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La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à tous à la 27
e séance du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi daté du 26 mai 2020, le Comité tient une séance d'information sur la réponse canadienne à l'éclosion du coronavirus.
J'ai quelques consignes à vous transmettre afin d'assurer le bon déroulement de la séance.
Pendant la vidéoconférence, le service d'interprétation sera très semblable à celui offert lors d'une réunion habituelle. En bas de votre écran, vous pouvez choisir le canal anglais, français ou l'audio en direct.
Si vous avez l'intention de passer d'une langue à l'autre lorsque vous parlez, vous devrez choisir le canal qui correspond à la langue dans laquelle vous vous exprimez. Il serait préférable de prendre une petite pause lorsque vous changez de langue et de canal.
Je vous prie d'attendre que je vous appelle avant d'intervenir. Pendant les séries de questions, l'intervenant doit indiquer le destinataire de la question.
Lorsque vous êtes prêts à intervenir, il faut cliquer sur l'icône du microphone afin d'allumer votre micro.
Je vous rappelle que toutes les interventions des membres du Comité et des témoins doivent être faites par l'entremise de la présidence, et lorsque vous ne parlez pas, votre micro devrait être éteint.
Je souhaite maintenant la bienvenue à notre premier groupe de témoins. Nous accueillons du Service correctionnel du Canada Mme Anne Kelly, commissaire; M. Alain Tousignant, sous-commissaire principal; et Mme Jennifer Wheatley, commissaire adjointe du Secteur des services de santé. La Commission des libérations conditionnelles du Canada est représentée par Sylvie Blanchet, première vice-présidente, et Daryl Churney, directeur général exécutif.
Ce sera le Service correctionnel du Canada qui ouvrira le bal. Vous avez 10 minutes.
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Monsieur le président, honorables membres du Comité, bonjour. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de vous présenter une mise à jour sur la situation actuelle liée aux cas de COVID-19 dans nos établissements, ainsi qu'un aperçu de l'approche de dépistage du Service correctionnel du Canada, le SCC, et nos plans pour l'avenir.
Monsieur le président, je suis très heureuse de signaler que, grâce aux efforts inlassables de notre personnel et aux mesures exceptionnelles mises en place, il ne reste qu'un seul cas actif de COVID-19 parmi les détenus dans nos 43 établissements.
Depuis le début de la pandémie, il y a eu des éclosions dans cinq de nos 43 établissements. Parmi les 13 900 détenus, 360 ont été déclarés positifs; sur ce total, 357 détenus, soit 99 %, en sont pleinement rétablis. Un détenu du Centre fédéral de formation au Québec se trouve toujours à l'hôpital, mais pas aux soins intensifs, et nous avons enregistré deux décès.
Sur les cinq éclosions, quatre ont été complètement étouffées, ce qui signifie que 28 jours se sont écoulés depuis le dernier cas positif. Notre dernière éclosion au Centre fédéral de formation au Québec sera déclarée terminée demain, s'il n'y a aucun nouveau cas. Il convient de souligner qu'il n'y a eu aucune éclosion dans les régions de l'Atlantique et des Prairies et que l'éclosion survenue en Ontario était limitée à huit détenus dans un seul établissement.
En ce qui concerne le personnel du SCC, sur les 142 employés déclarés positifs à ce jour, 132, soit 93 %, en sont pleinement rétablis.
J'aimerais profiter de l'occasion pour souligner les efforts extraordinaires déployés par nos employés et leur travail continu dans des circonstances exceptionnelles et difficiles.
Depuis le début de la pandémie, le SCC a adopté une approche proactive, s'inspirant des directives des autorités de santé publique et travaillant étroitement avec ses partenaires syndicaux, afin d'assurer la santé et la sécurité du personnel et des détenus dans tous ses établissements. Lorsque la pandémie a été déclarée le 11 mars, nous avons concentré nos efforts principalement sur la prévention de l'introduction du virus dans nos établissements en procédant rapidement à la suspension des visites du public, des permissions de sortir, sauf celles nécessaires pour des raisons médicales, des placements à l'extérieur et des transfèrements régionaux.
À la fin du mois de mars, le virus s'est introduit dans un de nos établissements, et l'objectif est devenu la prévention de sa propagation et, au fil du temps, la prise de mesures, à savoir: le renforcement des mesures de prévention et de contrôle des infections et des protocoles de nettoyage et de désinfection; la vérification active de tous les membres du personnel à l'entrée principale; la dotation par unité afin de prévenir la rotation du personnel dans l'ensemble des établissements; la formation du personnel sur les pratiques d'enfilage et d'enlèvement de l'EPI; la réduction des déplacements des détenus; des vérifications quotidiennes de l'état de santé pour identifier les détenus symptomatiques; l'administration immédiate de tests de dépistage de la COVID-19 à toute personne présentant des symptômes; la mise en isolement médical pendant 14 jours des détenus présentant des symptômes ou ayant été déclarés positifs au virus ou admis dans un établissement fédéral; la collaboration avec les autorités locales de santé publique pour garantir l'accès des détenus aux soins hospitaliers locaux, si nécessaire; la distribution de masques aux membres du personnel, aux détenus symptomatiques ayant été déclarés positifs, puis à tous les détenus; la mise en oeuvre de notre propre capacité de recherche des contacts en formant plus de 200 de nos employés; la reconfiguration des ateliers de CORCAN afin de produire des masques et des blouses jetables et lavables.
Le SCC a également travaillé avec l'Agence de la santé publique, les services sanitaires locaux et des experts de la collectivité pour assurer la tenue d'examens indépendants, sous la direction d'experts, dans toutes ses installations. À ce jour, tous les 43 établissements du SCC ont fait l'objet d'un examen des mesures de prévention et de contrôle des infections ou d'un examen de santé environnementale. Les examens ont permis de reconnaître que la COVID-19 est difficile à contenir dans des environnements fermés et de souligner le leadership de première ligne solide et l'engagement du personnel du SCC pour ce qui est de prévenir et de contenir la propagation du virus.
Ils rappellent également l'importance de former le personnel sur les pratiques d'enfilage et d'enlèvement de l'EPI, de mettre en place de solides pratiques de nettoyage et de désinfection, de limiter les déplacements du personnel et des détenus pour prévenir la propagation. Aucune des conclusions n'est insurmontable, mais elles nécessiteront une attention continue pour être durables dans les mois à venir. Des travaux sont actuellement en cours pour veiller à ce que le SCC soit bien positionné pour aller de l'avant.
J'aimerais maintenant décrire brièvement la stratégie de dépistage du SCC. Tout d'abord, le personnel des soins de santé soumet tous les détenus à une surveillance et à un dépistage actifs des symptômes de la COVID-19. Comme je l'ai déjà mentionné, le SCC place en isolement médical les détenus qui sont nouvellement admis ou sont réincarcérés dans un établissement du SCC en raison de la suspension ou de la révocation de leur mise en liberté, les détenus qui présentent des symptômes ou ont été déclarés positifs et leurs contacts étroits, et ce, jusqu'à ce qu'ils reçoivent une autorisation médicale, et les détenus qui sont mis en liberté dans la collectivité de l'établissement où il y a une éclosion, sur la recommandation des autorités locales de santé publique.
En ce qui concerne le personnel, tout employé symptomatique ou déclaré positif, ainsi que ses contacts étroits, doit s'isoler pendant au moins 10 jours, dont deux jours consécutifs sans symptôme. À l'heure actuelle, les détenus et les membres du personnel symptomatiques sont soumis à des tests de dépistage. La recherche des contacts est ensuite effectuée et des tests sont offerts aux personnes ayant été en contact étroit avec un cas positif. Les détenus et les membres du personnel qui sont à risque de contracter la COVID-19 en cas d'éclosion sont également soumis à des tests de dépistage. En cas de résultats positifs, la recherche des contacts est effectuée et des tests sont offerts.
À l'avenir, le SCC offrira des tests en fonction de sa stratégie de dépistage qui a récemment été élargie. La stratégie est adaptée à l'environnement fermé du SCC, est bien accueillie par les syndicats et est plus ambitieuse que la plupart, sinon la totalité, des stratégies de dépistage provinciales. En plus du dépistage qui est actuellement effectué, la stratégie de dépistage élargie prévoit l'administration de tests de dépistage à tous les détenus au moment de leur admission ou leur réincarcération dans un établissement correctionnel fédéral. Cette mesure s'ajoute à l'isolement médical de 14 jours qui se poursuivra. Elle prévoit également l'administration de tests de dépistage à tous les détenus avant leur mise en liberté dans la collectivité. Les résultats positifs seront communiqués aux autorités locales de santé publique et un plan sera élaboré conjointement.
Enfin, le dépistage sera étendu aux membres du personnel et aux détenus des établissements situés dans des zones où le taux de transmission communautaire est élevé, ce qui s'appelle la surveillance asymptomatique. En cas de résultats positifs, on effectuera la recherche des contacts et on offrira des tests de dépistage. De nouveaux tests de dépistage seront offerts pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, tant que les établissements se trouvent dans les collectivités où il y a un taux de transmission élevé. On dénombre à l'heure actuelle quatre zones dans la région du Québec qui ont des taux élevés de transmission communautaire, et sept de nos établissements sont situés dans ces quatre zones. Des tests de dépistage ont été offerts à tous les membres du personnel travaillant dans les établissements de la région de Laval.
Le SCC dispose actuellement d'une capacité de dépistage suffisante pour faire passer des tests à tous les détenus symptomatiques, ce qu'il fait présentement. Toutefois, la capacité de dépistage élargie sera réalisée au moyen de partenariats. Le SCC a déjà commencé à prendre contact avec les partenaires de la santé pour accroître sa capacité au moyen de protocoles d'entente conclus avec les autorités de santé publique, ainsi que de contrats avec des laboratoires privés. La stratégie sera mise en œuvre selon une approche progressive au cours des prochaines semaines et des prochains mois, à mesure que les protocoles d'entente et les contrats seront finalisés. La stratégie de dépistage élargie sera d'une importance capitale pour prévenir et contenir la propagation de la COVID-19 dans les mois à venir, en particulier lorsque le SCC commencera à assouplir certaines des restrictions qu'il a imposées. Bien que les établissements n'aient jamais été fermés, des mesures ont été prises pour prévenir et contenir la propagation du virus. On a notamment suspendu les visites et réduit les programmes.
Dans le but de façonner notre nouvelle normalité, j'ai mis en place une structure de gouvernance composée d'experts en la matière, de partenaires syndicaux et de cadres supérieurs de différents secteurs du SCC, ainsi que de représentants régionaux. Des intervenants externes, dont la présidente des comités consultatifs des citoyens et des organisations non gouvernementales, participent également aux travaux. Cette approche nous permet d'examiner les activités qui doivent reprendre et à quel moment, ainsi que les mesures de protection à mettre en place. Notre approche sera graduelle, variera sans doute d'une région à l'autre et tiendra compte des conseils de santé publique.
Dans un premier temps, nous nous pencherons sur le rétablissement des programmes en petits groupes destinés aux détenus dans certains établissements, car ils sont essentiels à la réussite de leur réadaptation et à la sécurité publique.
En conclusion, comme je le dis souvent, il n'y a pas plus de grande responsabilité que celle d'être chargé des soins et de la garde d'autres êtres humains. En tant que commissaire, je suis reconnaissante du travail de nos employés, de nos partenaires, des intervenants et des bénévoles, qui déploient des efforts extraordinaires durant cette période exceptionnelle.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci. Je serais heureuse de répondre à vos questions.
... et à faire des recommandations pour l'exercice de la clémence par le biais de la Prérogative royale de clémence.
La CLCC est composée de commissaires nommés par le gouverneur en conseil, ainsi que de fonctionnaires qui les soutiennent dans leur rôle décisionnel. La CLCC est une commission communautaire. Nous devons, en vertu de la loi, refléter la diversité de la société canadienne. Nos commissaires ont des antécédents divers, allant de la criminologie, du droit, des services correctionnels, de l'éducation, de la psychologie, du travail social jusqu'au secteur privé, pour n'en citer que quelques-uns.
Notre Programme de libération conditionnelle représente la majorité de notre travail. En 2019-2020, la CLCC a effectué 15 174 examens de libération conditionnelle. Sur une base hebdomadaire, la CLCC effectue en moyenne 281 examens de ressort fédéral et rend un total de 407 décisions de ressort fédéral. Il s'agit notamment d'examens et de décisions concernant les permissions de sortir, la semi-liberté et la libération conditionnelle totale, la post-suspension, la détention et la variation des conditions de libération.
En prenant des décisions en matière de libération conditionnelle, la CLCC est tenue par la loi de prendre en considération toutes les informations pertinentes et disponibles en lien avec le cas d'un délinquant. Les commissaires doivent prendre en considération et peser les informations telles que les informations relatives au tribunal et à la peine, la nature et la gravité de l'infraction, ainsi que les informations obtenues des victimes, du délinquant et d'autres composantes du système de justice pénale, y compris des évaluations fournies par les autorités correctionnelles.
Aucun facteur unique dans un examen de libération conditionnelle n'est jamais déterminant dans la prise de décisions de la CLCC. La sécurité publique est la considération primordiale dans toutes les décisions et doit être pesée en fonction d'une évaluation rigoureuse des risques liée à la capacité du délinquant à se réinsérer en toute sécurité dans la communauté.
La commission ne prépare pas les délinquants à leur libération ni ne gère ou ne supervise les délinquants en liberté. C'est la responsabilité du Service correctionnel du Canada. Les résultats de la CLCC en matière de libération conditionnelle reflètent la grande qualité de ses décisions. L'année dernière, 99 % des périodes de surveillance de semi-liberté et 98 % des périodes de surveillance de liberté conditionnelle totale n'ont pas été révoquées pour cause de récidive, et ces chiffres sont restés constants au cours des 10 dernières années.
Je vais maintenant me pencher sur les activités de la Commission et les mesures que nous avons prises durant la pandémie de la COVID-19. Depuis le début de la COVID-19, la CLCC a adopté des mesures pour protéger la santé et la sécurité du public, des délinquants, de ses commissaires et employés, tout en continuant à remplir son important mandat de sécurité publique. Ce faisant, nous avons été informés et guidés tout au long de cette situation par les conseils et les recommandations des responsables de la santé publique.
Au cours de cette période sans précédent, la CLCC a rationalisé ses opérations pour se concentrer sur ses fonctions essentielles relatives aux décisions en matière de libération conditionnelle, aux opérations et appels, aux pardons et suspensions du casier, aux nominations de commissaires et aux services internes essentiels. Ces fonctions essentielles sont principalement exécutées par les commissaires et le personnel travaillant à distance, et par un petit nombre de commissaires, de cadres, de gestionnaires, et de personnel essentiel travaillant dans les bureaux de la CLCC, tout en pratiquant l'éloignement physique.
Les audiences de libération conditionnelle sont menées à distance par vidéoconférence ou téléconférence, selon le cas, à l'extérieur des établissements correctionnels. La CLCC s'est également efforcée de rationaliser ses processus et de modifier certaines de ses politiques afin d'offrir une plus grande souplesse au SCC et aux partenaires communautaires...
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Certainement. Merci beaucoup.
Les audiences de libération conditionnelle sont menées à distance par vidéoconférence ou téléconférence, selon le cas, à l'extérieur des établissements correctionnels. La CLCC s'est également efforcée de rationaliser ses processus et de modifier certaines de ses politiques afin d'offrir une plus grande souplesse au SCC et aux partenaires communautaires. Par exemple, pour les délinquants qui sont déjà en semi-liberté dans la communauté et qui deviennent admissibles à la libération conditionnelle totale, la CLCC a mis en place des mesures d'efficacité pour accélérer ces décisions en procédant à un examen par voie d'étude du dossier.
La CLCC a également modifié sa politique afin de permettre au Service correctionnel du Canada d'autoriser des privilèges de sortie pour des raisons médicales aux délinquants résidant dans la communauté pour une durée maximale de 30 jours, au lieu de la limite actuelle de 15 jours.
La CLCC continue également à traiter les cas de libération conditionnelle à titre exceptionnel aussi rapidement que possible. La libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel est un mécanisme prévu par la loi qui permet d'envisager la libération conditionnelle des délinquants qui n'ont pas encore atteint leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle dans des circonstances exceptionnelles, notamment pour les délinquants qui sont en phase terminale ou dont la santé physique ou mentale risque d'être compromise si la détention se poursuit. Depuis le 1er mars 2020, il y a eu sept cas de libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel. Il y a présentement 33 décisions en attente. À titre de comparaison, il y avait eu seulement quatre cas de libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel au cours de l'année dernière.
La CLCC travaille également avec le SCC pour mieux tenir compte de la situation des délinquants pendant la pandémie, par exemple en imposant une condition de résider dans un foyer ou un environnement familial où ce placement est adapté aux risques, plutôt qu'au sein d'un établissement résidentiel communautaire. Depuis le 1er mars, nous prenons en moyenne 11 décisions en matière de semi-liberté dans un autre lieu précisé par semaine, alors que nous en prenions 5 par semaine en 2019-2020.
De plus, la CLCC a travaillé en étroite collaboration avec le SCC pour examiner les cas où les délinquants qui résident dans des établissements résidentiels communautaires peuvent voir leurs conditions d'assignation à résidence modifiées pour spécifier un autre lieu, comme un foyer familial. Depuis le 1er mars 2020, nous avons pris en moyenne sept décisions de ce type par semaine, par rapport à une par semaine en moyenne l'année dernière.
Compte tenu des restrictions actuelles résultant de la COVID-19, le délai pour qu'un délinquant puisse interjeter appel auprès de la Section d'appel a été prolongé et est passé de deux mois à trois mois afin d'aider les délinquants à préparer leur appel, en particulier s'ils ont besoin de demander le soutien de sources extérieures. Conformément à la LSCMLC, les délinquants ont droit à un assistant à leur audience. Nous avons pu faciliter la participation des assistants des délinquants à distance par téléconférence.
La CLCC demeure déterminée à faire en sorte que les voix des victimes soient entendues dans cette situation sans précédent, et qu'elles continuent à recevoir toutes les informations prévues par la loi auxquelles elles ont droit. La CLCC a mis en oeuvre des améliorations technologiques et procédurales, à titre de mesure provisoire, afin de donner aux victimes la possibilité de participer aux audiences de la CLCC par téléphone et de faire examiner leur déclaration de la victime par les commissaires. Comme nos audiences se tiennent à distance, cela signifie que pour une audience typique, nous pouvons avoir six personnes ou plus connectées à partir de différents endroits. Pour les victimes qui préfèrent ne pas assister à une audience, la CLCC continue d'accepter les déclarations de la victime sous différents formats, y compris par enregistrement sonore ou vidéo.
En ces temps sans précédent, la CLCC a pris des mesures pour s'assurer qu'elle continue à remplir son important mandat de sécurité dans des circonstances extraordinaires. Je suis extrêmement fière de la résilience et de l'engagement dont ont fait preuve nos commissaires et employés face à ces défis.
Enfin, je voudrais également inviter les membres du Comité intéressés à participer à une audience en bonne et due forme, une fois que nous aurons repris les audiences tenues en personne, à prendre contact avec nous et nous serons heureux de faciliter cette démarche.
Merci.
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Monsieur le président, les conservateurs ont déjà tenté de salir ma réputation une fois. Je n'accepterai pas que, devant des témoins qui attendent de comparaître, l'on insinue que j'apporte un amendement parce que je ne veux pas travailler.
Je demande à M. Jeneroux de retirer immédiatement ses paroles. Ses propos sont disgracieux, et cela n'a aucun sens de tenir de tels propos, qui font preuve d'un manque de respect envers ses collègues. J'ai dit tantôt la raison pour laquelle je voulais retirer cela. Puisque M. Fisher a dit qu'il était d'accord avec moi, doit-on conclure que lui non plus ne veut pas travailler?
J'ai expliqué que c'était strictement lié à la série de motions qui ont été déposées et que nous devions être en mesure de terminer notre travail et de traiter les informations. Je parle d'expérience, car j'ai déjà fait des demandes d'accès à l'information à la suite desquelles j'ai été complètement noyé dans une foule de documents totalement impertinents. Je ne vois pas en quoi les textos en lien avec la première proposition qui a été bloquée il y a plusieurs mois étaient pertinents. Nous pourrons en juger durant le débat en fonction des arguments.
Je demande à M. Jeneroux d'être respectueux envers ses collègues. Je travaille et je suis reconnu pour être un bourreau de travail. Je lui demanderais donc de retirer ses propos et ses insinuations qui visent encore une fois à salir ma réputation. Les conservateurs ont été disgracieux la dernière fois et ne se sont même pas excusés. Pourtant, ils ont proposé la même chose trois semaines plus tard.
Pouvons-nous avoir un débat de fond serein au lieu d'un procès d'intentions contre les individus qui proposent des amendements?
Monsieur le président, je vous prierais de gérer cela correctement parce que, cette fois-ci, cela ne passera pas.
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Monsieur le président, j'appuie, moi aussi, l'amendement et je peux vous donner un exemple très classique.
La semaine dernière, en une seule journée, j'ai reçu pas moins de 91 courriels. Il m'a fallu presque toute la journée pour en réduire le nombre à 21.
Si nous commençons à examiner une question aussi vaste, je ne peux tout simplement pas imaginer le nombre de courriels qui viendront obscurcir l'affaire. Nous devons nous concentrer sur l'information utile et ne pas nécessairement diluer la valeur de l'information en la surchargeant d'autres renseignements qu'on pourrait rassembler et passer au crible dans l'ensemble des documents que cette motion demande.
Si nous supprimons « et les courriels », nous devrions faire une retouche au texte et ajouter « et les » avant le mot « motions ». J'ignore si, pour le faire, il faut une autre motion — je ne suis pas aussi versé que beaucoup de nos collègues dans les subtilités du processus parlementaire — mais je pense qu'il faudrait également en tenir compte.
À vous, monsieur le président, d'en décider.
Je tiens à dire que la suppression proposée des courriels est une demande très légitime, qui permettrait de soulager d'un fardeau injuste et lourd les personnes qui devront s'appliquer aux bonnes tâches durant cette urgence.
Mesdames et messieurs, nous devons nous occuper d'une pandémie. Nous ne devrions donc pas surcharger le système. Nous devrions respecter le temps et l'énergie de tous ceux qui travaillent à ce dossier. Je pense que la suppression des courriels est une façon non négligeable de le faire.
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Monsieur le président, les deux points de vue ont marqué des points. J'avais observé que, en général, l'opposition exige une divulgation plus grande, tandis que le parti ministériel cherche à la limiter, et je constate que c'est encore la même chose aujourd'hui.
J'appuierai l'amendement seulement parce que, si les renseignements que nous obtiendrons ne sont pas suffisants, il reviendra à M. Kitchen ou à M. Paul-Hus de proposer une autre motion pour prendre connaissance des courriels. Il me semble que ce n'est pas convaincant de... C'est la deuxième ou troisième fois que j'entends le parti ministériel prétendre que c'est une trop lourde tâche que de divulguer les courriels. La divulgation et la responsabilisation sont des notions fondamentales, et je crois que tout le monde connaît le mot célèbre de , selon qui son gouvernement devait être « transparent par défaut ». C'est ce qu'il a affirmé aux Canadiens.
La difficulté d'obtenir des courriels ou la lourdeur excessive de la tâche ne sauraient, à elles seules, l'emporter sur le besoin de transparence. Je crois aussi que la motion de mon collègue conservateur reconnaît implicitement aux courriels une franchise, des précisions et un luxe de détails qu'on ne trouve pas dans d'autres documents. L'appui à cette motion, pour faire avancer la séance, ne signifie aucunement que je ne crois pas que les courriels soient une source valide d'information, et nous pourrions revenir à la charge ultérieurement.
Je tiens cependant à formuler des observations sur le caviardage et je demande à la greffière d'en faire aussi. Quand notre comité a adopté une motion pour la divulgation de renseignements par le gouvernement, nous avons obtenu des documents que le gouvernement avait fait caviarder de façon abusive, disons-le franchement. Je tiens à m'assurer que les documents que nous réclamons nous arriveront non caviardés, et, au besoin, c'est notre greffière qui désignera les passages à caviarder.
La dernière fois, ce caviardage abusif, par un tiers, a bafoué les privilèges des membres de notre comité. Si nous devons exiger du gouvernement une reddition de comptes — et je crois que, dans sa motion, mon collègue s'y prend de la bonne manière, vu, particulièrement, que la frontière affecte tant de Canadiens de tant de façons, tant sur le plan économique que sur le plan personnel —, je tiens alors à ce que notre comité obtienne l'information sans fard. Qu'on sache bien que je chercherai à obtenir des documents qui ne seront pas aseptisés, comme ils l'ont été la dernière fois, pour protéger les intérêts politiques du gouvernement.
Enfin, il n'est pas si difficile de trouver des courriels. Tous nos ordinateurs comportent des fonctions de recherche qui permettraient de retrouver, par exemple, tous ceux qui auraient eu pour objet les contrôles frontaliers. Je le dis à l'intention de M. Van Bynen. En fait, comme les courriels sont, par définition, stockés dans des ordinateurs, il est effectivement très facile de produire très rapidement des documents par courriel. L'argument ne me convainc donc pas.
Pour faire avancer les choses, mettons l'amendement aux voix. J'appuie celui de M. Thériault pour, actuellement, mettre de côté les courriels, à la condition de me réserver le droit de revenir plus tard à la charge si les documents communiqués à notre comité se révèlent ne pas répondre suffisamment aux objectifs de mes confrères conservateurs.
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Je suis d'accord sur les propos de mon collègue M. Davies. La motion en soi est quand même assez importante et imposante: le Comité demande qu'on lui fournisse tous les documents pertinents, notamment les notes d'information, les documents de référence et les notes de service.
Si, dans ces documents, rien ne nous permet de comprendre ce qui a mené au retard dans la fermeture de la frontière, c'est qu'il y a quelque part un sérieux problème. Le cas échéant, nous pourrons poser des questions en conséquence. Je rappelle, et de là venait ma remarque, qu'une mauvaise loi est souvent une loi inapplicable.
Ce même parti voulait même obtenir des textos, la dernière fois. En étudiant l'ensemble des motions déposées, et il y en a une série, on constate chaque fois qu'on veut obtenir l'ensemble des courriels de l'ensemble des intervenants. Or je pense qu'il faut se limiter aux informations pertinentes. Dans le cas présent, nous avons dans cette motion tout ce qu'il faut pour nous faire une idée très claire de ce qui s'est passé, et ce, avec toute la transparence requise. Si ce n'est pas le cas, nous reviendrons à la charge.
Pour en revenir à la question de M. Webber, je le renvoie à l'édition du 23 avril 2020 de La Presse. Il pourra comprendre ce à quoi je faisais référence.
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Merci, monsieur le président.
En ce qui concerne l'amendement de M. Kelloway, qui dit « au plus tard le 31 août », nous pourrons bien sûr recevoir les documents plus tôt si c'est possible. Je trouve important que nous comprenions tous cela.
Nous avons pour objectif d'obtenir les meilleures informations possible. Nous savons que de nombreux autres comités envisagent l'adoption de motions similaires ayant trait à la production de documents. Même s'il est bien sûr important que ce travail soit fait, je pense que nous voulons de la qualité et de la rigueur afin de vraiment comprendre quelle a été la réponse du gouvernement, et aussi de planifier la suite des choses. Je suis persuadée que nous espérons tous pouvoir ouvrir la frontière dès que possible.
Toutefois, comme M. Powlowski l'a dit précédemment, c'est une question très délicate. Il est évidemment question des échanges commerciaux si importants pour nos deux économies, mais aussi de la santé de la population, bien sûr, et du fait de ne pas savoir exactement ce qui se passe au sud de notre frontière à un moment donné, puisqu'il y a tant d'États différents, et ainsi de suite.
Ce que nous voulons, c'est une production… qui soit transparente, complète et de bonne qualité. Je suis d'avis que le calendrier proposé dans l'amendement de M. Kelloway est tout à fait logique.
Je suis favorable à la date du 10 août. Je suis vraiment sidéré que l'on puisse penser qu'il faudra deux mois et demi pour produire ces documents. Nous sommes le 15 juin. Nous n'avons pas besoin d'attendre jusqu'au 31 août. Pour être franc, je pense même que les documents pourraient être produits beaucoup plus tôt que le 10 août.
À certains égards, la date est arbitraire. Nous ne faisons que choisir des dates ici, mais si la motion de M. Kitchen dit qu'il veut recevoir les documents au plus tard le 10 août, je pense que nous devrions respecter sa volonté. Qu'il s'agisse du 1er août ou du 15 août, aucun d'entre nous n'est outillé pour déterminer si c'est assez ou non. Je pense que nous devrions respecter l'intention de la motion initiale. Comme M. Van Bynen l'a dit, il est évident qu'en choisissant une date butoir, nous limitons les documents qui seront produits par la suite. M. Kitchen en a sûrement tenu compte dans sa motion. Il n'y a aucune raison bureaucratique de ne pas pouvoir faire préparer ces documents d'ici les deux prochains mois. Je vais donc appuyer la motion avec la date du 10 août.
Je tiens également à répéter une fois de plus qu'un gouvernement responsable doit être surveillé par des politiciens élus démocratiquement. Je m'inquiète d'un argument qui a été invoqué à plusieurs reprises. En demandant la divulgation de renseignements qui nous permettraient de nous acquitter de notre obligation de surveiller la fonction publique, ou même le comportement et la réponse du gouvernement, nous empêcherions d'une certaine façon le gouvernement de lutter contre la pandémie. Le gouvernement peut marcher tout en mâchant de la gomme. Je n'ai entendu aucun député du gouvernement dire que la transparence et la reddition de comptes ne sont pas possibles en ce moment parce qu'ils sont trop occupés à lutter contre la pandémie.
Je tiens à exprimer avec la plus grande fermeté mon opposition à cette fausse dichotomie entre le fait d'empêcher d'une manière quelconque nos fonctionnaires de lutter contre la pandémie, et de nous libérer de notre responsabilité d'exercer une surveillance parlementaire. Nous sommes actuellement dans un gouvernement minoritaire. Aucun parti ne bénéficie du soutien majoritaire de la Chambre des communes. Je pense qu'il est injuste de suggérer qu'en nous libérant de nos devoirs de parlementaires, comme cette motion cherche à le faire pour la transparence et la reddition de comptes, nous empêchons d'une manière ou d'une autre le gouvernement de lutter contre la pandémie. Il n'y a pas l'ombre d'une preuve en ce sens, et ce n'est pas acceptable.
Je vais appuyer la motion telle quelle et proposer que nous passions au vote. Nous avons déjà perdu un groupe de témoins. Ce n'est pas un problème, soit dit en passant. Je tiens également à dire que les membres du Comité ont le droit de présenter des motions au Comité, et qu'il est regrettable que cela se produise parfois lorsque nous sommes au beau milieu d'une étude. Or, je suis toutefois un peu perplexe lorsque les membres du Comité s'excusent auprès des témoins comme si nous faisions quelque chose de déplacé. C'est le seul moment dont nous disposons pour présenter des motions — pendant les réunions du Comité —, et il s'agit d'une utilisation tout à fait convenable de notre temps.
Cela nous enlève malheureusement du temps pour les témoins, mais puisque nous recevons des invités à chaque séance, nous n'avons pas d'autre moment pour le faire. Je respecte le droit de mes collègues de présenter des motions, et je respecte aussi leur droit d'en discuter, mais je pense que nous avons déjà beaucoup parlé de cette motion, et j'espère que nous pourrons la soumettre au vote dès que possible.
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Merci, monsieur le président.
Je pense que M. Davies a fait d'excellentes observations, tout comme M. Thériault. Si le 10 est arbitraire et le 31 aussi, pour ma part, je veux que nos fonctionnaires travaillent sur le problème qui les touche: la pandémie.
M. Van Bynen dit avoir reçu 91 courriels en une journée; il est un député. À notre bureau, si vous additionnez les courriels qui arrivent à nos différentes adresses, le chiffre s'élève à plusieurs centaines par jour. Imaginez que ces fonctionnaires doivent... Peut-être que M. Davies a raison. Peut-être qu'ils n'ont pas besoin d'interrompre leur travail. Peut-être qu'ils peuvent marcher tout en mâchant de la gomme. Cependant, le plus important ici, c'est pour l'instant de prendre soin des Canadiens pendant cette pandémie et de leur donner de bons conseils.
Il est vrai que le 10 et le 31 sont des dates très arbitraires, mais encore une fois, l'amendement contient la mention « au plus tard ». Je suggère donc que nous appuyions le 30, et au plus tard le 31, pour donner aux fonctionnaires le temps dont ils ont besoin pour se concentrer sur leur travail, sur ce qu'ils doivent faire chaque jour.
M. Davies a raison. Nous sommes probablement à la fin du débat sur la question. Je tiens encore une fois à le remercier de ses commentaires. C'est important. C'est le seul moment où nous pouvons nous réunir pour mettre ces choses au point. Nous sommes minoritaires et nous trouvons des moyens. Notre comité a fait un très bon travail depuis sa création. Il a été le premier à se former, et nous avons été en mesure de nous réunir, de trouver des solutions et de faire en sorte que les choses fonctionnent plutôt rondement. Il y a peut-être des obstacles de temps à autre, mais je pense que notre comité est formé d'un groupe de députés qui veulent vraiment atteindre le même but, mais peut-être pas exactement par le même chemin.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais proposer la modification suivante. Je propose d'ajouter, après « le 10 août 2020 », les mots « pourvu que le gouvernement évalue et valide la collecte et la publication des documents comme il le ferait pour les demandes d'accès à l'information. »
Plusieurs autres comités ont apporté cette modification lorsqu'ils ont adopté des motions identiques. Le vendredi 5 juin, , au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire, a proposé:
Que, compte tenu de la réponse écrite du ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire à la question du député Philip Lawrence portant sur le coût de la taxe sur le carbone pour l’industrie agricole, dans laquelle son analyse et ses estimations ne reflètent pas les stocks de réserve fédéraux, le Comité exige la production d'une copie de tous les rapports, les notes d’information, les notes de service, les courriels et les documents liés à la taxe fédérale sur le carbone et à son coût, direct ou indirect, pour l’industrie agricole, ventilé par province, dans les deux langues officielles, avant le samedi 1er août 2020, pourvu que le ministère évalue et valide la collecte et la publication des documents comme il le ferait pour les demandes d’accès à l’information.
C'est également ce qui a été fait dans plusieurs autres motions. Je ne sais si vous voulez que je les lise toutes pour le compte rendu, mais M. Barlow l'a proposé dans deux ou trois autres motions. a proposé:
Que, dans le cadre de son étude sur la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19 et conformément à l'alinéa 108(1)a) du Règlement, le Comité exige la production des documents suivants par le gouvernement d'ici le lundi 3 août 2020, que ces documents soient rendus publics sur le site Web du Comité d'ici le lundi 10 août 2020, et que les ministères chargés de recueillir et de communiquer les documents suivants procèdent à leur examen et à leur filtrage comme s'il s'agissait d'une demande d'accès à l'information.
J'en ai plusieurs autres, monsieur le président. C'est le libellé, tant en anglais qu'en français, qui semble aussi avoir été retenu dans la plupart des motions de Mme Block et de M. Barlow. Je suggère donc que nous fassions également cet ajout à la fin de la motion à l'étude.
J'en fais la proposition. Merci, monsieur le président.
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La Société John Howard du Canada est un organisme de bienfaisance qui s'est engagé à avoir des systèmes de justice pénale justes, efficaces et humains. Je remercie le Comité de l'invitation à faire part de nos préoccupations relativement à la réponse à l'éclosion de coronavirus au Canada. La pandémie a suscité des craintes chez beaucoup de Canadiens et elle a grandement perturbé leur vie. Pour d'autres, elles a eu des conséquences tragiques, et nous offrons nos condoléances à ceux qui ont perdu des amis et des membres de leur famille à cause de cette maladie.
Le gouvernement fédéral est directement responsable des détenus à sa garde, et le coronavirus a de profondes répercussions sur les pénitenciers fédéraux. Deux personnes sont décédées, plus de 360 personnes sont tombées malades, et cinq établissements ont été contaminés. On a établi que le taux d'infection y était 13 fois plus élevé qu'au sein de la population générale.
Selon le rapport de l'enquêteur correctionnel publié le 23 avril, 400 détenus ont été placés en isolement médical dans des conditions extrêmes qui violaient leurs droits. Des centaines d'autres sont enfermés dans leur cellule 22 heures par jour, ce qui donne lieu à des contacts humains réels inadéquats selon la définition onusienne de l'isolement cellulaire et l'interdiction connexe. Dans certains cas, on a eu recours à la force contre des détenus qui manifestaient contre les conditions, et certains ont dû recevoir des soins médicaux à l'extérieur de l'établissement. Les visites des membres de la famille et des bénévoles ont été annulées, et les services d'aumônerie ont été suspendus, ce qui a contribué à accentuer le sentiment d'isolement. Des programmes et des moyens pour faire avancer les plans correctionnels ont été suspendus, ce qui s'est traduit par un sentiment de désespoir et de frustration.
Nous traversons la pire crise des services correctionnels canadiens depuis les manifestations du Pénitencier de Kingston il y a près de 50 ans. Le drame, c'est que des épidémiologistes et d'autres experts médicaux nous avaient avertis de l'effet amplificateur des prisons sur le virus. Les experts médicaux et les experts en droits de la personne ont conseillé de retirer le plus de monde possible des pénitenciers et de donner une chance aux autres, grâce à la prévention, en permettant la distanciation sociale.
À partir du moment où on a parlé de pandémie à la mi-mars, on a demandé au gouvernement fédéral de remettre en liberté des détenus de façon sécuritaire. On a ignoré ces demandes. Le 30 mars, deux premiers détenus ont été déclarés positifs à Port-Cartier. Le 31 mars, le a demandé au Service correctionnel du Canada et à la Commission des libérations conditionnelles du Canada d'examiner des moyens d'accélérer les remises en liberté. D'autres mesures plus expéditives, comme le sursis de l'exécution de peines accordé en vertu du pouvoir de faire preuve de clémence de la gouverneure générale, n'ont pas été envisagées.
Alors que d'autres pays et d'autres provinces ont remis en liberté des centaines, voire des milliers de détenus pour suivre le conseil des experts médicaux, ce n'est pas ce que le Canada a fait. Le Canada a des responsabilités envers les détenus. L'article 215 du Code criminel précise que les personnes responsables de la détention sont juridiquement tenues de fournir les choses nécessaires à l'existence aux personnes dont elles ont la garde et qu'elles sont passibles, sans excuse légitime, de poursuites au criminel si elles ne s'acquittent pas de cette obligation et mettent en danger la vie d'un détenu ou sa santé de façon permanente.
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition oblige le Service correctionnel à offrir des soins de santé essentiels et un accès raisonnable à des soins de santé non essentiels qui sont conformes aux normes professionnelles reconnues. Un des principaux objectifs du système correctionnel, comme le prévoit la Loi, consiste à assurer l'exécution des peines par des mesures « sécuritaires et humaines ». Le Service correctionnel du Canada doit recourir à la mesure la moins restrictive qui soit sans être contraire à la protection de la société, des membres du personnel et des délinquants.
L'Organisation mondiale de la Santé et d'autres organismes internationaux ont publié une déclaration commune sur la façon dont la COVID-19 devrait être gérée dans les pénitenciers. Entre autres choses, il est indiqué que la réponse à la COVID-19 dans les pénitenciers doit respecter les droits de la personne des détenus privés de leur liberté et que l'effet perturbateur des restrictions doit être activement atténué. La déclaration indique que toutes les interventions doivent se conformer aux normes des Nations unies sur le traitement des prisonniers, aux Règles Nelson Mandela. Selon ces règles, l'isolement cellulaire signifie l'isolement pendant « 22 heures par jour ou plus, sans contact humain réel », et l'isolement cellulaire prolongé, soit 15 jours ou plus, est interdit et constitue une forme de traitement cruel. Les tribunaux canadiens ont reconnu le préjudice attribuable à l'isolement et ont observé des violations de la Charte.
Des centaines de détenus ont été isolés bien au-delà de 15 jours consécutifs pendant la réponse à la COVID-19. Ils sont nombreux à vouloir une enquête indépendante dans nos pénitenciers fédéraux pour déterminer si les responsables ont rempli leurs obligations, pour établir comment des personnes sont décédées et sont tombées malades, tant à cause du virus proprement dit qu'en raison de l'isolement strict imposé en réponse, et pour évaluer ce qui devrait être fait à l'avenir pendant une deuxième vague ou une autre pandémie.
D'après les préoccupations dont m'ont fait part des détenus et leurs familles, l'enquête pourrait fournir des réponses dont nous avons grandement besoin. Pour gagner du temps, je vais vous donner des catégories plutôt que d'aborder les problèmes soulevés par les détenus et leurs familles. Il y a notamment des préoccupations concernant les mesures prises pour éviter que la maladie entre dans les pénitenciers, le traitement réservé aux détenus infectés après la contamination des pénitenciers, la façon de gérer les autres détenus ainsi que la réouverture des pénitenciers et le rétablissement de certaines des mesures strictes mises en place pendant la pandémie.
En conclusion, des détenus dans nos pénitenciers fédéraux ont souffert de la réponse du gouvernement au coronavirus. Il y a lieu de se demander si les devoirs et les obligations à l'égard des détenus ont été remplis pendant cette période. J'espère que le Comité recommandera la tenue d'une enquête indépendante en profondeur pour examiner la situation et apprendre de cette crise pendant laquelle on a mis en péril la santé physique et mentale de nos détenus et ignoré leurs droits.
Merci beaucoup.
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Bonjour. Je m'appelle Stan Stapleton, et je suis le président national du Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice, aussi appelé le SESJ. Puisque notre organisation nationale représente des employés qui travaillent aux premières lignes de la pandémie, je vous suis énormément reconnaissant de me donner l'occasion d'être ici avec mon collègue, David Neufeld, qui est le vice-président national.
Le SESJ représente plus de 16 000 employés de la fonction publique fédérale qui travaillent pour 18 ministères et organismes fédéraux intervenant dans les domaines de la sécurité ou de la justice. Cependant, la plupart de nos membres travaillent pour le Service correctionnel du Canada.
Contrairement au Syndicat des agents correctionnels du Canada, le SACC, dont les membres jouent un rôle lié à la sécurité dans les pénitenciers fédéraux, le SESJ représente un éventail diversifié d'employés jouant des rôles cruciaux dans les domaines de la réadaptation ou de l'administration. Ce sont les agents des services d'alimentation, les agents de libération conditionnelle et les agents de programmes, les enseignants, les gestionnaires, Évaluation et interventions, les équipes chargées des installations et de l'entretien, et les infirmières auxiliaires autorisées. Des centaines d'agents de libération conditionnelle et d'équipe de gestions de cas d'un bout à l'autre du pays supervisent la réinsertion des délinquants sous responsabilité fédérale. Leur travail est de veiller à ce que les délinquants sous responsabilité fédérale de partout au pays se conforment à leurs plans de surveillance et ne risquent pas de récidiver.
Je serai très honnête avec vous. Quand la COVID-19 a frappé, je ne crois pas que nous étions prêts. S'il existait déjà des protocoles en cas de pandémie, ils n'ont pas été immédiatement mis en œuvre au sein du SCC. Le 18 mars, j'ai écrit une lettre à la commissaire, Anne Kelly, pour l'implorer de mettre immédiatement en œuvre des mesures proactives visant à minimiser la propagation de la COVID dans les établissements fédéraux ainsi qu'à en contenir l'étendue dans la collectivité. Il fallait que le SCC fasse ce qui a effectivement été fait dans les résidences de soins de longue durée au Canada, notamment, contrôler étroitement les allées et venues dans les pénitenciers fédéraux; resserrer considérablement les protocoles de nettoyage et de désinfection; veiller à l'utilisation appropriée de l'équipement de protection individuelle et encourager le port du couvre-visage à l'intérieur; entreprendre le dépistage à grande échelle; empêcher les employés de travailler à plusieurs emplacements; et isoler les cas présumés parmi les employés et les délinquants.
Pendant plusieurs semaines, nous avons constaté que les nouveaux protocoles n'étaient pas toujours mis en œuvre de façon uniforme. Par exemple, l'accès au dépistage et à l'équipement de protection individuelle était limité, la désinfection était inadéquate, les employés se déplaçaient d'un site à l'autre, la livraison d'aliments dans les établissements touchés présentait des risques de propagation du virus, et il n'y avait pas assez d'ordinateurs portatifs pour permettre le travail à domicile. Bien franchement, compte tenu des conditions de vie et de travail au SCC pendant cette pandémie, il est remarquable qu'on ait pu limiter les éclosions majeures à cinq établissements fédéraux et à deux décès. C'est extrêmement malheureux, mais cela aurait pu être bien pire.
Les hauts dirigeants du SESJ ont travaillé sans relâche pendant plusieurs semaines afin de mettre en évidence les enjeux, les lacunes, les oublis et les possibilités, de sorte qu'on puisse mieux faire les choses concernant la COVID. On pourrait dire que nous avons été relativement chanceux, cette fois-ci. Cependant, les nombreux employés du SCC qui ont travaillé à plein régime et subi énormément de stress, ces derniers mois, ne voient probablement pas la situation d'un si bon œil.
Heureusement, en ce moment, le SCC et ses partenaires syndicaux sont en bien meilleure position. C'est en partie grâce au groupe de travail mixte sur la transition créé par le SCC, le SESJ et les autres partenaires syndicaux. Le groupe de travail est une chose que le SESJ a réclamée pour assurer la sécurité des employés et des délinquants. La contribution de ce groupe de travail est très encourageante sur le plan du respect et de l'engagement. Nous félicitons Bev Arsenault de son leadership à cet égard. Je crois qu'il peut se faire le reflet d'une nouvelle orientation dans la façon dont le SCC traite ses partenaires syndicaux, lesquels ont une connaissance directe des défis sur le terrain.
Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, David Neufeld.
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Maintenant que nous amorçons l'étape de la réinitialisation, dans le contexte de cette pandémie, il faut absolument que le SESJ travaille en très étroite collaboration avec le SCC et les autres intervenants, premièrement — et c'est essentiel — afin d'évaluer l'efficacité des protocoles mis en place à cause de la COVID-19 et de déterminer ce qui peut être amélioré et la façon de s'y prendre, et deuxièmement, afin d'évaluer ce qui est nécessaire dans cette nouvelle normalité pour que les opérations se poursuivent efficacement et en toute sécurité tout en nous préparant immédiatement à de futures vagues et à deux futurs défis. À cette fin, nous faisons les recommandations suivantes.
Premièrement, le SESJ est encouragé à viser une plus grande collaboration avec le SCC. Le travail conjoint fructueux qui se fait en ce moment donne déjà des résultats positifs pour l'ensemble des employés, délinquants, établissements et installations. Le SESJ est résolu à travailler étroitement avec tous les intervenants afin de prendre le temps de faire une réflexion critique sur les derniers mois et d'agir maintenant pour atténuer les effets de futures pandémies éventuelles. Nous estimons que le travail du groupe de travail doit se poursuivre pour encore au moins un an, jusqu'à ce que la pandémie soit bel et bien derrière nous.
Deuxièmement, dès le début, les mesures de sécurité mises en place doivent vraiment prendre en compte les observations des employés de première ligne qui travaillent dans les établissements, les centres correctionnels communautaires et les bureaux de libération conditionnelle dans la collectivité. Au début de la pandémie, des membres du SESJ de partout au pays ont exprimé énormément de frustration parce que la direction du SCC ignorait leurs observations. Ils ont été nombreux à estimer que les vies des délinquants et des employés étaient à risque, en particulier là où il y a eu des éclosions et où des centaines de délinquants sont tombés malades. Nos membres sont souvent ceux qui mettent les nouveaux protocoles en place. Leur adhésion aux protocoles est donc absolument indispensable. Personne ne comprend les considérations opérationnelles mieux que ceux qui en constatent les effets au quotidien. Leur contribution est d'une grande importance et doit être traitée avec respect.
Troisièmement, pour que les niveaux de service continuent de correspondre aux normes qui s'appliquaient avant la pandémie, il faudra plus de ressources, et en particulier plus de ressources humaines. De nombreux employés du SCC ont adapté leur travail en fonction des exigences de distanciation physique et des autres exigences liées à la COVID-19. Par exemple, un agent de programmes du SCC dans la collectivité qui a la responsabilité d'offrir un programme de réadaptation hebdomadaire à un groupe de 10 délinquants doit maintenant rencontrer chacun des délinquants chaque semaine par vidéoconférence ou téléconférence. Non seulement cela exige beaucoup plus de temps, mais cela signifie que chaque délinquant doit avoir accès à un téléphone intelligent ou à un appareil, à une connexion Internet fiable et à un lieu tranquille pour parler avec l'instructeur. Il est indispensable d'avoir suffisamment de ressources humaines pour maintenir la fréquence requise des contacts avec les délinquants. Une fréquence de contacts significative est absolument essentielle à une bonne supervision et à la réadaptation, ainsi qu'à la sécurité du public. Pour certains, la COVID-19 n'a fait qu'aggraver les problèmes de charge de travail et les niveaux de stress, compte tenu de la nécessité de travailler différemment.
Quatrièmement, les processus de désinfection doivent être améliorés. La COVID-19 nous a obligés à regarder de bien plus près les protocoles de nettoyage du SCC. Le SCC s'est récemment engagé à se conformer aux normes de l'Agence de la santé publique du Canada. Au cours des derniers mois, les employés ont travaillé fort à contribuer aux travaux de nettoyage accrus, même si cela ne faisait pas partie de leurs fonctions officielles. Cependant, on mise en ce moment sur un petit groupe de délinquants pour faire la majorité du travail de désinfection dans les très gros pénitenciers, avec une formation nulle ou modeste aux normes s'appliquant en période de pandémie, et cette façon de faire est irresponsable. La réponse n'est pas non plus d'impartir ces tâches essentielles à des agences extérieures dont les employés se déplacent énormément. Recourir à des entreprises externes de nettoyage qui se rendent dans divers lieux augmente les risques de propager le virus entre les établissements. Nous avons constaté cela avec l'éclosion dans l'Établissement de Mission, en Colombie-Britannique. Les personnes qui faisaient le nettoyage circulaient entre deux pénitenciers différents la même semaine. De plus, les salles d'entrevue que de nombreux employés utilisent pour rencontrer les délinquants dans les établissements fédéraux sont souvent extrêmement petites et ne sont pas nettoyées régulièrement. Le risque est le même pour les établissements du SCC et les centres correctionnels communautaires que pour les résidences de soins de longue durée au Canada. Nous pressons le SCC d'embaucher des professionnels du nettoyage convenablement formés à plein temps dans chaque établissement, bureau de libération conditionnelle dans la collectivité et centre correctionnel communautaire.
Enfin, en ce qui concerne leur empreinte dans la collectivité, les agents de libération conditionnelle dans la collectivité et les équipes de gestion de cas ont nettement réduit leur empreinte et ont réduit la contagion dans la collectivité en offrant les programmes par téléphone ou par vidéo. Ils assurent aussi la supervision en réduisant le nombre de fois ou un délinquant doit se rendre à un bureau de libération conditionnelle dans la collectivité ou en rencontrant le délinquant dans la collectivité, mais en maintenant une distance sécuritaire. Dans de nombreux cas, les membres des équipes de gestion de cas peuvent travailler efficacement à domicile.
Étant donné la possibilité d'une deuxième vague, le SESJ recommande fortement qu'aucun changement important ne soit apporté à cette approche modifiée de supervision des délinquants dans la collectivité, et ce, tant que le Canada n'aura pas la certitude que la deuxième vague est passée.
En conclusion, nous pressons les membres du Comité de penser à la façon dont le gouvernement fédéral peut aider le système correctionnel fédéral en prévoyant des ressources adéquates qui permettront de maintenir cette nouvelle normalité. Il est impératif d'ajouter des ressources humaines, de contenir l'empreinte et d'adopter des pratiques de nettoyage plus robustes pour assurer la sécurité des délinquants, des employés et des Canadiens. Le gouvernement fédéral doit également veiller à ce que les agences de santé publique de partout au Canada offrent le dépistage à grande échelle aux délinquants et aux employés. Le SCC doit continuer d'encourager la collaboration constante avec ses partenaires syndicaux et ses employés de première ligne.
Je vous remercie du temps que vous nous accordez. Nous serons ravis de répondre à toutes vos questions.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, bonjour.
C'est un honneur pour moi de m'adresser à vous. Je m'appelle Marlene Orr. Je suis actuellement sur le territoire du Traité no 6. En tant que membre de la nation crie de Beaver Lake visée par le Traité no 6, je suis particulièrement fière de souligner que je me trouve sur le territoire traditionnel de mon peuple.
Je suis directrice des services correctionnels aux Native Counselling Services of Alberta, un organisme à but non lucratif qui offre depuis plus de 50 ans des programmes et des services aux Autochtones ayant des démêlés avec la justice. Les Native Counselling Services of Alberta exploitent le principal pavillon de ressourcement pour les hommes délinquants sous responsabilité fédérale et le premier pavillon de ressourcement visé par l'article 81 pour les délinquantes sous responsabilité fédérale.
Les pavillons de ressourcement sont des établissements fédéraux à sécurité minimale dans lesquels la communauté autochtone prend en charge et détient des délinquants de niveau de sécurité minimale sous responsabilité fédérale en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. En mettant l'accent sur la culture et les cérémonies autochtones, les pavillons de ressourcement visés par l'article 81 s'efforcent de réintégrer dans la communauté des délinquants autochtones sous responsabilité fédérale à l'aide d'une vision du monde autochtone. Nous sommes mieux outillés que le Service correctionnel ou ses autres partenaires pour gérer ces délinquants puisque nous comprenons le traumatisme du passé. Nous écoutons les conseils de nos aînés concernant la façon d'aborder les questions de traumatisme et les liens qui existent entre ces problèmes et l'activité criminelle. Nous sommes plus efficaces que le Service correctionnel du Canada pour ce qui est d'assurer la réintégration des délinquants autochtones sous responsabilité fédérale, car nous connaissons nos collectivités. Les pavillons de ressourcement visés par l'article 81 sont le visage de la réconciliation et de la réintégration des délinquants autochtones sous responsabilité fédérale.
Je vais parler aujourd'hui des répercussions de la COVID-19 sur les Autochtones en général, et sur les délinquants autochtones et les fournisseurs de services en particulier. Les répercussions à grande échelle sont importantes pour comprendre l'incidence sur les délinquants.
Depuis les audiences et les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, nous sommes mieux informés des problèmes sociaux dans les collectivités autochtones ainsi que du lien direct entre ces problèmes et le traumatisme historique. Nous comprenons que la myriade d'effets, comme la perte culturelle, la fragmentation des familles, l'absence de modèles parentaux, la toxicomanie, la pauvreté et la violence sous toutes ses formes, est directement liée aux mesures législatives adoptées au Canada dans le but de priver les peuples autochtones de leur identité culturelle et légale afin d'avoir accès à leurs terres.
Personne n'était préparé aux bouleversements que l'apparition de la COVID-19 causerait dans nos vies quotidiennes. Les changements rapides dans les politiques des gouvernements et des entreprises ont suscité la peur et l'anxiété, et causé l'isolement pendant des mois. Les Canadiens ont largement ressenti les effets de cela, mais c'est particulièrement le cas des peuples et collectivités autochtones, toujours aux prises avec les effets de la pauvreté et du traumatisme historique.
Avec les mesures mises en place par le Canada, les provinces, les municipalités et les collectivités des Premières Nations, les préoccupations relatives à la santé mentale et la solitude ont ajouté au stress. Les incidences sur nos collectivités, où se font encore sentir les effets intergénérationnels, ont exacerbé les problèmes de santé mentale pour les peuples autochtones, peut-être dans une plus grande mesure que pour d'autres. Les problèmes non résolus du traumatisme ont fait surface et se sont amplifiés. Faute d'avoir accès à leur communauté culturelle et spirituelle, de nombreux Autochtones se retrouvent incapables de faire face à leurs problèmes de santé émotionnelle et mentale sans aide. C'est particulièrement vrai pour les délinquants autochtones dans les établissements carcéraux.
Avec le relâchement des restrictions, l'importance de porter un masque et des gants a été soulignée par les autorités provinciales et fédérales. Maintenant que de nombreuses provinces se préparent à la reprise, le port de masques deviendra de plus en plus nécessaire pour les personnes qui veulent accéder à des services. Par exemple, en Alberta, les personnes qui vont en cour sont tenues de porter le masque, mais les organismes gouvernementaux n'en fournissent pas. Compte tenu du degré de pauvreté de nombreux Autochtones, ceux-ci risquent peu d'avoir les ressources nécessaires pour se procurer cet équipement de protection. On s'attend à ce que de nombreux organismes autochtones sans but lucratif doivent fournir cet équipement à leurs frais.
Très tôt dans la pandémie, les écoles ont fermé et on s'attendait à ce que les cours se donnent en ligne. On attendait des élèves qu'ils poursuivent leurs études tout en étant en isolement. Ce sont des efforts louables, mais ils viennent d'une perspective très privilégiée.
Selon le Canadian Poverty Institute, les Autochtones au Canada connaissent les plus hauts taux de pauvreté. Ce qui est troublant, c'est qu'un Autochtone sur quatre vit dans la pauvreté. Je peux vous affirmer, l'ayant moi-même vécu, que les objets de luxe comme les appareils électroniques, l'accès WiFi ou les données cellulaires sont inaccessibles, financièrement, pour les personnes qui vivent dans la pauvreté.
La nécessité d'avoir des appareils et des données pour demeurer connectés est devenue problématique pour nous également. Le soutien en ligne qui est nécessaire pour les personnes marginalisées exclut les Autochtones parce qu'ils n'ont pas accès à la connectivité. Comme nous l'avons vu aujourd'hui, ce sont des problèmes auxquels notre organisation fait face quand il s'agit de services provenant d'un édifice fédéral.
Les bailleurs de fonds ont forcé de nombreux organismes à assumer le coût réel de la mise en place de services en ligne, et quand vous savez que de nombreux Autochtones sont trop pauvres pour être connectés virtuellement, ce n'est pas vraiment sensé. De nombreuses collectivités autochtones ont des problèmes de connectivité à cause de la qualité médiocre du service Internet auquel elles ont accès. Il y a par exemple un établissement métis en Alberta où les services WiFi ne vont pas au-delà du bureau de gouvernance à cause du manque d'infrastructure Internet dans cette collectivité éloignée.
Nous avons également subi les effets de ce manque de connectivité. Au début de la pandémie, les membres du personnel correctionnel ont reçu l'ordre de travailler à domicile et d'utiliser les ordinateurs portatifs du Service correctionnel du Canada pour rester connectés au Système de gestion des délinquants. Ils étaient donc en sécurité et profitaient du soutien du Service correctionnel qui leur fournissait l'équipement nécessaire pour faire leur travail en isolement.
Les partenaires autochtones des services correctionnels communautaires n'avaient pas le même équipement et, par conséquent, ne pouvaient pas travailler à domicile. Les membres du personnel des pavillons de ressourcement ont dû se rendre tous les jours au travail au risque de s'exposer et d'exposer les délinquants dans un établissement résidentiel communautaire. Malgré les nombreuses demandes d'ordinateurs portatifs et de connectivité, les deux pavillons de ressourcement que je supervise n'en ont pas obtenu. On nous a dit, au SCC, qu'il n'y avait pas d'équipement disponible, mais nous avons appris que le SCC avait acheté environ 20 000 ordinateurs portatifs pendant la pandémie et que ces ordinateurs étaient stockés à Ottawa. Le message implicite, c'est que le gouvernement se préoccupe de la sécurité de ses employés, mais pas de la sécurité de ses partenaires autochtones.
Tandis que les membres du personnel du Service correctionnel travaillaient à la maison, certaines de leurs responsabilités étaient jugées trop risquées pour qu'ils s'en acquittent, par exemple les prises d'échantillons d'urine des détenus et des délinquants en liberté sous condition. Cette responsabilité a été dévolue à mon personnel, car apparemment, cette tâche n'est pas risquée pour les Autochtones.
Un de nos pavillons de ressourcement se trouve dans un vieil édifice fédéral. Le SCC a la responsabilité de l'entretenir. Un incendie d'origine électrique a complètement endommagé notre système de caméras de surveillance, mais le personnel d'entretien du Service correctionnel a refusé d'entrer dans notre édifice même si nous avions pris des précautions bien avant que le SCC le fasse. Nous avons dû nous arranger par nous-mêmes.
Le SCC a été lent à mettre en œuvre sa réponse à la COVID-19. Nous ne pouvions pas obtenir de réponses à nos questions sur les politiques, les pratiques ou le dépistage. Étant donné que nos pavillons de ressourcement sont également, en partie, des établissements résidentiels communautaires, nous avons des détenus et des délinquants en liberté conditionnelle. Nous sommes le seul établissement résidentiel communautaire de l'Alberta à être resté ouvert pendant la pandémie. Nous avons mis en place des politiques liées à la COVID-19 des semaines avant que le SCC le fasse, et nous avons continué d'accepter des délinquants libérés de l'établissement fédéral.
Nos politiques exigent que le service de santé en établissement atteste que les délinquants libérés n'ont pas la COVID ou, du moins, qu'ils n'en ont pas les symptômes. Pendant trois bonnes semaines, le personnel des libérations conditionnelles en établissements et dans la collectivité n'ont fait aucun cas de nos politiques, et nous avons dû nous débattre pour chacun des transferts. Nous avons demandé qu'ils attestent que le transfert des délinquants libérés se faisait dans un véhicule du SCC qui avait été désinfecté après l'utilisation précédente. Pendant trois semaines, chacun des établissements fédéraux d'où nous sont arrivés des délinquants libérés s’est obstiné à ce sujet avec mon personnel. Cela vous donne une bonne idée de l'absence de politiques et de pratiques concernant la pandémie au SCC. Cela vous donne aussi une bonne idée de l'absence de pratiques en matière de santé et de sécurité en général.
La pandémie a révélé les fissures dans les relations entre le SCC, les Autochtones et les partenaires communautaires.
Subissant l'incroyable pression politique qui allait en croissant, le SCC et la Commission des libérations conditionnelles se sont dépêchés de réduire les populations des prisons par crainte de voir la COVID-19 se propager. On a agi dans la précipitation sans comprendre la façon dont cela toucherait les Autochtones dans les collectivités. Cette précipitation à réduire la population a plutôt servi à déplacer les délinquants et a augmenté leur risque d'être exposés au virus et à la pauvreté.
Il est bien connu que mon peuple est prédisposé à divers problèmes de santé comme le diabète, la tuberculose et les problèmes respiratoires. À cause de cela, les Autochtones de nos collectivités sont particulièrement vulnérables à la COVID-19, et les risques de contracter le virus sont nettement supérieurs en présence de tels problèmes de santé. Cela a poussé les Premières Nations à prendre des mesures sans précédent pour protéger leurs collectivités en fermant l'accès à leur territoire aux personnes qui n'y vivent pas. Les coûts supplémentaires de la mise en œuvre de mesures de sécurité et de mesures pour assurer la souveraineté alimentaire sont énormes et représentent un défi pour nos collectivités.
Si vous ne viviez pas dans la collectivité quand la pandémie a frappé, vous risquiez fort de ne pas y avoir accès. Le SCC n'avait pas avec les collectivités autochtones les liens qui lui auraient permis de bien comprendre l'effet de la libération de délinquants autochtones dans des collectivités fermées.