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La séance est ouverte. Bienvenue à la 11
e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Aujourd'hui, notre réunion se déroulera entièrement de façon virtuelle. Conformément à l'ordre de renvoi adopté le mardi 24 mars, nous nous réunissons dans le but d'entendre des témoignages concernant des enjeux liés à la réponse du gouvernement à la pandémie de la COVID-19.
Aujourd'hui, notre réunion se déroulera entièrement par vidéoconférence et les délibérations seront publiées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, la webdiffusion montrera toujours la personne qui parle plutôt que le Comité au complet. J'aimerais également souligner que c'est un événement historique, car c'est la toute première réunion entièrement virtuelle d'un comité de la Chambre des communes. J'aimerais remercier le personnel de la Chambre, les techniciens et tous ceux qui ont travaillé très fort ces deux dernières semaines pour réaliser ce projet. Je sais que vous êtes sur des charbons ardents à l'arrière-scène et que vous espérez que tout fonctionnera bien. J'ai fait une longue carrière dans le domaine des technologies de l'information et ma première expérience en informatique a d'ailleurs consisté à écrire en Fortran sur des cartes perforées. Je sais que nous avons fait beaucoup de progrès depuis ce temps et je crois donc que tout ira bien. Je vous félicite de ce que vous avez accompli à si court préavis.
J'aimerais maintenant aborder quelques questions de gestion interne. Tout d'abord, pour faciliter le travail des interprètes et pour veiller au déroulement harmonieux de la réunion, j'aimerais indiquer quelques règles à suivre. Pendant la vidéoconférence, le service d'interprétation fonctionnera comme lors d'une réunion ordinaire du Comité. Ainsi, en bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet anglais ou français. Avant de parler, veuillez attendre que je vous nomme. Lorsque vous êtes prêt à prendre la parole, vous pouvez cliquer sur l'image du microphone pour activer votre micro ou vous pouvez tenir la barre d'espacement enfoncée pendant que vous parlez; votre micro se mettra en sourdine si vous la relâchez, tout comme lorsqu'on utilise un émetteur-récepteur portatif — mais c'est peut-être un exemple d'une autre époque.
Tous les commentaires formulés par les membres du Comité et les témoins devraient être adressés à la présidence. Si vous devez demander la parole en dehors du temps qui vous est alloué pour les questions, vous devrez activer votre micro et annoncer que vous souhaitez faire un rappel au Règlement. Si vous souhaitez commenter un rappel au Règlement qui a été soulevé par un autre membre du Comité, vous devez utiliser la fonction « lever la main ». Cela signalera au président que vous souhaitez prendre la parole. Ainsi, vous devez cliquer sur les participants en bas de l'écran et lorsqu'un écran s'ouvre, à côté de votre nom, vous pouvez cliquer sur « lever la main ».
Lorsque vous parlez, veuillez le faire lentement et clairement, et lorsque vous ne parlez pas, vous devriez mettre votre microphone en sourdine. Manifestement, nous encourageons fortement l'utilisation des écouteurs. Si des difficultés techniques surgissent, par exemple avec l'interprétation ou si vous êtes accidentellement déconnectés, veuillez aviser le président ou le greffier immédiatement et les membres de l'équipe technique s'efforceront de résoudre le problème. Veuillez noter qu'il sera peut-être nécessaire de suspendre la séance de temps à autre pour veiller à ce que tous les membres du Comité puissent participer pleinement à la réunion.
Avant de commencer, pourriez-vous tous cliquer sur le coin en haut à droite de votre écran pour veiller à ce que vous ayez la vue de la tribune? Avec cette vue, vous devriez être en mesure de voir tous les participants en vue de grille, ce qui permettra à tous les participants de la vidéoconférence de se voir les uns les autres. Pendant la réunion, nous suivrons les mêmes règles qui s'appliquent habituellement aux déclarations et aux questions posées aux témoins dans nos réunions ordinaires. Chaque témoin aura donc 10 minutes pour faire une déclaration et nous aurons les séries de questions habituelles des membres du Comité.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Nous accueillons donc, à titre personnel, l'honorable David Dingwall, président et vice-chancelier de la Cape Breton University. Nous accueillons également, de l'Association canadienne de santé publique, Ian Culbert, directeur général, et de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, Linda Lapointe, vice-présidente. Du William Osler Health System, nous accueillons le Dr Naveed Mohammad, vice-président exécutif, Qualité, Affaires médicales et académiques. Nous entendrons d'abord M. Dingwall.
Monsieur Dingwall, vous avez 10 minutes. Allez-y.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai distribué la version écrite au Comité hier, comme on me l'avait demandé. Toutefois, j'aimerais seulement formuler sept brefs commentaires.
Tout d'abord, j'aimerais remercier les membres de votre comité du rôle qu'ils jouent dans l'examen de certains éléments de notre système de soins de santé. Comme vous le savez tous, les enjeux liés à Santé Canada et aux divers organismes de santé, surtout l'Agence de la santé publique du Canada, sont très importants compte tenu de la situation actuelle.
J'espère que lorsque la pandémie se terminera ou lorsque le nombre de cas diminuera de façon substantielle, votre comité parlementaire continuera d'examiner les événements pour tenter de dégager des pratiques exemplaires non seulement au Canada, mais également dans d'autres pays, afin que les protocoles appropriés puissent être mis en œuvre et, là où c'est nécessaire, être mis à jour de temps en temps.
Le deuxième point que j'aimerais soulever concerne la question de la gouvernance. D'après ce que je comprends à titre d'ancien ministre de la Santé, je pense que l'Agence de la santé publique du Canada fait effectivement partie d'un système unique. En effet, c'est une entité fédérale, mais elle travaille étroitement avec des entités provinciales et dans le cadre du partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces. Il est donc important que ces entités échangent des renseignements de bonne qualité et que leurs membres entretiennent un dialogue franc.
Selon mes observations, monsieur le président, je crois que c'est ce qui se produit en ce moment. En effet, les intervenants de l'agence fédérale rencontrent régulièrement ceux des agences provinciales, c'est-à-dire de façon virtuelle. Ils échangent des renseignements, des analyses différentes et des modèles différents. Je crois que c'est une bonne chose pour notre pays et pour notre système de soins de santé.
Je crois que le système fonctionne bien aussi dans ma petite province, c'est-à-dire la Nouvelle-Écosse. Le médecin-hygiéniste en chef, le Dr Strang, a formulé une ordonnance en matière de santé le 13 mars ou vers cette date, et la province a ensuite déclaré l'état d'urgence. Les intervenants rencontrent régulièrement leurs homologues à l'échelon fédéral pour échanger des renseignements, des analyses et des pratiques exemplaires.
Dans le domaine universitaire, le Council of Nova Scotia University Presidents a créé un groupe de travail dont les membres se réunissent chaque jour. Nous sommes également en constante communication avec le médecin-hygiéniste en chef et son équipe de professionnels afin d'échanger des renseignements et de tenter de résoudre certaines difficultés, surtout en ce qui concerne l'enseignement postsecondaire. Cela fonctionne bien jusqu'ici.
Les politiciens et les dirigeants politiques des trois partis politiques ont agi de façon très professionnelle, non partisane et efficace. Je crois que le premier ministre provincial, le chef de l'opposition et le chef du NPD méritent des éloges publics pour leur comportement.
De plus, au niveau supérieur du modèle de gouvernance ou de la bureaucratie, nous avons le sous-ministre de la Santé et manifestement, nous avons le sous-ministre du Travail et de l'Enseignement supérieur, Duff Montgomerie, qui a joué un rôle particulièrement utile pour les établissements d'enseignement postsecondaire et pour les universités dans notre province.
Le troisième point que j'aimerais soulever, et que certaines personnes considéreront comme étant de nature provinciale, comporte tout de même un élément national. En effet, le gouvernement du Canada et celui de la Nouvelle-Écosse doivent aborder la question des étudiants internationaux du pays qui n'ont pas accès à nos systèmes de soins de santé provinciaux. De nombreux étudiants internationaux doivent payer un fournisseur de soins du secteur privé pour les aider à répondre à leurs besoins en matière de soins de santé. La facture peut être de 1 300 à 1 700 $, et ces étudiants ont un accès limité à notre système de soins de santé.
Les recteurs d'université, les dirigeants d'associations étudiantes et de nombreux autres intervenants ont demandé aux gouvernements provinciaux de veiller, avec l'aide — ou la persuasion morale — du gouvernement du Canada, à ce que nos étudiants internationaux aient facilement accès aux soins de santé dans nos provinces respectives.
Le quatrième point que j'aimerais soulever, c'est qu'en ce moment, les étudiants, leur famille et leurs amis sont très anxieux. Il y a une douleur bien réelle et il y a évidemment des difficultés liées à la santé mentale. Nous voyons ces problèmes s'exprimer de différentes façons, par exemple lorsque ces étudiants demandent comment ils vont réussir à payer leur loyer, comment ils pourront acheter de la nourriture et comment ils pourront payer leurs droits de scolarité et lorsqu'ils soulignent qu'ils n'ont pas encore d'emploi d'été. De plus, s'il y a des emplois d'été, ils seront limités à certains secteurs. Ils sont donc très anxieux et craintifs face à l'avenir, et je suis sûr que les universités d'un bout à l'autre du pays tentent de se montrer coopératives et de régler ces problèmes du mieux possible. Je ne veux pas rater cette occasion de souligner que leurs préoccupations sont bien réelles, et je crois que Universités Canada a proposé au gouvernement du Canada d'investir dans des bourses d'études pour « un avenir plus prometteur ». Il s'agirait d'offrir, d'un bout à l'autre du pays, environ 500 millions de dollars en bourses pour aider ces étudiants canadiens et internationaux à répondre à leurs besoins et à réduire leur anxiété. J'espère que les membres du Comité, dans leur grande sagesse, envisageront un tel projet.
Mon cinquième commentaire concerne l'accès Internet à distance. Certaines personnes pourraient affirmer que votre comité s'occupe des questions liées à la santé, et non de celles liées aux technologies de l'information. Toutefois, vous devez savoir que le manque d'accès Internet à distance adéquat cause des problèmes importants à notre système de soins de santé.
Si vous me le permettez, j'aimerais vous donner un bref exemple. Lorsque les cours en personne ont été suspendus à l'Université Cape Breton le 16 mars dernier, tous nos étudiants du baccalauréat en sciences infirmières ont poursuivi leurs études à distance. À mesure que les étudiants retournaient dans leur foyer un peu partout en Nouvelle-Écosse et commençaient l'apprentissage en ligne à distance, un grand nombre d'entre eux ont éprouvé des difficultés de connexion Internet, car ils vivent dans des régions rurales de la province. Par exemple, 77 étudiants avaient commencé leur stage pratique en soins infirmiers avec la Régie de la santé de la Nouvelle-Écosse, au Cap-Breton, et ils avaient seulement terminé deux jours de stage lorsque la Régie de la santé a suspendu tous les stages étudiants en santé à l'échelle de la province.
En faisant preuve de créativité, les intervenants de l'université, et surtout ceux du programme en soins infirmiers, ont cherché un modèle d'apprentissage de rechange pour les étudiants qui avaient dû interrompre leur stage en milieu hospitalier. Nous avons donc acheté une simulation virtuelle. Une telle simulation utilise des modules d'apprentissage en ligne interactifs et exige que les étudiants utilisent leurs connaissances et accordent la priorité aux soins aux patients. Il y a plusieurs mises en situation et à la fin de chacune, les étudiants reçoivent de la rétroaction sur les décisions qu'ils ont prises. Ils peuvent répéter les mises en situation à plusieurs reprises et chaque fois, ils recevront de la rétroaction et une note. Le problème, c'est que les modules de simulation virtuelle nécessitent une très bonne connexion Internet pour avoir accès à chaque mise en situation et pour travailler sur chaque cas. On demande maintenant à ces jeunes infirmiers et infirmières d'entrer dans le système de soins de santé à titre de nouveaux fournisseurs de soins pour appuyer le personnel déjà à l'œuvre. Toutefois, en raison de l'absence d'un accès Internet de bonne qualité, il leur est très difficile, et souvent pratiquement impossible, d'offrir leur participation et leur contribution pendant cette période difficile.
Sixièmement, je voudrais soulever la question des investissements stratégiques dans les infrastructures. Un programme qui pourrait s'inspirer du Fonds d'investissement stratégique pour les établissements postsecondaires stimulerait l'économie et enrichirait notre capital scientifique dans le domaine de la santé.
Chaque université est unique en son genre, mais nous, à l'Université Cape Breton, en Nouvelle-Écosse rurale, nous voulons des installations pour accueillir un laboratoire de recherches collaboratives, des pôles d'apprentissage appliqué en santé publique et des centres d'action communautaire qui profiteront vraiment à la communauté et aux étudiants. Universités Canada, après de vastes consultations des établissements d'éducation postsecondaire de tout notre pays, en a aussi fait la demande au gouvernement du Canada.
Enfin, septièmement, le Canada a besoin d'un module de dépistage rapide, évolutif. Permettez-moi de prêcher un peu pour ma paroisse, puisque je représente une université. Actuellement, 634 étudiants sont inscrits à notre programme de baccalauréat en sciences de la santé publique, l'un des six qu'agrée, au Canada, l'Institut canadien des inspecteurs en santé publique. Ses bacheliers sont admissibles à un stage et à l'obtention d'un certificat d'agent de l'environnement ou d'agent de la santé publique au Canada. Ils forment ainsi un vivier de talents formés, prêts à répondre à la demande de dépistages rapides pour la main-d'oeuvre.
De plus, notre université accueille des étudiants de bien plus qu'une cinquantaine de pays. Beaucoup sont munis d'attestations d'études internationales, particulièrement dans les professions de la santé. Un programme de préparation à l'emploi aiderait notre pays, sans parler des petites communautés, à endiguer les pénuries de personnel de soins de santé, qui posent un problème notable au Canada, mais particulièrement dans la région de l'Atlantique. Actuellement, plus de 150 professionnels de la santé — médecins, infirmières, pharmaciens, physiothérapeutes et ainsi de suite — formés à l'étranger étudient dans notre université, mais il faut mettre en oeuvre un modèle de dépistage rapide. Peu importe le nombre d'années qu'il faudra pour disposer du vaccin, je pense que le dépistage devra se poursuivre un certain temps, et nous devrons pouvoir le faire pour rassurer le pays en général, les professionnels de la santé et nos premiers intervenants sur nos possibilités en la matière.
Monsieur le président, mon exposé est terminé.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je vous remercie de votre invitation.
Pour commencer, je tiens à reconnaître que je participe à la séance sur le territoire ancestral et non cédé des peuples algonquins anishinabés. Mon association est déterminée à collaborer, avec les Premières Nations, les Inuits, les Métis et leurs gouvernements, à la vérité et à la réconciliation, au vrai sens de ces termes.
Ensuite, j'exprime tout de suite l'appui et la gratitude de mon association envers les efforts de tous acteurs de la lutte contre la COVID-19 au Canada. Dans ces circonstances extraordinaires, des personnes de tous les horizons font preuve de cran.
Je me propose de montrer que notre système a tiré les leçons du passé et que nous devons continuer de nous adapter et de nous améliorer.
Notre pays a besoin d'un système de santé publique de dimension nationale qui, en même temps, appuie les provinces, les territoires et les peuples autochtones au moyen des compétences, des moyens et de l'équipement nécessaires pour répondre aux demandes créées par la catastrophe actuelle et les catastrophes à venir ou la lutte contre la pandémie, tout en réduisant la charge imposée au système de soins de courte durée.
La santé publique se définit comme l'art et la science de la prévention des maladies, du prolongement de la vie et de la promotion de la santé grâce aux efforts organisés de la société. Au Canada, ses fonctions centrales englobent la protection et la surveillance de la santé, la prévention des maladies et des blessures, l'évaluation de la santé de la population, la promotion de la santé et, bien sûr, la protection civile et l'intervention.
Je vous le rappelle, parce que la pandémie est un exemple d'école de cette définition. Depuis le début de l'année, l'Agence de la santé publique du Canada surveille cette flambée, en étant à l'écoute des faits et de la masse croissante des connaissances accumulées sur ce nouveau coronavirus. L'Agence et les autorisés sanitaires de partout au Canada se sont tenues au courant de cet effort scientifique et y ont contribué.
Pendant que la COVID-19 se répandait dans le monde, on a révisé les plans de préparation à une éventuelle pandémie élaborés par suite des épisodes du SRAS et de la grippe H1N1, et commencé à formuler la réponse canadienne. Cette réponse s'inspire d'un ensemble de principes intégrés dans les plans actuels de préparation et elle comprend un certain nombre d'engagements. D'abord, tous les pouvoirs publics et tous les acteurs collaborent à la production d'une réponse efficace et coordonnée. Ensuite, les décisions se fondent sur les meilleurs faits connus et l'intervention contre la pandémie est proportionnelle à la menace à un moment donné. Enfin, les plans et les mesures, souples et adaptés à la situation, évoluent en fonction des renseignements nouveaux.
La santé publique entre en scène dans sa dimension artistique à la prise des décisions concernant les interventions. Malgré la forte tentation de prétendre, après coup, que le Canada aurait dû fermer ses frontières et imposer la distanciation physique dès la reconnaissance du premier cas provenant de l'étranger sur son territoire, le public aurait alors très faiblement appuyé ces mesures, qui auraient été très peu suivies, au préjudice des interventions ultérieures.
Depuis quelques semaines, le message de l'association que je répète est que la réaction de chacun peut constituer à lui seul le principal facteur de la bonne santé collective de notre pays. Pour le meilleur et le pire, la situation évolue selon le cours prévu. Les dociles aux conseils des autorités sanitaires aident à aplatir la courbe, tandis que les inconscients de la gravité de la situation continuent de mettre en danger la vie des autres.
L'art de manœuvrer au point de rencontre de la santé publique, des libertés civiles et du comportement humain est toujours difficile. En dépit des critiques contre la stratégie d'intervention graduée ou proportionnée de nos autorités sanitaires et de nos gouvernements, nous croyons qu'ils ont choisi le parti le plus prudent.
Les autorités sanitaires et, comme elles, les politiciens, ont commencé par demander la modification des comportements. Ces demandes se sont graduellement durcies contre les récalcitrants. Chaque nouvelle demande de modification du comportement, pour le lavage fréquent des mains ou la distanciation physique, s'est appuyée sur des faits. Cette façon de faire était et continue d'être un exemple parfait et concret de promotion de la santé ou de responsabilisation des citoyens pour qu'ils améliorent leur hygiène ou qu'ils la prennent en charge.
Les autorités sanitaires de notre pays comprennent que les commandements ne suffisent pas pour que la population modifie ses comportements. Il faut lui donner les moyens de prendre la décision d'elle-même. Pendant les crises de la santé publique, les efforts de promotion de la santé peuvent être entravés par le manque de ressources ou de temps pour obtenir l'adhésion et modifier les comportements. C'est alors que, à contrecœur, on impose des mesures coercitives et des sanctions pour préserver le mieux-être.
Notons que beaucoup de nos concitoyens, vivant dans des logements surpeuplés, dans la rue ou dans des refuges, n'ayant pas accès à de l'eau propre, sont incapables de prendre en charge leur santé ou de modifier leurs comportements. Ces déterminants sociaux omniprésents de la santé deviennent encore plus nuisibles en période d'urgence de santé publique.
Bien sûr, la réaction, jusqu'ici, du Canada à la COVID-19 a amplifié certaines des difficultés perpétuelles de notre modèle fédératif et de la délégation des pouvoirs en matière de santé aux provinces et aux territoires. Cette délégation qui permet aux fonctionnaires des provinces et des territoires d'élaborer des mesures adaptées aux circonstances précises de leur région est à double tranchant. Mais dans l'urgence, elle peut donner l'impression que les différents pouvoirs politiques appliquent sans concertation des stratégies dissemblables contre la pandémie. Le public ou les médias peuvent interpréter les différences dans les messages de santé publique comme des signes de désaccord ou, pis encore, d'incompétence des autorités sanitaires.
La COVID-19 a encore une fois révélé l'absence de ressort de nos systèmes de santé publique, de santé mentale, de soins de courte durée et, particulièrement, des services offerts à beaucoup de communautés autochtones, sinon à toutes. L'obligation d'effectuer des dépistages et de rechercher les contacts a poussé à bout le personnel, même si toutes les ressources disponibles ont été redirigées vers la lutte contre la COVID-19. Cette réaffectation des ressources aura inévitablement des répercussions, puisque d'autres fonctions centrales de la santé publique seront mises de côté pendant la crise.
Ce manque de ressort est directement imputable au sous-financement chronique des services de santé publique au Canada. Même si, actuellement, il ne relève pas de l'administration fédérale de corriger ce problème, nous encourageons la mise en place, en consultation avec les provinces, les territoires et les autorités autochtones, d'un mécanisme juridique, réglementaire et financier qui permettrait au gouvernement du Canada de protéger le mieux-être physique et mental des Canadiens et de le promouvoir grâce à des stratégies axées sur la population. Ce mécanisme facilitera l'établissement de normes de santé publique et la prestation de programmes et de services suffisants de santé publique. Son objet serait de guider, à l'échelle nationale, les activités des provinces et des territoires dont la mise en œuvre serait appuyée par une enveloppe de ressources.
La COVID-19 a bouleversé la vie de beaucoup de nos concitoyens, en multipliant les épreuves et les tragédies. Elle a aussi entraîné un degré sans précédent de progrès scientifiques, de collaboration désintéressée et la volonté bien arrêtée de triompher de ce virus mortel. Malgré les difficultés notables qui ne cessent pas, nous ne pouvons pas nous empêcher de préparer le retour à la normale. Ce faisant, nous pouvons prévoir encore plus d'avance l'état de préparation à la pandémie, étant entendu que le virus ne sera ni le dernier ni le pire pathogène inédit à perturber notre monde.
Trop souvent, l'intérêt politique à l'égard de la santé publique faiblit une année ou deux après une urgence en santé publique. Les budgets qui avaient été débloqués temporairement sont alors réduits pour répondre aux besoins immédiats du système de soins actifs.
Je demande aux membres du Comité de garder une chose en tête lorsqu'ils formuleront des recommandations pour l'avenir. Les systèmes et les services de santé publique au pays sont la ligne de front du réseau. Si vous voulez des systèmes de soins actifs qui sont viables dans tout le pays, vous devez mettre en place des réseaux de santé publique beaucoup plus robustes pour prévenir la maladie, prolonger la vie et favoriser la santé, aussi bien en situation de crise qu'en temps normal.
Merci.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, bonjour.
Je me nomme Linda Lapointe et je suis vice-présidente inhalothérapeute du Comité exécutif de la FIQ, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec. Je suis responsable du dossier de la santé et de la sécurité au travail auprès de nos professionnelles en soin. Nous représentons près de 76 000 infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes œuvrant dans tous les milieux de soins au Québec. Nous vous remercions de nous avoir invitées à cette étude.
Au cours des 10 prochaines minutes, nous aborderons brièvement la question du financement du fédéral en matière de santé, pour ensuite approfondir la question de la sécurité des professionnelles en soins en ces temps difficiles.
En ce qui concerne le financement du gouvernement fédéral, le réseau de la santé québécois est mis à rude épreuve depuis l'éclosion de cette pandémie. Sans la volonté et le savoir-faire de celles qui œuvrent au quotidien, les soins nécessaires et de qualité ne pourraient être offerts à la population en ces temps difficiles. Elles relèvent ce défi avec brio tous les jours depuis plusieurs semaines, et ce, malgré les nombreuses contraintes avec lesquelles elles doivent composer.
Outre l'ampleur de la pandémie et la rapidité de sa propagation, les faiblesses de notre réseau s'expliquent en grande partie par l'insuffisance du financement, aux niveaux tant provincial que fédéral, au cours des dernières années. Depuis plusieurs années, la FIQ demande à ses élus fédéraux, tous partis confondus, d'augmenter le transfert en matière de santé afin de contribuer au financement des soins et des services de santé à hauteur d'au moins 25 % des dépenses faites par les provinces. Cette revendication fort légitime n'a malheureusement pas encore été entendue. Devant la sévérité de l'éclosion de la COVID-19, un financement adéquat aurait sans doute contribué à faciliter le travail quotidien des professionnelles en soins que nous représentons, en plus de permettre d'offrir à la population des soins auxquels elle est en droit de s'attendre.
Par ailleurs, la semaine dernière, la ministre de la Santé, , a fait le constat qu'au cours des dernières décennies, les différents gouvernements fédéraux ont sous-financé la préparation aux urgences de santé publique. Ainsi, selon Mme Hajdu, la Réserve nationale stratégique d'urgence ne contiendrait pas tout le matériel requis pour faire face à une pandémie de cette ampleur. Nous déplorons que cette réserve n'ait pas fait l'objet d'une révision régulière et que les sommes investies ne soient toujours pas au rendez-vous. Une réserve nationale bien garnie aurait été utile, d'autant plus que le Canada dépend en grande partie de l'industrie étrangère pour l'approvisionnement en équipement de protection individuelle.
Néanmoins, nous saluons la volonté du gouvernement fédéral de pallier cette dépendance en encourageant l'industrie canadienne à produire dorénavant ces équipements essentiels pour le travail de nos professionnelles en soins.
Je vais maintenant parler de la sécurité de nos professionnelles en soins. En attendant impatiemment cette autonomie d'approvisionnement canadienne en matière d'équipement de protection individuelle, il nous apparaît opportun de rappeler les propos du président de la commission sur le SRAS, le juge Campbell, propos que nous faisons nôtres aujourd'hui. Tant et aussi longtemps que le principe de précaution ne sera pas reconnu comme principe fondamental en matière de santé et de sécurité au travail au Canada, nos professionnelles en soins seront à risque.
Devant la timidité de certaines recommandations concernant les équipements de protection individuelle par l'Agence de la santé publique du Canada, ou ASPC, notamment dans son refus d'appliquer ce principe de précaution concernant les risques de propagation aérienne de la COVID-19, la FIQ a eu l'occasion d'exprimer son mécontentement, le 7 février dernier, dans une lettre adressée à la Dre Tam, administratrice en chef de l'ASPC. Comme cela a été souligné dans cette lettre, nous croyons toujours aujourd'hui que le leadership de l'ASPC aurait été utile dans le contexte actuel.
Au Québec, dès le début de cette crise, la FIQ s'inquiétait également des recommandations et des termes utilisés dans certaines recommandations de l'Institut national de la santé publique du Québec, l'INSPQ. La transmission aérienne du virus n'était pas prise en compte, comme à l'ASPC, et les recommandations québécoises faisaient état de scénarios de pénurie appréhendée d'équipement de protection individuelle.
Cependant, ce qui est encore plus alarmant, c'est que la transmission aérienne du virus est toujours occultée aujourd'hui, alors que la recherche actuelle atteste pourtant cette forme de transmission. D'ailleurs, un comité d'experts américains vient de se prononcer à ce sujet. Il faut rapidement que les recommandations de l'INSPQ soient ajustées pour refléter cette évidence scientifique. Dans le cas contraire, on porte atteinte aux droits des travailleurs à la sécurité.
Depuis quelques semaines, les scénarios de l'Institut national de la santé publique du Québec se sont rapidement transformés en solutions improvisées de dernier recours, notamment pour les appareils de protection respiratoire. Je pense notamment à l'utilisation prolongée de masques jetables à usage unique ou à leur réutilisation.
L'INSPQ propose également l'utilisation de masques expirés et suggère que l'on procède à la désinfection de masques jetables, le tout étant cautionné par la direction de la santé publique.
Nous mettons en doute ces directives de santé publique qui semblent séparer, voire opposer la santé publique et la protection des professionnelles en soins. Nous comprenons aujourd'hui qu'elles sont le résultat d'un manque de préparation évident et que cela est au risque et au péril de nos professionnelles en soins.
Nous sommes très préoccupées par le fait que, devant l'urgence, le principe de précaution qui doit toujours guider les bonnes pratiques en matière de protection contre les infections et en matière de santé et de sécurité du travail soit mis de côté. Le contexte de pandémie ou de difficulté d'approvisionnement ne peut pas justifier que nos professionnelles en soins soient mises à risque de s'infecter.
Le constat que nous souhaitons partager avec vous aujourd'hui n'est guère reluisant et soulève bon nombre d'inquiétudes chez nos membres. En 2003, lors de l'épidémie de SRAS, la simple incertitude quant aux connaissances sur le virus était une source de stress et d'anxiété considérables pour le personnel de la santé. Aujourd'hui, cette même incertitude est combinée à une réelle pénurie mondiale d'équipement de protection individuelle essentiel.
Déjà en surcharge de travail au début de la pandémie, les professionnelles en soins se retrouvent confrontées à des débordements importants. Alors que plusieurs personnes font appel aux soins de santé, les professionnelles en soins elles-mêmes ou leurs proches peuvent devenir malades.
Nos membres vivent un grand stress. Elles se sentent mal protégées face au virus. Ce qu'elles sentent aujourd'hui, c'est qu'elles peuvent être contaminées faute d'être bien protégées et qu'elles peuvent contaminer d'autres patients, des collègues ou les membres de leur famille. Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que ce sentiment n'est pas sans fondement: les employeurs leur refusent l'accès aux moyens de protection alors que ces derniers pourraient leur assurer un meilleur niveau de sécurité.
Cette carence d'équipement se fait cruellement sentir, particulièrement au sein des centres d'hébergement et de soins de longue durée, ou CHSLD. Nos professionnelles en soins, déjà confrontées à l'insuffisance de personnel dans ces milieux, doivent aujourd'hui offrir des soins auprès d'une clientèle très vulnérable, avec un minimum d'équipement de protection. Ces lacunes expliquent en grande partie la vitesse à laquelle se propage le virus dans ces milieux et augmentent incidemment le niveau de stress des professionnelles en soins.
Aider les personnes dans le besoin peut être gratifiant, mais aussi difficile. Les professionnelles en soins peuvent faire l'expérience de la peur, de la tristesse, de la frustration, d'un sentiment de culpabilité et vivre de l'épuisement. Ce sont des réactions auxquelles on peut s'attendre dans des situations de cette importance et marquées par l'incertitude.
En conclusion, force est de constater que les recommandations découlant des différents rapports relatifs à l'épidémie du SRAS, en 2003, ne semblent pas avoir été bien assimilées. Nous souhaitons que celles qui se dégageront de la pandémie actuelle soient mises en œuvre et que nous puissions ainsi être mieux préparés pour affronter d'autres pandémies. Il est indispensable que nos professionnelles en soins soient capables d'offrir des soins de qualité à la population dans un milieu de travail sécuritaire où tout le matériel nécessaire est disponible.
Sur une note plus positive, nous tenons à souligner la célérité du gouvernement fédéral à créer et à déployer des mesures pour soutenir les travailleurs et les travailleuses au cours de cette période de confinement. Certaines de ces mesures ont sans doute contribué à diminuer en partie le stress d'une perte de revenus pour certains conjoints ou conjointes de nos professionnelles et ainsi permettre à ces dernières de continuer d'offrir des soins de qualité à la population.
Je vous remercie.
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Bonjour tout le monde. Je vous remercie infiniment de m'avoir invité à m'adresser aujourd'hui au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
Je suis le Dr Naveed Mohammad, vice-président exécutif de la Qualité et des affaires médicales et académiques au Système de santé William Osler, ou « Osler », comme nous appelons communément notre centre hospitalier. Depuis 1997, j'ai eu le privilège de passer la majeure partie de ma carrière à travailler sur la ligne de front du système de santé en pratiquant la médecine d'urgence, la plupart du temps à Osler. À compter du mardi 14 avril, j'assumerai le rôle de président-directeur général de notre corporation hospitalière.
Osler est un des plus grands hôpitaux communautaires du Canada, et il dessert notre région de plus de 1,3 million d'habitants. Nous avons trois établissements dans le nord-ouest de Toronto et à Brampton: l'Etobicoke General Hospital, le Brampton Civic Hospital et le Peel Memorial Centre for Integrated Health and Wellness.
La population que nous servons croît rapidement, ce qui exerce des pressions uniques sur la capacité des programmes de santé communautaire et des soins actifs. En outre, Osler s'adresse à une population très diversifiée, qui comprend une importante communauté sud-asiatique ainsi qu'un grand nombre de nouveaux Canadiens et de patients internationaux. En raison de notre proximité géographique, nous sommes les premiers intervenants pour l'Aéroport international Toronto Pearson, le plus grand aéroport au Canada. Par conséquent, même si Osler entretient une relation fondamentale avec le gouvernement de l'Ontario en tant qu'hôpital public de compétence provinciale, nous sommes également un acteur important touché par les politiques et les orientations législatives du gouvernement fédéral.
Dans mon exposé, j'aimerais aujourd'hui présenter au Comité un résumé de la façon dont Osler a réagi à la COVID-19, et vous donner une idée de la réalité des équipes de soins de santé qui travaillent sur le terrain. Je vais également vous dire dans quelle mesure la réponse du gouvernement fédéral à la COVID-19 a été efficace pour soutenir les hôpitaux et nos travailleurs de la santé. Je présenterai aussi des suggestions pour que le Canada et notre système de santé puissent mieux se préparer aux pandémies de demain, qui sont inévitables comme nous le savons désormais.
La COVID-19 est arrivée au Canada à un moment difficile pour les hôpitaux et les services de santé. Nous étions au plus fort de la saison grippale, une période où la plupart des hôpitaux sont chaque année aux prises avec un nombre accru de patients et avec des problèmes criants de capacité. En fait, quand Osler a eu son premier patient atteint de la COVID-19, l'organisation était déjà complètement engorgée depuis un certain temps. Alors que l'éclosion d'un nouveau virus en Chine puis ailleurs faisait les manchettes, il est devenu évident que notre système de santé devait rapidement se doter d'un plan, puisque nous craignions une trajectoire similaire au Canada.
À l'instar d'un grand nombre de médecins, d'infirmières et de professionnels paramédicaux de ma génération, j'étais en première ligne lors de l'éclosion du syndrome respiratoire aigu sévère, ou SRAS, de la grippe A (H1N1) et du virus Ebola, comme bien des membres de la haute direction d'Osler. Nous savions que nous devions agir en amont.
De plus, au cours des dernières semaines, les hôpitaux, les partenaires régionaux et les autorités provinciales, y compris le ministère ontarien de la Santé et Santé Ontario, ont collaboré de manière inédite afin d'élaborer et de mettre en œuvre une démarche prévue et progressive entourant la planification des soins intensifs et de la capacité d'urgence. En tant qu'hôpital de soins actifs, Olser a rapidement porté son attention sur les stratégies et les mesures se rapportant à la COVID-19. Nous avons ajusté nos activités cliniques et notre infrastructure afin de pouvoir accueillir les patients atteints de la COVID-19 ou non qui ont besoin de soins hospitaliers. Nous avons toujours eu comme principe fondamental d'assurer la protection et la sécurité de tous les patients, du personnel, des médecins, des bénévoles et de la collectivité.
Voici quelques stratégies qu'Osler a adoptées pour accueillir les patients atteints de la COVID-19: annuler l'ensemble des services, des procédures et des chirurgies électifs et non urgents, et réaffecter ces espaces dans l'hôpital; dans la mesure du possible, déplacer ou libérer les patients en réadaptation ou qui nécessitent d'autres niveaux de soins, avec le soutien qui convient à domicile ou en milieu communautaire; et profiter du déclin naturel du nombre de patients afin de consolider ceux-ci dans les nouveaux espaces.
Afin de réduire encore plus le nombre de patients qui entrent à l'hôpital et qui en sortent, Osler a amélioré ses soins virtuels par téléconférence et vidéoconférence, et offre désormais plus de services à distance. Ainsi, les soins virtuels ont contribué à diminuer globalement le nombre de patients qui visitent l'urgence pour des raisons autres que la COVID-19, ce qui a permis à l'établissement d'augmenter de façon sécuritaire sa capacité d'accueil pour la COVID-19. Parmi nos stratégies virtuelles, il y a également l'utilisation d'appareils iPad ou autres pour permettre les visites virtuelles entre les patients et leur famille, puisque nous avons dû prendre la décision très difficile d'interdire les visites.
Nous sommes en train de repérer les locaux vacants de nos établissements afin de créer une capacité supplémentaire de lits pour les patients. Des tentes sont installées à côté de l'hôpital, et nous utiliserons au besoin ces espaces et d'autres locaux non conventionnels pour soigner les patients, y compris les auditoriums, les unités de soins ambulatoires et les salles à manger des patients.
Afin de faciliter l'évaluation et le dépistage de la COVID-19 pour la population, et aussi pour notre personnel, nos médecins, nos bénévoles et leurs familles, Osler a rapidement mis en place trois centres d'évaluation de la COVID-19, dont un des premiers à voir le jour en Ontario. Ces services sont offerts au sein de l'établissement hospitalier et aussi dans un point de service au volant novateur et accessible. Osler a maintenant fait 5 260 prélèvements. Nous cherchons actuellement des moyens d'accélérer l'évaluation et le dépistage des prestataires de soins locaux et des premiers intervenants, qui courent un plus grand risque d'exposition à la COVID-19.
Nous continuons à travailler avec les partenaires provinciaux et régionaux pour nous procurer des équipements de protection individuelle, ou EPI. Osler a pu compter sur l'appui extraordinaire de partenaires privés, d'entreprises locales et de donateurs pour faire l'acquisition d'EPI additionnels. Il a fallu une stratégie solide en matière de gérance et de conservation pour garantir un approvisionnement durable, et ce volet demeure une priorité absolue pour l'hôpital.
Nous vivons une époque sans précédent. Nous avons dû créer ou changer en temps réel de nombreuses politiques et procédures hospitalières, à mesure que les informations sur les caractéristiques du virus et leurs répercussions cliniques ont évolué. Certaines politiques ont donné lieu à des conversations très difficiles pour nos équipes. Des décisions telles que l'interdiction des visiteurs ont été prises à l'aide d'outils de décision éthiques; cependant, les discussions ont été pénibles et parfois émotives. Nous savons que ces changements ont été extrêmement ardus pour nos patients et leur famille.
Le personnel d'Osler est notre atout le plus précieux. De nombreux membres du personnel hospitalier ont travaillé de longues heures, sept jours par semaine. La santé et le bien-être de nos équipes ont été au centre de nos préoccupations. Nous avons d'ailleurs mis en place des ressources progressives pour un milieu de travail sain et une stratégie de résilience, ainsi que des mesures de soutien pratiques, en plus d'espaces de répit, de réflexion et de bien-être à l'intention de notre personnel.
Les équipes d'Osler et d'autres hôpitaux et organisations de soins de santé ont été véritablement touchées par la vague de soutien de la population à l'égard de nos héros des soins de santé. Ces gestes ont pris diverses formes, y compris des hommages sincères et justes de la part d'élus, dont le , le premier ministre Doug Ford, des maires locaux et des conseillers municipaux et régionaux. Les contributions financières aux fondations des hôpitaux, les mots d'encouragement sur les médias sociaux et les simples gestes de gentillesse et de soutien de la part de nos voisins et amis nous ont inspirés et aident notre personnel à traverser ces moments difficiles. Ceux d'entre nous qui travaillent dans le domaine de la santé remercient sincèrement les Canadiens pour ce soutien.
Après avoir parlé à mes collègues, au personnel infirmier de première ligne, aux médecins et aux autres professionnels de la santé, je peux affirmer que le sentiment collectif est que les gouvernements fédéral et provinciaux ont bien collaboré pour soutenir la crise en première ligne. Le , le premier ministre provincial et les dirigeants municipaux ont présenté des comptes rendus quotidiens avec brio et ont tenu la population au courant des nouvelles décisions et orientations. Nous avons été ravis de constater que les gouvernements se sont serré les coudes sans partisanerie pour accélérer la réponse aux besoins hautement prioritaires, surtout en ce qui a trait à l'approvisionnement d'EPI et de masques N95. Ce sont des réalisations dignes de mention.
Toutefois, je songe à ce qui s'est passé jusqu'à présent et à la meilleure façon de continuer à gérer ensemble la situation, et je vous demande de tenir compte des éléments suivants.
Même si la réponse du gouvernement a été substantielle et relativement bien coordonnée, nous avons tous été contraints de réagir, à l'instar du reste du monde. Pourtant, puisque nous avons été touchés par le SRAS il y a 17 ans, et plus récemment par le syndrome respiratoire du Moyen-Orient, ou SRMO, et par la grippe A (H1N1), nous savons à quel point il est probable que des pandémies se répandent. Le gouvernement fédéral dispose d'une expertise formidable en matière de planification et de mobilisation des interventions d'urgence, ce qui veut dire qu'il est particulièrement bien placé pour veiller à ce que nous tirions des leçons de cette expérience et fassions ce qui suit.
Premièrement, il faut augmenter nos réserves d'EPI et d'autres équipements en cas de pandémie, ainsi que diversifier notre réseau de fournisseurs. Le fait de ne pas savoir s'il y aura suffisamment d'EPI, de respirateurs ou d'autre matériel vital a suscité une grande crainte sur la ligne de front.
En deuxième lieu, il faut élaborer des stratégies pour garantir que nous puissions étendre le dépistage au sein de la collectivité. En termes simples, nous devons pouvoir effectuer plus de tests. Cette méthode nous permettra de mieux cibler la mise en quarantaine du personnel et des médecins, et facilitera la planification de la capacité de pointe, de façon à mieux isoler les patients qui sont atteints ou non d'un virus ou d'une maladie contagieuse en particulier.
Troisièmement, il faut aller de l'avant avec la stratégie nationale d'assurance-médicaments afin d'atténuer les difficultés relatives aux pénuries et à l'accumulation de médicaments.
En quatrième lieu, il faut entreprendre une démarche coordonnée, à plusieurs niveaux et multipartite afin de planifier et de mettre en œuvre la réponse à la pandémie. Voilà qui permettra d'optimiser l'expertise fédérale, de garantir une répartition idéale des ressources, d'harmoniser les politiques entre les différentes instances gouvernementales, d'assurer une transparence et une confiance totales, et de garantir que l'objectif demeure la mise en œuvre du plan jusqu'aux premières lignes.
Pour terminer, nous espérons que nos gouvernements continueront à collaborer de façon non partisane comme ils l'ont fait pour aider tous les Canadiens à vaincre la COVID-19.
Je tiens à remercier tous les membres du Comité de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous. J'ai hâte d'échanger et de répondre à vos questions.
Merci.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leurs exposés. C'est très apprécié.
Merci à chacun d'entre vous qui êtes intervenus sur le terrain. Docteur Mohammad et madame Lapointe, je vous remercie pour tous les efforts que vous déployez afin d'assurer la protection des Canadiens.
Madame Lapointe, je vous sais gré de vos commentaires. J'aimerais commencer par vous.
[Français]
Je parle un petit peu le français. J'apprends chaque jour un nouveau mot.
[Traduction]
C'est tout ce que je peux dire. Je m'excuse.
À notre dernière séance, nous avons entendu le témoignage de Linda Silas, la présidente de la Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et infirmiers. Elle a déclaré ceci: « Cependant, la sécurité en milieu de travail n'a jamais été [la] priorité [de l'Agence de la santé publique du Canada] et, malheureusement, l'Agence a continuellement omis de prendre en compte et de protéger adéquatement la santé et la sécurité des travailleurs de la santé. »
Elle a continué à parler de certaines choses, mais je vais terminer avec ceci: « Essentiellement, le message se résume ainsi: étant donné l'incertitude entourant le nouveau coronavirus, en particulier pour un aspect aussi fondamental que son mode de propagation, les travailleurs de la santé doivent bénéficier dès le début de la plus haute protection possible et non de la protection de base. »
Madame Lapointe, d'après ce que vous avez observé, avez-vous l'impression que l'Agence de la santé publique du Canada a réellement pris au sérieux la sécurité des travailleurs de la santé dans leur milieu de travail?
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Bonjour, monsieur le président.
D'abord, je voulais m'adresser à l'ensemble des témoins. Madame Lapointe, messieurs, je vous remercie de votre précieuse contribution.
Je vais commencer par m'adresser à vous, madame Lapointe. D'abord, permettez-moi de souligner la clarté de votre présentation. Vous avez quasiment épuisé l'ensemble de mes questions. J'en ai encore, mais vous avez fait le point sur la situation, et j'en suis fort content. Permettez-moi aussi de saluer l'ensemble des membres de la FIQ et de souligner leur courage et leur bienveillance en ces temps difficiles.
C'est une pandémie d'une virulence assez incroyable. En effet, le 13 mars dernier, lors du décret d'urgence sanitaire du Québec, cette décision a été prise alors qu'il y avait 17 cas d'infection et aucun décès. À peu près 25 jours plus tard, hier soir, à 20 h 38, il y avait 10 031 cas et 175 décès au Québec. Personne n'avait vu venir un virus d'une telle virulence. Par contre, vous soulignez le fait que toutes les recommandations pertinentes issues du SRAS ont été plus ou moins respectées.
À partir de quel moment, madame Lapointe, vous êtes-vous aperçue qu'il y avait un problème du côté du stock d'équipement de protection individuelle?
Vous avez indiqué que les gens devaient pouvoir faire leur travail avec de l'équipement, mais avez-vous eu connaissance du fait que des membres de votre organisation ont dû travailler sans une protection adéquate? Cela pourrait-il expliquer certaines contagions communautaires que l'on voit aujourd'hui dans certains CHSLD?
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Je vous remercie de votre question.
Effectivement, le manque de matériel a été constaté assez rapidement. C'est ce qui nous a un peu fâchés. Dans tous ses points de presse, pendant deux semaines, M. Legault se faisait rassurant. Il disait qu'il y avait assez d'équipement de protection individuelle.
Or, sur le terrain — nous représentons 76 000 professionnels en soin dans la province —, cela n'était pas du tout le constat que nous faisions. De plus, nous nous étions fait dire qu'il s'agissait d'une gestion très restrictive. Nous nous disions qu'il y avait peut-être assez de matériel, mais que la gestion était serrée en prévision d'une éventuelle pénurie. En effet, il y avait des vols de masques par les patients et par les visiteurs. Nous n'étions pas certains.
Au fil du temps, M. Legault avait fini par reconnaître qu'il ne restait de l'équipement que pour une période de trois à sept jours. Nous avions fait ce constat. Depuis deux ou trois semaines, nous avions prévenu le ministère. Je lui envoyais le nom de fournisseurs qui nous contactaient à la Fédération. Comme nous sommes un syndicat, ce n'est pas à nous de fournir l'équipement, c'est aux employeurs.
C'était à tel point que, cette semaine, nous avons fait livrer au gouvernement 100 000 masques, et nous en attendons 500 000 autres la semaine prochaine. Nous les avons achetés pour faire un pied de nez au gouvernement Legault, même s'il a fait de bonnes choses et même si de bonnes mesures ont été mises en place.
Comment un syndicat a-t-il été capable de se procurer plus d'un demi-million de masques en sept ou dix jours, alors qu'il ne disposait pas de statistiques d'approvisionnement?
Si, depuis trois semaines, le gouvernement savait exactement la quantité de matériel de protection individuelle qu'il détenait, comment se fait-il que ces commandes n'aient pas été faites avant?
Votre deuxième question cherchait à savoir si des professionnels en soins de santé avaient travaillé sans équipement de protection individuelle. La réponse est oui, absolument. Nous ne sommes pas surprises qu'il y ait eu des éclosions de cette importance dans les CSHLD. Nos membres nous criaient ce besoin.
Sur le site Web de la FIQ, il y a la page « Je dénonce », où on trouve des témoignages sur les conditions de travail. Les soins à domicile et les CHSLD sont les deux milieux où les besoins sont les plus criants et où les gens n'avaient pas de matériel. En soins à domicile, les travailleuses partaient pour voir 12 patients avec seulement un masque. En CHSLD, il n'y en avait pas du tout, à moins que le patient ait reçu un diagnostic positif de COVID-19. Pourtant, il peut y avoir une période avant le diagnostic durant laquelle il est possible de propager le virus. Donc, oui, cela a été problématique.