présente chaque année un bulletin qui montre où en sont les choses. Voilà pourquoi il y a eu des progrès concrets, à mon avis, et aussi parce que quelques autres entités, comme les entreprises où la représentation est de 30 %, font avancer les choses. Nous avons besoin de ça. L'impression générale par rapport au principe « se conformer ou s'expliquer », c'est qu'il y a une certaine frustration, et c'est pourquoi nous avons besoin de plus de soutien.
Merci.
D'accord. Très bien.
Nous passons maintenant à l'Institut canadien de recherches sur les femmes.
Allez-vous commencer, Jane? Vous avez sept minutes.
Merci beaucoup de nous avoir invitées à comparaître pour discuter de cet important sujet. Notre Institut s'intéresse depuis longtemps à cette question et a beaucoup publié sur le sujet. Je suis accompagnée de Jackie Neapole, notre unique employée. Je vais présenter l'exposé, et Jackie répondra aux questions éventuelles.
Nous voudrions nous concentrer sur deux ou trois choses. L'inégalité économique structurelle des femmes est une première chose; il faut reconnaître que c'est un problème structurel, il faut voir les conséquences sur l'inégalité et la pauvreté des femmes, il faut examiner ses répercussions sur les tâches des femmes dispensatrices de soins, il faut aussi reconnaître l'importance des services publics pour la sécurité économique des femmes. Nous terminerons en formulant quelques recommandations.
Premièrement, il est essentiel, à notre avis, de reconnaître que l'insécurité des femmes est un enjeu structurel. Elle ne tient pas uniquement aux choix que font les femmes, comme on le soutient souvent. Cela veut dire qu'elle est profondément enracinée dans un grand nombre de systèmes, de programmes et de politiques, un peu comme notre collègue vient de le dire. Et cela comprend de nombreux aspects dont le gouvernement fédéral est responsable, y compris directement, en tant qu'employeur, au chapitre des pratiques qu'il a adoptées et de l'exemple qu'il donne au reste du pays. Je parle par exemple des systèmes de rémunération ou d'embauche auxquels on aurait peut-être associé des cibles — Dieu nous en préserve —, des systèmes d'emploi, de la forme qu'ils prennent, du régime d'assurance-emploi, des programmes de congés parentaux, du fait qu'il n'y ait pas de programme de garde d'enfants, entre autres choses. Ces systèmes font une différence quant à l'égalité et à la sécurité économiques des femmes. Il ne s'agit pas seulement du choix que nous faisons d'occuper ou non certains types d'emplois.
Les femmes sont présentes sur le marché du travail depuis 40 ans, et les choses n'ont pas changé. Nous restons confinées aux secteurs de l'administration, de l'enseignement et des services, et ces emplois sont, selon notre expérience, sous-valorisés tant verticalement qu'horizontalement. Et les femmes sont toujours susceptibles d'être moins bien payées, que ce soit en raison de leur secteur de travail ou du fait que, au sein d'une organisation donnée, elles se retrouvent souvent au même endroit.
Vu que cette situation perdure depuis des décennies, on peut dire que le problème est structurel. Nous devons aller voir plus loin et nous attaquer aux motifs sous-jacents et aux obstacles au changement. Nous sommes tout à fait en désaccord avec l'accent mis sur le fait que chaque femme doit faire des choix différents, parce que cela revient à faire porter aux femmes le fardeau de leur propre insécurité économique. Au contraire, ceux qui ont vraiment le pouvoir de faire changer les choses, ce sont les gouvernements et les employeurs. Il faudrait que l'accent soit mis par exemple sur l'établissement de cibles pour régler les problèmes d'embauche ou de sous-valorisation du travail des femmes, sur le besoin de reconnaître et de valoriser le travail rémunéré ou non des femmes et sur les programmes sociaux qui sont nécessaires pour soutenir la participation des femmes au marché du travail rémunéré et à la société en général.
Il est évident que les femmes du Canada vivent l'inégalité économique et une plus grande pauvreté. Tout au long de notre vie, nous faisons moins d'argent que les hommes, ce qui veut dire que nous sommes plus pauvres, à la retraite et pendant notre vieillesse. Il est important de mener une analyse comparative entre les sexes plus, une ACS+, comme le gouvernement a décidé de le faire, une analyse que notre Institut appelle également une analyse intersectionnelle, puisque nous savons que les femmes ne sont pas toutes touchées également. Les avantages et les coûts sont inégalement répartis, et nous devons mettre le doigt sur ces différences.
Par exemple, les femmes handicapées sont doublement touchées. Non seulement les salaires qu'elles touchent sont généralement inférieurs, mais en outre, elles ont souvent de la difficulté à trouver du travail ou à le conserver, et elles restent donc sous-employées. Les familles monoparentales dirigées par une femme s'en tirent beaucoup moins bien que les familles monoparentales dirigées par un homme; de fait, le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes des Nations unies a recommandé au Canada de se pencher sur ce problème persistant.
Au coeur du problème, il y a les tâches de dispensatrices des soins assumées par les femmes. Elles ont un impact fondamental sur notre insécurité économique; en effet, les femmes accomplissent toujours la plus grande partie de tâches liées à l'entretien ménager et au soin des personnes. Il est vrai qu'aujourd'hui, les hommes consacrent plus de temps aux travaux ménagers: par rapport à ce qu'ils faisaient il y a 20 ans, ils en font 20 minutes de plus par jour. À ce rythme, dans combien d'années pourrons-nous arriver à l'égalité?
C'est pourquoi il faut en faire plus. C'est un conflit profond pour les femmes, car ce sont souvent elles qui finissent par demeurer à la maison quand il faut choisir entre les soins à donner à une personne et un emploi rémunéré. Il y a bien des choses, mais de meilleurs congés parentaux — ce qui relève du gouvernement fédéral — seraient utiles. Ces congés, s'ajoutant aux congés offerts aux femmes, donneraient aux hommes l'occasion de participer eux aussi aux soins à donner aux jeunes enfants. Il est prouvé que, quand ils commencent tôt à donner des soins aux enfants, les hommes y participeront davantage tout au long de la vie de leur enfant.
On ne peut pas non plus sous-estimer l'importance des services publics pour la sécurité économique des femmes. Ils sont importants non seulement parce qu'ils représentent une source de bons emplois — bien que cette source commence à se tarir, ce qui est une grande préoccupation —, mais aussi parce que les femmes sont très nombreuses à se fier aux services publics. Nous avons réalisé une enquête, à Ottawa; un groupe de femmes a nommé des centaines de services qui leur seraient nécessaires au quotidien. Ce qui se passe dans le secteur public, qui coupe dans les services, et la précarité de plus en plus grande, voilà des problèmes graves qui menacent la sécurité, ou l'insécurité économique, des femmes.
En conclusion, la sécurité économique des femmes, au cours de la dernière décennie, en gros, s'est détériorée — les données le prouvent — en partie en raison de l'augmentation des emplois précaires, qui touche également le gouvernement fédéral, et aussi en raison des coupures dans les services publics, qui concernent le gouvernement fédéral, mais aussi qui découlent de la diminution des transferts vers les provinces et des coupures que les provinces effectuent elles aussi.
Nous aimerions présenter des recommandations touchant les mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre.
Il pourrait par exemple jouer un rôle de leader et offrir une plus grande sécurité économique aux femmes, dans toutes les dimensions de leur vie. Il pourrait également promouvoir la compréhension de l'inégalité structurale. Tout ne tient pas uniquement aux choix que font les femmes. Le gouvernement devrait chercher à savoir quelles coupures et quels services ont le plus d'incidence sur la situation des femmes et sur des groupes spécifiques de femmes, ce qui lui permettrait de comprendre les résultats des analyses intersectionnelles ou des ACS+.
Commencez en soumettant le budget fédéral à une ACS rigoureuse et publique. Je sais que ça commence à se faire, à l'interne, mais il faudrait que cela se fasse publiquement aussi. Il faut exiger une ACS+ pour les évaluations environnementales. Notre travail, dans le Nord, a montré qu'il s'agit là d'une occasion de nous assurer de répondre aux besoins des femmes — en particulier les femmes des collectivités nordiques — dans le contexte du développement des ressources, si jamais c'était nécessaire.
Faites preuve de leadership et créez à l'échelle du pays des services de garde d'enfants sans but lucratif qui soient abordables et de bonne qualité. Je crois que tout le monde en a parlé. Facilitez l'accès à l'assurance-emploi et ajoutez des prestations parentales. Améliorez le financement des services publics. Demandez à Statistique Canada de commencer à recueillir, si ce n'est pas déjà fait, des données sur le temps consacré aux tâches ménagères et sur la division des tâches selon le sexe, au sein d'une famille. Le Canada a déjà été un chef de file dans ce domaine, et il est important de continuer à surveiller la situation. Enfin, renversez la tendance et mettez fin à la précarité dans la fonction publique fédérale en profitant des négociations des conventions collectives.
Merci beaucoup.
Nous commençons notre première série de questions en donnant la parole à Mme Ludwig. Vous avez sept minutes.
Merci à vous toutes pour ces exposés.
Madame Reynolds, au sujet des femmes occupant des postes de responsabilité, j'ai lu récemment un article dont j'ai retenu une phrase disant à peu près ceci: « Si on ne vous voit pas, vous n'existez pas. »
Dans quelle mesure est-il important que les jeunes femmes et les jeunes hommes puissent voir des femmes occuper des postes de responsabilité?
C'est d'une importance énorme, et nous travaillons beaucoup sur la question des modèles de comportement. J'ai expliqué plus tôt que les gens disent toujours que le problème, ce sont les bébés, et que c'est pour cette raison que les femmes ne sont pas intéressées par le monde des affaires. Si vous faites partie des cadres intermédiaires d'une entreprise donnée et que vous ne voyez aucune femme dans des postes d'un niveau supérieur, vous pensez que c'est parce que c'est impossible. Vous voyez uniquement des modèles de comportement auxquels vous ne pouvez pas vous assimiler. C'est un peu comme l'oeuf et la poule. Il faut que des femmes occupent ces postes si nous voulons qu'elles puissent offrir un modèle.
Nous travaillons beaucoup, également, sur les programmes de sciences, de technologie, de génie et de mathématique; je n'en avais pas encore parlé. Le problème est le même, ici. Nous constatons à l'heure actuelle que les inscriptions dans les programmes de génie des universités diminuent. Je crois qu'une grande partie du problème vient du fait que les femmes ne voient pas de modèles de comportement et ne connaissent pas les environnements de travail. Nous avons le même problème, dans les marchés financiers. Les femmes considèrent que les marchés financiers sont dominés par les hommes, qu'ils sont très compétitifs, agressifs, et ainsi de suite, mais nous ne sommes plus en 1980. L'environnement est différent, en réalité. Je crois que les femmes qui envisagent une profession dans les domaines des sciences, de la technologie, du génie ou des mathématiques n'ont pas de modèles auxquels se raccrocher. Nous organisons de nombreuses conférences à l'intention des jeunes femmes des écoles secondaires et des universités et nous essayons de leur présenter des modèles et de les recruter.
Vous pouvez très rapidement avoir une immense influence. Je crois fermement qu'il faudrait que le monde des affaires et les systèmes d'éducation, du niveau secondaire comme du niveau universitaire, travaillent en plus étroite collaboration. Ce lien manque réellement aux étudiantes. La plupart d'entre elles ne savent même pas en quoi consistent ces emplois, mais il faudrait aussi qu'elles puissent voir des modèles de comportement et que ces modèles communiquent avec les jeunes.
Merci.
J'aimerais à ce sujet donner un exemple personnel. Je fais quelques petites recherches sur les femmes occupant des postes de responsabilité et, en particulier, les femmes en politique de ma circonscription. J'ai l'honneur de représenter la circonscription de Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest en tant que première femme députée. Dans ma circonscription, il y a 14 maires, dont 3 sont des femmes. Ma circonscription compte également huit députés provinciaux, mais aucune de ces huit circonscriptions provinciales n'est représentée par une femme.
Passons maintenant aux écoles secondaires et aux directeurs d'école de ma circonscription, peu importe le niveau. Il y a au total 29 directeurs, mais cela comprend 17 directrices; nous faisons donc un peu de progrès à ce chapitre. J'aimerais insister, et vous le feriez vous aussi, sur l'importance de la participation des femmes dans des rôles divers, étant donné que chaque personne a vécu des expériences différentes et apporte des points de vue différents.
Je fais également partie du comité du commerce international, et j'ai une autre question à vous poser à ce sujet. Dans quelle mesure est-il important que des femmes participent à la négociation des accords commerciaux internationaux, surtout à la lumière de ce qu'a dit l'intervenante précédente au sujet des différences entre les pays de l'OCDE? Dans quelle mesure est-il important que nous puissions connaître le point de vue des femmes, que les femmes non seulement participent aux négociations, mais qu'elles siègent à des conseils d'administration et qu'elles puissent exprimer ces différents points de vue? Y a-t-il là une façon d'arriver à l'équilibre?
Absolument. Je crois que, dans les postes de responsabilité, en politique ou en affaires, le point de vue des femmes n'existe pas. Il n'existe tout simplement pas. Il ne suffit pas de donner à une femme un siège à un conseil d'administration ou dans un groupe d'experts. Selon les recherches, c'est au moment où la proportion de femmes atteint 30 % que la dynamique d'un conseil d'administration peut changer. Les recherches explorent différentes perspectives. Du point de vue de la gouvernance, les choses vont mieux quand il y a davantage de femmes au conseil d'administration. Les femmes, de toute évidence, ont un point de vue différent des choses.
Quand on pense que les décisions d'achat sont prises par des femmes, dans 80 à 85 % des cas, je crois qu'on devrait vouloir que des femmes participent aux opérations commerciales ou aux ventes. Je crois que cela changerait le monde.
J'ai déjà dit que, selon certaines analyses de rentabilisation et selon certaines recherches, les entreprises seraient plus concurrentielles et plus rentables et obtiendraient de meilleurs résultats pour les actionnaires s'il y avait davantage de femmes dans les conseils d'administration. Je crois que nous pourrions créer un autre type de... Je crois que cela aurait une incidence sur l'environnement, et pas seulement sur l'environnement, mais sur tout le reste, les produits offerts sur les tablettes, l'apparence du téléphone, l'environnement lui-même. Les choses changeraient du tout au tout si nous arrivions à nommer des femmes à ces postes.
Je suis d'accord avec vous. Je pense certainement que cela nous aiderait à être plus concurrentiels, en tant que pays, si les groupes de négociation et les hauts postes de direction faisaient davantage de place à la diversité.
Ma question s'adresse à tous les témoins. Tout le monde a parlé, ce matin, d'obstacles structuraux et de préjugés inconscients. Par quels moyens le gouvernement fédéral pourrait-il mieux informer la population et sensibiliser les gens aux obstacles structuraux et aux préjugés inconscients de façon à donner aux femmes l'occasion de participer plus nombreuses aux échelons supérieurs de notre société?
Je peux répondre la première. Les préjugés inconscients sont un sujet très important. Une bonne partie du travail dont j'ai parlé, au sujet des institutions financières, commence par une formation sur les préjugés inconscients, car il faut que les gens comprennent cela.
Je suis une personne positive. Je n'aime pas penser qu'il s'agit d'une conspiration généralisée. Bon nombre de décisions se prennent en fonction de cette « identification ». Nous sommes attirés par des gens qui nous ressemblent. Nous voulons mettre de l'avant les gens qui nous ressemblent et nous avons tendance à soutenir et à encadrer des gens qui nous ressemblent; quand il est temps d'offrir une promotion, ces gens-là sont en général mieux placés. Ils sont mieux placés depuis toujours, et il est inévitable que cela se passe ainsi.
Du point de vue du gouvernement, je crois qu'il y a un aspect touchant l'éducation. Je ne crois pas que cette éducation commence suffisamment tôt. Je crois en fait qu'il y a bien des gens qui estiment que seuls les hommes blancs d'un certain âge ont des préjugés, mais c'est faux. Les femmes aussi ont des préjugés. Les jeunes ont des préjugés. Les gens de toutes les cultures en ont. Il se peut que cela fasse partie de notre système d'éducation. Nous devrions commencer à y réfléchir.
J'ai passé du temps dans les universités. Le contraste est tellement frappant entre l'environnement des universités canadiennes d'aujourd'hui, très diversifié, et les conseils d'administration où je passe une bonne partie de mon temps, où la diversité est pour ainsi dire nulle. C'est un grand problème, au Canada. Comment allons-nous le régler, vu l'énorme diversité de notre population et le fait qu'aux échelons de la haute direction, il n'y en a pas?
Exactement, et nous n'avons pas cette expérience-là, ici, au Canada. Nous en avons besoin; il faut des femmes dans des postes de responsabilité. Elles ne doivent pas rester dans les niveaux inférieurs sur le plan économique, au Canada. Je crois que cet aspect pourrait être intégré à notre système d'éducation et qu'il devrait l'être. Les enseignants devraient eux aussi réfléchir à cet aspect, c'est certain.
Je crois qu'il serait utile de mener une analyse sexospécifique portant sur les changements qu'il faudrait apporter aux programmes fédéraux. C'est une excellente façon d'augmenter la sensibilisation; quand vous apportez un changement, vous faites clairement comprendre ce que sont les répercussions liées au genre et vous pouvez ainsi montrer pourquoi les changements sont nécessaires.
J'ajouterais que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle de premier plan en lançant des campagnes de publicité, qui sont également utiles. Je me rappelle que, lorsqu'il a adopté une nouvelle loi sur l'équité salariale, le gouvernement de l'Ontario avait lancé une grande campagne de publicité axée sur la valeur du travail des femmes. Ce sont des choses comme cela que vous pourriez faire.
J'aimerais parler davantage des ACS+, car j'ai l'impression que chaque fois que le gouvernement fédéral verse un financement au gouvernement provincial, le financement est réservé à un but particulier. Les ACS pourraient en faire partie. Assez souvent, parmi les critères d'approbation des projets communautaires, quand un appel de propositions est lancé, il n'y a le plus souvent aucune exigence touchant une ACS. Ces analyses ne sont jamais intégrées aux critères d'approbation. Il y a beaucoup d'argent qui est versé.
À l'échelon provincial, je discutais avec un des membres du personnel de la province, qui m'a dit qu'il trouvait très difficile de se lancer seul, si cela ne venait pas du gouvernement fédéral. L'argent est versé, et il doit gérer cet argent, mais, tant que le gouvernement provincial ne décidera pas concrètement d'imposer une ACS+, il lui faudra se débrouiller seul.
Je crois que le gouvernement fédéral aurait un rôle très pratique à jouer; lorsqu'il lance un appel de propositions, il pourrait revoir ses critères, revoir les lignes directrices qui s'appliquent aux propositions, et y intégrer les ACS. Les gens seraient obligés d'en tenir compte.
Bonjour, et merci beaucoup. J'ai vraiment trouvé que l'information au sujet de l'assurance-emploi... J'ai déjà occupé un poste d'adjointe, et j'ai constaté qu'un grand nombre de femmes étaient incapables de toucher des prestations d'assurance-emploi parce qu'elles avaient travaillé à temps partiel pendant une année donnée. Je sais que nous pouvons toucher des prestations spéciales après 600 heures, mais il y a des gens qui n'arrivent pas jusque-là.
Bien sûr, cela va de concert avec les programmes sociaux de la province, puisqu'il faut être admissible pour y avoir accès.
Quelle est la solution? Comment pouvons-nous en tant que gouvernement être responsable, sur le plan financier et le plan budgétaire, tout en trouvant une manière de verser des prestations aux participants? Quelle est la solution? Y a-t-il une solution simple?
Je ne crois pas qu'il existe une solution simple. Je crois par contre que nous devrions examiner la façon dont les programmes sont conçus de façon qu'ils visent à bénéficier tout autant aux femmes. Quand il s'agit de l'emploi, il n'est pas possible d'adopter une politique publique, provinciale ou fédérale, qui fait en sorte qu'une personne qui décide de travailler est pénalisée.
Merci.
Si je vous ai posé cette question en premier lieu, c'est parce que, quand nous examinons...
La semaine dernière, nous avons entendu un témoin parler du fait que, lorsqu'une femme demandait un prêt pour une petite entreprise, elle faisait face à un énorme fossé. Je me demandais si ce n'était pas parce que, dans certains cas, les programmes proposent une sensibilisation aux outils financiers aux personnes qui lancent une nouvelle entreprise, des choses comme cela. Pensez-vous qu'il existe une différence mesurable entre les hommes et les femmes, quant à la connaissance des outils financiers?
Je dirais que la différence est énorme. Je crois que c'est parce que les programmes de soutien aux entreprises visent tous l'innovation et tout ce qui concerne les sciences, la technologie, le génie et les mathématiques. Les femmes ne trouvent pas facilement une place dans ces domaines. Elles s'intéressent davantage à l'innovation sociale. Si elles s'adressent aux centres d'incubateurs ordinaires, pour demander du financement, elles s'aperçoivent que tout cela — les investisseurs, les mécanismes de prêt, les mécanismes de subvention — est orienté vers une cible très bien définie. Il y a aussi beaucoup d'âgisme, dans ce milieu.
Les femmes ont de bonnes idées, mais leurs idées ne sont pas au goût du jour. Il peut aussi s'agir des communications, de la façon dont les femmes communiquent, de ce qu'elles font dans leurs entreprises. Nous avons beaucoup parlé de cette question, dans mon milieu. Les femmes ne veulent pas qu'on les trouve agressives, alors elles baissent le ton de leurs communications, de telle manière qu'elles ne manifestent pas une énorme assurance, lorsqu'elles demandent des fonds ou présentent les raisons pour lesquelles leur entreprise devrait obtenir du soutien.
Je crois qu'il y a un énorme fossé et que nous pourrions le combler à l'aide des évaluations fondées sur les ACS+ et en contrôlant les programmes financés de façon à nous assurer qu'ils sont inclusifs, parce qu'ils ne le sont pas à l'heure actuelle.
Vous avez également évoqué le taux marginal d'imposition. Vous parliez de la transition d'un programme non imposable à un programme imposable. Par exemple, si vous ne recevez plus les prestations d'invalidité de l'Ontario, vous n'avez plus droit aux prestations médicales ni à tout ce qui vient avec elles.
Nous avons constaté que les gens feraient mieux de rester chez eux que de retourner au travail, étant donné qu'ils devront payer plus s'ils font cela. C'est extrêmement malheureux, mais, en même temps, nous reconnaissons qu'à long terme, il est mieux d'avoir un emploi.
Connaissez-vous des solutions? Comment pourrions-nous collaborer afin de régler le problème?
Je crois que, à l'échelon provincial, si les gens veulent réellement avoir un emploi, il faudrait que l'on se préoccupe davantage de ce qu'ils vont perdre. S'ils perdent leur assurance-médicament, il faut leur proposer des programmes qui leur assureront au moins une couverture équivalente. S'ils ont un problème de santé ou un autre problème et qu'ils ont besoin de médicaments, comment peut-on s'attendre à ce qu'ils occupent un emploi? Même dans les provinces, cela varie, à l'échelle du pays, mais en général, cela n'équivaut pas à ce qu'ils peuvent obtenir d'un système provincial.
Je crois qu'il faudrait une grande collaboration pour concevoir de véritables mesures incitatives à l'emploi, étant donné que les gens sont tout à fait capables d'aller travailler. En fait, selon mon expérience personnelle, nous savons que les femmes qui travaillent coûtent moins cher au système de santé. Vous ne voyez pas souvent des données à ce sujet, que ce soit en raison de la nécessité de protéger les renseignements personnels ou parce que vous travaillez dans un autre ministère.
Nous savons que les femmes qui restent à la maison et qui ne veulent pas rester à la maison sont intéressées, mais elles n'ont pas choisi leur mode de vie. Elles ont trouvé le moyen d'être productives d'une manière différente. Elles ne consultent plus le médecin. Elles ne consultent plus le psychologue. Elles ne prennent plus de médicaments. On ne s'arrête même pas sur cet effet d'entraînement.
Madame Reynolds, j'aimerais avoir votre opinion sur l'économie de partage. J'ai déjà posé une question à ce sujet. Nous parlons de l'économie de partage, d'Uber, d'Airbnb, de ce type de choses. Comment voyez-vous cela évoluer? Comment pensez-vous que cela pourrait être avantageux pour les femmes?
J'imagine que cela peut en faire partie.
Je parle de la location de ses biens personnels. Lorsque j'étais en France, on disait que la propriété foncière était en train de changer, en Europe. Les gens achetaient une maison, ou choisissaient de ne pas acheter de maison parce qu'ils voyageaient ou faisaient des choses du même genre. J'ai rencontré une personne qui ne vivait pas dans sa maison. Son hypothèque, c'étaient d'autres personnes qui la payaient, parce qu'elle louait constamment sa maison, ayant à se déplacer pour son travail.
Que pensez-vous qu'il se passera de ce côté-là? Est-ce que cela pourrait avoir des répercussions positives pour les femmes?
La réalité, c'est que, au chapitre des salaires, il y a un fossé énorme entre les hommes et les femmes. Les femmes sont tout simplement moins riches. Ce genre de solutions de rechange, c'est un moyen facile de payer son loyer, de payer sa voiture ou de partager sa voiture, et tout cela.
Voyez les espaces partagés où les gens travaillent, de nos jours, plutôt que d'avoir un bureau; je crois que les femmes entrepreneures sont nombreuses, dans ce secteur. Il est certain que cela réduit les frais généraux d'une entreprise ou, encore, les frais de subsistance. Une fois que vous avez des enfants, vous êtes toutefois susceptible de ne plus pouvoir bouger, alors ces avantages disparaissent, en quelque sorte.
J'aimerais revenir sur une chose qui a été dite au sujet du financement des femmes entrepreneures. J'ai travaillé pendant deux ans dans le secteur du capital de risque. C'est un problème de taille. On ne confie aux entrepreneures que 4 % du capital de risque. Nous devons réfléchir à la question. Le fait que tous les partenaires des entreprises de capital de risque sont des hommes explique en bonne partie la situation. Ils ne comprennent pas les arguments qui sont présentés. Je l'ai vu moi-même. Ils ne les comprennent pas. Ils disent: « Quand je serai de retour à la maison, je vais demander à mon épouse ce qu'elle en pense. »
Ce n'est pas ainsi que nous devrions distribuer l'argent. Le gouvernement donne de l'argent, dans tous les fonds que je viens de mentionner. Vous devriez réfléchir à l'utilisation qui est faite de l'argent du gouvernement; vous devriez vous demander s'il y a des exigences en matière de diversité associées à la façon dont ce financement passe dans l'économie.
Merci, madame la présidente.
Madame Stinson, j'aimerais revenir sur l'argument que vous avez dit haut et fort selon lequel il existe des obstacles structurels qui empêchent les femmes de prendre part à l'économie et qu'il ne s'agit pas simplement du choix des femmes.
Je suis députée en Colombie-Britannique, et le simple fait de pouvoir se rendre là où les d'emplois existent est un enjeu très important dans ma propre circonscription de Nanaimo—Ladysmith. Les gens de la réserve Stz'uminus n'ont aucun transport en commun. Ils ne peuvent pas se rendre aux lieux d'emploi. Cette réalité est tragiquement évidente dans le nord de la Colombie-Britannique; il suffit de penser à la « route des pleurs ». Des femmes qui font de l'auto-stop sont assassinées, plus particulièrement des femmes autochtones.
Il y a également des problèmes dans les centres urbains. Plus particulièrement, nous savons que des femmes handicapées ne bénéficient d'aucun service de transport en commun accessible et ne peuvent donc pas se rendre aux lieux d'emploi.
Pouvez-vous nous dire de quelle façon le gouvernement pourrait investir davantage dans le transport en commun afin de donner aux femmes la pleine possibilité de jouer un rôle actif sur le marché du travail?
Oui.
Dans le cadre de notre recherche sur l'évolution des services publics, j'ai été surprise de constater à quel point le transport en commun a été souvent mentionné à titre de service public sur lequel comptent les femmes. Peut-être est-ce parce que je ne m'étais pas arrêtée à y réfléchir. Lorsqu'on y pense, ce sont particulièrement les gens qui ont un faible revenu qui utilisent les transports en commun, parce qu'ils ne peuvent pas se payer une voiture. Les femmes ont un revenu plus faible, donc ce n'est pas surprenant.
C'est intéressant, par contre, et je pense à la façon dont les choses ont changé. J'ai fait quelques travaux récemment sur la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme. Cette année marque son cinquantième anniversaire. Le transport en commun n'avait pas été soulevé comme préoccupation à ce moment-là, mais il l'est maintenant. C'est un gros problème, pour certaines des raisons que vous avez mentionnées.
Notre travail au sein du Feminist Northern Network, un autre projet de recherche auquel l'ICREF prenait part, a révélé que l'absence de transport en commun dans les collectivités nordiques est certainement un problème majeur. Cela met les femmes en danger, comme vous l'avez mentionné. La « route des pleurs » est peut-être l'exemple le plus choquant, mais je suis certaine que ce n'est pas le seul; il est seulement mieux connu. Dans bien des cas, les femmes dans le Nord doivent faire de l'auto-stop, comme d'autres le font, pour circuler.
Pour ce qui est des régions urbaines, nos recherches à Ottawa ont montré que le problème était très grave. Il était question de l'accessibilité, et du coût — le coût était trop élevé pour les gens — et le manque de plages horaires, et parfois il était question du trajet.
Encore une fois, une part de responsabilité incombe au gouvernement fédéral, même en ce qui concerne le transport local. C'est une question de paiements de transfert. Les municipalités ont tant de responsabilités et si peu de ressources que le transport en commun est un secteur qui continue de subir des compressions budgétaires.
Je vais maintenant m'adresser à d'autres témoins, en espérant pouvoir revenir à vous.
Madame Lockyer, dans ma circonscription de Nanaimo—Ladysmith, notre collectivité compte beaucoup de nouvelles immigrantes, ce qui devrait être excellent pour notre économie. Toutefois, on nous dit que leurs capacités langagières constituent un obstacle qui les empêche d'entrer sur le marché du travail. J'aimerais en savoir davantage au sujet des formations linguistiques que nous pourrions offrir en tant que gouvernement fédéral pour éliminer cet obstacle à la réussite économique des immigrantes.
J'aimerais également entendre votre point de vue et savoir si vous jugez que les dispositions législatives relatives aux titres de compétence étrangers et les visas de travail contribuent à l'insécurité économique des femmes immigrantes, même si ces femmes sont souvent très bien formées et hautement qualifiées pour combler des pénuries de main-d'oeuvre.
La langue est un obstacle. Elle est un obstacle si vous êtes une femme francophone et que vous vivez dans une collectivité anglophone. De nombreuses immigrantes qui viennent ici sont francophones, et elles semblent mieux réussir. Je pense que cela illustre le fait que, s'il n'y a pas d'obstacle linguistique, elles peuvent progresser plus rapidement. La reconnaissance de leur expérience et de leurs titres de compétence est le plus grand obstacle que peuvent rencontrer les femmes immigrantes lorsqu'elles arrivent au pays. Ensuite, il s'agit de progresser de manière à acquérir une certaine expérience.
Je peux vous donner un exemple. Mon adjointe administrative, Fabiola, est une jeune femme mexicaine. Elle est aussi ingénieure. Je lui ai dit: « Faby, que pouvons-nous faire en tant qu'employeur pour que cet emploi soit bon pour toi? » Elle a immédiatement abordé la question de ses enfants et m'a dit que si elle avait plus de latitude pour être avec ses enfants lorsqu'ils ont besoin d'elle, elle ne se considérerait plus comme une travailleuse sous-employée. Elle a dit: « Je veux cet emploi parce que je veux acquérir le même genre d'expérience que j'obtiendrais au PARO Centre pour l'entreprise des femmes. » Je lui ai donné ce qu'elle voulait, et elle m'a donné ce dont j'avais besoin.
Je pense que c'est ce que nous devons faire valoir: embauchez des immigrantes. Les embaucher, leur donner une chance. Leurs capacités langagières s'amélioreront. Aujourd'hui, Faby est trilingue. Sa première langue est l'espagnol, elle a appris le français depuis son arrivée, et elle se débrouille en anglais.
Nous progressons, et cela n'est qu'un seul exemple.
Il me reste peu de temps, je vais donc donner la parole à Jane Stinson.
J'ai beaucoup apprécié l'importance que vous avez accordée à l'analyse comparative entre les sexes et le fait que vous avez demandé publiquement au gouvernement fédéral d'employer un point de vue sexospécifique pour s'assurer que les services publics sont suffisamment financés. J'aimerais en savoir davantage au sujet de l'incidence sur la sécurité économique des femmes que cela pourrait avoir si le gouvernement ne tient pas compte des conséquences de ses dépenses et de ses politiques sur les femmes.
Je pense que la situation continue de nous faire régresser et de creuser le fosset des inégalités, puisque ce sont encore les femmes qui souffrent le plus. Il est évident que le secteur public offre de bons emplois bien rémunérés et assortis d'avantages sociaux aux femmes. Cela se détériore. Il y a maintenant des recherches qui montrent que les employés dans une situation précaire qui occupent un emploi dans le secteur public sont beaucoup moins susceptibles d'obtenir une protection en matière de pensions et d'avantages sociaux, qu'ils ont moins de contrôle sur leur horaire de travail et qu'ils font moins d'heures de façon générale. Le gouvernement fédéral offrait auparavant des emplois convenables, mais cela est maintenant en train de se détériorer. Cela contribue à la pauvreté chez les femmes et à l'inégalité entre les sexes.
Il est évident que les femmes dépendent de nombreux services publics aux échelons fédéral, provincial et local. Un financement adéquat et des paiements de transfert aux provinces sont absolument essentiels.
Mme Sheila Malcolmson: Merci beaucoup.
Merci beaucoup.
Laissez-moi commencer en vous remerciant. Chaque minute de votre témoignage était extraordinaire, et je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
Madame Lockyer et madame Carruthers, vous avez toutes les deux parlé du besoin éventuel de bonifier les prestations d'assurance-emploi, particulièrement pour rendre admissibles des gens qui travaillent dans des secteurs non traditionnels ou qui sont des travailleurs autonomes. Je pense que c'est fantastique. Ce qui me pose problème, en ce qui concerne la recherche du bon mécanisme, c'est que je ne considère pas que les fonds de l'assurance-emploi appartiennent au gouvernement. Il s'agit en fait de l'argent de ceux qui contribuent au fonds.
Y a-t-il une autre façon d'obtenir le même résultat social que celui dont vous avez parlé sans donner à d'autres membres de la collectivité les fonds auxquels certaines personnes ont contribué?
Je crois qu'il y a quelques facteurs en cause ici. D'abord, si on se penche sur la deuxième partie, qui concerne la formation financée, cette enveloppe d'argent particulière ne vient pas des cotisations. Je pense que cet aspect doit vraiment être revu en ce qui a trait aux personnes admissibles, aux personnes qui peuvent recevoir du financement, celles qui peuvent présenter une demande de transition vers le marché du travail. Quels sont les besoins? Pourquoi cela doit-il venir de cette enveloppe en particulier?
Je pense que c'est une manière vraiment pratique d'y parvenir. Il n'en coûtera rien au gouvernement. Il s'agit simplement de décider à qui revient cet argent.
Oui. Je pense que les travailleurs autonomes ne croient pas que s'ils contribuent, ils seront en mesure de présenter une demande. C'est ce qu'on leur montre depuis des années. Il doit y avoir un moyen clair de leur faire comprendre que s'ils cotisent à une certaine hauteur de façon continue, et qu'ils doivent présenter une demande, ils seront réellement en mesure d'obtenir des prestations. Je crois que dans la mesure où... et je pense que cet aspect est réellement important. Je pense que le gouvernement ne se rend pas compte de ce qui s'en vient, avec l'automatisation et tout le reste, et le nombre de personnes qui choisiront de travailler à leur compte. S'ils ne peuvent obtenir de congé de maladie ou de maternité et que leur entreprise doit fermer... Ce que je veux dire, c'est que les gens ne choisissent pas de fermer leur entreprise ou de faire faillite. Lorsque cela se produit, ils ont besoin de la sécurité qu'offrent ces systèmes sociaux.
Je comprends le besoin de certitude.
Madame Reynolds, j'aimerais aborder quelques aspects avec vous.
L'un des mots que vous avez utilisés lorsque vous parliez de la représentation au conseil d'administration qui m'a frappé est le mot « perspective». Je sais que lorsque j'étais enfant, à la maison, quand les gens parlaient de la diversité, nous pensions qu'ils parlaient des protestants. Aujourd'hui, lorsque je viens à Ottawa, je suis entouré de gens qui ne me ressemblent pas, et c'est formidable; cela change considérablement la conversation.
Vous avez mentionné que le gouvernement fédéral était capable, entre autres, de favoriser une certaine forme de transparence. Vous avez parlé de l'initiative de Lord Davies mise en oeuvre au Royaume-Uni. Est-ce que cela devrait être une exigence législative en matière de transparence que nous pourrions en quelque sorte imposer au secteur privé en disant que cela mènera à de grandes retombées sociales et que nous allons donc exiger par la loi qu'il se conforme ou est-ce qu'il est possible de mettre en place un meilleur mécanisme?
Je pense que l'approche « se conformer ou s'expliquer » serait ce juste milieu. Elle revient à soulever la question et à la mettre à l'ordre du jour, mais à vous laisser choisir vos propres cibles. Nous vous laissons gérer la diversité selon votre calendrier des travaux. Si vous êtes une entreprise minière et que vous ne laissez aucune place à la diversité, nous vous laisserons choisir le moment de le faire. Toutefois, si les entreprises continuent de ne rien faire, nous sommes en quelque sorte forcés de faire quelque chose, parce que si elles ne font absolument rien, nous devrons nous pencher sur la question.
L'attitude des gens change, vous pouvez me croire, parce que lorsque nous avons entamé le dialogue au sujet de l'approche « se conformer ou s'expliquer», il y a trois ans et demi de cela, l'idée des quotas était odieuse, et j'entends maintenant le mot quotas de plus en plus. Je vous assure que les entreprises canadiennes ne veulent pas avoir recours à des quotas. Cela ne fait aucun doute, mais je pense qu'il y a quelques étapes intermédiaires entre cela et la situation que nous connaissons aujourd'hui. Si nous ne percevons pas d'intérêt pour l'approche « se conformer ou s'exprimer » et que les gens n'adoptent pas les politiques et qu'ils n'établissent pas d'objectifs pour eux-mêmes, nous devons les encourager à le faire. Est-ce ce que vous leur dites? Qu'ils doivent avoir une politique ou un objectif? Ce genre d'étapes intermédiaires entre notre situation actuelle et le recours aux quotas sont de bonnes manières de faire avancer les choses en quelque sorte.
L'autre point relatif à l'écart lié au salaire et à la représentation entre les hommes et les femmes tient au fait que de nombreux pays disent — cela s'applique généralement aux grandes entreprises, puisqu'il y a des dépenses liées à cela — qu'il faut divulguer le nombre d'hommes et de femmes et leur salaire à différents échelons. Nous voyons beaucoup d'entreprises technologiques aux États-Unis, comme Salesforce, prendre réellement l'initiative de le faire. C'est un autre mécanisme que le gouvernement doit mettre en lumière, parce que l'écart salarial entre les hommes et les femmes est un bon indicateur de notre situation en ce qui a trait au nombre de femmes qui occupent des postes de pouvoir dans le monde des affaires.
Il s'agit de quelques différentes manières d'y arriver.
Pour poursuivre à propos de la question de l'écart entre les sexes à différents échelons, mon expérience professionnelle, acquise principalement dans le secteur privé, dans un grand cabinet d'avocats traditionnel, m'a permis de constater qu'il s'agissait du principal problème auquel cette industrie est confrontée. Chaque année, les responsables du cabinet embauchaient entre 15 et 20 stagiaires en droit et nommaient environ quatre ou cinq associés, parmi lesquels il y avait parfois une femme. Nous perdions des gens de talent aux échelons moyens, et il s'agissait de personnes s'étant classées parmi les meilleures dans leur faculté de droit respective partout au Canada.
Je ne suis pas certain des causes de cette situation. Je suis convaincu que l'on pourrait en trouver des centaines, mais il semblait que les occasions de recherche de clients étaient liées au fait de partager une bière en assistant à un match de hockey et que le réseautage social à l'extérieur des heures de travail était très important.
Voyez-vous d'autres obstacles qui empêchent les femmes d'atteindre le titre d'associé? Y a-t-il des choses que le gouvernement fédéral pourrait faire, à part traiter la question de la transparence, pour aider les femmes à franchir cette étape dans le secteur privé?
Je crois que la profession d'avocat est l'exemple parfait, parce que dans ce cas il y a parité à l'embauche entre les sexes dans les postes de débutants depuis déjà deux ou trois décennies, et, en dépit de cela, les femmes n'atteignent pas le titre d'associé. Dans le domaine juridique, l'échelon des associés compte environ 20 % de femmes.
Vous avez mentionné un peu ce qui se passe. Il y a en partie le cycle de vente, les lieux où cela se déroule et la façon de rechercher des clients, mais je ne crois pas qu'il s'agisse du problème principal. Je crois que cela a beaucoup à voir avec les préjugés inconscients que j'ai mentionnés: la façon de distribuer le travail dans un cabinet d'avocats, les personnes qui concluent les meilleures ententes, celles qui ont accès aux meilleurs clients et celles qui sont appuyées par les associés clés. Voilà comment obtenir le titre d'associé. Vous devez bien faire votre travail — cela va de soi —, mais les relations sont essentielles pour devenir associé. Je crois que cela se produit très souvent.
Je suis d'avis qu'il y a certainement la question de la famille et de ce qu'il advient quand vous fondez une famille. Selon une de mes recommandations fermes, au moment d'examiner la question du congé parental, il faut réfléchir à la façon d'arriver à ce que les hommes prennent véritablement un congé parental. Pour commencer, mettons en place des politiques très progressistes à cet égard, parce que, jusqu'à ce que nous fassions en sorte que cela se produise, il s'agit d'un obstacle important pour les femmes. D'ici à ce que les hommes commencent à prendre un congé parental, cela constitue un obstacle pour les femmes dans le monde des affaires. Il existe d'énormes préjugés, tant pour les hommes que pour les femmes, qui y sont liés. Je crois que, du point de vue des politiques, s'il y a des moyens d'inciter les hommes à prendre un congé parental, cela aura une énorme incidence.
De fait, la firme EY et le Peterson Institute for International Economics ont diffusé un bon rapport de recherche selon lequel il existe une corrélation entre le nombre d'hommes prenant un congé de paternité et le taux de femmes occupant un poste de direction. Toutefois, il n'y a pas de corrélation entre la durée du congé de maternité, les politiques à ce sujet et le nombre de femmes occupant un poste de direction. Il s'agit donc d'une chose à laquelle nous devons vraiment réfléchir dans une perspective nationale. Les responsables de certains pays scandinaves se penchent vraiment sur ce sujet.
C'est parfait.
Nous avons le temps d'accorder une autre courte période de questions de cinq minutes à M. Waugh.
Merci, madame la présidente.
Pourquoi devrions-nous réinventer la roue dans certains cas? Existe-t-il un pays ayant des initiatives dont nous pourrions nous inspirer et que nous pourrions adopter comme politique d'égalité entre les sexes? Y a-t-il un pays en avance sur tous les autres? Ou une région?
Pas partout. Par exemple, c'est en Islande que l'écart entre les sexes est le plus faible sur le plan de la rémunération. Aussi, dans ce pays, il y a une proportion très élevée de femmes en politique. Ce changement est survenu au cours des dernières années, en particulier depuis 2008. Les pays scandinaves sont beaucoup plus avancés en ce qui concerne la question de la participation aux conseils d'administration et, en particulier, sur le plan des politiques relatives aux congés parentaux. Quand j'ai parlé de ce type de politiques précédemment, c'est dans ces pays qu'il existe des modèles et qu'il existe une corrélation entre certains facteurs et le nombre accru de femmes occupant des postes de direction.
Je n'irai pas jusqu'à affirmer qu'il existe un pays où les responsables ont réglé tous les problèmes en ce qui concerne la diversité des sexes, mais ceux que j'ai mentionnés comptent parmi les pays qui semblent un peu mieux réussir. Les responsables en Nouvelle-Zélande réussissent à très bien progresser en ce qui concerne l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes.
C'est triste de voir que le Canada... L'étude que j'ai mentionnée précédemment portait sur la mixité sur le plan du leadership organisationnel. Des 92 pays examinés, le Canada s'est classé parmi les 10 derniers. Il s'agit d'un problème important.
Les heures de travail changent. L'horaire est de 8 heures à 16 heures ou de 9 heures à 17 heures, mais cela fluctue beaucoup maintenant. Nous constatons que les travailleurs au pays effectuent beaucoup de télétravail. Cela peut-il être un changement important à l'avenir? J'ai à l'esprit ce dont vous parliez, madame Lockyer.
Je crois que la flexibilité dans le monde du travail est essentielle pour l'avenir, parce que c'est toute la façon de travailler qui change. Je suis d'avis qu'il s'agit d'une occasion pour les femmes d'être novatrices. Le fait de disposer de bons systèmes selon lesquels les personnes peuvent travailler à distance, tout en étant comptables à l'employeur améliorerait beaucoup la situation pour les femmes, parce que celles-ci choisissent bien souvent le travail autonome, par exemple, uniquement pour obtenir la flexibilité leur permettant de prendre soin de leurs enfants ou de leurs aînés.
Si je peux ajouter quelque chose, je suis d'avis qu'il est très important que nous ne percevions pas le télétravail comme une solution permettant aux femmes d'occuper un emploi rémunéré et de prendre soin de leurs enfants. Si certains d'entre vous l'ont déjà essayé — pour ma part, je l'ai fait —, vous savez qu'il est vraiment difficile de faire les deux. Vous ne donnez pas à vos enfants toute l'attention dont ils ont besoin, ou c'est votre emploi qui en souffre, et vous vous retrouvez au milieu, pris entre deux feux, donc il ne s'agit vraiment pas d'une solution.
Je dirais même que le mouvement vers le travail autonome a créé plus d'inégalités dans notre société. Certaines personnes tirent leur épingle du jeu, mais je crois que si nous examinons les chiffres, de nombreuses personnes peinent à gagner un revenu décent quand ils sont travailleurs autonomes, en particulier les jeunes.
Certaines études ont montré que la flexibilité a une incidence sur le maintien de l'effectif. La flexibilité n'a pas de répercussions positives sur le nombre de femmes qui occupent un poste de direction. Je crois que ce qui doit être retenu, c'est que vous allez peut-être les conserver au sein de votre personnel parce qu'elles travaillent, qu'elles sont heureuses et qu'elles souhaitent avoir de la flexibilité. C'est mon cas; j'ai des enfants, et cela m'aide beaucoup, mais vous devez quand même vous assurer que la flexibilité n'est pas accompagnée de préjugés dans le milieu des affaires. Si une personne choisit d'en profiter, alors elle ne se consacre pas vraiment entièrement à son travail et elle ne sera pas promue.
Je crois que les femmes ont tendance à continuer d'occuper des postes intermédiaires de gestion pour différentes raisons, mais qu'il s'agit peut-être là d'une de ces raisons. Cela fait partie de la solution, mais de nombreux autres changements doivent survenir.
Oui.
Je souhaite remercier toutes les personnes venues témoigner aujourd'hui de leur excellente contribution et je souhaite vous quitter sur une note d'espoir, parce que je suis la première femme ingénieure à siéger à la Chambre des communes. J'ai été membre de conseils d'administration et maintenant je suis une femme en politique, alors c'est possible. Nous devons seulement en faire davantage.
Merci de votre aide.
La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication