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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à tous à la 23e séance du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Conformément aux ordres de renvoi des 11 et 20 avril 2020, le Comité se réunit pour recueillir des témoignages sur des questions relatives à la réponse du gouvernement à la pandémie de la COVID-19.
Je voudrais d'abord énoncer quelques règles à suivre pour faciliter le travail de nos interprètes et assurer le bon déroulement de la séance. L'interprétation de la présente vidéoconférence fonctionnera de manière assez semblable à celle des séances habituelles du Comité. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. Veuillez parler lentement et intelligiblement, et tenez votre micro devant votre bouche, conformément aux instructions reçues lors de la vérification du son. Si vous vous exprimez dans les deux langues officielles, assurez-vous de changer de langue en fonction de celle que vous emploierez en utilisant l'icône d'interprétation. Cela aidera les interprètes et les auditeurs, et améliorera la qualité de l'interprétation.
Attentez que je vous aie désigné par votre nom avant de prendre la parole. Quand vous êtes prêts à parler, cliquez sur l'icône de microphone pour activer votre micro. Si des membres du Comité doivent demander la parole en dehors de la période d'intervention qui leur est réservée, ils devraient activer leur micro et indiquer qu'ils invoquent le Règlement. Je vous rappelle que les membres du Comité et les témoins doivent adresser toutes leurs observations au président.
Si des problèmes techniques surviennent, veuillez en aviser immédiatement le président ou la greffière, et l'équipe technique s'emploiera à les résoudre. Au besoin, nous suspendrons la séance pendant ce temps.
Avant de commencer, je demanderais à tous de cliquer sur le coin supérieur droit de leur écran pour qu'ils aient la vue en galerie. Ils devraient ainsi voir tous les participants dans une grille. Tous les participants pourront donc se voir les uns les autres.
Je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Chaque groupe de témoins disposera de 10 minutes pour faire un exposé, qui sera suivi par les tours de questions habituels des membres du Comité. Les témoins suivants témoignent à titre personnel, même s'ils comparaissent ensemble. Nous recevons le Dr Gerry Wright, directeur du Michael G. DeGroote Institute for Infectious Disease Research et du David Braley Centre for Antibiotic Discovery, et la Dre Karen Mossman, vice-présidente pour la recherche par intérim, de l'Université McMaster. Nous accueillons également la Dre Caroline Quach-Thanh, professeure titulaire du Département de microbiologie, d'infectiologie et d'immunologie de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, et médecin-microbiologiste et épidémiologiste au CHU Sainte-Justine; et la Dre Cécile Tremblay, professeure en microbiologie, immunologie et maladies infectieuses à l'Université de Montréal, qui témoignent aussi à titre personnel.
Bienvenue, et merci à tous de nous accorder de votre temps aujourd'hui. Nous commencerons par le Dr Wright et la Dre Mossman. Vous disposez de 10 minutes à vous deux. Vous avez la parole.
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Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à prendre la parole devant vous.
La pandémie de la COVID-19 révèle ce que les spécialistes du domaine savent depuis des décennies: le fait qu'en dépit des progrès considérables de la médecine au cours du siècle dernier, nous demeurons très vulnérables aux maladies infectieuses. Nous le savons en raison des leçons tirées d'autres pandémies, épidémies et éclosions survenues récemment, notamment celles du VIH-sida, de la maladie Ebola, de la première épidémie de SRAS, du syndrome respiratoire du Moyen-Orient, de la grippe H1N1 et, maintenant, de la COVID-19.
Mes propres recherches visent principalement à contrer l'autre pandémie qui nous frappe simultanément, soit celle de la résistance aux antibiotiques. Cette pandémie progresse plus lentement que celle de la COVID-19, mais a le potentiel d'être encore plus mortelle et de créer un fardeau économique encore plus important que celui de la crise actuelle. Je traiterai de cette résistance en détail plus tard, car je veux d'abord inscrire mon propos dans ce que je considère comme étant la réalité actuelle.
Malgré l'expérience acquise lors des épidémies et des pandémies passées, nous devons être honnêtes et admettre que nous avons échoué encore et encore à apprendre que nous devons continuellement soutenir la recherche et le développement dans le domaine des maladies infectieuses afin d'être prêts à affronter le prochain problème. Pour reprendre les paroles de Donald Rumsfeld, il y a, dans le domaine des maladies infectieuses, des « connus connus », c'est-à-dire des éléments que nous savons problématiques, comme la résistance aux antibiotiques. Il y a aussi des « inconnus connus », soit des éléments dont nous savons qu'ils se produiront, mais que nous ne pouvons pas aisément prévoir, comme les nouvelles pandémies virales comme celle que nous affrontons. Il y a enfin des « inconnus inconnus », soit des éléments que nous ne voyons même pas venir, comme l'émergence d'infections à prion comme la maladie de la vache folle, qui nous a tous pris par surprise.
La seule manière dont nous pouvons nous préparer aux crises qui surviendront un jour consiste à soutenir un groupe multidisciplinaire, souple et solide de chercheurs en maladies infectieuses au Canada.
On établit souvent un parallèle avec les services de lutte aux incendies. Notre société soutient l'achat de camions de pompier et de l'équipement le meilleur et le plus fiable, et emploie des pompiers bien formés, car nous avons appris à être prêts pour les incendies. Cette protection a de la valeur à nos yeux. Même si nous espérons ne jamais en avoir besoin personnellement, s'il arrive que nous en ayons besoin, alors nous serons certainement contents d'y avoir investi.
Pour être prêts à relever les prochains défis que poseront les maladies infectieuses, nous devons investir afin de développer une sphère de scientifiques, de cliniciens, d'ingénieurs et de spécialistes en sciences sociales qui passeront leur carrière à résoudre les problèmes actuels et ceux qui, nous le savons, surgiront. Cependant, comme le domaine ne fait pas l'objet de financement durable, la crème des jeunes chercheurs et cliniciens ne voit pas d'occasions prometteuses de réussir...
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Je vous présente de nouveau mes excuses pour les problèmes techniques.
Je faisais remarquer que pour être prêts à relever les prochains défis que poseront les maladies infectieuses, nous devons investir afin de développer une sphère de scientifiques, de cliniciens, d'ingénieurs et de spécialistes en sciences sociales qui passeront leur carrière à résoudre les problèmes actuels et ceux qui, nous le savons, surgiront. Cependant, comme le domaine ne fait pas l'objet de financement durable, la crème des jeunes chercheurs et cliniciens ne voient pas d'occasions prometteuses de réussir en étudiant les maladies infectieuses. Nous ne recevons pas suffisamment de soutien pour maintenir nos installations clés existantes, comme les laboratoires de niveau de biosécurité 3 qui sont si importants aujourd'hui, et encore moins pour accroître notre capacité en cas d'urgence.
Je veux qu'il soit bien clair que j'éprouve une grande gratitude à l'égard des Instituts de recherche en santé du Canada pour le financement qu'ils ont accordé à mon équipe et à moi-même afin de réagir à la crise de la COVID-19. Nous travaillons avec une excellente équipe de virologues, de chimistes et d'experts de la réaction humaine aux infections afin de trouver de nouveaux candidats-médicaments pour traiter la COVID-19, mais, comme vous pouvez l'imaginer, la tâche s'avère difficile au cœur d'une pandémie. Si nous avions investi par le passé dans des programmes visant à constituer et à soutenir ces équipes, nous aurions pu être en mesure de diriger les efforts mondiaux dans cette crise. Le Canada peut et devrait être le chef de file mondial de la recherche sur les maladies infectieuses.
Voilà qui me ramène à la résistance aux antibiotiques, l'autre pandémie à laquelle nous sommes maintenant confrontés et qui est un connu connu. Personne ne peut dire que les antibiotiques n'ont pas changé la médecine, comme peut-être aucun autre groupe de médicaments ne l'a fait. Les antibiotiques ne guérissent pas seulement les infections causées par les bactéries: ils sont derrière une bonne partie des progrès réalisés par la médecine moderne au cours des 75 dernières années en permettant de prévenir les infections. Par exemple, au cours d'opérations importantes, de traitements de chimiothérapie contre le cancer, de transplantations d'organe ou de remplacements de hanche ou de genou, on utilise des antibiotiques pour prévenir les infections lors de ces procédures.
Imaginez où nous en serions sans ces médicaments miracles. Nous en serions exactement là où nous en sommes avec le SARS-CoV-2: dépourvus de traitement et aux prises avec la dévastation qui en résulte. Ironiquement, la pression qui s'exerce sur le plan de la résistance aux antibiotiques pourrait même augmenter en raison de la pandémie, car nous utilisons davantage ces médicaments pour éviter les infections bactériennes secondaires, et à cause des affirmations non confirmées selon lesquelles le recours aux antibiotiques comme l'azithromycine dans les traitements de la COVID-19 exerce de la pression sur l'approvisionnement en médicaments et fait dérailler les efforts de saine gestion des antibiotiques.
Il n'y a pas eu de nouvelle catégorie d'antibiotiques depuis les années 1980. Les bactéries ont depuis continué d'évoluer et sont devenues résistantes à tous nos médicaments. Paradoxalement, l'industrie pharmaceutique ne considère pas les antibiotiques comme étant rentables et a systématiquement aboli les programmes de découverte d'antibiotiques au cours des 15 dernières années.
À l'Université McMaster, nous tentons de renverser la tendance. Aidés par des investissements philanthropiques remarquables, nous avons créé le Michael G. DeGroote Institute for Infectious Disease Research et le nouveau David Braley Centre for Antibiotic Discovery. Nous avons instauré une culture d'innovation et de détermination afin de résoudre les plus épineux problèmes de maladies infectieuses qui se posent aujourd'hui, notamment ceux de la résistance aux antibiotiques et de la COVID-19. L'équipe, multidisciplinaire, inclut des spécialistes des domaines de la médecine, de la biologie, de la chimie, des mathématiques, de l'ingénierie, de l'informatique et des sciences sociales, car c'est essentiel pour réagir aux futures vagues de la COVID-19 et aux pandémies qui frapperont dans l'avenir.
En terminant, je voudrais exprimer de nouveau ma gratitude pour les programmes de financement de la recherche qui ont rapidement été lancés pour lutter contre la pandémie actuelle, ainsi que pour l'unité dont la Chambre a fait preuve en appuyant ces investissements. Je peux vous assurer que les chercheurs de notre équipe — laquelle comprend de nombreux jeunes, comme des étudiants aux études supérieures, des étudiants en médecine et des boursiers postdoctoraux — travaillent jour et nuit pour résoudre ce problème.
Ce qui me préoccupe franchement, c'est ce qui attend ces formidables jeunes, qui sont nos soldats du feu. Notre société est-elle prête à investir pour eux dans un service de lutte contre les incendies?
Je vous remercie, monsieur le président.
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Je tiens tout d'abord à remercier le président et les membres du Comité permanent de la santé de cette invitation à témoigner. Je tiens également à reconnaître le travail de nos autorités de santé publique. Tant la Dre Tam, au niveau fédéral, que le Dr Arruda, au Québec, font un travail qu'on ne saurait leur envier. Tous doivent prendre des décisions pour la santé de la population avec des données imparfaites et des preuves scientifiques qui se construisent au fur et à mesure.
Je suis pédiatre, microbiologiste-infectiologue et clinicienne-chercheuse au CHU Sainte-Justine, et professeure titulaire au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l'Université de Montréal. J'ai été présidente de l'Association pour la microbiologie médicale et l'infectiologie Canada, je fais partie du groupe d'experts sur la COVID-19 formé par la conseillère scientifique en chef du Canada, et je suis membre de l'équipe de direction du Groupe de travail sur l'immunité face à la COVID-19.
Mon expertise, tant en clinique qu'en recherche, est dans le domaine de la prévention des infections, de l'hôpital à la communauté, et elle s'étend également au domaine de la vaccination. Cette thématique de recherche a été soutenue depuis le début par le Fonds de recherche du Québec en santé, que je remercie. Ce qui saute aux yeux dans le contexte actuel, c'est à quel point la prévention des infections n'est généralement pas vue comme étant primordiale, mais plutôt comme étant un mal nécessaire.
Déjà, en 2001, la Loi sur la santé publique reconnaissait que les maladies infectieuses pouvaient représenter une menace pour la santé de la population. En 2005, à la suite de l'épidémie de Clostridium difficile, le rapport Aucoin, intitulé « D'abord ne pas nuire... Les infections nosocomiales au Québec, un problème majeur de santé, une priorité », révélait que les mesures successives de compressions budgétaires avaient amené les établissements à réduire les ressources non reliées aux soins directs aux usagers.
Cela avait eu pour effet de réduire le nombre déjà insuffisant de professionnels en prévention des infections et de sabrer les services d'entretien ménager, ce qui a eu les répercussions que l'on sait. Le rapport concluait qu'il était nécessaire d'avoir des équipes en prévention des infections compétentes et stables et qu'il fallait développer et nourrir une culture de la prévention.
À la suite de ce rapport, un cadre de référence avait été établi en 2006, puis révisé en 2017. Ce document recommandait que les équipes de prévention fassent, entre autres, des simulations dans le cadre de mesures préparatoires à la gestion des éclosions de pathogènes virulents ou émergents. Il recommandait également aux gestionnaires d'établissements de former des équipes clinico-administratives pour la gestion des éclosions majeures ou persistantes afin de faciliter la prise de décision et de mettre en œuvre les mesures recommandées.
Dans ce contexte, l'officier en prévention des infections désigné et l'infirmière gestionnaire du service devaient se voir accorder par la direction l'autorité et les ressources requises, y compris l'autorité hiérarchique leur permettant d'interrompre des activités pouvant mettre en danger la sécurité des personnes.
Le cadre de référence recommandait également le respect de ratios de professionnels en prévention des infections par nombre de lits adaptés aux divers types d'établissements, y compris les Centres d'hébergement et de soins de longue durée, ou CHSLD. Ces ratios sont un des indicateurs de suivi à l'échelle ministérielle. Il serait intéressant de voir si ces ratios ont été suivis par les établissements en amont de la pandémie actuelle.
Malgré les conclusions du rapport Aucoin et le cadre de référence qui en découle, force est de constater que bien des recommandations ont été reléguées au second plan au fil des ans en raison d'un manque notable de ressources, tant humaines et financières que matérielles, ou parce qu'on ne les considérait pas comme suffisamment importantes.
L'expertise de la prévention des infections demeure centrale à toutes les crises sanitaires et se doit d'être incluse dans les comités de direction et de gestion des établissements et des réseaux, ce qui n'est pas toujours le cas. Il est primordial que l'officier en prévention et l'infirmière gestionnaire se retrouvent, au même titre que les autres directeurs, à la table où les décisions sont prises, et ce, en tout temps, pas seulement en temps de crise.
L'expertise de la prévention doit être reconnue dans tous les milieux. Il faut continuer à valoriser le rôle de l'officier et des infirmières et professionnels en prévention afin d'y attirer des personnes de qualité ayant le leadership nécessaire et la volonté d'y mener une carrière à long terme.
De plus, les préposés en hygiène et en salubrité sont une des pierres angulaires de la prévention des infections et doivent être reconnus à leur juste valeur. Les bureaux de santé au travail manquent également d'effectifs, ce qui les empêche d'effectuer les tests d'ajustement des masques N95 et le retraçage des travailleurs exposés à des cas de COVID-19 en temps opportun.
Tout le monde connaît l'adage « mieux vaut prévenir que guérir ». Pourtant, au Québec, la médecine préventive ne représente qu'environ 3 % du budget de la santé. La prévention des infections n'y échappe pas, et elle a souffert d'un sous-investissement chronique.
L'hécatombe actuelle dans nos résidences pour aînés et nos centres pour personnes âgées est en partie due à l'insuffisance des ressources en prévention des infections dans ces milieux. Il est évident qu'il serait indispensable de revoir en profondeur les mesures de prévention qui y sont appliquées. La population ne s'en portera que mieux.
La pandémie actuelle a également mis en lumière le manque d'équipement de protection individuelle, ce qui a forcé les comités consultatifs en prévention des infections à prendre cet élément en considération dans leurs recommandations.
Cette situation n'aurait pas dû survenir. Après la crise du syndrome respiratoire aigu sévère, ou SRAS, qui a eu lieu en 2003, des stocks avaient été constitués, mais certains ne semblent pas avoir été renouvelés au fil des ans.
Par ailleurs, l'incapacité de nos industries à produire localement l'équipement de protection individuelle et certains médicaments a fait ressortir notre dépendance relativement aux autres économies. Il est donc vital de prendre les mesures nécessaires afin de pallier ces carences dans un avenir rapproché.
La complexité croissante des traitements et des soins ainsi que la fragilité de notre population de patients, tant pédiatriques que gériatriques, de même qu'en soins néonatals, augmentent les risques d'infection, de morbidité et de mortalité. Pour protéger cette population vulnérable contre les infections, à la fois pendant leur séjour à l'hôpital et après leur congé, nous avons besoin de pratiques de prévention des infections bien appliquées. Dans le contexte de la pandémie actuelle, il est clair qu'une bonne maîtrise des concepts de prévention se serait révélée nécessaire dans tous les milieux de soins, mais cela n'a pas été le cas.
Malgré les progrès scientifiques, la recherche ayant trait à la prévention des infections en est encore à ses balbutiements et les subventions des Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, sont difficiles à obtenir. Les projets de prévention des infections diffèrent des autres, puisqu'ils sont généralement transdisciplinaires, faisant appel aux sciences sociales, aux sciences du génie, et aux sciences fondamentales et cliniques.
Ces projets cliniques, tout comme d'autres projets en prévention, sont souvent moins bien reconnus que les projets à visée curative et ne bénéficient pas du soutien financier qu'ils devraient normalement recevoir. Ne pas avoir investi pour comprendre comment changer les comportements et prévenir l'antibiorésistance, pour prévenir les infections respiratoires en CHSLD ou pour évaluer l'efficacité du port de gants, en plus de l'hygiène des mains, sont des exemples parmi tant d'autres des lacunes qui minent notre capacité à prévenir les infections, dont la présente pandémie.
De nombreuses interventions et recommandations en prévention des infections sont faites empiriquement sans données probantes solides, ce qui constitue un obstacle majeur à l'appropriation des recommandations par le personnel médical. L'évaluation des interventions en prévention est essentielle. Par contre, la diversité des approches en matière de surveillance à l'échelle du Canada, combinée à une mise en commun difficile des données entre provinces, rend la centralisation pancanadienne des données quasi impossible.
Cela empêche l'évaluation des mesures de prévention ayant une taille d'échantillons suffisante pour tirer des conclusions et entrave la gestion fluide et rapide des éclosions. De plus, cela ne nous permet pas de tirer profit de nos bons coups ni d'apprendre de nos erreurs.
Je salue la mise en place des concours de subventions de fonctionnement pour une intervention de recherche rapide contre la COVID-19, que les IRSC ont su lancer rapidement afin de composer en temps réel avec les enjeux liés à cette pandémie.
Il est pourtant ironique de constater que, dans le contexte de la pandémie actuelle, les cliniciens-chercheurs qui jouent le rôle d'officier en prévention des infections et qui ont soulevé des questions de recherche pertinentes dans le cadre de leur travail quotidien ont été incapables de présenter un projet à titre d'investigateurs principaux au premier concours des IRSC. Ces cliniciens-chercheurs étaient tous en train de gérer la pandémie dans leurs établissements respectifs, avec une charge de travail décuplée. Au même moment, les IRSC annulaient le concours de mars et demandaient à tous de postuler à nouveau au concours habituel de septembre.
Toutefois, dans le contexte actuel, les chercheurs qui participent à la gestion de la COVID-19 seront désavantagés, puisque aucune donnée préliminaire ne sera disponible pour bonifier la demande présentée avec six mois d'écart.
La recherche en prévention des infections est primordiale, qu'elle soit liée à la COVID-19 ou pas. Elle fournit les éléments nécessaires aux comités consultatifs fédéral et provinciaux, qui font les recommandations aux ministères. Ce sont ces derniers qui, ultimement, prendront les décisions. Elle permet également une amélioration des techniques et des approches appliquées dans les établissements et dans la communauté.
Pour conclure, je dirai que l'on ne saurait trop insister sur l'importance de la prévention des infections et de la recherche qui devrait la soutenir afin d'empêcher le développement et la transmission des infections dans la communauté et les établissements de santé, y compris les CHSLD. Des investissements adéquats dans ce secteur clé de la santé auraient permis de sauver des vies et d'épargner des fonds publics.
Il importe d'apprendre de nos erreurs passées et de prendre les mesures nécessaires qui assureront un système de prévention des infections adéquat et de qualité. La prévention des infections a progressé énormément après la crise liée au Clostridium difficile. Espérons que d'autres progrès suivront la crise liée à la COVID-19.
Je vous remercie de votre attention.
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Je vous remercie, monsieur le président. Je remercie tous les membres du Comité de m'avoir invitée à témoigner devant eux.
Je suis médecin microbiologiste et spécialiste des maladies infectieuses au Centre hospitalier de l’Université de Montréal, ainsi que professeure titulaire et directrice de la Chaire de recherche translationnelle sur le VIH à l’Université de Montréal, où j'ai dirigé deux cohortes pancanadiennes sur la recherche relative au VIH. J’ai été directrice du Laboratoire de santé publique du Québec de 2012 à 2015 et coprésidé le Réseau des laboratoires de santé publique du Canada pendant cette période.
Je m'adresse à vous aujourd'hui à titre de chercheuse, de clinicienne et de scientifique en matière de santé publique.
Parlons tout d’abord de la recherche. Je tiens à féliciter le gouvernement du Canada d'avoir réagi rapidement à la pandémie en investissant des sommes expressément destinées à la recherche reliée à la COVID-19 dès le mois de février et, de nouveau, en mai. Il était urgent d’appuyer les équipes de recherche déjà en place pour faire avancer l’innovation, principalement au chapitre de la mise au point de traitements et de vaccins afin de contrer la pandémie. Voilà ce qu'il en est des bonnes nouvelles. Il nous en reste toutefois encore beaucoup à apprendre pour mieux comprendre la pathogenèse de cette maladie, analyser notre réaction à la pandémie et mieux nous préparer en vue de l'avenir.
Jusqu'à présent, les occasions de financement lancées étaient toutes à court terme et d'une durée de moins d'un an. Pourtant, regardez ce qu'il faut faire pour remporter la bataille. Nous devons caractériser les réactions de l'hôte au virus afin de déterminer ce qui provoque les réactions multi-inflammatoires et comment les traiter, par exemple; comprendre la multiplication du SARS-CoV-2 et son évolution génétique au fil du temps; définir la qualité et la durabilité de l'immunité naturelle et induite par un vaccin au sein des diverses populations, comme les personnes immunodéprimées, les aînés et les enfants; et comprendre la dynamique des pandémies afin de déterminer où les choses ont dérapé et savoir si nous pouvons élaborer des outils et des modèles afin de mieux prévoir les prochaines phases ou les prochaines pandémies.
Tout cela prend du temps, du temps et de l'argent. Toutefois, comme je l'ai souligné, la dernière occasion de financement ciblait des projets d'un an seulement. Plus de 1 800 demandes ont été reçues, ce qui témoigne de l'intérêt et du potentiel d'innovation du milieu canadien de la recherche, mais seulement une poignée de projets seront financés. Que se passera-t-il ensuite? Il n'y a plus d'annonces de concours futurs. Les Instituts de recherche en santé du Canada ont annulé leur concours du printemps, et nous ignorons ce qu'il adviendra de celui de septembre, qui cible des projets de recherche qui sont tous dans des domaines autres que la COVID-19.
Il est urgent d'investir davantage de fonds dans la recherche sur la COVID-19. Le gouvernement doit lancer une troisième phase d'investissements à cet égard. Cette phase devrait viser trois objectifs: mieux comprendre le virus et ses interactions complexes avec l'humain; mieux comprendre nos réactions immunitaires; et, ce qui est tout aussi important pour l'avenir, tirer des enseignements cliniques, sociaux et épidémiologiques de la pandémie à moyen et à long terme.
De plus, pourquoi ne pas profiter de l'occasion pour créer une infrastructure de recherche pour surveiller les maladies virales au fil des décennies? Un tel observatoire permettrait de suivre une cohorte de personnes de diverses régions du pays qui fourniraient régulièrement des échantillons sanguins et des données cliniques qui deviendraient une extraordinaire plateforme pour détecter, décrire et prédire les futures maladies virales zoonotiques.
[Français]
Sur le plan clinique, je ne peux m'empêcher de m'interroger sur notre degré de préparation pour la deuxième vague de la pandémie. A-t-on stocké suffisamment d'équipement de protection individuelle, d'écouvillons et de réactifs pour faire les tests de laboratoire cet automne? De quoi a l'air notre réserve présentement? Allons-nous nous retrouver dans la même situation de non-préparation qu'en début d'épidémie? Il m'apparaît essentiel que, tant à court terme qu'à long terme, le Canada soit autosuffisant quant à la production de ce matériel essentiel à la prise en charge d'une épidémie et à la protection de nos travailleurs de la santé.
De plus, l'épidémie actuelle met en évidence les lacunes profondes de nos systèmes de santé, particulièrement le manque de personnel de toutes catégories, que ce soit des préposés aux bénéficiaires, des préposés à l'entretien ou des infirmières. Les gouvernements doivent favoriser des programmes d'études qui encourageront les jeunes à se lancer dans différentes professions de la santé, que ce soit par des bourses d'études, un rehaussement des programmes universitaires combiné à un soutien aux universités, et de meilleures conditions de travail pour tout le personnel. Ce sont eux qui sont le système de santé.
Finalement, nous avons à peine effleuré l'utilisation d'outils technologiques nouveaux pour la prise en charge d'une épidémie. Nous sommes en 2020. L'intelligence artificielle doit être au premier plan des activités de recherche. Des outils doivent être élaborés de façon à servir les besoins en santé publique tout en respectant la confidentialité des individus. Cela devrait devenir une priorité en matière de développement et de recherche, et ces outils devraient être uniformisés partout au Canada afin de mettre en synergie notre capacité à maîtriser une pandémie.
Il y aura beaucoup de leçons à tirer de cette pandémie. Les chercheurs dans les domaines des sciences fondamentales, de la santé publique, des sciences sociales ainsi que dans le domaine clinique devront jouer un rôle majeur pour analyser les déterminants de cette crise et nous préparer à la prochaine. Il nous faudra certainement revoir nos plans de préparation aux pandémies. C'est donc le temps d'investir dans la recherche et de former la relève, afin que ces leçons soient basées sur la science et que les solutions soient basées sur des données probantes et des réflexions scientifiques éclairées.
Je vous remercie de votre attention.
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Je vais répondre, si cela ne vous dérange pas.
Ce que nous savons, c'est qu'en certaines circonstances, en particulier quand vous êtes à l'hôpital et que vous faites des procédures médicales, l'aérosolisation est possible. Par exemple, si vous intubez un patient, si un patient est sous ventilation spontanée en pression positive continue, VPPC, quand vous allez dans les voies respiratoires, nous savons que cela cause l'aérosolisation du virus. C'est pourquoi nous plaçons les patients dans des chambres à pression négative. Nous portons des masques N95 et ainsi de suite.
Ce qui n'est pas tout à fait clair, c'est ce qui se produit quand une personne tousse ou s'adonne à une activité physique et expire très fortement. Je crois que ce qui semble se produire est que vous pouvez avoir des gouttelettes semblables qui seront en suspension dans l'air pendant cinq à huit minutes, mais qu'il ne s'agit pas en soi d'une aérosolisation.
Il y a des études en cours, en particulier dans les établissements de soins de longue durée, où nous nous demandons tous s'il n'y a pas une transmission par voie aérienne, étant donné la forte proportion de personnes qui deviennent infectées simplement à entrer dans ces établissements. On prend des échantillons d'air afin de faire des cultures. Nous savons que nous sommes en mesure de trouver des morceaux du virus dans l'air, dans les établissements de soins de longue durée, mais nous ne savons pas si cet élément de virus est mort ou s'il est toujours capable de se reproduire.
Les études sont en cours, et je pense que nous aurons les résultats d'ici un mois environ. Nous saurons à ce moment-là. Je crois que simplement vivre au quotidien causera la suspension de gouttelettes dans l'air pendant cinq à huit minutes, comme quand vous chantez par exemple et que vous toussez très fort, et que ces gouttelettes auront encore le potentiel d'infecter la personne qui se trouve à proximité. On n'a toujours pas confirmé l'aérosolisation… Comme la Dre Tremblay l'a dit, cela reste à voir.
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Merci, monsieur le président, et merci à tous nos témoins de leurs déclarations liminaires.
Je veux parler un peu des subventions de recherche qui sont offertes.
Docteure Mossman, vous avez parlé de votre financement et dit qu'il provenait des IRSC.
Docteur Wright, vous avez dit dans votre témoignage que vous êtes très reconnaissant des fonds que vous recevez.
Docteure Tremblay, vous avez félicité le gouvernement pour les fonds qu'il a affectés à la recherche, mais vous avez toutefois dit que les possibilités de financement à court terme représentent les seuls fonds disponibles, et vous ne vous attendez pas à ce qu'il y ait d'autres annonces de financement.
Le 14 avril, le Comité a entendu dire que les IRSC, en collaboration avec les provinces, étaient en mesure d'investir 54,2 millions de dollars pour appuyer la lutte contre la COVID-19. Le 23 avril, notre comité a entendu dire que 115 millions de dollars supplémentaires étaient accordés dans le cadre d'une stratégie nationale de recherche médicale de 1,1 milliard de dollars pour lutter contre la COVID-19.
Après vous avoir entendus aujourd'hui, nous constatons que certains d'entre vous sont reconnaissants du financement reçu, et que d'autres le sont moins.
Docteure Quach-Thanh, vous avez dit qu'il est difficile d'obtenir des subventions des IRSC. Je suis un peu perplexe. Certains sont satisfaits des fonds de recherche et d'autres ne le sont pas. Combien faut-il de milliards de dollars supplémentaires pour satisfaire les chercheurs au Canada.
Je vais commencer par la Dre Quach-Thanh, s'il vous plaît.